TABLE DES MATIÈRES

I LA NOUVEAUTÉ DU CHRIST *

UN TRÉSOR LÉGUÉ PAR LE CHRIST À SON ÉGLISE - Pie XII, LE Sacra virginitas, 25 mars 1954 *

Le célibat perpétuel propre au christianisme *

Depuis les débuts de l’Église *

beaucoup de chrétiens et de chrétiennes ont voué à Dieu leur chasteté *

Un enseignement révélé *

Consécration totale à Dieu *

Mariage spirituel avec le Christ *

Imitation du Christ *

LA RÉVÉLATION ÉVANGÉLIQUE DU CÉLIBAT VOLONTAIRE - Jean Paul II, Aud. gén. 10 mars 1982 *

Les paroles du Christ et leur contexte *

La continence volontaire ne se fonde pas sur la négation de la valeur du mariage *

mais sur un choix charismatique exceptionnel *

dans la réalité présente de la vie terrestre *

DE L’ANCIEN AU NOUVEAU TESTAMENT - Jean Paul II, Aud. gén. 17 mars 1982 *

Une comparaison significative *

en regard de la tradition de l’Ancien Testament *

Des paroles qui marquent un tournant décisif *

et qui porteront beaucoup de fruits *

UN MYSTÈRE ENRACINÉ DANS L’HISTOIRE DE L’HUMANITÉ - Jean Paul II, Aud. gén. 24 mars 1982 *

La continence et le mystère de la rédemption du corps *

La continence volontaire inaugurée par Marie et Joseph *

La plénitude de la fécondité spirituelle *

Un mystère d’abord caché puis éclairé par l’exemple du Christ *

CÉLIBAT ET SACERDOCE DU CHRIST - Paul VI, LE Sacerdotalis coelibatus, 24 juin 1967 *

Le chemin nouveau ouvert par le Christ *

Lien profond qui unit la virginité et le sacerdoce *

La somme des idéaux les plus élevés de l’Évangile *

2 MARIAGE ET CÉLIBAT POUR LE ROYAUME DES CIEUX *

LA CONTINENCE PAR RAPPORT AU MARIAGE - Jean Paul II, Aud. gén. 31 mars 1982 *

Valeur particulière de la continence *

voulue et choisie pour le royaume des cieux *

Une vocation exceptionnelle *

en contraste avec la vocation originelle de l’être humain, homme et femme *

LE BIEN DE LA CONTINENCE ET DU MARIAGE - Jean Paul II, Aud. gén. 7 avril 1982 *

L’appel à la continence respecte toutes les dimensions de l’être humain *

et lui permet de se réaliser lui-même autrement et davantage que dans le mariage *

Un renoncement conscient et volontaire au mariage *

commandé par la même anthropologie et la même éthique *

La supériorité de la continence ne signifie jamais une dévaluation du mariage *

COMPLÉMENTARITÉ DU MARIAGE ET DE LA CONTINENCE - Jean Paul II, Aud. gén. 14 avril 1982 *

La continence n’est pas proposée au détriment de l’union conjugale *

Les deux sont complémentaires *

Dans l’un et l’autre état de vie la perfection se mesure à la charité *

Les valeurs propres des deux états se complètent et se compénètrent *

POUR LE ROYAUME DES CIEUX - Jean Paul II, Aud. gén. 21 avril 1982 *

La réalisation du royaume de Dieu sur la terre *

but du renoncement volontaire au mariage *

conformément à la vocation choisie *

dans la perspective du rapport sponsal du Christ avec l’Eglise *

Un don exclusif de soi au Christ Époux *

CONTINENCE ET SIGNIFICATION SPONSALE DU CORPS HUMAIN - Jean Paul II, Aud. gén. 28 avril 1982 *

Le riche contenu de l’énoncé du Christ *

La signification sponsale du corps humain *

La conscience de la liberté du don *

à une autre personne *

en référence à sa propre masculinité ou féminité *

L’appel à la continence confirme la signification sponsale du corps - Jean Paul II, Aud. gén. 5 mai 1982 *

à travers un don sincère de soi qui met en relief la valeur essentielle du mariage *

3 VIRGINITÉ ET MARIAGE SELON SAINT PAUL *

LE LIBRE CHOIX ENTRE LA VIRGINITÉ ET LE MARIAGE - Jean Paul II, Aud. gén. 23 juin 1982 *

Caractère propre de l’enseignement de Paul *

La virginité est un conseil, non un commandement *

une libre décision à prendre *

Un choix entre le bien et le mieux *

L’AVANTAGE DE LA VIRGINITÉ - Jean Paul II, Aud. gén. 30 juin 1982 *

L’expérience personnelle de Paul *

Les épreuves du mariage *

Difficultés et grandeur de la continence *

La motivation paulinienne de la continence *

Le souci des affaires du Seigneur *

Comment plaire au Seigneur *

LA GRANDEUR DU CÉLIBAT - Jean Paul II, Aud. gén. 7 juillet 1982 *

L’aspiration de tout homme *

La personne non mariée ne cherche qu’à plaire à Dieu *

à être unie au Seigneur sans partage *

pour être sainte de corps et d’esprit *

Le mariage compris comme une manière de profiter du monde *

Un don de Dieu particulier *

CONTINENCE ET THÉOLOGIE DU CORPS - Jean Paul II, Aud. gén. 14 juillet 1982 *

Le mariage lié au monde qui passe *

L’abstention du mariage libère de cette caducité *

Le corps, temple de l’Esprit Saint *

Le don de Dieu dans le mariage et les devoirs des époux *

Une concession significative *

Les deux dimensions complémentaires de la vocation humaine *

à travers le mystère de la rédemption du corps - Jean Paul II, Aud. gén. 21 juil. 1982 *

dans la vie quotidienne *

4 VIRGINITÉ ET SAINTETÉ DANS L’ÉGLISE *

LA VIRGINITÉ A L’HONNEUR DANS L’ÉGLISE *

Le premier des conseils évangéliques - Paul VI, Vat. II, CD Lumen gentium, 21 nov. 1964 *

pratiqué dès les débuts de l’Église - Pie XII, au Congrès sur le monachisme oriental, 11 avril 1958 *

d’abord spontanément et en privé - Pie XII, CA Sponsa Christi, 21 nov. 1950 *

puis d’une façon publique et réglementée par l’Église *

L’ornement de l’Église - Jean XXIII, Aux religieuses résidant à Rome, 29 janv. 1960 *

Prix et gloire de la virginité *

aujourd’hui plus que jamais - Pie XII, Aux jeunes filles d’A. C., 24 avril 1943 *

Signe de l’union du Christ et de l’Église - Paul VI, EA Evangelica testificatio, 29 juin 1971 *

et source de fécondité spirituelle *

Le privilège de la virginité - Benoit XIV, CA Ad nuptiale convivium, 29 juin 1746 *

VIRGINITÉ ET CHARITE Paul VI, Homélie, 2 fév. 1976 *

L’atmosphère de l’amour de Dieu *

et de l’amour du prochain *

La virginité libère le cœur - Pie XII, LE Sacra virginitas, 25 mars 1954 *

et favorise le progrès spirituel *

spécialement chez les prêtres *

Fécondité de la virginité *

Fruits de sainteté *

Images vivantes de la sainteté de l’Église *

LE CÉLIBAT SACERDOTAL DANS LA COMMUNAUTÉ ECCLÉSIALE - Paul VI, LE Sacerdotalis coelibatus, 24 juin 1967 *

Le célibat du prêtre et l’amour du Christ pour son Église *

Une vie une et harmonieuse *

pleine et féconde *

Efficacité pastorale du célibat *

Une anticipation et un rappel constant du royaume des cieux *

Jean Paul II, Au clergé de Rome, 2 mars 1979 *

5 OBJECTIONS ET CONTESTATIONS *

QUELQUES ERREURS RÉFUTÉES - Pie XII, LE Sacra virginitas, 25 mars 1954 *

La chasteté ne nuit pas à la santé ni à l’épanouissement de la personnalité *

Le mariage n’est pas plus sanctifiant que le célibat consacré *

Le témoignage des consacrés est aussi nécessaire que celui des laïcs mariés *

Les personnes consacrées ne deviennent pas étrangères à la société *

LES OBJECTIONS CONTRE LE CÉLIBAT SACERDOTAL - Paul VI, LE Sacerdotalis coelibatus, 24 juin 1967 *

Ampleur et gravité de la question *

Objections principales *

Les conséquences d’une obligation trop lourde *

Le vrai point de vue *

Témoignage du passé et du présent *

Confirmation de la valeur du célibat *

La fidélité du clergé au milieu même des difficultés actuelles - Paul VI, au Sacré-Collège, 22 déc. 1967 *

LE CÉLIBAT ET LA PÉNURIE DE VOCATIONS *

Le déclin général des vocations - Paul VI, M pour la journée des vocations, 15 mars 1970 *

La responsabilité des parents et des éducateurs Pie XII, LE Sacra virginitas, 25 mars 1954 *

Le tort de ceux qui exaltent le mariage au dessus de la virginité - Pie XII, aux Supérieures générales de religieuses, 15 sept. 1952 *

Une solution fallacieuse - Paul VI, aux évêques du centre de la France, 26 mars 1977 *

Le célibat favorise les vocations sacerdotales - Paul VI, aux curés et prédicateurs de Rome, 9 fév. 1970 *

LA FERMETÉ DU SAINT-SIÈGE *

Une déclaration solennelle de Benoît XV - au Consistoire, 16 déc. 1920 *

La grande peine de Jean XXIII - à la 2e session du Synode, 26 janv. 1960 *

Un rappel du rôle important des Conférences épiscopales - Paul VI, L du S. d’État aux présidents des Conf épisc., 2 fév. 1969 *

La complexité du problème *

Quelques questions à se poser *

Faire cesser les campagnes contre le célibat *

Inspirer respect et estime du célibat consacré - Paul VI, au card. Alfrink et aux évêques de Hollande, 24 déc. 1969 *

Une loi capitale à garder - Paul VI, Angélus, 1er fév. 1970 *

UNE CRISE DOULOUREUSE - Paul VI, L au cardinal Villot, 2 fév. 1970 *

Gravité des déclarations publiques sur le célibat *

La seule perspective à considérer *

Le lien entre sacerdoce et célibat constitue un bien précieux et irremplaçable *

Les prêtres incapables de persévérer dans le célibat ne peuvent plus exercer leur ministère *

L’éventualité de l’ordination d’hommes mariés *

Une réflexion nouvelle dans l’esprit d’une authentique communion ecclésiale *

et dans l’intérêt de toute l’Église *

LE DOCUMENT DU SYNODE DE 1971 - Paul VI, Synode des évêques, 30 nov. 1971 *

Le fondement du célibat sacerdotal *

Convergence des motifs *

Le maintien de la loi du célibat *

Conditions favorisant le célibat *

Importance du document - Paul VI, au Sacré-Collège, 23 déc. 1971 *

6 LE SENS DU CÉLIBAT SACERDOTAL *

CONVENANCE DU CÉLIBAT AVEC LE SACERDOCE - Pie XI, LE Ad catholici sacerdotii, 20 déc. 1935 *

La pureté, condition de tout sacerdoce *

mais surtout du sacerdoce chrétien *

La beauté du célibat sacerdotal *

et sa convenance souveraine *

pour le prêtre ministre et disciple du Christ - Paul VI, au clergé de Rome, 1er mars 1973 *

Le célibat n’est pas en marge de la vocation sacerdotale - Jean Paul II, aux prêtres à Mindanao, 19 fév. 1981 *

Il n’est pas exigé par la nature du sacerdoce - Vat. II, D Presbyterorum Ordinis, 7 déc. 1965 *

mais il lui convient excellemment *

Un don précieux à estimer et à demander *

LE CÉLIBAT DANS LA TRADITION DE L’ÉGLISE - Paul VI, LE Sacerdotalis coelibatus, 24 juin 1967 *

Un élément de la richesse et de la beauté de l’Église *

à mettre mieux en lumière *

Une longue tradition *

appréciée et louée dans l’Église d’Orient malgré une discipline différente *

Fidélité de l’Église d’Occident à sa tradition propre *

Un don spécial de Dieu *

particulièrement nécessaire au monde d’aujourd’hui *

La conviction profonde de l’Église *

LE CÉLIBAT ET LES VALEURS HUMAINES *

Le célibat et l’amour *

Grâce et nature *

Le célibat n’est pas contre nature *

Le célibat, élévation de l’homme *

Le célibat consacré et le mariage *

La solitude du prêtre qui garde le célibat *

LA SIGNIFICATION DU CÉLIBAT SACERDOTAL - Jean Paul II, L aux prêtres, 8 avril 1979 *

Une réflexion sereine et approfondie *

libérée des objections et interprétations diverses *

Motif essentiel du célibat sacerdotal *

Signe d’une liberté en vue d’un service *

Épreuve et responsabilité *

Fidélité à la vocation *

Nécessité d’une conversion quotidienne *

7 L’ENGAGEMENT AU CÉLIBAT ET SES EXIGENCES *

CONDITIONS ET EXIGENCES DE LA VIRGINITÉ CONSACRÉE - Pie XII, LE Sacra virginitas, 25 mars 1954 *

Une option libre *

Une résolution ferme et une grande maîtrise de soi *

La confiance en Dieu et en sa grâce *

Une vigilance assidue *

La fuite des occasions dangereuses *

Une pudeur délicate *

nourrie de crainte de Dieu et d’humilité *

La prière et les sacrements *

La dévotion à la sainte Vierge *

LA CHASTETÉ DANS LA VIE RELIGIEUSE *

Un grand don à garder fidèlement - Vat. II, D Perfectae caritatis, 28 oct. 1965 *

Un charisme d’oblation et d’immolation au Christ - Paul VI, aux religieux et religieuses, 2 fév. 1975 *

Un lien d’amour unique et indissoluble - Pie XII, aux religieuses hospitalières, 27 avril 1957 *

Une appartenance radicale à défendre et à développer - Jean Paul II, aux Sœurs de St Vincent-de-Paul, 11 janv. 1980 *

Suivre le Christ dans l’imitation de sa chasteté - Jean Paul II, aux religieuses à Paris, 31 juin 1980 *

LA FORMATION APPROPRIÉE AU CÉLIBAT SACERDOTAL *

Nécessité d’une longue préparation - Pie XII, EA Menti nostrae, 23 sept. 1950 *

Normes données par le Concile - Vat. II, D. Optatam, 28 oct. 1965 *

à appliquer en tenant compte de l’évolution de la société - Paul VI, LE Sacerdotalis coelibatus, 24 juin 1967 *

L’autorité de l’Église et la réponse personnelle à la vocation *

Examen sérieux des aptitudes *

Développement de la personnalité par une éducation adéquate *

permettant un engagement libre et réfléchi *

Nécessité d’une ascèse rigoureuse *

Une maturité humaine et surnaturelle éprouvée et garantie *

LA CHASTETÉ SACERDOTALE GARDÉE ET VÉCUE *

Un trésor inestimable à conserver intégralement - Pie XII, EA Menti nostrae, 23 sept. 1950 *

L’exemple du saint curé d’Ars - Jean XXIII, LE Sacerdotii nostri primordia, 31 juil. 1959 *

Une laborieuse conquête à poursuivre tous les jours - Paul VI, LE Sacerdotalis coelibatus, 24 juin 1967 *

par une vie spirituelle authentique et intense *

par l’accomplissement courageux et généreux du ministère sacerdotal *

et par une ascèse vraiment virile *

Importance des relations fraternelles entre prêtres *

Un engagement à renouveler chaque année *

LA RESPONSABILITÉ DE TOUT LE PEUPLE DE DIEU *

Les cas douloureux de défection *

Sollicitude maternelle de l’Église *

Une discipline à la fois sévère et miséricordieuse *

Le rôle irremplaçable de l’évêque *

dans l’amitié et la confiance *

à l’imitation du bon Pasteur *

La part de tous les fidèles *

spécialement des laïcs fervents *

L’intercession de Marie *

TABLE CHRONOLOGIQUE *

INTRODUCTION

Le titre même de ce livre témoigne du propos de rassembler ensemble les principaux textes des papes sur le célibat voué à Dieu, qu’il soit vécu par les laïcs et les prêtres séculiers ou par les religieux et les religieuses. La plupart des ouvrages sur le célibat envisagent séparément le célibat sacerdotal et le célibat dans la vie religieuse. Le volume des Instituts de vie parfaite publié par Solesmes en 1962 traitait presque exclusivement de la " chasteté parfaite " comme conseil évangélique pratiqué par les religieux et les religieuses. De tous les textes cités à ce sujet, le plus important était l’encyclique de Pie XII Sacra virginitas, qui visait particulièrement à remettre en lumière et en honneur la doctrine traditionnelle de l’Église sur l’excellence de la virginité et sa valeur suréminente par rapport à l’état conjugal. Avant et après cette encyclique, le célibat dit " ecclésiastique " ou " sacerdotal " a fait l’objet d’autres documents, dont le principal reste l’encyclique Sacerdotalis coelibatus de Paul VI. Mais si l’on analyse le contenu de cet ensemble de textes, on constate facilement l’unité de doctrine et la convergence profonde des enseignements que les souverains pontifes donnent à propos de chacune de ces deux formes de célibat voué à Dieu. Cette unité foncière ressort surtout dans les documents où Jean Paul II semble répondre plus ou moins explicitement à l’objection qui est faite contre le célibat sacerdotal à partir de la distinction entre sacerdoce et vie religieuse. Bien que n’étant pas exigée absolument par la nature du sacerdoce, la pratique de la continence totale et perpétuelle se justifie pour les prêtres comme pour les religieux par l’exemple et l’enseignement du Christ.

Les trois premiers chapitres de ce recueil sont composés à peu près entièrement des paroles prononcées par le Saint-Père aux audiences hebdomadaires de mars à juillet 1982. Ces allocutions font partie de la longue série que Jean Paul II avait commencée en septembre 1979 sur le mystère de l’homme et de la femme, pour préparer le Synode de 1980 qui avait pour thème la famille. Interrompu par l’attentat du 13 mai 1981, cet enseignement a été repris en novembre de la même année. Après avoir remonté "  à l’origine " du couple humain pour expliquer l’enseignement de Jésus sur le mariage, le Saint-Père en est venu à envisager celui-ci par rapport au monde futur et à la résurrection des corps. C’est dans cette perspective eschatologique qu’il aborde le célibat volontaire proposé par le Christ en vue du royaume des cieux. Il montre à la fois comment l’appel à la continence parfaite se rattache à " la nouveauté du Christ " et comment il correspond aussi à la signification sponsale du corps humain dans sa masculinité et dans sa féminité.

Il y a là des pages d’une grande profondeur philosophique et théologique, qui demandent un sérieux effort de réflexion mais qui éclairent de façon remarquable la doctrine évangélique et paulinienne du célibat consacre. On comprend mieux ainsi pourquoi celui-ci a toujours été en honneur dans l’Église et pourquoi il est depuis longtemps en Occident associé à l’état sacerdotal.

Ces considérations plus abstraites de Jean Paul II viennent enrichir singulièrement l’enseignement de ses prédécesseurs. Il n’était pas possible de reproduire ici tous les textes dans lesquels les papes ont encouragé depuis un siècle les prêtres, les religieux et les religieuses à vivre avec ferveur leur consécration au Seigneur. Nous avons dû nous limiter aux documents majeurs et aux plus récents, où le Saint-Siège rappelle fortement la gravité de l’engagement au célibat et la nécessité d’une sérieuse probation et d’une formation appropriée. Tous les souverains pontifes insistent aussi sur les exigences de la virginité parfaite et sur les moyens naturels et surnaturels à mettre en oeuvre pour la garder fidèlement, en particulier sur la dévotion mariale que doivent avoir tous les consacrés.

Plusieurs sujets importants, abordés dans les documents rassemblés ici, seront développés dans d’autres volumes dont la publication est déjà envisagée : la vocation, la formation sacerdotale, la vie religieuse. Sur tous ces sujets, les papes en appellent volontiers à l’exemple des saints et saintes qui témoignent à l’envi de la fécondité surnaturelle de la virginité vouée à Dieu. À côté du saint curé d’Ars, modèle exemplaire du célibat sacerdotal, sainte Thérèse de Lisieux, en qui saint Pie X voyait, dès 1907, " la plus grande sainte des temps modernes ", a incarné " au coeur de l’Eglise " l’idéal achevé de la vierge, amante passionnée du Christ Jésus. Comme le souhaitait Paul VI, " Que, (par son exemple) les religieux et les religieuses se sentent raffermis dans leur donation totale au Seigneur ! Que les prêtres, pour lesquels elle a tant prié, comprennent la beauté de leur ministère au service de l’amour divin ! Et que les jeunes, dont la générosité ou la foi hésite aujourd’hui devant la perspective d’une consécration absolue et définitive, découvrent la possibilité et le prix incomparable d’une telle vocation près de celle qui tenait, dès avant quinze ans, à renoncer à tout ce qui n’est pas Dieu, pour mieux vouer sa vie à aimer Jésus et à le faire aimer " (2 janvier 1973).

I
LA NOUVEAUTÉ DU CHRIST

UN TRÉSOR LÉGUÉ PAR LE CHRIST À SON ÉGLISE - Pie XII, LE Sacra virginitas, 25 mars 1954

 

Le célibat perpétuel propre au christianisme

Parmi les trésors les plus précieux qui lui sont légués par son divin fondateur, l’Eglise compte sans aucun doute la sainte virginité et la chasteté parfaite consacrée au service de Dieu.

Aussi les saints Pères soulignent-ils que la virginité perpétuelle est un bien essentiellement chrétien. Ils remarquent à juste titre que, si les païens de l’antiquité exigeaient des vestales un tel état de vie, ce n’était que pour un temps, et si l’Ancien Testament ordonnait de conserver et de pratiquer la virginité, c’était seulement comme une condition préalable au mariage. Saint Ambroise ajoute : " Nous lisons bien qu’il y avait des vierges au Temple de Jérusalem. Mais qu’en dit l’Apôtre ? " Tout cela leur arrivait pour servir d’exemple " (1 Co 10, 11), comme signe des temps à venir ".

Depuis les débuts de l’Église

C’est en effet depuis les temps apostoliques que cette vertu croît et fleurit dans le jardin de l’Église. Dans les Actes des Apôtres, quand il est dit des quatre filles du diacre Philippe qu’elles étaient vierges (Ac 21, 9), il est clair que l’expression désigne bien plutôt un état de vie que leur jeunesse. Un peu plus tard, saint Ignace d’Antioche salue les vierges de Smyrne, qui constituaient déjà, avec les veuves, un élément important de cette communauté chrétienne. Au second siècle, saint Justin rapporte qu’" il y avait déjà beaucoup d’hommes et de femmes âgés de soixante et de soixante-dix ans qui se gardaient intacts depuis leur enfance par fidélité a l’enseignement du Christ ". Peu à peu, le nombre s’accrut des hommes et des femmes qui consacraient leur chasteté à Dieu et, en même temps, leur rôle dans l’Eglise prit une importance considérable.

Par ailleurs, les saints Pères — tels Cyprien, Athanase, Ambroise, Jean Chrysostome, Jérôme, Augustin et bien d’autres encore — consacrèrent des écrits à la louange de la virginité. Or leur doctrine, enrichie au cours des siècles par les docteurs de l’Eglise et par les maîtres de l’ascèse chrétienne, est bien de nature à susciter, chez les chrétiens et les chrétiennes, la consécration à Dieu de leur chasteté et à les confirmer jusqu’à la mort dans leur résolution.

 

beaucoup de chrétiens et de chrétiennes ont voué à Dieu leur chasteté

Le nombre des fidèles ainsi consacrés à Dieu, depuis les débuts de l’Église jusqu’à nos jours, est incalculable les uns ont conservé intacte leur virginité, les autres ont voué leur veuvage au Seigneur après la mort de leur conjoint, d’autres enfin ont choisi une vie chaste après avoir fait pénitence de leurs péchés. Mais tous ont ceci de commun entre eux qu’ils se sont engagés à s’abstenir pour toujours des plaisirs de la chair par amour pour Dieu. Que l’enseignement des saints Pères sur la grandeur et le mérite de la virginité soit donc pour toutes ces âmes consacrées un soutien, une force et aussi une invitation à persévérer dans le sacrifice accompli et à ne jamais reprendre la moindre parcelle de l’holocauste déposé sur l’autel du Seigneur.

La chasteté parfaite est la matière de l’un des trois voeux constitutifs de l’état religieux ; elle est exigée des clercs de l’Eglise latine qui ont reçu les ordres majeurs et des membres des Instituts séculiers. Mais elle est aussi pratiquée par de nombreux laïcs ces hommes et ces femmes vivent dans le monde sans se fixer dans un état de perfection, mais ils ont pris la résolution ou ont même fait le voeu privé de ne pas se marier et de s’abstenir complètement des plaisirs de la chair, afin de servir plus librement leur prochain et de s’unir à Dieu plus librement et plus intimement.

Nous nous adressons d’un coeur paternel à tous ces fils et à toutes ces filles très chers qui ont consacré à Dieu leur corps et leur âme, de quelque façon que ce soit, et nous les exhortons à s’affermir dans leur sainte résolution et à lui rester fidèles de toute leur volonté et avec zèle.

De nos jours, certains ont dévié du droit chemin sur ce point ils exaltent tellement le mariage qu’ils le placent en pratique au-dessus de la virginité et ils déprécient la chasteté consacrée à Dieu et le célibat ecclésiastique. Aussi la conscience de notre charge apostolique nous pousse-t-elle aujourd’hui à mettre en lumière et à défendre par-dessus tout la doctrine de l’excellence de la virginité, afin de protéger la vérité catholique contre de telles erreurs.

Un enseignement révélé

C’est des lèvres même de, son Époux divin, remarquons-le tout d’abord, que l’Eglise tient l’essentiel de son enseignement sur la virginité.

Les disciples étaient frappés des servitudes du mariage soulignées par le divin Maître et ils lui disaient : " Si telle est la condition de l’homme envers la femme, il n’est pas expédient de se marier " (Mt 19, 10). Jésus leur répondit que tous ne comprennent pas ce langage, mais ceux-là seulement à qui cela est donné, car, si certains sont de naissance incapables de se marier et si d’autres le sont devenus par la violence et la malice des hommes, il y en a aussi qui d’eux-mêmes s’abstiennent du mariage en vue du royaume des cieux. Et il conclut ces paroles en disant : " Comprenne qui le peut " (Mt 19, 11-12).

Par ces mots, le Maître ne désigne pas les empêchements physiques au mariage, mais bien la résolution libre et volontaire de s’en abstenir à jamais, ainsi que des plaisirs de la chair. Lorsqu’il compare les hommes qui renoncent spontanément au mariage à ceux que la nature ou la violence prive de son usage, le Christ ne nous enseigne-t-il pas le caractère perpétuel indispensable à la chasteté pour être vraiment parfaite ?

Il en résulte que, selon l’enseignement très clair des saints Pères et des docteurs de l’Eglise, la virginité n’est vertu chrétienne que si elle est pratiquée " en vue du royaume des cieux ", c’est-à-dire en vue de vaquer plus facilement aux choses divines, d’obtenir plus sûrement la béatitude et de conduire aussi plus aisément les autres au ciel.

Ne peuvent donc pas revendiquer le titre de vierges les personnes qui s’abstiennent du mariage par pur égoïsme, par peur d’en assumer les charges, comme le remarque saint Augustin, ou encore par un amour pharisaïque et orgueilleux de leur intégrité corporelle : le concile de Gangres condamne, en effet, la vierge ou le continent qui s’éloigne du mariage comme d’un état abominable, et non à cause de la beauté et de la sainteté de la virginité.

 

Consécration totale à Dieu

L’apôtre saint Paul remarque en outre, sous l’inspiration du Saint-Esprit : " L’homme qui n’est pas marié a souci des affaires du Seigneur, des moyens de plaire à Dieu... Et la femme sans mari, comme aussi la vierge, a souci des affaires du Seigneur ; elle cherche à être sainte de corps et d’esprit " (1 Co 7, 32-34). Telle est donc la résolution primordiale et la raison principale de la virginité chrétienne se soucier uniquement des choses de Dieu et tourner son esprit et son coeur vers lui seul, lui plaire en toutes choses et ne penser qu’à lui, lui consacrer totalement son corps et son âme.

C’est bien ainsi que les Pères ont compris l’enseignement du Christ et la doctrine de l’Apôtre dès les premiers siècles chrétiens, ils ont conçu la virginité comme une consécration du corps et de l’âme à Dieu. Aussi saint Cyprien demande-t-il aux vierges " qui se sont données au Christ par le renoncement aux convoitises charnelles, de se vouer à Dieu plus par l’esprit que par le corps et de ne plus chercher à se parer ni à plaire à personne si ce n’est au Seigneur ". Saint Augustin va même plus loin encore : " La virginité n’est pas honorée pour elle-même, mais pour sa consécration à Dieu... Nous n’exaltons pas les vierges parce qu’elles sont vierges, mais pour leur virginité vouée à Dieu par une pieuse continence ". Les grands théologiens, saint Thomas d’Aquin et saint Bonaventure, s’appuient sur l’autorité de saint Augustin pour enseigner que la virginité ne possède la fermeté de la vertu que si elle procède du voeu de se conserver pur à jamais. S’obliger à s’abstenir pour toujours du mariage par un voeu perpétuel, c’est donc mettre aussi complètement et parfaitement que possible en pratique l’enseignement du Christ à ce sujet ; se réserver au contraire une porte de sortie pour pouvoir résilier son engagement ne saurait passer pour meilleur et plus parfait.

Mariage spirituel avec le Christ

Les Pères ont considéré ce lien de chasteté parfaite comme une sorte de mariage spirituel entre l’âme et le Christ ; certains sont même allés jusqu’à comparer à un adultère la violation de cette promesse de fidélité. Saint Athanase écrit au sujet des vierges que l’Eglise catholique a pris coutume de les appeler épouses du Christ. Et saint Ambroise dit de l’âme consacrée : " Est vierge celle qui est mariée à Dieu ". Bien plus, les oeuvres du Docteur de Milan attestent déjà, au quatrième siècle, la ressemblance entre le rite de la consécration des vierges et le cérémonial de la bénédiction nuptiale, encore en usage aujourd’hui.

Aussi les Pères encouragent-ils les vierges à aimer leur Époux divin plus ardemment qu’une femme son mari et à conformer leurs pensées et leurs actions à sa volonté : " Aimez de tout votre coeur le plus beau des enfants des hommes, leur écrit saint Augustin. Vous en avez tout le loisir votre coeur est libre des liens du mariage... Si donc vous auriez été obligées à un grand amour envers vos maris combien plus devez-vous aimer celui pour qui vous n’avez pas voulu avoir de mari. Qu’il soit fixé dans tout votre coeur celui qui, pour vous, a été fixé sur la croix ". Tels sont d’ailleurs bien les sentiments et les résolutions que l’Eglise elle-même réclame des vierges au jour de leur consécration, lorsqu’elle les invite à prononcer ces paroles rituelles : " Le royaume du monde et tout l’ornement du siècle, je les ai méprisés pour l’amour de Notre Seigneur Jésus-Christ, que j’ai vu, que j’ai aimé, en qui j’ai cru, que j’ai préféré ". C’est donc l’amour seul qui attire avec douceur la vierge à consacrer son corps et son âme au divin Rédempteur, comme saint Méthode d’Olympe le fait si joliment dire à l’une d’elles : " C’est toi-même, toi ô Christ, qui es absolument tout pour moi. Je me garde pure pour toi et, portant des lampes brillantes, mon Époux, je viens à ta rencontre. Oui, c’est bien l’amour du Christ qui persuade à la vierge d’aller s’enfermer pour toujours derrière les murs d’un monastère, pour y contempler et aimer à loisir son Époux céleste, et qui lui inspire d’user toutes ses forces jusqu’à la mort au service du prochain dans les oeuvres de miséricorde.

 

Imitation du Christ

Quant aux hommes " qui ne se sont pas souillés avec des femmes — car ils sont vierges ", l’apôtre saint Jean affirme qu’" ils suivent l’Agneau partout où il va " (Ap 14, 4). Méditons le conseil que leur donne saint Augustin : " Suivez l’Agneau, car la chair de l’Agneau est vierge elle aussi... Vous avez bien raison de le suivre, par la virginité du cœur et de la chair, partout où il va. Qu’est-ce en effet que suivre sinon imiter ? La preuve, c’est que le Christ a souffert pour nous, nous laissant un exemple, comme dit l’apôtre Pierre, " pour que nous suivions ses traces " (1 P 2, 21). En vérité, tous ces disciples et toutes ces épouses du Christ ont embrassé l’état de virginité, comme dit saint Bonaventure, " pour la conformité au Christ leur Époux, auquel cet état rend les vierges conformes ". Leur ardente charité envers le Christ ne pouvait se contenter des simples liens du coeur avec lui elle entendait se prouver aussi par l’imitation de ses vertus et, d’une façon spéciale, par la conformité à sa vie toute livrée pour le salut du genre humain. Si les prêtres, si les religieux et les religieuses, si tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont consacré leur vie au service de Dieu, observent la chasteté parfaite, c’est en définitive parce que leur Maître est resté lui-même vierge jusqu’à sa mort : " Fils unique de Dieu, s’écrie saint Fulgence, Fils unique de la Vierge, unique Époux de toutes les vierges consacrées, fruit, ornement et récompense de la sainte virginité, c’est le Christ à qui la sainte virginité a donné un corps, lui à qui la sainte virginité s’unit par des noces spirituelles, lui qui rend féconde la sainte virginité sans détruire son intégrité, lui qui la pare pour la rendre belle et qui lui donne sa couronne pour qu’elle règne glorieuse dans l’éternité ".

 

LA RÉVÉLATION ÉVANGÉLIQUE DU CÉLIBAT VOLONTAIRE - Jean Paul II, Aud. gén. 10 mars 1982

 

Les paroles du Christ et leur contexte

La question de l’appel à lin don de soi exclusif à Dieu dans la virginité et le célibat plonge profondément ses racines dans le sol évangélique du corps. Pour bien montrer les dimensions qui lui sont propres, il importe d’avoir présentes à l’esprit les paroles par lesquelles le Christ fait référence au " commencement " et aussi celles où il s’est référé à la résurrection des corps. La constatation " Quand on ressuscite d’entre les morts, on ne prend ni femme ni mari " (Mc 12, 25) indique qu’il existe un état de vie en dehors du mariage où l’homme et la femme trouvent en même temps la plénitude du don personnel et de la communion intersubjective des personnes, grâce à la glorification de tout leur être dans l’union permanente avec le Christ. Quand l’appel à la continence " pour le royaume des cieux " trouve un écho dans l’âme humaine dans les conditions de la temporalité, autrement dit dans les conditions où les personnes d’habitude " prennent femme et mari " (Lc 20, 34), il n’est pas difficile d’y percevoir une sensibilité particulière de l’esprit humain qui, déjà dans les conditions de la temporalité, semble anticiper ce dont l’homme deviendra participant dans la résurrection future.

Toutefois, de ce problème, de cette vocation particulière, le Christ n’a pas parlé dans le contexte immédiat de son entretien avec les sadducéens (Mt 22, 23-30), quand il s’était référé à la résurrection des corps. En revanche, il en avait parlé dans le contexte de l’entretien avec les pharisiens sur le mariage et sur les fondements de son indissolubilité, comme une sorte de prolongement de cet entretien (Mt 19, 3-9). Ses paroles de conclusion concernent ce qu’on appelle le libelle de répudiation, autorisé par Moïse dans quelques cas. Le Christ dit : " C’est à cause de la dureté de votre coeur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes ; mais au commencement il n’en n’était pas ainsi. Je vous le dis, si quelqu’un répudie sa femme — sauf en cas d’union illégale — et en épouse une autre, il est adultère " (Mt 19, 8-9). Alors les disciples qui écoutaient avec attention cet entretien et en particulier les dernières paroles prononcées par Jésus, lui disent : " Si telle est la condition de l’homme envers sa femme, il n’y a pas intérêt à se marier " (Mt 19, 10). Le Christ leur fait cette réponse : " Tous ne comprennent pas ce langage, mais seulement ceux à qui c’est donné. En effet, il y a des eunuques qui sont nés ainsi du sein maternel ; il y a des eunuques qui ont été rendus tels par les hommes ; et il y en a qui se sont eux-mêmes rendus eunuques à cause du royaume des cieux. Comprenne qui peut comprendre ! " (Mt 19, 11-12).

La continence volontaire ne se fonde pas sur la négation de la valeur du mariage

En relation avec cet entretien, rapporté par Matthieu, on peut poser la question que pensaient les disciples lorsque, après avoir entendu la réponse que Jésus avait donnée aux pharisiens sur le mariage et son indissolubilité, ils exprimèrent leur réaction : " Si telle est la condition de l’homme envers la femme, il n’y a pas intérêt à se marier " ? Quoi qu’il en soit, le Christ mit à profit cette circonstance opportune pour leur parler de la continence volontaire pour le royaume des cieux. En disant cela, il ne prend pas directement position par rapport à l’énoncé des disciples, pas plus qu’il ne reste dans la ligne de leur raisonnement. Il ne répond donc pas : " Il convient de se marier " ou " il ne convient pas de se marier ". La question de la continence pour le royaume des cieux ne s’oppose pas au mariage et ne se fonde pas davantage sur un jugement négatif quant à son importance. Du reste, le Christ, en parlant précédemment de l’indissolubilité du mariage, s’était référé au " commencement ", c’est-à-dire au mystère de la création, indiquant ainsi la première et fondamentale source de sa valeur. En conséquence, pour répondre à la question des disciples, ou plutôt pour éclairer le problème qu’ils posaient, le Christ recourt à un autre commencement. Ce n’est pas en raison d’une prétendue valeur négative du mariage que la continence est observée par ceux qui font dans leur vie un tel choix " pour le royaume des cieux ", mais en vue de la valeur particulière qui est liée à un tel choix et qu’il importe de découvrir et d’accueillir comme une vocation propre. Et c’est pourquoi le Christ dit : " Comprenne qui peut comprendre ! ". Car " tous ne comprennent pas ce langage, mais seulement ceux à qui c’est donné " (Mt 19, 11).

mais sur un choix charismatique exceptionnel

Comme on le voit, le Christ, dans sa réponse au problème que les disciples lui posaient, précise clairement une règle pour comprendre ses paroles. Dans la doctrine de l’Eglise règne la conviction que ces paroles n’expriment pas un commandement qui oblige tous les hommes, mais un conseil qui concerne seulement certaines personnes ; celles, précisément, qui sont en mesure de les " comprendre ". Et sont en mesure de les " comprendre " ceux " à qui c’est donné ". Les paroles citées indiquent clairement le moment de choix personnel et, en même temps, le moment de la grâce particulière, c’est-à-dire du don que l’homme reçoit pour faire un tel choix. On peut dire que le choix de la continence pour le royaume des cieux est une orientation charismatique vers cet état eschatologique où on " ne prend ni femme ni mari " : toutefois, entre cet état de l’homme dans la résurrection du corps et le choix volontaire de la continence pour le royaume des cieux dans la vie terrestre et dans l’état historique de l’homme déchu et racheté, il existe une différence essentielle.

Ce " non-mariage " eschatologique sera un " état ", à savoir le mode propre et fondamental de l’existence des êtres humains, hommes et femmes, dans leurs corps glorifiés. La continence pour le royaume des cieux, comme fruit d’un choix charismatique, est une exception par rapport à l’autre état, c’est-à-dire à celui dont l’homme " depuis le commencement " est devenu et demeure participant au cours de toute son existence terrestre.

dans la réalité présente de la vie terrestre

Il est très significatif que le Christ ne relie pas directement ses paroles sur la continence pour le royaume des cieux à l’annonce anticipatrice de l’" autre monde " où " on ne prendra ni femme ni mari " (Mc 12, 25). Ses paroles, au contraire, s’inscrivent dans le prolongement de l’entretien avec les pharisiens, où Jésus s’est référé au " commencement ", indiquant l’institution du mariage par le Créateur, et rappelant le caractère indissoluble qui, dans le dessein de Dieu, correspond à l’unité conjugale de l’homme et de la femme.

Le conseil et donc le choix charismatique de la continence pour le royaume des cieux se relient, dans les paroles du Christ, à la reconnaissance la plus nette de l’ordre historique de l’existence humaine, relatif à l’âme et au corps. À partir du contexte immédiat des paroles sur la continence pour le royaume des cieux, dans la vie terrestre de l’homme, il faut voir dans la vocation à une telle continence un type d’exception à ce qui est plutôt une règle commune de cette vie. C’est cela que le Christ relève surtout. Qu’une telle exception renferme en soi l’anticipation de la vie eschatologique, privée de mariage et propre à l’" autre monde ", (à savoir l’étape finale du " royaume des cieux "), le Christ n’en parle pas directement ici. Il s’agit, à vrai dire, non pas de la continence dans le royaume des cieux, mais de la continence " pour le royaume des cieux ". L’idée de la virginité ou du célibat, comme anticipation et signe eschatologique, découle de l’association des paroles prononcées ici avec celles que Jésus dira dans une autre circonstance, c’est-à-dire dans l’entretien avec les sadducéens, quand il proclame la future résurrection des corps.

DE L’ANCIEN AU NOUVEAU TESTAMENT - Jean Paul II, Aud. gén. 17 mars 1982

 

Une comparaison significative

Dans le contexte immédiat des paroles sur la continence à cause du royaume des cieux, le Christ fait une comparaison très significative et cela nous confirme encore davantage dans la conviction qu’il veut profondément enraciner la vocation à une telle continence dans la réalité de la vie terrestre, s’ouvrant ainsi un chemin dans la mentalité de ses auditeurs. Il énumère, en effet, trois catégories d’eunuques.

Ce terme s’applique aux défauts physiques qui rendent impossible la procréation dans le mariage. Ce sont précisément ces défauts qui expliquent les deux premières catégories, quand Jésus parle, soit des défauts congénitaux : " Il y a des eunuques qui sont nés ainsi du sein maternel " (Mt 19, 11), soit des défauts acquis, causés par une intervention humaine : " Il y a des eunuques qui ont été rendus tels par les hommes " (Mt 19, 12). Dans l’un et l’autre cas, il s’agit donc d’un état de coercition, parce que non volontaire. Si le Christ, dans sa comparaison, parle ensuite de ceux qui " se sont rendus eux-mêmes eunuques à cause du royaume des cieux " (Mt 19, 12), comme d’une troisième catégorie, il fait à coup sûr cette distinction pour relever encore davantage son caractère volontaire et surnaturel. Volontaire, parce que ceux qui appartiennent à cette catégorie " se sont rendus eux-mêmes eunuques " ; surnaturelle, en revanche, parce qu’ils l’ont fait " à cause du royaume des cieux ".

en regard de la tradition de l’Ancien Testament

La distinction est très claire et très forte. La comparaison est tout aussi forte et éloquente. Le Christ parle à des hommes auxquels la tradition de l’Ancienne Alliance n’avait pas transmis l’idéal du célibat ou de la virginité. Le mariage était si commun que seule une impuissance physique pouvait constituer une exception. La réponse donnée aux disciples dans Matthieu (19, 10-12) est adressée en même temps, en un certain sens, à toute la tradition de l’Ancien Testament. On en trouvera la confirmation dans un seul exemple, tiré du Livre des Juges, auquel nous nous référons ici, non pas tant en raison du déroulement des faits qu’en raison des paroles significatives qui l’accompagnent : " Que ceci me soit accordé laisse-moi seule... pleurer ma virginité " (Jg 11, 37), dit la fille de Jephté à son père, après avoir appris de lui qu’elle avait été destinée à l’immolation à la suite d’un voeu fait au Seigneur (le texte biblique nous explique comment on en était arrivé là). " Va — lisons-nous ensuite — et il la laissa partir. Elle s’en alla, elle et ses compagnes, et elle pleura sur sa virginité dans les montagnes. À la fin des deux mois, elle revint chez son père et il accomplit sur elle le voeu qu’il avait prononcé. Or elle n’avait pas connu d’homme " (Jg 11, 38-39).

Dans la tradition de l’Ancien Testament, il n’y a donc pas de place pour cette signification du corps que le Christ, parlant de la continence à cause du royaume des cieux, veut maintenant envisager et révéler à ses disciples. Parmi les personnages connus de nous, comme guides spirituels du peuple de l’Ancienne Alliance, il n’en est aucun qui aurait proclamé une telle continence en paroles ou dans sa conduite. Le mariage, alors, n’était pas seulement un état commun, mais, de plus, dans cette tradition, il avait acquis une signification consacrée par la promesse que le Seigneur avait faite à Abraham : " Pour moi, voici mon alliance avec toi tu deviendras le père d’une multitude de nations... Je te donnerai de devenir le père d’une multitude et je te rendrai fécond à l’extrême et des rois descendront de toi. J’établirai mon alliance entre moi, toi, et après toi les générations qui descendront de toi ; cette alliance perpétuelle fera de moi ton Dieu et celui de ta descendance " (Gn 17, 4,6-7). C’est pourquoi, dans la tradition de l’Ancien Testament, le mariage comme source de fécondité et de procréation par rapport à la descendance, était un état religieusement privilégié et privilégié par la Révélation elle-même. Sur l’arrière-plan de cette condition, selon laquelle le Messie devait être le " Fils de David " (Mt 20, 30), il était difficile de comprendre l’idéal de la continence. Tout militait en faveur du mariage non seulement les raisons de nature humaine, mais aussi celles du royaume de Dieu.

 

Des paroles qui marquent un tournant décisif

Les paroles du Christ représentent, dans un tel contexte, un tournant décisif. Il parle à ses disciples, pour la première fois, de la continence à cause du royaume des cieux, et il se rend clairement compte que, en tant que fils de la tradition de l’Ancienne Loi, ils ne peuvent manquer d’associer le célibat et la virginité à la situation des individus, en particulier de sexe masculin, qui, à cause des défauts de nature physique, ne peuvent se marier (les eunuques), et c’est pourquoi il se réfère directement à eux. Cette référence a un arrière-plan multiple, aussi bien historique que psychologique, aussi bien éthique que religieux. Par cette référence, Jésus touche — en un certain sens — tous ces arrière-plans, comme s’il voulait dire : je sais que tout ce que je vais vous dire suscitera de grandes difficultés dans votre conscience, dans votre manière de comprendre la signification du corps je vous parlerai, en effet, de la continence, et cela s’associera sans aucun doute en vous à l’état de déficience physique, qu’elle soit innée ou acquise par une cause humaine. Mais moi, au contraire, je veux vous dire que la continence peut aussi être volontaire et choisie " à cause du royaume des cieux ".

et qui porteront beaucoup de fruits

Matthieu, au chapitre XIX, ne note aucune réaction immédiate des disciples à ces paroles. Nous la trouvons plus tard seulement dans les écrits des apôtres, surtout dans Paul. Cela confirme que ces paroles s’étaient imprimées dans la conscience de la première génération des disciples du Christ et qu’elles fructifièrent sans cesse et de multiples manières dans l’Eglise (et peut-être aussi en dehors d’elle). Donc, du point de vue théologique — c’est-à-dire de la révélation de la signification du corps, totalement nouvelle par rapport à la tradition de l’Ancien Testament — ce sont des paroles qui marquent un tournant. Leur analyse montre à quel point elles sont précises et substantielles, malgré leur concision. Le Christ parle de la continence " à cause du royaume des cieux ". Il veut ainsi souligner que cet état, choisi consciemment par l’homme dans la vie temporelle, où habituellement on prend femme ou mari, a une singulière finalité surnaturelle. La continence, même si elle est choisie consciemment et même si elle est décidée personnellement, mais sans cette finalité, n’entre pas dans le contenu énoncé par le Christ. Parlant de ceux qui ont choisi consciemment le célibat ou la virginité à cause du royaume des cieux (autrement dit, qui " se sont rendus eunuques "), le Christ relève — du moins indirectement — qu’un tel choix, dans la vie terrestre, est lié au renoncement et aussi à un effort spirituel déterminé.

La finalité surnaturelle elle-même — " à cause du royaume des cieux " — admet une série d’interprétations plus détaillées que le Christ, dans ce passage, n’énumère pas. On peut cependant affirmer que, à travers la formule lapidaire dont il se sert, il indique indirectement tout ce qui a été dit sur ce thème dans la révélation biblique et la Tradition : tout ce qui est devenu richesse spirituelle de l’expérience de l’Eglise, où le célibat et la virginité à cause du royaume des cieux ont porté de multiples fruits à travers les diverses générations des disciples du Seigneur et de tous ceux qui ont suivi ses pas.

 

UN MYSTÈRE ENRACINÉ DANS L’HISTOIRE DE L’HUMANITÉ - Jean Paul II, Aud. gén. 24 mars 1982

 

La continence et le mystère de la rédemption du corps

La continence à cause du royaume des cieux est certainement en rapport avec la révélation du fait que dans le royaume des cieux " on ne prend ni femme ni mari " (Mt 22, 30). C’est un signe charismatique. L’être vivant, homme et femme, qui, dans sa situation terrestre où, habituellement, " ils prennent femme et mari " (Lc 20, 34), choisit librement la continence " pour le royaume des cieux ", montre que dans ce royaume, qui est l’" autre monde " de la résurrection, " ils ne prendront ni femme ni mari " (Mc 12, 25) car Dieu sera " tout en tous " (1 Co 15, 28). Cet être humain, homme et femme, montre donc la " virginité " eschatologique de l’homme ressuscité où se révélera l’absolue et éternelle signification sponsale du corps glorifié dans l’union avec Dieu lui-même, à travers sa vision " face à face " ; glorifié également par l’union d’une parfaite intersubjectivité qui unira tous les " participants de l’autre monde ", hommes et femmes, dans le mystère de la communion des saints. La continence terrestre " à cause du royaume des cieux ", est indubitablement un signe qui montre cette vérité et cette réalité. C’est le signe que le corps, dont la fin n’est pas la mort, tend à la glorification et est déjà pour cela même parmi les hommes un témoignage qui anticipe la future résurrection. Cependant, ce signe charismatique de l’" autre monde " exprime la force et la dynamique la plus authentique du mystère de la rédemption du corps un mystère qui, depuis le Christ, a été inscrit dans l’histoire terrestre de l’homme et enraciné profondément par lui dans cette histoire. Ainsi donc, la continence " à cause du royaume des cieux " porte surtout l’empreinte de la ressemblance au Christ qui, dans l’œuvre de la rédemption, a fait lui-même ce choix " pour le royaume des cieux ".

 

La continence volontaire inaugurée par Marie et Joseph

Ainsi, toute la vie du Christ, depuis le début, a été une séparation discrète mais claire de ce qui a si profondément déterminé la signification du corps dans l’Ancien Testament. Presque contre les attentes de toute la tradition vétérotestamentaire, le Christ naît de Marie qui, au moment de l’annonciation, dit d’elle-même : " Comment est-ce possible ? Je ne connais pas d’homme " (Lc 1, 34) et professe sa virginité. Bien qu’il naisse d’elle comme tout homme, comme un fils naît de sa mère, bien que sa venue dans le monde soit également accompagnée de la présence d’un homme qui est l’époux de Marie et qui est son mari devant la loi et devant les hommes, la maternité de Marie est cependant virginale. À cette maternité virginale de Marie correspond le mystère virginal de Joseph qui, suivant la voix du Très-Haut, n’hésite pas à " prendre Marie... car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint " (Mt 1, 20). Donc, bien que la conception virginale et la venue au monde de Jésus-Christ aient été cachées aux hommes, bien qu’aux yeux de ses contemporains de Nazareth il ait été considéré comme le " fils du charpentier " (Mt 13, 55), cependant la réalité même et la vérité essentielle de sa conception et de sa naissance s’écartent de ce qui, dans la tradition de l’Ancien Testament, a été exclusivement en faveur du mariage et qui rendait la continence incompréhensible et socialement défavorable. Comment aurait-on pu comprendre la continence à cause du royaume des cieux, si le Messie attendu devait être un " descendant de David " et si, comme on le pensait, il devait être un enfant de la souche royale selon la chair ? Seuls, Marie et Joseph, qui ont vécu le mystère de sa conception et de sa naissance, seront les premiers témoins d’une fécondité différente de la fécondité charnelle, c’est-à-dire de la fécondité de l’Esprit : " Ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint " (Mt 1, 20).

 

La plénitude de la fécondité spirituelle

L’histoire de la naissance de Jésus se trouve certainement en lien avec la révélation de cette " continence à cause du royaume des cieux " dont parlera un jour le Christ à ses disciples. Mais cet événement reste caché aux hommes d’alors de même qu’aux disciples. Ce n’est que graduellement qu’il se dévoilera aux yeux de l’Eglise sur la base des témoignages et des textes des Évangiles de Matthieu et de Luc. Le mariage de Marie avec Joseph (dans lequel l’Eglise honore Joseph comme l’époux de Marie et Marie comme l’épouse de Joseph), cache en lui en même temps le mystère de la parfaite communion des personnes, de l’homme et de la femme dans le contrat conjugal et, en même temps, le mystère de cette singulière " continence à cause du royaume des cieux " continence qui, dans l’histoire du salut, servait à la plus parfaite " fécondité de l’Esprit Saint ". Elle était même, dans un certain sens, la plénitude absolue de cette fécondité spirituelle, étant donné que précisément dans les conditions nazaréennes du contrat de Marie et de Joseph dans le mariage et la continence, s’est réalisé le don de l’incarnation du Verbe éternel le Fils de Dieu, consubstantiel au Père, se trouve conçu et naît comme homme de la Vierge Marie. La grâce de l’union hypostatique est liée précisément à cette plénitude absolue de la fécondité surnaturelle, fécondité dans l’Esprit Saint, partagée par une créature humaine, Marie, dans l’ordre de la " continence à cause du royaume des cieux ". La maternité divine de Marie est aussi, dans un certain sens, une révélation surabondante de cette fécondité dans l’Esprit Saint auquel l’homme soumet son esprit quand il choisit librement la continence " dans le corps " et, précisément, la continence " à cause du royaume des cieux ".

 

Un mystère d’abord caché puis éclairé par l’exemple du Christ

Cette image devait se dévoiler graduellement à la conscience de l’Église dans les générations toujours nouvelles des confesseurs du Christ, quand — avec l’Évangile de l’enfance — se consolidait en eux la certitude au sujet de la divine maternité de la Vierge qui avait conçu par l’action de l’Esprit Saint. Bien que ce ne soit que d’une manière indirecte mais cependant de manière essentielle et fondamentale, cette certitude devait aider à comprendre, d’une part, le manque d’intérêt à son égard en vue du " royaume des cieux " dont le Christ avait parlé à ses disciples. Néanmoins, lorsqu’il leur en avait parlé pour la première fois (comme l’atteste l’évangéliste Matthieu dans le chapitre 19, 10-12), ce grand mystère de sa conception et de sa naissance leur était complètement inconnu, il leur était caché comme il le fut à tous les auditeurs et aux interlocuteurs de Jésus de Nazareth. Quand le Christ parlait de ceux qui " sont devenus eunuques à cause du royaume des cieux " (Mt 19, 12), c’est seulement sur la base de son exemple personnel que les disciples étaient capables de la comprendre. Une telle continence a dû s’imprimer dans leur conscience comme un trait particulier de ressemblance au Christ qui avait lui-même gardé le célibat " à cause du royaume des cieux ". La rupture par rapport à la tradition de l’Ancienne Alliance où le mariage et la fécondité procréatrice " dans le corps " avaient été une condition religieusement privilégiée, devait surtout s’effectuer sur, la base de l’exemple du Christ lui-même. Ce n’est que petit à petit qu’a pu s’enraciner la conscience que cette fécondité spirituelle et surnaturelle de l’homme, qui provient de l’Esprit Saint, avait une signification particulière pour " le royaume des cieux ".

Tous ces éléments de la conscience évangélique (c’est-à-dire la conscience propre de la Nouvelle Alliance dans le Christ) concernant la continence, nous les retrouverons tous plus ou moins dans l’enseignement de saint Paul.

 

CÉLIBAT ET SACERDOCE DU CHRIST - Paul VI, LE Sacerdotalis coelibatus, 24 juin 1967

 

Le chemin nouveau ouvert par le Christ

Le sacerdoce chrétien, qui est nouveau, ne se comprend qu’à la lumière de la nouveauté du Christ, Pontife suprême et Prêtre éternel, qui a institué le sacerdoce ministériel comme une participation réelle à son sacerdoce unique. Le ministre du Christ, l’intendant des mystères de Dieu, trouve donc en lui son modèle immédiat et son idéal souverain. Le Seigneur Jésus, Fils unique de Dieu, envoyé dans le monde par son Père, s’est fait homme pour que l’humanité, sujette au péché et à la mort, soit régénérée et, par une nouvelle naissance, entre dans le royaume des cieux. S’étant consacré tout entier à la volonté de son Père, Jésus accomplit par son mystère pascal cette création nouvelle, introduisant, dans le temps et dans le monde, une forme nouvelle, sublime, divine, de vie, qui transforme la condition terrestre elle-même de l’humanité.

De par la volonté de Dieu, le mariage continue l’œuvre de la première création ; assumé dans le plan total du salut, il acquiert lui aussi un sens nouveau, une valeur nouvelle. De fait, Jésus a restauré sa dignité originelle, lui a rendu hommage et l’a élevé à la dignité de sacrement et de signe mystérieux de sa propre union avec l’Eglise (Ep 5, 32). Ainsi les époux chrétiens dans l’exercice de leur amour mutuel et l’accomplissement de leurs devoirs spécifiques, dans la tendance à cette sainteté qui leur est propre, font route ensemble vers la patrie céleste. Mais le Christ, médiateur d’une alliance plus haute (Hb 8, 6), a ouvert un autre chemin où la créature humaine, s’attachant plus totalement et directement au Seigneur, exclusivement préoccupée de lui et de ce qui le concerne, manifeste de façon plus claire et plus complète la réalité profondément novatrice de la Nouvelle Alliance.

 

Lien profond qui unit la virginité et le sacerdoce

Le Christ, Fils unique du Père, du fait même de son incarnation, est constitué médiateur entre le ciel et la terre, entre le Père et le genre humain. En pleine harmonie avec cette mission, le Christ est resté durant toute sa vie dans l’état de virginité, qui signifie son dévouement total au service de Dieu et des hommes. Ce lien profond qui, dans le Christ, unit la virginité et le sacerdoce, se reflète en ceux à qui il échoit de participer à la dignité et a la mission du Médiateur et Prêtre éternel, et cette participation sera d’autant plus parfaite que le ministre sacré sera affranchi de tout lien de la chair et du sang.

Jésus, qui choisit les premiers ministres du salut, qui les voulut initiés à l’intelligence des mystères du royaume des cieux, coopérateurs de Dieu à un titre très spécial et ses ambassadeurs, et qui les appela amis et frères, pour lesquels il s’est sacrifié lui-même afin qu’ils fussent consacrés en vérité, a promis une récompense surabondante à quiconque aura abandonné maison, famille, épouse et enfants pour le royaume de Dieu (Lc 18, 29-30). Davantage, il a recommandé aussi, en paroles lourdes de mystères et de promesses, une consécration plus parfaite encore au règne des cieux par la virginité, fruit d’un don particulier (Mt 19, 11-12). La réponse à ce charisme divin a comme motif le règne des cieux ; et pareillement c’est ce règne (Lc 18, 39), l’Évangile (Mc 10, 29) et le nom du Christ (Mt 19, 29) qui motivent les appels de Jésus aux renoncements ardus que l’apôtre consentira pour une participation plus intime au destin du Christ.

 

La somme des idéaux les plus élevés de l’Évangile

C’est donc le mystère de la nouveauté du Christ, de tout ce qu’il est lui-même et de ce qu’il signifie, c’est la somme des idéaux les plus élevés de l’Evangile et du royaume, c’est une manifestation particulière de la grâce jaillissante du mystère pascal du Rédempteur, qui font la dignité et le caractère désirable du choix de la virginité pour ceux qu’appelle le Seigneur Jésus, et qui entendent ainsi participer non seulement à sa fonction sacerdotale, mais partager également avec lui l’état de vie qui fut le sien.

La réponse à la vocation divine est une réponse d’amour que le Christ nous a manifestée de manière sublime ; elle se revêt de mystère dans l’amour de prédilection pour les âmes auxquelles il a fait entendre ses appels plus exigeants. La grâce multiplie avec une force divine les exigences de l’amour qui, quand il est authentique, est total, exclusif, stable et perpétuel, et porte irrésistiblement à tous les héroïsmes. Aussi le choix du célibat sacré a-t-il toujours été considéré par l’Eglise " comme un signe et un stimulant de la charité " signe d’un amour sans réserve, stimulant d’une charité ouverte à tous. Qui pourrait jamais voir dans une vie si totalement donnée — et donnée pour les motifs que nous avons exposés — les signes d’une certaine pauvreté spirituelle ou de l’égoïsme, alors qu’elle est et doit être un exemple rare et éminemment significatif d’une existence qui trouve son moteur et son énergie dans l’amour, par quoi l’homme exprime la grandeur qui est son apanage ? Qui pourra jamais douter de la plénitude morale et spirituelle d’une vie vouée de la sorte non pas à un idéal quelconque, serait-il très noble, mais au Christ et à son oeuvre, pour une humanité nouvelle, partout et dans tous les temps ?

Cette perspective biblique et théologique associe donc notre sacerdoce ministériel à celui du Christ et elle trouve dans la donation totale du Christ à sa mission salvifique l’exemple et la raison de notre assimilation à la forme de charité et de sacrifice propre au Christ Rédempteur. Elle nous paraît si profonde et si riche de vérités spéculatives et pratiques que nous vous invitons vous-mêmes, frères vénérés, ainsi que ceux qui étudient la doctrine catholique et les maîtres spirituels, et tous les prêtres capables d’avoir l’intelligence intuitive et surnaturelle de leur vocation, à continuer de chercher dans cette direction et de pénétrer les réalités intimes et fécondes à y trouver. De la sorte, le lien entre sacerdoce et célibat apparaîtra toujours mieux dans sa logique lumineuse et héroïque d'amour unique et sans limites au Christ Seigneur et à son Église

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MARIAGE ET CÉLIBAT POUR LE ROYAUME DES CIEUX

LA CONTINENCE PAR RAPPORT AU MARIAGE - Jean Paul II, Aud. gén. 31 mars 1982

Valeur particulière de la continence

En parlant de la continence à cause du royaume des cieux et en la fondant sur l’exemple de sa propre vie, le Christ désirait sans doute que ses disciples la comprennent surtout en rapport avec le royaume qu’il était venu annoncer et pour lequel il montrait les voies justes. La continence dont il parlait est précisément l'une de ces voies et, comme il résulte déjà du contexte de l’évangile de Matthieu, c’est une voie particulièrement valable et privilégiée. En effet, cette préférence donnée au célibat et à la virginité à cause du royaume était une nouveauté absolue par rapport à la tradition de l’Ancienne Alliance, et elle avait une signification déterminante aussi bien pour l’éthos que pour la théologie du corps.

Dans son énoncé, le Christ en relève surtout la finalité. Il dit que la voie de la continence, dont il donne lui-même un témoignage par sa propre vie, non seulement existe et est possible, mais qu’elle est particulièrement valable et importante à cause du royaume des cieux. Et il doit en être ainsi étant donné que le Christ l’a choisie pour lui-même. Si cette voie est si valable et si importante, c’est que la continence pour le royaume des cieux doit avoir une valeur particulière. Comme nous y avons déjà fait allusion précédemment, le Christ n’abordait pas le problème sur le même niveau et selon le même raisonnement que les disciples lorsqu’ils affirmaient : " Si telle est la condition..., il ne convient pas de se marier " (Mt 19, 10). Leurs paroles cachaient au fond un certain utilitarisme. Dans sa réponse, le Christ a, au contraire, indiqué indirectement que si le mariage, fidèle à l’institution originelle du Créateur, possède sa pleine congruence et sa pleine valeur pour le royaume des cieux, une valeur fondamentale, universelle et ordinaire, pour sa part, la continence possède pour ce royaume une valeur particulière et exceptionnelle. Il est évident qu’il s’agit de la continence choisie consciemment pour des raisons surnaturelles.

 

voulue et choisie pour le royaume des cieux

Si le Christ note avant tout dans son énoncé la finalité surnaturelle de cette continence, il le fait dans un sens non seulement objectif mais aussi dans un sens explicitement subjectif : il montre la nécessité d’une motivation qui corresponde d’une manière adéquate et totale à la finalité objective qui se trouve exprimée dans l’expression " à cause du royaume des cieux ". Pour réaliser le but dont il s’agit, c’est-à-dire pour redécouvrir dans la continence cette fécondité spirituelle particulière qui provient de l’Esprit Saint, il faut la vouloir et la choisir en vertu d’une foi profonde qui ne nous montre pas seulement le royaume de Dieu dans son accomplissement futur, mais nous permet et nous donne la possibilité de nous identifier d’une manière particulière avec la vérité et la réalité de ce royaume tel qu’il se trouve révélé par le Christ dans son message évangélique et surtout par l’exemple personnel de sa vie et de son comportement. C’est la raison pour laquelle on a dit plus haut que la continence à cause du royaume des cieux — en ce qu’elle est le signe indubitable de l’autre monde — porte en elle surtout le dynamisme intérieur du mystère de la rédemption du corps et qu’elle possède aussi dans cette signification la caractéristique d’une particulière ressemblance avec le Christ. Celui qui choisit consciemment cette continence, choisit, dans un certain sens, une participation particulière au mystère de la rédemption (du corps). Il veut, pour ainsi dire, la compléter d’une manière particulière dans sa propre chair en y trouvant également l’empreinte d’une ressemblance avec le Christ.

 

Une vocation exceptionnelle

Tout cela se réfère à la motivation du choix (ou à sa finalité au sens subjectif) : en choisissant la continence à cause du royaume des cieux, l’homme doit précisément se laisser guider par de telles motivations. Dans le cas dont il s’agit, le Christ ne dit pas que l’homme y est obligé (en tous les cas il ne s’agit certainement pas du devoir qui ressort d’un commandement). Cependant, ses paroles concises sur la continence à cause du royaume des cieux mettent sans aucun doute fortement en relief précisément sa motivation. Elles la font ressortir (elles indiquent la finalité dont le sujet est conscient) aussi bien dans la première partie de tout l’énoncé que dans la seconde, en montrant qu’il s’agit ici d’un choix parti- culier, le choix précisément d’une vocation plutôt exceptionnelle qu’universelle et ordinaire. Au début, dans la première partie de son énoncé, le Christ parle d’une compréhension : " Tous ne peuvent pas le comprendre mais seulement ceux à qui cela a été accordé " (Mt 19, 11). Il ne s’agit pas d’une compréhension dans l’abstrait mais plutôt d’une compréhension qui influe sur la décision, sur le choix personnel où le don, c’est-à-dire la grâce, doit trouver une résonance adéquate dans la volonté humaine. Cette compréhension implique donc la motivation. Ensuite, la motivation influe sur le choix de la continence qui est acceptée après qu’on en ait compris la signification " pour le royaume des cieux ". Dans la seconde partie de son énoncé, le Christ déclare donc que l’homme devient eunuque quand il choisit la continence à cause du royaume des cieux et qu’il en fait la situation fondamentale ou l’état de toute sa vie terrestre. Dans une décision si ferme subsiste la motivation surnaturelle qui a été à la source de la décision elle-même. Je dirais qu’elle subsiste en se renouvelant continuellement.

 

en contraste avec la vocation originelle de l’être humain, homme et femme

Nous avons déjà attiré précédemment l’attention sur la signification particulière de la dernière affirmation. Si le Christ, dans le cas cité, parle de l’action de devenir eunuque, il met non seulement en relief le poids spécifique de cette décision qui s’explique par la motivation née d’une foi profonde, mais il ne cherche pas non plus à cacher le tourment qu’une telle décision et ses conséquences durables peuvent avoir pour l’homme, pour les inclinations normales (et par ailleurs nobles) de sa nature.

Le rappel de l’origine dans le problème du mariage nous a permis de découvrir toute la beauté originelle de cette vocation de l’être humain, homme et femme vocation qui vient de Dieu et qui correspond à la double constitution de l’homme ainsi qu’à l’appel à la communion des personnes. En prêchant la continence à cause du royaume de Dieu, non seulement le Christ se prononce contre toute la tradition de l’Ancienne Alliance selon laquelle le mariage et la procréation étaient, comme nous l’avons dit, religieusement privilégiés, mais il se prononce aussi, dans un certain sens, en contraste avec cette origine à laquelle il s’est lui-même référé et peut-être aussi, par cela, nuance ses propres paroles avec cette règle particulière de compréhension à laquelle nous avons fait allusion ci-dessus. L’analyse de l’origine avait, en effet, démontré que, bien qu’il soit possible de concevoir l’homme comme solitaire en face de Dieu, cependant Dieu lui-même l’a tiré de cette solitude lorsqu’il a dit : " Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je veux lui faire une aide qui lui soit semblable " (Gn 2, 18).

Ainsi donc, la double caractéristique homme-femme qui appartient à la constitution même de l’humanité et l’unité des deux qui se base sur elle, demeurent " depuis l’origine " l’oeuvre de Dieu, c’est-à-dire jusque dans leur profondeur ontologique même. Et le Christ, en parlant de la continence à cause du royaume des cieux a cette réalité devant lui. Ce n’est pas sans raison qu’il en parle (selon Matthieu) dans le contexte le plus immédiat où il se réfère précisément à l’origine, c’est-à-dire au principe divin du mariage dans la constitution même de l’homme.

Sur la base des paroles du Christ, on peut affirmer que non seulement le mariage nous aide à comprendre la continence à cause du royaume des cieux, mais que la continence elle-même jette une lumière particulière sur le mariage vu dans le mystère de la création et de la rédemption.

LE BIEN DE LA CONTINENCE ET DU MARIAGE - Jean Paul II, Aud. gén. 7 avril 1982

 

L’appel à la continence respecte toutes les dimensions de l’être humain

En proclamant la continence " à cause du royaume des cieux ", le Christ accepte pleinement tout ce qui a été accompli et institué par le Créateur depuis l’origine. Par conséquent, cette continence doit, d’une part, démontrer que l’être humain, dans sa plus profonde constitution, est non seulement " double ", mais aussi (dans son double caractère) " seul " en face de Dieu. Cependant, ce qui, d’autre part, dans l’appel à la continence à cause du royaume des cieux, est une invitation à la solitude pour Dieu, respecte en même temps aussi bien le double caractère de l’humanité — c’est-à-dire sa masculinité et sa féminité — que cette dimension de communion de l’existence qui est le propre de la personne. Celui qui, conformément aux paroles du Christ, comprend de manière adéquate l’appel à la continence pour le royaume de Dieu et le suit, conserve ainsi la vérité intégrale de sa propre humanité, sans perdre, chemin faisant, aucun des éléments essentiels de la vocation de la personne créée " à l’image et à la ressemblance de Dieu ". Ceci est important pour l’idée même de la continence, ou plutôt pour son contenu objectif qui apparaît dans l’enseignement du Christ comme une nouveauté radicale. C’est également important pour la réalisation de cet idéal afin que la décision concrète prise par l’homme de vivre dans le célibat ou dans la virginité à cause du royaume des cieux (par celui qui " devient " eunuque, pour reprendre les paroles du Christ), soit pleinement authentique dans sa motivation.

 

et lui permet de se réaliser lui-même autrement et davantage que dans le mariage

Du contexte de l’évangile de Matthieu (Mt 19, 10-12), il résulte de manière suffisamment claire qu’il ne s’agit pas ici de diminuer la valeur du mariage au profit de la continence ni d’estomper une valeur par une autre. Il s’agit, au contraire, de sortir avec une pleine conscience de ce qui, dans l’homme, par la volonté du Créateur lui-même, porte au mariage et d’aller vers la continence qui se révèle à l’être humain concret, l’homme et la femme, comme un appel et un don d’une particulière éloquence et d’une signification particulière pour le royaume des cieux. Les paroles du Christ partent de tout le réalisme de la situation de l’être humain et le conduisent au-dehors avec le même réalisme, vers l’appel où, d’une manière nouvelle, tout en demeurant par sa nature un être double (c’est-à-dire dirigé comme homme vers la femme et comme femme vers l’homme), il est capable de découvrir, dans cette solitude qui est la sienne, qu’il ne cesse d’avoir une dimension personnelle du double caractère de chacun, une forme nouvelle et même plus totale encore de communion intersubjective avec les autres. Cette orientation de l’appel explique de manière explicite l’expression " à cause du royaume des cieux

En effet, la réalisation de ce royaume doit se trouver dans le cadre du développement authentique de l’image et de la ressemblance de Dieu, dans sa signification trinitaire, c’est-à-dire précisément dans sa signification " de communion ". En choisissant la continence à cause du royaume des cieux, l’homme a la conscience de pouvoir, de cette manière, se réaliser lui-même autrement et, dans un certain sens, davantage que dans le mariage, en devenant " don sincère pour les autres ".

Un renoncement conscient et volontaire au mariage

À travers les paroles rapportées par Matthieu (Mt 19, 11-12), le Christ fait comprendre clairement que ce fait d’" aller " vers la continence à cause du royaume des cieux est lié à un renoncement volontaire au mariage, c’est-à-dire à l’état où l’homme et la femme (selon la signification que le Créateur a donné dès l’origine à leur unité) deviennent don réciproque à travers leur masculinité et leur féminité et même à travers l’union corporelle. La continence signifie un renoncement conscient et volontaire à une telle union et à tout ce qui lui est lié dans la vaste dimension de la vie et de la convivence humaine. L’homme qui renonce au mariage renonce également à la procréation comme fondement de la communauté familiale composée des parents et des enfants. Les paroles du Christ auxquelles nous nous référons montrent sans aucun doute ce domaine de renoncement bien qu’elles ne s’arrêtent pas aux aspects particuliers. La manière dont ces paroles ont été prononcées, permet de supposer que le Christ comprenait l’importance de ce renoncement et qu’il ne la comprenait pas seulement par rapport aux opinions en vigueur sur ce sujet dans la société israélite de l’époque. Il comprend aussi l’importance de ce renoncement par rapport au bien que constituent le mariage et la famille en eux-mêmes en raison de leur institution divine. C’est pourquoi, par la manière de prononcer les paroles en question, il fait comprendre que cette sortie du cercle du bien auquel lui-même appelle " à cause du royaume des cieux ", est lié à un certain sacrifice du mariage et de la famille. Cette sortie devient même le début de renoncements successifs et de sacrifices volontaires de soi qui sont indispensables si le choix premier et fondamental doit rester cohérent dans la dimension de toute la vie terrestre. C’est seulement grâce à cette cohérence que ce choix est intérieurement raisonnable et non contradictoire.

commandé par la même anthropologie et la même éthique

De cette manière, dans l’appel à la continence tel qu’il y a été prononcé par le Christ — de manière concise et en même temps avec une grande précision — se dessinent le profil et en même temps le dynamisme du mystère de la rédemption, comme il a été déjà dit précédemment. C’est sous le même profil que Jésus, dans le discours sur la montagne, a prononcé les paroles au sujet de la nécessité de veiller à la concupiscence du corps, au désir qui commence par le regard et qui devient déjà en ce moment un adultère dans le coeur. Derrière les paroles de Matthieu, aussi bien dans le chapitre 19 (v. 11-12) que dans le chapitre 5 (v. 27-28), se trouve la même anthropologie et le même éthos. Dans l’invitation à la continence volontaire à cause du royaume des cieux, les perspectives de cet éthos se trouvent amplifiées. À l’horizon des paroles du discours sur la montagne on trouve l’anthropologie de l’homme historique. À l’horizon des paroles sur la continence volontaire, la même anthropologie demeure essentiellement mais elle est éclairée par la perspective du royaume des cieux, ou, pour un temps, par la future anthropologie de la résurrection. Néanmoins, sur les voies de cette continence volontaire au cours de la vie terrestre, l’anthropologie de la résurrection ne remplace pas l’anthropologie de l’homme historique. C’est précisément cet homme historique chez qui demeure pour un temps l’héritage de la triple concupiscence, l’héritage du péché et, en même temps, l’héritage de la rédemption, qui doit prendre la décision au sujet de la continence à cause du royaume des cieux cette décision, il doit la réaliser, en soumettant le caractère pécheur de son humanité aux forces qui jaillissent du mystère de la rédemption du corps. Il doit le faire comme tout autre homme qui ne prend pas une décision semblable et dont la voie demeure le mariage. Le genre de responsabilité à l’égard du bien choisi est seulement différent comme est différent le genre même du bien choisi.

 

La supériorité de la continence ne signifie jamais une dévaluation du mariage

Dans son énoncé, le Christ met-il en relief la supériorité de la continence à cause du royaume des cieux sur le mariage ? Il dit certainement que cette vocation est une vocation exceptionnelle, non ordinaire. Il affirme en outre qu’elle est particulièrement importante et nécessaire pour le royaume des cieux. Si nous entendons la supériorité sur le mariage dans ce sens, nous devons admettre que le Christ l’ajoute implicitement et qu’il ne l’exprime pas directement. Seul Paul dira de ceux qui choisissent le mariage qu’ils font bien, et, de ceux qui sont disposés à vivre dans la continence volontaire, qu’ils font mieux (1 Co 7, 38).

Telle est aussi l’opinion de toute la tradition, aussi bien doctrinale que pastorale. Cette supériorité de la continence sur le mariage ne signifie jamais, dans la tradition authentique de l’Eglise, une dévaluation du mariage ou une diminution de sa valeur essentielle. Elle ne signifie pas non plus un glissement, même implicite, sur des positions manichéennes, ou un soutien à des modes d’évaluer ou de travailler qui se fonderaient sur la compréhension manichéenne du corps et du sexe, du mariage et de la procréation. La supériorité évangélique et authentiquement chrétienne de la virginité, de la continence, est par conséquent dictée par la cause du royaume des cieux. Dans les paroles du Christ qui sont rapportées par Matthieu (19, 11-12), nous trouvons une base solide pour admettre seulement une telle supériorité. Nous ne trouvons pas au contraire une base pour une dépréciation quelconque du mariage qui aurait pu être présente dans la reconnaissance de cette supériorité.

 

COMPLÉMENTARITÉ DU MARIAGE ET DE LA CONTINENCE - Jean Paul II, Aud. gén. 14 avril 1982

 

La continence n’est pas proposée au détriment de l’union conjugale

Ces paroles du Christ, dans toute leur concision, sont admirablement riches et précises, riches d’un ensemble d’implications aussi bien de nature doctrinale que pastorale et, en même temps, elles montrent une juste limite en la matière. Ainsi donc toute interprétation manichéenne reste incontestablement au-delà de cette limite, comme le reste aussi, selon ce que le Christ a dit dans le discours sur la montagne, le désir " dans le cœur " (Mt 5, 27-28).

Dans les paroles du Christ sur la continence à cause du royaume des cieux, il n’y a aucune allusion au sujet de l’infériorité du mariage concernant le corps ou l’essence du mariage, qui consiste dans le fait que l’homme et la femme s’y unissent de manière à devenir " une seule chair " (Gn 2, 24). Les paroles du Christ rapportées dans Matthieu (19, 11-12) (et aussi les paroles de Paul dans la première lettre aux Corinthiens, chapitre 7) ne fournissent pas d’argument pour soutenir l’infériorité du mariage ou la supériorité de la virginité ou du célibat par le fait que ceux-ci consistent dans l’abstention de l’union conjugale dans le corps. Sur ce point, les paroles du Christ sont incontestablement claires. Il propose à ses disciples l’idéal de la continence et l’appel à cette continence n’est pas proposé en raison de l’infériorité ou au détriment de l’union conjugale dans le corps mais seulement à cause du royaume des cieux.

 

Les deux sont complémentaires

Dans cette perspective, un éclaircissement plus approfondi de l’expression " pour le royaume des cieux " est particulièrement utile. C’est ce que nous chercherons à faire par la suite, du moins sommairement. Mais, pour ce qui est de la juste compréhension du rapport entre le mariage et la continence dont parle le Christ, et de la compréhension de ce rapport tel que l’a compris toute la Tradition, cela vaut la peine d’ajouter que cette supériorité et cette infériorité sont contenues dans les limites de la complémentarité même du mariage et de la continence à cause du royaume de Dieu. Le mariage et la continence ne s’opposent pas l’un à l’autre et ne divisent pas la communauté humaine (et chrétienne) en deux camps (disons le camp des " parfaits " à cause de la continence et celui des " imparfaits " ou des moins parfaits à cause de la réalité de la vie conjugale). Mais ces deux situations fondamentales ou, comme on avait coutume de dire, ces deux " états ", s’expliquent dans un certain sens et se complètent mutuellement pour ce qui est de l’existence et de la vie (chrétienne) de cette communauté qui, dans son ensemble et dans tous ses membres, se réalise dans la dimension du règne de Dieu et a une orientation eschatologique qui est le propre de ce règne. Eh bien ! par rapport à cette dimension et à cette orientation — auxquelles doit participer dans la foi la communauté tout entière, c’est-à-dire tous ceux qui lui appartiennent — la continence à cause du royaume de Dieu a une particulière importance et une particulière éloquence pour ceux qui ; vivent la vie conjugale. On sait d’ailleurs que ces derniers constituent la majorité.

 

Dans l’un et l’autre état de vie la perfection se mesure à la charité

Il semble donc qu’une complémentarité ainsi comprise trouve sa base dans les paroles du Christ selon Matthieu 19, 11-12 (et aussi dans la première lettre aux Corinthiens, chapitre 7). Il n’y a, au contraire, aucune base pour une opposition hypothétique selon laquelle les célibataires, en raison de la seule continence, constitueraient la classe des " parfaits " et , au contraire, les personnes mariées, la classe des " non-parfaits " (ou des " moins parfaits "). Si, en s’en tenant à une certaine tradition théologique, on parle de l’état de perfection, on le fait non pas en raison de la continence elle-même, mais par rapport à l’ensemble de la vie basée sur les conseils évangéliques (pauvreté, chasteté, obéissance), car cette vie correspond à l’appel du Christ à la perfection (Mt 19, 21). La perfection de la vie se trouve mesurée par la charité. Il s’ensuit qu’une personne qui ne vit pas dans l’" état de perfection " (c’est-à-dire dans une institution qui fonde son plan de vie sur les vœux de pauvreté, de charité et d’obéissance), ou qui ne vit pas dans un institut religieux mais dans le monde, peut atteindre de fait un degré supérieur de sainteté — dont la mesure est la charité — par rapport à la personne qui vit dans " l’état de perfection " avec un degré moindre de charité. C’est pourquoi celui qui l’atteint, même s’il ne vit pas dans un " état de perfection " institutionnalisé, parvient à cette perfection qui jaillit de la charité, à travers la fidélité à l’esprit de ces conseils. Cette perfection est possible et accessible à tout être humain, aussi bien dans un institut religieux que dans le monde.

 

Les valeurs propres des deux états se complètent et se compénètrent

Aux paroles du Christ rapportées par Matthieu semble donc correspondre adéquatement la complémentarité du mariage et de la continence " à cause du royaume des cieux " dans leur signification et dans leur portée multiple. Dans la vie d’une communauté authentiquement chrétienne, les attitudes et les valeurs propres de l’un et l’autre état, c’est-à-dire de l’un ou l’autre choix essentiel et conscient comme vocation, pour toute la vie terrestre et dans la perspective de l’ " Église céleste ", se complètent et, dans un certain sens, se compénètrent mutuellement. Le parfait amour conjugal doit être marqué par cette fidélité et ce don à l’unique Époux (et aussi par la fidélité et par le don de l’unique Époux à l’unique Épouse) sur lequel sont fondés la profession religieuse et le célibat sacerdotal. En définitive, la nature de l’un et l’autre amour est " sponsal ", c’est-à-dire exprimé à travers le don total de soi. L’un et l’autre amour tend à exprimer cette signification sponsale du corps qui, " depuis l’origine ", est inscrit dans la structure personnelle même de l’homme et de la femme.

D’autre part, l’amour sponsal qui trouve son expression dans la continence à cause du royaume des cieux doit porter, dans son développement régulier, à la paternité ou à la maternité au sens spirituel (ou précisément à cette " fécondité de l’Esprit Saint " dont nous avons déjà parlé), de manière analogue à l’amour conjugal qui mûrit dans la paternité et la maternité physique et qui se confirme précisément en elles comme un amour sponsal. De son côté, même la procréation physique ne répond pleinement à sa signification que si elle se trouve complétée par la paternité et la maternité dans l’esprit, dont l’expression et le fruit sont toute l’oeuvre éducatrice des parents à l’égard des enfants qui sont nés de leur union conjugale et corporelle.

Comme on le voit, ils sont nombreux les aspects et les sphères de la complémentarité de la vocation, au sens évangélique, de ceux qui " prennent femme et mari " et de ceux qui choisissent consciemment et volontairement la continence à cause du royaume des cieux. Dans sa première lettre aux Corinthiens saint Paul écrira sur ce sujet " Chacun reçoit de Dieu un don particulier, l’un celui-ci, l’autre celui-là " (1 Co 7, 7).

 

POUR LE ROYAUME DES CIEUX - Jean Paul II, Aud. gén. 21 avril 1982

La réalisation du royaume de Dieu sur la terre

Il n’est pas possible de comprendre pleinement la signification et le caractère de la continence si la dernière partie de l’énoncé du Christ, " pour le royaume des cieux ", n’est pas remplie de son contenu adéquat, concret et objectif Nous avons dit précédemment que cette partie exprime la raison ou met en relief, dans un certain sens, la finalité subjective de l’appel du Christ à la continence. Cependant, l’expression a, en elle-même, un caractère objectif et indique de fait une réalité objective par laquelle toutes les personnes, hommes et femmes, peuvent devenir des eunuques, comme dit le Christ. La réalité du royaume dans l’énoncé du Christ selon Matthieu (19, 11-12) est définie de manière précise et, en même temps, de manière générale, c’est-à-dire de manière qu’elle puisse comprendre toutes les déterminations et les significations particulières qui lui sont propres.

Le " royaume des cieux " signifie le " royaume de Dieu " que le Christ prêchait dans son accomplissement final, c’est-à-dire eschatologique. Le Christ prêchait ce royaume dans sa réalisation ou son instauration temporelle et, en même temps, il l’annonçait dans son accomplissement eschatologique. L’instauration temporelle du royaume de Dieu est en même temps son inauguration et sa préparation à l’accomplissement définitif Le Christ appelle à ce royaume et, dans un certain sens, y invite tous les hommes. S’il appelle quelques-uns à la continence " à cause du royaume des cieux ", il ressort du contenu de cette expression qu’il les appelle à participer de manière singulière à l’instauration du royaume de Dieu sur la terre, grâce auquel commence et se prépare la phase définitive du royaume des Cieux.

 

but du renoncement volontaire au mariage

Dans ce sens, nous avons dit que cet appel portait en lui le signe particulier du dynamisme propre du mystère de la rédemption du corps. Ainsi donc, dans la continence pour le royaume des cieux, on met en évidence, comme nous l’avons déjà mentionné, le renoncement à soi-même, le fait de prendre sa croix tous les jours pour suivre le Christ (Lc 9, 23) et cela peut aboutir jusqu’à impliquer le renoncement au mariage et à une famille propre. Tout cela découle de la conviction que, de cette manière, il est possible de contribuer davantage à la réalisation du royaume de Dieu dans sa dimension terrestre avec la perspective de l’accomplissement eschatologique. Dans son énoncé selon Matthieu (19, 11-12), le Christ a dit, d’une manière générale, que le renoncement volontaire au mariage a cette finalité, mais il ne spécifie pas cette affirmation. Dans son premier énoncé sur ce sujet, il ne précise pas encore pour quelles tâches concrètes cette continence volontaire est nécessaire ou indispensable pour la réalisation du royaume de Dieu sur la terre et pour en préparer l’achèvement futur. Paul de Tarse apporte quelque chose de, plus à ce sujet et le reste sera complété par la vie de l’Eglise dans son développement historique, porté par le courant de l’authentique tradition.

Dans l’énoncé du Christ sur la continence à cause du royaume des cieux, nous ne trouvons aucun indice plus détaillé de la manière dont il faut entendre ce royaume —aussi bien pour ce qui est de sa réalisation terrestre que pour ce qui est de son accomplissement définitif— dans sa relation spécifique et exceptionnelle avec ceux qui sont devenus volontairement eunuques à cause de lui.

On ne dit pas non plus par quel aspect particulier de la réalité que constitue le royaume, lui sont associés ceux qui sont devenus librement eunuques. On sait, en effet, que le royaume des cieux est pour tous même ceux qui prennent femme et mari sont en relation avec lui sur terre et dans le ciel. Pour tous, il est la " vigne du Seigneur " où, ici, sur terre, ils doivent travailler. Il est ensuite " la maison du Père " où ils doivent se trouver dans l’éternité. Qu’est donc ce royaume pour ceux qui choisissent la continence volontaire en vue de lui ?

conformément à la vocation choisie

Nous ne trouvons pour le moment aucune réponse à ces questions dans l’énoncé du Christ rapporté par Matthieu (19, 11-12). Il semble que cela corresponde au caractère de tout l’énoncé. Le Christ répond à ses disciples de manière à ne pas demeurer dans la ligne de leurs pensées et de leurs jugements où se cache, au moins indirectement, une attitude utilitariste à l’égard du mariage. Le Maître se sépare explicitement de cette manière de poser le problème et donc, en parlant de la continence à cause du royaume des cieux, il n’indique pas pourquoi cela vaut la peine, de cette manière, de renoncer au mariage pour que ce " il faut " ne résonne pas aux oreilles des disciples avec une consonance utilitariste. Il dit seulement que cette continence est parfois requise, sinon indispensable, pour le royaume des cieux. En cela, il indique qu’elle constitue, dans le royaume que le Christ prêche et auquel il appelle, une valeur particulière en elle-même. Ceux qui la choisissent volontairement doivent la choisir par rapport à la valeur qui est la sienne et non par suite de n’importe quel autre calcul.

Ce ton essentiel de la réponse du Christ, qui se réfère directement à la continence elle-même à cause du royaume des cieux, peut être également rapporté, d’une manière indirecte, au problème précédent du mariage. En prenant donc en considération l’ensemble de l’énoncé (Mt 19, 3-11), selon l’intention fondamentale du Christ, la réponse serait la suivante si quelqu’un choisit le mariage, il doit le choisir tel qu’il a été institué par le Créateur " dès l’origine ", il doit chercher en lui ces valeurs qui correspondent au plan de Dieu. Si, au contraire, il décide de choisir la continence à cause du royaume des cieux, il doit y chercher les valeurs propres à cette vocation. En d’autres termes, il doit agir conformément à la vocation choisie.

dans la perspective du rapport sponsal du Christ avec l’Eglise

Le royaume des cieux est certainement l’accomplissement définitif des aspirations de tous les hommes auxquels le Christ adresse son message il est la plénitude du bien que le coeur humain désire au-delà des limites de tout ce qui peut être sa part au cours de la vie terrestre, il est la plus grande plénitude du plus grand don que Dieu fait à l’homme. Dans l’entretien avec les Sadducéens (Mt 22, 24-30) que nous avons précédemment analysé, nous trouvons d’autres aspects particuliers sur ce " royaume " ou sur " l’autre monde ". Il y en a encore plus dans tout le Nouveau Testament. Il semble cependant que pour éclaircir ce qu’est le royaume des cieux pour ceux qui choisissent la continence volontaire à cause de lui, la révélation du rapport sponsal du Christ avec l’Église ait une signification particulière : entre autres textes, c’est donc celui de la Lettre aux Éphésiens 5, 25 s., sur lequel il nous faudra surtout nous appuyer lorsque nous prendrons en considération le problème de la sacramentalité du mariage, qui est décisif.

Ce texte est également valable pour la théologie de la continence " à cause du royaume ", c’est-à-dire la théologie de la virginité ou du célibat. Il semble que c’est précisément dans ce texte que nous trouvions presque concrétisé ce que le Christ avait dit à ses disciples en les invitant à la continence volontaire " à cause du royaume des cieux ".

Il a déjà été suffisamment souligné dans cette analyse que les paroles du Christ — avec toute leur concision — sont fondamentales, pleines de contenu essentiel et en outre caractérisées par une certaine sévérité. Il n’y a pas de doute que le Christ prononce son appel à la continence dans la perspective de l’autre monde. Mais, dans cet appel, il met l’accent sur tout ce en quoi s’exprime le réalisme temporel de la décision pour une telle continence, décision qui est liée à la volonté de participer à l’oeuvre rédemptrice du Christ.

Ainsi donc, à la lumière des paroles respectives du Christ rapportées par Matthieu (19, 11-12) ressortent surtout la profondeur et le sérieux de la décision de vivre dans la continence à cause du royaume, et la gravité du renoncement qu’une telle décision implique, y trouve une expression.

 

Un don exclusif de soi au Christ Époux

Indubitablement, à travers tout cela, à travers le sérieux et la profondeur de la décision, à travers la sévérité et la responsabilité qu’elle comporte, transparaît et brille l’amour: l’amour comme disponibilité du don exclusif de soi pour le royaume de Dieu. Dans les paroles du Christ, cet amour semble cependant être voilé par ce qui est, au contraire, mis au premier plan. Le Christ ne cache pas à ses disciples le fait que le choix de la continence à cause du royaume des cieux, vu selon les catégories de la temporalité, est un renoncement. Cette manière de parler aux disciples, qui formule clairement la vérité de son enseignement et des exigences qu’il contient, est significatif pour tout l’Évangile. C’est précisément cette manière de parler qui leur confère, entre autres, une marque et une force si convaincantes.

C’est le propre du coeur humain d’accepter des exigences, même difficiles, au nom de l’amour pour un idéal et surtout au nom de l’amour envers la personne (l’amour est en effet par essence orienté vers la personne). C’est pourquoi dans cet appel à la continence à cause du royaume des cieux, les disciples d’abord et ensuite toute la vivante tradition de l’Eglise découvriront rapidement l’amour qui se réfère au Christ lui-même comme Époux de l’Église, Époux des âmes auxquelles il s’est lui-même donné jusqu’au bout, dans le mystère de sa Pâque et de l’eucharistie.

De cette manière, la continence à cause du royaume des cieux, le choix de la virginité ou du célibat pour toute la vie sont devenus, dans l’expérience des disciples et de ceux qui ont suivi le Christ, l’acte d’une réponse particulière de l’amour de l’Époux divin et, pour cela, ils ont acquis la signification d’un acte d’amour sponsal, c’est-à-dire d’un don sponsal de soi dans le but de rendre en retour, d’une manière particulière, l’amour sponsal du rédempteur, un don compris par lui-même comme un renoncement mais surtout fait par amour.

 

CONTINENCE ET SIGNIFICATION SPONSALE DU CORPS HUMAIN - Jean Paul II, Aud. gén. 28 avril 1982

Le riche contenu de l’énoncé du Christ

" Il y en a qui sont devenus eunuques à cause du royaume des cieux ". C’est ainsi que s’exprime le Christ selon l’évangile de Matthieu (Mt 19, 12).

Nous avons déjà tiré toute la richesse du contenu dont est chargé l’énoncé du Christ sur la continence à cause du royaume des cieux, bien qu’il soit concis mais qui, en même temps, est si profond. Maintenant, il convient de prêter attention à la signification qu’ont ces paroles pour ha théologie du corps, comme nous avons cherché à en présenter et à en reconstruire les fondements bibliques à partir de l’origine ". L’analyse de cette origine biblique à laquelle le Christ s’est référé dans son entretien avec les Pharisiens sur le sujet du mariage, de son unité et de son indissolubilité (Mt 19, 3-9) — peu avant d’adresser à ses disciples les paroles sur la continence à cause du royaume des cieux (Mt 19, 10-12) — nous permet de rappeler la profonde vérité sur la signification sponsale du corps humain dans sa masculinité et dans sa féminité.

 

La signification sponsale du corps humain

La mentalité contemporaine s’est habituée à penser et à parler surtout de l’instinct sexuel, en transférant au domaine de la réalité humaine ce qui est propre au monde des êtres vivants, aux animaux. Or, une réflexion approfondie sur le texte concis du premier et du deuxième chapitre de la Genèse nous permet d’établir, avec certitude et conviction, que " dès l’origine " se trouve délimitée dans la Bible une frontière très claire et univoque entre le monde des animaux et l’homme créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Bien qu’il soit relativement court, il y a cependant dans ce texte suffisamment d’espace pour montrer que l’homme a une claire conscience de ce qui le distingue de manière essentielle de tous les autres êtres vivants.

L’application à l’homme de cette catégorie, essentiellement naturaliste, qui est contenue dans le concept et dans l’expression d’instinct sexuel, n’est donc pas du tout appropriée et adéquate. Il est évident que cette application peut se faire sur la base d’une certaine analogie. En effet, la particularité de l’homme par rapport à tout le monde des êtres vivants est telle que, compris du point de vue de l’espèce, il ne peut pas être fondamentalement qualifié comme animal, mais comme animal rationnel.

C’est pourquoi, malgré cette analogie, l’application du concept d’instinct sexuel à l’homme, étant donné la dualité dans laquelle il existe comme homme et comme femme, limite cependant grandement et, en un certain sens, diminue ce que sont la masculinité et la féminité elles-mêmes dans la dimension personnelle de la subjectivité humaine. Elle limite et diminue également ce pourquoi les deux, l’homme et la femme, s’unissent de manière à être une seule chair. Pour exprimer cela d’une manière appropriée et adéquate, il faut utiliser également une analyse différente de l’analyse naturaliste. C’est précisément l’étude de l’" origine " biblique qui nous oblige à le faire de manière convaincante. La vérité sur la signification sponsale du corps humain dans sa masculinité et dans sa féminité, affirmée dans les premiers chapitres de la Genèse, ou la découverte à un moment de la signification sponsale du corps dans la structure personnelle de la subjectivité de l’homme et de la femme, semblent être à ce sujet un concept clé et, en même temps, le seul approprié et le seul adéquat.

 

La conscience de la liberté du don

Précisément, par rapport à ce concept, par rapport à la vérité sur la signification sponsale du corps humain, il faut relire et comprendre les paroles du Christ sur la continence " à cause du royaume des cieux ", prononcées dans le contexte immédiat de cette référence à l’" origine ", sur lequel il a fondé sa doctrine sur l’unité et l’indissolubilité du mariage. À la base de l’appel du Christ à la continence se trouvent non seulement l’instinct sexuel comme catégorie d’un besoin, je dirais, naturaliste, mais aussi la conscience de la liberté du don qui est organiquement liée à la conscience profonde et mûre de la signification sponsale du corps, dans la structure totale de la subjectivité personnelle de l’homme et de la femme. C’est seulement par rapport à une telle signification de la masculinité et de la féminité de la personne humaine que l’appel à la continence volontaire à cause du royaume des cieux trouve sa pleine garantie et sa pleine motivation. C’est seulement et exclusivement dans cette perspective que le Christ dit : " Qu’il comprenne, celui qui peut comprendre ! " (Mt 19, 12). Par cela, il montre que cette continence — bien que dans tous les cas elle soit surtout un don — peut être aussi comprise, c’est-à-dire tirée et déduite du concept que l’homme a de son propre " je " psychologique dans son intégrité et, en particulier, de la masculinité et de la féminité de ce " je " dans la relation réciproque qui est inscrite comme " par nature " dans toute subjectivité humaine.

 

à une autre personne

Cette relation réciproque de la masculinité et de la féminité, ce " pour " réciproque de l’homme et de la femme, ne peut être compris de manière appropriée et adéquate que dans l’ensemble dynamique du sujet personnel. Les paroles du Christ dans Matthieu (19, 11-12) montrent ensuite que ce " pour ", présent dès l’origine à la base du mariage, peut aussi être à la base de la continence " pour " le royaume des cieux. En s’appuyant sur la même disposition du sujet personnel grâce à laquelle l’homme se retrouve pleinement à travers un don sincère de soi, l’être humain, homme ou femme, est capable de choisir le don personnel de soi-même, fait à une autre personne dans l’engagement conjugal où ils deviennent " une seule chair ", et il est également capable de renoncer librement à ce don de soi à une autre personne, afin que, choisissant la continence à cause du royaume des cieux, il puisse se donner totalement au Christ. Sur la base de cette même disposition du sujet personnel et sur la base de cette même signification sponsale de l’être pour ce qui est du corps, masculin et féminin, il peut modeler l’amour qui pousse l’homme au mariage dans la dimension de toute la vie, mais il peut aussi modeler l’amour qui pousse l’homme pour toute la vie à la continence à cause du royaume des cieux. C’est précisément de cela que parle le Christ dans l’ensemble de son énoncé, en s’adressant aux Pharisiens (Mt 19, 3-10) et ensuite à ses disciples (Mt 19, 11-12).

 

en référence à sa propre masculinité ou féminité

Il est évident que le choix du mariage, tel qu’il a été institué par le Créateur, suppose la prise de conscience et l’acceptation intérieure de la signification sponsale du corps, liées à la masculinité et à la féminité de la personne humaine. En écoutant les paroles que le Christ adresse à ses disciples sur la continence à cause du royaume des cieux, nous ne pouvons pas penser que ce second genre de choix puisse être fait de manière consciente et libre sans une référence à sa propre masculinité ou à sa féminité et à cette signification sponsale qui est propre à l’être humain, précisément dans la masculinité ou la féminité de son être subjectif personnel. À la lumière des paroles du Christ, nous devons même admettre que ce second genre de choix, c’est-à-dire la continence à cause du royaume de Dieu, se réalise aussi en relation avec la masculinité ou la féminité propre de la personne qui fait un tel choix. Il se réalise sur la base de la pleine conscience de cette signification sponsale que la masculinité et la féminité contiennent en elles. Si ce choix se réalisait par la voie d’un quelconque " laisser de côté " artificiel de cette richesse réelle de tout sujet humain, il ne répondrait pas de manière appropriée et adéquate au contenu des paroles du Christ. Car le Christ demande ici explicitement une pleine compréhension lorsqu’il dit : " Qu’il comprenne, celui qui peut comprendre ! " (Mt 19,12).

 

L’appel à la continence confirme la signification sponsale du corps - Jean Paul II, Aud. gén. 5 mai 1982

Les paroles du Christ font indubitablement allusion à un renoncement conscient et volontaire au mariage. Ce renoncement n’est possible que lorsqu’on admet une conscience authentique de cette valeur qui est constituée par la disposition sponsale de la masculinité et de la féminité au mariage. Pour que l’homme puisse être pleinement conscient de ce qu’il choisit (la continence pour le royaume), il doit être aussi pleinement conscient de ce à quoi il renonce (il s’agit ici précisément de la conscience de la valeur, au sens " idéal " ; néanmoins cette conscience est tout à fait " réaliste "). Le Christ exige certainement, de cette manière, un choix réfléchi. La forme où se trouve exprimé l’appel à la continence pour le royaume des cieux le démontre sans aucun doute.

Mais un renoncement pleinement conscient à la valeur ci-dessus ne suffit pas. À la lumière des paroles du Christ ainsi qu’à la lumière de toute l’authentique tradition chrétienne, il est possible de déduire que ce renoncement est pour un temps une forme particulière d’affirmation de cette valeur dont la personne qui n’est pas mariée s’abstient de manière cohérente, en suivant le conseil évangélique. Cela peut sembler un paradoxe. Or, on sait que le paradoxe accompagne de nombreux énoncés évangéliques et souvent ceux qui sont les plus éloquents et les plus profonds. En acceptant une telle signification de l’appel à la continence, nous tirons une conclusion concrète, en soutenant que la réalisation de cet appel sert aussi — et de manière particulière — à la confirmation de la signification sponsale du corps humain dans sa masculinité et dans sa féminité. Le renoncement au mariage à cause du royaume de Dieu met en évidence en même temps cette signification dans toute sa vérité intérieure et dans toute sa beauté personnelle. On peut dire que ce renoncement par les personnes, hommes et femmes, est indispensable dans un certain sens pour que la signification sponsale elle-même du corps soit plus facilement reconnue dans tout l’éthos de la vie humaine et surtout dans l’éthos de la vie conjugale et familiale.

Ainsi donc, bien que la continence à cause du royaume des cieux oriente la vie des personnes qui la choisissent librement hors de la vie commune, de la vie conjugale et familiale, elle ne demeure cependant pas sans signification pour cette vie par son style, sa valeur et son authenticité évangélique. N’oublions pas que la clé unique pour comprendre la sacramentalité du mariage, c’est l’amour sponsal du Christ pour l’Eglise, du Christ, fils de la Vierge, qui était lui-même vierge, c’est-à-dire " eunuque pour le royaume des cieux ", au sens le plus parfait du terme.

à travers un don sincère de soi qui met en relief la valeur essentielle du mariage

Il demeure encore un problème concret à la fin de ces réflexions l’homme qui " a reçu " l’appel à la continence pour le royaume, de quelle manière cet appel se forme-t-il en lui sur la base de la conscience de la signification sponsale du corps dans sa masculinité et dans sa féminité, et, en plus, comme fruit de cette conscience ? De quelle manière se forme-t-il ou plutôt se " transforme "-t-il ? Cette question est également importante, tant du point de vue de la théologie du corps que du point de vue du développement de la personnalité humaine, développement qui a un caractère à la fois personnaliste et charismatique. Si nous voulions répondre à cette question de manière exhaustive — dans la dimension de tous les aspects et de tous les problèmes concrets qu’elle contient — il faudrait faire une étude spéciale sur le rapport entre le mariage et la virginité et entre le mariage et le célibat. Mais cela dépasserait les limites des considérations présentes.

En demeurant dans le cadre des paroles du Christ selon Matthieu (19, 11-12), il faut conclure nos réflexions en affirmant ce qui suit. Premièrement si la continence à cause du royaume des cieux signifie incontestablement un renoncement, ce renoncement est en même temps une affirmation celle qui découle de la découverte du " don ", c’est-à-dire en même temps de la découverte d’une nouvelle perspective de la réalisation personnelle de soi " à travers un don sincère de soi ". Cette découverte se trouve alors dans une profonde harmonie intérieure avec le sens de la signification sponsale du corps, liée " depuis l’origine " à la masculinité ou à la féminité de l’être humain comme sujet personnel. Deuxièmement bien que la continence à cause du royaume des cieux s’identifie au renoncement au mariage — qui dans la vie d’un homme et d’une femme donne naissance à la famille — on ne peut en aucune manière y voir une négation de la valeur essentielle du mariage. Au contraire, la continence sert même indirectement à mettre en relief ce qui, dans la vocation conjugale, est éternel et plus profondément personnel, ce qui, dans les dimensions de la temporalité (et en même temps dans la perspective de l’" autre monde " correspond à la dignité du don personnel, lié à la signification sponsale du corps dans sa masculinité ou sa féminité.

De cette manière, l’appel du Christ à la continence à cause du royaume des cieux, associé justement au rappel de la résurrection future (Mt 21, 24-30), a une signification capitale non seulement pour l’éthos et la spiritualité chrétienne, mais aussi pour l’anthropologie et pour toute la théologie du corps que nous découvrons à ses racines.

3
VIRGINITÉ ET MARIAGE SELON SAINT PAUL

 

LE LIBRE CHOIX ENTRE LA VIRGINITÉ ET LE MARIAGE - Jean Paul II, Aud. gén. 23 juin 1982

Caractère propre de l’enseignement de Paul

Après avoir fait l’analyse des paroles du Christ rapportées par l’évangile selon Matthieu (Mt 19, 10-12), il convient de passer à l’interprétation paulinienne du sujet virginité et mariage.

L’énoncé du Christ sur la continence à cause du royaume des cieux est concis et fondamental. Dans l’enseignement de Paul, comme nous le verrons, nous pouvons découvrir une corrélation avec les paroles du Maître. Cependant, la signification de son énoncé dans son ensemble se trouve évaluée d’une manière différente. La grandeur de l’enseignement de Paul consiste dans le fait qu’en présentant la vérité proclamée par le Christ dans toute son authenticité et dans toute son identité, il lui donne un ton propre, une interprétation personnelle dans un certain sens, mais qui est issue surtout des expériences de son activité apostolique et missionnaire et peut-être directement de la nécessité de répondre aux questions concrètes des hommes auxquels s’adressait cette activité. C’est ainsi que nous trouvons chez Paul la question du rapport réciproque entre le mariage et le célibat ou la virginité comme thème qui tourmentait les esprits de la première génération des confesseurs du Christ, la génération des disciples des apôtres, des premières communautés chrétiennes. C’était le cas de ceux qui s’étaient convertis de l’hellénisme, donc du paganisme, plus que de ceux qui s’étaient convertis du judaïsme. Et cela peut expliquer le fait que le thème soit présent dans une lettre adressée à la communauté de Corinthe, la première lettre.

Le ton de l’énoncé tout entier est sans doute dogmatique. Cependant, le ton, comme le langage, est aussi pastoral. Paul enseigne la doctrine transmise par le Maître aux apôtres et, en même temps, il entretient comme un dialogue continuel avec les destinataires de sa lettre sur le sujet en question. Il parle comme un professeur de morale classique, en affrontant et en résolvant des problèmes de conscience et c’est pourquoi les moralistes aiment s’adresser de préférence aux éclaircissements et aux délibérations de cette Première Lettre aux Corinthiens. Mais il faut rappeler que la base dernière de ces délibérations est cherchée dans la vie et dans l’enseignement du Christ lui-même.

La virginité est un conseil, non un commandement

Avec une grande clarté, l’Apôtre souligne que la virginité, ou la continence volontaire, découle exclusivement d’un conseil et non d’un commandement. " Au sujet des vierges, je n’ai pas d’ordre du Seigneur ; c’est un conseil que je donne. " Paul donne ce conseil " comme celui d’un homme qui, par la miséricorde du Seigneur, est digne de confiance " (1 Co 7, 25). Comme on le voit d’après les paroles citées, l’Apôtre, tout comme l’Évangile fait une distinction entre conseil et commandement. Sur la base de la règle doctrinale de la compréhension de l’enseignement proclamé, il veut conseiller, il désire donner des conseils personnels aux personnes qui s’adressent à lui. Ainsi donc, dans la Première Lettre aux Corinthiens, le " conseil " a clairement deux significations différentes. L’auteur affirme que la virginité est un conseil et non un commandement et, en même temps, il donne des conseils aussi bien aux personnes déjà mariées qu’à ceux qui doivent encore prendre une décision à cet égard et enfin à ceux qui sont dans un état de veuvage. La problématique est essentiellement la même que celle que nous rencontrions dans l’énoncé du Christ rapporté par Matthieu (19, 2-12) d’abord sur le mariage et sur son indissolubilité et ensuite sur la continence volontaire à cause du royaume des cieux. Cependant, le style de cette problématique est tout à fait propre c’est celui de Paul.

une libre décision à prendre

" Si quelqu’un, débordant d’ardeur, pense qu’il ne pourra pas respecter sa fiancée et que les choses doivent suivre leur cours, qu’il fasse selon son idée. Il ne pèche pas qu’ils se marient. Mais celui qui a pris dans son coeur une ferme résolution, hors de toute contrainte, et qui, en pleine possession de sa volonté, a pris en son for intérieur la décision de respecter sa fiancée, celui-là fera bien. Ainsi celui qui épouse sa fiancée fait bien et celui qui ne l’épouse pas fera mieux encore. " (1 Co 7, 36-38).

Celui qui avait demandé conseil pouvait être un jeune qui s’était trouvé devant la décision de se marier, ou peut-être un nouveau marié qui, face aux courants ascétiques existant à Corinthe, réfléchissait sur la ligne à donner à son mariage. Ce pouvait être aussi un père ou le tuteur d’une jeune fille qui avaient posé le problème de son mariage. Dans ce cas, il s’agissait directement d’une décision qui découlait de ses droits de tuteur. Paul écrit, en effet, en des temps où les décisions de ce genre appartenaient davantage aux parents ou aux tuteurs qu’aux jeunes eux-mêmes. En répondant à la question qui lui est posée de cette manière, il cherche donc à expliquer, d’une manière très précise, que la décision au sujet de la continence, ou au sujet de la vie consacrée, doit être volontaire et que c’est seulement cette continence qui est meilleure que le mariage. Les expressions " fait bien ", " fait mieux " sont, dans ce contexte, absolument univoques.

 

Un choix entre le bien et le mieux

L’Apôtre enseigne que la virginité, ou bien la continence volontaire, le fait pour un jeune de s’abstenir du mariage, découle exclusivement d’un conseil et que, dans les conditions opportunes, elle est " meilleure " que le mariage. Il n’y figure, au contraire et en aucune manière, la question du péché : " Es-tu lié à une femme ? Ne cherche pas à rompre. N’es-tu pas lié à une femme ? Ne cherche pas de femme. Si cependant tu te maries, tu ne pèches pas, et si une vierge se marie, elle ne pèche pas " (1 Co 7, 27-28). Sur la seule base de ces paroles, nous ne pouvons certainement pas formuler des jugements sur ce que l’apôtre pensait et enseignait au sujet du mariage. Ce sujet sera expliqué en partie dans le contexte de la Première Lettre aux Corinthiens (chapitre 7), et d’une manière plus exhaustive dans la Lettre aux Éphésiens (5, 21-33). Dans notre cas, il s’agit probablement de la réponse à la question de savoir si le mariage est un péché. On peut également penser que, dans cette question, il y a une influence de courants dualistes prégnostiques qui, plus tard, se transformeront en encratisme et en manichéisme. Paul répond que la question du péché n’entre absolument pas en jeu. Il ne s’agit pas du discernement entre le " bien " et le " mal ", mais seulement entre le " bien " et le " mieux ". Ensuite, il explique pourquoi celui qui choisit le mariage " fait bien " et celui qui choisit la virginité, ou la continence volontaire, " fait mieux ".

 

L’AVANTAGE DE LA VIRGINITÉ - Jean Paul II, Aud. gén. 30 juin 1982

L’expérience personnelle de Paul

En expliquant dans le chapitre 7 de la Première Lettre aux Corinthiens la question du mariage et de la virginité (ou de la continence à cause du royaume de Dieu), saint Paul cherche à motiver la raison pour laquelle celui qui choisit le mariage fait " bien " et celui qui, au contraire, se décide pour une vie dans la continence ou dans la virginité fait " mieux ". C’est ainsi qu’il écrit : " Voici ce que je dis, frères le temps est écourté. Désormais, que ceux qui ont une femme soient comme s’ils n’en avaient pas. " Et ensuite : " Ceux qui achètent, qu’ils soient comme s’ils ne possédaient pas, ceux qui tirent profit de ce monde comme s’ils n’en profitaient pas vraiment. Car la figure de ce monde passe. Je voudrais que vous soyez exempts de soucis " (1 Co 7, 29.30-32).

Les dernières paroles du texte cité montrent que Paul, dans son argumentation, se réfère aussi à sa propre expérience et son argumentation devient plus personnelle. Non seulement il formule le principe et cherche à le motiver comme tel, mais il le lie à ses réflexions et à ses convictions personnelles nées de la pratique du conseil évangélique du célibat. Chaque expression et chaque locution témoignent de leur force persuasive. L’Apôtre n’écrit pas seulement à ses chrétiens de Corinthe : " Je voudrais que tous les hommes soient comme moi " (1 Co 7, 7), mais il va au-delà quand, en se référant aux hommes qui contractent un mariage, il écrit : " Mais les gens mariés auront de lourdes épreuves à supporter et moi, je voudrais vous les épargner " (1 Co 7, 28). Du reste, cette conviction personnelle était déjà exprimée dans les premières paroles du chapitre 7 de la même lettre lorsqu’il se réfère, même si c’est pour la modifier, à cette opinion des Corinthiens : " Venons-en à ce que vous m’avez écrit. Il est bon pour l’homme de s’abstenir de la femme " (1 Co 7, 1).

 

Les épreuves du mariage

On peut se poser la question : Quelles épreuves Paul avait-il à l’esprit ? Le Christ ne parlait que des souffrances qu’éprouve la femme quand elle doit " mettre au monde un enfant ", en soulignant cependant la joie (Jn 16, 21) qu’elle éprouve comme récompense de ses souffrances après la naissance de son enfant : la joie de la maternité. Au contraire, Paul écrit sur " les épreuves du corps " qui attendent les conjoints. Cette expression serait-elle l’expression d’une aversion personnelle de l’Apôtre à l’égard du mariage ? Dans cette observation réaliste, il faut voir un juste avertissement pour ceux qui, comme parfois les jeunes, considèrent que l’union et la vie conjugales ne doivent leur apporter que du bonheur et de la joie. L’expérience de la vie démontre que les conjoints sont assez fréquemment déçus par ce qu’ils attendaient le plus. La joie de l’union porte avec elle aussi " ses épreuves " dont parle saint Paul dans sa Lettre aux Corinthiens. Elles sont souvent des " épreuves " de nature morale. S’il entend dire par cela que le véritable amour conjugal — précisément celui en vertu duquel " l’homme s’unira à sa femme et tous les deux seront une seule chair " (Gn 2, 24) — est aussi un amour difficile, il demeure certainement sur le terrain de la vérité évangélique et il n’y a aucune raison d’y voir des signes de l’attitude qui, plus tard, devait caractériser le manichéisme.

 

Difficultés et grandeur de la continence

Dans ses paroles au sujet de la continence à cause du royaume de Dieu, le Christ ne cherche en aucune manière à pousser ses auditeurs au célibat ou à la virginité en leur montrant les épreuves du mariage. Il apparaît plutôt qu’il cherche à mettre en relief différents aspects, humainement pénibles, de la décision concernant la continence : tant la raison sociale que les raisons d’ordre subjectif conduisent le Christ à dire de l’homme qui prend une telle décision, qu’il se fait " eunuque ", c’est-à-dire qu’il embrasse volontairement la continence. Mais grâce à cela, précisément, il projette très clairement toute la signification subjective, la grandeur et le caractère exceptionnel d’une telle décision la signification d’une réponse mûre à un don particulier de l’Esprit.

Dans la Lettre aux Corinthiens, saint Paul comprend le conseil de la continence de la même façon mais il l’exprime différemment. Il écrit en effet : " Voici ce que je dis, frères : le temps est écourté... " (1 Co 7, 29) et un peu plus loin " La figure de ce monde passe " (7, 31). Cette constatation au sujet de la caducité de l’existence humaine et du caractère transitoire du monde temporel, dans un certain sens au sujet du caractère accidentel de tout ce qui est créé, doit faire que " ceux qui ont une femme vivent comme s’ils n’en avaient pas (1 Co 7, 29, 31) et, en même temps, préparer le terrain pour l’enseignement de la continence. Au centre de son raisonnement en effet, Paul met la phrase clé qui peut être reliée à l’énoncé du Christ, unique en son genre, sur le thème de la continence à cause du royaume de Dieu.

La motivation paulinienne de la continence

Alors que le Christ met en relief la grandeur du renoncement, inséparable d’une telle décision, Paul montre surtout comment il faut comprendre le " royaume de Dieu " dans la vie de l’homme qui a renoncé au mariage en vue de ce royaume. Alors que le triple parallélisme de l’énoncé du Christ atteint son point culminant dans la phrase qui signifie la grandeur du renoncement fait volontairement — " Il y en a d’autres qui sont devenus eunuques à cause du royaume des cieux " (Mt 19 12) — Paul définit la situation par un seul mot : " Celui qui n’est pas marié " (agamos) ; plus loin, au contraire, il donne tout le contenu de l’expression " royaume des cieux " dans une synthèse splendide. Il dit, en effet : " Celui qui n’est pas marié a le souci des affaires du Seigneur il cherche comment plaire au Seigneur " (1 Co 7, 32).

Chaque mot de cet énoncé mérite une analyse spéciale.

 

Le souci des affaires du Seigneur

Le contexte du verbe " se préoccuper " ou " chercher " dans l’évangile de Luc, disciple de Paul, montre qu’il ne faut vraiment chercher que le royaume de Dieu (Lc 12, 31), ce qui constitue " la meilleure part ", la seule chose nécessaire (Lc 10, 41). Paul lui-même parle directement de sa " préoccupation pour toutes les Églises " (2 Co il, 28), de la recherche du Christ par la sollicitude pour les problèmes des frères, pour les membres du corps du Christ (Ph 2, 20-21 ; 1 Co 12, 25). Déjà de ce contexte ressort tout le vaste domaine de la " préoccupation " à laquelle l’homme non marié peut consacrer totalement sa pensée, son travail et son coeur. L’homme peut, en effet, " se préoccuper " seulement de ce qui lui tient vraiment à coeur.

Dans l’énoncé de Paul, celui qui n’est pas marié se préoccupe des choses du Seigneur. Par cette expression concise, Paul embrasse la réalité objective tout entière du Royaume de Dieu. " La terre et tout ce qu’elle contient sont au Seigneur ", dira-t-il lui-même un peu plus loin dans cette lettre (1 Co 10, 26).

L’objet de la sollicitude du chrétien est le monde tout entier. Mais, par le nom de " Seigneur ", Paul qualifie avant tout Jésus Christ, et c’est pourquoi " les choses du Seigneur " signifient en premier lieu " le royaume du Christ ", son corps qui est l’Église et tout ce qui contribue à sa croissance. L’homme non marié se préoccupe de tout cela et c’est pourquoi Paul, étant dans le plein sens du terme " apôtre de Jésus-Christ " (1 Co 1, 1), écrit aux Corinthiens : " Je voudrais que tous les hommes soient comme moi " (1 Co 7, 7).

Comment plaire au Seigneur

Cependant, le zèle apostolique et l’activité la plus fructueuse n’épuisent pas encore ce qui se trouve dans la motivation paulinienne de la continence. On pourrait même dire que leur racine et leur source se trouvent dans la seconde partie de la phrase, qui montre la réalité subjective du royaume de Dieu : " Celui qui n’est pas marié se préoccupe... de savoir comment plaire au Seigneur ". Cette constatation embrasse tout le domaine de la relation personnelle avec Dieu. " Plaire à Dieu " — l’expression se trouve dans les livres anciens de la Bible (cf. Dt 13, 19) — est synonyme de vie dans la grâce de Dieu et exprime l’attitude de celui qui cherche Dieu ou de celui qui se comporte selon sa volonté, de manière à lui être agréable. Dans un des derniers livres de la sainte Écriture, cette expression devient une synthèse théologique de la sainteté. Saint Jean l'applique une seule fois au Christ : " Je fais toujours ce qui est agréable au Père " (Jn 8, 29). Dans la Lettre aux Romains, saint Paul observe que le Christ " ne cherche pas plaire à lui-même " (Rm 15, 3).

C’est dans ces deux constatations que se trouve tout ce qui constitue le contenu du " plaire à Dieu ", entendu dans le Nouveau Testament comme la suite des traces du Christ.

Il semble que les deux parties de l’expression paulinienne se superposent. En effet, se préoccuper de ce qui " appartient au Seigneur ", des " choses du Seigneur ", doit " plaire au Seigneur ". D’une part, celui qui plaît au Seigneur ne peut se renfermer en lui-même, mais il s’ouvre au monde, à tout ce qui est à ramener au Christ. Ce ne sont là évidemment que les aspects de la même réalité de Dieu et de son royaume. Paul devait cependant les distinguer pour démontrer plus clairement la nature et la possibilité de la continence à cause du royaume des cieux ".

 

LA GRANDEUR DU CÉLIBAT - Jean Paul II, Aud. gén. 7 juillet 1982

L’aspiration de tout homme

Nous avons cherché à approfondir l’argumentation dont se sert saint Paul dans la première Lettre aux Corinthiens pour convaincre ses destinataires que celui qui choisit le mariage fait " bien " et qu’au contraire, celui qui choisit la virginité (ou la continence selon l’esprit des conseils évangéliques), fait " mieux " (1 Co 7, 38). En continuant cette méditation, rappelons que selon saint Paul " celui qui n’est pas marié cherche…, comment plaire a Dieu " (1 Co 7, 32).

" Plaire au Seigneur " a, comme arrière-plan, l’amour. Cet arrière-plan ressort d’un rapprochement qui vient après : " Celui qui n’est pas marié cherche comment plaire à Dieu, tandis que l’homme marié cherche comment plaire à sa femme. " Ici apparaît, dans un certain sens, le caractère sponsal de la " continence à cause du royaume de Dieu ". L’homme cherche toujours a plaire a la personne aimée. Ce " plaire à Dieu " n’est donc pas privé de ce caractère qui distingue la relation interpersonnelle des époux. Il est, d’une part, un effort de l’homme qui tend vers Dieu et qui cherche la manière de lui plaire, c’est-à-dire de lui exprimer son amour d’une manière active. A cette aspiration correspond, d’autre part, un agrément de Dieu qui, en acceptant les efforts de l’homme, couronne son action en lui accordant une nouvelle grâce : depuis l’origine cette aspiration a été, en effet, son don. " Chercher comment plaire à Dieu " est donc une contribution de l’homme dans le dialogue continuel du salut commencé par Dieu. Tout chrétien qui vit sa foi y prend évidemment part.

 

La personne non mariée ne cherche qu’à plaire à Dieu

Paul observe cependant que l’homme lié par le lien du mariage " se trouve divisé " (1 Co 7, 34) à cause de ses devoirs familiaux. De cette constatation semble donc résulter que la personne non mariée devra être caractérisée par une intégration intérieure, par une unification qui lui permettraient de se consacrer complètement au service du royaume de Dieu dans toutes ses dimensions. Cette attitude suppose l’abstention du mariage, exclusivement " à cause du royaume de Dieu ", et une vie orientée uniquement vers ce but. D’une autre manière, " la division " peut entrer également furtivement dans la vie de quelqu’un qui n’est pas marié et qui, étant privé, d’une part, de la vie conjugale et, d’autre part, du but clair pour lequel il devrait y renoncer, pourrait se trouver devant un certain vide.

 

à être unie au Seigneur sans partage

L’Apôtre semble bien connaître tout cela et il s’empresse de spécifier qu’il ne veut pas " tendre un piège " à celui à qui il conseille de ne pas se marier, mais il le fait pour lui indiquer ce qui convient le mieux et qui le tient uni au Seigneur sans partage (1 Co 7, 35). Ces paroles font venir à l’esprit ce que le Christ dit aux apôtres au cours de la dernière cène, selon l’évangile de Luc : " Vous êtes ceux qui ont tenu bon avec moi dans mes épreuves (littéralement "dans les tentations"). Et moi, je dispose pour vous du royaume comme mon Père en a disposé pour moi " (Lc 22, 28-29). Celui qui n’est pas marié, " étant uni au Seigneur ", peut être certain que ses difficultés trouveront compréhension. " Nous n’avons pas, en effet, un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses. Il a été éprouvé en tous points à notre ressemblance, mais sans pécher " (He 4, 15). Ceci permet à la personne qui n’est pas mariée non pas tant de se plonger exclusivement dans les éventuels problèmes personnels, mais de les inclure dans le grand courant des souffrances du Christ et de son corps qui est l’Église.

L’Apôtre montre de quelle manière on peut " être uni au Seigneur " : cela peut arriver lorsqu’on aspire à demeurer en permanence avec lui, à jouir de sa présence, sans se laisser distraire par les choses non essentielles (1 Co 7, 35).

pour être sainte de corps et d’esprit

Paul précise encore plus clairement cette pensée lorsqu’il parle de la femme mariée ou de celle qui a choisi la virginité ou qui n’a plus de mari. Alors que la femme mariée doit se préoccuper de " la manière de plaire à son mari ", celle qui n’est pas mariée " a le souci des choses du Seigneur afin d’être sainte de corps et d’esprit " (1 Co 7, 34).

Pour comprendre de manière adéquate toute la profondeur de la pensée de Paul, il faut observer que la " sainteté ", selon la conception biblique, est plutôt un état qu’une action. Elle a avant tout un caractère ontologique et ensuite moral également. Dans l’Ancien Testament notamment, il y a une séparation à partir de ce qui n’est pas sujet à l’influence de Dieu, de ce qui est " profane ", pour appartenir exclusivement à Dieu. Donc, la " sainteté dans le corps et dans l’esprit " signifie aussi le caractère sacré de la virginité ou du célibat, acceptés à cause du royaume de Dieu. En même temps, ce qui est offert à Dieu doit être distingué de la pureté morale et, pour cela, présuppose un comportement " sans tache ni ride ", " saint et immaculé ", selon le modèle virginal de l’Église qui se trouve devant le Christ (Ep 5, 27).

Dans ce chapitre de la Lettre aux Corinthiens, l’Apôtre touche les problèmes du mariage et du célibat ou de la virginité d’une manière profondément humaine et réaliste, en se rendant compte de la mentalité de ses destinataires. Dans une certaine mesure, l’argumentation de Paul est ad hominem. Le monde nouveau et le nouvel ordre des valeurs qu’il annonce doivent se rencontrer, dans le milieu de ses destinataires, avec un autre monde et avec un autre ordre de valeurs, différents également de ceux où les paroles prononcées par le Christ avaient été entendues pour la première fois.

Le mariage compris comme une manière de profiter du monde

Si Paul, par sa doctrine au sujet du mariage et de la continence, se réfère également à la caducité du monde et de la vie humaine dans ce monde, il le fait certainement en référence au milieu qui, dans un certain sens, était orienté selon " le profit du monde ". Comme il est significatif, de ce point de vue, son appel " à ceux qui profitent de monde " pour qu’ils le fassent " comme s’ils n’en usaient pas vraiment " (1 Co 7, 31). À partir du contexte immédiat, il résulte que le mariage également, dans ce cadre, était compris comme une manière de " profiter du monde ", à la différence de la manière dont il l’était dans toute la tradition israélite (malgré quelques pervertissements que Jésus a indiqués dans son entretien avec les Pharisiens ou dans le Discours sur la montagne). Indubitablement, tout cela explique le style de la réponse de Paul. L’Apôtre se rendait bien compte qu’en encourageant l’abstention du mariage, il devait en même temps mettre en lumière une manière de comprendre le mariage qui soit conforme avec tout l’ordre évangélique des valeurs. Il devait le faire avec le maximum de réalisme en ayant devant les yeux le milieu auquel il s’adressait, les idées et les manières d’évaluer les choses qui y dominaient.

Aux hommes qui vivaient dans un milieu où le mariage était surtout comme une des manières de " profiter du monde ", Paul se prononce donc par les paroles significatives aussi bien au sujet de la virginité ou du célibat (comme nous l’avons vu) qu’au sujet du mariage lui-même : " Je dis aux célibataires et aux veuves qu’il est bon de rester ainsi, comme moi. Mais s’ils ne peuvent vivre dans la continence, qu’ils se marient, car il vaut mieux se marier que brûler " (1 Co 7, 8-9). Paul avait déjà exprimé presque la même idée : " Venons-en à ce que vous m’avez écrit. Il est bon pour l’homme de s’abstenir de la femme. Toutefois, pour éviter tout dérèglement, que chaque homme ait sa femme et chaque femme son mari " (1 Co 7, 1-2).

 

Un don de Dieu particulier

Peut-être que l’Apôtre, dans la Première Lettre aux Corinthiens, regarde le mariage exclusivement du point de vue d’" un remède contre la concupiscence ", comme on avait l’habitude de le dire dans le langage théologique traditionnel ? Les énoncés qui viennent d’être rapportés ci-dessus sembleraient en témoigner. Cependant, dans le contexte immédiat des formulations rapportées, nous lisons une phrase qui nous conduit à voir de manière différente l’ensemble de l’enseignement de saint Paul contenu dans le chapitre 7 de la Première Lettre aux Corinthiens. " Je voudrais bien que tous les hommes soient comme moi - il répète son argument préféré en faveur de l’abstention du mariage — mais chacun reçoit de Dieu un don particulier, l’un celui-ci, l’autre celui-là " (1 Co 7, 7). Ainsi donc, même ceux qui choisissent le mariage et vivent dans le mariage reçoivent un " don " de Dieu, un " don " particulier, c’est-à-dire la grâce propre de ce choix, de ce mode de vivre, de cet état. Le don reçu par les personnes qui vivent dans le mariage est différent de celui reçu par les personnes qui vivent dans la virginité et qui choisissent la continence à cause du royaume de Dieu. Néanmoins, c’est un vrai " don de Dieu ", un don " particulier ", destiné à des personnes concrètes et un don " spécifique ", c’est-à-dire adapté à leur vocation de vie.

On peut donc dire que tandis que, dans sa caractérisation du mariage du point de vue " humain " (et peut-être encore plus du point de vue de la situation locale qui dominait à Corinthe), l’Apôtre met fortement en relief la motivation du regard concernant la concupiscence de la chair, en même temps il souligne aussi, avec non moins de conviction, son caractère sacramentel et " charismatique ". Avec la même clarté avec laquelle il voit la situation de l’homme par rapport à la concupiscence de la chair, il voit aussi l’action de la grâce en tout homme — dans celui qui vit dans le mariage ainsi que dans celui qui choisit volontairement la continence — en ayant présent à l’esprit " que le monde passe ".

 

CONTINENCE ET THÉOLOGIE DU CORPS - Jean Paul II, Aud. gén. 14 juillet 1982

 

Le mariage lié au monde qui passe

Durant nos réflexions précédentes, en analysant le septième chapitre de la Première Lettre aux Corinthiens, nous avons cherché à recueillir et à comprendre les enseignements et les conseils que saint Paul donne aux destinataires de sa lettre au sujet des questions concernant le mariage et la continence volontaire (ou l’abstention du mariage). En affirmant que celui qui choisit le mariage " fait bien " et que celui qui choisit la virginité " fait mieux ", l’Apôtre se rapporte à la caducité du monde ou à tout ce qui est temporel.

Il est facile de comprendre que la raison de la caducité et de la fragilité de ce qui est temporel parle, dans ce cas, avec une force beaucoup plus grande que ne le fait la référence à la réalité de l’" autre monde ". Bien que l’Apôtre s’exprime ici avec quelque difficultés, nous pouvons cependant être d’accord pour dire qu’à la base de l’interprétation paulinienne du thème " mariage- virginité " se trouve non seulement la métaphysique même de l’être accidentel (donc passager), mais plutôt la théologie d’une grande attente dont Paul a été un fervent partisan. Ce n’est pas le " monde " qui constitue la destinée éternelle de l’homme mais le royaume de Dieu. L’homme ne peut pas trop s’accrocher aux biens qui sont à la mesure du monde périssable.

 

L’abstention du mariage libère de cette caducité

Le mariage est également lié à " ce monde " qui passe. Ici nous sommes, dans un certain sens, très proches de la perspective ouverte par le Christ dans son énoncé sur la résurrection future. C’est pourquoi, le chrétien, selon l’enseignement de Paul, doit vivre le mariage du point de vue de sa vocation définitive. Et tandis que le mariage est lié au choix de ce monde qui passe et impose donc, dans un certain sens, la nécessité de s’enfermer dans cette caducité, l’abstention du mariage libère au contraire, pourrait-on dire, d’une telle nécessité. C’est précisément pour cela que l’Apôtre déclare que celui qui choisit la continence " fait mieux ". Bien que son argumentation se poursuive sur cette voie, elle met cependant au premier plan (comme nous l’avons déjà constaté) surtout le problème du " plaire au Seigneur " et de " se préoccuper des choses du Seigneur ".

On peut admettre que les mêmes raisons parlent en faveur de ce que l’Apôtre conseille aux femmes demeurées veuves. " La femme est liée à son mari aussi longtemps qu’il vit. Si le mari meurt, elle est libre d’épouser qui elle veut, mais un chrétien seulement. Cependant, elle sera plus heureuse, à mon avis, si elle reste comme elle est ; et je crois, moi aussi, avoir l’Esprit de Dieu " (1 Co 7, 39-40). Qu’elle demeure donc veuve plutôt que de contracter un nouveau mariage.

Le corps, temple de l’Esprit Saint

À travers ce que nous découvrons dans une lecture perspicace de la Lettre aux Corinthiens se dévoile tout le réalisme de la théologie paulinienne du corps. Si, dans sa lettre, l’Apôtre proclame que " votre corps est le temple de l’Esprit Saint qui est en vous " (1 Co 6, 19), en même temps il est pleinement conscient de la faiblesse et du péché auxquels l’homme est soumis, précisément en raison de la concupiscence de la chair.

Cependant, une telle conscience n’obscurcit en aucune manière la réalité du don de Dieu dont sont participants aussi bien ceux qui s’abstiennent du mariage que ceux qui prennent femme ou mari. Dans le chapitre 7 de la Première Lettre aux Corinthiens, nous trouvons un encouragement clair à l’abstention du mariage, la conviction que celui qui se décide à cela " fait mieux ", mais nous ne trouvons cependant aucun fondement pour considérer comme " charnels " ceux qui vivent dans le mariage et, au contraire, comme " spirituels " ceux qui, pour des motifs religieux, choisissent la continence. En effet, dans l’une et l’autre manière de vivre - dans l’une et l’autre vocation, dirions-nous aujourd’hui — travaille ce " don " que chacun reçoit de Dieu, c’est-à-dire la grâce qui fait que le corps est " le temple de l’Esprit Saint " et qu’il demeure tel aussi bien dans la virginité (dans la continence) que dans le mariage si l’homme demeure fidèle à ce don et, conformément à son état ou à sa vocation, s’il ne déshonore pas ce temple de l’Esprit Saint qu’est son corps.

 

Le don de Dieu dans le mariage et les devoirs des époux

Dans l’enseignement de Paul, contenu surtout dans le chapitre 7 de la Première Lettre aux Corinthiens, nous ne trouvons rien de ce que l’on appellera plus tard le manichéisme. L’Apôtre est pleinement conscient que, bien que la continence à cause du royaume de Dieu demeure toujours digne de recommandation, en même temps, la grâce, c’est-à-dire " le don propre de Dieu " aide aussi les époux dans cette communauté de vie en laquelle ils sont si étroitement unis qu’ils deviennent " une seule chair " (Gn 2, 24). Cette communauté de vie en la chair est donc soumise à la puissance du " don qui vient de Dieu ". L’Apôtre écrit avec le même réalisme qui caractérise tout son raisonnement dans le chapitre 7 de cette Lettre : " Que le mari remplisse ses devoirs envers sa femme, et que la femme fasse de même envers son mari. Ce n’est pas la femme qui dispose de son corps, c’est son mari. De même, ce n’est pas le mari qui dispose de son corps, c’est sa femme " (1 Co 7, 3-4).

On peut dire que ces formulations sont un commentaire clair, de la part du Nouveau Testament, des paroles qui viennent d’être rappelées du Livre de la Genèse (Gn 2, 24). Cependant, les expressions employées ici, en particulier celles de " devoir " et " ne dispose pas " ne peuvent pas être expliquées, si l’on fait abstraction de la juste dimension de l’alliance conjugale.

 

Une concession significative

Pour le moment, continuons à porter toute notre attention aux autres phrases de ce même passage du chapitre 7 de la Première Lettre aux Corinthiens, où l’Apôtre adresse aux époux les paroles suivantes : " Ne vous refusez pas l’un à l’autre, sauf d’un commun accord et temporairement, afin de vous consacrer à la prière puis retournez ensemble, de peur que votre incapacité à vous maîtriser ne donne à Satan l’occasion de vous tenter. En parlant ainsi, je vous fais une concession, je ne vous donne pas d’ordre " (1 Co 7, 5-6).

Il est très significatif que l’Apôtre qui, dans toute son argumentation sur le mariage et la continence, fait, comme le Christ, une claire distinction entre le commandement et le conseil évangélique, éprouve le besoin de se référer également à la " concession ", comme à une règle supplémentaire, et cela précisément surtout en référence aux conjoints et à la vie commune. Saint Paul dit clairement que tant la vie conjugale que l’abstention volontaire et périodique des conjoints doivent être le fruit de " ce don de Dieu " qui leur est " propre " et qu’en coopérant consciemment avec ce don, les conjoints eux-mêmes peuvent maintenir et renforcer ce lien personnel réciproque et, en même temps, cette dignité que le fait d’être le " temple de l’Esprit Saint qui est en eux " (1 Co 6, 19), confère à leur corps.

Il semble que la règle paulinienne de " concession " indique la nécessité de prendre en considération tout ce qui, de quelque manière, correspond à la subjectivité si différenciée de l’homme et de la femme. Tout ce qui, dans cette subjectivité, est de nature non seulement spirituelle, mais également psychosomatique, toute la richesse subjective de l’être humain, laquelle, entre son être spirituel et son être corporel, s’exprime dans la sensibilité spécifique tant pour l’homme que pour la femme, tout cela doit demeurer sous l’influence du don que chacun reçoit de Dieu, don qui lui est propre.

Comme on le voit, dans le chapitre 7 de la Première Lettre aux Corinthiens, saint Paul interprète l’enseignement du Christ sur la continence à cause du royaume des cieux de cette manière, très pastorale, qui lui est propre, en n’omettant pas à cette occasion des accents tout à fait personnels. Il interprète l’enseignement sur la continence et sur la virginité, parallèlement à la doctrine sur le mariage, en conservant le réalisme propre d’un pasteur et, en même temps, les dimensions que nous trouvons dans l’Evangile, dans les paroles du Christ lui-même.

Les deux dimensions complémentaires de la vocation humaine

Dans l’énoncé de Paul, on peut retrouver cette structure fondamentale porteuse de la doctrine révélée sur l’homme qui est également destiné à la " vie future " avec son corps. Cette structure porteuse se trouve à la base de tout l’enseignement évangélique sur la continence à cause du royaume de Dieu mais, en même temps, l’accomplissement définitif de la doctrine évangélique sur le mariage s’appuie également sur elle. Ces deux dimensions de la vocation humaine ne s’opposent pas entre elles, elles sont complémentaires. Toutes les deux fournissent une réponse totale à l’une des questions fondamentales de l’homme à la question sur la signification d’" être corps ", c’est-à-dire sur la signification de la masculinité et de la féminité, d’être, " dans son corps ", un homme ou une femme.

Ce que nous définissons ici d’habitude comme théologie du corps apparaît comme quelque chose de fondamental et de constitutif pour l’herméneutique anthropologique et, en même temps également, pour l’éthique et pour la théologie de l’éthos humain. Dans chacun de ces domaines, il faut écouter attentivement non seulement les paroles du Christ lorsqu’il se réfère à l’" origine " (Mt 19, 4) ou au " cœur " comme lieu intérieur et en même temps " historique " (Mt 5, 28) de la rencontre avec la concupiscence de la chair. Nous devons aussi écouter attentivement les paroles par lesquelles le Christ s’est référé à la résurrection pour mettre dans le coeur agité de l’homme les premières semences de la réponse à la question sur ce que signifie être " chair " dans la perspective de l’" autre monde ".

à travers le mystère de la rédemption du corps - Jean Paul II, Aud. gén. 21 juil. 1982

Parce que, dans ces textes, le Christ parle de la profondeur divine du mystère de la rédemption, ses paroles servent à comprendre l’espérance dont parle la Lettre aux Romains (Rm 8, 19-23). " La rédemption du corps " est en définitive, selon l’Apôtre, ce que nous " attendons ". C’est ainsi que nous attendons précisément la victoire eschatologique sur la mort, à laquelle le Christ a surtout rendu témoignage par sa résurrection. À la lumière du mystère pascal, ses paroles sur la résurrection des corps et sur la réalité de " l’autre monde " rapportées dans les Évangiles synoptiques, ont acquis leur pleine éloquence. Aussi bien le Christ que Paul, par la suite, ont proclamé l’abstention du mariage " à cause du royaume des cieux ", précisément au nom de cette réalité eschatologique.

Cependant, la " rédemption du corps " ne s’exprime pas seulement dans la résurrection comme victoire sur la mort. Elle est également présente dans les paroles du Christ adressées à l’homme " historique " aussi bien lorsqu’il confirme le principe de l’indissolubilité du mariage comme principe venant du Créateur lui-même, que lorsqu’il invite également, dans le Discours sur la Montagne, à dépasser la concupiscence, et cela même dans les mouvements uniquement intérieurs du coeur humain. De l’un et l’autre de ces énoncés clés, il faut dire qu’ils se réfèrent à la morale humaine, qu’ils ont un sens éthique. Il s’agit ici non pas de l’espérance eschatologique de la résurrection, mais de l’espérance de la victoire sur le péché que l’on peut appeler l’espérance de chaque jour.

dans la vie quotidienne

Dans sa vie quotidienne, l’homme doit puiser au mystère de la rédemption l’inspiration et la force pour dépasser le mal qui est assoupi en lui sous la forme de la triple concupiscence. L’homme et la femme qui sont liés par le mariage doivent entreprendre quotidiennement La tâche de l’union indissoluble de cette alliance qu’ils ont faite entre eux. Mais un homme et une femme, qui ont choisi volontairement la continence à cause du royaume des cieux, doivent également donner quotidiennement un témoignage vivant de la fidélité à ce choix en écoutant les directives du Christ dans l’Évangile et celles de saint Paul dans la Première Lettre aux Corinthiens. Dans chaque cas, il s’agit d’une espérance de tous les jours qui, dans les tâches et les difficultés normales de la vie quotidienne, aide à vaincre " le mal par le bien " (Rm 12, 21). En effet, " nous avons été sauvés dans l’espérance ". L’espérance de chaque jour manifeste sa puissance dans les actions humaines et même dans les mouvements du coeur, en ouvrant la voie, dans un certain sens, à la grande espérance eschatologique qui est liée à la rédemption du corps.

En pénétrant dans la vie quotidienne avec la dimension de la morale humaine, la rédemption du corps aide, avant tout, à découvrir tout ce bien où l’homme remporte la victoire sur le péché et sur la concupiscence. Les paroles

Christ, qui découlent de la divine profondeur du mystère de la rédemption, permettent de découvrir et de renforcer ce lien qui existe entre la dignité de l’être humain (de l’homme et de la femme) et la signification sponsale du corps. Elles permettent de comprendre et de réaliser, sur la base de cette signification, la liberté mûre du don qui s’exprime d’une manière dans le mariage indissoluble et d’une autre manière par l’abstention du mariage à cause du royaume de Dieu. Sur ces voies différentes, le Christ dévoile pleinement l’homme à l’homme en lui faisant connaître " sa très haute vocation ". Cette vocation est inscrite dans l’homme selon tout son composé psychique et physique, précisément à travers le mystère de la rédemption du corps.

 

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VIRGINITÉ ET SAINTETÉ DANS L’ÉGLISE

LA VIRGINITÉ A L’HONNEUR DANS L’ÉGLISE

Le premier des conseils évangéliques - Paul VI, Vat. II, CD Lumen gentium, 21 nov. 1964

La sainteté de l’Église est entretenue spécialement par les conseils multiples que le Seigneur a proposés à l’observation de ses disciples dans l’Évangile. Parmi ces conseils il y a en première place ce don précieux de grâce fait par le Père à certains de se consacrer plus facilement et sans partage du coeur à Dieu seul dans la virginité ou le célibat. Cette continence parfaite à cause du règne de Dieu a toujours été l’objet de la part de l’Église d’un honneur spécial, comme signe et stimulant de la charité et comme une source particulière de fécondité spirituelle dans le monde.

pratiqué dès les débuts de l’Église - Pie XII, au Congrès sur le monachisme oriental, 11 avril 1958

Parmi les conseils du divin Maître à ses disciples, celui de la chasteté parfaite, consacré par sa naissance virginale, trouva dès les premières générations chrétiennes un fervent écho dans les âmes pures. La continence y fleurit comme un fruit de l’Esprit Saint et constitua l’un des signes les plus évidents de la transformation profonde que le christianisme opérait dans le monde ; mais elle suscitait aussi chez ceux qui voulaient la conserver un redoutable combat spirituel. Pour demeurer chaste, ne fallait-il pas absolument fuir le monde ? Évangile suggérait des moyens d’une grande énergie pour éviter le péché, surtout le péché de la chair : " Quiconque regarde une femme pour la désirer, a déjà dans son coeur, commis l’adultère avec elle. Si ton oeil droit est pour toi une occasion de péché, arrache-le et jette-le loin de toi " (Mt 5, 28-29). Et comment pratiquer plus parfaitement la pauvreté béatifiante de l’Évangile que dans la solitude, où il n’y a rien que Dieu seul ? L’Ancien Testament et le Nouveau ne donnaient-ils pas d’ailleurs plusieurs exemples de retraite volontaire pour trouver le Créateur dans le silence ? C’est donc à la suite de Moïse et d’Élie, de Jean-Baptiste, de Jésus lui-même, et de saint Paul après sa conversion, que les amis de Dieu le chercheront au désert. Mais l’audace de ces chrétiens héroïques fut d’y fixer leur demeure à jamais, et d’y attendre dans la prière et la pénitence le jour de la délivrance et la rencontre définitive avec le Seigneur tant désiré.

 

d’abord spontanément et en privé - Pie XII, CA Sponsa Christi, 21 nov. 1950

Épouse du Christ, l’Église, dès les tout premiers débuts de son histoire, a manifesté par des actes répétés et des témoignages, non moins que confirmé par des documents éclatants, les sentiments d’estime et d’amour maternel qu’elle nourrissait à l’égard des vierges consacrées à Dieu. Cela n’a rien d’étonnant. Les vierges chrétiennes sont en effet " la partie la plus noble du troupeau du Christ ". Mues par la charité, elles rejettent comme indignes toutes les sollicitudes du monde, elles écartent victorieusement le dangereux et trop commun partage du coeur, et elles se vouent tout entières au Christ, comme au véritable époux des âmes, consacrent à jamais toute leur vie, ornée de toutes les vertus chrétiennes, au service du Christ et de l’Église. Cette aliénation volontaire et mystique des vierges entre les mains du Christ et leur donation à l’Église s’accomplissaient aux premiers siècles du christianisme spontanément et plutôt par des actes que par des paroles.

 

puis d’une façon publique et réglementée par l’Église

Mais lorsque, dans la suite, les vierges ne formèrent plus seulement une classe à part, mais un état de vie déjà défini et un ordre approuvé par l’Église, alors la profession de virginité commença à se faire publiquement et à être ainsi garantie par un lien chaque jour plus étroit. Ensuite l’Eglise, en acceptant le vœu sacré ou l’engagement de virginité, consacrait la vierge comme une personne vouée inviolablement à Dieu et à l’Église par un rite solennel qui, à juste titre, est compté parmi les plus beaux monuments de l’ancienne liturgie ; et l’Église distinguait clairement cette vierge des autres personnes qui ne se vouaient à Dieu que par des voeux ou des engagements privés.

La profession de vie virginale était placée sous la garde d’une ascèse vigilante et rigoureuse ; en même temps elle était nourrie et favorisée par tous les exercices de piété et par la pratique des vertus. La doctrine des anciens Pères, tant grecs et orientaux que latins, dégage et esquisse à nos yeux une fidèle et magnifique image de la vierge chrétienne. Dans leurs écrits, tout ce qui peut concerner l’aspect intérieur ou même extérieur de la sainteté et de la perfection virginale est décrit avec beaucoup de soin et beaucoup d’amour, d’une façon expressive et claire.

Après la paix de l’Église surtout, à l’exemple des ermites et des cénobites, il devint de plus en plus habituel que l’état de virginité consacrée à Dieu fût consolidé et complété par la profession explicite et formelle des conseils de pauvreté et d’une plus stricte obéissance. Les femmes qui faisaient cette profession de virginité, bien que déjà elles se soient réunies pour vivre en commun, séparées autant que possible du commerce des hommes, — soit par amour de la solitude, soit pour se mettre a l’abri des dangers qui, dans la société romaine corrompue, les menaçaient de toutes parts — suivirent bientôt, à la faveur des circonstances, l’exemple de l’immense multitude des cénobites et, laissant la vie érémitique aux hommes, la plupart adoptèrent la vie cénobitique.

 

L’ornement de l’Église - Jean XXIII, Aux religieuses résidant à Rome, 29 janv. 1960

Très chères filles en Jésus-Christ, vous êtes le jardin parfumé, la perle précieuse et cachée, la réserve providentielle d’énergies surnaturelles de l’Église qui, de tout temps, a brillé d’un parterre d’âmes saintes et virginales consacrées à Dieu. Vous offrez au ministère sacerdotal une aide généreuse et désintéressée, avant tout par la prière, et aussi dans les formes variées de vos oeuvres, approuvées par l’Eglise. Notre parole voudrait traduire la sollicitude délicate avec laquelle l’Eglise vous suit, d’un regard à la fois soucieux et heureux, comme fait une mère pour ses enfant,s les plus chers.

En effet, la sainte Église du Seigneur se glorifie et se pare de la noble couronne des vierges, consacrées à la vie de prière et de sacrifice et à la pratique des oeuvres de miséricorde.

Cette admirable floraison de vierges, qui consacrent à la hiérarchie les qualités propres dont Dieu a comblé la femme, mérite la considération, le respect et l’honneur de tout le monde, nous ne cessons de le répéter.

 

Prix et gloire de la virginité

Vous venez d’un peu partout : de la ville ou de la campagne : de nos chers villages, honnêtes, et donnant des vocations en si grand nombre qu’on en est parfois surpris ; de toutes les classes sociales, presque toujours dans la fleur de l’âge, mais plus âgées également ; et, pour certaines d’entre vous, après avoir rendu de précieux services dans les champs d’apostolat du catholicisme militant.

Dans cette multiplicité et cette variété, il existe toutefois un trait commun fondamental, qui, à travers les différenciations, constitue le lien qui unit toutes les âmes consacrées : et c’est précisément la virginité. En cette rencontre providentielle, nous voudrions vous rendre sensible, mais surtout aux yeux du monde, le très grand prix et la gloire de la virginité.

La virginité est la vertu qui ouvre grand votre coeur à l’amour le plus vrai, le plus immense et universel que l’on puisse trouver sur terre : le service du Christ dans les âmes. Ce n’est pas un amour humain que vous avez poursuivi, ni un foyer à vous, ni l’accomplissement de devoirs strictement individuels : toutes choses légitimes et dans l’ordre, mais insuffisantes pour combler les aspirations de votre coeur. Vous avez choisi l’Époux céleste et le vaste champ de la sainte Église.

C’est de cette consécration sans partage que découle les diverses vocations de chaque famille religieuse, lesquelles se réalisent dans le service de Dieu et des frères, déployant cette immense tapisserie qui est la parure de la maison du Seigneur.

aujourd’hui plus que jamais - Pie XII, Aux jeunes filles d’A. C., 24 avril 1943

Au cours des vicissitudes de l’histoire, il est bien rare que l’Église ait eu avec autant d’insistance qu’aujourd’hui, à chercher parmi ses fils et ses filles la phalange de ceux qui en renonçant par amour du Christ aux noces de la terre, consacreraient toutes leurs forces au soin des âmes, à l’éducation chrétienne, aux oeuvres de charité et à celles des missions étrangères. C’est là la haute fin de l’Église, réalisée dès sa fondation par le Christ Fils de Dieu et par une Vierge Mère ; c’est elle qui, au milieu du peuple chrétien, en face du rêve d’une Rome païenne entourant le temple de Vesta, suscita la soif et l’ardeur du martyre et de la sainteté virginale, quand, dans les amphithéâtres et les cirques, les vierges chrétiennes, intrépides dans les tourments, mais rougissant sous les regards, cachaient elles-mêmes cette beauté qui éclatait en elles, en la voilant de leur sang. Vous n’ignorez pas les sacrifices que les familles savent faire de leurs fils, de leurs filles, dans les séminaires, les monastères et les congrégations religieuses, où le coeur s’ouvre bien grand pour embrasser le monde chrétien et païen et y paraître comme des pères et des mères, en virginité de corps et de coeur, uniquement appliqués au bien et au salut des âmes rachetées par le sang du Christ. Ainsi pourrez-vous comprendre et mesurer de quel prix aujourd’hui, au milieu de tant de périls et de ruines spirituelles, apparaissent revêtus le célibat ecclésiastique et la virginité religieuse, et quel appui urgent ils apportent à l’oeuvre et à la mission de l’Église, soit par leur importance mystique en tant que libre renoncement, en union au sacrifice du Sauveur, à l’heure où tous doivent se soumettre à des privations exceptionnellement graves, soit en préparant par le ministère apostolique ou le concours social, les forces et appuis opportuns et durables pour le grand oeuvre qu’est la diffusion de la foi dans le monde, et pour le triomphe de la civilisation chrétienne que le Seigneur, avec les signes des temps, a confiés à l’Église. " Que celui qui peut comprendre, comprenne " (Mt 19, 12), voudrions-nous crier aux jeunes gens et aux jeunes filles catholiques, en prenant la parole du Christ en son sens d’invitation et d’encouragement.

 

Signe de l’union du Christ et de l’Église - Paul VI, EA Evangelica testificatio, 29 juin 1971

Seul l’amour de Dieu, il faut le redire, appelle de façon décisive à la chasteté religieuse. Cet amour exige du reste si impérieusement la charité fraternelle que le religieux vivra plus profondément avec ses contemporains dans le coeur du Christ. À ce prix, le don de soi fait à Dieu et aux autres sera source d’une paix profonde. Sans déprécier en aucune manière l’amour humain et le mariage — dans la foi, celui-ci n’est-il pas image et participation de l’alliance d’amour qui unit le Christ et l’Église ? — la chasteté consacrée évoque cette alliance d’une façon plus immédiate et apporte ce dépassement vers lequel devrait tendre tout amour humain. Aussi, à un moment où ce dernier est plus que jamais menacé par un érotisme ravageur, doit-elle être comprise et vécue aujourd’hui avec plus de rectitude et de générosité qu’en aucun temps. Résolument positive, elle témoigne de l’amour préférentiel pour le Seigneur et symbolise, de la manière la plus éminente et la plus absolue, le mystère de l’union du Corps mystique à son Chef, de l’Épouse à son Époux éternel. Elle atteint enfin, transforme et pénètre d’une myste- rieuse ressemblance avec le Christ, l’être humain en ses profondeurs.

et source de fécondité spirituelle

Ainsi vous faut-il, chers fils et filles, rendre toute sa force à la spiritualité chrétienne de la chasteté consacrée. Lorsqu’elle est effectivement vécue en vue du royaume des cieux, elle libère le coeur de l’homme et devient ainsi " un signe et un stimulant de la charité et une source particulière de fécondité spirituelle dans le monde ". Même si ce dernier ne la reconnaît pas toujours, elle n’en reste pas moins mystiquement efficace en son sein.

Quant à nous, que notre conviction soit fermement assurée : la valeur et la fécondité de la chasteté observée pour Dieu dans le célibat religieux ne trouvent leur fondement dernier que dans la parole de Dieu, les enseignements du Christ, l’existence de sa Mère vierge, ainsi que dans la tradition apostolique, telle qu’elle a été sans cesse affirmée par l’Église. Il s’agit là d’un don précieux que le Père accorde à quelques-uns. Fragile et vulnérable en raison de l’humaine faiblesse, il demeure exposé aux contradictions de la pure raison et partiellement inintelligible à ceux auxquels la lumière du Verbe incarné n’aura pas révélé comment celui qui " aura perdu sa vie " à cause de lui " la trouvera " (Mt 10, 39).

 

Le privilège de la virginité - Benoit XIV, CA Ad nuptiale convivium, 29 juin 1746

Au banquet nuptial que le Roi du ciel a préparé à son Fils, et où depuis le commencement du monde il invite sans se lasser les hommes jusqu’à ce que soit atteint le nombre des élus, les accès et l’entrée sont ménagés aux âmes choisies comme épouses grâce évidemment aux vertus qui à l’envi viennent les enrichir et constituent en quelque sorte leur dot.

Toutefois ce qui, en fait, leur ouvre le plus largement les portes, c’est la pureté virginale du corps et de l’âme : à tel point qu’avant même le jour fixé pour les épousailles, ceux qui possèdent la chasteté corporelle et spirituelle participent parfois aux joies nuptiales elles-mêmes : se trouvant encore dans l’exil de cette vie, ils sont en effet comblés de si précieuses et si grandes faveurs célestes qu’ils semblent parvenus d’ores et déjà, par anticipation, à l’union avec l’Époux.

C’est peut-être ce que nous suggèrent les vierges prudentes de la parabole de l’évangile (Mt 25, 1-13) Bien qu’elles ne soient pas pour l’instant appelées à franchir le seuil de la chambre nuptiale, cependant comme on les a trouvées vigilantes et empressées, avec leurs lampes apprêtées et ardentes, et leurs vases remplis d’huile, à l’arrivée de l’Époux elles entrent avec lui aux noces ; ce qui signifie que, dans une mesure propre à chacune, elles reçoivent un avant-goût des délices ineffables dont leurs âmes définitivement bienheureuses seront gratifiées au jour de la joie et de l’exaltation, quand, une fois accompli le pèlerinage de cette vie mortelle, elles seront introduites dans le temple du Roi, dans le sanctuaire de Dieu.

Cela a été assez clairement montré par le Seigneur Jésus lui-même au cours de sa vie d’ici-bas : lui qui appelait tous les autres disciples ses amis, donne à celui qui se distinguait par l’éclat de la virginité, des marques d’une affection toute spéciale, et de plus lui révèle plus tard les secrets du ciel. Ces faveurs il les a souvent renouvelées envers nombre de saints et saintes qui ont mérité le nom de vierges.

VIRGINITÉ ET CHARITE Paul VI, Homélie, 2 fév. 1976

L’atmosphère de l’amour de Dieu

" Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu " (Mt 5, 8). Rien ne ferme autant le regard aux choses spirituelles et divines que l’impureté des pensées, des sens et du corps (1 Co 2, 14). Rien, par contre, ne nous prédispose mieux à aimer, comprendre et contempler les mystères religieux que la pureté. Elle rend notre prière plus transparente aux réalités indicibles vers lesquelles est orientée notre, vocation chrétienne, et spécialement notre immolation d&ns le célibat et la virginité. Loin d’éteindre la flamme du coeur, elle est l’atmosphère de l’amour, de la charité.

Pour ce qui est de l’amour de Dieu, nous pouvons d’une certaine manière comprendre cela : l’âme qui se consacre uniquement à Dieu le cherche, le sert, l’aime de tout son coeur. Tout notre être se concentre sur Dieu et converge vers lui, qui nous devient accessible sous un certain aspect ; continuellement nous le recherchons avec vigilance ; et en même temps une paix inaltérable envahit tout notre espace intérieur.

et de l’amour du prochain

Mais pour ce qui est de l’amour du prochain, de la société, de l’humanité ? Oh ! frères et sœurs dans le Christ, vous connaissez cet autre prodige de la chasteté vouée à la charité : non seulement elle ne nous ferme pas au monde, mais elle nous y ouvre. Non pas pour rechercher la rencontre - elle aussi bénie — de l’amour conjugal, que nous honorons aujourd’hui plus que jamais et dont nous savons qu’il est, dans le Christ, source de grâce sacramentelle et programme normal de sanctification, mais pour se répandre en amour qui se sublime et se donne dans le service des autres et le sacrifice de soi l'amour qui rend le célibat et la virginité sources incomparables de sainteté évangélique et leur assure, dans l’économie chrétienne, la primauté dans la hiérarchie de l’amour. Qui peut mieux aimer et servir les hommes que celui qui, renonçant pour lui-même à tout amour humain, offre sa vie à Jésus-Christ, lequel a fait de tout frère dans le besoin le sacrement de sa présence mystique et sociale ?

La chasteté consacrée n’est pas égoïsme, mais immolation de soi pour le royaume de Dieu qui est célébration d’amour ecclésial, c’est-à-dire positif et universel.

La virginité libère le cœur - Pie XII, LE Sacra virginitas, 25 mars 1954

Nous croyons opportun de montrer avec plus de précision pour quelle raison l’amour du Christ meut ces âmes généreuses à renoncer au mariage et quels liens secrets existent entre la virginité et la perfection de la charité chrétienne. L’enseignement du Christ rapporté plus haut laissait déjà entendre que la parfaite abstention du mariage dégage les hommes de lourdes charges et de graves devoirs. Inspiré par l’Esprit de Dieu, l’Apôtre des Gentils donna la raison de cette libération : " Je voudrais vous voir exempts de soucis. L’homme marié a souci des affaires de ce monde, des moyens de plaire à sa femme, et le voilà partagé " (1 Co 7, 32-33). Cependant, remarquons-le, l’Apôtre ne blâme pas le mari de penser à sa femme, ni l’épouse de chercher à plaire à son mari ; mais il constate que leur coeur est partagé entre l’amour de leur conjoint et leur amour de Dieu et qu’ils sont trop accaparés par les soucis et les obligations de la vie conjugale pour pouvoir se livrer aisément à la méditation des choses divines. Car le devoir est là, très clair, impérieux : " Ils seront deux en une seule chair " (Gn 2, 24). Les époux sont liés l’un à l’autre, dans le malheur comme dans le bonheur. On comprend dès lors pourquoi les personnes qui désirent se consacrer au service de Dieu embrassent l’état de virginité comme une libération, afin d’être plus entièrement à la disposition de Dieu et du prochain. Comment, par exemple, un missionnaire de l’Évangile comme saint François Xavier, un père des pauvres comme saint Vincent de Paul, un éducateur de la jeunesse comme saint Jean Bosco, une " mère des émigrés " comme sainte Françoise-Xavier Cabrini, auraient-ils pu accomplir des oeuvres aussi grandes et aussi pénibles s’ils avaient dû pourvoir aux besoins matériels et spirituels d’une femme ou d’un mari et de plusieurs enfants ?

 

et favorise le progrès spirituel

Mais il y a encore une autre raison pour laquelle les âmes avides d’une totale consécration au service de Dieu et du prochain embrassent l’état de virginité. Les saints Pères ont fait ressortir tous les avantages d’un complet renoncement aux plaisirs de la chair pour le progrès dans la vie spirituelle. Sans doute, ils l’ont d’ailleurs clairement rappelé, un tel plaisir, légitime dans le mariage, n’est pas à réprouver en lui-même : bien plus, le chaste usage du mariage est anobli et sanctifié par un sacrement. Et pourtant, il n’en faut pas moins le reconnaître, par suite de la chute d’Adam, les facultés inférieures de la nature humaine n’obéissent plus à la droite raison et entraînent même parfois l’homme à accomplir des actes déshonnêtes. Au dire du Docteur angélique, l’usage du mariage " occupe l’âme et l’empêche de se consacrer toute entière au service de Dieu ".

spécialement chez les prêtres

C’est pour permettre à ses ministres sacrés d’acquérir cette liberté spirituelle du corps et de l’âme et ce dégagement des soucis temporels que l’Église latine exige d’eux qu’ils s’obligent volontairement à la chasteté parfaite. " Si une telle loi, affirme notre prédécesseur Pie XI, ne lie pas à ce point les ministres de l’Eglise orientale, chez eux aussi, pourtant, le célibat ecclésiastique est en honneur et, dans certains cas, surtout lorsqu’il s’agit des degrés les plus élevés de la hiérarchie, c’est une condition nécessaire et obligatoire ".

Mais les ministres sacrés ne renoncent pas uniquement au mariage à cause de leur ministère apostolique, mais bien aussi en raison du service des autels. Car si les prêtres de l’Ancien Testament devaient déjà s’abstenir de l’usage du mariage pendant leur service au Temple, de peur d’être déclarés impurs par la Loi comme le reste des hommes, à combien plus forte raison ne convient-il pas que les ministres de Jésus-Christ possèdent la parfaite chasteté, eux qui offrent chaque jour le sacrifice eucharistique ? Saint Pierre Damien exhorte les prêtres à la parfaite continence par cette question : " Si notre Rédempteur a tant aimé la fleur d’une pudeur intacte que non seulement il est né d’un sein vierge, mais qu’il a reçu les soins d’un père nourricier vierge, et cela lorsqu’il vagissait, encore enfant, dans son berceau, à qui donc, dîtes-moi, veut-il confier son corps, maintenant qu’il règne, immense, dans les cieux "

C’est avant tout pour cette raison que, selon l'enseignement de l’Eglise, la sainte virginité l’emporte en excellence sur le mariage. Déjà le divin Rédempteur en avait fait un conseil de vie plus parfaite. Et saint Paul, après avoir dit du père qui marie sa fille qu’" il fait bien ", ajoute aussitôt : " Celui qui ne la marie pas fera mieux encore ". Plusieurs fois, au cours de sa comparaison entre le mariage et la virginité, l’Apôtre confie le fond de sa pensée : " Je voudrais bien que tout le monde soit comme moi... Aux célibataires et aux veuves, je dis donc qu’il leur est bon de demeurer comme moi ". La virginité est préférable au mariage, comme nous l’avons dit, en tout premier lieu, parce qu’elle a une fin plus haute : elle est un moyen très efficace pour se consacrer tout entier au service de Dieu, tandis que le coeur des personnes mariées restera toujours " partagé ".

 

Fécondité de la virginité

Mais l’excellence de la virginité prendra un plus grand relief encore si nous en considérons la fécondité : " C’est au fruit qu’on reconnaît l’arbre " (Mt 12, 33).

Nous sommes profondément ému à la pensée de l’innombrable phalange des vierges et des apôtres qui, depuis les premiers siècles de l’Eglise jusqu’à nos jours, ont renoncé au mariage pour se dévouer plus aisément et plus complètement au salut du prochain et nous sommes rempli d’une douce joie à la vue des admirables entreprises de la religion et de la charité qu’ils ont menées à bien. Nous ne voulons certes pas méconnaître les mérites des militants de l’Action Catholique et les fruits de leur apostolat : par leurs services, ils peuvent souvent toucher des âmes que les prêtres et les religieux ou les religieuses ne sauraient atteindre. Et pourtant, c’est à ces personnes consacrées qu’on doit sans aucun doute attribuer en majeure partie les oeuvres de charité.

On rencontre ces âmes généreuses près des hommes de tout âge et de toute condition, toujours prêtes à les assister. Et, quand ces serviteurs et ces vierges défaillent, épuisés ou malades, ils lèguent en héritage leur mission sacrée à leurs successeurs. A peine né, l’enfant est souvent accueilli par des mains virginales qui suppléent autant qu’elles le peuvent à l’amour de sa mère : à l’âge de raison, il est confié à des éducateurs ou à des éducatrices qui veillent à son instruction chrétienne, en même temps qu’à la culture de son esprit et à la formation de son caractère. S’il est malade, l’enfant ou l’adulte trouvera toujours des infirmières ou des infirmiers, mûs par l’amour du Christ, qui le soigneront avec un dévouement inlassable. Orphelin, tombé dans la misère matérielle ou morale, prisonnier, il ne sera pas abandonné : ces prêtres, ces religieux, ces vierges consacrées verront en lui un membre souffrant du Christ et ils se souviendront des paroles du divin Rédempteur : " J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire, j’étais un étranger et vous m’avez accueilli, nu et vous m’avez vêtu, malade et vous m’avez visité, prisonnier et vous êtes venu me voir... En vérité, je vous le dis, tout ce que vous avez fait au moindre de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait (Mt 25, 35-40).

Qui louera jamais assez les missionnaires qui se dépensent, au prix des plus grandes fatigues et loin de leur propre patrie, à la conversion des masses infidèles ? Que dire enfin des épouses du Christ qui leur rendent de si précieux services ? À tous et à toutes, nous appliquons volontiers ces paroles de notre Exhortation apostolique Menti nostrae : " Par cette loi du célibat, bien loin de perdre entièrement la paternité, le prêtre l’accroît à l’infini, car ce n’est pas pour la vie terrestre et passagère qu’il engendre, mais pour la vie céleste et éternelle

Mais la virginité n’est pas seulement féconde par les oeuvres extérieures auxquelles elle permet de se dévouer plus aisément et plus pleinement ; elle l’est aussi par ces formes très parfaites de charité envers le prochain que sont la prière et le support volontaire et généreux de toutes les épreuves pour ce motif. Elle produit surtout ces fruits chez les serviteurs et les épouses du Christ qui y consacrent leur vie entière derrière les murs d’un monastère.

 

Fruits de sainteté

Enfin, la virginité consacrée au Christ comporte par elle-même un tel témoignage de foi dans le royaume des cieux et une telle preuve d’amour à l’égard du divin Rédempteur qu’il n’est pas étonnant de lui voir porter des fruits aussi abondants de sainteté. Innombrables sont les vierges et les apôtres voués à la chasteté parfaite qui sont l’honneur de l’Eglise par la haute sainteté de leur vie. En effet, la virginité donne aux âmes une force spirituelle capable de les mener jusqu’au martyre : c’est l’enseignement manifeste de l’histoire qui propose à notre admiration une telle foule de vierges, d’Agnès de Rome à Maria Goretti.

La virginité mérite bien le nom de vertu angélique. Saint Cyprien le rappelle aux vierges : " Ce que nous serons, vous déjà, vous avez commencé de l’être. Vous possédez déjà dans ce monde la gloire de la résurrection vous passez par le temps sans les souillures du temps. En persévérant chastes et vierges, vous êtes les égales des anges de Dieu ". À l’âme assoiffée de vie pure et embrasée du désir de posséder le royaume des cieux, la virginité s’offre donc comme une " perle de grand prix " pour laquelle " elle vend tout ce qu’elle possède et l’achète " (Mt 13, 46). Aux personnes mariées et même à ceux qui se roulent dans la fange du vice, la vue des vierges révèle souvent la splendeur de la pureté et inspire le désir de dépasser les plaisirs des sens. Si saint Thomas a pu affirmer " qu’on attribue à la virginité la plus grande beauté ", c’est bien parce que l’exemple des vierges est entraînant : par leur chasteté parfaite, tous ces hommes et ces femmes ne donnent-ils pas la preuve la plus éclatante que cette maîtrise de l’esprit sur le corps est un effet du secours divin et un signe de solide vertu ?

Images vivantes de la sainteté de l’Église

On le constate avec plaisir, le fruit le plus délicat de la virginité réside en ceci : les vierges manifestent par leur simple existence la virginité parfaite de leur mère l’Église et la sainteté de son union intime avec le Christ. Dans le rite de la consécration des vierges, le pontife prie Dieu " pour qu’il existe des âmes plus hautes qui, dans l’union de l’homme et de la femme, dédaignent la réalité charnelle pour désirer le mystère qu’elle représente, et refusent d’imiter ce qui se fait dans les noces pour aimer ce qui est signifié par les noces ".

La plus grande gloire des vierges, c’est d’être les images vivantes de la parfaite intégrité de l’union de l’Eglise à son Époux divin. Et cette société fondée par le Christ se réjouit vivement de voir que les vierges sont le signe merveilleux de sa sainteté et de sa fécondité, comme l’écrit si bien saint Cyprien : " C’est là la fleur de l’Eglise, la beauté et l’ornement de la grâce spirituelle, une cause de joie, oeuvre parfaite et intègre, un hommage de louange, image de Dieu, une réponse à la sainteté du Seigneur, portion la plus illustre du troupeau du Christ. Par elles, notre mère l’Eglise s’ouvre à la joie, sa glorieuse fécondité s’épanouit en elles : plus le nombre des vierges augmente, plus s’accroît la joie de cette mère ".

LE CÉLIBAT SACERDOTAL DANS LA COMMUNAUTÉ ECCLÉSIALE - Paul VI, LE Sacerdotalis coelibatus, 24 juin 1967

Le célibat du prêtre et l’amour du Christ pour son Église

" Saisi par le Christ Jésus " (Ph 3, 12) jusqu’à s’abandonner totalement à lui, le prêtre se configure plus parfaitement au Christ également dans l’amour avec lequel le Prêtre éternel a aimé l’Eglise, afin de s’en faire une épouse glorieuse, sainte et immaculée (Ep 5, 25-27).

La virginité consacrée des. ministres sacrés manifeste en effet l’amour Virginal du Christ pour l’Église et la fécondité virginale et surnaturelle de cette union, en vertu de quoi les fils de Dieu ne sont pas engendrés de la chair et du sang (Jn 1, 13).

 

Une vie une et harmonieuse

En se vouant au service du Seigneur Jésus et de son Corps mystique, dans une complète liberté que facilite l’offrande totale de soi, le prêtre réalise plus pleinement l’unité et l’harmonie de sa vie sacerdotale. Il développe son aptitude à entendre la Parole de Dieu et à prier. La Parole de Dieu, que garde l’Eglise, éveille dans le prêtre qui la médite chaque jour, qui la vit et l’annonce aux fidèles, les résonances les plus vibrantes et les plus profondes.

Ainsi, totalement et exclusivement appliqué aux affaires de Dieu et de l’Église comme le Christ, le ministre du Christ, à l’imitation du souverain Prêtre, toujours vivant devant Dieu pour intercéder en notre faveur (He 9, 24), puise dans la récitation attentive et pieuse de l’Office divin, où il prête sa voix à l’Eglise priant en union avec son Époux, une joie et un élan toujours renouvelés et il ressent le besoin de s’adonner plus longuement et assidûment à la prière, devoir éminemment sacerdotal (Ac 6, 4).

 

pleine et féconde

Le célibat confère à tout le reste de la vie du prêtre une plénitude accrue de sens et d’efficacité sanctifiante. L’obligation particulière de sa sanctification personnelle trouve en effet de nouveaux stimulants dans le ministère de la grâce et celui de l’eucharistie, en laquelle est contenu tout le bien de l’Église ; agissant en représentant du Christ, le prêtre s’unit plus intimement à l’offrande, en déposant sur l’autel toute sa vie marquée des signes de l’holocauste.

Quelles considérations ne pourrions-nous pas formuler encore sur ce que le célibat ajoute aux virtualités du prêtre, à son service, à son amour, à son sacrifice au bénéfice de tout le peuple de Dieu ? Le Christ dit de lui-même : " Si le grain de blé jeté en terre ne meurt pas, il ne donne rien ; mais s’il meurt, il donne du blé en abondance " (Jn 12, 24), et l’apôtre Paul n’hésitait pas à s’exposer à une mort quotidienne pour obtenir que ses fidèles soient sa fierté dans le Christ Jésus (1 Co 15, 31). Ainsi en va-t-il du prêtre : en mourant quotidiennement à lui-même, en renonçant, par amour du Seigneur et de son règne, à l’amour légitime d’une famille qui ne soit qu’à lui, il trouvera la gloire d’une vie pleine et féconde dans le Christ, puisque, comme lui et en lui, il aime tous les enfants de Dieu et se donne à eux.

Efficacité pastorale du célibat

Dans la communauté des fidèles confiés à ses soins, le prêtre est le Christ présent. Il convient donc au plus haut point qu’il en reproduise l’image en tout et qu’il en suive l’exemple d’une manière spéciale, dans sa vie personnelle comme dans son ministère. Pour ses fils dans le Christ, le prêtre est un signe et un gage des réalités sublimes et nouvelles de ce royaume de Dieu dont il est le dispensateur : il possède en effet pour sa part ces réalités au degré le plus parfait et il nourrit la foi et l’espérance de tous les chrétiens, qui, en tant que tels, sont tenus a observer la chasteté selon leur état.

La consécration qui est faite au Christ en vertu d’un titre nouveau et éminent, comme le célibat, assure en outre au prêtre — c’est bien évident — également dans le domaine pratique, le maximum d’efficacité et l’attitude psychologique et affective la mieux adaptée à l’exercice continuel de la charité parfaite : celle-ci lui permettra de se dépenser tout entier au service de tous d’une manière plus universelle et plus concrète ; elle lui garantit certainement une liberté et une disponibilité plus grandes dans le ministère pastoral, dans la manière d’être activement et fraternellement présent au monde, auquel le Christ l’a envoyé, pour qu’il se donne entièrement à tous les fils de Dieu comme il est tenu de le faire.

 

Une anticipation et un rappel constant du royaume des cieux

Le royaume de Dieu, qui n’est pas de ce monde, est déjà présent ici-bas comme mystère, et il atteindra sa perfection lors de la venue glorieuse du Seigneur Jésus. De ce royaume, l’Église constitue ici-bas le germe et le prémices. Tandis qu’elle grandit lentement, mais sûrement, elle aspire à l’état parfait du royaume et désire de toutes ses forces s’unir à son roi dans la gloire.

Le peuple de Dieu en marche s’achemine, au cours de l’histoire, vers sa véritable patrie, où la filiation divine des rachetés se manifestera en plénitude, et où resplendira désormais sans ombre la beauté transfigurée de l’Épouse de l’Agneau divin.

Notre Seigneur et Maître a déclaré " qu’à la résurrection... on ne prendra ni femme ni mari, mais que tous seront comme les anges de Dieu dans le ciel " (Mt 22, 30). Au milieu du monde tellement engagé dans les tâches terrestres et si souvent dominé par les convoitises de la chair, le don précieux et divin de la chasteté parfaite en vue du royaume des cieux constitue précisément " un signe particulier des biens célestes " ; il proclame la présence parmi nous des temps derniers de l’histoire du salut et l’avènement d’un monde nouveau. Il anticipe en quelque sorte la consommation du royaume en en affirmant les valeurs suprêmes, qui resplendiront un jour en tous les fils de Dieu. Il constitue donc un témoignage de l’aspiration du peuple de Dieu vers le but dernier de son pèlerinage terrestre, et une invitation pour tous à lever les yeux vers le ciel, là où le Christ siège à la droite de Dieu, là où notre vie est cachée en Dieu avec le Christ, jusqu’à ce qu’elle se manifeste dans la gloire (Col 3, 1-4).

 

Jean Paul II, Au clergé de Rome, 2 mars 1979

Et, puisque les croyants cheminent dans le temps en étant soutenus par l’espérance de la rencontre définitive avec le Christ glorieux, le prêtre édifie la communauté des frères en étant en son sein le témoin de l’espérance eschatologique. Les fidèles auxquels il est envoyé attendent de lui, comme sceau décisif de sa mission, un témoignage clair et sans équivoque de la vie éternelle et de la résurrection de la chair. C’est aussi dans cette perspective que doit être considéré l’engagement au célibat, qui apparaît alors comme une contribution très importante à l’édification de l’Église et, donc, comme un élément qui caractérise la spiritualité du prêtre.

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OBJECTIONS ET CONTESTATIONS

QUELQUES ERREURS RÉFUTÉES - Pie XII, LE Sacra virginitas, 25 mars 1954

Cette doctrine de l’excellence de la virginité et du célibat et de leur supériorité sur le mariage avait été révélée, comme nous l’avons dit, par le Christ et par l’apôtre saint Paul ; de même, elle a été solennellement définie comme un dogme de foi divine par le concile de Trente et expliquée de la même façon par tous les saints Pères et Docteurs de l’Église. Enfin nos prédécesseurs et nous-même l’avons souvent exposée et vivement recommandée en toute occasion. Mais, devant de récentes attaques contre cette doctrine traditionnelle de l’Eglise et à cause du péril qu’elles constituent et du mal qu’elles font dans l’âme des fidèles, nous sommes conduit par le devoir de notre charge à en reprendre l’exposé dans cette encyclique et à réprouver ces erreurs si souvent proposées sous les apparences de la vérité.

La chasteté ne nuit pas à la santé ni à l’épanouissement de la personnalité

Tout d’abord, on s’écarte du sens commun, dont l’Église fait toujours si grand cas, quand on considère l’instinct sexuel comme la plus importante et la plus profonde des tendances humaines et quand on en conclut que l’homme ne peut l’étouffer pendant toute sa vie sans danger pour son organisme et sans nuire ainsi à l’équilibre de sa personnalité.

Selon la juste observation de saint Thomas, la plus profonde des inclinations naturelles est l’instinct de conservation : l’instinct sexuel ne vient qu’en second lieu. En outre, c’est à l’inclination rationnelle, privilège de notre nature, qu’il appartient de régler l’exercice de ces instincts plus fondamentaux et de les anoblir en les dominant.

Certes, le péché d’Adam a profondément troublé nos puissances corporelles et nos passions, au point qu’elles cherchent à asservir la vie des sens et même la vie de l’esprit, en obscurcissant la raison et en affaiblissant la volonté. Mais la grâce du Christ nous est donnée, spécialement par les sacrements, pour nous aider à tenir notre corps en servitude et à vivre de l’esprit. La vertu de chasteté ne nous impose pas l’insensibilité à l’aiguillon de la concupiscence, mais sa subordination à la raison et à la loi de grâce, par un effort total vers les fins les plus nobles de la vie humaine et chrétienne.

Or, pour acquérir cette emprise parfaite de l’esprit sur la vie des sens, il ne suffit pas de s’abstenir seulement des actes directement contraires à la chasteté, mais il est nécessaire de renoncer aussi avec générosité à tout ce qui offense de près ou de loin cette vertu : l’esprit pourra alors régner pleinement sur le corps et mener sa vie spirituelle dans la paix et la liberté. Comment ne pas voir, à la lumière des principes catholiques, que la chasteté parfaite et la virginité, bien loin de nuire au développement normal de l’homme et de la femme, les élèvent au contraire à la noblesse morale la plus haute ?

Le mariage n’est pas plus sanctifiant que le célibat consacré

Nous avons récemment blâmé avec tristesse l’opinion qui présente le mariage comme le seul moyen d’assurer à la personne humaine son développement et sa perfection naturelle. Certains soutiennent, en effet, que la grâce communiquée par le sacrement sanctifie l’usage du mariage au point d’en faire un instrument plus efficace que la virginité pour unir les âmes à Dieu, puisque le mariage chrétien est un sacrement, et non pas la virginité. Nous dénonçons dans cette doctrine une erreur dangereuse. Certes, le sacrement accorde aux époux la grâce d’accomplir saintement leur devoir conjugal et il renforce les liens d’affection réciproque qui les unit mais le but de son institution n’est pas de faire de l’usage du mariage le moyen le plus apte en lui-même à unir à Dieu l’âme des époux par les liens de la charité. Lorsque l’apôtre saint Paul reconnaît aux époux le droit de s’abstenir pour un temps de l’usage du mariage afin de vaquer à la prière (1 Co 7, 5), n’est-ce pas précisément parce qu’un tel renoncement procure à l’âme la liberté de vaquer aux choses divines et de prier ?

Enfin, on ne saurait affirmer, à la manière de certains, que l’aide mutuelle recherchée par les époux dans le mariage soit un secours plus parfait pour parvenir à la sainteté que la solitude du coeur des vierges et des continents. En effet, malgré le renoncement à un tel amour humain, les âmes vouées à la chasteté parfaite n’appauvrissent pas pour cela leur personnalité humaine, car elles reçoivent de Dieu lui-même un secours spirituel bien supérieur à l’aide mutuelle des époux. C’est précisément par leur soumission à celui qui est leur principe et qui les fait participer à sa vie divine qu’ils s’enrichissent eux-mêmes. Qui donc peut s’appliquer avec plus de raison que les vierges ces paroles de saint Paul : " Si je vis, ce n’est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi " (Ga 2, 20) ?

Telle est la raison pour laquelle l’Église a maintenu le célibat des prêtres : Elle sait quelle source de grâces spirituelles et d’union plus intime avec Dieu il sera pour eux.

 

Le témoignage des consacrés est aussi nécessaire que celui des laïcs mariés

Nous croyons opportun de mentionner brièvement une autre erreur encore : certains détournent les jeunes d’entrer au séminaire ou dans la vie religieuse sous prétexte que l’Eglise a beaucoup plus besoin aujourd’hui de leur aide et du témoignage de chrétiens mariés vivant au milieu des autres hommes que de prêtres et de vierges séparées du monde par leur voeu de chasteté. Il est bien évident que ce raisonnement est faux et pernicieux.

Notre pensée n’est certes pas de nier la fécondité du témoignage que les époux chrétiens peuvent porter par l’exemple de leur vie et par les fruits de leur vertu, en tous lieux et en toutes circonstances. Mais c’est renverser l’ordre réel des choses que d’invoquer cette raison pour persuader quelqu’un de préférer le mariage à la vie consacrée à Dieu. Sans doute nous souhaitons ardemment que l’on ne se contente pas d’enseigner aux fiancés et aux jeunes époux les devoirs des parents, mais qu’on les instruise aussi sur le témoignage qu’ils ont à donner aux autres par leur foi et leurs vertus. Nous devons cependant blâmer avec force les mauvais conseillers qui détournent les jeunes d’entrer au séminaire ou dans la vie religieuse sous prétexte qu’ils feront plus de bien comme pères et mères de famille, par leur profession publique de foi chrétienne. On ferait bien mieux d’exhorter les nombreux laïcs mariés à coopérer aux oeuvres d’apostolat comme membres auxiliaires que de s’acharner à détourner du service de Dieu les trop rares jeunes gens qui désirent s’y consacrer. Saint Ambroise le rappelle avec opportunité : " Ce fut toujours la grâce propre aux prêtres que de jeter la semence de la pureté et de stimuler à la profession de la virginité ".

Les personnes consacrées ne deviennent pas étrangères à la société

Il est d’ailleurs tout à fait faux, pensons-nous, d’affirmer que les personnes consacrées à la chasteté parfaite deviennent étrangères à la société. Les religieuses qui se dépensent toute leur vie au service des pauvres et des malades, sans aucune distinction de race, de condition sociale et de religion, ne s’unissent-elles pas intimement à leurs misères et à leurs souffrances et n’y compatissent-elles pas comme si elles étaient leurs vraies mères ? Et le prêtre n’est-il pas le bon pasteur qui, à l’exemple de son divin Maître, connaît ses brebis et les appelle chacune par son nom (Jn 10, 3) ? Or c’est précisément la chasteté parfaite qui a permis à ces prêtres et à ces religieux et religieuses de se donner à tous les hommes et de les aimer de l’amour même du Christ. Les contemplatifs et les contemplatives contribuent beaucoup, eux aussi, au bien de l’Eglise, par leurs prières et par l’offrande de leur immolation pour le salut d’autrui, et comme ils se livrent à l’apostolat et aux oeuvres de charité selon les normes de notre Lettre apostolique Sponsa Christi, ils doivent être très spécialement approuvés pour ce motif aussi. Ils ne peuvent donc pas être considérés comme étrangers à la société, mais bien plutôt, à ce double titre, comme des ouvriers de son bien spirituel.

Les temps difficiles traversés actuellement par l’Eglise, c’est une grande consolation pour notre coeur de voir l’estime et l’honneur réservés à la virginité dans le monde entier, aujourd’hui comme autrefois, malgré des erreurs que nous voulons croire passagères.

 

LES OBJECTIONS CONTRE LE CÉLIBAT SACERDOTAL - Paul VI, LE Sacerdotalis coelibatus, 24 juin 1967

Ampleur et gravité de la question

Le célibat sacré, que l’Église garde depuis des siècles comme un joyau splendide, conserve toute sa valeur également à notre époque caractérisée par une transformation profonde des mentalités et des structures.

Cependant, dans ce climat où fermentent tant de nouveautés, s’est fait jour entre autres choses la tendance, voire la nette volonté, de presser l’Église de remettre en question cette institution caractéristique. D’après certains, l’observance du célibat ecclésiastique constituerait maintenant un problème ; elle deviendrait quasiment impossible de nos jours et dans notre monde.

Cet état de choses, qui émeut la conscience d’un certain nombre de prêtres et de jeunes aspirants au sacerdoce et leur crée des perplexités, et qui déconcerte beaucoup de fidèles, nous oblige à tenir sans plus de délai la promesse faite naguère aux Pères du Concile : Nous leur avions signifié notre projet de donner plus d’éclat et de force au célibat sacerdotal, dans les circonstances actuelles. Depuis lors, nous avons longuement et instamment invoqué les clartés et l’assistance de l’Esprit Saint et nous avons, en présence de Dieu, considéré les avis et les demandes reçus de tous côtés, surtout de la part d’un bon nombre de pasteurs de l’Eglise de Dieu.

La question concernant le célibat du clergé dans l’Eglise a longuement retenu notre attention, dans toute son ampleur et sa gravité : faut-il encore aujourd’hui maintenir cette obligation exigeante et sublime pour les hommes qui désirent accéder aux ordres majeurs ? L’observance de cette obligation est-elle possible, est-elle opportune aujourd’hui ? Le temps ne serait-il pas venu de rompre le lien qui, dans l’Eglise, attache le célibat au sacerdoce ? Cette observance difficile pourrait-elle devenir facultative ? Le ministère sacerdotal n’y gagnerait-il pas et le rapprochement oecuménique n’en serait-il pas rendu plus aisé ? Que si cette noble du célibat doit rester en vigueur, quelles sont les raisons qui, aujourd’hui, en montrent la sainteté et la convenance ? Enfin, moyennant quelles aides peut-elle être respectée, et comment la vie sacerdotale y trouvera-t-elle, au lieu d’un poids, un soutien ?

Nous avons consacré une attention particulière aux objections de divers genres qu’on a formulées contre le maintien du célibat sacerdotal. Un sujet d’une telle importance et d’une si grande complexité ne nous impose-t-il pas, en vertu du service apostolique qui nous incombe, de regarder loyalement la réalité et les problèmes qu’elle implique, mais en projetant sur eux, comme c’est aussi notre devoir et notre mission, la lumière de la vérité qui est le Christ, dans l’intention d’accomplir en tout la volonté de celui qui nous a appelé à cette charge, et de nous montrer tel que nous sommes devant l’Eglise, serviteur des serviteurs de Dieu.

Objections principales

Jamais comme à l’heure actuelle, on peut le dire, le thème du célibat ecclésiastique n’a été étudié avec plus de rigueur sous tous ses aspects, et cela aux différents plans doctrinal, historique, social, psychologique et pastoral bien souvent ce fut avec des intentions fondamentalement droites, même si parfois elles ont été trahies dans leur expression.

Examinons en toute honnêteté les objections principales opposées à la loi qui lie le célibat au sacerdoce.

La première semble venir de la source la plus autorisée : le Nouveau Testament, où nous est gardée la doctrine du Christ et des apôtres, n’exige point le célibat des ministres sacrés, mais le propose comme libre obéissance à une vocation spéciale, à un charisme spécial. Jésus lui-même n’en a pas fait une condition préalable aux choix des Douze, ni non plus les apôtres à l’égard des hommes qui étaient préposés aux premières communautés chrétiennes.

Le rapport étroit que les Pères de l’Église et les écrivains ecclésiastiques ont établi, au cours des siècles, entre la vocation au ministère sacré et la virginité consacrée, aurait son origine dans des mentalités et des situations historiques très différentes des nôtres. Souvent les textes patristiques recommandent au clergé, plutôt que de garder le célibat, de s’abstenir de l’usage du mariage, et les raisons dont ils font état en faveur de la chasteté parfaite des ministres sacrés semblent parfois inspirées par un pessimisme exagéré quant à la condition charnelle de l’homme, ou par une conception particulière de la pureté requise par le contact avec les choses saintes. Par ailleurs, les considérations reçues de l’antiquité ne cadreraient plus avec tous les milieux socio-culturels dans lesquels l’Eglise d’aujourd’hui est appelée à oeuvrer dans la personne de ses prêtres.

Beaucoup d’objectants relèvent une difficulté dans le fait que la discipline en vigueur fait coïncider le charisme de la vocation sacerdotale avec le charisme de la chasteté parfaite comme état de vie du ministre de Dieu ; dès lors, ils se demandent s’il est juste d’écarter du sacerdoce ceux qui auraient la vocation sacerdotale sans avoir en même temps celle du célibat.

Les conséquences d’une obligation trop lourde

Le maintien du célibat ecclésiastique dans l’Église causerait, en outre, de très graves dommages là où la pénurie du clergé — que le Concile lui-même a reconnue et déplorée avec tristesse — crée des situations dramatiques et des obstacles à la pleine réalisation du dessein divin du salut, allant jusqu’à compromettre la possibilité même de la première annonce de l’Évangile. D’aucuns, en effet, imputent l’inquiétante diminution numérique du clergé au poids que représente l’obligation du célibat.

On rencontre aussi la conviction que, non seulement le régime du sacerdoce conféré à des hommes mariés supprimerait l’occasion d’infidélités, de désordres et de défections pénibles, qui sont pour l’Église entière autant de blessures et de peines, mais qu’il permettrait aux ministres du Christ un témoignage plus complet de vie chrétienne également dans le domaine de l’existence familiale, domaine d’où leur état actuel les exclut.

Par ailleurs, il en est qui affirment avec insistance que le célibat place le prêtre dans une condition physique et psychologique anti-naturelle, dommageable à l’équilibre et à la maturité de la personne humaine ; il en résulte, disent-ils, que souvent le coeur du prêtre se dessèche, manque de chaleur humaine et de pleine communion avec ses frères dans leur vie et leur destin, et est contraint à un isolement d’où naissent l’amertume et le découragement.

Ne serait-ce pas l’indice d’une violence injuste et d’un mépris injustifiable de valeurs humaines fondées sur l’oeuvre divine de la création et intégrées dans l’oeuvre de rédemption accomplie par le Christ ?

En outre, considérant la manière dont le candidat au sacerdoce en vient à assumer une obligation d’une telle gravité, on objecte qu’en pratique cet engagement résulte moins d’une décision vraiment personnelle que d’une attitude passive, imputable à une formation inadéquate et insuffisamment respectueuse de la liberté humaine ; chez le jeune homme, en effet, le degré de connaissance et d’autodécision et la maturité psychophysique sont notablement inférieurs ; en tout cas, ils ne répondent pas à l’importance, à la durée et aux difficultés réelles de l’obligation à contracter.

Le vrai point de vue

D’autres objections, nous le savons, peuvent être élevées contre le célibat du prêtre. C’est un sujet très complexe, qui touche au plus vif la conception courante qu’on se fait de l’existence et qui projette sur elle la lumière d’ordre supérieur que répand la vérité révélée. Une longue série de difficultés se présentera à ceux qui " ne comprennent pas cette réalité " (Mt 19, 11), qui ignorent ou qui oublient le don de Dieu et à qui échappent la logique supérieure de cette conception nouvelle de la vie, son étonnante efficacité et sa plénitude débordante.

Témoignage du passé et du présent

Cet ensemble d’objections peut donner l’impression de couvrir la voix séculaire et solennelle des pasteurs de l’Eglise, des maîtres spirituels, du témoignage vécu d’une légion innombrable de saints et de fidèles ministres de Dieu qui ont fait du célibat la réalité intime et le signe visible de leur donation totale et joyeuse au mystère du Christ. Non, cette voix garde sa force et sa sérénité ; elle ne nous vient pas du seul passé, mais elle parle encore maintenant. Toujours attentif à scruter la réalité, nous ne pouvons fermer les yeux à cette réalité étonnante et magnifique : de nos jours encore il y a dans la sainte Église de Dieu, en toutes les parties du monde où elle a planté ses tentes, des ministres sacrés sans nombre — sous-diacres, diacres, prêtres, évêques — qui vivent en toute pureté le célibat volontaire et consacré ; et, à côté d’eux, nous ne pouvons pas ne pas remarquer les foules des religieux, des religieuses, et aussi de jeunes gens, de laïques, fidèles à leur engagement de chasteté parfaite. Celle-ci est vécue non par dépréciation du don divin de la vie, mais par un amour plus élevé pour la vie nouvelle qui jaillit du mystère pascal. Elle est vécue dans une austérité courageuse, avec un dynamisme spirituel épanouissant, avec une intégrité exemplaire et aussi avec une certaine facilité. Ce phénomène impressionnant démontre la présence de la réalité insigne du règne de Dieu vivant au sein de la société moderne ; il y joue le rôle humble et bienfaisant de " lumière du monde " et de " sel de la terre " (Mt 5, 13-14). Il nous est impossible de taire notre admiration : indiscutablement, là, souffle l’Esprit du Christ.

 

Confirmation de la valeur du célibat

Nous estimons donc que la loi du célibat actuellement en vigueur doit, encore de nos jours et fermement, être liée au ministère ecclésiastique ; elle doit soutenir le ministre de l’Eglise dans son choix exclusif, définitif et total de l’amour unique et souverain du Christ, du dévouement au culte de Dieu et au service de l’Église, et elle doit qualifier son état de vie aussi bien dans la communauté des fidèles que dans la société profane.

Assurément, le charisme de la vocation sacerdotale, ordonné au culte divin et au service religieux et pastoral du peuple de Dieu, reste distinct du charisme qui fait choisir le célibat comme état de vie consacré ; mais la vocation sacerdotale, encore qu’elle soit divine en son inspiration, ne devient pas définitive et efficace, sans l’approbation et l’acceptation de ceux qui dans l’Eglise ont le pouvoir et la responsabilité du ministère pour la communauté ecclésiale. Il appartient ainsi à l’autorité de l’Eglise d’établir, selon les temps et les lieux, les qualités à requérir concrètement des candidats pour qu’ils soient jugés aptes au service religieux et pastoral de cette même Église.

 

La fidélité du clergé au milieu même des difficultés actuelles - Paul VI, au Sacré-Collège, 22 déc. 1967

Nous ne pouvons taire notre satisfaction pour l’accueil favorable que notre récente encyclique Sacerdotalis coelibatus a reçu de la part de l’épiscopat et du clergé, résolument fidèle à sa vocation et au labeur de son ministère pastoral. Nous n’ignorons pas les difficultés que présente aujourd’hui la loi du célibat sacré, en raison du milieu dans lequel vit le clergé, ou en raison des discussions dont cette loi fait l’objet, allant presque jusqu’à mettre en doute son, opportunité et sa spiritualité ; mais nous devons rendre témoignage à la compréhension et à la fidélité dont fait courageusement preuve la très grande majorité de notre clergé latin pour ce devoir difficile et sublime, si profondément lié au caractère total et unique de l’amour qui lie au Christ celui qui est son ministre, devoir si vénéré et si exigé par la conception que s’en est faite le bon peuple chrétien, lequel prend sa défense. Nous voulons par ces rapides et affectueuses paroles soutenir nos très chers prêtres dans leur fidélité totale et joyeuse à l’état qu’ils ont choisi et qui est ratifié par l’Eglise, cet état qui est une immolation à la charité régnant souverainement dans leurs cœurs et qui est pour leur ministère la source secrète d’une meilleure efficacité et d’une plus grande fécondité.

 

LE CÉLIBAT ET LA PÉNURIE DE VOCATIONS

Le déclin général des vocations - Paul VI, M pour la journée des vocations, 15 mars 1970

Parmi les problèmes qui préoccupent l’Église actuellement, celui du déclin général des vocations est sans aucun doute le plus urgent ; et dans beaucoup d’endroits, il revêt une gravité toujours croissante. Les causes de ce phénomène sont nombreuses ; elles sont les mêmes que celles qui mettent l’Eglise à l’épreuve dans toutes les parties du monde et qui, dans l’Eglise, sont la répercussion des troubles violents et des rapides transformations auxquels on assiste actuellement dans la société.

Devant l’extension d’une réalité aussi angoissante, aucun chrétien digne de ce nom ne pourrait demeurer indifférent ; devant un devoir aussi essentiel, aucun membre du peuple de Dieu ne peut faire preuve de lâcheté ou d’insensibilité. Ce serait cependant une erreur non moins grave de prendre motif de cette constatation pour se décourager et sombrer dans le pessimisme. Le mystère des vocations appartient, en effet, à Dieu seul. On ne peut, en aucune manière, douter que Dieu ne veuille pourvoir au bien de l’Eglise, à laquelle il a promis sa présence et son assistance jusqu’à la fin du monde.

Tout cela doit nous convaincre que c’est en vain que l’on chercherait des explications uniquement humaines de l’actuelle crise des vocations. Elle n’est qu’un aspect de la crise de la foi par laquelle passe le monde d’aujourd’hui. Ce n’est donc pas en rendant le sacerdoce plus facile — en le libérant, par exemple, du célibat, que depuis des siècles l’Eglise latine considère comme son honneur — qu’on le rendra plus désirable. Les jeunes se sentiront encore moins attirés par un idéal de vie sacerdotale moins généreux. Ce n’est pas dans ce sens qu’on devra s’orienter. D’ailleurs, là où la préparation au sacerdoce s’effectue dans un climat imprégné de prière, d’amour, de sacrifice, le problème du célibat ne se pose même pas, et les jeunes trouvent plus que naturel de se consacrer au Christ en étant pleinement et totalement disponibles pour le royaume de Dieu.

 

La responsabilité des parents et des éducateurs Pie XII, LE Sacra virginitas, 25 mars 1954

Nous ne cachons pas notre tristesse devant la diminution du nombre des vocations, ces derniers temps, en plusieurs pays. Nous en avons suffisamment décelé les causes principales pour ne plus avoir à y revenir. Les éducateurs de la jeunesse tombés dans ces erreurs les répudieront, nous en avons confiance, à peine les auront-ils reconnues et ils s’efforceront de les réparer. Ils aideront de tout leur pouvoir les jeunes qui se sentent appelés par un instinct surnaturel au sacerdoce ou à la vie religieuse et ils les assisteront de leur mieux dans la poursuite de ce but élevé de leur vie. Plaise au ciel qu’alors une nouvelle pléiade de prêtres, de religieux et de religieuses se lève, prête à répondre aux besoins actuels de l’Eglise pour cultiver au plus tôt la vigne du Seigneur.

En outre, comme la conscience de notre charge apostolique le réclame, nous exhortons les parents à offrir de bon gré à Dieu leurs enfants appelés à son service. S’il leur en coûte, s’ils en éprouvent de la tristesse ou de l’amertume, qu’ils méditent ces réflexions de saint Ambroise aux mères de famille de Milan : " J’ai connu un grand nombre de jeunes filles désireuses de devenir vierges et empêchées de le faire par leurs mères... Si vos filles voulaient aimer un homme, les lois mêmes leur permettraient de choisir qui elles voudraient. Ainsi, qui a le droit de choisir un homme n’aurait pas le droit de choisir Dieu ? "

Que les parents pensent donc au grand honneur d’avoir un fils prêtre ou une fille épouse du Christ. " Vous avez entendu, parents, s’écrie saint Ambroise... La vierge est un don de Dieu, une offrande des parents, le sacerdoce de la chasteté. La vierge est l’hostie de la mère, dont le sacrifice quotidien apaise la colère divine ".

 

Le tort de ceux qui exaltent le mariage au dessus de la virginité - Pie XII, aux Supérieures générales de religieuses, 15 sept. 1952

Nous voulons nous adresser à ceux qui, prêtres ou laïcs, prédicateurs, orateurs ou écrivains, n’ont plus un mot d’approbation ou de louange pour la virginité vouée au Christ ; qui depuis des années, malgré les avertissements de l’Eglise et à l’encontre de sa pensée, accordent au mariage une préférence de principe sur la virginité qui vont même jusqu’à le présenter comme le seul moyen capable d’assurer à la personnalité humaine son développement et sa perfection naturelle ; ceux qui parlent et écrivent ainsi, qu’ils prennent conscience de leur responsabilité devant Dieu et devant l’Église. Il faut les mettre au nombre des principaux coupables d’un fait dont nous ne pouvons vous parler qu’avec tristesse alors que, dans le monde chrétien et même partout ailleurs, retentissent aujourd’hui plus que jamais les appels aux sœurs catholiques, on se voit bien à regret forcé d’y donner coup sur coup une réponse négative ; on est même parfois contraint d’abandonner les oeuvres anciennes, des hôpitaux et des établissements d’éducation — tout cela parce que les vocations ne suffisent plus aux besoins.

Une solution fallacieuse - Paul VI, aux évêques du centre de la France, 26 mars 1977

Nous comprenons que la relève sacerdotale vous préoccupe de plus en plus. Le problème doit vous préoccuper sérieusement, mais non au point de vous paralyser ni vous amener à concentrer vos regards et vos espoirs sur des solutions impossibles ou illusoires. Dieu merci, cette difficulté n’est pas universelle dans l’Église, et il convient plutôt de la considérer comme temporaire et surmontable. Il faut donc chercher tout ce qui peut être fait pour débloquer la situation, selon les voies qui ont été établies ou confirmées pour l’ensemble de l’Église.

L’hypothèse, de recourir à l’ordination d’hommes mariés dans l’Eglise latine n’a pas été jugée opportune, comme vous le savez tous, par les plus hautes instances de l’Eglise, et avec notre approbation, voilà à peine six ans. Église a pensé qu’elle pouvait miser sur la grâce de l’Esprit Saint et sur la préparation des âmes, pour susciter des hommes totalement consacrés au royaume de Dieu. C’est dans ce sens qu’il nous faut tous travailler. Mesurez-vous les risques de doutes, d’hésitations paralysantes, de désengagements, que peut procurer ou renforcer la remise en cause publique du célibat sacerdotal, même à l’état de souhait ? Pensez-vous vraiment que ce serait la solution ? Le problème crucial, celui qui détruit les germes de vocation, n’est-il pas d’abord celui d’une crise de la foi, et plus encore peut-être la peur d’un engagement définitif très répandue chez les jeunes ? Or ne voyez-vous pas qu’il est rendu plus aigu par le manque de cohésion, de clarté, de fermeté, sur l’identité du prêtre de demain, alors que cette dernière n’a pas changé et ne saurait changer ? Les jeunes, c’est normal, veulent savoir où ils vont, quel genre de vie sera la leur. Songez à la perspective spirituelle dans laquelle votre génération ou même celle d’après vous s’est préparée au sacerdoce. Rappelez-vous les textes tonifiants qui les encourageaient, comme la lettre du Cardinal Suhard sur " Le Prêtre dans la Cité ". Le concile Vatican II a pu compléter cette perspective ; il ne l’a point abolie. Proposer le rôle du prêtre dans toute sa grandeur et son urgence, avec toutes ses exigences, voilà le problème primordial à nos yeux.

 

Le célibat favorise les vocations sacerdotales - Paul VI, aux curés et prédicateurs de Rome, 9 fév. 1970

Spontanément viennent à notre esprit certains thèmes de cette pastorale d’ensemble, et en tout premier lieu celui des vocations sacerdotales. Nous ne nous résignons pas à penser que notre champ pastoral soit stérile en âmes jeunes et adultes capables d’entendre l’appel à servir le royaume de Dieu avec héroïsme. Nous pensons toujours que la pénurie de vocations tient certes au milieu familial et social qui rend la conscience des nouvelles générations réfractaire à l’attirance de la voix du Christ, mais nous avons toujours confiance qu’un prêtre, un vrai prêtre, ni bigot ni sécularisé, mais vivant son sacerdoce dans un intense esprit de sagesse et de sacrifice, en contact avec la communauté, en particulier avec les jeunes, a la vertu, ou plutôt la grâce d’allumer dans d’autres âmes la flamme de l’amour total pour le Christ Notre Seigneur, cette flamme qui brûle en lui. Et nous croyons que la présentation de la vie sacerdotale, vécue dans la plénitude de son immolation — avec le célibat sacré qu’elle comporte — à l’unique amour de Jésus maître et Seigneur, souverain prêtre et unique agneau rédempteur ; nous croyons qu’une telle vie sacerdotale, qui suit totalement et exclusivement le Christ dans le service pastoral du peuple de Dieu, attire davantage au sacerdoce qu’une formule humainement plus naturelle et apparemment plus facile, mais où le sacrifice de soi-même et le don de soi au Christ n’ont plus ce caractère parfait et exaltant que nous avons connu.

Comprendre cela, tout est là ; ce charisme est la première condition. Mais devons-nous douter que l’Esprit puisse le donner aux fils les plus généreux de notre génération ? Le courage moral, le don de soi, l’amour du Christ, saint et surhumain, mais si vrai, si vivant, si doux, détaché de tout amour, même légitime, en un mot la croix pour son propre salut et celui des autres, touchent plus le coeur humain, surtout chez les jeunes, qu’une invitation au sacerdoce facilitée en combinant l’amour naturel avec l’amour surnaturel. De sorte que, également pour l’angoissant besoin de vocations sacerdotales, nous pensons que le célibat, spirituellement transfiguré et transfigurant, favorise mieux leur recrutement — qualitativement et quantitativement parlant — qu’un relâchement de la loi canonique qui le veut total et ferme. Dans la fidélité et l’amour du royaume de Dieu, ce célibat constitue l’épilogue de l’expérience historique et de la lutte ascétique et mystique de notre Église latine. Vous le savez, frères et fils, et avec nous vous le voulez. Soyez-en bénis.

LA FERMETÉ DU SAINT-SIÈGE

Une déclaration solennelle de Benoît XV - au Consistoire, 16 déc. 1920

Parmi les nombreuses questions dont vous nous savez préoccupé à l’heure présente, il en est deux qui torturent plus douloureusement notre coeur, dont l’une nous vient de l’attitude adoptée depuis quelque temps par une partie du clergé tchécoslovaque, qui paraît avoir complètement oublié son caractère et sa dignité. Certains ont même osé assurer que le Siège apostolique était disposé à adoucir la rigueur de la loi du célibat des clercs, en relevant de cette obligation ceux qui avaient abandonné l’état ecclésiastique Il n’est point nécessaire, pensons-nous, de nous attarder à montrer jusqu’à quel point cette assertion est fausse. C’est un fait avéré : l’Eglise latine doit sa florissante vitalité en même temps qu’un des meilleurs éléments de sa force et de sa gloire au célibat ecclésiastique et à ce titre il importe souverainement d’en sauvegarder l’intégrité.

Cette nécessité, au reste, ne s’est jamais peut-être autant fait sentir qu’à notre époque, où, par la diffusion générale des puissantes séductions du vice, la bride est partout lâchée à la frénésie indomptée des passions, et où les hommes ne semblent plus avoir d’autre idéal que de se permettre toutes les audaces et d’épuiser les jouissances fugitives de cette vie. Le prêtre catholique, appelé à servir de modèle aux autres dans la répression des mouvements déréglés du coeur, veillera donc à éviter le moindre faux y pas dans l’accomplissement d’un si grave devoir ; il continuera à donner sans cesse à tous les encouragements de son exemple et n’oubliera jamais le conseil du pape saint Sirice : " Dès le jour de notre ordination, vouons à la tempérance et à la pureté et notre coeur et notre corps. "

C’est pourquoi nous renouvelons ici solennellement et formellement la déclaration que nous avons déjà faite à plusieurs reprises : loin d’abroger la loi sacrée et très salutaire du célibat ecclésiastique, jamais le Saint-Siège n’en tempérera la rigueur par une partielle atténuation.

La grande peine de Jean XXIII - à la 2e session du Synode, 26 janv. 1960

Chers frères et fils, notre charge comportant les responsabilités pontificales et pastorales sacrées est soutenue par de nombreuses grâces du Seigneur qui vient ainsi au secours de notre indignité. Nous vous invitons à vous unir à nous pour bénir le Seigneur. Mais savez-vous ce qui, de temps à autre, attriste le plus vivement nos journées ? C’est la plainte, proche ou lointaine — pas seulement de Rome donc, — mais des points les plus variés de la terre, qui arrive jusqu’ici, la plainte d’âmes sacerdotales à qui la compagnie du coeur et de la chair dans le voyage de la vie et même dans l’exercice peu vigilant du ministère sacré a causé un grand préjudice, à la face de Dieu et à la face de l’Eglise et des âmes, un grand déshonneur et d’immenses et très amères peines. Nous sommes navré surtout de voir que pour sauver quelque lambeau de leur dignité perdue, certains puissent s’imaginer que l’Eglise catholique en viendra délibérément ou par convenance à renoncer à ce qui, durant de longs siècles, fut et demeure l’une des gloires les plus nobles et les plus pures de son sacerdoce. La loi du célibat ecclésiastique et le souci de la faire prévaloir évoquent toujours les combats des temps héroïques, alors que l’Eglise du Christ dut engager la lutte et réussit à faire triompher sa glorieuse trilogie, emblème constant de victoire : Église du Christ libre, chaste et catholique.

 

Un rappel du rôle important des Conférences épiscopales - Paul VI, L du S. d’État aux présidents des Conf épisc., 2 fév. 1969

L’année qui vient de s’écouler a vu se manifester en divers pays une certaine effervescence de recherches, d’initiatives et de contestations, portant sur le style de vie des prêtres, l’exercice du ministère pastoral auprès des hommes d’aujourd’hui, et parfois même sur la nature du sacerdoce ministériel.

Le Saint-Père, qui partage étroitement les sollicitudes de ses frères dans l’épiscopat, n’a cessé d’être attentif aux divers aspects de ce problème. Il s’en est exprimé à diverses reprises, notamment dans le message personnel qu’il adressait aux prêtres du monde entier, le 30 juin dernier, à l’occasion de la clôture de l’Année de la foi, et où il leur témoignait sa confiance et sa profonde affection, en les invitant à approfondir dans la foi les dimensions essentielles de leur sacerdoce.

Etant donné les graves questions qui sont agitées, et auxquelles les moyens de communication sociale donnent un retentissement qui n’est pas toujours favorable à une étude sereine, le Saint-Père m’a chargé de dire à votre excellence toute l’importance qu’il attache au rôle des Conférences épiscopales, pour que cette étude se poursuive toujours dans la lumière des enseignements de l’Eglise et en esprit d’intime collaboration avec le Siège apostolique.

À cet égard, le fléchissement qui se manifeste aujourd’hui dans l’estime du célibat sacerdotal engage de façon grave et urgent e la responsabilité de tous ceux " que l’Esprit Saint a placés pour régir son Église " (Ac 20, 28). Ils ne sauraient, en effet, laisser s’obscurcir le sens total et exclusif du service de Dieu et de son royaume, pour rechercher dans les mutations de la société actuelle la loi de la vie sacerdotale. C’est pourquoi la mise en question du célibat sacerdotal, tel qu’il est observé dans l’Eglise latine, nous presse de rappeler sa valeur, en conformité avec la tradition vivante de cette Église et son enseignement constant, réaffirmés par le récent Concile oecuménique et explicités dans l’encyclique Sacerdotalis coelibatus.

La complexité du problème

Certes, le Saint-Père n’ignore pas les difficultés que peut rencontrer à notre époque la pratique du célibat sacerdotal. Il sait les raisons alléguées par ceux qui voudraient dissocier le sacerdoce du célibat, raisons dont certaines ne sont pas sans donner à réfléchir. Il est sensible à la souffrance de ces prêtres qui, dans des circonstances dont Dieu seul est juge, ont abandonné le célibat auquel ils s’étaient engagés, et aussi de ceux qui mettent en doute la valeur d’un engagement aussi sacré. Mais comment ne serait-il pas sensible également à l’inquiétude qu’éprouvent aujourd’hui tant de prêtres, fermement convaincus des impérieux motifs qui ont porté le magistère suprême à maintenir l’obligation du célibat — c’est, grâce à Dieu, l’immense majorité — et qui craignent pour le sacerdoce les graves conséquences que ne manquerait pas d’entraîner le fait d’en dissocier ce qu’ils ont librement accepté d’y associer, c’est-à-dire l’offrande totale d’eux-mêmes au Christ, " en vue du royaume des cieux " ? (Mt 19, 12).

Il faut le dire aussi : s’il y a beaucoup de souffrance, s’il y a une véritable sincérité de propos, il y a aussi, on ne peut l’ignorer, une vue trop superficielle de ce problème, entraînant des jugements hâtifs et parfois légers, qui finissent même parfois par créer un certain complexe d’infériorité chez des prêtres profondément attachés à leur célibat. On se trouve aujourd’hui devant un courant d’opinion qui risque d’entraîner, à son corps défendant, plus d’un prêtre, plus d’un théologien, peut-être même quelque évêque. Devant une telle situation, en particulier devant cette littérature qui se déverse abondamment aujourd’hui sur certains épisodes de contestation du célibat sacerdotal, le Saint-Siège nous demande à tous de ne pas nous laisser impressionner ni suggestionner et, si besoin est, de nous poser devant Dieu, en notre âme et conscience, quelques questions.

Quelques questions à se poser

Avons-nous pris clairement conscience de ce que représenterait pour l’Eglise la dissociation entre le sacerdoce et le célibat ? Avons-nous vraiment mesuré l’ampleur du bouleversement que cela entraînerait, non de la communauté ecclésiale tout entière ? Avons-nous seulement dans la vie sacerdotale, mais aussi dans la vie enfin réfléchi à toutes les conséquences qu’entraînerait dans tous les domaines une pareille dissociation, pour la vie de l’Eglise, pour sa spiritualité, et surtout pour sa pastorale, une pastorale qui réponde réellement aux exigences effectives du monde moderne ? Avons-nous, en un mot, réfléchi à tout ce que représente le célibat du clergé, pour l’Eglise comme pour le monde ?

Le ministère du prêtre étant centré sur les valeurs religieuses à promouvoir dans la vie des hommes, sur le royaume de Dieu à établir dès ici-bas, il est plus que jamais nécessaire, à une époque où l’humanité se montre moins attentive aux réalités divines, de lui donner ce témoignage de fidélité et d’amour, qui ne saurait certes se réduire au respect d’une loi : le témoignage du prêtre qui, pour être pasteur avec le Christ et en son nom, pour être sans réserve au service de ses frères, se livre tout entier à Celui qui l’a choisi, à Celui qui peut et doit remplir sa vie.

 

Faire cesser les campagnes contre le célibat

Foncièrement attachés à cette mission qu’ils ont reçue de l’Eglise, nos prêtres le sont aussi, dans leur ensemble, à l’idéal comme à la pratique généreuse de la chasteté sacerdotale. Nous avons le devoir de soutenir et d’encourager en eux ces dispositions, comme aussi d’éclairer ceux qui ne les partagent pas, sous l’influence de mises en question qui engendrent une atmosphère d’incertitude si néfaste. Bien des voix autorisées se sont d’ailleurs fait entendre déjà, et le Saint-Père ne doute pas que chaque Conférence épiscopale saura s’exprimer sur ce point, comme plusieurs ont déjà eu à coeur de le faire, de la manière la plus opportune, avec sagesse, piété, et fermeté. L’attitude du Collège épiscopal est, en effet, d’une extrême importance. Elle est observée par tous les prêtres répandus sur la surface de la terre, et elle retient l’attention de tous les fidèles, et celle aussi de la société profane. Elle acquiert ainsi la valeur d’une leçon pour le monde entier et d’un témoignage pour l’histoire. Si nous ne faisions pas tout ce qui dépend de nous pour faire cesser les campagnes d’opinion actuelles contre le célibat sacerdotal, nous serions coupables devant Dieu de leurs funestes conséquences. Il faut donc que l’épiscopat engage sans hésiter toutes ses énergies, en étroite union avec le successeur de Pierre, pour un authentique renouveau du sacerdoce ministériel, qui soit pleinement conforme aux orientations du Concile oecuménique.

 

Inspirer respect et estime du célibat consacré - Paul VI, au card. Alfrink et aux évêques de Hollande, 24 déc. 1969

En second lieu, sur le point précis du célibat consacré à Dieu, le devoir de la hiérarchie catholique dans les difficultés présentes de l’Église nous semble clairement tracé : en harmonie avec les décisions du IIe concile du Vatican, inspirer à tous le respect et l’estime de cet incomparable trésor de l’Eglise latine ; enseigner avec clarté et fermeté que la pratique généreuse de la chasteté parfaite non seulement est possible, mais qu’elle est source de joie et de sainteté ; faire connaître et favoriser partout les conditions indispensables à son exercice.

Nous avons nous-même, plus d’une fois, manifesté notre pensée sur ce thème du célibat sacerdotal. Nous lui avons consacré, vous le savez, une encyclique particulière, Sacerdotalis coelibatus, dans laquelle nous donnons réponse aux objections formulées à ce sujet. Nous y sommes revenu dans l’une ou l’autre des lettres que nous vous adressions ces derniers temps, Monsieur le Cardinal, et encore tout récemment dans notre allocution du 15 décembre au Sacré-Collège des cardinaux.

Cette attitude, dans laquelle nous nous sentons corroboré par l’appui de tant de nos frères dans l’épiscopat, nous est dictée avant tout par la conscience de notre responsabilité vis-à-vis de l’Eglise dans l’application des décrets du Concile ; par la conscience également de notre responsabilité vis-à-vis des hommes de bonne volonté, qui comprennent quel haut exemple et quel encouragement constitue, surtout en un moment où tant de forces s’emploient à la dégradation de la moralité publique et privée, le témoignage séculaire rendu, dans l’Eglise latine, par les prêtres et par les âmes consacrées à Dieu dans la vie religieuse.

 

Une loi capitale à garder - Paul VI, Angélus, 1er fév. 1970

Nous avons besoin de vos prières, très chers fils, et vous devinez certainement pourquoi.

Parmi les grandes causes qui requièrent l’aide de Dieu, et vers lesquelles nous orientons les prières que les hommes fidèles et de bonne volonté font pour nous et nos intentions, il en est une qui, en ce moment, nous tient vivement à coeur et dont on parle beaucoup : le célibat sacré des prêtres.

Il s’agit là d’une loi capitale de notre Église latine.

On ne peut l’abandonner ou la mettre en discussion. Ce serait régresser ; ce serait manquer à une fidélité d’amour et de sacrifice que notre Église latine, après une longue expérience, avec un immense courage et une sérénité évangélique, s’est imposée, en s’efforçant, tout au long des siècles, de sévèrement sélectionner et de continuellement rénover son ministère sacerdotal, dont dépend la vitalité du peuple de Dieu tout entier.

Cette loi est certes très haute et très exigeante. Pour lui être fidèle, il faut non seulement une résolution irrévocable, mais un charisme spécial, c’est-à-dire une grâce supérieure et intérieure. Et c’est en cela qu’elle est pleinement conforme à la vocation de suivre le Christ seul, pleinement conforme à la réponse totale du disciple qui abandonne tout pour le suivre lui seul, pour se consacrer complètement et exclusivement au service de ses frères et de la communauté chrétienne, avec un coeur sans partage.

Tout cela fait du célibat ecclésiastique un témoignage suprême du royaume de Dieu, un signe unique et éloquent des valeurs de la foi, de l’espérance et de l’amour, la condition incomparable d’un plein service pastoral, une ascèse continuelle de perfection chrétienne. Oui, il est difficile ; mais c’est précisément ce caractère qui le rend attirant pour les âmes jeunes et ardentes ; plus que jamais il répond aux besoins de notre temps. Nous dirons plus : il peut devenir facile, joyeux, beau, catholique. Nous devons le conserver et le défendre nous devons prier pour qu’aujourd’hui le Seigneur le fasse plus profondément comprendre à tous, appelés ou non appelés, et pour que tous, laïcs, religieux et ecclésiastiques, l’estiment et le vénèrent.

Que Marie en fasse apparaître la dignité, la possibilité et la nécessité à ceux qui ont été appelés au ministère sacerdotal.

 

UNE CRISE DOULOUREUSE - Paul VI, L au cardinal Villot, 2 fév. 1970

 

Gravité des déclarations publiques sur le célibat

Les déclarations rendues publiques ces jours derniers en Hollande sur le célibat ecclésiastique nous ont profondément affligé, et ont soulevé dans notre esprit nombre de questions : quant aux motifs d’une attitude aussi grave, contraire aux saintes lois en vigueur dans notre Église latine ; quant aux répercussions qu’elles entraînent dans l’ensemble du peuple de Dieu, spécialement dans le clergé et chez les jeunes qui se préparent au sacerdoce ; quant au trouble qu’elles suscitent dans la vie de toute l’Eglise ; quant aux retentissements qu’elles provoquent chez tous les chrétiens et même chez les autres membres de la famille humaine.

Devant tant de questions, nous sentons le besoin, Monsieur le Cardinal, de vous ouvrir notre coeur, à vous qui partagez de si près les sollicitudes de notre charge apostolique.

Tout d’abord, nous nous demandons avec humilité et dans une totale sincérité intérieure si nous n’aurions pas quelque part de responsabilité à l’égard d’une si malheureuse résolution, si éloignée de notre attitude comme de celle, pensons-nous, de l’ensemble de l’Église.

Mais le Seigneur nous est témoin des sentiments d’estime, d’affection, de confiance, que nous avons toujours nourris envers cette portion choisie du Corps mystique du Christ. Et vous connaissez bien l’action toujours déférente et amicale que nous avons accomplie, soit dans les conversations personnelles, soit dans les échanges épistolaires, soit dans l’intervention des organismes du Saint-Siège, pour prévenir ces déclarations. De telles déclarations entraînent beaucoup de trouble et d’incertitude. Aussi, est-ce pour nous un devoir grave et urgent de préciser en toute clarté notre attitude, à nous, sur qui un mystérieux dessein de la divine Providence a placé en cette heure difficile la " sollicitude de toutes les Églises " (2 Co 11, 28).

 

La seule perspective à considérer

Les motifs apportés pour justifier un changement si radical de la règle séculaire de l’Eglise latine, porteuse de tant de fruits de grâce, de sainteté et d’apostolat missionnaire, sont bien connus. Mais ces raisons, nous devons le préciser sans équivoque, ne nous paraissent pas convaincantes. Elles semblent omettre en réalité une considération fondamentale et essentielle qu’il importe souverainement de ne pas oublier, et qui est d’ordre surnaturel : elles semblent, en effet, un fléchissement de la conception authentique du sacerdoce.

La seule perspective qui doive être considérée est, en effet, celle de la mission évangélique, dont nous sommes avec foi et dans l’espérance du royaume, hérauts et témoins. La mission de l’évêque et du prêtre, c’est d’annoncer l’Évangile de la grâce et de la vérité, de porter le message du salut au monde, de lui faire prendre conscience à la fois de son péché et de sa rédemption, de l’inviter à l’espérance, de l’arracher aux idoles toujours renaissantes, de le convertir au Christ Sauveur. Il faut donc le redire inlassablement : les valeurs évangéliques ne peuvent être comprises et vécues que dans la foi, la prière, la pénitence, la charité, et non sans luttes ni mortification, ni sans susciter non plus parfois, à la suite du Christ et des apôtres, la risée et le mépris du monde, l’incompréhension et jusqu’à la persécution. Le don total au Christ va jusqu’à la folie de la croix.

Le lien entre sacerdoce et célibat constitue un bien précieux et irremplaçable

C’est la compréhension toujours plus profonde de ces considérations, providentiellement mûries au cours d’une histoire qui a connu tant d’efforts et tant de luttes pour affirmer l’idéal chrétien, qui a conduit l’Eglise latine à faire du renoncement au droit de fonder son propre foyer - renoncement déjà spontanément mis en acte par tant de serviteurs de l’Evangile — une condition pour l’admission des candidats au sacerdoce. Ces considérations sont toujours valables, et aujourd’hui peut-être plus qu’en d’autres temps. Et nous, qui sommes appelés à suivre Jésus, est-ce que nous serions devenus incapables d’accepter une loi sanctionnée par une si longue expérience, et de tout quitter, famille et filets, pour marcher avec lui, et porter la bonne nouvelle du Sauveur ? Qui pouvait mieux transmettre, avec plénitude de grâce et de force, ce message libérateur aux hommes de notre temps, sinon des pasteurs qui sachent se consacrer sans retour, comme sans partage, au service exclusif de l’Évangile ?

Aussi, en considérant toutes choses devant Dieu, devant le Christ et l’Église, et devant le monde, ressentons-nous le devoir de réaffirmer clairement ce que nous avons déjà déclaré et maintes fois répété, à savoir que le lien, établi depuis des siècles par l’Eglise latine, entre sacerdoce et célibat, constitue pour elle un bien extrêmement précieux et irremplaçable. Il serait gravement téméraire de sous-estimer, voire de laisser tomber en désuétude ce lien traditionnel, signe incomparable d’un attachement total à l’amour du Christ qui manifeste si clairement l’exigence missionnaire essentielle à toute vie sacerdotale, au service du Christ ressuscité, toujours vivant, auquel le prêtre s’est consacré dans une disponibilité totale pour le royaume de Dieu.

Les prêtres incapables de persévérer dans le célibat ne peuvent plus exercer leur ministère

Quant aux prêtres qui, pour des raisons reconnues valables, en seraient malheureusement venus à se trouver dans l’impossibilité radicale de persévérer — il ne s’agit là, nous le savons, que d’un petit nombre, l’immense majorité voulant rester fidèle, avec l’aide de la grâce, aux engagements sacrés pris devant Dieu et devant l’Eglise, — c’est avec beaucoup de peine que nous nous résolvons à accueillir leur prière instante d’être déliés de leurs promesses et dispensés de leurs obligations, après examen attentif de chacun de leurs cas. Mais la profonde compréhension que, dans un esprit de charité paternelle, nous voulons avoir pour les personnes, ne doit pas nous empêcher de déplorer une attitude si peu conforme à ce que l’Eglise doit légitimement attendre de ceux qui se sont définitivement consacrés à son service exclusif.

Aussi est-ce seulement aux prêtres demeurés fidèles à leurs obligations que, demain comme hier, l’Eglise continuera de confier le divin ministère de la parole, de la foi et des sacrements de la grâce. La contestation multiforme qui se manifeste aujourd’hui à l’égard de cette si sainte institution qu’est le célibat ecclésiastique rend encore plus impérieux notre devoir de soutenir et d’encourager de toute manière la multitude innombrable des prêtres demeurés loyaux vis-à-vis de leurs engagements, et auxquels, avec une affection toute spéciale, vont notre pensée et notre bénédiction.

C’est pourquoi, par une décision prise après mûr examen, nous affirmons clairement notre devoir de ne pas admettre que le ministère sacerdotal puisse être exercé par ceux qui, après avoir mis la main à la charrue, sont revenus en arrière. N’est-ce pas, d’ailleurs, aussi la tradition constante des vénérables Églises orientales, auxquelles on aime se référer ? Nous osons du reste à peine penser aux conséquences incalculables qu’entraînerait une autre décision, au plan spirituel et pastoral, pour le peuple de Dieu.

 

L’éventualité de l’ordination d’hommes mariés

Tout en estimant de notre devoir de réaffirmer ainsi, en toute clarté et fermeté, la loi du célibat ecclésiastique, nous n’oublions pas une question qui nous est proposée avec insistance par quelques évêques, dont nous savons le zèle, l’attachement à la vénérable tradition du sacerdoce de l’Eglise latine et aux valeurs si éminentes qu’il exprime, mais aussi les angoisses pastorales devant certaines nécessités tout à fait particulières de leur ministère apostolique. Dans une situation d’extrême insuffisance de prêtres, et uniquement pour les régions qui se trouvent dans ce cas, ils nous demandent si l’on ne pourrait envisager l’éventualité d’ordonner pour le saint ministère des hommes d’âge mûr ayant donné autour d’eux le bon témoignage d’une vie familiale et professionnelle exemplaire.

Nous ne pouvons dissimuler qu’une telle éventualité appelle de notre part de graves réserves. Ne serait-ce pas, en effet, entre autres, une illusion fort périlleuse de croire qu’un tel changement de la discipline traditionnelle pourrait, dans la pratique, se limiter à des cas locaux de véritable et extrême nécessité ? Ne serait-ce pas, pour d’autres, une tentation de rechercher là une réponse apparemment plus facile à l’insuffisance actuelle des vocations ? De toutes manières, les conséquences seraient si graves et poseraient des questions si nouvelles pour la vie de l’Eglise que, le cas échéant, elles devraient être au préalable examinées attentivement par nos frères dans l’épiscopat, en union avec nous, en jugeant devant Dieu du bien de l’Eglise universelle, qui ne saurait être dissocié de celui des Églises locales.

Une réflexion nouvelle dans l’esprit d’une authentique communion ecclésiale

Ces problèmes qui se posent à notre responsabilité pastorale sont vraiment graves, et nous avons voulu, Monsieur le Cardinal, vous les confier. Avec nous, vous êtes le témoin des appels qui, de partout, nous parviennent. Nombre de nos frères et de nos fils nous adjurent de ne rien changer à une si vénérable tradition, et en même temps ils souhaitent que nos vénérables frères, les évêques de Hollande, par un contact confiant et fraternel, entreprennent avec le Siège apostolique une réflexion nouvelle, qui devra se mûrir dans la prière et la charité.

Plus que jamais, en effet, nous sommes désireux, pour notre part, de rechercher avec les pasteurs des diocèses de Hollande les moyens de résoudre convenablement leurs problèmes, dans un même souci du bien de toute l’Eglise. Aussi voulons-nous tout d’abord assurer les évêques, les prêtres, et tous les membres de la communauté catholique de Hollande, de notre constante affection, mais aussi en même temps de notre conviction qu’il est indispensable de reconsidérer, à la lumière des réflexions ci-dessus exposées, et dans l’esprit d’une authentique communion ecclésiale, les voeux exprimés et l’attitude prise dans une question d’une telle portée pour l’Église universelle.

et dans l’intérêt de toute l’Église

Dans le travail que le Saint-Siège devra accomplir dans ce but, nous comptons particulièrement, Monsieur le Cardinal, sur votre collaboration efficace. Votre appui nous sera précieux pour les contacts qu’il y aura à prendre avec les évêques du monde entier, afin que toutes les Conférences épiscopales, se maintenant en parfaite communion avec nous et avec l’Eglise universelle, dans le respect absolu de ses saintes lois, veuillent assurer les prêtres, nos collaborateurs, que nous suivons et continuerons à suivre avec une paternelle affection, leurs angoisses apostoliques et leurs problèmes ; et qu’elles leur rappellent en même temps la beauté de la grâce que le Seigneur leur a accordée, leurs engagements sacrés, les exigences missionnaires de leur ministère.

Et comment, en cette circonstance, notre pensée très cordiale n’irait-elle pas vers ces jeunes qui, dans la générosité de leur élan apostolique, se préparent à servir de tout leur coeur, dans le sacerdoce, le Christ et leurs frères ? Ils sont, en effet, l’espérance de l’Église pour l’évangélisation du monde de demain, pourvu qu’ils s’engagent sans esprit de retour comme sans partage dans la forme de vie telle que l’Eglise la leur propose.

Il faudra enfin demander avec insistance à la multitude des âmes fidèles qui demeurent silencieuses, mais n’en souffrent pas moins pour autant en cette heure d’épreuve, leur prière généreuse. Que le Seigneur donne à tous, pasteurs et fidèles, la solidité de la foi, la force de l’espérance, et l’ardeur de la charité. " La grâce soit avec tous ceux qui aiment Notre Seigneur Jésus-Christ d’un amour inaltérable ! " (Ep 6, 24).

LE DOCUMENT DU SYNODE DE 1971 - Paul VI, Synode des évêques, 30 nov. 1971

Le fondement du célibat sacerdotal

Le célibat des prêtres est en pleine concordance avec l’appel à suivre le Christ comme apôtre, et aussi avec la réponse inconditionnelle de celui qui est appelé à assumer le service pastoral. Par le célibat, le prêtre, suivant son Seigneur, manifeste avec plus de plénitude sa disponibilité, et, s’engageant sur le chemin de la croix avec la joie pascale, il désire ardemment être consommé dans une offrande eucharistique.

Si par ailleurs le célibat est vécu dans l’esprit de l’Evangile, dans la prière et la vigilance, avec pauvreté, joie, mépris des honneurs, amour fraternel, c’est un signe qui ne peut demeurer longtemps caché : il annonce efficacement le Christ même aux hommes de notre temps. Car les paroles aujourd’hui ont difficilement une portée, mais le témoignage de la vie, manifestant le caractère radical de l’Evangile, a le pouvoir de constituer un puissant attrait.

Convergence des motifs

Le célibat, comme option personnelle, pour quelque bien de grande importance même sur le plan naturel, peut favoriser la pleine maturité et l’intégration de la personnalité humaine. À plus forte raison en est-il ainsi du célibat assumé à cause du royaume des cieux, comme le prouve la vie de tant de saints et de fidèles qui, vivant dans le célibat, se consacrèrent totalement pour Dieu et pour les hommes à la promotion du progrès humain et chrétien.

Dans la culture contemporaine, où les valeurs spirituelles sont fortement obscurcies, le prêtre célibataire manifeste la présence du Dieu absolu qui nous invite à reproduire sa propre image. Là où, par contre, la valeur de la sexualité est tellement mise en avant que l’amour authentique de la personne tombe dans l’oubli, le célibat pour le royaume du Christ ramène les hommes à la profondeur de l’amour fidèle et met en lumière le sens ultime de la vie.

Au surplus, on parle à juste titre de la valeur du célibat comme signe eschatologique. En dépassant toute valeur humaine contingente, le prêtre célibataire s’associe de manière spéciale au Christ comme au bien suprême et absolu, et manifeste par anticipation la liberté des enfants de Dieu. La valeur de signe et de sainteté du mariage chrétien étant pleinement reconnue, le célibat pour le royaume montre plus clairement la fécondité spirituelle ou la vertu génératrice de la Nouvelle Loi, par laquelle l’apôtre sait qu’il est, dans le Christ, comme le père et la mère de ses communautés.

C’est donc dans cette manière particulière de suivre le Christ que le prêtre puise les meilleures énergies pour édifier l’Eglise ; ces énergies ne peuvent être gardées et accrues que par une union intime et permanente avec son Esprit. Et cette union avec le Christ, le peuple de Dieu fidèle veut la reconnaître et peut la discerner dans ses pasteurs.

Par le célibat, les prêtres peuvent servir Dieu plus facilement d’un coeur non partagé et se dépenser pour les brebis de façon à être plus pleinement les promoteurs de l’évangélisation et de l’unité de l’Eglise. C’est pourquoi les prêtres, même moins nombreux, du moment qu’ils brillent par ce haut témoignage de leur vie, jouiront d’une fécondité apostolique plus grande.

Le célibat sacerdotal est également un témoignage qui ne se limite pas à celui d’une seule personne, mais, en raison de la communion particulière qui relie les membres du presbytérium, il revêt un caractère social comme le témoignage de tout l’ordre sacerdotal qui enrichit le peuple de Dieu.

Le maintien de la loi du célibat

Que demeurent sauves les traditions des Églises orientales comme elles sont actuellement en vigueur en diverses régions.

L’Église a le droit et le devoir de déterminer les formes concrètes du ministère sacerdotal et, par là, de choisir aussi les candidats les plus aptes, recommandés par certaines qualités humaines et surnaturelles. Lorsque l’Eglise latine exige le célibat comme condition sine qua non pour le sacerdoce, elle ne le fait pas parce qu’elle estime que ce mode de vie est l’unique voie pour arriver à la sainteté. Elle le fait en considérant attentivement la forme concrète que revêt l’exercice du ministère dans la communauté pour l’édification de l’Église.

C’est à cause de la cohérence intime, aux multiples aspects, entre la charge pastorale et la vie dans le célibat que la loi en vigueur est maintenue : celui qui veut librement en effet la disponibilité totale qui est la note distinctive de cette charge embrasse librement aussi la vie dans le célibat. Le candidat doit estimer que cette forme de vie ne lui est pas seulement imposée de l’extérieur, mais plutôt qu’elle est l’expression de sa libre donation, acceptée et ratifiée par l’Eglise par l’intermédiaire de l’évêque. De cette manière, la loi devient la sauvegarde et la défense de la liberté par laquelle le prêtre se donne au Christ et elle se présente alors comme " un joug léger ".

 

Conditions favorisant le célibat

Nous avons reconnu avec évidence que dans le monde actuel des difficultés particulières menacent de toutes parts le célibat. Du reste, au cours des siècles passés, les prêtres les ont déjà éprouvées plus d’une fois. Mais les prêtres peuvent surmonter ces difficultés, si des conditions favorables sont mises en oeuvre, à savoir : l’accroissement de la vie intérieure par l’exercice de l’oraison, de l’oubli de soi, de la charité ardente envers Dieu et le prochain, ainsi que par les autres moyens de vie spirituelle ; l’équilibre humain grâce à une insertion harmonieuse dans un ensemble de relations sociales ; des rapports et des contacts fraternels avec les autres prêtres et avec l’évêque, grâce à une meilleure adaptation des structures pastorales et aussi avec l’aide de la communauté chrétienne.

Il faut reconnaître que le célibat ne peut être gardé en tant que don de Dieu si le candidat n’y est pas préparé de façon adéquate. Il est donc nécessaire que, dès le point de départ, les candidats s’attachent aux raisons positives de choisir le célibat, sans se laisser troubler par des objections dont l’accumulation et la continuelle opposition sont plutôt le signe qu’une valeur originaire se trouve en péril. Que les candidats se souviennent aussi que la force avec laquelle Dieu nous aide est toujours présente pour ceux qui s’efforcent de le servir avec fidélité et sans partage.

Le prêtre qui a laissé l’exercice de son ministère doit être traité avec justice et fraternellement ; même s’il peut apporter une aide dans le service de l’Eglise, il ne doit cependant pas être admis à exercer des activités sacerdotales.

La loi du célibat sacerdotal en vigueur dans l’Église latine doit être intégralement maintenue.

Importance du document - Paul VI, au Sacré-Collège, 23 déc. 1971

Les réflexions des Pères ont avant tout rappelé la doctrine, la spiritualité et la pratique de l’Eglise sur le sacerdoce. Elles ont confirmé en substance la conception de l’Église et du Concile sur ce thème. Quelle invitation à la fidélité courageuse cet approfondissement n’adresse-t-il pas à notre sacerdoce, à nous-mêmes et à tous nos confrères qui, par leur ordination sacramentelle au sacerdoce ministériel, se sont engagés à suivre et à servir le Christ ! Combien clairement est indiquée l’" identité " du sacerdoce catholique ! Quel bienfait est assuré, aujourd’hui encore, à l’économie de la parole de Dieu, à la dispensation de la grâce, à la pastorale du peuple de Dieu ! Avec quelle plénitude nous pouvons adhérer consciemment, généreusement et joyeusement, à la conception de notre marche à la suite du Christ — conception paradoxale parce qu’évangélique ; sainte, c’est-à-dire mystique et ascétique ; simple et humaine dans sa réalité concrète et prophétique — caractérisée par un double don d’amour, un don total au Christ et, en lui et par lui, à nos frères et au monde

Dans ce contexte, l’engagement spontané et complet du célibat sacré, traditionnel dans l’Eglise latine, ne pouvait pas ne pas trouver au Synode l’expression que nous connaissons : non seulement une confirmation convaincue, mais un renouveau actuel et historique. Les Pères, sans pour autant ignorer les difficultés présentes de la vie du clergé, n’ont pas trouvé anachronique cette façon de répondre aux exigences de l’amour du Christ en retenant pour le ministère sacerdotal seulement ceux qui, par charisme de vocation et de grâce, choisissent le célibat sacré avec liberté et pour la liberté de leur service total et exclusif. Ils ont considéré le célibat non comme un obstacle à la mission du prêtre dans le monde moderne, un obstacle qui l’isolerait dans cette mission, mais bien comme une qualification pour, avec la vigueur évangélique du sel et de la lumière, dialoguer avec ce monde, d’une part en réagissant contre lui, et d’autre part en le pénétrant. Nous sommes certain que l’actuelle, et plus encore la jeune et future génération du clergé accueilleront volontiers cette discipline et la vivront avec une humilité rayonnante. L’apprécie qui l’aime, avec un coeur ouvert à l’Esprit Saint et sacrifié pour assurer un meilleur rendement au service rendu à l’Eglise et au peuple de Dieu. Les vocations fleuriront si la croix en constitue la force attractive.

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LE SENS DU CÉLIBAT SACERDOTAL

CONVENANCE DU CÉLIBAT AVEC LE SACERDOCE - Pie XI, LE Ad catholici sacerdotii, 20 déc. 1935

La pureté, condition de tout sacerdoce

L’une des perles du sacerdoce catholique, c’est la chasteté : à l’observer totalement les clercs de l’Église latine qui ont reçu les ordres majeurs sont tenus sous une obligation si grave, que, s’ils la transgressaient, ils se rendraient coupables d’un sacrilège.

Si une même loi ne lie pas dans toute sa rigueur les clercs de l’Eglise orientale, chez eux aussi pourtant le célibat catholique est en honneur : et dans certains cas, spécialement pour les plus hauts degrés de la hiérarchie, c’est une condition nécessaire et obligatoire.

La seule lumière de la raison fait percevoir un lien indubitable entre cette vertu et le ministère sacerdotal puisque " Dieu est esprit " (Jn 4, 24), il convient que celui qui se dédie et se consacre à son service, " se dépouille de son corps " en quelque manière. Déjà les anciens romains avaient entrevu cette convenance. Une de leurs lois, qui se formulait ainsi : " Qu’on s’approche chastement des dieux ", est citée par leur plus grand orateur avec ce commentaire : " La loi ordonne de s’approcher chastement des dieux, c’est-à-dire avec l’âme chaste, l’âme en qui tout réside ; cela n’exclut cependant pas la chasteté du corps, mais cela veut dire que, l’âme étant supérieure au corps, si l’on doit garder la pureté du corps, celle de l’âme doit être gardée bien mieux encore. " Sous l’Ancienne Loi, Moïse commanda au nom de Dieu à Aaron et à ses fils de ne pas sortir du tabernacle et donc d’observer la continence pendant les sept jours durant lesquels se faisait leur consécration (Lv 8, 33-35).

mais surtout du sacerdoce chrétien

Mais au sacerdoce chrétien, si supérieur à l’ancien, convenait une pureté beaucoup plus grande. De fait, la loi du célibat ecclésiastique, dont la première trace écrite, qui suppose évidemment une coutume plus ancienne, se rencontre dans un canon du concile d’Elvire au début du IV siècle, alors que la persécution sévissait encore, ne fait que rendre obligatoire une certaine exigence morale qui ressort de l’Evangile et de la prédication apostolique. Constater la haute estime dont le divin Maître avait fait preuve pour la chasteté en l’exaltant comme une chose qui dépasse les forces ordinaires (Mt 19, 11) : savoir qu’il était " fleur d’une mère vierge " et depuis l’enfance élevé dans la famille virginale de Marie et de Joseph ; voir sa prédilection pour les âmes pures, comme les deux Jean, le Baptiste et l’Évangéliste ; entendre le grand apôtre Paul, fidèle interprète de la loi évangélique et des pensées du Christ, prêcher le prix inestimable de la virginité, spécialement dans le but d’un service de Dieu plus assidu : " Celui qui n’est pas marié se préoccupe des choses du Seigneur, il cherche comment plaire à Dieu " (1 Co 7, 32), tout ceci devait pour ainsi dire nécessairement faire sentir aux prêtres de la Nouvelle Alliance l’attrait céleste de cette vertu choisie, leur faire chercher d’être du nombre de ceux " à qui il a été donné de comprendre cette parole " (Mt 19, 11), et leur faire adopter spontanément cette observance, sanctionnée ensuite bien vite par une loi très grave dans toute l’Eglise latine, " afin que ce que les apôtres ont enseigné —comme l’affirme à la fin du IVe siècle le IIIe concile de Carthage — et ce que nos prédécesseurs ont observé, nous aussi, nous y soyons fidèles .

 

La beauté du célibat sacerdotal

Il ne manque pas de témoignages d’illustres Pères orientaux qui exaltent la beauté du célibat sacerdotal et montrent qu’à cette époque il y avait, là où la discipline était plus sévère, accord entre l’Eglise latine et l’Eglise orientale. Saint Épiphane, à la fin du IVe siècle, atteste que la loi du célibat s’étendait déjà aux sous-diacres. " (L’Église) n’admet cependant pas au diaconat, à la prêtrise, à l’épiscopat, au sous-diaconat, celui qui est encore dans les liens du mariage, mais seulement celui qui a renoncé à la vie conjugale ou est veuf ; et cela principalement là où on observe avec soin les canons de l’Église. " Mais le plus éloquent en cette matière c’est le saint diacre d’Édesse, le docteur de l’Église universelle, Ephrem le Syrien, " appelé à juste titre la cithare de l’Esprit Saint ". Il s’adresse dans un de ses chants à son ami l’évêque Abraham : " Tu es digne de ton nom, Abraham, lui dit-il, parce que tu es devenu le père de nombreux enfants. Mais parce que tu n’as pas d’épouse comme Abraham avait pour femme Sara, ton épouse à toi c’est ton troupeau. Élève tes fils dans la vérité, qu’ils deviennent pour toi fils de l’esprit et fils de la promesse afin qu’ils deviennent héritiers dans le paradis. O beau fruit de la chasteté en qui le sacerdoce s’est complu. l’huile sainte a coulé et il t’a oint, il t’a imposé les mains et il t’a choisi, l’Eglise t’a discerné et t’aime. " Et ailleurs : " Il ne suffit pas au prêtre et à sa dignité de se purifier l’âme, de se purifier la langue, les mains et tout le corps, quand il offre le corps vivant (du Christ), mais c’est en tout temps qu’il doit être pur, parce qu’il est établi comme médiateur entre Dieu et le genre humain. Louange à celui qui a voulu une telle pureté chez ses ministres. " Et saint Jean Chrysostome affirme que, " pour cette raison, celui qui exerce le sacerdoce doit être pur comme s’il se trouvait dans les cieux au milieu des puissances ".

 

et sa convenance souveraine

Du reste, la sublimité même, ou pour employer l’expression de saint Épiphane, " l’honneur et la dignité incroyable " du sacerdoce chrétien, que nous avons déjà brièvement exposée, démontre la convenance suprême du célibat et de la loi qui l’impose aux ministres de l’autel : celui qui remplit un office qui dépasse d’une certaine manière celui des purs esprits qui se tiennent devant le Seigneur, n’est-il pas juste qu’il soit obligé de vivre autant qu’il est possible comme un pur esprit ? celui qui doit être tout entier aux affaires du Seigneur, n’est-il pas juste qu’il soit entièrement détaché des choses terrestres et que " sa vie soit toujours dans les cieux " ? Celui qui doit être continuellement préoccupé du salut éternel des âmes et continuer vis-à-vis d’elles l’oeuvre du Rédempteur, n’est-il pas juste qu’il se libère des préoccupations d’une famille propre qui absorberaient une grande partie de son activité ?

Et, en vérité, c’est un spectacle qui mérite une admiration émue, quelque fréquent qu’il soit dans l’Église catholique, que de voir des jeunes gens qui, avant de recevoir l’ordre sacré du sous-diaconat, c’est-à-dire avant de se consacrer entièrement au service et au culte de Dieu, renoncent librement aux joies et aux satisfactions qu’ils pourraient légitimement se permettre dans un autre genre de vie ! Nous disons " librement " parce que si, après l’ordination, ils ne seront plus libres de contracter un mariage terrestre, à l’ordination même, ils se présentent sans y être contraints par aucune loi ni par aucune personne, mais spontanément et de leur propre mouvement.

Tout ce que nous avons dit pour recommander le célibat sacerdotal, notre intention n’est pas qu’on l’interprète comme un blâme et une remontrance à l’égard de la discipline différente légitimement admise dans l’Église orientale. Nous le disons uniquement pour exalter dans le Seigneur cette vérité que nous considérons comme une des gloires les plus pures du sacerdoce catholique et qui nous paraît répondre mieux aux désirs du coeur de Jésus et à ses desseins sur les âmes sacerdotales.

pour le prêtre ministre et disciple du Christ - Paul VI, au clergé de Rome, 1er mars 1973

Le prêtre est avant tout ministre du Christ, plus encore qu’il n’est homme. S’il n’en était pas ainsi, même le célibat n’aurait plus de raison suffisante d’être conservé pleinement, intégralement, dans sa splendeur angélique et transfigurante qui lui vaut d’être revendiqué par le clergé latin, aujourd’hui encore. Être ministre du Christ, c’est être disciple du Christ. Le fait de suivre le Christ comporte un détachement. Les apôtres ont laissé leurs filets, leurs affaires, leurs occupations, leur pays, leur famille. Le prêtre est comme quelqu’un qui aurait été dépouillé par le Christ lui-même, lequel n’a pas seulement demandé qu’on renonce aux choses qui donnent à la personne sa configuration, mais à la personne elle-même. Il a dit : Celui qui aime sa propre vie n’est pas digne de moi. Qui cherche sa propre vie la perdra.

 

Le célibat n’est pas en marge de la vocation sacerdotale - Jean Paul II, aux prêtres à Mindanao, 19 fév. 1981

Je désire réfléchir avec vous sur la valeur d’une vie d’authentique célibat sacerdotal. Il est difficile de surestimer le profond témoignage que le prêtre rend à la foi par le célibat. Le prêtre annonce la bonne nouvelle du royaume comme quelqu’un qui ne craint pas de sacrifier les joies humaines spéciales du mariage et de la vie de famille dans le but de témoigner sa " conviction des choses que nous ne voyons pas " (He 11, 1). L’Église a besoin du témoignage du célibat accepté librement et vécu dans la joie par ses prêtres pour l’amour du royaume. Car le célibat n’est nullement en marge de la vie sacerdotale ; il témoigne d’une dimension de l’amour modelé sur l’amour du Christ lui-même. Cet amour parle clairement le langage de tout amour authentique, le langage du don de soi pour l’amour de l’aimé ; et son parfait symbole est pour toujours la croix de Jésus- Christ.

 

Il n’est pas exigé par la nature du sacerdoce - Vat. II, D Presbyterorum Ordinis, 7 déc. 1965

La pratique de la continence parfaite et perpétuelle pour le royaume des cieux a été recommandée par le Christ tout au long des siècles, et de nos jours encore, bien des chrétiens l’ont acceptée joyeusement et pratiquée sans reproche. Pour la vie sacerdotale, particulièrement, l’Eglise l’a tenue en haute estime. Elle est à la fois signe et stimulant de la charité pastorale, elle est une source particulière de fécondité spirituelle dans le monde. Certes, elle n’est pas exigée par la nature du sacerdoce, comme le montrent la pratique de l’Église primitive et la tradition des Églises orientales. Celles-ci ont des prêtres qui choisissent, par don de la grâce, de garder le célibat — ce que font tous les évêques, — mais on y trouve aussi des prêtres mariés dont le mérite est grand ; tout en recommandant le célibat ecclésiastique, le Concile n’entend aucunement modifier la discipline différente qui est légitimement en vigueur dans les Églises orientales avec toute son affection, il exhorte les hommes mariés qui ont été ordonnés prêtres, à persévérer dans leur sainte vocation et dans le don total et généreux de leur vie au troupeau qui leur est confié.

 

mais il lui convient excellemment

Mais le célibat a de multiples convenances avec le sacerdoce. La mission du prêtre, c’est de se consacrer tout entier au service de l’humanité nouvelle que le Christ, vainqueur de la mort, fait naître par son Esprit dans le monde, et qui tire son origine, non pas " du sang, ni d’un vouloir charnel, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu " (Jn 1, 13). En gardant la virginité ou le célibat pour le royaume des cieux, les prêtres se consacrent au Christ d’une manière nouvelle et privilégiée, il leur est plus facile de s’attacher à lui sans que leur coeur soit Partagé, ils sont plus libres pour se consacrer, en lui et par lui, au service de Dieu et des hommes, plus disponibles pour servir son royaume et l’oeuvre de la régénération surnaturelle, plus capables d’accueillir largement la paternité dans le Christ. Ils témoignent ainsi devant les hommes qu’ils veulent se consacrer sans partage à la tâche qui leur est confiée : " fiancer les chrétiens à l’époux unique comme une vierge pure a présenter au Christ " (2 Co 11, 2) ; ils évoquent les noces mystérieuses voulues par Dieu, qui se manifesteront pleinement aux temps à venir celles de l’Église avec l’unique Époux qui est le Christ. Enfin, ils deviennent le signe vivant du monde à venir, déjà présent par la foi et la charité, où " les enfants de la résurrection ne prennent ni femme ni mari " (Lc 20, 35-36).

 

Un don précieux à estimer et à demander

C’est donc pour des motifs fondés sur le mystère du Christ et sa mission que le célibat, d’abord recommandé aux prêtres, a été ensuite imposé par une loi dans l’Église latine à tous ceux qui se présentent aux ordres sacrés. Cette législation, le Concile l’approuve et la confirme à nouveau en ce qui concerne les candidats au presbytérat. Confiant en l’Esprit, il est convaincu que le Père accorde généreusement le don du célibat, si adapté au sacerdoce du Nouveau Testament, pourvu qu’il soit humblement et instamment demandé par ceux que le sacrement de l’ordre fait participer au sacerdoce du Christ, bien plus, par l’Église tout entière. Le Concile s’adresse encore aux prêtres qui ont fait confiance à la grâce de Dieu, et qui ont librement et volontairement accueilli le célibat, selon l’exemple du Christ qu’ils s’y attachent généreusement et cordialement, qu’ils persévèrent fidèlement dans leur état, qu’ils reconnaissent la grandeur du don que le Père leur a fait et que le Seigneur exalte si ouvertement, qu’ils contemplent les grands mystères signifiés et réalisés par leur célibat. Certes, il y a, dans le monde actuel, bien des hommes qui déclarent impossible la continence parfaite c’est une raison de plus pour que les prêtres demandent avec humilité et persévérance, en union avec l’Église, la grâce de la fidélité, qui n’est jamais refusée à ceux qui la demandent. Qu’ils emploient aussi les moyens naturels et surnaturels qui sont à la disposition de tous. Les règles éprouvées par l’expérience de l’Église, surtout celles de l’ascèse, ne sont pas moins nécessaires dans le monde d’aujourd’hui que les prêtres sachent les observer. Le Concile invite donc, non seulement les prêtres, mais tous les chrétiens, à tenir à ce don précieux du célibat sacerdotal et à demander à Dieu de l’accorder toujours avec abondance à son Église

 

LE CÉLIBAT DANS LA TRADITION DE L’ÉGLISE - Paul VI, LE Sacerdotalis coelibatus, 24 juin 1967

Un élément de la richesse et de la beauté de l’Église

En esprit de foi, nous considérons l’occasion maintenant offerte par la Providence comme opportune pour remettre en lumière, en termes plus adaptés à la mentalité contemporaine, les raisons profondes du célibat sacré en effet, si les difficultés affectant la foi peuvent inciter l’esprit à chercher une intelligence plus exacte et plus profonde de celle-ci, il n’en va pas autrement de la discipline ecclésiastique, qui règle la vie des croyants.

Nous trouvons une joie et un encouragement à contempler en cette occurrence et de ce point de vue la richesse divine et la beauté de l’Église du Christ ; celles-ci ne sont pas toujours immédiatement perceptibles au regard humain, parce qu’elles sont l’oeuvre de l’amour du divin chef de l’Église et qu’elles se manifestent dans cette perfection de sainteté dont s’étonne l’entendement de l’homme et dont les forces de la créature humaine ne suffisent pas à rendre compte.

à mettre mieux en lumière

Certes, comme l’a déclaré le second concile du Vatican, la virginité " n’est pas exigée par la nature même du sacerdoce, ainsi que le montrent la pratique de l’Église primitive et la tradition des Églises d’orient ", mais le même concile n’a pas hésité à confirmer solennellement la loi ancienne, sainte et providentielle du célibat sacerdotal, telle qu’elle existe actuellement, non sans exposer les motifs qui la justifient aux yeux de quiconque sait apprécier les dons divins en esprit de foi et avec la flamme intérieure de la générosité.

Ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on réfléchit sur la " convenance multiforme " du célibat pour les ministres de Dieu ; même si les raisons explicites ont varié selon les différentes mentalités et situations, elles s’inspirèrent toujours de considérations spécifiquement chrétiennes, avec, en dernière analyse, l’intuition des valeurs et motifs les plus profonds. Ceux-ci peuvent être mieux mis en lumière, non sans l’influence de l’Esprit Saint, promis par le Christ aux siens pour la connaissance des choses a venir et pour faire avancer dans le peuple de Dieu l’intelligence du mystère du Christ et de l’Église ; à ce progrès concourt aussi l’expérience due à un sens plus pénétrant des réalités spirituelles au cours des siècles.

Une longue tradition

L’étude des documents historiques relatifs au célibat ecclésiastique serait fort instructive, mais trop longue. Qu’il suffise de donner ici quelques brèves indications. Dans l’antiquité chrétienne, les Pères de l’Église et les écrivains ecclésiastiques témoignent de la diffusion qu’avait prise chez les ministres sacrés, tant en Orient qu’en Occident, la pratique librement assumée du célibat, à cause de son éminente convenance au don total qu’ils font d’eux-mêmes au service du Christ et de son Église

À partir du début du IVe siècle, l’Église d’Occident, par suite des interventions de plusieurs conciles provinciaux et des souverains pontifes, renforça, développa et sanctionna cette pratique du célibat. Ce furent surtout les pasteurs et maîtres suprêmes de l’Église de Dieu, gardiens et interprètes du patrimoine de la foi et de la pureté des mœurs chrétiennes, qu’on vit promouvoir, protéger et restaurer le célibat ecclésiastique aux différentes époques de l’histoire, même quand des oppositions se manifestaient dans les rangs du clergé lui-même et que le relâchement des moeurs dans la société en décadence ne favorisait guère les actes héroïques de vertu. L’obligation du célibat fut ensuite solennellement sanctionnée par le concile de Trente et finalement insérée dans le Code de droit canonique.

Les papes de l’époque plus récente ont déployé l’ardeur de leur zèle et leur effort doctrinal pour éclairer et stimuler le clergé dans la pratique de cette observance. À ce propos, nous ne voulons pas manquer de rendre un hommage spécial à la pieuse mémoire de notre prédécesseur, dont le souvenir reste vivant au coeur des hommes. Au cours du Synode romain, il prononça, au milieu des approbations sans réticence de notre clergé de Rome, les paroles suivantes : " Nous sommes navrés... que certains puissent s’imaginer que l’Église catholique en viendra délibérément ou par convenance à renoncer à ce qui, durant de longs siècles, fut et demeure l’une des gloires les plus nobles et les plus pures de son sacerdoce. La loi du célibat ecclésiastique et le souci de la faire prévaloir évoquent toujours les combats des temps héroïques, alors que l’Église du Christ dut engager la lutte et réussit à faire triompher sa glorieuse trilogie, emblème constant de victoire Église du Christ, libre, chaste et catholique. "

 

appréciée et louée dans l’Église d’Orient malgré une discipline différente

Si la législation de l’Église orientale en matière de discipline du célibat ecclésiastique est différente, selon ce qui fut finalement établi par le Concile " in Trullo " de 692 et ouvertement reconnu par le second concile du Vatican, cela est dû aussi à des circonstances historiques différentes et propres à cette partie très noble de l’Église à cette situation spéciale, le Saint-Esprit a providentiellement et surnaturellement adapté son assistance.

Qu’il nous soit permis de saisir l’occasion présente pour exprimer notre estime et notre respect à l’ensemble du clergé des Églises orientales et pour reconnaître les exemples de fidélité et de zèle qu’il donne et qui le rendent digne d’une sincère vénération.

Mais il est une autre raison qui nous incite à maintenir intacte la discipline touchant le célibat ecclésiastique, c’est l’éloge que les Pères orientaux font de la virginité. Nous entendons par exemple saint Grégoire de Nysse nous rappeler que la vie " dans la virginité est l’image de la béatitude qui nous attend dans le monde à venir ", nous trouvons tout autant d’assurance dans la manière dont saint Jean Chrysostome célèbre le sacerdoce elle offre de nos jours encore un thème à notre méditation. Voulant mettre en lumière l’harmonie qui doit nécessairement accorder la vie privée du ministre de l’autel à la dignité que lui confèrent ses fonctions sacrées, ce Père de l’Église affirme ... il convient que celui qui s’approche du sacerdoce soit pur comme s’il était aux cieux .

Il ne sera pas inutile non plus d’observer qu’en Orient l’épiscopat est également réservé aux prêtres célibataires et que les prêtres, une fois ordonnés, ne peuvent plus se marier. D’où il apparaît en quel sens ces Églises si respectables possèdent jusqu’à un certain point le principe du sacerdoce célibataire et celui d’une certaine convenance entre le célibat et le sacerdoce chrétien, dont les évêques possèdent le couronnement et la plénitude.

 

Fidélité de l’Église d’Occident à sa tradition propre

En tout cas, l’Église d’Occident ne peut pas faiblir dans la fidélité à la tradition ancienne qui est la sienne ; il n’est pas pensable qu’elle ait pendant des siècles suivi un chemin qui, au lieu de favoriser la richesse spirituelle de chacun et de tout le peuple de Dieu, ait en quelque façon compromis celle-ci, ou que, par des interventions juridiques arbitraires, elle ait endigué le libre développement des réalités les plus profondes de la nature et de la grâce.

En vertu de la norme fondamentale du gouvernement de l’Église catholique à laquelle nous avons fait allusion plus haut, tout en confirmant la loi qui réclame de ceux qui accèdent aux ordres sacrés le choix libre du célibat perpétuel, on pourra par ailleurs examiner les conditions spéciales des ministres sacrés mariés, qui appartiennent à des Églises ou communautés chrétiennes encore séparées de la communion catholique et qui, désirant adhérer à la plénitude de cette communion et y exercer leur ministère, sont admis aux fonctions sacerdotales. On examinera leur situation de manière à ne pas porter pour autant préjudice à la discipline actuelle en matière de célibat.

L’autorité de l’Église ne se refuse pas à l’exercice de son pouvoir en ce domaine. On peut en voir une preuve dans la possibilité, prévue par le récent Concile, de conférer le diaconat même à des hommes mariés d’âge mûr.

Mais il ne faut pas voir en tout cela un relâchement de la loi en vigueur ni l’interpréter comme le prélude à son abolition. Il y a mieux à faire que d’encourager la considération de cette perspective ; elle affaiblit dans les âmes la force et l’amour qui donnent au célibat assurance et bonheur ; elle obscurcit la véritable doctrine qui justifie l’existence du célibat et en exalte le rayonnement. Il faut bien plutôt promouvoir les études par lesquelles la virginité et le célibat voient confirmer leur vrai sens spirituel et leur valeur morale.

 

Un don spécial de Dieu

La virginité pour Dieu est un don spécial. Toutefois l’Église actuelle tout entière, officiellement représentée dans son universalité par ses pasteurs responsables — tout en respectant, nous l’avons dit, la discipline des Églises orientales — a manifesté sa pleine conviction dans l’Esprit Saint que le " don du célibat, qui présente une telle convenance pour le sacerdoce du Nouveau Testament, est libéralement accordé par le Père, à condition que ceux qui participent au sacerdoce du Christ par le sacrement de l’ordre, et avec eux l’Église entière, le demandent instamment et en toute humilité. "

Nous invitons donc tout le peuple de Dieu à se rassembler en quelque sorte pour répondre à son obligation de faire croître le nombre de vocations sacerdotales en suppliant avec insistance le Père de tous, l’Époux divin de l’Église, et l’Esprit Saint, qui en est l’âme, par l’intercession de la Vierge Marie, Mère du Christ et Mère de l’Église que Dieu répande, surtout en notre temps, ce don divin dont il n’est certes pas avare et que les âmes s’y disposent, en esprit de foi profonde et d’amour généreux. Que de la sorte, dans notre monde qui a besoin d’être éclairé par la gloire de Dieu, les prêtres, toujours plus conformes au Prêtre unique et suprême, soient une gloire rayonnante du Christ, et que par eux resplendisse sur le monde d’aujourd’hui la gloire de la grâce de Dieu.

 

particulièrement nécessaire au monde d’aujourd’hui

Oui, c’est précisément le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui, chers frères dans le sacerdoce, objet de notre amour " dans le coeur de Jésus-Christ " (Ph 1, 8), c’est ce monde en crise de croissance et de transformation, si fier à juste titre des valeurs humaines et des conquêtes de l’homme, c’est lui qui a un urgent besoin du témoignage que constituent des vies consacrées aux valeurs spirituelles les plus hautes et les plus sacrées. Ce témoignage est nécessaire pour que notre époque ne soit pas privée d’une lumière très rare et sans égale celle des plus hautes conquêtes spirituelles.

Notre-Seigneur Jésus-Christ n’a pas hésité à confier à une poignée d’hommes que tout le monde aurait jugés insuffisants en nombre et en qualité la charge écrasante d’évangéliser le monde connu d’alors. À ce " petit troupeau ", il enjoignit de ne pas perdre courage (Lc 12, 32), parce qu’il remporterait avec lui et par lui, grâce à son assistance toujours présente (Mt 28, 20), la victoire sur le monde (Jn 16, 33). Jésus nous a également avertis que le royaume des cieux possède en lui-même une force propre et secrète qui lui permet de croître et d’arriver à la moisson sans que l’homme le sache (Mc 4, 26-29). La moisson du royaume de Dieu est immense, et les ouvriers sont peu nombreux aujourd’hui comme aux premiers jours ; ils ne furent même jamais en nombre tel que le jugement humain l’aurait cru suffisant. Mais le Seigneur du royaume demande qu’on prie afin que ce soit le Maître qui envoie lui-même les ouvriers dans son champ (Mt 9, 37-38). Les projets et la prudence humaine ne peuvent usurper le rôle de la mystérieuse sagesse de celui qui au cours de l’histoire a défié par sa folie et sa faiblesse la sagesse et la puissance de l’homme (1 Co 1, 20-31).

 

La conviction profonde de l’Église

Nous en appelons au courage de la foi pour dire cette conviction profonde de l’Église une réponse plus engagée et plus généreuse à la grâce, une confiance plus explicite et plus entière en sa puissance mystérieuse et irrésistible, un témoignage plus franc et plus plénier rendu au mystère du Christ ne mèneront jamais l’Église à une faillite dans sa mission de salut du monde entier, quoi qu’il en soit des conjonctures humaines et des apparences extérieures. Chacun doit savoir qu’il peut tout en celui qui seul donne la force aux âmes (Ph 4, 13) et la croissance à son Église (1 Co 3, 6-7).

On ne peut croire tout simplement que l’abolition du célibat ecclésiastique accroîtrait par le fait même et de façon notable le nombre de vocations l’expérience actuelle des Églises et communautés ecclésiales où les ministres sacrés peuvent se marier semble prouver le contraire. C’est surtout d’autres côtés qu’il faut chercher la cause de la diminution des vocations sacerdotales ; par exemple, dans la perte ou l’affaiblissement du sens de Dieu et du sacré au niveau individuel et parmi les familles, dans le fait qu’on estime moins ou qu’on méconnaît l’Église comme l’institution qui apporte le salut par la foi et les sacrements. Il faut donc, dans l’étude du problème, aller aux éléments vraiment fondamentaux.

 

LE CÉLIBAT ET LES VALEURS HUMAINES

Le célibat et l’amour

L’Église le sait bien et nous l’avons dit plus haut, le choix du célibat ecclésiastique, qui entraîne une suite de renoncements austères affectant l’homme au plus profond de lui-même, comporte des difficultés et des problèmes sérieux, auxquels on est aujourd’hui particulièrement sensible. On pourrait croire que le célibat ne s’accorde pas avec la reconnaissance des valeurs humaines, telle que l’Église l’a solennellement proclamée lors du récent concile. Mais une considération plus attentive révèle qu’en sacrifiant pour l’amour du Christ l’amour humain tel qu’il se vit dans la famille, le prêtre rend à cet amour humain un hommage insigne. C’est en effet une chose admise par tout le monde que l’homme a toujours choisi pour les offrir à Dieu son Créateur des dons dignes de qui les présente et de qui les reçoit.

Grâce et nature

D’autre part, l’Église ne peut ni ne doit ignorer que c’est la grâce qui préside au choix du célibat, pourvu qu’on le fasse en toute prudence humaine et chrétienne, de manière responsable. Or, la grâce ne détruit pas la nature et ne lui fait pas violence, mais elle l’élève et lui donne des capacités et des énergies surnaturelles. Dieu, qui a créé l’homme et l’a racheté, sait ce qu’il peut lui demander et il lui donne tout ce qu’il faut pour accomplir ce que lui demande son Créateur et Rédempteur. Saint Augustin, avec sa large et douloureuse expérience de ce qu’est la nature de l’homme, s’écriait : " Seigneur, donne-nous ce que toi-même tu commandes et commande ce que tu veux. "

Une connaissance loyale des difficultés réelles du célibat est extrêmement utile, voire indispensable, au prêtre, pour qu’il ait pleine conscience des conditions que le célibat suppose pour être authentique et bénéfique. Mais avec autant de loyauté on se gardera d’attribuer à ces difficultés une importance et un poids supérieurs à ceux qu’elles ont en fait dans leur contexte humain ou religieux, comme aussi de déclarer ces difficultés insolubles.

Le célibat n’est pas contre nature

D’après les acquisitions désormais assurées de la science, on n’a pas le droit de redire encore que le célibat est contre nature, du fait qu’il s’oppose à des exigences physiques, psychologiques et affectives légitimes, auxquelles il faudrait nécessairement donner satisfaction pour permettre la complète maturité de la personne humaine. L’homme, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, n’est pas composé seulement de chair ; et l’instinct sexuel n’est pas tout en lui. L’homme est aussi et avant tout intelligence, volonté, liberté : ces facultés le rendent supérieur à l’univers et obligent à le regarder comme tel ; elles lui donnent de pouvoir maîtriser ses tendances physiques, psychologiques et affectives.

Le motif véritable et profond du célibat consacré est, nous l’avons déjà dit, le choix d’une relation personnelle plus intime et plus complète au mystère du Christ et de l’Église, pour le bien de l’humanité tout entière dans ce choix, les valeurs humaines les plus hautes, dont nous venons de parler, peuvent assurément trouver leur plus haute expression.

 

Le célibat, élévation de l’homme

Le choix du célibat ne comporte pas l’ignorance et le mépris de l’instinct sexuel et de l’affectivité ; ce qui nuirait à l’équilibre physique et psychologique. Le célibat exige au contraire une compréhension claire, une maîtrise de soi attentive et une sage sublimation des forces psychologiques à un plan supérieur. De cette façon, il élève l’homme tout entier et contribue effectivement à sa perfection.

Sans doute, le désir, naturel et légitime chez l’homme, d’aimer une femme et de fonder un foyer est-il dépassé par le célibat, mais il n’est pas dit que le mariage et la famille soient l’unique chemin menant à la maturation intégrale de la personne humaine. Au coeur du prêtre, l’amour n’est pas éteint. Puisée à la source la plus pure, exercée à l’imitation de Dieu et du Christ, la charité n’est pas moins exigeante et concrète que tout amour authentique. Elle élargit à l’infini les horizons du prêtre, elle approfondit et dilate son sens des responsabilités, indice de maturité de la personne, et elle forme en lui, comme expression d’une paternité plus haute et plus large, une plénitude et une délicatesse de sentiments qui sont pour lui une richesse surabondante.

 

Le célibat consacré et le mariage

Tous les membres du peuple de Dieu doivent rendre témoignage au mystère du Christ et de son règne, mais ce témoignage ne prend pas en tous une seule et même forme. Laissant à ses fils laïcs et mariés la charge du témoignage nécessaire d’une vie conjugale et familiale authentiquement et pleinement chrétienne, l’Église confie à ses prêtres le témoignage d’une vie totalement donnée aux réalités du règne de Dieu dans ce qu’elles ont de plus nouveau et de plus séduisant.

Si le prêtre n’a pas l’expérience personnelle et directe de la vie de mariage, il ne manquera certainement pas d’une connaissance peut-être plus profonde encore du coeur humain, en raison de sa formation, de son ministère et de la grâce de son état. Cette pénétration lui fera atteindre à leur source les problèmes de cet ordre et le qualifiera sérieusement comme conseiller et soutien des époux et des familles chrétiennes. La présence, près des foyers chrétiens, du prêtre qui vit pleinement son célibat soulignera la dimension spirituelle de tout amour digne de ce nom, et son sacrifice personnel méritera aux fidèles vivant dans les liens sacrés du mariage la grâce d’une union véritable.

La solitude du prêtre qui garde le célibat

Il est indéniable que le prêtre, par son célibat, est un homme seul, mais sa solitude n’est pas un vide, car elle est remplie de Dieu et de la richesse surabondante de son règne. En outre, il s’est préparé à cette solitude, qui doit être une plénitude intérieure et extérieure de charité ; il l’a choisie en connaissance de cause, non par désir orgueilleux de se singulariser, non pour se soustraire aux responsabilités communes, non pour devenir étranger à ses frères ni par mépris du monde. Séparé du monde, le prêtre n’est pas séparé du peuple de Dieu, car il est établi pour le bien de tous, voué entièrement à la charité et à l’oeuvre pour laquelle le Seigneur l’a choisi.

Parfois, la solitude pèsera douloureusement sur le prêtre, mais il ne regrettera pas pour autant de l’avoir généreusement choisie. Le Christ, lui aussi, aux moments les plus tragiques de sa vie, se trouva seul, abandonné de ceux qu’il avait choisis comme témoins et compagnons de son existence, et qu’il avait aimés jusqu’à la fin (Jn 13, 1). Mais il a affirmé : " Je ne suis pas seul, car le Père est avec moi " (Jn 16, 32). Celui qui a choisi d’appartenir tout entier au Christ trouvera avant tout dans l’intimité avec lui et dans sa grâce la force d’âme nécessaire pour dissiper la tristesse et vaincre les découragements. La protection de la Vierge, Mère de Jésus, l’aide maternelle de l’Église, au service de laquelle il s’est donné, ne lui feront pas défaut, non plus que la sollicitude de son père dans le Christ, l’évêque. Il aura aussi pour l’aider l’amitié fraternelle de ses confrères dans le sacerdoce et l’encouragement de tout le peuple de Dieu. Et s’il arrive que l’hostilité, la défiance, l’indifférence des hommes rendent parfois très dure sa solitude, il se verra associé de façon évidente au drame que vécut le Christ, en apôtre qui n’est pas au-dessus de celui qui l’a envoyé (Jn 13, 16), en ami admis aux secrets les plus douloureux, mais aussi les plus glorieux de l’Ami divin qui l’a choisi, afin qu’une vie apparemment vouée à la mort porte des fruits mystérieux de vie.

 

LA SIGNIFICATION DU CÉLIBAT SACERDOTAL - Jean Paul II, L aux prêtres, 8 avril 1979

Une réflexion sereine et approfondie

Permettez-moi d’aborder ici le problème du célibat sacerdotal. Je le traiterai d’une manière synthétique parce qu’il a déjà été envisagé d’une manière approfondie et complète durant le Concile et, par la suite, dans l’encyclique Sacerdotalis coelibatus, et encore pendant la session ordinaire du Synode des évêques de 1971. Cette réflexion s’est avérée nécessaire pour présenter le problème d’une façon plus réfléchie, et aussi pour motiver plus profondément encore le sens de la décision que l’Église latine a prise il y a tant de siècles et à laquelle elle s’est efforcée de rester fidèle, fidélité qu’elle désire conserver également à l’avenir. L’importance de ce problème est si grave, son lien avec le langage de l’Evangile lui-même est si étroit, que nous ne pouvons pas, dans ce cas précis, penser avec des catégories différentes de celles dont se sont servis le Concile, le Synode des évêques et le grand pape Paul VI.

 

libérée des objections et interprétations diverses

Nous pouvons seulement chercher à comprendre plus profondément ce problème et à y répondre d’une façon plus réfléchie, nous libérant des diverses objections qui ont toujours — comme encore maintenant — été soulevées contre le célibat sacerdotal, et des diverses interprétations qui s’appuient sur des critères étrangers à l’Evangile, à la tradition et au magistère de l’Eglise, critères, ajouterons-nous, dont l’exactitude et le fondement anthropologique se révèlent fort douteux et de valeur toute relative.

Nous ne devons pas trop nous étonner, du reste, de toutes ces objections et critiques, qui se sont intensifiées dans la période postconciliaire mais semblent aller en s’atténuant ici et là aujourd’hui. Jésus-Christ, après avoir présenté aux disciples la question du renoncement au mariage " en vue du royaume des cieux ", n’a-t-il pas ajouté ces paroles significatives : " Comprenne qui pourra " ? (Mt 19, 12). Église latine, en se rapportant à l’exemple du Christ Seigneur lui-même, à l’enseignement des apôtres et à toute la tradition qui lui est propre, a voulu et continue à vouloir que tous ceux qui reçoivent le sacrement de l’ordre assument ce renoncement en vue du royaume des cieux. Cette tradition, toutefois, va de pair avec le respect des traditions différentes d’autres Églises Elle constitue en effet une caractéristique, une particularité et un héritage de l’Église catholique latine celle-ci lui doit beaucoup et est décidée à persévérer dans cette voie malgré toutes les difficultés auxquelles une telle fidélité pourrait l’exposer, malgré aussi les divers symptômes de faiblesse et de crise de certains prêtres. Nous avons tous conscience de porter ce trésor dans des vases d’argile (2 Co 4, 7), mais nous savons bien que c’est un trésor.

 

Motif essentiel du célibat sacerdotal

Pourquoi un trésor ? Est-ce que nous voulons par là diminuer la valeur du mariage et la vocation à la vie familiale ? Ou est-ce que nous nous laissons aller au mépris manichéen pour le corps et pour ses fonctions ? Est-ce que nous voulons en quelque sorte déprécier l’amour qui conduit l’homme et la femme au mariage et à l’union conjugale des corps pour former ainsi " une seule chair " (Mt 19, 6) ? Comment pourrions-nous penser et raisonner ainsi si nous savons, si nous croyons et proclamons, avec saint Paul, que le mariage est un grand mystère " en référence au Christ et à l’Eglise (Ep 5, 32) ? Par ailleurs, aucun des motifs allégués parfois pour essayer de nous convaincre de l’inopportunité du célibat ne correspond à la vérité que l’Église proclame et qu’elle cherche à réaliser dans la vie par l’engagement que prennent les prêtres avant leur ordination. Au contraire, le motif essentiel, propre et adéquat est contenu dans la vérité que le Christ a déclarée en parlant du renoncement au mariage en vue du royaume des cieux et que saint Paul proclamait en écrivant que chacun dans l’Eglise reçoit son don particulier (1 Co 7, 7). Le célibat est justement un don de l’Esprit. Un don semblable, bien que différent, est contenu dans la vocation à l’amour conjugal véritable et fidèle, orienté vers la procréation selon la chair, dans le contexte si élevé du sacrement de mariage. On sait combien ce don est fondamental pour construire la grande communauté de l’Église, peuple de Dieu. Mais si cette communauté veut répondre pleinement à sa vocation en Jésus-Christ, il faut que se trouve en elle, selon la proportion voulue, cet autre " don ", le don du célibat " en vue du royaume des cieux ".

 

Signe d’une liberté en vue d’un service

Pour quelle raison l’Église catholique latine lie-t-elle ce don non seulement à la vie des personnes qui acceptent le programme austère des conseils évangéliques dans les instituts religieux, mais aussi à la vocation au sacerdoce à la fois hiérarchique et ministériel ? Elle le fait parce que le célibat en vue du royaume n’est pas seulement un signe eschatologique il a également une grande signification sociale, dans la vie présente pour le service du peuple de Dieu. Par son célibat, le prêtre devient " l’homme pour les autres ", d’une manière différente de celui qui, en se liant à la femme dans l’union conjugale, devient lui aussi comme époux et père, " homme pour les autres surtout dans le cercle de sa propre famille, c’est-à-dire pour son épouse, et avec elle pour ses enfants auxquels il a donné la vie. Le prêtre, en renonçant à cette paternité propre aux époux, cherche une autre paternité, et même presque une autre maternité quand on pense aux paroles de l’Apôtre au sujet des enfants qu’il engendre dans la douleur (1 Co 4, 15 ; Ga 4, 19). Ce sont là des enfants de son esprit, des hommes confiés par le bon Pasteur à sa sollicitude. Ces hommes sont nombreux, plus nombreux que ceux que peut embrasser une simple famille humaine. La vocation pastorale des prêtres est grande et le Concile enseigne qu’elle est universelle elle est au service de toute l’Eglise ; elle est donc aussi missionnaire. Normalement, elle est liée au service d’une communauté déterminée du peuple de Dieu dans laquelle chacun s’attend à recevoir attention, sollicitude, amour. Pour être disponible à un tel service, à une telle sollicitude, à un tel amour, le coeur du prêtre doit être libre. Le célibat est le signe d’une liberté en vue du service. Par ce signe, le sacerdoce hiérarchique ou ministériel est, selon la tradition de notre Église, plus étroitement ordonné au sacerdoce commun des fidèles.

 

Épreuve et responsabilité

On peut considérer comme le fruit d’une équivoque -pour ne pas dire de la mauvaise foi — l’opinion assez répandue selon laquelle le célibat sacerdotal dans l’Eglise catholique serait simplement une institution imposée par la loi à ceux qui reçoivent le sacrement de l’ordre. Nous savons tous qu’il n’en est pas ainsi. Tout chrétien qui reçoit le sacrement de l’ordre s’engage au célibat, en pleine conscience et en toute liberté, après une préparation de plusieurs années, une profonde réflexion et une prière assidue. La décision de vivre dans le célibat, il ne la prend qu’après être parvenu à la ferme conviction que le Christ lui concède ce don pour le bien de l’Eglise et pour le service des autres. C’est seulement alors qu’il s’engage à l’observer durant toute sa vie. Il est évident qu’une telle décision oblige non seulement en vertu de la loi établie par l’Église, mais aussi en vertu de la responsabilité personnelle. Il s’agit ici d’être fidèle à la parole donnée au Christ et à l’Église. La fidélité à cette parole est à la fois un devoir et le test de la maturité intérieure du prêtre, elle est l’expression de sa dignité personnelle. Cela se manifeste dans toute sa clarté lorsque la fidélité à la parole donnée au Christ, par un engagement conscient et libre au célibat pour toute la vie, rencontre des difficultés, est mise à l’épreuve, ou bien est exposée à la tentation, toutes choses qui n’épargnent pas le prêtre, pas plus que n’importe quel homme ou n’importe quel chrétien. À ce moment, chacun doit chercher le soutien dans une prière plus fervente. Il doit, grâce à la prière, retrouver en lui-même l’attitude d’humilité et de sincérité à l’égard de Dieu et de sa propre conscience, dans laquelle justement il puise la force de soutenir ce qui vacille. C’est alors que naît en lui une confiance semblable à celle qui faisait dire à saint Paul : " Je puis tout en celui qui me rend fort " (Ph 4, 13).

Ces vérités sont confirmées par l’expérience de nombreux prêtres et démontrées par les réalités de la vie. Leur acceptation constitue le fondement de la fidélité à la parole donnée au Christ et à l’Église, qui est en même temps le test de l’authentique fidélité à soi-même, à sa propre conscience, à sa propre humanité et dignité. Il faut penser à tout cela surtout dans les moments de crise, au lieu de recourir à la dispense entendue au sens d’intervention administrative, comme si, au contraire, il ne s’agissait pas en réalité d’une profonde question de conscience et d’une preuve de maturité humaine. Dieu a droit à ce que chacun d’entre nous lui donne cette preuve, s’il est vrai que la vie terrestre est pour tout homme un temps de mise à l’épreuve. Mais Dieu veut également que nous sortions vainqueurs de telles épreuves et il nous donne pour cela la force nécessaire.

 

Fidélité à la vocation

Il faut peut-être ajouter ici, et non sans raison, que l’engagement de la fidélité conjugale, dérivant du sacrement de mariage, crée à son niveau des obligations analogues et qu’il devient parfois un terrain d’expériences et d’épreuves analogues pour les époux, maris et femmes ces " épreuves du feu " leur fournissent également le moyen de vérifier la valeur de leur amour. L’amour en effet, dans toute sa dimension, n’est pas seulement un appel, mais encore un devoir. Ajoutons enfin que nos frères et sœurs liés par le mariage ont le droit d’attendre de nous, prêtres et pasteurs, le bon exemple et le témoignage de la fidélité à la vocation jusqu’à la mort, fidélité à la vocation que nous suivons en recevant le sacrement de l’ordre, comme ils la suivent en recevant le sacrement de mariage. Même dans ce cadre et en ce sens, nous devons comprendre notre sacerdoce ministériel comme une subordination au sacerdoce commun de tous les fidèles, des laïcs, spécialement de ceux qui vivent dans le mariage et forment une famille. De cette manière nous servons " à construire le corps du Christ " (Bp 4, 12) ; autrement, au lieu de contribuer à son édification, nous en affaiblissons l’organisme spirituel. A cette édification du corps du Christ est étroitement lié l’authentique développement de la personnalité humaine de chaque chrétien — comme d’ailleurs de chaque prêtre — qui se réalise à la mesure du don du Christ. La désagrégation de l’organisme spirituel de l’Église ne favorise certainement pas le développement de la personnalité humaine et ne constitue pas une preuve de cette dernière.

 

Nécessité d’une conversion quotidienne

" Que devons-nous faire ? " (Lc 3, 10) c’est ainsi, semble-t-il, que vous posez la question, chers frères, comme tant de fois la posaient au Christ Seigneur les disciples et ceux qui les écoutaient. Que doit faire l’Église, quand il semble que les prêtres font défaut, quand leur manque se fait sentir spécialement en certains pays ou en certaines régions du monde ? De quelle façon devons-nous répondre aux immenses besoins d’évangélisation, et comment pouvons-nous rassasier ceux qui ont faim de la Parole et du Corps du Seigneur ? Église qui s’engage à maintenir le célibat des prêtres comme don particulier en vue du royaume de Dieu, professe la foi et exprime l’espérance envers son Maître, Rédempteur et Époux, et en même temps envers celui qui est le maître de la moisson et le dispensateur du don. En effet, " tout don parfait vient d’en haut et descend du Père des lumières " (Jc 1, 17). Nous ne pouvons pas, en ce qui nous concerne, affaiblir cette foi et cette confiance par notre doute humain, ou notre pusillanimité.

Par conséquent, nous devons tous nous convertir chaque jour. Nous savons que c’est là une exigence fondamentale de l’Évangile, adressée à tous les hommes, et nous devons d’autant plus la considérer comme adressée à nous. Si nous avons le devoir d’aider les autres à se convertir, nous devons agir de même et continuellement en ce qui concerne notre propre vie. Nous convertir signifie retourner à la grâce même de notre vocation, méditer l’infinie bonté et l’amour infini du Christ qui s’est adressé à chacun d’entre nous en nous appelant par notre nom : " Suis-moi ". Nous convertir veut dire rendre compte de notre service, de notre zèle, de notre fidélité, devant le Seigneur de nos cœurs, parce que nous sommes " serviteurs dû Christ et intendants des mystères de Dieu " (1 Co 4, 1).

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L’ENGAGEMENT AU CÉLIBAT ET SES EXIGENCES

 

CONDITIONS ET EXIGENCES DE LA VIRGINITÉ CONSACRÉE - Pie XII, LE Sacra virginitas, 25 mars 1954

Une option libre

Venons-en maintenant aux conséquences pratiques de cette doctrine de l’Église sur l’excellence de la virginité.

Tout d’abord, il importe de le dire clairement, la supériorité de la virginité sur le mariage n’implique nullement qu’elle soit un moyen obligatoire de perfection chrétienne. On peut parvenir à la sainteté sans vouer à Dieu sa chasteté, comme le prouve l’exemple de nombreux saints et saintes, objet d’un culte public dans l’Église, qui furent des maris et des épouses modèles, d’excellents pères et mères de famille. Bien plus, il n’est pas rare de rencontrer aussi des personnes mariées qui tendent à la perfection avec une grande générosité.

En outre, remarquons-le, Dieu n’a pas imposé la virginité à tous les chrétiens, comme l’enseigne l’apôtre saint Paul : " Pour ce qui est des vierges, je n’ai pas de précepte du Seigneur, mais je donne un conseil " (1 Co 7, 25). La chasteté parfaite n’est donc qu’un simple conseil, un moyen capable de conduire plus sûrement et plus aisément à la perfection évangélique et au royaume des cieux les âmes " auxquelles cela a été donné " (Mt 19, 11). " Elle n’est pas imposée, mais proposée ", note saint Ambroise.

Aussi la chasteté parfaite exige-t-elle, de la part des chrétiens, une option libre avant leur offrande totale au Seigneur et, de la part de Dieu, elle réclame un don, une grâce. Déjà le divin Rédempteur nous en avait lui-même prévenus : " Tous ne comprennent pas ce langage, mais seulement ceux à qui cela a été donné. Comprenne qui le peut ! " (Mt 19, 11-12). Sur cette parole du Christ, saint Jérôme invite " chacun à considérer ses forces, pour savoir s’il pourra observer les préceptes de la virginité. En elle-même, la chasteté est agréable et attire tout le monde. Mais il faut bien mesurer ses forces Comprenne qui le peut ! C’est comme si la voix du Seigneur appelait ses disciples et les invitait à la récompense de la virginité. Comprenne qui le peut ! combatte qui le peut, qu’il vainque et qu’il triomphe

 

Une résolution ferme et une grande maîtrise de soi

La virginité est une vertu ardue. Pour qu’on puisse s’y engager, il ne suffit pas d’avoir pris la résolution ferme et expresse de s’abstenir à jamais des plaisirs légitimes du mariage ; il faut aussi maîtriser et calmer par une vigilance et un combat constants les révoltes de la chair et les passions du cœur, se garder des sollicitations du monde et vaincre les tentations du démon. Saint Jean Chrysostome avait bien raison de le dire, " la racine et le fruit de la virginité, c’est une vie crucifiée ". Selon saint Ambroise, la virginité est comme un sacrifice et la vierge est " l’hostie de la pudeur, la victime de la chasteté ".

Saint Méthode d’Olympe compare même les vierges aux martyres et saint Grégoire le Grand enseigne que la chasteté parfaite remplace le martyre. " Le temps de la persécution est passé, mais notre paix a son martyre nous ne mettons plus notre cou sous le fer, nous tuons d’un glaive spirituel les désirs charnels de notre âme ". La chasteté consacrée à Dieu exige donc des âmes fortes et nobles, prêtes au combat et à la victoire pour le royaume des cieux.

Avant de s’engager dans cette voie étroite, si l’on se sent trop faible en ce domaine, on fera donc bien d’écouter humblement l’avertissement de l’apôtre saint Paul : " Sils ne peuvent garder la continence, qu’ils se marient : mieux vaut se marier que de brûler " (1 Co 7,9). Pour beaucoup, en effet, la continence perpétuelle serait d’un poids trop lourd et ne saurait leur être conseillée. De même, les prêtres chargés de la direction des jeunes qui croient avoir une vocation sacerdotale ou religieuse ont le grave devoir de conscience de les exhorter à l’étudier avec soin et de ne pas les laisser s’engager dans une voie où ils ne pourraient espérer marcher avec fermeté et succès. Que ces prêtres examinent prudemment leurs aptitudes et écoutent l’avis des médecins chaque fois que cela convient ; puis, si un doute sérieux subsiste encore surtout au sujet de leur vie passée, qu’ils interviennent avec autorité pour leur faire renoncer à embrasser l’état de chasteté parfaite ou pour empêcher leur admission aux ordres sacrés ou à la profession religieuse.

La confiance en Dieu et en sa grâce

Mais, si la chasteté consacrée à Dieu est une vertu ardue, sa pratique fidèle et parfaite est possible à ceux qui, après avoir bien pesé toutes choses, ont répondu d’un coeur généreux à l’invitation du Christ Jésus et font tout ce qu’ils peuvent pour la conserver. En effet, par leur engagement même dans l’état de virginité ou de célibat, ils ont reçu de Dieu le don de la grâce capable de les aider à exécuter leur promesse. C’est pourquoi, s’il s’en trouvait qui ne sentent pas avoir reçu le don de la chasteté (même après l’avoir vouée), ils ne sauraient mettre en avant leur incapacité de satisfaire à leur obligation dans ce domaine. Car Dieu ne commande jamais l’impossible, mais, " par son commandement, il avertit de faire ce que l’on peut, de demander ce que l’on ne peut pas et il aide à pouvoir ". Nous rappelons aussi cette vérité bien consolante aux malades dont la volonté s’est affaiblie à la suite de troubles nerveux et auxquels certains médecins, parfois même catholiques, conseillent trop facilement de se faire dispenser de leur obligation, sous prétexte qu’ils ne peuvent pas observer la chasteté sans nuire à leur équilibre psychique. Comme il serait plus utile et plus opportun d’aider ces malades à renforcer leur volonté et à les convaincre que la chasteté n’est pas impossible pour eux non plus ! " Dieu est fidèle : il ne permettra pas que vous soyez tentés au delà de vos forces. À côté de la tentation, il placera la grâce nécessaire pour vaincre " (1 Co 10, 13).

 

Une vigilance assidue

Les moyens recommandés par le divin Rédempteur lui-même pour une sauvegarde efficace de notre vertu sont une vigilance assidue, par laquelle nous faisons de notre mieux ce qui est en notre pouvoir, et une constante prière, par laquelle nous demandons à Dieu ce que nous ne pouvons faire en raison de notre faiblesse : " Veillez et priez, pour ne pas entrer en tentation ; l’esprit est ardent, mais la chair est faible " (Mt 26, 41).

Une vigilance de tous les instants et en toutes circonstances est absolument nécessaire, " car la chair convoite contre l’esprit et l’esprit contre la chair " (Ga 5, 17). Si l’on accorde un tant soit peu aux séductions du corps, on sera très vite entraîné jusqu’en ces " oeuvres de chair " énumérées par l’Apôtre, vices les plus honteux de l’humanité.

Aussi faut-il veiller avant tout sur les mouvements des passions et des sens et les maîtriser par une vie volontairement austère et par la mortification corporelle, pont les soumettre à la droite raison et à la loi divine " Ceux qui appartiennent au Christ ont crucifié leur chair avec ses passions et ses convoitises " (Ga 5, 24). L’Apôtre avoue à son propre sujet : " Je meurtris mon corps et le tiens en servitude, de peur qu’après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même réprouvé " (1 Co 9, 27). Tous les saints et les saintes ont ainsi veillé sur leurs sens et en ont réprimé les mouvements, parfois très violemment, selon l’enseignement même du Maître : " Je vous le dis : quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis dans son coeur l’adultère avec elle. Si ton oeil droit est pour toi une occasion de péché, arrache-le et jette-le loin de toi : il t’est plus avantageux de perdre un seul de tes membres que de voir tout ton corps jeté en enfer " (Mt S, 28-29). Cette admonition le met bien en lumière, notre Rédempteur exige avant tout que nous ne consentions jamais au péché, même en pensée, et qu’avec la dernière énergie, nous retranchions en nous tout ce qui pourrait ternir même légèrement la vertu de chasteté. Sur ce point, nul excès de vigilance ni de sévérité n’est possible. Et si une mauvaise santé ou d’autres raisons ne nous permettent pas de pénibles austérités corporelles, jamais elles ne nous dispensent de la vigilance et de la mortification intérieure.

 

La fuite des occasions dangereuses

D’ail leurs, selon le sentiment commun des saints Pères et des docteurs de l’Église, on se dégage plus facilement des attraits du péché et des séductions des passions en les fuyant de toutes ses forces qu’en leur résistant de front. D’après saint Jérôme, pour conserver la pureté, la fuite vaut mieux que le combat à découvert : " Je m’enfuis pour ne pas être vaincu ". Elle consiste à s’éloigner avec diligence des occasions du péché et surtout à élever notre esprit vers les réalités divines pendant les tentations, en le fixant sur le Christ à qui nous avons voué notre virginité : " Regardez celui ... qui vous aime ", recommande saint Augustin.

Or cette fuite et cette vigilance à ne pas s’exposer aux occasions du péché, à la manière des saints et des saintes de tous les temps, ne semblent plus comprises aujourd’hui de tout le monde. D’après certains, les chrétiens, et spécialement les prêtres ne doivent plus être des séparés comme autrefois, mais être présents au monde : il leur faut affronter le risque et exposer leur chasteté pour la mettre à l’épreuve. Les jeunes clercs doivent tout regarder pour s’habituer à tout voir sans trouble et pour s’immuniser ainsi contre n’importe quelle tentation ; on les autorise aisément à fixer sans vergogne tout ce qui tombe sous leurs yeux, à fréquenter les cinémas, et même pour y voir des films interdits par les censeurs ecclésiastiques, à feuilleter n’importe quels périodiques, à lire des romans, fussent-ils obscènes. On leur concède tout cela sous prétexte qu’aujourd’hui la plupart des gens se repaissent de ces spectacles et de ces publications et qu’il faut comprendre leur façon de penser et de sentir pour les aider. Il est facile de voir combien une telle manière de former le clergé et de le préparer à la sainteté de sa mission est fausse et dangereuse : " Celui qui aime le danger y tombera " (Si 3, 27). L’admonition de saint Augustin est toujours aussi opportune en la matière : " Ne dites pas que vos âmes sont chastes si vos yeux ne le sont pas, car un oeil impur est le messager d’un coeur impur ".

Cette funeste méthode repose sur une grave confusion. Le Seigneur a bien dit de ses apôtres : " Je les ai envoyés dans le monde " (Jn 17, 18), mais il venait d’affirmer auparavant : " Ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde " et il avait prié son Père : " Je ne te demande pas de les retirer du monde, mais de les garder du mal " (Jn 17, 15-16). L’Église, mue par ces principes, a pris de très sages mesures pour préserver les prêtres vivant dans le monde des tentations qui les entourent ces normes ont pour but de mettre la sainteté de leur vie à l’abri des soucis et des divertissements propres aux laïcs.

A plus forte raison faut-il séparer les jeunes clercs de l’agitation du siècle pour les former à la vie spirituelle et à la perfection sacerdotale et religieuse, avant de les engager dans les luttes de la vie. Aussi doivent-ils rester longtemps au séminaire ou au scolasticat et y recevoir une éducation soignée, apprenant peu à peu et avec prudence à prendre contact avec les problèmes de notre temps. Quel jardinier exposerait jamais de jeunes plantes d’espèce rare aux intempéries sous prétexte de les éprouver ? Or les séminaristes, les novices sont des plantes jeunes et délicates à protéger et aguerrir progressivement.

 

Une pudeur délicate

Les éducateurs de la jeunesse cléricale feraient bien mieux d’inculquer à ces jeunes gens les lois de la pudeur chrétienne. Cette vertu n’est-elle pas la gardienne de la virginité et la prudence de la chasteté ? Elle devine le danger et inspire la fuite dans les occasions où de moins prudents s’exposent. La pudeur n’aime pas les paroles déshonnêtes et déteste la tenue immodeste ; elle garde d’une familiarité suspecte avec les personnes de l’autre sexe, car elle remplit l’âme d’un profond respect pour le Corps, ce membre du Christ, ce temple du Saint-Esprit.

L’âme vraiment pudique a horreur du moindre péché d’impureté et se retire au premier éveil de la séduction.

La pudeur suggère encore aux parents et aux éducateurs les termes appropriés à la conscience des jeunes en matière de pureté. Certes, comme nous le rappelions récemment, " cette pudeur ne doit pas être confondue avec un silence absolu allant jusqu’à exclure de la formation morale toute manière prudente et réservée d’en parler ". Cependant, trop souvent, de nos jours, certains éducateurs se croient obligés d’initier les âmes innocentes aux secrets de la procréation d’une façon qui offense la pudeur. Or celle-ci impose précisément une juste mesure.

 

nourrie de crainte de Dieu et d’humilité

La pudeur se nourrit de la crainte de Dieu, cette crainte filiale qui se base sur une profonde humilité et qui inspire l’horreur du moindre péché. Notre prédécesseur saint Clément 1er l’affirmait déjà : " Celui qui est chaste dans sa chair ne s’en vante pas, conscient de tenir d’un autre le don de la continence ". Personne n’a sans doute mieux montré que saint Augustin l’importance de l’humilité chrétienne pour la sauvegarde de la virginité : " La continence perpétuelle et, beaucoup plus encore, la virginité est un si grand bien chez les saints de Dieu qu’il faut empêcher avec une extrême vigilance sa corruption par l’orgueil, ce voleur qui le déroberait. Ce bien de la virginité, nul ne le garde que Dieu qui l’a donné ; et Dieu est charité. La gardienne de la virginité, c’est donc la charité, mais la demeure de cette gardienne, c’est l’humilité ".

La prière et les sacrements

Ce n’est pas tout : pour conserver la chasteté, la vigilance et la pudeur ne suffisent pas. Il faut aussi recourir aux moyens surnaturels : la prière, les sacrements de pénitence et d’eucharistie, une ardente piété à l’égard de la très sainte Vierge.

La chasteté parfaite, ne l’oublions pas, est un don de Dieu. " Il a été donné à ceux qui l’ont demandé, remarque saint Jérôme, à ceux qui l’ont voulu, à ceux qui ont travaillé pour le recevoir. Car quiconque demande reçoit, qui cherche trouve et à qui frappe on ouvrira ". De la prière, ajoute saint Ambroise, dépend la fidélité des vierges à leur Époux divin. Et, comme l’enseigne saint Alphonse de Liguori, aucun moyen n’est plus nécessaire et plus sûr pour vaincre les tentations contre la chasteté qu’un recours immédiat à Dieu.

A la prière il faut ajouter la pratique fervente et fréquente du sacrement de pénitence : c’est un remède spirituel qui purifie et guérit. Il faut encore se nourrir de l’eucharistie : notre prédécesseur Léon XIII la désignait comme le meilleur " remède contre la concupiscence ". Plus une âme est chaste, plus elle a faim de ce pain, où elle puise la force contre toute séduction impure et par lequel elle s’unit plus intimement à son divin Époux : " Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui " (Jn 6, 57).

 

La dévotion à la sainte Vierge

Mais, pour garder et entretenir la chasteté, il existe un moyen dont l’expérience des siècles montre toujours mieux la valeur insigne : une forte et ardente dévotion à la sainte Vierge. D’une certaine façon, tous les autres moyens se résument dans cette dévotion : quiconque s’en inspire sincèrement et profondément est poussé à veiller et à prier, à s’approcher du tribunal de la pénitence et de la sainte table. Aussi exhortons-nous d’un coeur paternel les prêtres, les religieux et les religieuses à se mettre sous la protection de la sainte Mère de Dieu : Vierge des vierges, elle est, selon le mot de saint Ambroise, " la maîtresse de la virginité ", la Mère très puissante des âmes consacrées à Dieu.

La virginité est entrée dans le monde par elle, remarque saint Athanase, et " la dignité virginale a commencé avec la Mère de Dieu ", précise saint Augustin. Après saint Athanase encore, saint Ambroise propose en exemple aux vierges la vie de la Vierge Marie : " Imitez-la, ô filles... Que la vie de Marie vous présente comme en un miroir la beauté de la chasteté et l’idéal de la vertu. Puisez en elle l’exemple de votre vie vous y trouverez ce que vous devez corriger, copier, conserver... Elle est l’image de la virginité. Marie fut telle que sa vie à elle seule suffit à l’enseignement de tous... Que Marie elle-même règle notre vie ". " Si grande était sa grâce qu’elle ne gardait pas celle de virginité pour elle, mais qu’à tous ceux qui l’approchaient, elle donnait le privilège de la chasteté. Saint Ambroise avait bien raison de s’écrier : " O richesse de la virginité mariale ! " Et il est encore bien utile aux vierges d’aujourd’hui, comme aux religieux et aux prêtres, de contempler la virginité de Marie pour observer avec plus de fidélité et de perfection la chasteté de leur état.

La méditation des vertus de la bienheureuse Vierge Marie ne vous suffit pourtant pas, très chers fils et filles recourez à elle avec une confiance absolue et suivez le conseil de saint Bernard : " Cherchons la grâce et cherchons-la par Marie ". Et, tout spécialement en cette année mariale, confiez-lui le soin de votre vie spirituelle et de votre perfection, à l’imitation de saint Jérôme : " Pour moi, la virginité est consacrée en Marie et dans le Christ ".

LA CHASTETÉ DANS LA VIE RELIGIEUSE

Un grand don à garder fidèlement - Vat. II, D Perfectae caritatis, 28 oct. 1965

La chasteté pour le royaume des cieux, dont les religieux font profession, doit être regardée comme un grand don de la grâce. Elle libère singulièrement le coeur de l’homme pour qu’il brûle de l’amour de Dieu et de tous les hommes ; c’est pourquoi elle est un signe particulier des biens célestes, ainsi qu’un moyen très efficace pour les religieux de se consacrer sans réserve au service divin et aux oeuvres de l’apostolat. Ils évoquent ainsi aux yeux de tous les fidèles cette admirable union établie par Dieu et qui doit être pleinement manifestée dans le siècle futur, par laquelle l’Église a le Christ comme unique Époux

Que les religieux donc, soucieux de la fidélité à leur profession, croient aux paroles du Seigneur et, confiants dans le secours de Dieu, qu’ils ne présument pas de leurs forces et pratiquent la mortification et la garde des sens. Qu’ils ne négligent pas non plus les moyens naturels propices à la santé de l’âme et du corps. De cette façon, ils ne se laisseront pas émouvoir par les fausses théories qui présentent la continence parfaite comme impossible ou nuisible à l’épanouissement humain ; et, comme par un instinct spirituel, ils repousseront tout ce qui peut mettre en péril la chasteté. Tous se souviendront, surtout les supérieurs, que cette vertu se garde plus facilement lorsqu’il y a entre les sujets une véritable charité fraternelle dans la vie commune.

Etant donné que l’observance de la continence parfaite intéresse intimement des inclinations particulièrement profondes de la nature humaine, les candidats à la profession de la chasteté ne doivent s’y décider ou y être admis qu’après une probation vraiment suffisante et s’ils ont la maturité psychologique et affective nécessaires. On ne se contentera pas de les prévenir des dangers qui menacent cette vertu, mais on les formera de manière qu’ils assument le célibat consacré à Dieu en l’intégrant au développement de leur personnalité.

Un charisme d’oblation et d’immolation au Christ - Paul VI, aux religieux et religieuses, 2 fév. 1975

Dans la rencontre d’aujourd’hui avec Marie, la Vierge Mère du Christ, s’éclaire dans notre conscience le choix libre et souverain de notre célibat, de notre virginité. Celle-ci, dans son origine et son inspiration, est plus un charisme qu’une vertu. Nous pouvons dire avec le Christ : " Tous ne comprennent pas ce langage, mais seulement ceux à qui cela est donné " (Mt 19, 11). " Il y a dans l’homme, dit saint Thomas, des attitudes supérieures auxquelles il est poussé par une influence divine " ; ce sont les " dons ", les charismes, qui le guident moyennant un instinct supérieur d’inspiration divine. C’est la vocation ; la vocation à la virginité consacrée, au célibat sacré. Lorsqu’on la comprend et qu’on l’accueille, cette vocation emplit le coeur d’un amour si surabondant qu’au prix de sacrifices, certes, mais des sacrifices faciles et joyeux, il est affranchi de l’amour naturel, de la passion sensible, et il fait de la virginité une inépuisable contemplation qui comble son ardente aspiration. Et cet amour, comme aucun autre, s’exprime dans le don, dans le service, dans le sacrifice de soi pour des frères que l’on ne connaît pas, mais qui ont besoin d’un ministère d’amour imitant et, autant qu’il est possible, égalant celui du Christ pour les hommes.

Ces choses-là se vivent plus qu’elles ne se décrivent. Vous le savez bien, vous, frères et sœurs qui êtes immolés au Christ. Aujourd’hui vous êtes venus ici pour exprimer dans la prière et dans le symbole ce merveilleux programme de vie dans le Christ, avec l’expression incisive de saint Paul : " Pour moi, vivre c’est le Christ " (Ph 1, 21). Et nous, au lieu de recevoir de vos mains, comme d’habitude, le cierge béni, symbole d’une immolation qui en se consumant répand la lumière autour d’elle, nous vous le donnerons. Nous vous le donnerons pour honorer votre oblation au Seigneur et à son Église, pour confirmer votre joyeuse promesse, pour allumer en vous cet amour que même la mort ne peut éteindre.

Un lien d’amour unique et indissoluble - Pie XII, aux religieuses hospitalières, 27 avril 1957

C’est une vérité de foi, encore récemment énoncée par nous dans l’encyclique Sacra virginitas, que la virginité est supérieure à l’état matrimonial, parce que l’âme vierge noue des liens d’amour absolu et indissoluble directement avec Dieu, avec le Dieu incarné, Jésus-Christ. En effet, tout ce qu’elle a reçu en don de Dieu pour être épouse et mère, elle le lui offre en holocauste sur l’autel d’un renoncement complet et éternel. Pour arriver au coeur de Dieu, l’aimer et en être aimée, l’âme ne passe pas à travers d’autres cœurs, elle ne s’arrête pas à traiter avec d’autres créatures ; rien ne s’interpose entre elle et Jésus, aucun obstacle, aucun diaphragme.

En revanche, dans le mariage, tout en étant un vrai sacrement, une des sept sources de grâce instituées par le Christ lui-même, tout en comportant l’offrande réciproque des deux époux, tout en arrivant à une vraie fusion de et de destins, il y a, à l’égard de Dieu, quelque chose qui est retenu, qui n’est pas du tout donné ou n’est pas donné complètement. Seules les âmes vierges offrent ce qui pour d’autres créatures aimantes est un but inaccessible : pour elles le premier gradin de leur montée est également le dernier, et le terme de l’ascension est à la fois un sommet et un abîme de profondeur.

Appelées par Dieu, en vertu d’un ineffable dessein d’amour, à cet état de prédilection, vous devez être de fait, sans égard à n’importe quel sacrifice, ce que vous êtes de droit.

Vous devez être de vraies épouses du Seigneur des âmes unies indissolublement, intimement et uniquement à lui, des âmes sans tache, détachées du monde des sens, du monde de l’argent, du monde des vanités. Et nous reconnaissons volontiers qu’un très grand nombre de sœurs répondent pleinement à l’idéal de leur vocation ou, tout au moins, s’en approchent grandement. Oh ! si elles étaient toutes ainsi, toutes les religieuses qu’il y a dans le monde ! Si parmi elles, il n’y avait jamais — nous ne dirons pas de trahisons — mais même pas les moindres indices d’infidélité, les moindres signes d’indifférence, de froideur et d’incompréhension ! Dieu seul sait quelle vitalité nouvelle et quelle fécondité trouverait l’Église. Et ce sont surtout les malades confiés à vos soins, qui s’en rendraient compte et qui verraient toujours vraiment en vous Jésus-Christ. Afin qu’une telle vie religieuse ne soit pas mise en danger ou gâtée par votre oeuvre d’assistance des malades, vous devez réagir contre tout ce qui s’oppose à l’esprit de consécration absolue et permanente à Dieu.

 

Une appartenance radicale à défendre et à développer - Jean Paul II, aux Sœurs de St Vincent-de-Paul, 11 janv. 1980

Monsieur Vincent et mademoiselle Legras vous disent pour vous stimuler : " Contemplez nôtre Seigneur Jésus-Christ. " Ces deux grands saints de la charité vous adjurent avec tendresse et fermeté de défendre et de développer votre appartenance radicale à Jésus-Christ, selon les promesses que vous renouvelez chaque année le 25 mars. La chasteté à cause du Christ et de l’Évangile, en est le signe plus profond. Et loin d’être une aliénation de la personne il est une étonnante promotion des capacités et des besoins de maternité de toute femme. Vous êtes mères. Vous collaborez à la protection, à l’orientation, à l’épanouissement, à la guérison, à l’achèvement paisible de tant de vies humaines, au plan physique, moral et religieux. Voyez toujours votre célibat consacré comme un chemin de vie pour les autres, et révélez ce secret aux jeunes qui hésitent à entreprendre la voie que vous avez suivie.

 

Suivre le Christ dans l’imitation de sa chasteté - Jean Paul II, aux religieuses à Paris, 31 juin 1980

Jusqu’au soir de votre vie, demeurez dans l’émerveillement et l’action de grâces pour l’appel mystérieux qui retentit un jour au fond de votre coeur : " Suis-moi ", " Vends tout ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux ; puis viens, suis-moi " (Mt 19, 21). Vous avez d’abord porté cet appel comme un secret, puis vous l’avez soumis au discernement de l’Église. C’est en effet un bien grand risque de tout laisser pour suivre le Christ. Mais déjà vous sentiez — et vous avez expérimenté depuis — qu’il était capable de combler votre coeur. La vie religieuse est une amitié, une intimité d’ordre mystique avec le Christ. Votre itinéraire personnel doit être comme une réédition originale du célèbre poème du Cantique des Cantiques. Chères sœurs, dans le coeur à coeur de l’oraison, absolument vitale pour chacune de vous, comme à l’occasion de vos divers engagements apostoliques, écoutez le Seigneur vous murmurer le même appel : " Suis-moi ". L’ardeur de votre réponse vous maintiendra dans la fraîcheur de votre première oblation. Vous irez ainsi de fidélité en fidélité.

Suivre le Christ est bien autre chose que l’admiration d’un modèle, même si vous avez de bonnes connaissances des Écritures et de la théologie. Suivre le Christ est quelque chose d’existentiel. C’est vouloir l’imiter au point de se laisser configurer à lui, assimiler à lui, au point de lui être, selon les paroles de sœur Elisabeth de la Trinité, " une humanité de surcroît ". Et cela dans son mystère de chasteté, de pauvreté et d’obéissance.

La chasteté religieuse, c’est véritablement vouloir être comme le Christ ; toutes les raisons que l’on peut avancer par ailleurs s’évanouissent devant cette raison essentielle : Jésus était chaste. Cet état du Christ était non seulement un dépassement de la sexualité humaine, préfigurant le monde futur, mais également une manifestation, une " épiphanie " de l’universalité de son oblation rédemptrice. Évangile ne cesse de montrer comment Jésus a vécu la chasteté. Dans ses relations humaines, singulièrement élargies par rapport aux traditions de son milieu et de son époque, il rejoint parfaitement la personnalité profonde de l’autre. Sa simplicité, son respect, sa bonté, son art de susciter le meilleur dans le coeur des personnes rencontrées, bouleversent la Samaritaine, la femme adultère et tant d’autres gens. Puisse votre vœu de virginité consacrée, approfondi et vécu dans le mystère de la chasteté du Christ, et qui transfigure déjà vos personnes, vous pousser à rejoindre en vérité vos frères et sœurs en humanité, dans les situations concrètes qui sont les leurs ! Tant de gens, dans notre monde, sont comme égarés, écrasés, désespérés ! Dans la fidélité aux règles de prudence, faites-leur sentir que vous les aimez à la manière du Christ, en puisant dans son coeur la tendresse humaine et divine qu’il leur porte.

 

LA FORMATION APPROPRIÉE AU CÉLIBAT SACERDOTAL

Nécessité d’une longue préparation - Pie XII, EA Menti nostrae, 23 sept. 1950

Toute diligence et sollicitude doivent être employées afin que les séminaristes apprécient hautement, aiment et gardent la chasteté : le choix de l’état sacerdotal et la persévérance dépendent en grande partie d’une telle vertu. Comme celle-ci est exposée dans la vie courante à de graves dangers, elle doit être depuis longtemps et solidement enracinée dans l’âme de ceux qui recevront la dignité sacerdotale. On éclairera donc les séminaristes sur la nature du célibat ecclésiastique, de la chasteté qu’ils doivent observer, et sur les obligations qu’elle comporte ; et on les instruira également des périls qu’ils peuvent rencontrer. On leur recommandera de se défendre contre ces derniers dès la tendre enfance, recourant fidèlement aux moyens recommandés par les maîtres de la spiritualité chrétienne pour freiner les passions ; parce que plus ferme et plus efficace sera la maîtrise des passions, plus l’âme pourra progresser dans les autres vertus et plus abondants seront les fruits du ministère sacerdotal. Si un clerc montrait sur ce point des tendances mauvaises et s’il ne s’en corrigeait pas durant un certain temps de probation, il faudrait absolument lui faire quitter le séminaire avant qu’il accède aux ordres sacrés.

Normes données par le Concile - Vat. II, D. Optatam, 28 oct. 1965

Les séminaristes qui, selon les lois toujours en vigueur dans leur propre rite, observent la tradition vénérable du célibat sacerdotal, seront très soigneusement préparés à cet état où, à cause du royaume des cieux, ils renoncent à la vie conjugale pour s’attacher au Seigneur par un amour sans partage, intimement conforme à la Nouvelle Alliance, ils portent témoignage à la résurrection du monde à venir et ils trouvent une aide puissante leur permettant d’exercer sans relâche la charité parfaite par laquelle ils peuvent se faire tout à tous dans leur ministère sacerdotal. Qu’ils sachent bien avec quel coeur reconnaissant cet état doit être embrassé, non seulement comme une prescription de la loi de l’Église, mais comme un don précieux qui doit être humblement demandé à Dieu, un don auquel ils s’empresseront de répondre librement et généreusement, avec l’inspiration et l’aide de la grâce de l’Esprit Saint.

Les séminaristes doivent connaître comme il se doit les devoirs et la dignité du mariage chrétien, qui représente l’amour mutuel du Christ et de l’Église. Mais ils doivent avoir conscience de la prééminence de la virginité consacrée au Christ, de sorte que s’ils décident de se consacrer totalement au Seigneur, corps et âme, ce soit par un choix généreux et mûrement réfléchi.

Qu’ils soient avertis des dangers qui, surtout dans la société contemporaine, menacent leur chasteté ; qu’avec les secours voulus, divins et humains, ils apprennent à assumer leur renoncement au mariage, de telle sorte que non seulement leur vie et leur activité ne souffrent nullement de leur célibat, mais qu’eux-mêmes en tirent une plus parfaite maîtrise de leur coeur et de leur corps, un meilleur épanouissement de leur maturité et une vue plus claire de la béatitude promise par l’Évangile.

à appliquer en tenant compte de l’évolution de la société - Paul VI, LE Sacerdotalis coelibatus, 24 juin 1967

La réflexion sur la beauté, l’importance et la profonde convenance de la virginité sacrée pour les ministres du Christ et de l’Église impose aussi à celui qui y remplit les fonctions de maître et de pasteur le devoir d’en assurer et d’en promouvoir l’observance dès l’instant où commence la préparation à l’accueil d’un don aussi précieux.

De fait, les difficultés et les problèmes qui rendent à certains l’observance du célibat malaisée, ou même impossible, découlent maintes fois d’une formation sacerdotale qui, par suite des profondes transformations de ces derniers temps, n’est plus tout à fait apte à former une personnalité digne d’un homme de Dieu.

Le second concile oecuménique du Vatican a déjà donné sur ce point des principes et des normes très sages, qui mettent à profit notamment les progrès de la psychologie et de la pédagogie et qui tiennent compte de l’évolution de la condition des hommes et de la société contemporaine. Nous voulons que des instructions soient publiées au plus tôt, dans lesquelles le thème sera traité avec toute l’ampleur qui s’impose et en faisant appel à la collaboration d’experts, de manière à fournir une aide qualifiée et opportune à ceux qui ont dans l’Église la très lourde charge de former les futurs prêtres.

 

L’autorité de l’Église et la réponse personnelle à la vocation

Le sacerdoce est un ministère institué parle Christ au service de son Corps mystique qui est l’Église : c’est donc à l’autorité de celle-ci qu’il appartient d’appeler au sacerdoce ceux qu’elle juge aptes, c’est-à-dire ceux à qui Dieu a accordé, en plus des autres signes de la vocation ecclésiastique, le charisme du célibat sacré.

En vertu de ce charisme, corroboré par la loi canonique, l’homme est appelé à donner sa réponse par une décision libre et dans un don total de lui-même, en subordonnant son propre moi au bon plaisir de Dieu qui l’appelle. Concrètement, la vocation divine se manifeste dans un individu déterminé, ayant sa propre structure personnelle, à laquelle la grâce n’a pas l’habitude de faire violence. Chez le candidat au sacerdoce, on doit donc développer le sens de l’accueil du don divin et de la disponibilité à l’égard de Dieu, en donnant une importance essentielle aux moyens surnaturels.

 

Examen sérieux des aptitudes

Mais en même temps, il est nécessaire de tenir exactement compte de l’état biologique et psychologique du candidat pour pouvoir le guider et l’orienter vers l’idéal du sacerdoce. Une formation vraiment appropriée doit donc coordonner harmonieusement le plan de la grâce et celui de la nature chez un sujet dont on connaisse clairement les conditions réelles et les capacités effectives. Dès qu’apparaissent les signes d’une vocation, on devra étudier avec le plus grand soin les conditions réelles du sujet, sans se contenter d’un examen rapide et superficiel, en recourant aussi, le cas échéant, à l’assistance et à l’aide d’un médecin ou d’un psychologue compétent. L’on ne devra pas omettre de faire une enquête sérieuse sur les antécédents familiaux du candidat, afin de s’assurer de son aptitude également sous cet aspect très important des facteurs héréditaires.

Les sujets qui ont été reconnus physiquement et psychiquement ou moralement inaptes doivent être aussitôt écartés de la voie du sacerdoce : il s’agit là d’un très grave devoir qui incombe aux éducateurs. Ceux-ci doivent en avoir conscience ; ils ne doivent pas s’abandonner à de fallacieux espoirs et à de dangereuses illusions, ni permettre d’aucune façon au candidat de nourrir des illusions semblables, vu les conséquences dommageables qui en résulteraient pour le sujet lui-même et pour l’Église. Une vie qui, comme celle du prêtre gardant le célibat, comporte un si total et si intime engagement dans toute sa structure intérieure et extérieure, exclut en effet les sujets insuffisamment équilibrés au point de vue psychophysiologique et moral ; et l’on ne peut prétendre que, en ce domaine, la grâce supplée la nature.

 

Développement de la personnalité par une éducation adéquate

Une fois que l’aptitude du sujet a été reconnue et que celui-ci a été admis à parcourir l’itinéraire qui le conduira jusqu’au sacerdoce, l’on devra avoir soin de développer progressivement sa personnalité par l’éducation physique, intellectuelle et morale, de façon à lui faire acquérir le contrôle et la maîtrise personnelle des instincts, des sentiments et des passions.

Une preuve du développement de la personnalité est la fermeté de caractère avec laquelle on accepte une discipline personnelle et communautaire, comme celle qui est exigée par la vie sacerdotale. Cette discipline —dont l’absence ou l’insuffisance est regrettable, car elle expose à de graves dangers — ne doit pas être seulement supportée comme quelque chose d’imposé de l’extérieur, mais elle doit pour ainsi dire être intériorisée et insérée dans l’ensemble de la vie spirituelle comme un élément indispensable.

L’éducateur mettra tout son savoir-faire à cultiver chez les jeunes la vertu très évangélique de la sincérité et de la spontanéité ; il favorisera donc les bonnes initiatives personnelles pour que le sujet apprenne à se connaître et à se juger, à assumer en connaissance de cause ses propres responsabilités et à acquérir la maîtrise de soi qui est d’une souveraine importance dans l’éducation du futur prêtre.

L’exercice de l’autorité, dont on doit maintenir fermement le principe dans tous les cas, s’inspirera d’une sage modération et d’une attitude pastorale ; il se pratiquera dans un climat de dialogue et dans un entraînement graduel, ce qui permettra à l’éducateur de comprendre de façon toujours plus pénétrante la psychologie du séminariste et, en faisant appel à la conviction personnelle, donnera à toute l’œuvre éducative un caractère éminemment convaincant et positif.

 

permettant un engagement libre et réfléchi

La formation intégrale du candidat au sacerdoce doit viser à lui permettre de prendre avec une âme pacifiée, un coeur convaincu et libre, les graves engagements qu’il se devra d’assumer en sa propre conscience, devant Dieu et devant l’Église.

L’ardeur et la générosité sont d’admirables qualités de la jeunesse ; quand elles sont éclairées et bien soutenues, ces vertus lui méritent, avec les bénédictions du Seigneur, l’admiration et la confiance de l’Église et de tous les hommes. Aux jeunes, on ne cachera aucune des réelles difficultés d’ordre personnel ou social que leur choix leur occasionnera, afin de purifier leur enthousiasme de ce qu’il aurait de superficiel et d’illusoire. Mais, en même temps que les difficultés, il sera juste de mettre en relief avec non moins de vérité et de netteté la grandeur et la noblesse du choix qu’ils s’apprêtent à faire, car s’il provoque dans la personne humaine un certain manque au plan physiologique et psychique, ce choix lui apporte d’un autre côté une plénitude intérieure capable de sublimer son être profond.

 

Nécessité d’une ascèse rigoureuse

Les jeunes doivent acquérir la conviction que le chemin sur lequel ils s’engagent est difficile et qu’ils ne pourront le parcourir sans une ascèse particulière, propre aux aspirants au sacerdoce et plus rigoureuse que celle à laquelle sont tenus tous les autres fidèles. Une ascèse sévère, mais qui ne doit pas écraser le sujet, une ascèse constituée par la pratique réfléchie et assidue des vertus qui font d’un homme un prêtre : un très profond renoncement à soi-même — condition essentielle pour suivre le Christ (Mt 16, 24 ;Jn 12, 25), — l’humilité et l’obéissance comme expression de vérité intérieure et de liberté ordonnée ; la prudence et la justice, la force et la tempérance, vertus indispensables pour le développement d’une vraie et profonde vie religieuse ; le sens de responsabilité, de fidélité et de loyauté dans la façon d’assumer ses propres engagements ; le maintien d’un équilibre harmonieux entre la contemplation et l’action le détachement et l’esprit de pauvreté, qui donnent force et vigueur à la liberté évangélique ; la chasteté, résultat d’un combat persévérant, s’harmonisera avec toutes les autres vertus naturelles et surnaturelles ; les contacts sereins et confiants établis avec le monde au service duquel le candidat se consacrera par amour du Christ et pour l’avènement de son règne.

De cette manière, l’aspirant au sacerdoce acquerra, avec l’aide de la grâce divine, une forte personnalité, bien équilibrée et douée de maturité, heureuse synthèse des éléments innés et acquis, harmonieuse coordination de toutes les facultés sous la lumière de la foi et de l’union intime avec le Christ, qui l’a choisi afin qu’il soit à lui et se consacre au ministère du salut du monde.

Une maturité humaine et surnaturelle éprouvée et garantie

Cependant, pour arriver à une plus grande certitude dans le jugement à porter sur l’aptitude d’un jeune à l’égard du sacerdoce et pour obtenir avec le cours des années, la preuve qu’il a atteint sa maturité humaine et surnaturelle, compte tenu par ailleurs du fait que, quand on se livre à l’apostolat, il est plus difficile de bien se comporter à cause des périls extérieurs, il sera utile que pendant certaines périodes d’essai l’engagement dans le célibat soit mis à l’épreuve, avant que ce dernier ne devienne stable et définitif avec le presbytérat.

Une fois obtenue la certitude morale que la maturité du candidat offre des garanties suffisantes, celui-ci sera en mesure d’assumer le grave et doux engagement de la chasteté sacerdotale, comme don total de soi-même au Seigneur et à son Église.

De cette manière, l’obligation du célibat, qui, par la volonté de l’Église, est objectivement liée à l’ordination sacrée, devient une obligation personnelle propre au sujet, assumée sous l’action de la grâce divine, en pleine connaissance de cause et de liberté, mais, évidemment, non sans les conseils prudents et sages de directeurs spirituels compétents, qui ne visent pas à imposer, mais à rendre plus consciente la grande et libre option. Dans ce moment solennel, qui décidera pour toujours de l’orientation de toute sa vie, le candidat sentira non la pression d’une injonction extérieure, mais la joie intime qui découle d’un choix fait par amour du Christ.

LA CHASTETÉ SACERDOTALE GARDÉE ET VÉCUE

Un trésor inestimable à conserver intégralement - Pie XII, EA Menti nostrae, 23 sept. 1950

Le prêtre a, comme champ de son activité, tout ce qui se rattache à la vie surnaturelle et il est l’organe de transmission et de développement de cette vie dans le Corps mystique du Christ. Par conséquent, il est nécessaire qu’il renonce à " tout ce qui est du monde " pour s occuper seulement de ce " qui est du Seigneur " (1 Co 7, 32). Et c’est justement parce qu’il doit être libre des préoccupations de ce monde pour se consacrer entièrement au service divin, que l’Église a établi la loi du célibat afin que soit toujours plus manifeste à tous que le prêtre est le ministre de Dieu et le père des âmes. Par la loi du célibat, le prêtre, non seulement ne perd pas le don et la charge de la paternité, mais il l’accroît à l’infini, puisque, s’il ne donne pas à des fils cette vie terrestre et périssable, il les engendre pour la vie céleste et éternelle.

Ainsi, plus resplendit la chasteté sacerdotale, plus le prêtre devient, uni à Jésus-Christ, " Hostie pure, hostie sainte, hostie immaculée.

Pour conserver dans toute son intégrité ce trésor inestimable de la pureté sacerdotale, il faut suivre religieusement cette exhortation du prince des apôtres que chaque jour nous répétons dans l’office divin Soyez sobres et veillez " (1 P 5, 8).

Oui, veillez, très chers fils, parce que la chasteté sacerdotale est exposée à de nombreux périls, soit par le dérèglement des mœurs, soit par les attaques du vice qui sont si fréquentes et si insidieuses, soit enfin par cette liberté excessive qui s exerce toujours plus dans les rapports entre les deux sexes et qui tente de s’introduire aussi dans l’exercice du saint ministère.

" Veillez et priez " (Mc 14, 38), en vous rappelant que vos mains touchent les choses les plus saintes, que vous êtes consacrés à Dieu et que vous ne devez servir que lui. L’habit même que vous portez vous avertit que vous ne devez pas vivre pour le monde mais pour Dieu. Employez-vous donc avec ardeur et générosité, sous la protection de la Vierge, Mère de Dieu, à vous conserver toujours sans souillure et sans tache, purs, chastes, comme il convient aux ministres du Christ et aux dispensateurs des mystères de Dieu.

 

L’exemple du saint curé d’Ars - Jean XXIII, LE Sacerdotii nostri primordia, 31 juil. 1959

Saint Jean-Marie Vianney, pauvre dans ses biens, fut également mortifié en sa chair. " Il n’y a qu’une manière de se donner à Dieu dans l’exercice du renoncement et du sacrifice, disait-il, c’est de se donner tout entier. " Et toute sa vie, il pratiqua, à un degré héroïque, l’ascèse de la chasteté.

Son exemple sur ce point apparaît d’une particulière opportunité, car en bien des régions, hélas ! les prêtres sont tenus de vivre, en raison même de leur charge, dans un monde où règne une atmosphère d’excessive liberté et de sensualité. Et le mot de saint Thomas n’est pour eux que trop vrai : " Il est parfois plus difficile de vivre vertueusement en ayant charge d’âmes, en raison des dangers extérieurs ". Souvent, au surplus, ils sont moralement seuls, peu compris, peu soutenus par les fidèles auxquels ils se dévouent. A tous, aux plus isolés et aux plus exposés surtout, nous adressons ici un appel très pressant pour que leur vie entière soit un pur témoignage rendu à cette vertu que saint Pie X appelait " le plus bel ornement de notre ordre ". Et nous vous recommandons avec une vive insistance, vénérables frères, de procurer à vos prêtres, dans toute la mesure du possible, des conditions d’existence et de travail qui soutiennent leur générosité. Il faut à tout prix combattre les périls de l’isolement, dénoncer les imprudences, écarter les tentations de l’oisiveté ou les risques de surmenage. Qu’on se souvienne également à cet égard des magnifiques enseignements de notre prédécesseur dans l’encyclique Sacra virginitas.

" La chasteté brillait dans son regard ", a-t-on dit du curé d’Ars. En vérité, qui se met à son école est saisi non seulement par l’héroïsme avec lequel ce prêtre réduisit son corps en servitude, mais aussi par l’accent de conviction avec lequel il réussissait à entraîner à sa suite la foule de ses pénitents. C’est qu’il savait, par une longue pratique du confessionnal, les ravages des péchés de la chair : " S’il n’y avait pas quelques âmes pures pour dédommager le bon Dieu, soupirait-il... , vous verriez comme nous serions punis ! " Et, parlant d’expérience, joignait à son appel un encouragement fraternel : " La mortification a un baume et des saveurs dont on ne peut plus se passer quand on les a une fois connus... Dans cette voie, il n’y a que le premier pas qui coûte. "

Cette ascèse nécessaire de la chasteté, loin de refermer le prêtre dans un stérile égoïsme, rend son coeur plus ouvert et plus disponible à tous les besoins de ses frères : " Lorsque le coeur est pur, disait magnifiquement le curé d’Ars, il ne peut pas se défendre d’aimer, parce qu’il a retrouvé la source de l’amour qui est Dieu. "

Quel bienfait pour la société humaine d’avoir ainsi au milieu d’elle des hommes qui, libres des sollicitudes temporelles, se consacrent entièrement au service de Dieu et donnent à leurs frères leur vie, leurs pensées et leurs forces ! Quelle grâce pour l’Église que des prêtres fidèles à cette haute vertu ! Avec Pie XI, nous la considérons comme la gloire la plus pure du sacerdoce catholique, elle qui nous semble " la meilleure réponse aux désirs du Cœur de Jésus et à ses desseins sur les âmes sacerdotales ". N’est-ce pas à ce même dessein de la charité divine que pensait le saint curé d’Ars, quand il s’écriait : " Le sacerdoce, c’est l’amour du Cœur de Jésus. "

 

Une laborieuse conquête à poursuivre tous les jours - Paul VI, LE Sacerdotalis coelibatus, 24 juin 1967

Le prêtre ne doit pas croire que l’ordination lui rende tout facile et le mettre définitivement à l’abri de toute tentation ou danger. La chasteté n’est jamais acquise une fois pour toutes, mais elle est le résultat d’une laborieuse conquête à poursuivre tous les jours. Le monde de notre temps met en grand relief les valeurs positives de l’amour dans les rapports entre les sexes, mais il a aussi multiplié les difficultés et les risques en ce domaine. Il est donc nécessaire que le prêtre, pour sauvegarder avec tout le soin voulu sa chasteté et pour en affirmer la signification sublime, considère d’un regard lucide et serein sa condition d’homme engagé dans un combat spirituel contre les séductions de la chair en lui-même et dans le monde et qu’il ne cesse de renouveler sa résolution de parfaire toujours plus et toujours mieux son offrande irrévocable, qui exige de lui une fidélité totale, loyale et réaliste.

Une force et une joie nouvelles attendent le prêtre du Christ qui s’applique à approfondir chaque jour dans la méditation et la prière les motifs de sa donation et la conviction d’avoir choisi la meilleure part. Il implorera avec humilité et persévérance la grâce de la fidélité, qui n’est jamais refusée à qui la demande d’un coeur sincère, sans omettre en même temps de recourir aux moyens naturels et surnaturels dont il dispose. Et, en particulier, il ne négligera pas l’observance de ces règles ascétiques dont la valeur est garantie par l’expérience de l’Église et qui ne sont pas moins nécessaires dans le monde d’aujourd’hui que dans le passé.

 

par une vie spirituelle authentique et intense

Le prêtre doit s’appliquer avant tout à développer avec tout l’amour que la grâce lui inspire son intimité avec le Christ, s’efforçant d’en explorer l’inépuisable et béatifiant mystère ; il doit acquérir un sens toujours plus profond du mystère de l’Église, en dehors duquel son état de vie risquerait de lui apparaître déraisonnable et sans fondement.

Une piété sacerdotale, alimentée à la table de la Parole de Dieu et de la sainte eucharistie, vécue à l’intérieur du cycle annuel de la liturgie, animée par une dévotion tendre et éclairée envers la Vierge, Mère du Prêtre souverain et éternel, et Reine des apôtres, le mettra en contact avec les sources d’une authentique vie spirituelle, qui seule donne un fondement solide à l’observance de la virginité.

 

par l’accomplissement courageux et généreux du ministère sacerdotal

Avec l’aide de la grâce et dans la paix du coeur, le prêtre fera front avec grand courage aux multiples obligations de sa vie et de son ministère et il trouvera en elles, pourvu qu’elles soient remplies avec esprit de foi et avec zèle, de nouvelles occasions de manifester sa totale appartenance au Christ et à son Corps mystique pour sa propre sanctification et celle d’autrui. La charité du Christ qui le presse (2 Co 5, 14) l’aidera non pas à renoncer aux meilleurs sentiments de son âme, mais à les sublimer et à les approfondir en esprit de consécration, à l’imitation du Christ, le souverain Prêtre qui participa intimement à la vie des hommes et les aima et souffrit pour eux (He 4, 15) et à la ressemblance de l’apôtre Paul, qui faisait siens les soucis de tous (1 Co 9, 22 ; 2 Co 11, 29), pour répandre dans le monde la lumière et la puissance de l’Évangile de la grâce de Dieu (Ac 20, 24).

 

et par une ascèse vraiment virile

Justement jaloux du don total qu’il a fait au Seigneur, le prêtre doit savoir se défendre de ces inclinations du sentiment qui mettent en jeu une affectivité non suffisamment éclairée et contrôlée par l’esprit, et s’abstenir soigneusement de chercher des justifications spirituelles et apostoliques à ce qui ne serait que des entraînements dangereux du coeur.

La vie sacerdotale exige une intensité spirituelle, authentique et solidement établie, pour vivre de l’Esprit et pour se conformer à l’Esprit (Ga 5, 25), une ascèse intérieure et extérieure vraiment virile de la part de celui qui, appartenant à un titre spécial au Christ, a en lui et pour lui crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises (Ga 5, 24), et n’hésite pas pour cela à affronter de dures et longues épreuves. Le ministre du Christ pourra ainsi mieux manifester au monde les fruits de l’Esprit qui sont " charité, joie, paix, patience, bénignité, douceur, fidélité, modération, tempérance, chasteté " (Ga 5, 22-23).

 

Importance des relations fraternelles entre prêtres

La chasteté sacerdotale est également fortifiée, garantie et protégée par un genre de vie, par un milieu et par une activité qui siéent à un ministre de Dieu : il est donc nécessaire que soit développée au maximum l’intime fraternité sacramentelle qui lie tous les prêtres entre eux du fait de leur ordination sacerdotale. Le Christ notre Seigneur nous a enseigné l’importance du commandement nouveau de la charité et il en a donné un magnifique témoignage, précisément au moment où il institua le sacrement de l’eucharistie et du sacerdoce catholique et pria le Père céleste pour que l’amour avec lequel le Père l’a aimé depuis toujours fût dans ses ministres et lui-même en eux (Jn 17, 26).

Que la communion d’esprit entre les prêtres soit donc parfaite et que soient intenses les échanges de prières, de paisible amitié et d’aide mutuelle de tout genre ! On ne recommandera jamais suffisamment aux prêtres une certaine vie commune qui s’oriente tout entière vers le ministère proprement spirituel ; la pratique de rencontres fréquentes au cours desquelles ont lieu de fraternels échanges d’idées, de conseils et d’expériences entre confrères ; l’encouragement à entrer dans des associations qui favorisent la sainteté sacerdotale.

Que les prêtres réfléchissent à l’avertissement donné par le Concile qui leur rappelle leur commune participation au sacerdoce afin qu’ils se sentent vivement responsables à l’égard de leurs confrères en butte à des difficultés mettant sérieusement en danger le don divin qui est en eux. Qu’ils se sentent brûler de charité pour ces confrères qui ont davantage besoin d’amour, de compréhension, de prières, d’une aide discrète, mais efficace, et qui ont des titres pour compter sur la charité sans limite de ceux qui sont et doivent être plus que quiconque leurs vrais amis.

 

Un engagement à renouveler chaque année

Nous voudrions finalement, en guise de complément et de souvenir de notre entretien épistolaire avec vous, vénérables frères dans l’épiscopat, et avec vous, prêtres et ministres de l’autel, suggérer que chacun d’entre vous prenne la résolution de renouveler chaque année, au jour anniversaire de sa propre ordination, ou bien tous ensemble, spirituellement unis le jeudi-saint, jour de l’institution du sacerdoce, le don total et confiant au Christ notre Seigneur, afin de ranimer ainsi en vous la prise de conscience de votre élection à son divin service, et de réitérer en même temps, avec humilité et courage, la promesse de votre indéfectible fidélité à son unique amour et à votre oblation de chasteté parfaite.

 

LA RESPONSABILITÉ DE TOUT LE PEUPLE DE DIEU

Les cas douloureux de défection

Ici, c’est le coeur paternel et affectueux, non sans anxiété et beaucoup de peine, que nous nous tournons vers ces infortunés frères dans le sacerdoce, qui restent toujours nos frères très aimés et dont l’éloignement fait toujours notre regret, vers ceux-là qui, tout en conservant dans l’âme la marque du caractère sacré qui leur fut conféré par l’ordination sacerdotale, ont été ou sont malheureusement infidèles aux obligations contractées au temps de leur consécration.

Leur état lamentable et les conséquences privées et publiques qui en découlent portent certains à se demander si ce n’est pas précisément le célibat qui est responsable en quelque manière de tels drames et des scandales qui en découlent pour le peuple de Dieu. En réalité, la responsabilité retombe non sur le célibat sacré lui-même, mais sur le fait de n’avoir pas su toujours évaluer à temps de manière satisfaisante et prudente les qualités du candidat au sacerdoce, ou bien sur la façon dont les ministres sacrés vivent leur totale consécration.

 

Sollicitude maternelle de l’Église

L’Église est très sensible au triste sort de ces fils qui lui appartiennent et elle considère comme nécessaire de faire tous les efforts possibles pour prévenir ou pour guérir les maux qui lui viennent de leur défection. Suivant l’exemple de nos prédécesseurs immédiats, nous avons, nous aussi, voulu et disposé que dans les causes concernant l’ordination sacerdotale l’enquête fût étendue à des motifs très sérieux non prévus par la législation canonique actuelle, motifs qui peuvent donner lieu à des doutes fondés et réels sur la pleine liberté et responsabilité du candidat au sacerdoce et sur son aptitude à l’état sacerdotal, de manière à libérer ceux qu’un sérieux procès judiciaire fait apparaître comme n’étant vraiment pas faits pour cet état de vie.

Les dispenses qui sont éventuellement concédées, dans une proportion en vérité minime au regard du grand nombre des prêtres bons et dignes, tout en pourvoyant avec justice au bien spirituel des individus, démontrent aussi la sollicitude de l’Église pour la sauvegarde du célibat sacré et la fidélité intégrale de tous ses ministres. En l’occurrence, l’Église ne procède qu’avec tristesse, spécialement dans les cas particulièrement douloureux où le refus de porter dignement le joug suave du Christ est dû à des crises de foi ou à des faiblesses morales et où, par conséquent, il engage souvent la responsabilité de l’intéressé et suscite le scandale des fidèles. Oh ! s’ils savaient, ces prêtres, quelle peine, quel déshonneur, quelle inquiétude ils causent à la sainte Église de Dieu, s’ils réfléchissaient à la solennité et à la beauté des engagements qu’ils ont pris et aux dangers auxquels ils s’exposent en cette vie et pour la vie future, ils seraient plus prudents et plus réfléchis dans leur décision, plus assidus à la prière, plus logiques et courageux dans la prévention des causes de leur chute spirituelle et morale.

 

Une discipline à la fois sévère et miséricordieuse

L’Église manifeste un intérêt maternel particulier pour les cas des prêtres encore jeunes, qui avaient commencé avec zèle et enthousiasme leur vie de ministère. N’arrive-t-il pas facilement aujourd’hui, dans la tension de l’engagement sacerdotal, qu’ils éprouvent un moment de découragement, de doute, de passion, de folie ? C’est pourquoi l’Église veut que l’on tente, spécialement pour ces cas, tous les moyens de persuasion en vue d’aider le frère qui chancelle à retrouver la paix et la confiance, à s’engager dans la voie du repentir et de la reprise ; c’est seulement lorsque le cas ne présente aucune autre solution possible que l’infortuné ministre de l’Église est exclu de l’exercice du ministère sacerdotal.

S’il s’avère que le sujet soit irrécupérable pour le sacerdoce, mais qu’il présente cependant de sérieuses et bonnes dispositions en vue d’une vie chrétienne de laïc, le Siège apostolique, après avoir étudié toutes les circonstances et d’accord avec l’ordinaire du lieu ou avec le supérieur religieux, laissant encore l’amour l’emporter sur la douleur, concède parfois toutes les dispenses requises, non sans les accompagner de l’imposition d’œuvres de piété et de réparation, afin que demeure dans ce fils infortuné, mais toujours cher, un signe salutaire de la douleur maternelle de l’Église et un rappel plus vif du besoin que nous avons de la divine miséricorde.

Une telle discipline, sévère et miséricordieuse à la fois, s’inspirant toujours de la justice et de la vérité, d’une prudence et d’une réserve suprêmes, contribuera sans aucun doute à confirmer les bons prêtres dans les propos de vivre d’une manière irréprochable et sainte, et, pour les aspirants au sacerdoce, elle sera un avertissement qui les aidera, sous la sage direction de leurs éducateurs, à avancer vers l’autel en pleine connaissance de cause, avec un désintéressement absolu, avec le désir généreux de correspondre à la grâce divine et à la volonté du Christ et de son Église

Enfin, nous ne voulons pas manquer de remercier le Seigneur avec une joie profonde, en signalant qu’un bon nombre de ceux qui furent malheureusement infidèles pour un temps à leurs engagements ont pu, en recourant avec une émouvante bonne volonté à tous les moyens adaptés et principalement à une vie de prière intense, d’humilité, d’efforts persévérants soutenus par l’assiduité au sacrement de pénitence, retrouver par la grâce du souverain Prêtre la voie juste et redevenir, pour la joie de tous, ses ministres exemplaires.

Le rôle irremplaçable de l’évêque

Les prêtres, si chers à notre coeur, ont le droit et le devoir de trouver en vous, vénérables frères dans l’épiscopat, une aide irremplaçable et très solide pour observer plus aisément et plus heureusement les engagements qu’ils ont pris. C’est vous qui les avez acceptés et destinés au sacerdoce, c’est vous qui leur avez imposé les mains ; c’est à vous qu’ils sont unis dans la charge sacerdotale et en vertu du sacrement de l’ordre ; c’est vous qu’ils rendent présent dans la communauté de leurs fidèles ; c’est à vous qu’ils sont unis d’un coeur confiant et magnanime, prenant sur eux, selon leur degré, vos devoirs et votre sollicitude. En choisissant le célibat sacré, ils se sont réglés sur l’exemple de ce qui a été pratiqué depuis l’antiquité par les évêques d’Orient et d’Occident : cela constitue entre l’évêque et le prêtre un nouveau motif de communion et une raison de la vivre plus intimement.

Toute la tendresse de Jésus pour ses apôtres se manifesta en pleine évidence lorsqu’il les fit ministres de son corps réel et de son Corps mystique ; vous aussi, dans la personne de qui " le Seigneur Jésus-Christ, souverain Pontife, est présent au milieu des fidèles ", vous savez devoir le meilleur de votre coeur et de vos soucis pastoraux aux prêtres et aux jeunes gens qui se préparent au sacerdoce. Vous ne pourrez mieux manifester cette conviction que par le sens de votre responsabilité et par la charité sincère et inépuisable avec laquelle vous présiderez à l’éducation des séminaristes et aiderez par tous les moyens les prêtres à se maintenir fidèles à leur vocation et à leurs devoirs.

 

dans l’amitié et la confiance

Que la solitude humaine du prêtre, source assez fréquente de découragements et de tentations, soit comblée avant tout par votre présence et votre action fraternelles et amicales. Avant d’être des supérieurs et des juges, soyez pour vos prêtres des maîtres, des pères, des amis et des frères bons et miséricordieux, prêts à comprendre, à compatir, à aider. Encouragez de toutes les manières vos prêtres à avoir avec vous une amitié personnelle et une ouverture confiante, qui ne supprime pas, mais domine dans la charité pastorale le rapport d’obéissance juridique, afin que l’obéissance elle-même soit plus généreuse, loyale et sûre. Une amitié dévouée et une confiance filiale envers vous permettront aux prêtres de vous ouvrir à temps leur âme, de vous confier leurs difficultés, dans la certitude de pouvoir toujours disposer de votre coeur pour vous faire confidence même des échecs éventuels, sans la crainte servile du châtiment, mais dans l’attente filiale de la correction, du pardon et du secours qui les encourageront à reprendre avec une nouvelle confiance leur chemin ardu.

à l’imitation du bon Pasteur

Vous êtes certainement tous convaincus, vénérables frères, que rendre à une âme sacerdotale la joie et l’enthousiasme pour sa propre vocation, la paix intérieure et le salut, est un important et magnifique ministère qui a des répercussions incalculables sur une multitude d’âmes. Et si, à un certain moment, vous êtes contraints de recourir à votre autorité et à une juste sévérité envers le petit nombre de ceux qui, après avoir résisté à votre coeur, causent par leur conduite le scandale du peuple de Dieu, ayez soin, en prenant les mesures nécessaires, de viser avant tout à obtenir leur repentir. À l’imitation du Seigneur Jésus, pasteur et évêque de nos âmes (1 P 2, 25), ne brisez pas le roseau déjà froissé, n’éteignez pas la mèche qui fume encore (Mt 12, 20) guérissez les plaies comme Jésus, sauvez ce qui était perdu, allez, avec anxiété et amour, à la recherche de la brebis perdue pour la rapporter à la chaleur du bercail et tentez comme lui jusqu’à la fin de rappeler l’ami infidèle.

Nous sommes sûrs que vous ne négligerez rien pour cultiver assidûment dans votre clergé, par votre doctrine et votre sagesse, par votre ferveur pastorale, l’idéal du célibat sacré, et que vous ne perdrez jamais de vue les prêtres qui ont abandonné la maison de Dieu, qui est leur vraie maison, quelle que soit l’issue de leur douloureuse aventure, car ils restent pour toujours vos fils.

 

La part de tous les fidèles

La vertu sacerdotale est un bien de l’Église tout entière, c’est une richesse et une gloire non humaine, qui a pour effet l’édification et le bien de tout le peuple de Dieu c’est pourquoi nous voulons adresser notre affectueuse et pressante exhortation à tous les fidèles, nos fils dans le Christ, pour qu’ils se sentent responsables, eux aussi, de la vertu de leurs frères qui se sont chargés de la mission de les servir dans le sacerdoce pour leur salut. Qu’ils prient et qu’ils s’emploient pour les vocations sacerdotales et qu’ils aident les prêtres avec dévouement et amour filial, dans une collaboration docile, dans l’intention bien délibérée de leur offrir le réconfort d’une joyeuse correspondance à leurs soucis pastoraux. Qu’ils aident leurs pères dans le Christ à vaincre les difficultés de tout genre qu’ils rencontrent pour accomplir leurs devoirs avec une entière fidélité, pour l’édification du monde. Qu’ils entretiennent, en esprit de foi et de charité chrétienne, un profond respect et une réserve délicate envers le prêtre, spécialement en ce qui concerne sa condition d’homme entièrement consacré au Christ et à l’Église.

 

spécialement des laïcs fervents

Notre invitation s’adresse particulièrement aux laïcs qui cherchent Dieu de façon plus assidue et intense et qui tendent à la perfection dans la vie séculière ; par leur amitié dévouée et cordiale, ils pourront aider grandement les ministres sacrés. Les laïcs, en effet, qui sont insérés dans l’ordre temporel et en même temps engagés dans une correspondance plus généreuse et plus parfaite à la vocation de leur baptême, sont à même, dans certains cas, d’éclairer et de réconforter le prêtre qui, plongé dans le mystère du Christ et de l’Église, pourrait voir entamer l’intégrité de sa vocation du fait de certaines situations et des facteurs troublants de l’esprit du monde. De cette manière, tout le peuple de Dieu honorera le Seigneur Jésus en ceux qui le représentent et dont il a dit : " Qui vous reçoit me reçoit et qui me reçoit reçoit celui qui m’a envoyé " (Mt 10, 40), promettant une récompense certaine à qui exercera, de quelque manière que ce soit, la charité envers ses envoyés (Mt 5, 42).

L’intercession de Marie

Vous, vénérables frères, pasteurs du troupeau de Dieu dispersé sous tous les cieux, et vous, prêtres très chers, nos frères et nos fils, au moment de conclure cette lettre que nous vous adressons l’âme ouverte à toute la charité du Christ, nous vous invitons à tourner le regard et le coeur vers la très douce Mère de Jésus et Mère de l’Église, avec une confiance renouvelée et une espérance filiale, pour invoquer sur le sacerdoce catholique son intercession maternelle et puissante. En elle, le peuple de Dieu admire et vénère la figure et le modèle de l’Église du Christ dans l’ordre de la foi, de la charité et de la parfaite union avec lui. Vierge et mère, que Marie obtienne à l’Église, appelée elle aussi vierge et mère, de se glorifier humblement et toujours de la fidélité de ses prêtres au don sublime de la virginité sacrée et de le voir fleurir et apprécier dans une mesure toujours plus grande dans tous les milieux, afin que croisse sur la terre le nombre de ceux qui suivent l’Agneau divin partout où il va (Ap 14, 4).

L’Église proclame hautement son espérance dans le Christ : elle a conscience de la pénurie dramatique de prêtres par rapport aux besoins spirituels de la population du monde, mais elle est ferme dans son attente, fondée sur les ressources infinies et mystérieuses de la grâce : la qualité spirituelle des ministres sacrés engendrera aussi leur augmentation en nombre, parce que tout est possible à Dieu.

 

TABLE CHRONOLOGIQUE

Outre les sigles indiquant la nature du document (cf p. 11), nous renvoyons aux sources suivantes :

BP Actes de Benoît XV, Bonne Presse (avec indication du tome et de la page).

DC La documentation catholique (avec indication de la colonne ou de la page de l’année du document).

IVP Instituts de vie parfaite, Desclée, Tournai 1962 (le chiffre indique la page).

ORf Osservatore romano, édition hebdomadaire en langue française (avec indication du numéro de l’année).

SA Saint-Augustin, Documents pontificaux de Pie XII et de Paul VI (avec indication de la page du volume correspondant à l’année du document).

Nous remercions les différents éditeurs qui nous ont permis de reproduire ces traductions.

BENOÎT XIV

1746 29 juin CA Ad nuptiale convivium (IVP 7)

1920 16 déc. Au Consistoire (BP 3,39)

PIE XI

1935 20 déc. LE Ad catholici sacerdotii (DC 143)

PIE XII

1943 24 avril Aux jeunes filles d’A.C. (IVP 396)

1950 23 sept. GE Menti nostroe (SA 394)

21 nov. ÇA Sponsa Christi (IVP 461)

1952 15 sept. Aux Supérieures générales de

religieuses (IVP 523)

1954 25 mars LE Sacra virginitas

(IVP 532)

1957 27 avril Aux religieuses hospitalières

(IVP 625)

1958 11 avril Au Congrès sur le monachisme

oriental (IVP 686)

JEAN XXIII

1959 31 juil. LE Sacerdotii nostri primordia (DC 1031)

1960 26 janv. A la 2e session du Synode (DC 265)

29 janv. Aux religieuses résidant à Rome

(IVP 750)

PAUL VI

1964 21 nov. CD Lumen gentium (DC 1965, 111)

1965 28 oct. D Optatam (DC 1940)

28 oct. D Perfectae caritatis (DC 1927)

7 déc. D Presbyterorum ordinis (DC 1966, 42)

1967 24 juin LE Sacerdotalis coelibatus

(DC 1249)

22 déc. Au Sacré-Collège (DC 1968, 11)

1969 2 fév. L du S. d’État aux présidents des

Conf. épisc. (DC 513)

24 déc. Au card. Alfrink et aux évêques

de Hollande (DC 164)

1970 1 fév. Angélus (DC 181)

2 fév. L au cardinal Villot (Dc 162)

9 fév. Aux curés et prédicateurs de Rome

(DC 202)

15 mars M pour la journée des vocations

(DC 308)

1971 29 juin EA Evangelica testificatio (DC 654)

30 nov. Synode des évêques (DC 1972, 9)

23 déc. Au Sacré-Collège (DC 1972, 51)

1973 1 mars Au clergé de Rome (DC 255)

1975 2 fév. Aux religieux et religieuses (DC 404)

1976 2 fév. Homélie (Dc 206)

1977 26 mars Aux évêques du centre de la France

(DC 35)

JEAN PAUL II

1979 2 mars Au clergé de Rome (DC 252)

8 avril L aux prêtres (DC 352)

1980 11 janv. Aux Soeurs de St Vincent-de-Paul (DC 114)

31 juin Aux religieuses à Paris (DC 567)

1981 19 fév. Aux prêtres de Mindanao (DC 272)

1982 10 mars Aud. gén. (DC 348)

17 mars Aud. gén. (DC 349)

24 mars Aud. gén. (DC 406)

31 mars Aud. gén. (Dc 407)

7 avril Aud. gén. (DC 447)

14 avril Aud. gén. (DC 449)

21 avril Aud. gén. (DC 493)

28 avril Aud. gén. (DC 495)

5 mai Aud. gén. (DC 564)

23 juin Aud. gén. (DC 762)

30 juin Aud. gén. (DC 763)

7 juil. Aud. gén. (DC 806)

14 juil. Aud. gén. (DC 808)

21 juil. Aud. gén. (DC 809)