SACRÉE CONGRÉGATION POUR L'EDUCATION CATHOLIQUE

LA FORMATION THÉOLOGIQUE DES FUTURS PRÊTRES

ROME 1976

 

 

INTRODUCTION

 

Théologie et mutations culturelles

  1. Parmi les nombreux traits caractéristiques de notre temps, les profondes mutations qui affectent la culture et la théologie prennent un singulier relief. C'est toute la vie de l'Eglise qui s'y trouve intéressée, mais en premier lieu la formation théologique des futurs prêtres. Comme dans tous les secteurs de l'éducation, on y relève: un changement dans les horizons de recherche, des méthodes nouvelles, des intérêts nouveaux, des déplacements d'accent. En ces derniers temps, on a vu s'accumuler dans ce secteur les problèmes qui appellent l'attention de tous les responsables et les invitent à une sérieuse réflexion.
  2. Importance du sujet traité

  3. C'est pourquoi la S. Congrégation pour l'Education Catholique se permet d'adresser aux Evêques et à tous ceux qui les aident dans l'éducation du clergé un document concernant la formation théologique des candidats au sacerdoce. Plusieurs motifs demandent que le sujet soit traité avec l'ampleur et la profondeur convenables: les uns sont intrinsèques à la formation théologique, comme il a été dit plus haut; d'autres sont extrinsèques, comme les changements qui se sont produits dans le contexte historique, dans les conditions de la vie et du ministère sacerdotaux, dans le domaine de l'évangélisation et quant aux besoins généraux de l'Eglise. Dans la situation présente, l'enseignement théologique revêt une importance de premier ordre et son renouvellement souhaité éveille une grande espérance. Une mise à jour convenable de la préparation théologique des candidats apparaît comme l'un des meilleurs moyens pour rendre vigueur aux Séminaires et offrir à la vie spirituelle du clergé et à son ministère pastoral un fondement toujours plus solide.
  4. Divisions dans l'exposé

  5. Pour mettre de l'ordre et de la clarté dans la présentation du sujet on a estimé opportun de procéder de la façon suivante:
  6. I. Présenter quelques aspects de la situation actuelle;

    II. Rappeler quelques-unes des exigences de l'enseignement théologique qui dérivent de la nature même et de la fonction propre de la théologie;

    III. Formuler quelques orientations, soit quant à l'enseignement théologique en général, soit quant aux diverses disciplines en particulier.

    IV. Etablir quelques normes pratiques à observer dans toutes les Institutions auxquelles est confiée la formation théologique des futurs prêtres.

     

     

     

    I. Aspects de la situation actuelle

     

     

    I.. Nouvelles Requêtes Du Ministère Pastoral

     

     

    Responsabilité pastorale accrue

  7. 1) Une première raison qui oblige à apporter un soin particulier à l'approfondissement de la formation théologique consiste dans la nature nouvelle des conditions où les prêtres auront dans l'avenir à exercer leur ministère. Devenus moins nombreux à cause de la diminution générale des vocations, ils se verront insérés dans un cadre plus large de responsabilités apostoliques où certains ministères seront confiés aux diacres et aux fidèles. En vertu de leur caractère propre, les prêtres seront associés de plus près à la sollicitude pastorale de leurs Evêques: ils devront assumer des charges toujours plus générales et plus complexes et participer à des initiatives plus vastes, diocésaines et extra-diocésaines. Une responsabilité pastorale ainsi élargie demandera évidemment de leur part une compétence théologique et une sûreté doctrinale non communes.
  8. Transformations dans l'Eglise et dans le monde

  9. 2) Les prêtres auront en outre à exercer leur ministère dans une Eglise en mouvement, qui cherche à s'adapter aux nécessités nouvelles, qu'elles naissent de l'intérieur ou qu'elles soient le fait du monde. Dans ce contexte une ferme théologie constitue un fondement indispensable soit pour interpréter correctement les signes des temps, soit pour faire face aux situations neuves en évitant l'immobilisme aussi bien que l'aventure.
  10. Exigences accrues du milieu pastoral

  11. 3) Les prêtres de demain auront affaire comme pasteurs à des hommes plus adultes, plus critiques, mieux informés, plongés dans un monde idéologiquement pluraliste où le christianisme sera exposé à des interprétations de tout genre et suspect a priori de la part d'une culture qui se fait toujours plus étrangère à la foi. Il leur sera impossible d'apporter à la foi et à la communauté ecclésiale le service qu'ils lui doivent s'ils ne disposent d'une solide formation théologique que le Séminaire a commencée et qui doit se poursuivre toute la vie. On ne doit pas oublier également que la culture théologique de bien des laïcs est aujourd'hui plus avancée : ils fréquentent eux-mêmes les Ecoles et les Facultés de théologie. Le clergé aura donc besoin d'un niveau élevé de préparation.
  12. Dangers accrus pour la foi

  13. 4) Enfin, il est à prévoir que la foi du prêtre lui-même sera demain exposée à de plus grands périls que par le passé. L'expérience montre déjà quelles difficultés rencontrent parfois les prêtres à surmonter l'épreuve de l'incrédulité et du scepticisme ambiants. La formation sacerdotale doit prévoir cette situation difficile: comment les prêtres pourraient-ils rester fermes dans la foi et y confirmer leurs frères sans une formation théologique qui soit à la hauteur d'un tel état de choses?
  14. Le ministère " théologique " du prêtre

  15. 5) Les considérations précédentes montrent à l'évidence que le prêtre ne peut se contenter d'une formation d'ordre surtout pratique et d'une culture médiocre. Tout prêtre n'est pas appelé à devenir un spécialiste en théologie, mais il y a entre le ministère pastoral et la compétence théologique un lien naturel. On attend du prêtre qu'il remplisse, dans la communauté chrétienne, un véritable ministère théologique, même s'il ne doit pas pour autant être un théologien de profession. En effet, évêques et prêtres sont, en tant que pasteurs, responsables de la prédication officielle de la foi dans l'Eglise.
  16.  

     

    II. nouvelles tâches de la théologie

     

     

  17. La formation théologique dont on a voulu souligner l'importance doit donc faire face à des situations et à des problèmes nouveaux. De nombreuses expériences et des nécessités d'ordre divers invitent à mettre en relief certaines dimensions de la recherche et de l'enseignement théologique qui présentent quelque urgence en vue des tâches multiples à remplir aujourd'hui.
  18. Adaptation du langage théologique à la nouvelle culture

  19. 1) Autrefois le travail théologique s'exerçait dans un monde dont la culture lui était relativement homogène: la foi de l'Eglise, en effet, inspirait la culture et les mœurs. Il en est aujourd'hui tout à fait autrement. Sécularisé, devenu souvent indifférent à l'égard du problème religieux, le monde actuel n'est plus en accord avec la foi et la prédication de l'Eglise. Il est donc nécessaire de travailler à rendre l'Evangile intelligible à nos contemporains. Il faut trouver pour eux un langage adapté. Or une telle mission est trop grave et trop délicate pour être abandonnée aux improvisations et aux initiatives des individus. C'est précisément la tâche de la théologie de contribuer à cette œuvre par la solidité scientifique et la clarté doctrinale.
  20. Exigences théologiques de l'œcuménisme

  21. 2) L'activité théologique est aujourd'hui également marquée dans une mesure notable par l'incidence du dialogue œcuménique: en même temps que les théologiens sont amenés à de nouvelles recherches dans l'histoire et dans les sources, c'est un nouveau climat qui s'instaure dans la théologie et dans toute l'Eglise. Avant tout le devoir s'impose de redécouvrir la dimension œcuménique de la théologie et de formuler des vérités de la foi " avec plus de profondeur, plus d'exactitude, avec des formes d'exposition et d'expression qui puissent être comprises aussi de nos frères séparés ".[Décr. Unitatis redintegratio, n. II.]
  22. Interpellation théologique issue — de la vie de l'Eglise

  23. 3) Mais c'est aussi la vie de l'Eglise qui vient aujourd'hui interpeller énergiquement la théologie. En effet, la vie de l'Eglise suscite des questions inédites, à partir d'une nouvelle praxis qui doit être analysée et, dans la mesure du possible, intégrée à la foi. L'importance de l'action pastorale est mise ainsi en lumière: elle provoque à la réflexion théologique, elle stimule l'enseignement théologique pour que, sans perdre son authenticité, il se fasse plus vivant et plus actuel. Cette fonction de la théologie est indispensable pour le service du peuple de Dieu.
  24. — de la réalité sociale

  25. 4) L'interpellation arrive aussi à la théologie, et toujours plus pressante, du fait des problèmes graves que rencontre le monde moderne. La Constitution Gaudium et spes a marqué l'intérêt de l'Eglise pour l'ensemble de la famille humaine. Au cours des dernières années, la théologie est devenue plus sensible aux problèmes économiques, sociaux, politiques de l'humanité, vus à la lumière de l'Evangile. Une conscience plus vive des implications et des conséquences sociales du dogme a éveillé un mouvement non seulement au plan de l'action mais encore au plan de la réflexion proprement théologique. On ne peut l'ignorer quand il s'agit de former des clercs.
  26. — des sciences humaines

  27. 5) Pour remplir sa mission au service de l'Eglise d'aujourd'hui la théologie doit rencontrer les sciences humaines. Certes, celles-ci ne sont plus ignorées de la théologie; bien mieux, quelques-uns de leurs apports ont été de quelque façon canonisés au point de se trouver liés aux formulations historiques de la foi.
  28. Mais, tout en gardant la conviction que des avantages toujours plus grands pourront résulter du développement actuel de ces sciences, la théologie ne se dissimule pas que cette rencontre ne va pas présentement sans quelques conséquences délicates: en pénétrant peu à peu les mentalités et la culture d'aujourd'hui, les sciences humaines révèlent en l'un ou l'autre secteur les insuffisances d'un certain langage théologique; en outre, le prestige de ces sciences est si grand dans certains milieux théologiques que la science sacrée s'en trouve diminuée et perd son caractère spécifique. Sous couvert de théologie on fait de l'histoire ou de la sociologie. Il est bon de garder présentes à l'esprit de telles difficultés. Mais surtout la nécessité s'impose de déterminer avec soin la nature de la science théologique dans ses rapports avec les autres sciences.

    Pluralisme théologique

  29. 6) Un autre phénomène caractéristique de la situation présente c'est la disparition de l'unité dont jouissait l'enseignement théologique classique. Les disciplines théologiques se sont ouvertes à des problèmes nouveaux, à des philosophies nouvelles, à des apports nouveaux de la part des sciences. Les questions concernant la religion sont devenues du coup plus complexes et sujettes à des interprétations diverses. La voie s'est trouvée ainsi ouverte à un certain pluralisme. L'une des tâches de la théologie contemporaine est précisément de tracer les limites, légitimes et nécessaires, d'un tel pluralisme. Tout cela rend encore plus urgent un renouvellement de l'enseignement.
  30. Développement considérable des disciplines théologiques

  31. 7) Il devient finalement de plus en plus difficile, dans l'enseignement actuel de la théologie, de concilier l'énorme développement des diverses disciplines avec le peu de temps dont on dispose. De toute évidence, dans les conditions actuelles, on ne peut penser à un enseignement encyclopédique, apportant des réponses exhaustives à toutes les questions théologiques aujourd'hui débattues. C'est toute une restructuration de l'ensemble de l'enseignement qui s'impose, si l'on veut donner aux séminaristes une vision cohérente et globale du mystère chrétien.
  32.  

    II. Exigences de l'enseignement théologique

     

    I. Exigences fondamentales

     

  33. La situation complexe que nous venons de décrire ne peut manquer d'entraîner pour l'enseignement théologique d'importantes conséquences. La nature même de la théologie et de sa mission comporte certaines exigences fondamentales.
  34. I. Nature de la théologie

    Science de la foi

  35. 1) II faut avant tout appeler l'attention sur la nature de la théologie. Tout en se renouvelant et en s'adaptant aux nécessités du temps, celle-ci demeure fidèle à elle-même comme science de la révélation chrétienne, dans la continuité de la tradition. La fides quaerens intellectum, c'est-à-dire la foi qui tend à chercher et à développer son intelligibilité propre atteint son but grâce à la théologie sous une forme plus haute et systématique. L'objet de la théologie ce ne sont pas les vérités obtenues par le travail de la raison mais les vérités révélées par Dieu et connues grâce à la foi. Le domaine de la foi reste pour la théologie un domaine qu'elle ne peut outrepasser. Son progrès ne peut se faire au prix d'une confusion avec les autres sciences, hors de la perspective de la foi.
  36. Face aux diverses interrogations

  37. 2) A l'intérieur du cercle de la foi la théologie doit répondre soit aux instances internes de la foi elle-même — cum assensu cogitare —, soit aux interpellations qui lui viennent de la culture et qui cherchent à insérer la foi dans le contexte psychologique et social d'une époque, au contact des interrogations et des préoccupations de l'homme moderne.
  38. Irréductible aux autres sciences

  39. 3) La théologie, science qui naît de la foi et se développe dans l'ambiance de la foi et à son service, use du discours de la raison et des données de la culture pour mieux saisir son propre objet. Elle jouit donc d'un statut particulier dans le système des sciences même religieuses: elle ne peut se confondre avec elles, ni davantage être prisonnière de leurs méthodes.
  40. Relations avec les sciences religieuses

    a) En particulier elle ne peut être assimilée et réduite à l'histoire des religions ou des dogmes, à la psychologie religieuse, à la sociologie de l'Eglise; elle conserve sa nature propre et sa fonction spécifique même dans le cadre des disciplines qui s'occupent de religion.

    Relations avec les sciences naturelles et humaines

    b) Dans les conditions socio-culturelles créées par le développement des sciences humaines et naturelles, la théologie assume les résultats certains de ces sciences, elle tient compte de la mentalité et de l'esprit que celles-ci engendrent, ainsi que des interprétations que l'homme donne de soi-même dans chaque génération. Ainsi elle peut et doit se développer sous forme d'un travail documenté, précis, accessible, surtout quant aux points de dogme ou de morale qui concernent l'origine, la constitution, le comportement, le développement, le destin de l'homme, sans s'écarter pour autant des données certaines et immuables de la Parole de Dieu. [Cf. paul VI, Homélie Hodie Concilium, dans la dernière Session du Conc. Vat. II, 7 déc. 1965: AAS 58, 1966, pp. 55 ss. ; L'homme existe-t-il?, au Congrès Thomiste International, 12 sept. 1970; AAS 62, 1970, pp. 602 ss.]

    Catholicité et lien avec l'Eglise

  41. 4) La théologie catholique ne peut faire abstraction de la doctrine et de l'expérience vécue au sein de l'Eglise,[paul VI, Exhort. Apost. Quinque iam anni, cinq ans après le Cône. Vat. II, à tous les évêques, 8 déc. 1970: AAS 63, 1971, pp. 102-103.] dont le Magistère conserve et interprète authentiquement le dépôt de la foi contenu dans la Sainte Ecriture et dans la Tradition. C'est pourquoi le théologien catholique ne peut, dans le domaine de l'exégèse et dans les autres domaines de son travail scientifique, suivre inconditionnellement les méthodes ou accepter les résultats de théologies opposées ou étrangères à l'Eglise. Outre qu'il ne répond pas à la spécificité de la théologie catholique, un conformisme dépourvu de critique à l'égard de ces théologies n'est même pas dans l'intérêt d'un véritable œcuménisme.[Cf. Décr. Unitatis redintegratio, n. II.]
  42. Dimension spirituelle et personnelle de la théologie

  43. 5) Ayant pour objet des vérités qui sont principe de vie et d'engagement personnel,[" "A Dieu qui révèle est due l'obéissance de la foi" (Rom. 16, 26; cfr. Rom. I, 5; 2 Cor. 10, 5-6), par laquelle l'homme s'en remet tout entier et librement à Dieu dans " un complet hommage d'intelligence et de volonté",.." (Const. Dei verbum, n. 5).] la théologie possède soit pour le croyant, soit pour la communauté, une dimension spirituelle: le théologien, dans sa recherche et son travail, ne suit pas une ligne purement intellectuelle, il obéit aux exigences de la foi, réalisant toujours plus parfaitement son union existentielle avec Dieu et son insertion vitale dans l'Eglise.
  44. En vertu de sa nature, la théologie a un caractère vital qui la met à une place unique, dans le cadre épistémologique des sciences.

     

    2. Fonction de la théologie

     

  45. Comme science de la Révélation chrétienne, la théologie a une fonction spécifique à l'intérieur des activités et des ministères de l'Eglise, communauté de foi et de charité à laquelle Dieu a confié la Révélation et la mise en œuvre du salut réalisé par le Christ.
  46.  

    Au service — des données de la révélation

  47. 1) La théologie scrute et approfondit le donné révélé; elle en trace les limites et collabore à son développement homogène, selon les exigences de la foi [Cf. Const. Dei verbum, n. 8.] et les indications fournies par les signes des temps dans lesquels elle discerne des signes de Dieu.[Cf. Const. Gaudium et spes, n. 4.] Cette fonction essentielle ne peut être ni écartée ni dépassée dans une situation contingente et pas davantage par conséquent à l'heure présente.
  48. — de la vie spirituelle

  49. 2) Dans l'accomplissement de cette tâche la théologie a une incidence importante sur la vie spirituelle: elle éclaircit et approfondit le sens des lois du salut et des conditions du progrès spirituel offert par la Révélation. C'est vrai en particulier pour la formation des futurs prêtres à une piété éclairée et solide, fondée sur l'intelligence de leur ministère et sur la conscience de la valeur du don que l'Eglise réclame d'eux.[Cet aspect de la théologie doit être mis en particulier relief dans le Cours d'introduction où " le mystère du salut doit être proposé aux séminaristes, de telle sorte qu'ils découvrent le sens des études ecclésiastiques, leur ordre et leur fin pastorale, et qu'ils soient en même temps aidés par là à fonder toute leur vie sur la foi et à l'en pénétrer. Ils seront aussi par là affermis dans leur vocation ratifiée par une donation faite d'un cœur joyeux " (Décr. Optatam totius, n. 11).]
  50. — du ministère pastoral

  51. 3) Il en résulte encore que la théologie a une mission par rapport à l'apostolat chrétien et spécialement par rapport au ministère pastoral: elle permet d'en voir l'insertion dans l'économie du salut, elle fournit les ressources doctrinales et les indications pratiques qui en facilitent l'accomplissement. Les futurs pasteurs d'âmes ont donc absolument besoin d'une excellente formation théologique.[Cf. Décr. Optatam totius, n. 18; Décr. Presbyterorum Ordinis, n. 19; Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, nn. 82-85.]
  52. — de l'édification du Corps Mystique du Christ

  53. 4) Par rapport à l'édification du " Corps du Christ qui est l'Eglise " (Col. I, 24), la théologie est appelée à une œuvre constructive: il lui appartient de mettre au point les données de foi et de morale fournies par la Révélation au service du magistère et qui devront être appliquées aux questions du moment; elle traite scientifiquement des problèmes qui touchent la pensée et la vie de l'Eglise; elle s'applique à déterminer, éclairer et résoudre positivement les problèmes que les circonstances soulèvent au niveau doctrinal et au niveau pratique.[Cf. Const. Gaudium et spes, nn. 46 ss.]

— des missions

La théologie est appelée en particulier à interpréter et servir l'élan d'une nouvelle conscience missionnaire dans l'Eglise. Avec les religions et les cultures non chrétiennes il faut établir les conditions d'un dialogue qui rende possible de nouvelles formes d'évangélisation à mesure que les âmes se rapprochent.[Cf. Déclaration Nostra aetate, passim; Décr. Ad. génies, nn. II; 22.]

— de l'œcuménisme

A l'intérieur même du monde chrétien se manifestent des exigences œcuméniques dont la théologie doit tenir compte: étude des sources communes; connaissance approfondie de la pensée des diverses Eglises et communions chrétiennes sur les points controversés; développement de la dimension œcuménique dans l'ecclésiologie et dans les traités qui intéressent davantage le problème de l'union des chrétiens.[Cf. Décr. Unitatis redintegratio, n. II; Cf., en outre, secrétariat pour l'union des chrétiens, Directoire œcuménique, IIe Partie: De re œcumenica in institutione superiore: A AS 62, 1970, pp. 705 ss.]

  1. 5) La théologie est appelée à recueillir les instances humaines et évangéliques incluses dans les problèmes posés par l'homme et par le monde. Elle doit s'efforcer de reconnaître plus parfaitement les points de contact que ces requêtes offrent avec le Message évangélique, sans toutefois se dissimuler les divergences. Elle doit faire en sorte que les solutions qu'on s'efforce de donner à ces problèmes puissent bénéficier de la lumière plus haute du christianisme et de sa vertu constructive.[Const. Gaudium et spes, nn. 46 ss.]
  2. — du progrès social

    Dans cette ligne s'inscrivent nombre de problèmes: solidarité nouvelle entre les classes sociales et entre les peuples; affranchissement de l'exploitation et de l'aliénation de l'homme; participation à la vie de l'état et de la société internationale; victoire sur la faim, la maladie, l'analphabétisme; élimination de la guerre comme moyen de solution des conflits entre peuples; création d'équilibres de plus en plus convenables au bénéfice de la paix.[Cf. Const. Gaudium et spes, nn. 63 ss.; jean XXIII: Lettre encycl. Mater et Magistra; Pacem in terris; paul VI : Lettre encycl. Populorum progressio; Lettre Apost. Octogesima adveniens]

    Ainsi la théologie se trouve remplir une fonction " politique ", originale certes, mais irremplaçable: elle éclaire les problèmes et dirige l'action dans les domaines variés de la vie humaine dans le sens des indications et des préceptes de la Parole de Dieu.

     

     

    II. Les composantes de la théologie

     

     

    Les deux tâches de la théologie

  3. De par sa nature et sa mission la théologie est amenée à mettre au clair, à la lumière de la foi, les données qu'elle puise aux sources de la Révélation, unissant en elle-même le double aspect d'investigation et d'élaboration spéculative: elle est donc en même temps positive et systématique.

— positive et historique

L'étude des sources de la Révélation constitue la base de la théologie ; il faut en effet savoir ce que Dieu a révélé. Cet auditus fidei donne lieu, au niveau scientifique, à la théologie positive.

Les résultats de la théologie positive sont l'objet d'une élaboration scientifique à travers la théologie systématique: celle-ci, suivant les exigences de l'intellectus fidei, cherche à pénétrer le sens et à découvrir les connexions des vérités révélées, de manière à pouvoir les mettre en relation organique, dans un ensemble cohérent.[Cf. conc. vat. I: Sess. II, Const. De fide cath., chap. 4; denz-schÖnm., n. 3016.]

Ces deux composantes de la théologie — recherche historique et réflexion rationnelle — ne peuvent jamais être totalement séparées: en effet, les interférences entre elles sont constantes et leurs fonctions sont complémentaires. Il faut qu'elles restent en équilibre permanent sans que l'une cherche à supplanter l'autre.

I. Dimension historique de la théologie

Quant à la recherche historique qui a la première place dans la ligne d'une théologie positive, trois remarques s'imposent:

Méthode propre aux sciences historiques et positives

  1. 1) La recherche doit se développer avec ses méthodes propres, ce qui comporte une légitime liberté de recherche sur la base de documents sérieux. La théologie pour autant ne se réduit pas à une pure philologie ou à une critique historique. En se limitant à ce niveau la théologie positive courrait le risque de la stérilité en trahissant sa mission.
  2. A la lumière de la foi

  3. A la lumière de la foi en effet, la théologie positive doit accepter comme condition fondamentale de son travail le caractère surnaturel de son objet et l'origine divine de l'Eglise. Elle ne peut donc se contenter de la seule raison humaine comme guide, mais, elle doit accepter de recevoir de la foi et du Magistère de l'Eglise son orientation. Ses fondements se trouvent dans la théologie de la révélation, de l'inspiration et de l'Eglise. C'est l'Eglise qui a mission de garder fidèlement et d'interpréter authentiquement la Parole de Dieu.[Cf. Const. Dei verbum, n. 10.]
  4. Réflexion philosophique et théologique

  5. 2) La théologie positive, au nom de la dimension historique de la Révélation, de sa tradition et du Magistère qui la garde et l'interprète, ne peut se contenter de ses méthodes habituelles de recherche (philologie, histoire, critique historique); elle doit en outre avoir recours à la réflexion philosophique ou philosophico-théologique. Cette réflexion a pour objet la nature du témoignage, les rapports entre les faits et leur sens, le caractère de ces rapports et par conséquent la relation entre les témoins oculaires et la communauté des croyants; elle doit en outre déterminer le caractère spécifique du temps dans l'histoire du salut et le caractère historique des récits et des faits.[Cf. commission pont. biblique, Instr. Sancta Mater, sur la vérité historique des évangiles, 21 avril 1964: AAS 56, 1964, pp. 712 ss.]
  6. Herméneutique moderne - Problème linguistique

  7. 3) La nécessité d'avoir recours dans cette partie du travail théologique à la réflexion philosophique dérive encore des développements de l'herméneutique moderne, telle qu'elle s'est développée par le fait de la sensibilité de la culture moderne envers la réalité historique. Cette herméneutique attire l'attention des théologiens sur le conditionnement de la pensée à travers l'histoire dans ses diverses expressions et par conséquent sur la différence qui existe entre le mode de pensée et d'expression de l'homme moderne et celui qui se présente dans la Bible et dans les formulations traditionnelles de la foi. Il appartient donc à la théologie d'exposer et de réinterpréter le contenu de la foi pour qu'il devienne compréhensible aux hommes d'aujourd'hui, en le détachant de modes d'expression qui ne le sont peut-être plus.
  8. problème philosophique

    A ce propos il faut noter que " autre est la substance de l'antique doctrine contenue dans le dépôt de la foi, autre la formulation dont elle est revêtue ".[jean XXIII, Alloc. Gaudet Mater Ecclesia, à l'occasion de l'ouverture du Conc. Vat. II, II oct. 1962: AAS 54, 1962, p. 792.] Seule cette formulation est soumise au conditionnement historique, aux transformations et adaptations, la doctrine elle-même demeurant ferme et immuable. Il est donc d'une extrême importance que le théologien sache, dans son travail, éviter les écueils du positivisme ou de l'historicisme, [Cf. paul VI, Exhort. Apost. Petrum et Paulum, 22 févr. 1967: AAS 59, 1967, p. 198.] tous les phénomènes de la pensée et de la morale venant à être expliqués uniquement par leurs causes et conditions historiques, au point que les vérités de valeur permanente et objective soient réduites à la relativité des contingences historiques. Le théologien, pour s'acquitter heureusement de sa tâche, doit donc se laisser conduire non seulement par le Magistère [Cf. Const. Dei verbum, n. 10.] et par les normes exégétiques, [Cf. Const. Dei verbum, n. 12.] mais encore par les principes d'une saine philosophie touchant la valeur objective de la connaissance humaine.[S. C. pour l'éducation catholique, Lettre Circ. sur l'Enseignement de la philosophie dans les Séminaires, 20 janvier 1972. II partie, n. 3, b: " Du moment que les méthodes mêmes des sciences positives (exégèse, histoire, etc.) partent souvent de préliminaires qui comportent des choix philosophiques implicites, une saine philosophie pourra entre autres contribuer notablement à éclairer et apprécier critiquement ces choix (critique particulièrement nécessaire par ex. à l'égard de la méthode exégétique de Bultmann), sans s'arroger pour autant une fonction critique absolue à l'égard du donné révélé ".]

    2. Dimension systématique

    Nécessité de la dimension systématique

  9. La situation actuelle se caractérise par une certaine désaffection à l'égard de la philosophie. Il faut donc avant tout mettre en bonne lumière la nécessité et la nature de la réflexion théologique telle que le Concile la réclame " pour éclairer aussi parfaitement que possible les mystères du salut ", prescrivant à cet effet que " les élèves apprennent à les approfondir et à discerner leur connexion par le moyen de la spéculation avec saint Thomas pour guide ".[Décr. Optatam totius, n. 16.]
  10. Niveaux différents de la réflexion théologique

  11. 1) La réflexion systématique (intellectus fidei) prolonge naturellement et nécessairement le travail positif dont elle représente en quelque façon le sommet et le complément. A vrai dire, une certaine réflexion est présente à chaque pas du travail théologique même positif, mais la réflexion qui est incluse dans l'exégèse pour pouvoir déterminer le sens de chaque point du donné révélé et des idées éparses dans la Sainte Ecriture, tout comme la réflexion incluse dans la théologie biblique par rapport aux thèmes fondamentaux, ne suffisent pas à apporter une intelligence plus parfaite et proprement théologique du donné révélé, ni pour en présenter une synthèse organique et complète.
  12. Réflexion philosophique comme exigence interne

  13. 2) Seule une réflexion méthodique plus approfondie et de niveau scientifique peut, avec l'aide de la philosophie, pénétrer plus avant à l'intérieur de la vérité révélée, en mettre les divers éléments en ordre et formuler en la matière un jugement mûri.[Cf. léon XIII, Lettre Encycl. Aeterni Patris, 4 août 1879: denz.-schÖnm., n. 3137.] Un tel recours à la réflexion spéculative n'est pas simplement un trait caractéristique de la scolastique médiévale. Il répond à une nécessité de la théologie et à une exigence de l'esprit qui cherche à comprendre toujours plus et toujours mieux.
  14. en référence à la Parole de Dieu

  15. 3) II est évident que la réflexion théologique systématique ne saurait se donner comme but " la spéculation pour la spéculation ", sans lien vital avec les sources de la Révélation : elle tend à une compréhension plus organique de la Parole de Dieu. Mais celle-ci demeure présente à la spéculation comme dimension interne.
  16. à la lumière de la foi

    La philosophie en cette phase du travail théologique n'a pas un rôle directeur, elle est un instrument. Il ne s'agit pas d'une activité purement rationnelle, mais d'un processus qui, restant rigoureusement logique dans la ligne des principes philosophiques, se déroule à la lumière de la foi. En effet, c'est la référence constante à la foi qui permet de découvrir dans le donné révélé les connexions vitales, l'ordre et la signification plus profonde.

    Aspect personnel et spirituel

  17. 4) La Révélation qui est l'objet de la réflexion théologique ne se réduit pas à une somme de vérités proposées à l'intelligence; elle est aussi une communication que Dieu fait de soi-même à l'homme.[Cf. Const. Dei verbum, nn. 2-6.] Toute réflexion théologique authentique comporte donc une attitude intérieure de sympathie et un engagement personnel envers l'objet de l'étude, une affinité d'esprit avec la vérité révélée. Loin d'éliminer la dimension spirituelle de la théologie, la réflexion philosophique bien conduite la suppose et la réclame.
  18. " Théologie de la Parole "

  19. 5) La réflexion rationnelle sur le donné de la Révélation est indispensable. Elle correspond aux questions fondamentales du sens même de la foi et du dialogue avec les sciences et les cultures humaines. Elle donne lieu à une théologie de la parole à laquelle ne peut se substituer une théologie de la praxis qui prétendrait faire abstraction de tout engagement métaphysique et réduire la théologie à une science de l'homme, c'est-à-dire finalement à une pure phénoménologie et à un pragmatisme.
  20. Exigences de cohérence interne

  21. 6) La tendance a beau être très répandue à sous-évaluer l'apport de la réflexion philosophique à la théologie jusqu'à manifester quelquefois pour toute pensée systématique abstraite une aversion, il est cependant nécessaire d'insister sur la valeur de la spéculation dans la théologie dogmatique et morale, pour en assurer la solidité et la cohésion. La spéculation bien entendue non seulement ne rend pas l'étude aride en l'éloignant de la vie, elle lui confère au contraire un grand sérieux d'engagement vital et personnel.
  22. Divers aspects de la réflexion

  23. 7) II faut donc souhaiter que même aujourd'hui se construise et se développe une théologie systématique et organique englobant: l'étude du donné révélé tel que la recherche historique le présente et tel que le propose l'Eglise; la réflexion sur ce donné à la lumière de la foi; l'interprétation des résultats obtenus à travers une synthèse bien fondée dans ses éléments essentiels; l'application, pour y apporter une réponse, aux problèmes que posent aujourd'hui la pensée et la vie au niveau individuel ou collectif.
  24. Conclusion : rôle central de la foi

  25. Ainsi la théologie catholique comme science se définit par sa référence constante à la foi. La rigueur scientifique de l'étude, positive ou systématique, non seulement n'exclut pas mais exige la présence continuelle du sensus fidei. C'est lui qui guide et oriente de l'intérieur le travail théologique dans le domaine exégétique, patristique, liturgique, canonique, historique, systématique et pastoral. C'est précisément la foi qui, avec le concours du Magistère, guide la théologie et lui confère, avec son identité spécifique, sa signification et sa sûreté complètes.
  26.  

     

    III. DE QUELQUES CONDITIONS DU TRAVAIL THÉOLOGIQUE

     

     

    Caractéristiques de la situation actuelle

  27. La situation actuelle de la théologie et de son enseignement est caractérisée, d'une part, par l'intérêt extrême porté au développement des thèmes bibliques et, d'autre part, par une attention plus grande aux courants philosophiques, sociologiques et psychologiques d'aujourd'hui, auxquels on pense pouvoir emprunter non seulement le résultat de leurs recherches, analyses, expérimentations, mais encore des catégories et des critères de pensée. Cette ouverture aux sciences de l'homme et de la nature, ainsi qu'aux problèmes du temps présent, entraîne parfois un certain détachement à l'égard de l'Eglise et de sa tradition théologique et philosophique, au risque de construire une théologie sans fondements, étrangère au domaine et aux perspectives de la foi.
  28. Cinq problèmes principaux

    C'est pourquoi il convient de préciser quelques-unes des conditions d'un bon travail théologique par rapport au Magistère de l'Eglise, au patrimoine théologique et philosophique hérité du passé, par rapport à la philosophie, aux sciences, et enfin aux problèmes et aux valeurs terrestres qui sont aujourd'hui l'objet d'un plus grand intérêt.

    Il faut également parler du statut épistémologique de la théologie en tant que science de la Révélation chrétienne, dans le rapport de cette science aux principes permanents et aux conditions changeantes de l'histoire.

    I. Théologie et Magistère

    Le lien entre Révélation et Magistère

  29. 1) La foi que la théologie s'efforce de comprendre et d'approfondir est la foi de l'Eglise, la foi professée par le Corps de l'Eglise (sensus fidelium), conservée et interprétée authentiquement par le Magistère, ordinaire et extraordinaire, que Jésus-Christ a confié aux Apôtres et à leurs successeurs. Il existe donc entre la Révélation et le Magistère une unité naturelle et qui ne peut être rompue. Selon le IIe Concile du Vatican, "il est clair... que la Tradition sacrée, la sainte Ecriture et le Magistère de l'Eglise, par la disposition très sage de Dieu, sont parfaitement liés et solidaires et qu'aucun de ces éléments ne peut subsister sans les autres".[Const. Dei verbum, n. 10.] Dans la théologie catholique le caractère ecclésial de la foi doit donc nécessairement se concrétiser sous la forme d'une référence constante au Magistère.
  30. Le Magistère comme: — service

  31. 2) Le magistère présente une face d'autorité et une face de service. En effet: "Ce Magistère n'est pas au-dessus de la parole de Dieu; il la sert, n'enseignant que ce qui a été transmis, puisque, en vertu de l'ordre divin et de l'assistance du Saint-Esprit, il écoute pieusement la parole, la garde religieusement, l'explique fidèlement, et puise dans cet unique dépôt de la foi tout ce qu'il nous propose à croire comme étant divinement révélé ".[ Ibidem.]

C'est pourquoi le Magistère ne peut être considéré séparément de l'Eglise, comme quelque chose qui l'opprime, mais au contraire comme une fonction, un office pourvu de charismes à l'intérieur de la communauté et à son service.

Le Magistère n'est donc pas un élément extérieur et hétérogène par rapport au travail théologique: il en est un élément intérieur et pleinement exigé par sa nature; loin de le gêner il est pour lui un secours indispensable, un moyen, une condition sine qua non de la théologie catholique.

Fonctions du Magistère

  1. 3) Le Magistère comporte trois aspects:
  2. II est l'interprète et le garant de la règle de foi pour la communauté des croyants et leur unité;

    II a mission de réaliser la synthèse des valeurs certaines et communes qui se dégagent des diverses opinions et expériences ;

    II porte un jugement décisif sur la conformité entre les résultats de recherches, les réflexions des théologiens, les expériences spirituelles des personnes et des groupes d'une part et, d'autre part, la Révélation transmise par la Tradition, que le Magistère conserve, interprète authentiquement et propose aux fidèles.

    Magistère et théologiens

  3. 4) L'Eglise a le droit et le devoir d'exiger des théologiens une fidélité au Magistère qui, bien loin de porter préjudice à la liberté d'une recherche légitime, lui apporte la garantie positive d'une contribution authentique à l'édification du Corps du Christ qui est l'Eglise. En effet, le munus docendi est le propre des Evêques collégialement unis au Souverain Pontife dans la ligne de la succession apostolique.[Const. Lumen gentium, n. 25; paul VI, Alloc. Libentissimo sane, aux participants au Congrès international sur la théologie du Cône. Vat. II, I sept. 1966: AAS 58, 1966, pp. 890 ss.] Une pensée individuelle ne saurait se substituer à eux dans la théologie tout comme dans la catéchèse ou la prédication sous toutes leurs formes. La recherche individuelle conserve sa raison d'être mais seulement pour rechercher, illustrer, développer le donné objectif venu de Dieu, que l'Eglise garde et proclame.
  4. Mission du théologien

    Les théologiens ont dans l'Eglise la responsabilité de la recherche et de la réflexion critique, ils peuvent recevoir du Magistère une participation au munus docendi (missio canonica docendi) qui lui appartient en propre. Mais le Magistère conserve le pouvoir de juger le rapport des constructions théologiques avec la Parole de Dieu. En particulier la fonction du Professeur de théologie dans les Séminaires, c'est-à-dire la préparation de bons ministres de Dieu, aptes à leur tâche, futurs maîtres de la foi dans l'Eglise [Cf. Décr. Presbyterorum Ordinis, n. 4.] implique la plus parfaite fidélité au Magistère ordinaire et extraordinaire.

     

    2. Théologie et patrimoine théologique et philosophique

    Valeur de la tradition théologique

  5. 1) Dans le contexte du Magistère de l'Eglise, il faut évoquer la fidélité au patrimoine valable en permanence [Cf. Décr. Optatam totius, n. 15.] de la pensée chrétienne et spécialement à l'enseignement de saint Thomas dont parle le Concile.[Cf. Décr. Optatam totius, n. 16; Déclar. Gravissimum educationis, n. 10.] Cette fidélité s'impose non seulement du fait de l'utilisation de la philosophie en théologie, mais encore au titre du dynamisme intrinsèque à la théologie elle-même, et qui a connu des heures particulièrement intenses. Ce patrimoine doctrinal, en effet, est l'expression de la continuité de la vie de foi dans l'Eglise à travers le temps. En effet, si l'un ou l'autre des grands Docteurs ou Pères de l'Eglise jouit d'une mesure d'autorité reconnue, leur œuvre fait partie en outre de la tradition vivante de l'Eglise à laquelle par une disposition providentielle ils ont apporté une contribution de valeur durable à une époque plus favorable à la synthèse de la raison et de la foi.
  6. Tradition et progrès

  7. 2) C'est sous l'impulsion et dans la ligne de cette tradition, et à la lumière de l'enseignement du Docteur commun que la théologie peut et doit progresser, et que l'enseignement théologique peut et doit être donné. En s'insérant ainsi dans le dynamisme de la tradition on évite un individualisme exagéré et on assure à la pensée cette objectivité à laquelle l'Eglise attache tant d'importance.
  8. 3. Relations entre la théologie et la philosophie

    Deux remarques préliminaires :

  9. 1) Le problème complexe du rapport non seulement extrinsèque mais intrinsèque entre la philosophie et la théologie appelle deux remarques préliminaires:

a) La théologie est radicalement indépendante de tout système philosophique. En effet, la théologie se réfère essentiellement aux réalités de la foi, toute autre référence a valeur d'instrument. La théologie est donc libre d'accueillir ou de refuser les propositions diverses que la philosophie lui fait en fonction de sa propre recherche et de sa réflexion. Elle est même plutôt portée à accueillir les données du sens commun qui lui sont plus utiles pour son développement rationnel et qui lui sont offertes par les philosophies qui les ont mieux élaborées et exprimées. Cependant la théologie ne se confond jamais avec elles.

b) La théologie ne peut pas refuser l'intervention critique à laquelle toute philosophie, au-delà de son contenu particulier, prétend non seulement par rapport à la théologie mais encore par rapport à la foi. Si la théologie refusait cette confrontation, elle se condamnerait à demeurer injustifiée et incomprise face aux diverses philosophies. Elle ne peut donc opposer à leurs ouvertures un refus préjudiciel.

Attitude de l'Eglise:

  1. 2) On comprend dès lors l'attitude de l'Eglise dans ce domaine :
  2. — ouverture

    a) Elle reste, ouverte à toute philosophie, qu'elle soit ancienne ou nouvelle, du moment qu'elle lui apporte de réelles valeurs universelles que la synthèse chrétienne peut intégrer.

    — préférence

    b) Elle marque sa préférence pour la philosophie dont les affirmations fondamentales s'accordent avec les données de la Révélation, aucune contradiction n'étant possible entre les vérités naturelles de la philosophie et les vérités surnaturelles de la foi.

    Philosophie a écarter

  3. 3) Il est clair qu'une philosophie qui présenterait une conception de la réalité inconciliable avec la Révélation ne saurait être acceptée. En certaines circonstances il y a place pour un sain pluralisme philosophique [Cf. S. C. pour l'éducation catholique, Circ. sur l'enseignement de la philosophie dans les Séminaires, 20 janv. 1972, IIIe partie, n. 2.] dû à la diversité des régions, des cultures, des mentalités: les mêmes vérités peuvent en effet être atteintes par des voies différentes, elles peuvent être présentées et exposées de diverses façons. Par contre, on ne pourrait admettre un pluralisme philosophique où se trouverait compromis le nœud fondamental d'affirmations connexes avec la Révélation, comme c'est le cas pour certaines philosophies marquées par un relativisme historique et par un immanentisme matérialiste ou idéaliste. Ce défaut radical explique qu'il soit moins facile aujourd'hui d'obtenir une synthèse philosophique telle qu'un saint Thomas l'obtenait avec la pensée des philosophes anciens.
  4. Actualité de saint Thomas

  5. 4) Ces considérations justifient l'allusion à saint Thomas dans le Décret conciliaire Optatam totius (n. 16) où il est parlé de théologie spéculative: dans la philosophie de saint Thomas sont clairement et organiquement énoncés, en harmonie avec la Révélation, les premiers principes de la vérité naturelle. Et cela, non pas statiquement mais suivant l'impulsion du dynamisme créateur qui est propre à saint Thomas et rend possible un renouvellement permanent de la synthèse des conclusions valables d'une pensée traditionnelle avec les conquêtes nouvelles de la pensée moderne.[paul VI, Lettre Lumen Ecclesiae, à l'occasion du VII° Centenaire de la mort de S. Thomas d'Aquin, 20 nov. 1974, n. 17: AAS 66, 1974, pp. 600-691. Cf. aussi Alloc. Nous sommes, au VI° Congrès Thomiste International, 10 sept. 1965: AAS 57, 1965, pp. 790 ss.]
  6.  

    4. Apport des sciences humaines et des sciences naturelles

    Leur utilité

  7. 1) Aussitôt après la philosophie, c'est dans les sciences naturelles, historiques et anthropologiques, que la théologie reconnaît ses auxiliaires les plus précieuses. En effet, la relation homme-Dieu est au centre de l'économie du salut: la Révélation et par conséquent la théologie sont pour le bien des hommes. Or les sciences dont il est question ici offrent à la théologie, chacune à leur façon, une aide importante pour mieux connaître l'homme qui est l'un des termes de la relation et en même temps, elles sont un stimulant pour déterminer plus parfaitement le sens des vérités révélées qui se rapportent à l'homme. En outre, au contact de ces sciences, la théologie s'enrichit de thèmes de pensée, et se trouve garantie contre un isolement culturel, au milieu d'un monde où ces sciences sont en pleine floraison et suscitent un intérêt universel.
  8. Autonomie de la théologie et des sciences

  9. 2) Cependant il est nécessaire de maintenir les deux domaines bien distincts et de respecter dans le travail leur pleine autonomie car ces sciences et la théologie ont des objets différents. D'une part, les sciences ne doivent pas être subordonnées à des a priori théologiques mais, d'autre part, la théologie ne peut résoudre ses problèmes en se fondant sur les résultats ou les hypothèses des sciences. L'objet de la théologie se situe au-delà du champ d'action et de recherche des sciences: dans le mystère révélé par la Parole de Dieu. Si pourtant un problème théologique implique des données qui appartiennent à l'objet propre des sciences, par exemple l'origine de l'homme et du monde, les questions d'ordre moral ou pastoral, la théologie ne peut pas ne pas tenir compte de ce que les sciences apportent en ce domaine de certain.
  10. Ce que la théologie peut offrir aux sciences

  11. 3) Sans empiéter sur le domaine des sciences, la théologie peut leur être d'un véritable secours, de par le sens plus profond qu'elle a de l'homme et du monde, et aussi de par le sens qui est le sien de la hiérarchie des valeurs, en appelant continuellement les savants à s'y référer pour orienter leur pensée et leur vie à la lumière de la vérité divine. Il s'agit au fond de cette contribution de sagesse dont, comme dit le Concile Vatican II, " plus que tout autre, notre époque a besoin.... pour humaniser ses propres découvertes ".[Const. Gaudium et spes, n. 15.]
  12. Médiation de la philosophé

  13. 4) Les apports des sciences à la théologie passent généralement quoique non nécessairement, par la médiation de la philosophie: celle-ci a aujourd'hui entre autres tâches celle de passer au crible l'immense et complexe problématique issue des sciences et des solutions qu'elles apportent, afin d'en tirer les valeurs permanentes aux yeux de la raison humaine et par conséquent du rapport avec la Révélation. La théologie peut tirer parti de ce travail de la philosophie pour mieux évaluer ce que les sciences apportent réellement à son travail.
  14. Avantages pour la théologie

  15. 5) Du point de vue méthodologique et tout en restant pleinement fidèle au processus inductif et déductif qui est sa loi propre, la théologie ne peut manquer de tenir compte de l'esprit scientifique que les sciences de l'homme et de la nature rendent largement présent autour de nous: elle aussi doit, dans la mesure du possible, observer les lois de la recherche positive du contrôle des sources, de la vérification des données qui commandent le travail scientifique.[Quant à l'emploi des sciences humaines, cf. paul VI, Lettre Apost. Octogesima adveniens, 24 mai 1971, nn. 38-41: AAS 63, 1971, pp. 427 ss. Cf. paul VI, Exhort. Apost. Quinque iam anni, cinq ans après la conclusion du Conc. Vat. II, 8 nov. 1970: AAS 63, 1971, p. 102.] Tout en reconnaissant la valeur de cette méthode et en l'utilisant, la théologie reste cependant pleinement consciente de son statut épistémologique. Même quant à son mode d'action elle évite toute confusion avec les autres sciences.
  16. 5. Application de la théologie aux réalités terrestres et assomption des valeurs humaines

    Nouvelles tâches imposées par le Conc. Vat. II

  17. 1) Parmi les tâches de la théologie il faut en outre signaler celle qui est indiquée par le Décret Optatam totius n. 16: en effet la théologie est invitée également a taire usage de sa méthode en ce qui concerne l'application des vérités éternelles aux conditions changeantes de notre temps : les élèves " doivent apprendre à chercher la solution des problèmes humains à la - lumière de la Révélation; ils doivent chercher à appliquer les
    vérités éternelles aux conditions mouvantes de ce monde et à les présenter aux hommes d'aujourd'hui de façon appropriée".En outre le Concile, dans la Constitution Gaudium et spes, adresse de multiples appels à la théologie pour qu'elle s'applique aux problèmes de la culture et de la science d'aujourd'hui afin de renouveler les thèmes de sa propre réflexion et de contribuer ainsi " à mettre la culture en accord avec le christianisme " (n. 62).
  18. Renouvellement des méthodes

  19. 2) C'est comme un nouveau chapitre d'épistémologie théologico-pastorale que les théologiens doivent écrire, à partir des données de fait et des questions du temps présent plutôt que des idées et des problèmes du passé.
  20. Difficultés à surmonter

    C'est là un travail rendu difficile par la complexité des réalités culturelles et sociales de notre temps et par le changement des dispositions envers la théologie et l'Eglise, mais il s'agit d'un devoir d'évangélisation que les théologiens ne peuvent éluder.

    Tâches concrètes :

  21. 3) L'effort théologique dans ce domaine implique concrètement un certain nombre d'exigences:

a) Intégrer à la doctrine et à la morale chrétiennes ce qui a été obtenu de valable à partir de l'expérience des réalités terrestres et du développement des valeurs humaines ; [Cf. par exemple paul VI, Lettre encycl. Ecclesiam Suam, 4 août 1974: AAS 56, 1964, pp. 627-628.]

— éclairer

b) Eclairer les réalités terrestres et les valeurs humaines sans les dénaturer, dans la perspective du règne de Dieu;

— promouvoir

c) Apporter à ces réalités et à ces valeurs, jusque dans ce qu'elles ont de propre, la stimulation et l'inspiration qu'elles peuvent attendre de leurs relations avec les valeurs et les réalités transcendantes; [Cf. Const. Gaudium et spes, nn. 35-36, 41-43.]

— purifier

d) Les aider à se débarrasser de la tendance à donner une valeur exagérée aux choses du monde, et par conséquent à en sauvegarder la véritable identité.

— vers l'humanisme chrétien

C'est là travailler à cet humanisme chrétien plénier,[paul VI, Lettre encycl. Populorum progressio, 26 mars 1967, nn. I, 20, 42 et passim: AAS 59, 1967, pp. 265, 267, 268.] qui a son point d'appui dans cette vérité fondamentale: " la grâce suppose et achève la nature en la guérissant ".[S. thomas d'aquin, Somme Théol.: I, q. I, a. 8, ad 2.]

Faux anthropocentrisme

  1. 4) Donner à la théologie une telle mission, ce n'est pas vouloir un tournant anthropologique de la théologie ou une sorte d'anthropocentrisme qui lui ôterait son caractère de science de Dieu et des choses divines. Il s'agit au contraire de donner aux problèmes de l'homme plus d'importance et à la théologie plus d'actualité, mais sans altérer le rapport de l'homme à Dieu au plan métaphysique, philosophique et éthique. Un tel rapport en effet demeure au centre de la théologie et se résoud toujours dans une référence finale à Dieu.
  2.  

     

    III. Orientations

    en vue de l'enseignement de la théologie

     

    I. Orientations Générales

     

    Recherche et enseignement théologique dans le climat actuel

     

  3. Etant donné le climat dans lequel l'activité théologique et, dans une certaine mesure l'enseignement de la théologie dans les Séminaires, se déroulent aujourd'hui, un certain nombre de faits caractéristiques apparaissent en relief. Il semble qu'on doive signaler parmi eux avant tout: une pluralité de tendances, d'intérêts, d'opinions, qui implique un défaut relatif d'unité; un particularisme dans les recherches, les études, les thèmes, et jusque dans la conception même de la théologie et de ses rapports avec la philosophie et les sciences, en dehors de toute synthèse organique et constructive; une préoccupation, d'ailleurs justifiée, de trouver un interlocuteur attentif pour la théologie dans l'homme d'aujourd'hui, et, par conséquent, un type de discours capable de l'intéresser, ce qui ne va pas sans une tendance à l'adaptation qui pourrait signifier, quand elle est poussée au-delà de certaines limites, une rupture avec la Tradition et une dénaturation de la théologie.
  4. Dans un tel climat l'enseignement théologique doit accepter certaines exigences d'ordre méthodologique qui conditionnent l'identité même et la fonction de la théologie.

     

    I. Pluralité et unité

    " Ecoles " théologiques

  5. 1) La pluralité d'expression des vérités de la foi, qui caractérise la situation présente en théologie, n'est cependant pas un fait nouveau. Dès les premiers siècles elle se manifeste dans les principaux courants de la théologie, orientale et occidentale. Elle se prolonge dans la variété des Ecoles théologiques qui se sont successivement développées à partir de principes différents d'organisation et de préoccupations fondamentales différentes. Chacune de ces Ecoles représente une approche du mystère, un effort pour interpréter la réalité telle que la révélation nous l'apporte. Aucune de ces Ecoles n'est réductible à l'autre, si ce n'est au plan des vérités révélées que toutes cherchent à comprendre, et au plan de l'Eglise qui les reconnaît comme valables.

 

Caractéristiques du pluralisme théologique actuel

  1. 2) Le pluralisme théologique actuel se distingue de celui du passé par une ampleur et une profondeur qui va jusqu'à atteindre des formes radicales. Son ampleur est due à la masse énorme de matériaux accumulés en chaque discipline dont la théologie tient compte et fait usage avec une variété de critères directeurs. Mais si l'on se place au point de vue de la conception et de l'esprit de la théologie, le pluralisme actuel est dû à la diversité des méthodes employées, des philosophies adoptées, du vocabulaire et des perspectives de fond. De telles caractéristiques font que les nouvelles formes de pluralisme, nées en particulier après le Concile Vatican II, présentent des traits qui les distinguent dans leur nature même des formes antérieures de pluralisme.

Avantages du pluralisme

  1. 3) Dans le passé l'Eglise n'a pas seulement montré de la tolérance envers la pluralité des courants théologiques, elle l'a même favorisée, dans la mesure où cette pluralité comportait un effort pour apporter à certains thèmes et problèmes considérés sous des aspects divers des solutions nouvelles et meilleures. Aujourd'hui encore l'Eglise favorise et encourage un certain pluralisme dans l'intérêt du Message à annoncer et à des fins missionnaires et pastorales, à la condition toutefois que cela signifie un enrichissement pour la doctrine claire et définie [Cf. Décr. Ad génies, nn. 10, 16, 22; Ratio fundamentalis, n. 64. Const. Gaudium et spes, n. 44: " L'expérience des siècles passés, le progrès des sciences, les richesses cachées dans les diverses cultures, qui permettent de mieux connaître l'homme lui-même et ouvrent de nouvelles voies à la vérité, sont également utiles à l'Eglise. En effet, dès les débuts de son histoire, elle a appris à exprimer le message du Christ en se servant des concepts et des langues des divers peuples et, de plus, elle s'est efforcée de le mettre en valeur par la sagesse des philosophes: ceci afin d'adapter l'Evangile, dans les limites convenables, et à la compréhension de tous et aux exigences des sages. A vrai dire, cette manière appropriée de proclamer la parole révélée doit demeurer la loi de toute évangélisation ".] qui est celle de la foi, et à condition aussi que la référence à la foi soit soigneusement maintenue.

Inconvénients et dangers

Par contre, l'Eglise ne peut que déplorer un certain pluralisme, arbitraire et chaotique, qui use consciemment des systèmes philosophiques les plus éloignés de la foi et des vocabulaires les plus disparates, au point de rendre toujours plus difficile, sinon impossible, une entente vraie entre théologiens. Une telle façon d'agir qui n'est plus en fin de compte que confusion de langage et d'idées, rupture avec la tradition théologique du passé, ne peut certainement pas être considérée comme favorable à la formation des futurs prêtres: il ne peut être question par conséquent de l'admettre dans l'enseignement de la théologie.[Quant aux justes limites du pluralisme théologique, cf. les " propositions " de la Commission Pontificale Théologique Internationale sur "l'Unité de la foi et le pluralisme théologique ": La Civiltà Cattolica, 124. 1973, vol. II, pp. 367-369. paul VI, Alloc. We have come, à l'Episcopat de l'Océanie, I déc. 1970, AAS 63, 1971, p. 56 — Alloc. Noi non usciremo, à l'Audience générale du 28 août 1974: Insegnamenti di Paolo VI, vol. XII, p. 764 ss., Città del Vaticano, 1975.]

A récole des maîtres classiques de l'Eglise

  1. 4) Il est absolument nécessaire que les candidats au sacerdoce, à l'heure où ils s'initient à l'étude de la théologie, puissent acquérir avant tout une solide forma mentis à l'école de ceux que l'Eglise considère comme ses Maîtres. Ceux-ci sont capables de communiquer le sens de la vraie théologie et de la vraie doctrine chrétienne. Au reste ce principe vaut pour l'apprentissage et la formation en tous domaines du savoir et de la culture.
  2. Règles fondamentales pour l'enseignement

  3. 5) Touchant le pluralisme, devront être appliqués, pour les élèves quel que soit le niveau d'enseignement, les principes suivants :
  4. Unité de la foi

    a) Sauvegarder l'unité de la foi. Dans cette ligne il est nécessaire avant tout de bien distinguer le plan de la foi à laquelle tous doivent adhérer et le plan où la foi admet une variété légitime de choix.

    Le noyau des certitudes indiscutables

    b) Respecter dans le domaine des opinions théologiques la doctrine commune de l'Eglise et le sens commun des fidèles. Il existe en effet en théologie un noyau d'affirmations certaines, communes, auxquelles on ne peut pas renoncer, et qui constituent la base de toute dogmatique catholique. On ne peut les mettre en discussion, on peut seulement chercher à les éclairer, à les approfondir, à les expliquer plus parfaitement dans leur contexte historique et théologique.

    Valeurs diverses des systèmes théologiques

    c) Troisième principe: tenir compte de la valeur inégale des divers systèmes théologiques et voir avant tout s'ils sont commandés par des vues particulières, limités seulement à quelque aspect de la vérité révélée ou s'ils embrassent l'intégralité du mystère chrétien en tâchant d'intégrer et d'organiser, à la lumière de principes simples et d'une valeur touchant à l'universel, un ensemble de données. En tout cas, un système, pour être considéré comme valable, ne doit laisser de côté aucun des aspects essentiels de la réalité et se montrer capable d'assimiler des vues nouvelles dans une synthèse organique et harmonieuse. Sous ce rapport la synthèse réalisée par saint Thomas conserve entièrement sa valeur.

    Celui qui enseigne la théologie pourra, en se conformant à ses principes et à ses critères, se guider avec sûreté et sans difficulté à travers les écueils du pluralisme d'aujourd'hui.

    2. Prospective de synthèse

    Fragmentation actuelle

  5. 1) La théologie d'aujourd'hui, toute tendue vers la découverte de nouvelles présentations et de nouvelles formulations, présente l'aspect de quelque chose de provisoire qui la fait ressembler à un immense chantier: l'édifice n'est encore que partiellement construit et on voit s'accumuler autour de lui un énorme matériel qui reste à intégrer dans la mesure du possible dans une nouvelle synthèse.
  6. Vérités centrales et périphériques

    L'enseignement théologique a donc perdu en bien des cas son unité: il apparaît fragmenté et lacuneux et l'on est porté à parler d'un savoir théologique " atomisé ". Faute d'une vision systématique et intégrale les vérités centrales de la foi sont bien souvent perdues de vue et il ne faut pas s'étonner que dans un pareil climat les diverses théologies à la mode, largement unilatérales, partielles, souvent mal fondées, gagnent progressivement du terrain.

    Idéal d'unité et de synthèse

  7. 2) Ces difficultés, qui ne peuvent laisser indifférents ceux qui sont responsables de l'enseignement théologique au niveau du cours institutionnel, tiennent à la nouveauté de bien des problèmes abordés par la théologie, à l'ampleur de leur intérêt scientifique et au climat général. L'idéal d'unité et de synthèse, tout difficile qu'il apparaisse, doit intéresser aussi bien les professeurs que les élèves. Il s'agit là d'un problème de la plus haute importance: de sa solution dépend en grande partie l'efficacité des études, leur vitalité et leur utilité pratique. Il concerne :
  8. Principaux aspects de la synthèse

    a) la synthèse des diverses doctrines;

    b) la synthèse des divers niveaux de travail théologique, par exemple exégèse et théologie systématique;

    c) la synthèse entre les sciences et les expériences religieuses par rapport à l'action pastorale, etc.

    Moyens à employer

  9. 3) Parmi les moyens propres à permettre d'atteindre ce but, on peut signaler les suivants comme indispensables:
  10. Histoire du salut, mystère du Christ

    a) Dès le commencement des études philosophico-théologiques, on se souviendra de ce que prescrit le Décret Optatam totius, au n. 14: "Dans l'aménagement des études ecclésiastiques, il faudra viser tout d'abord à mettre en meilleur rapport la philosophie et la théologie et à les faire contribuer de concert à ouvrir de plus en plus l'esprit des séminaristes au mystère du Christ. Celui-ci, en effet, concerne l'histoire entière du genre humain, se prolonge sans cesse dans l'Eglise et opère principalement par le ministère sacerdotal ".[Décr. Optatam totius, n. 14.] Dans le Cours d'introduction, " le mystère du salut sera proposé de telle sorte que les élèves puissent percevoir le sens des études ecclésiastiques, leur structure et leur fin pastorale ".[Ibid. Cf. Ratio fundamentalis institutions sacerdotalis, n. 62.]

    Programme d'études

    b) Un programme d'études détaillé et ordonné est nécessaire pour garantir l'intégralité et la cohésion interne du cours entier de la théologie, l'absence de lacunes dans les matières traitées, ainsi qu'une juste orientation des disciplines et leur bonne coordination.[Cf. Ratio fundamentalis institutions sacerdotalis, nn. 77 ss.; 80, 8l, 90; cf. nn. 60-61. ]

    Rôle irremplaçable des maîtres

    c) Rien ne peut remplacer l'engagement personnel de maîtres pénétrés de cet idéal d'unité et de synthèse, capables d'intégrer chaque point et chaque donnée dans un tout organique dont ils ont eux-mêmes conscience et auquel ils savent référer toute considération particulière.

    Rôle des leçons magistrales

    d) D'où l'importance des leçons magistrales qui doivent être en nombre suffisant et soigneusement préparées. Le travail en groupes et les " séminaires " devraient viser à une possession meilleure de la synthèse et initier au travail scientifique, mais ces exercices ne peuvent suppléer par eux-mêmes aux leçons et donner aux étudiants la vision complète de la théologie.[Cf. Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, n. 91 a).]

    " Canon " des disciplines

    e) Pour assurer un enseignement complet et une synthèse théologique, un canon fixe des disciplines principales s'impose, ainsi que la liste des thèmes fondamentaux de la foi dont l'étude est obligatoire. La liberté du choix, au niveau du Cours institutionnel, doit se limiter à certaines matières auxiliaires ou spéciales à préciser.[Cf. Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, nn. 78-80; 82-84.]

    Unité effective du Corps professoral

    f) Tout l'effort pour obtenir un enseignement complet et synthétique repose sur l'existence d'un programme d'études et sur l'unité effective du Corps professoral. C'est pourquoi une coordination et une collaboration entre les disciplines doit être réalisée de manière institutionnelle, surtout quand il s'agit d'élaborer les programmes ou de répartir les tâches.[Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, n. 90.]

    Rôle du directeur d'études

    g) II est nécessaire de reconnaître et respecter le rôle capital du directeur d'études, lequel doit être à la hauteur de sa mission et vraiment efficient.[Ibid.] C'est à lui qu'il appartient d'entretenir dans le Corps professoral une conscience vive de la nécessité d'études complètes et synthétiques: avec les enseignants il devra s'efforcer de prévenir toute fragmentation de l'enseignement, toute polarisation sur quelque question d'actualité, toute tendance à s'enfermer dans certaines théologies modernes à vues partielles (par ex. théologie du développement, de la libération, etc.).

    3. Vitalité et communicabilité du savoir théologique

    Face au problème kérigmatique

  11. 1) Jamais peut-être comme aujourd'hui la théologie n'a eu conscience d'être au service du message chrétien à transmettre. Le Concile du Vatican a notablement contribué à l'éveil de cette conscience: le Pape Jean XXIII avait donné la consigne que " la doctrine certaine et immuable à laquelle est due fidèlement obéissance, soit scrutée et exposée selon ce que réclame notre époque ".[Alloc. inaugurale Gaudet Mater Ecclesia, II octobre 1962: AAS 54, 1962, p. 792.] De leur côté, les élèves désirent que l'enseignement théologique soit lié à la vie et orienté vers des fruits d'ordre spirituel, pastoral et social.
  12. Spiritualité

  13. 2) Par sa nature même la théologie conduit à la rencontre personnelle avec Dieu, stimulant en celui qui l'enseigne ou qui l'étudié la prière et la contemplation. La spiritualité qui naît d'une vie de foi constitue une sorte de dimension interne de la théologie à laquelle elle confère une saveur surnaturelle.
  14. D'autre part, une sérieuse formation scientifique est nécessaire pour obtenir une vie spirituelle plus intense et une plus parfaite préparation pastorale: sans elle aucune adaptation ascétique ou pastorale n'a plus de valeur.

    Histoire du salut

  15. 3) Selon l'enseignement du IIe Concile du Vatican, c'est le recours à la Parole de Dieu qui assure à la théologie sa vitalité dans la ligne de la prière et de la contemplation, cette Parole de Dieu qui se manifeste et qui agit dans l'histoire du salut et trouve dans le mystère du Christ son centre vivant de synthèse.[Cf. Const. Dei verbum, n. 24; Sacrosanctum Concilium, n. 16; Décr. Optatam totius, nn. 14, 16; Ad génies, n. 16.]
  16. Christocentrisme des Pères, de la Liturgie

    Les vérités de la foi deviennent d'autant plus vitales qu'on en saisit mieux l'unité profonde dans le Christ, selon ce que les Pères et la liturgie manifestent si évidemment. C'est pourquoi l'on peut considérer l'ancrage sur l'Ecriture, les Pères et la liturgie comme le moyen le plus efficace pour découvrir la force vitale d'une formation théologique. A cette fin sont bien entendu utiles tous les moyens et tous les efforts mentionnés plus haut qui visent à conférer à l'enseignement théologique plus de cohésion et plus d'unité.

    Contact avec la vie quotidienne

  17. 4) La spiritualité est encore l'un des éléments principaux d'une adaptation pastorale mais elle n'y suffit pas à elle seule. Il y faut encore un contact toujours plus étroit avec la vie. A cette fin les professeurs sont invités à prendre les contacts opportuns avec la réalité pastorale, les prêtres en charge d'âmes, les fidèles et spécialement les hommes qui se distinguent par leur foi et leur culture.[Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, nn. 36, 37.] Grâce à ces relations on pourra prendre plus profondément conscience des problèmes réels que posent à la foi la vie de chaque jour et le progrès scientifique; on pourra ainsi présenter les cours de manière " que les élèves, conscients du caractère du milieu actuel, se trouvent mieux préparés au dialogue avec les hommes ".[Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, n. 71.]
  18. " Anthropocentrisme " de méthode

  19. 5) La théologie, pour devenir un instrument de communication de la foi à l'homme d'aujourd'hui suppose et exige sans aucun doute qu'on ait analysé les dispositions de l'homme et sa capacité d'accueil aux vérités qu'il faudra lui présenter.[paul VI, Alloc. Nous sommes heureux, à la Commission Pontificale Théologique Internationale, II oct. 1972: AAS 64, 1972, p. 683.]
  20. La théologie s'efforce ensuite de formuler les vérités en tenant compte de la forma mentis de l'homme, de telle sorte que cette vérité puisse revêtir à ses yeux une signification réelle et une importance vitale quant aux problèmes mêmes qui intéressent davantage aujourd'hui: les problèmes sociaux, politiques et culturels.

    Ecueils à éviter

    Dans l'application à cette tâche, on ne doit pas perdre le sens de la transcendance du message chrétien, ni réduire la théologie à une sorte de philologie ou de sociologie de la religion, ni abandonner la tradition classique de la théologie, ni perdre de vue ce qui est l'objet propre de la théologie: Dieu.

  21. 6) Tout cela suppose évidemment qu'on s'efforce de résoudre le problème du langage théologique, problème aujourd'hui extrêmement vivant étant donné l'intérêt sensible pour l'herméneutique moderne. La théologie doit devenir sensible au langage actuel si elle veut s'enraciner dans la culture et rester capable d'approcher les hommes d'aujourd'hui.[Cf. Const. Gaudium et spes, nn. 44, 62.] Comme s'exprime à ce sujet le Souverain Pontife Paul VI:
  22. "...... il importe de regarder en avant, pour renforcer l'intégrité de toute la doctrine, sans aucune instabilité due à des modes passagères, et cela en utilisant le langage nouveau auquel, à son tour, ne s'opposent pas d'autres barrières que celles de la fidélité absolue à la Révélation et au magistère infaillible de l'Eglise, du respect du sensus fidelium et de l'édification dans la charité ".[Alloc. Siamo assai grati au S. Collège, des Cardinaux, 22 juin 1973: AAS 65, 1973, p. 384.]

     

    ii. orientations particulières

    concernant les diverses disciplines théologiques

     

    Nécessité d'orientations plus précises

  23. Après avoir donné quelques orientations générales, auxquelles l'actualité donne une importance particulière dans l'enseignement de la théologie, il semble opportun de préciser encore certaines orientations de méthode concernant les disciplines théologiques que la situation actuelle place au centre d'intérêts scientifiques et qui doivent affronter des problèmes et des difficultés particulières.
  24. Disciplines plus directement impliquées

    Comme il a été dit jusqu'ici, il faut sauvegarder la nature scientifique de la théologie; respecter fidèlement ce qu'il y a d'original dans sa méthode; user judicieusement de la réflexion philosophique et des sciences naturelles et humaines; chercher à obtenir une cohésion interne toujours plus grande; assurer au savoir théologique une vitalité et une utilité d'ordre pratique par un contact plus étroit avec les sources de la Révélation et avec la vie. Toutes ces exigences se répercutent de manière encore plus forte et plus concrète au moment d'en faire l'application directe à des disciplines comme l'exégèse, la théologie dogmatique, la théologie morale, la patristique, la théologie pastorale et fondamentale dont il va être question. Toutes ces disciplines ayant soit avec les sources, soit avec le noyau central du mystère chrétien, soit avec la vie un rapport plus direct, se trouvent actuellement l'objet d'une interpellation plus formelle de la part du Concile et de la part de la situation générale d'aujourd'hui.

    I. La Sainte Ecriture

    Son rôle primordial

  25. 1) La Sainte Ecriture — c'est le donné fondamental dont l'enseignement théologique doit tenir compte —, constitue le point de départ, le fondement permanent, le principe vivifiant et animateur de toute la théologie.[Const. Dei verbum, n. 24.] Le professeur de sciences bibliques doit donc nécessairement apporter à l'accomplissement de sa tâche la compétence et la parfaite préparation scientifique que requiert l'importance de sa discipline. Pour être fidèle à sa mission il doit travailler au niveau du texte, au niveau de l'événement que le texte évoque, et au niveau de la tradition qui le communique et l'interprète. Il doit par ailleurs pratiquer l'analyse textuelle littéraire et historique, mais il doit aussi entretenir dans l'esprit des élèves le sens de l'unité du mystère et du dessein de Dieu. L'Ecriture qui est transmise par l'Eglise et en partie née dans l'Eglise, doit être lue et comprise à l'intérieur de la tradition ecclésiale.[Cf. commission pont. biblique, Instruc. Sancta Mater, sur la vérité historique des évangiles, 21 avril 1964: AAS 56, 1964, pp. 713 ss.]
  26. La théologie en fonction de la Sainte Ecriture

  27. 2) Le rôle primordial qui revient à la Sainte Ecriture détermine ses rapports avec la théologie et avec les diverses disciplines. Il faut rappeler ici que l'Ecriture Sainte ne peut pas être considérée simplement en fonction de ces disciplines (comme un arsenal d'arguments): c'est toute la théologie qui est appelée à contribuer à une intelligence meilleure et toujours plus profonde des textes sacrés, c'est-à-dire des vérités dogmatiques et morales qui y sont contenues. C'est pourquoi une fois les questions d'introduction achevées, l'enseignement de la Sainte Ecriture doit déboucher dans une théologie biblique qui présente le mystère chrétien dans une vision synthétique.
  28. Spécificité de la théologie biblique

  29. 3) Pour servir vraiment à une intelligence meilleure de l'Ecriture Sainte, la théologie biblique doit respecter son contenu propre, identifié avec une méthode spécifique, en lui reconnaissant une certaine autonomie par l'attention exclusive à ce que l'étude biblique offre de spécifique. Une telle autonomie ne doit pas pour autant signifier indépendance ou antagonisme par rapport à la théologie systématique, comme c'est, hélas, le cas assez souvent.
  30. Accord avec la théologie systématique

    La théologie positive et la théologie systématique, dans le respect de leur méthode propre, doivent entretenir entre elles une collaboration féconde et constante. A proprement parler, en effet, il n'y a pas en théologie deux étapes successives de travail, car la partie spéculative s'amorce déjà dans la positive qui est la spéculative en fieri, tandis que la spéculative est la positive au terme de son mouvement.

    Coopération interdisciplinaire

  31. 4) Pour atteindre un tel but, l'un des moyens les plus importants consiste dans la coopération efficace et coordonnée entre les professeurs des disciplines les plus directement intéressées: exégèse, théologie fondamentale, dogmatique et morale, en vue de parvenir à une bonne division des tâches ainsi qu'à une harmonisation et une structuration plus parfaite des matières enseignées.
  32. Travail constructif de l'exégèse

    On attend du professeur d'Ecriture Sainte en particulier une juste ouverture et une compréhension pour les problèmes qui sont ceux des autres disciplines théologiques, dans la conscience toujours vive de ce qu'exigé l'intégrité et la cohérence interne de la foi comme le requiert le principe de l'analogie de la foi.[Cf. Const. Dei verbum, n. 12.]

    Sens de la responsabilité

    L'importance justement reconnue aujourd'hui aux sciences bibliques, si elle augmente la responsabilité du bibliste par rapport à ceux qui traitent d'autres disciplines, ne justifie pas une attitude d'indépendance ou de domination. Le responsable devra donc se sentir avant tout serviteur de la Parole de Dieu: il devra se rappeler combien les problèmes exégétiques sont un domaine délicat, à traiter avec une extrême prudence et sobriété, particulièrement dans le cours institutionnel, en considérant de plus l'influence qu'ils peuvent avoir sur la catéchèse et sur la prédication.[Cf. commission pont. biblique, Instruction Sancta Mater, sur la vérité historique des évangiles, 21 avril 1964, n. 4: AAS 56, 1964, pp. 717-718]

    Responsabilité particulière par rapport:

  33. 5) Le professeur d'Ecriture Sainte devra être conscient surtout de ses responsabilités en fonction de la théologie dogmatique et morale, de la théologie fondamentale, du ministère pastoral et de la vie spirituelle du futur prêtre. Qu'il suffise de rappeler les points suivants:

a) Par rapport à la théologie systématique l'exégèse, pour être utile, doit s'élever au niveau d'une théologie biblique proprement dite;

— à la théologie fondamentale

b) Par rapport à la théologie fondamentale, les sciences bibliques exigent une mise à jour scientifique jointe à une attitude constructive dans l'utilisation des données certaines des sciences en fonction de la foi;

c) Par rapport au ministère pastoral il faut pouvoir offrir une vision aussi parfaite que possible de l'ensemble de l'Ecriture sans ignorer les problèmes plus graves [Cf. Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, n. 78.] et en conduisant les élèves à user des textes selon une interprétation correcte et sage.

— à la vie spirituelle

d) Par rapport à la vie spirituelle il faut susciter chez les élèves respect et amour envers la Sainte Ecriture, [Cf. Const. Sacrosanctum Concilium, n. 24.] les former à en user avec profit dans la liturgie, dans la vie de piété et l'ascèse qui convient aux prêtres.

Position centrale du Credo

  1. 6) Pour que l'enseignement qui part des thèmes bibliques ait une vraie valeur formative, le professeur d'Ecriture Sainte cherchera à les ordonner dans une synthèse théologique de la Révélation inspirée à la Profession de la foi catholique (" Credo "), inspirée à ce qui permettra de relier la théologie aux articles fondamentaux de la foi chrétienne.
  2.  

    2. La patristique

    Exigences de méthode

  3. 1) On peut faire pour la patristique des remarques analogues à celles qui viennent d'être faites pour l'Ecriture Sainte: on ne peut cependant les transposer toutes intégralement, car il y a entre les deux disciplines d'évidentes différences qui tiennent à leur objet. Il est également nécessaire en effet dans la patristique comme dans l'Ecriture Sainte:
  4. Méthode historique

    a) De respecter la spécificité de la méthode de recherche historique;

    Exigences d'unité

    b) De tendre à l'unité de l'enseignement théologique même si cela doit se faire par des synthèses partielles et progressives.

    Respect pour la réalité historique

  5. 2) L'un des buts de l'enseignement patristique consiste à déterminer le cadre de la théologie et de la vie chrétienne à l'époque des Pères dans sa réalité historique. Lui donner des objectifs différents ferait courir le risque d'une fragmentation stérilisante.
  6. Continuité et relativité

  7. 3) L'enseignement de la patristique doit donner le sens de la continuité de la doctrine théologique qui tient aux données fondamentales, et en même temps le sens de la relativité qui correspond aux aspects et aux applications particulières. De cette façon elle pourra aider la théologie, prise dans son ensemble, à se maintenir à l'intérieur de la foi telle qu'elle est interprétée et conservée par le consensus des Pères.
  8. Liens avec l'histoire de l'Eglise

  9. 4) II sera donc opportun de maintenir entre l'enseignement de la patristique et celui de l'histoire de l'Eglise un lien qui contribue à faire l'unité des problèmes, des événements, des expériences, des acquisitions doctrinales, spirituelles, pastorales et sociales de l'Eglise aux diverses époques.[Cf. Décr. Optatam totius, n. 16; en outre, S. C. pour l'éducation catholique, Lettre cire. Synodi Episcopalis, 22 mai 1968, Lettre dans laquelle on demande, pour une formation théologique complète des futurs prêtres, entre autres choses, ce qui suit: " une structure de l'enseignement qui en assure l'unité; une idée précise de ce qu'est le travail théologique, et de ce que sont ses sources; une solide formation historique ".]
  10. 3. La théologie dogmatique

    Méthode génétique

  11. 1) La méthode génétique décrite pour la théologie dogmatique par le Concile Vatican II, [Décr. Optatam totius, n. 16.] et qui comporte les cinq étapes: Ecriture, Tradition patristique et historique, analyse spéculative, vie liturgique, vie de l'Eglise avec application aux problèmes actuels, garantit un enseignement ancré sur les données de la Révélation, unifié dans l'histoire du salut, et intégré dans une vision concrète de la foi, vitalisé par un contact avec la liturgie et la vie de l'Eglise, enfin ouvert aux exigences pastorales grâce à l'attention accordée aux problèmes du temps.
  12. Continuité de la foi

  13. 2) Pour exploiter à fond une telle méthode et surmonter les difficultés qu'elle présente, la condition première est de respecter et d'appliquer le principe de la continuité de la foi, compte tenu de la nécessité pour les générations successives de la comprendre toujours plus pleinement et dans une relation plus parfaite aux nécessités du monde.
  14. Dans la ligne de cette continuité on doit considérer:

    Rapport entre Révélation et théologie

    a) la référence nécessaire et continue à la Révélation: c'est elle qui est le principe objectif et inépuisable de la foi et qui engendre comme telle le dogme et les diverses expressions de la vie chrétienne, en particulier la théologie;

    Fonction du Magistère

    b) l'intervention du Magistère de l'Eglise à qui il revient de définir les exigences permanentes et indiscutables de la foi;

    Véritable portée de la théologie

    c) la nécessité et en même temps la relativité de la théologie qui découvre et met en évidence les profondeurs de la foi ;

    Mission propre de la théologie

    d) l'exigence d'une compréhension actuelle de la foi reçue et professée dans son intégrité, en relation avec la nouvelle situation culturelle, et par conséquent avec la mission propre de la théologie.

    Exigences de la méthode génétique

  15. 3) L'application correcte de la méthode génétique exige encore entre la dogmatique et les sciences bibliques un juste rapport dont il a déjà été question.

Le contact direct avec la Sainte Ecriture comporte la possibilité d'un enrichissement meilleur quant au thème traité et un enseignement plus actif et plus créatif. Mais il entraîne aussi par conséquent, pour le Professeur et pour les élèves, un travail plus exigeant.

Devoirs spécifiques du professeur

  1. 4) Tout cela entraîne pour celui qui enseigne la théologie dogmatique un certain nombre de tâches spécifiques, en particulier pour ce qui concerne la dimension positive de son enseignement sous l'aspect biblique, historique et patristique:

Utilisation judicieuse : — de l'Ecriture

a) sous l'aspect biblique, le professeur doit se rappeler sans cesse que la Sainte Ecriture n'est pas seulement un arsenal de preuves à l'appui d'une thèse, mais avant tout un point de départ et une source d'inspiration pour tout l'enseignement.

— des données de la patristique et de l'histoire

b) Sous l'aspect historique et patristique le professeur doit connaître à fond les résultats des recherches et des études monographiques concernant les grands maîtres de la tradition chrétienne: il ne s'agit pas seulement pour lui de les utiliser comme un élément de sa synthèse historique, mais de se servir d'eux comme de guides pour la réflexion chrétienne et l'organisation systématique de la théologie.

Juste équilibre entre la partie positive e la partie systématique

  1. 5) La coordination étroite des disciplines et la coopération effective des enseignants entre eux s'impose donc absolument pour ce qui est du rapport entre l'aspect positif et l'aspect spéculatif de la théologie. Elle reposera sur deux principes:

a) l'ampleur et l'importance de la partie positive de la méthode génétique ne doit pas diminuer l'importance que l'approfondissement spéculatif doit avoir dans l'enseignement.

b) L'intégrité de cette méthode évidemment s'accommode à une certaine souplesse en relation avec les thèmes traités: certains réclament que l'aspect positif soit plus accentué, (par ex. le domaine de la Pénitence), d'autres au contraire, qu'on développe davantage la partie spéculative, (par ex. quand il s'agit de la grâce et de la liberté, ou de la conscience personnelle du Christ).

Intégralité de l'enseignement

  1. 6) L'enseignement de la dogmatique doit être intégral non seulement quant à l'application complète de la démarche génétique, mais aussi quant à la matière même de la discipline: c'est-à-dire que toutes les vérités de la foi doivent être dûment étudiées. Evidemment, il y a à faire un choix judicieux parmi les thèmes en distinguant l'essentiel de ce qui ne l'est pas. Il existe en fait une " hiérarchie des vérités de la doctrine catholique en raison de leur rapport différent avec les fondements de la foi chrétienne ".[Décr. Unitatis redintegratio, n. II.] Dans la dogmatique cependant comme d'ailleurs dans les autres disciplines principales du Cours institutionnel, il ne peut être question d'options ou de spécialisations prématurées.
  2. 4. La théologie morale

  3. 1) Le renouvellement de la théologie morale, voulu par le IIe Concile du Vatican, [Décr. Optatam totius, n. 16.] s'insère dans l'effort général de l'Eglise pour mieux comprendre l'homme d'aujourd'hui et aller à la rencontre de ses besoins, dans un monde en profonde transformation.
  4. Il s'agit d'insérer le ferment évangélique " dans la circulation de pensée, d'expression, de culture, d'usages, de tendances de l'humanité telle qu'elle vit et s'agite aujourd'hui sur la face de la terre ".[paul VI, Lettre enc. Ecclesiam Suant, 6 août 1964: AAS 56, 1964, pp. 640-641.]

    L'enseignement de la théologie morale apporte une contribution efficace à cette tâche d'Eglise et appelle un renouvellement et un perfectionnement correspondant à cette exigence.

    Statut épistémologique

  5. 2) La théologie morale a présenté quelquefois dans le passé une certaine étroitesse de vues et des lacunes: cela était dû pour une large part à un certain juridisme, à une orientation individualiste et au détachement des sources de la Révélation. Pour surmonter tout cela il est nécessaire de mettre au clair le statut épistémologique de la théologie morale. Il faut préciser la façon dont elle doit se construire, en contact étroit avec la Sainte Ecriture, la Tradition — reçue de la foi et interprétée par le Magistère —, et en référence à la loi naturelle connue par la raison.
  6. Niveau authentiquement théologique

    Sur ces bases on peut opérer une révision et une remise en valeur de la théologie morale jusque dans ses applications spirituelles, pastorales, " politiques ". Elle se trouvera ainsi élevée à un niveau authentiquement théologique et cette nouvelle présentation est la première condition pour qu'elle puisse venir au devant des justes exigences de ce qu'on appelle aujourd'hui l'orthopraxis.

    Lien avec la dogmatique

  7. 3) A cet effet il est nécessaire avant tout de bien avoir conscience du lien qui existe entre la théologie morale et la théologie dogmatique: c'est par là que la morale pourra être considérée et traitée en véritable discipline théologique, en conformité avec toutes les règles fondamentales de méthode qui valent pour toute la théologie. Il convient sur ce point de revenir à la conception mise en si beau relief par saint Thomas d'Aquin, lequel, comme d'ailleurs les autres maîtres, n'a jamais séparé la morale de la dogmatique, mais au contraire, lui a fait place dans le dessein unitaire de la théologie systématique, la concevant comme l'étude particulière du cheminement par lequel l'homme, créé à l'image de Dieu et racheté par la grâce du Christ, tend progressivement à la pleine réalisation de lui-même, selon les exigences de sa vocation divine et dans le contexte de l'économie du salut réalisé historiquement dans l'Eglise.
  8. Aspect positif et systématique

  9. 4) En vertu de ce lien, la théologie morale doit s'élaborer selon le processus spécifique de la théologie, c'est-à-dire en donnant soit à l'aspect positif, soit à l'aspect spéculatif le développement convenable, en puisant largement aux sources de la Révélation, en gardant tout le long de son travail un accord complet avec la pensée et avec la conscience de l'Eglise.
  10. Intégralité de l'enseignement

    Quant aux thèmes à traiter, la même préoccupation qui a été exprimée dans le cas de la dogmatique quant à l'intégralité matérielle de l'enseignement, vaut aussi pour la théologie morale.

    Apport des sciences naturelles et humaines

  11. 5) Plus encore que pour les autres disciplines théologiques il faut, en théologie morale, tenir compte des résultats des sciences de la nature et de l'homme, et de l'expérience humaine. Certes, celles-ci ne peuvent fonder et encore moins créer les normes de la moralité.[S. C. pour la doctrine de la Foi, Décl. Persona humana, n. 9, 29 déc. 1975: L'Osservatore Romano, 16 janv. 1976, p. I.] Elles peuvent cependant projeter beaucoup de lumière sur les conditions réelles et sur le comportement de l'homme en poussant à des recherches, des révisions des approfondissements dans tout le domaine situé entre les principes certains de la raison ou de la foi d'une part, et les applications au concret de la vie d'autre part.
  12. Médiation de la philosophie

    Le lien entre la théologie morale et les sciences de l'homme et de la nature se réalisera grâce à une réflexion philosophique approfondie: cette réflexion trouvera un stimulant dans la Tradition chrétienne qui n'a jamais manqué de se poser le problème de l'homme, de sa nature, de son destin et de son développement intégral, dans son cheminement vers Dieu.

    Idée de la vocation chrétienne

  13. 6) II faut que la théologie morale retrouve l'aspect dynamique qui est celui de la réponse que l'homme doit faire à l'appel divin en progressant dans l'amour au sein d'une communauté de salut.
  14. Dimension spirituelle interne

    Ainsi la théologie morale acquerra cette dimension spirituelle interne qu'exigé le plein développement de l'image de Dieu qui se trouve dans l'homme, et le progrès spirituel que l'ascétique et la mystique chrétiennes décrivent.

    Direction spirituelle.

    Sacrement de la pénitence

    Mais à cette fin la théologie morale doit garder un contact étroit avec la théologie biblique et dogmatique, elle doit en même temps ne jamais perdre de vue les tâches pastorales qui attendent les futurs prêtres dans la direction d'âmes et dans le ministère du sacrement de pénitence.

    Contacts avec la théologie pastorale

  15. 7) L'enseignement de la morale à ceux qui se préparent au ministère sacerdotal comporte très spécialement une étroite liaison avec la pastorale: celle-ci stimulera la morale dans l'étude des problèmes qui sont posés par l'expérience de la vie; la morale fournira à la pastorale des schémas d'action inspirés de la Parole de Dieu, théologiquement bien fondés et mis au point. C'est le chemin du renouvellement tel que le IIe Concile du Vatican l'a tracé: "à la lumière de l'Evangile et de l'expérience humaine ".[Const. Gaudium et spes, n. 46.]
  16. 5. La théologie pastorale

    Sa nécessité

  17. 1) On devra donner à l'enseignement de la théologie pastorale une importance particulière: elle doit constituer une dimension de toutes les disciplines théologiques; [Cf. Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, n. 94.] elle doit aussi, comme science particulière, interpréter et stimuler les saines requêtes du ministère pastoral et orienter la réponse à leur faire présentement dans le sens de la foi et à la lumière de la Révélation.[Cf. Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, n. 79.]
  18. Sa position dans le cadre de la théologie

  19. 2) La pastorale reste au contact des réalités, c'est-à-dire des problèmes du ministère et des solutions qu'on leur donne aux divers moments du temps et spécialement aujourd'hui. Cependant elle est liée à la théologie, dont elle se nourrit sous deux aspects fondamentaux :
  20. — elle lui pose des problèmes

    a) elle interpelle et provoque la théologie, spécialement la théologie morale, en lui posant des problèmes qu'elle ne peut ni ne veut résoudre par elle-même de façon simplement empirique, car ils appellent l'illumination de la foi;

    elle en reçoit des solutions et étudie leurs applications

    b) elle étudie les applications pratiques des solutions théologiques, compte tenu des situations concrètes et dans le respect de la pluralité des choix possibles, quand il s'agit de matières où ce choix est légitime.

     

     

    Sa valeur pratique

  21. 3) Sous bénéfice de ces critères, l'enseignement de la théologie pastorale possède une valeur authentique de formation. Il pose les bases d'une action bien conçue, aussi éloignée des timidités et des frustrations d'une part, que des initiatives imprudentes et téméraires d'autre part, dont une bonne théologie fait voir les défauts.
  22. Coordination et coopération entre professeurs

  23. 4) II dépendra de l'ensemble des professeurs du Cours institutionnel que l'enseignement de la pastorale réussisse à être harmonieux, cohérent, et formateur, soit comme dimension de chaque discipline, soit comme étude des questions particulières touchant le ministère.
  24. Le programme des études devra donc réserver à la pastorale la place qui lui revient.

    Il faut encourager également la création, après le Cours institutionnel, d'un Cours pastoral annuel.[Cf. Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, n. 84 b) ; Normae quaedam ad Constitutionem Apostolicam " Deus scientiarum Dominus " de studiis ecclesiasticis recognoscendam, n. 33.] Mais il ne faut pas pour autant méconnaître la nécessité d'un tel enseignement dans les années précédentes, durant lesquelles, selon les exigences et les possibilités locales, on lui donnera la forme et la mesure plus opportunes.

    Discipline indispensable mais non prioritaire

  25. 5) En toute hypothèse, il faut à la fois ne jamais sacrifier l'enseignement de la pastorale, et ne pas y réduire toute la théologie.
  26. 6. La théologie fondamentale

    Son rôle primordial

  27. 1) Toutes les matières théologiques supposent comme base de leur développement rationnel une théologie fondamentale: celle-ci a pour objet le fait de la Révélation chrétienne et sa transmission dans l'Eglise; or ces questions sont premières dans toute problématique sur les rapports entre la raison et la foi.
  28. Double aspect de la théologie fondamentale

  29. 2) La théologie fondamentale doit être étudiée en tant qu'introduction à la dogmatique et même comme préparation, analyse et développement de l'acte de foi (le " Credo " du symbole), dans le contexte des exigences de la raison et des rapports qui existent entre la foi, la culture et les grandes religions. Mais la théologie fondamentale constitue également une dimension permanente de toute la théologie, car celle-ci doit répondre aux problèmes actuels présentés par les élèves et par le milieu où ils vivent et exerceront demain leur ministère.
  30. Rôle essentiel

  31. 3) La raison d'être essentielle de la théologie fondamentale consiste dans la réflexion que le théologien doit faire avec l'Eglise à partir de la foi, sur la réalité du christianisme, œuvre de Dieu révélé et rendu présent en la personne du Christ, et sur l'Eglise elle-même comme Institution voulue par le Christ pour prolonger son œuvre dans le monde.
  32. Théologie de dialogue et de frontière

    Il s'agit donc d'une théologie de dialogue et de frontière, par laquelle, outre la confrontation en termes abstraits de la foi et de la raison, on entre en contact avec les religions historiques: hindouisme, bouddhisme, Islamisme; avec les expressions de l'athéisme moderne, spécialement Marx, Freud, Nietzsche; avec les formes vécues d'indifférence religieuse dans un monde sécularisé où la technologie et les valeurs économiques ont le primat; avec les exigences des croyants eux-mêmes qui portent en eux aujourd'hui des germes nouveaux de doute et de difficulté, posant à la théologie et à la catéchèse des questions nouvelles.

    Pour faire face aux exigences et aux expériences de ces diverses catégories d'hommes, la théologie fondamentale s'efforce de déterminer le sens que peuvent avoir dans un tel contexte, le Christ, son message et son Eglise, afin de stimuler et obtenir l'adhésion de foi qui doit permettre de rejoindre Dieu.

    Aspects de l'intérêt scientifique de la théologie fondamentale

  33. 4) Cette manière d'entendre la théologie fondamentale appelle une étude du rapport du christianisme avec l'histoire, avec le langage, avec les autres expériences religieuses, les mystiques, les philosophies des sciences, la condition humaine.
  34. Importance du point de vue anthropologique

    Sa mission spécifique demeure cependant de manifester par des arguments rationnels valables aussi bien pour des croyants que pour des incroyants que le mystère du Christ présent dans l'Eglise non seulement éclaire l'existence humaine, mais qu'il la réalise et l'achève, en la surélevant par le rapport avec Dieu qui la perfectionne et la sauve.

    Introduction au mystère du Christ - Importance l'épistémologie théologique

  35. 5) Bien loin que la théologie fondamentale se laisse réduire à une anthropologie, elle aura tout son sens dans la mesure où elle deviendra une introduction au mystère total du Christ et par-là même à la théologie. Une telle fonction d'introduction réclamera aussi du professeur qu'il fasse voir clairement en quoi consiste la science théologique dans ses éléments fondamentaux et qu'il donne ainsi aux élèves une idée exacte de ce qu'est la science sacrée.[Cf. Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, n. 79.]
  36. Service apporté par la théologie fondamentale à la formation de la personnalité de l'élève

  37. 6) II vaut la peine d'ajouter que la théologie fondamentale, à condition de garder toute sa dimension, contribue à développer une personnalité et à la mûrir de par la confrontation continue entre la foi et la raison, confrontation qui se résout dans une harmonie supérieure, comme en témoignent tant de maîtres éminents dans la tradition chrétienne. Elle aide le théologien et le pasteur d'âmes à surmonter tout complexe d'infériorité en face des données de la culture et spécialement des sciences, données qui sont utilisées comme expression des vérités de la raison sans qu'on s'y assujettisse, selon les critères de méthode qui sont ceux de la théologie fondamentale. Celle-ci enfin, est utile pour stimuler en tous le courage de la foi, en dehors duquel il n'y a ni vie chrétienne, ni même bonne théologie.
  38. Discipline obligatoire

  39. 7) Pour toutes les raisons qui viennent d'être évoquées, la théologie fondamentale doit être considérée comme une matière dont on ne peut se passer pour la formation théologique et pastorale, et dont l'enseignement doit occuper par conséquent dans les programmes d'études une place proportionnée à son importance.
  40.  

    7. Les autres disciplines théologiques

    Leur contribution à la formation théologique

  41. Bien entendu, une formation théologique complète des futurs prêtres appelle le concours encore d'autres disciplines principales de grande importance comme sont par ex. : la liturgie, le droit canon, l'histoire ecclésiastique. Elle comporte également l'étude des disciplines auxiliaires: théologie spirituelle, enseignement social de l'Eglise, théologie œcuménique, missiologie, art sacré, chant sacré, etc. Celles-ci se juxtaposent aux disciplines principales ou rentrent, comme c'est le cas par ex. de la catéchétique ou de l'homilétique, dans le cadre de la théologie pastorale.
  42. Directives

  43. Pour ces disciplines valent les directives contenues d'une part dans les documents du Concile du Vatican (Const. Sacrosanctum Concilium, Décr. Optatam totius, Ad gentes, Unitatis redintegratio, Orientalium Ecclesiarum, Inter mirifica, etc.), et, d'autre part, dans la Ratio fundamentalis et les divers documents touchant des domaines spéciaux.[Les documents publiés: secrétariat pour l'union des chrétiens, Directorium, Pars altéra (cf. surtout le n. 75 : De œcuménisme ut peculiari disciplina); S. C. pour l'évangélisation des peuples, Lettre cire, sur la dimension missionnaire de la formation sacerdotale, Pentecôte 1970; secrétariat pour les non croyants, la note sur l'étude de l'athéisme, 10 juin 1970; S. C. pour l'éducation catholique, Lettre cire, sur l'enseignement de la philosophie dans les Séminaires, 20 janv. 1972; Lettre cire, sur l'étude du droit canon, 1 mars 1975. La même S. Congrégation a publié en ces dernières années, dans la revue " seminarium ", une série d'articles d'orientation destinés à promouvoir le renouvellement, dans l'esprit du Concile, des diverses disciplines inscrites au programme de la formation philosophique et théologique.]
  44. Ce qu'on peut attendre du présent document

    Chacune de ces autres disciplines pourra, tout en restant soigneusement fidèle à sa problématique propre et à sa propre fin spécifique, tirer grand avantage du présent document: elles y trouveront en particulier une conscience plus vive des tâches présentes et de la nécessité d'apporter à la théologie, dans l'esprit de la foi, un concours constructif.

     

    IV. Normes pratiques

     

    Devoirs de chacun des responsables

  45. En conclusion des considérations précédentes, on a estimé opportun d'énoncer quelques principes normatifs qui tracent aux autorités responsables des Séminaires, aux professeurs et aux élèves, la ligne de leurs devoirs.
  46. I. TÂCHES DES RESPONSABLES DE LA FORMATION THÉOLOGIQUE

    I. Les autorités ayant la charge des Séminaires (évêques et conférences épiscopales, recteurs)

    Présentation aux ordres sacrés

  47. 1) Les autorités responsables des Séminaires portent la responsabilité de témoigner que les candidats au sacerdoce, outre les autres conditions requises, possèdent une préparation théologique qui les rend capables de remplir le ministère de l'enseignement de la foi et de guider spirituellement les fidèles.
  48. Devoirs à l'égard du corps professoral

  49. 2) II n'y a pas de préparation sérieuse des futurs prêtres sans un corps enseignant efficient et qualifié. Evêques et recteurs de Séminaires ne doivent donc pas hésiter à accorder aux candidats particulièrement capables d'études supérieures le temps nécessaire pour acquérir les grades académiques reconnus par l'Eglise. Ils doivent mettre à leur disposition les instruments adéquats de travail (bibliothèques, livres, revues) et leur accorder volontiers le temps nécessaire pour leur aggiornamento.[Cf. Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, nn. 32-38.]
  50. Importance de l'enseignement

  51. 3) Dans un diocèse, la formation des futurs prêtres doit être considérée comme l'un des ministères les plus importants et sous certains aspects les plus exigeants. En effet, la fonction d'enseignement associe le professeur à la fonction du Seigneur et Maître préparant ses apôtres à devenir les témoins de l'Evangile et les dispensateurs des mystères de Dieu.
  52. Nécessité de la vigilance

  53. 4) Les présentes normes n'auront d'efficacité que si elles sont assorties, de la part de tous les responsables, d'une vigilance assidue.
  54. 2. Les professeurs

    Rôle irremplaçable du professeur

  55. 1) Le rôle du professeur est particulièrement important pour le Cours institutionnel. C'est lui qui donne le sens de la continuité de la foi, de la tradition et de la vie actuelle de l'Eglise. C'est grâce à lui que, au sein du pluralisme actuel, est assurée l'adhésion aux vérités fondamentales en même temps que l'on y acquiert une capacité de jugement et une appréciation équilibrée. Il représente donc l'élément d'unité indispensable pour une formation de base complète. Par conséquent il faut revaloriser dans les esprits la fonction du professeur auquel l'Eglise veut exprimer son appréciation et sa reconnaissance, ayant conscience de la difficulté de sa mission.
  56. Double fidélité

  57. 2) Comme serviteur de la Parole de Dieu le professeur de théologie est lié au Christ et lié à l'Eglise. Son enseignement se développe dans une perspective à la fois de fidélité à la Parole de l'unique Seigneur, et de loyauté envers l'Eglise et son Magistère.[Cf. Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, n. 87.]
  58. Pluralisme théologique

  59. 3) La pluralité des écoles est un fait banal dans l'Eglise; et même à certains égards il peut être considéré comme un avantage. Le IIe Concile du Vatican en a lui-même reconnu la légitimité et la fécondité.[Décr. Unitatis redintegratio, n. 17.] Cependant une telle pluralité ne doit pas tourner à un pluralisme de systèmes qui rompt l'unité de la foi. Celle-ci doit demeurer intacte. Il serait déplorable d'en venir à confondre pluralisme théologique et pluralisme de foi.
  60. Aggiornamento scientifique

  61. 4) Le professeur doit montrer dans son enseignement qu'il est au courant des apports les plus récents de la recherche théologique et capable de les présenter et de les apprécier à leur juste valeur. Qu'il se garde par contre d'une disposition à considérer comme certaines toutes les nouvelles hypothèses, du fait qu'elles sont nouvelles, et comme dépassées toutes les positions antérieures du fait qu'elles sont moins récentes.[Cf. Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, n. 88.]
  62. Collaboration interdisciplinaire

  63. 5) La théologie prend aujourd'hui vivement conscience de ce qu'une collaboration interdisciplinaire s'impose. En théologie comme dans le domaine des sciences profanes ce sont les équipes de professeurs qui ont mission de se vouer à l'approfondissement de la foi. Il est donc souhaitable que ceux qui enseignent dans les Séminaires développent toujours plus ces échanges mutuels qui favorisent le travail interdisciplinaire, soit dans le domaine de l'enseignement, soit dans celui de la recherche.[Cf. Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, n. 90.]
  64. Textes d'enseignement

  65. 6) Dans l'intérêt d'une formation plus efficace et surtout d'une préparation théologique plus systématique, plus complète, doctrinalement plus sûre, l'usage de livres de textes bien à jour est recommandable pour toutes les disciplines: ces textes devraient servir de base soit pour les leçons, soit pour le travail privé des élèves.[Cf. Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, n. 88.]
  66. But pastoral de l'enseignement

  67. 7) L'enseignement théologique dans les Séminaires doit avant tout chercher à former des prêtres pour le ministère pastoral: les professeurs doivent donc avoir toujours en pensée une telle finalité, et pour cela, rester au contact des paroisses et de tous ceux qui travaillent dans ce qui sera le champ d'action de leurs élèves: ils pourront ainsi en mieux comprendre les exigences.[Cf. Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, n. 94.]
  68. 3. Les élèves

    Participation active

  69. 1) II faut que les élèves se sentent co-responsables de leur propre formation théologique. En effet, dans la formation doctrinale tout comme dans les autres domaines de la formation, est requise aujourd'hui une participation plus active de l'élève: cette exigence est dans la ligne des meilleures traditions pédagogiques remises aujourd'hui en valeur.[Cf. Décr. Optatam totius, n. 17; Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, nn. 35, 91.]
  70. Etudes préparatoires

  71. 2) Avant d'aborder les études théologiques, les élèves doivent avoir reçu la préparation nécessaire, soit littéraire,[Décr. Optatam totius, n. 13; Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, nn. 65 ss.; cf. ibid. nn. 59, 60.] soit philosophique. Le cours de philosophie peut cependant être intégré dans l'enseignement théologique. La formation philosophique ne comporte pas seulement une connaissance de l'histoire de la philosophie mais surtout une réflexion organique sur le monde et sur l'homme qui culmine dans l'affirmation d'un Absolu personnel. Le cours philosophique doit, en conformité avec les normes prescrites, comporter une durée d'au moins deux ans.[Cf. Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, nn. 60, 61; 70, 75; en outre: S. C. pour l'éducation catholique, Lettre circ. sur l'enseignement de la philosophie dans les Séminaires, 20 janv. 1972., III, n. I, 2.]
  72. Latin et langues bibliques

  73. 3) Les étudiants en théologie doivent être capables d'accéder aux sources de la réflexion théologique, en particulier au Nouveau Testament, aux documents du Magistère ecclésiastique, aux œuvres des Pères de l'Eglise et des grands Scolastiques, cela grâce à une connaissance convenable du latin [Décr. Optatam totius, n. 13; Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, n. 66.] et des langues bibliques,[Décr. Optatam totius, n. 13; Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, n. 80.] comme aussi grâce aux travaux de recherche contemporaines: traductions et commentaires.
  74. Assistance aux Cours

  75. 4) Les élèves de théologie doivent s'engager à une assistance active et régulière aux cours. En effet, lorsqu'il s'agit de la transmission, non pas de données positives (de type mathématique, par exemple), mais d'une tradition de culture et davantage d'une tradition de foi, comme dans le cas de la tradition chrétienne, la rencontre d'un maître, qui est en même temps témoin de cette foi qui a illuminé et transformé sa vie, est irremplaçable. Il devient témoignage rendu à la vérité de l'Evangile, discours du théologien croyant et priant, où l'intelligence du Mystère et l'intimité de vie avec le Mystère coïncident. Il n'est pas possible soit d'enseigner soit d'étudier la théologie comme on ferait une matière profane à l'égard de , laquelle on pourrait demeurer neutre. Par le fait même le contact personnel entre professeurs et élèves est important dans les leçons, les exercices ou séminaires, dans la direction personnelle.[Cf. Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, nn. 35, 38, 91.]
  76.  

     

    II. ordonnance des études théologiques

     

     

    Quadriennium théologique

  77. 1) En tout Séminaire la formation de base au sacerdoce doit comporter un minimum de quatre ans de théologie; ou son équivalent dans les systèmes qui intègrent philosophie et théologie. La même norme vaut pour les scolasticats de religieux.[Cf. Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis, n. 2.]
  78. Traités et thèmes essentiels

  79. 2) Le Cours institutionnel de théologie doit viser avant tout à fournir une vision organique du mystère chrétien où se trouvent inclus les thèmes essentiels de la foi et de la vie chrétienne. Faute d'une formation qui assure la solidité et la fécondité de toute spécialisation ultérieure c'est la vocation sacerdotale elle-même qui courrait le risque de sombrer. On ne pourrait parler de formation de base si l'un ou l'autre des thèmes suivants se trouvaient omis ou traités rapidement et superficiellement: la Révélation et sa transmission à travers la Tradition et la Sainte Ecriture; l'affirmation d'un seul Dieu en trois Personnes; Dieu Créateur; l'Incarnation du Fils de Dieu et la Rédemption de l'homme (mystère pascal); l'Eglise et les Sacrements; l'anthropologie chrétienne (grâce et vie théologale); l'eschatologie; la Morale chrétienne (fondamentale et spéciale); l'ensemble du Message de la Sainte Ecriture (la Loi et les Prophètes; les Synoptiques, saint Jean et saint Paul). A cette vision du mystère chrétien concourent également: l'étude de la théologie fondamentale, de l'épistémologie théologique, de la liturgie, de l'histoire de l'Eglise, du Droit canon, de la théologie pastorale, de la théologie spirituelle, de l'enseignement social de l'Eglise, de l'œcuménisme et de la missiologie.
  80. Impact des sciences humaines

  81. 3) Sans se confondre avec les sciences humaines jusqu'à se diluer et devenir psychologie, sociologie, anthropologie, la théologie contemporaine, même au niveau du cours institutionnel, ne peut ignorer les problèmes que pose à l'homme d'aujourd'hui le développement des sciences humaines. Elle doit être non seulement intelligence de la Parole de Dieu, mais aussi intelligence de l'homme auquel s'adresse cette Parole, et des conditions d'audition de cette Parole. Elle doit parler des Mystères chrétiens de façon à joindre à une profonde intelligence de ce qu'ils sont en eux-mêmes une vivante perception de ce qu'ils sont pour nous.
  82. Rappel des orientations propres à chacune des disciplines

  83. 4) Dans l'enseignement des diverses disciplines théologiques on doit constamment garder en pensée les orientations données en particulier dans la troisième partie de ce document — certains points en ont été volontairement repris ici et soulignés — afin d'assurer aux élèves, qu'ils soient ou non candidats aux ordres sacrés, une formation sûre et complète.

 

Conclusion

 

La Sacrée Congrégation pour l'Education Catholique confie le présent document aux soins des Evêques et de tous les responsables de la formation théologique des candidats au sacerdoce. Elle voudrait leur rendre ainsi service dans leur tâche très grave de formation au milieu des circonstances actuelles. On a cherché à mettre en évidence la vraie nature et la mission spécifique de l'enseignement théologique en le situant dans les perspectives ouvertes par le IIe Concile du Vatican et les documents postérieurs du Souverain Pontife et du Saint-Siège; pour assurer aux futurs maîtres de la foi une formation doctrinale à la hauteur des besoins présents. Ils pourront ainsi cognoscere quod agunt et imitari quod tractant.

Il faut souhaiter que l'assimilation de la Parole de Dieu, avec sa valeur salvifique, se traduise pour eux en une vie conforme à cette Parole, nourrissant en eux une authentique spiritualité sacerdotale où la vérité soit mise en harmonie avec les exigences de la charité pastorale qui doit transmettre la foi de l'Eglise.

Rome, Palais des SS. Congrégations, en la fête de la Chaire de S. Pierre, 22 février 1976.

 

gabriel M. Gard. garrone, Préfet

 

V Joseph Schröffer,

Archevêque tit. de Volturne,

Secrétaire