Le diaconat dans la tradition de l’Église –

Première partie de la Lettre Apostolique Ad pascendum, 15 août 1972

 

(Documents pontificaux de Paul VI, éd. Saint Augustin p. 499)

Pour guider le peuple de Dieu et l’accroître sans cesse, le Christ Seigneur a institué dans l’Église des ministères variés qui tendent au bien du corps tout entier.

Dès l’âge apostolique, en effet, le diaconat, qui a toujours été tenu en grand honneur dans l’Église, se distingue parmi les ministères avec un éclat particulier. L’apôtre saint Paul l’atteste explicitement, soit dans l’Epître aux Philippiens lorsqu’il salue non seulement les évêques mais aussi les diacres, soit dans une lettre à Timothée où il souligne les qualités et les vertus indispensables aux diacres, afin qu’ils soient jugés dignes du ministère qui leur est confié.

Ensuite, les anciens écrivains ecclésiastiques, en proclamant la dignité des diacres, n’omettent point d’exalter en même temps les vertus et les dons spirituels exigés pour l’accomplissement de leur ministère, à savoir : la fidélité au Christ, l’intégrité des moeurs, la soumission à l’évêque.

Saint Ignace d’Antioche affirme que la fonction du diacre n’est rien d’autre que " le ministère de Jésus-Christ, lequel avant les siècles était près de son Père et est venu parmi nous à la fin ", et il remarque : " Il importe que les diacres, ministres des mystères de Jésus-Christ, donnent satisfaction à tous et de toute manière. Ils ne sont pas, en effet, des diacres préposés aux tables, ils sont les ministres de l’Église de Dieu. "

Saint Polycarpe de Smyrne exhorte les diacres à être " sobres en toutes choses, indulgents, zélés, attentifs dans leur conduite à la vérité du Seigneur qui s’est fait le serviteur de tous ". L’auteur de la Didascalie des Apôtres, rappelant les paroles du Christ : " Celui qui veut devenir le plus grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur ", applique cette exhortation fraternelle aux diacres : " Ainsi donc, il faut que vous, les diacres, si la nécessité survenait de donner votre vie pour vos frères dans l’accomplissement de votre ministère, vous la donniez... En effet, si le Seigneur du ciel et de la terre a été notre serviteur, a tout souffert et tout supporté pour nous, ne faut-il pas, à plus forte raison, que nous le fassions pour nos frères, étant donné que nous sommes ses imitateurs et que nous avons reçu en partage la mission même du Christ ? "

De même, les écrivains sacrés des premiers siècles, tout en rappelant l’importance du ministère des diacres, exposent aussi abondamment les fonctions multiples et importantes qui leur sont confiées. Ils affirment clairement quelles doivent être leur autorité auprès des communautés chrétiennes et leur participation à l’apostolat. Le diacre est présenté comme " l’oreille, la bouche, le coeur et l’âme de l’évêque ". Le diacre est auprès de l’évêque pour se consacrer à tout le peuple de Dieu et prendre soin des malades et des pauvres : c’est donc à très juste titre qu’on l’appelle " ami des orphelins, ami de ceux qui s’adonnent à la piété, soutien des veuves, homme plein d’ardeur, ami de tout ce qui est bien ". Par-dessus tout, il est prescrit de porter la sainte eucharistie aux malades demeurés à la maison, de conférer le baptême et de s’appliquer, selon la volonté et les directives de l’évêque, à prêcher la Parole de Dieu.

Aussi le diaconat s’est-il étonnamment développé dans l’Église, en même temps qu’il rendait un remarquable témoignage d’amour au Christ et aux chrétiens dans l’accomplissement des oeuvres caritatives, dans la célébration des mystères sacrés et dans l’exercice des charges pastorales.

Par la pratique de la fonction diaconale, ceux qui étaient destinés au presbytérat faisaient la preuve de leur capacité, de la valeur de leur travail et acquéraient ainsi cette préparation qu’on attendait d’eux en vue de recevoir la dignité sacerdotale et la charge pastorale.

 

Avant et après le concile Vatican II

Au long des siècles, cependant, la discipline concernant cet ordre a changé. On devint certes plus ferme dans l’interdiction de conférer les ordres " en sautant " les degrés intermédiaires, mais peu à peu diminua le nombre de ceux qui préféraient demeurer diacres toute leur vie plutôt que de s’élever à un degré supérieur. C’est ainsi que, dans l’Église latine, le diaconat permanent a pratiquement disparu. Il est à peine besoin de rappeler ce qu’a décrété le concile de Trente lorsqu’il s’est proposé de restaurer les ordres sacrés selon leur nature propre, conformément aux fonctions primitives de l’Église. En fait, l’idée de restaurer cet ordre sacré, important comme degré réellement permanent, ne se fit jour que beaucoup plus tard. Notre prédécesseur Pie XII eut l’occasion d’y faire brièvement allusion. Finalement, le concile Vatican Il accéda aux souhaits et aux demandes de restauration du diaconat permanent, lorsque le bien des âmes le demanderait, comme ordre intermédiaire entre les degrés supérieurs de la hiérarchie ecclésiastique et le reste du peuple de Dieu, en quelque sorte comme interprète des besoins et des aspirations des communautés chrétiennes, animateur du service ou de la " diaconie " de l’Église auprès des communautés chrétiennes locales, signe ou sacrement du Christ lui-même, qui " n’est pas venu pour être servi, mais pour servir ".

C’est pourquoi, au mois d’octobre 1964, au cours de la troisième session du concile, les Pères approuvèrent le principe de la rénovation du diaconat. Le mois suivant, en novembre, fut promulguée la constitution dogmatique Lumen gentium, dont le n° 29 décrit les principaux aspects caractéristiques de cet état : " Au degré inférieur de la hiérarchie se trouvent les diacres, auxquels on impose les mains "non pour le sacerdoce, mais pour le service". Fortifiés, en effet, par la grâce du sacrement, ils sont au service du peuple de Dieu, en union avec l’évêque et son presbyterium, dans la "diaconie" de la liturgie, de la parole et de la charité ".

Au sujet de la permanence dans l’ordre diaconal, la même constitution déclare : " Comme ces fonctions du diacre, nécessaires au plus haut point à la vie de l’Église, peuvent difficilement se remplir en bien des répons selon la discipline actuellement en vigueur dans l’Église latine, le diaconat pourra à l’avenir être restauré comme un degré propre et permanent de la hiérarchie " -

Or cette restauration du diaconat permanent demandait que les décisions du concile soient soumises à une réflexion approfondie ainsi qu’à un mûr examen de la condition juridique du diacre, célibataire ou marié. Mais il était nécessaire, en même temps, que soit adapté aux conditions actuelles tout ce qui concerne le diaconat chez ceux qui seront appelés au sacerdoce, afin que le temps du diaconat permette vraiment cette épreuve de la vie, de la maturité et de l’aptitude au ministère sacerdotal que l’ancienne discipline exigeait des candidats au sacerdoce.

C’est pourquoi nous avons donné, le 18 juin 1967, la lettre apostolique Motu proprio " Sacrum diaconatus ordinem " établissant, au sujet du diaconat permanent, les normes canoniques adaptées. Le 18 juin de l’année suivante, par la constitution apostolique Pontificalis Romani recognitio, nous avons approuvé le nouveau rite destiné à conférer les ordres du diaconat, du presbytérat et de l’épiscopat, en définissant en même temps la matière et la forme de l’ordination elle-même.

 

Nouvelles normes

Au moment où, allant plus loin, nous promulguons ce même jour la lettre apostolique Ministeria quaedam, il a paru opportun de fixer des normes précises concernant le diaconat. Nous voulons aussi que les candidats au diaconat connaissent quels ministères ils doivent exercer, et aussi à quel moment et pour quelles raisons ils doivent assumer les obligations du célibat et de la prière liturgique.

Bien que l’entrée dans l’état clérical soit différente de la réception du diaconat, cependant l’ancien rite de la tonsure, par lequel le laïc devenait clerc, n’existe plus. Mais un nouveau rite est établi, par lequel celui qui aspire au diaconat ou au presbytérat manifeste publiquement sa volonté de s’offrir à Dieu et à l’Église pour exercer ces ordres. L’Église, accueillant cette oblation, le choisit et l’appelle à se préparer à la réception de ces ordres, et à être ainsi introduit officiellement parmi les candidats au diaconat ou au presbytérat.

Il y a une convenance particulière à ce que les ministères de lecteur et d’acolyte soient confiés à ceux qui, en tant que candidats à l’ordre du diaconat ou du presbytérat, désirent se consacrer spécialement à Dieu et à son Église. L’Église, en effet, qui " ne cesse, de la table de la Parole de Dieu comme de celle du Corps du Christ, de prendre le pain de vie et de le présenter aux fidèles ", estime très opportun que les candidats aux ordres approfondissent et méditent par une longue familiarité comme par un exercice progressif du ministère de la Parole et de l’autel, ce double aspect de la charge sacerdotale. Par là, l’authenticité de leur ministère trouvera sa plus grande efficacité. Les candidats accéderont en effet aux ordres sacrés dans la pleine conscience de leur vocation, pleins de ferveur, donnés au service de Dieu, persévérants dans la prière et prenant part aux besoins des saints.

 

 

La suite du document donne les normes à suivre pour l’admission des candidats au diaconat et au presbytérat. Ces normes ont été reprises dans le Code de droit canonique. Les principaux canons concernant les diacres sont reproduits à la fin du volume publié par Solesmes.