LA VOCATION

MONASTIQUE

par un moine bénédictin

 

 

 

ÉDITIONS SAINTE–MADELEINE

 

 

 

 

 

 

 

Cet exposé sur la " vocation monastique " est la transcription d’une conférence que Dom Gérard, alors Prieur du monastère Sainte-Madeleine du Barroux dans le Vaucluse, avait prononcée le 24 novembre 1977 à Paris, salle de la Mutualité.

Désirant que ce texte garde la fraîcheur de son origine, nous avons conservé le style parlé, n’apportant que de légères modifications indispensables à la publication.

Les Éditions Sainte Madeleine.

 

 

 

 

 

 

 

 

Chers amis,

e vous remercie d’être venus si nombreux ce soir.


Vous êtes ici parce que nous avons lancé un appel : notre petit monastère, en pleine fondation, a besoin d’une aide efficace.

Vous avez pu lire sur les tracts d’invitation le titre de cette conférence  Face à la crise de l’Église et devant l’effondrement d’une civilisation, un moine bénédictin témoigne. Son témoignage, très modeste, voudrait dégager la signification profonde de la vie monastique dans le monde moderne.

Je diviserai mon propos en trois parties : premièrement, j’indiquerai comment la vie monastique est contemplative; secondement, je soulignerai sa valeur apostolique; et, pour finir, je dirai quelques mots sur ce petit monastère auquel vous voulez bien vous intéresser.

Devant l’effondrement d’une civilisation en proie au libéralisme (" à chacun sa religion ", donc " à chacun sa morale ", vous voyez jusqu’où cela peut aller !), d’une civilisation en proie au matérialisme (univers à deux dimensions, sans survie et sans au-delà), un agnostique nous disait récemment : " Vous, les moines, vous êtes les hommes les plus utiles à la société ". Nous nous récriâmes : " Comment pouvez-vous dire cela, si vous ne croyez ni en Dieu, ni à la prière, ni au Ciel ? " Il répondit : " Parce que nous assistons à une hémorragie des valeurs, à une évolution continuelle où tout est remis en question, à un suicide collectif. Or, vous, les moines, au milieu de cette débandade générale, vous êtes les témoins de la permanence des valeurs. Et, sachez-le, le jour où vous cesserez d’être intransigeants, vous ne nous intéresserez plus ".

Voulez-vous, chers amis, que nous cherchions ensemble, ce soir, quel est le secret d’une institution que même les agnostiques considèrent comme un roc immuable au milieu de cette course à l’abîme ?

 

 

LA VIE MONASTIQUE

EST CONTEMPLATIVE

 

ommençons donc par une anecdote. Il y a quelque temps, on faisait visiter Paris à un guru célèbre, venu des Indes. On lui vante les bienfaits de la civilisation technique, on lui montre le christianisme sous le jour des œuvres de bienfaisance : les œuvres sociales et caritatives. Alors il pose la question suivante : " Les œuvres, c’est tout ? Mais… l’œuvre par excellence, c’est la contemplation ! Où sont vos contemplatifs ? "

Ne sentez-vous pas, sous cette question, percer un reproche cinglant ? L’histoire n’est pas finie : on présente notre guru à un cercle littéraire où il entend vanter la spiritualité des mystiques hindous. Alors il se redresse et déclare sèchement : " Vous avez en Occident des mystiques qui nous sont supérieurs ! Ils s’appellent Thérèse d’Avila, Jean de la Croix, Jean-Marie Vianney ! "

La première anecdote montre que, pour beaucoup, la religion est devenu un phénomène purement social, où domine l’action. La deuxième nous montre jusqu’où va la méconnaissance de notre patrimoine mystique : nous allons chercher chez les autres ce que nous possédons chez nous. Et cela pose la question de la place faite à la vie contemplative dans l’Église actuelle et dans le monde contemporain.

Eh bien, disons-le tout de suite, disons-le hardiment : il faut faire une très grande place à la vie contemplative. Parce qu’elle n’est pas l’œuvre des hommes.

C’est Dieu qui en est le principe et la fin. Dieu, par son excellence même, suscite la vie contemplative. Dieu mérite infiniment que des créatures se livrent, se consacrent tout entières, pour toujours et exclusivement, à Le regarder, à Le louer, à L’adorer. C’est cela qui est la vérité, c’est cela qui est l’ordre, c’est cela qui est la norme. Parce que Dieu, vous le savez, est infini dans ses perfections. Il est le Seigneur, le Bien Absolu, souverainement désirable.

Une religion qui n’est pas contemplative est indigne de Dieu ! Alors, parce qu’il s’intéresse à Dieu par-dessus tout, non seulement le moine indique Dieu, non seulement il Le prouve, mais il témoigne de l’excellence de Dieu.

Ce Dieu que la majorité des hommes oublie, le moine en a fait le centre de sa vie ! La seule chose intéressante au monde pour lui, c’est Dieu !

Le moine est donc simplement celui qui a été ravi par cette idée… plus que par une idée, ravi par la douceur même de Dieu, par la bonté de Dieu, par la beauté de Dieu. Alors il s’élance pour saisir, dès aujourd’hui, dans la vie présente, ce que les autres perdent de vue et finissent par rencontrer quelquefois trop tard, au moment de la mort, sur le seuil de l’éternité.

Cet itinéraire de la vie monastique, cette attitude radicale devant le tout de Dieu, est profondément logique. Je suis sûr que chaque baptisé, au fond de lui, même s’il est un peu étourdi par la vie — par sa profession, par ses activités — sent bien cette logique interne. Et je vais vous exposer un exemple frappant : c’est l’épisode de la conversion de Charles de Foucauld; il a une valeur typique.

Encore agnostique, Charles de Foucauld, sur les instances de sa tante, Madame Moitessier, consent à rencontrer l’abbé Huvelin. Celui-ci le prie de se confesser. — " Mais je ne crois pas en Dieu, mon Père ! " — " Mettez-vous à genoux ! " Touché par la grâce, le libre-penseur devient pénitent, et accuse les fautes de sa vie pécheresse. Puis il se relève avec l’attrait de la vie consacrée, et il déclarera plus tard : " Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour LUI… "

Telle est la logique des saints ! Car toutes les questions finalement se résument en une seule : Dieu sera-t-Il adoré, aimé, servi, comme Il le mérite, et comme l’exige le premier précepte du Décalogue ?

De la réponse à cette question dépendent le bonheur de l’âme et la survie des civilisations. Or, précisément, la vie monastique n’est que la consécration totale de l’existence humaine au service solennel de Dieu. Et, dans une civilisation que nous pouvons bien dire apostate, qui cherche à construire un monde sans Dieu, ce service solennel fait retentir une sorte de cri, un cri analogue à celui de saint Michel : " Quis ut Deus ? " (Qui est comme Dieu ?). La vie du moine, en somme, n’est qu’un témoignage rendu à la transcendance de Dieu. Dieu est tout et, parce qu’Il est tout, Il mérite qu’on Lui donne tout. Le moine témoigne ainsi du caractère relatif des biens d’ici-bas. Sainte Thérèse d’Avila a écrit une parole somptueuse, cela lui arrivait : " Dieu seul est plus grand qu’une âme ". Par conséquent, Lui seul est capable de la satisfaire.

Eh bien, chers amis, dire que la vie monastique est essentiellement contemplative, c’est définir le moine comme homme de prière.

Un jour, dans notre monastère des Hautes-Pyrénées, — il y a de cela une dizaine d’années — on recevait un groupe de pèlerins. On leur fit visiter l’église, il était environ cinq heures du soir, on était dans la pénombre, c’était un après-midi d’hiver. Au bout d’un moment, un des visiteurs s’approche du chœur. Il croit voir là, contre un pilier, une statue qui l’intéresse. Il s’approche de la forme immobile, se penche, et, confus, s’éloigne aussitôt. La raison de sa déconvenue, c’est que la statue… c’était un moine en prière, qui s’était immobilisé dans l’ombre, sans prendre garde qu’il y avait du monde autour de lui. L’histoire fit son chemin et nous nous rendîmes compte une fois de plus du rayonnement, de l’influence mystérieuse que la prière exerce sur les hommes. Sur tous les hommes. Voilà ce qui est immédiatement saisissable dans un monastère.

Donc le moine est orienté vers la prière comme vers son activité principale. A l’heure où tout bouge autour de lui, il demeure immobile au poste de la prière.

C’est saint François de Sales qui a dit : " Le monde a été créé pour la prière ". Et la première impression d’un retraitant qui séjourne chez nous, c’est justement cette atmosphère de chants, de psalmodies, d’oraison silencieuse qui baigne notre existence.

Disons maintenant quelques mots, si vous le voulez, de cette fameuse prière liturgique qui fait la trame de nos journées. Sept fois le jour, une fois la nuit.

Comme vous le savez, le nombre sept indique une perfection, une plénitude. Rappelons-nous que cette prière a été fixée aux premiers âges de l’Église, à une époque où on avait le sens du sacré. Il fallait, en effet, que les premiers moines s’exercent pour ainsi dire, à la vie éternelle, qu’ils donnent à Dieu cette preuve d’amour qu’est la prière ininterrompue, qui fait de leur vie un ciel commencé. D’où le nombre sept.

Autre caractéristique : alors que l’homme moderne, depuis le xvie siècle, aurait tendance, pour faire oraison, à fermer ses contrevents et à se retirer dans une pièce obscure, l’homme antique louait Dieu à travers toute la création; et notre office liturgique, composé de ce qu’on appelle les heures canoniales, consiste à adorer Dieu et à Le louer en accord avec la place du soleil dans le ciel.

C’est ce qui donne à notre prière ce caractère noble, large, digne de Dieu. Le soleil est quand même la plus belle image de Dieu, n’est-ce pas ? De ce Dieu qui est appelé "Soleil de justice". Comme le soleil, Dieu répand ses bienfaits et ne s’appauvrit jamais en donnant son rayonnement.

Voici l’ordre dans lequel se déroulent nos offices : il y a tout d’abord, à 6 h, l’office de Laudes, qui est la prière de l’aurore, où l’on chante la victoire de la lumière sur les ténèbres. Puis quelques moments après, vers 7 h 40, vient l’office de Prime, qui fait allusion aux premiers rayons du soleil : " Jam lucis orto sidere " (1). Ensuite nous avons Tierce, puis la Messe conventuelle; puis Sexte, que nous chantons lorsque le soleil atteint le zénith : " Splendore mane instruis et ignibus meridiem  (2), à l’heure des feux de midi. L’après-midi, il y a None, qui marque le déclin du soleil et la vanité des choses terrestres face au Dieu immuable : " Immotus in te permanens " (3); puis Vêpres, qui est la prière du soir; et enfin Complies, au crépuscule : " Te lucis ante terminum " (1). Nous parlerons tout à l’heure de la psalmodie nocturne.

Cette prière liturgique est composée principalement des psaumes de David, que Jésus a chantés à la synagogue avec Marie et Joseph, quand Il était enfant. C’est Lui qui leur donne leur véritable signification : les psaumes parlent du Christ, et c’est le Christ qui parle à travers les psaumes. Nous ne faisons que prêter notre voix à la sainte Église, qui chante en union avec son époux divin le cantique nouveau de la Nouvelle Alliance.

Ces psaumes, poèmes d’une beauté admirable, correspondent à tous les sentiments de l’âme, à toutes les aspirations, à tous les besoins de la vie spirituelle : l’adoration, l’action de grâces, la louange; mais aussi le sentiment de notre misère, la douleur, le repentir et l’imploration du secours divin ainsi que tous les épanchements d’une tendre piété filiale. Tendresse qui s’exprime surtout dans l’amour pour la Loi de Dieu, dans la soumission à sa volonté, dans une confiance ravie en sa Providence !

Cet office liturgique exprime aussi quelque chose de très particulier, que j’appellerai l’esprit de gratuité. Vous avez remarqué combien la vie moderne est marquée du signe de l’utile, du rentable : devant un objet manufacturé, on demande tout de suite combien cela coûte, à quoi cela sert. Mais les activités les
plus nobles de l’homme sont des activités gratuites.
Le Louvre est rempli de choses qui ne servent à rien. Elles sont cependant entourées de signaux d’alarme et d’un réseau de protection puissant, ce qui signifie que ce sont des valeurs auxquelles l’homme tient plus qu’à tout, et leur inutilité ne fait que renforcer l’estime que nous leur accordons.

Eh bien, ce n’est là qu’une pâle image de cette libation d’amour répandue pour l’honneur de Dieu.
La vie contemplative est donc parfaitement gratuite.
Je dirais même qu’elle est parfaitement inutile, si je ne craignais de scandaliser. Demandez donc à ces petits moines, à ces apprentis de la vie contemplative qui sont dans notre monastère pourquoi ils prient; ils vous répondront peut-être avec un brin de malice : " Nous prions pour rien ! " Entendez : nous ne prions pas pour quelque chose. Nous prions Quelqu’un.

C’est pourquoi cette prière monastique est d’abord faite d’adoration, d’admiration et de louange.

Dom Marmion disait : " La vie du moine est un continuel Gloria Patri , désignant ainsi cette finale des psaumes, où les moines s’inclinent gravement, en chantant : " Gloria Patri et Filio et Spiritui Sancto ". Il suffit à nos existences de n’être qu’un Gloria Patri. Nous sommes faits pour cela ! La créature s’achève dans la reconnaissance des droits souverains de Dieu sur elle, dans l’adoration, dans la reconnaissance de sa bonté infinie ! Dom Guéranger définissait l’Église comme la société de la louange divine. Il voulait que ses moines fussent des " alléluia vivants ". Pourquoi ? Parce que Dieu est en Lui-même infiniment digne de louange.

Aussi l’âme bénédictine s’exprime-t-elle dans un libre épanchement d’amour, une action de grâces ravie par la splendeur de Dieu. " Nous vous rendons grâces pour votre grande gloire ", voilà ce que nous fait chanter l’Église.

Comme disait André Charlier, un homme auquel nous devons beaucoup : " Il importe par-dessus tout de sauver la gratuité de l’amour ". Eh bien, je pense que notre office de louange est la plus pure expression de cette gratuité de l’amour. Parce que dans la louange l’âme s’oublie, et que le total oubli de soi représente le sommet de l’amour, sa suprême réussite.

Je ne voudrais pas achever ce propos sur la vie contemplative sans vous dire quelques mots au sujet de l’office de nuit, pour lequel les frères se réveillent, chez nous, à 3 h 15 du matin. Dom Romain Banquet disait : " La nuit n’est pas principalement pour le sommeil, mais surtout pour favoriser les mystérieux rapports de Dieu avec les âmes… La nuit, avec ses ténèbres, son silence, un charme pur et secret qui vient d’en haut, invite l’âme et l’entraîne aux ascensions intérieures, lumineuses, sanctifiantes ".

Le lever de nuit est un usage très ancien qui s’identifie avec les commencements de la vie monastique.

Dès que les premiers moines, ceux qu’on appelle les Pères du désert, les Paul-Ermite, les Antoine, les Pacôme, ont inauguré la grande aventure monastique, ils ont institué la psalmodie nocturne. D’ailleurs l’exemple nous vient de très haut : c’est Notre-Seigneur qui nous a donné le premier l’exemple de la prière nocturne. Saint Luc rapporte que Notre-Seigneur passait ses nuits en prière : " Erat pernoctans in oratione Dei ". Il passait la nuit " en oraison en Dieu . Dans les Actes des apôtres, il y a un épisode savoureux : Paul et Silas sont en prison, chargés de chaînes, et ils se lèvent au milieu de la nuit pour chanter des psaumes, au grand étonnement de leurs gardiens.

La sainte Église a donc institué cet office qui s’appelle Matines, d’abord parce que la nuit ne doit pas se dérober à la louange universelle des créatures. Elle aussi doit retentir de nos chants. Et puis, voyez-vous, en priant jour et nuit, le moine lance un message à ses contemporains, un message auquel ils sont en général très sensibles : ce message leur annonce l’éternité, cette Patrie céleste que nous ne voyons pas, et vers laquelle nous allons.

Certes, je ne vous le cacherai pas, c’est une observance difficile, douée d’un caractère pénitentiel, une œuvre de réparation. Songez alors aux péchés qui se commettent la nuit, à cette marée noire de la luxure qui déferle sur le monde, à ces crimes de toutes sortes qui appellent des châtiments. Il faut que le moine se tienne comme un intercesseur et qu’il prie à ce moment-là pour ses frères. Pensez aussi à ces agonisants dans les hôpitaux, à ces insomniaques pour lesquels la nuit n’en finit pas, à ces détresses, ces angoisses nocturnes, dont on ne peut avoir une idée. Ne faut-il pas que nous soyons aussi éveillés pour ceux-là ? Enfin, pensons aux chrétiens emprisonnés, torturés derrière le rideau de fer.

Vous connaissez tous cet épisode savoureux, raconté par un vieux chroniqueur. Au retour de la croisade, une nuit, en pleine mer, les croisés sont assaillis par la tempête. Affolement des passagers ! Le roi Philippe-Auguste s’écrie soudain : " Il est minuit ! A cette heure les moines de France commencent Matines ! Leur prière s’élève vers le Christ pour nous ! " Et la tempête s’apaisa. (1)

Jadis, la France et l’Europe étaient littéralement couvertes de monastères. Il y avait les grandes abbayes, les moutiers, les granges monastiques. Les archéologues découvrent des traces de fondations sur le sol tous les vingt-cinq kilomètres ! La France était comme prise dans un filet, dans un réseau de prière. Pensez à ces milliers de mains qui s’élevaient vers le ciel, à ces moines et à ces moniales qui veillaient sur les cités temporelles, qui intercédaient, qui demandaient le règne de Dieu sur la terre. N’est-ce pas cela que nous demandons nous aussi 

Quelle grâce immense, quel paratonnerre pour la civilisation ! C’est cela qui a fait la grandeur du Moyen-Age, c’est cela qui a permis ces œuvres extraordinaires qui s’appellent la cathédrale, la croisade, les institutions de chevalerie, les écoles monastiques, les œuvres de miséricorde, les hospices, et ces monuments de sagesse intellectuelle que sont l’œuvre d’un saint Bonaventure et d’un saint Thomas d’Aquin !

Pensons surtout à l’élan vers la sainteté, à ces princesses qui venaient ensevelir leur beauté et leur jeunesse dans les cloîtres; à ces chevaliers qui renonçaient aux honneurs de la cité ou à la gloire des armes, pour embrasser la croix de Jésus-Christ; à ces hommes et à ces femmes qui se mettaient en marche vers le ciel !

Les habitants de la cité terrestre apprenaient ainsi qu’il existe un autre monde, le monde de Dieu. Une atmosphère sacrée pénétrait les institutions humaines  l’éternité investissait le temps. C’est cela qui a modelé la piété des chrétiens; car notre Occident, aussi malade qu’il soit — parce qu’infidèle à sa vocation —, a cependant reçu un sceau, une impression qui l’a marqué pour toujours : ce sont les premiers moines, envoyés par le grand pape bénédictin saint Grégoire le Grand, qui ont évangélisé l’Europe. Il les a envoyés en Angleterre, chez les Frisons, en Allemagne, en Espagne et jusqu’en Scandinavie. Le premier disciple de notre Père saint Benoît, saint Maur, avait implanté la vie monastique dans les Gaules. Ces moines missionnaires étaient envoyés, non point d’abord pour prêcher, parce qu’au début ce n’était pas possible, mais pour vivre leur vie monastique au milieu des païens. Ils fondaient des monastères, ils vivaient la Règle de saint Benoît, ils enseignaient à travailler. C’est bon, un homme qui travaille bien, qui fait de la " belle ouvrage " ! Ils enseignaient à lire dans un beau livre que les païens ne connaissaient pas : le livre des Saintes Écritures. Et ils leur apprenaient surtout à prier, grâce à ce fleuve liturgique qui coule tout au long de l’année, et qui est la meilleure école de prière.

C’est ainsi que le christianisme occidental a été modelé par les premiers moines. Et il lui en reste quelque chose. On ne trouve pas toujours cela en d’autres continents, où le protestantisme anglo-saxon a mis sa marque, où la réussite temporelle est considérée comme une bénédiction de Dieu, où la chance, fille du hasard, fait figure d’étoile conductrice.

Chez nous, ce n’est pas la même frappe, c’est même tout différent. Dans notre Occident, aussi malade qu’il soit (il est peut-être frappé à mort), malgré nos turpitudes, nos abandons, il y a un sens de Dieu, une quête spirituelle. Pourquoi ? Mais parce que nous avons cela dans le sang ! Cela nous a été inculqué à notre berceau.

Notre civilisation a été marquée par les bénédictins des premiers siècles. Ils ont mis l’accent sur la
gratuité du service divin, sur l’amour désintéressé.
Et je crois que c’est cela qui sauvera le monde.

 

 

 

 

VALEUR APOSTOLIQUE

DE LA VIE CONTEMPLATIVE

 

 

our saisir ce qui fait la fécondité de cette vocation dont nous avons souligné le caractère de gratuité, il suffira d’énoncer un principe universel : plus un être est uni à une cause, plus il participe à son efficacité. C’est tout simple. Si on explique cela à un enfant, il comprend tout de suite. Exemple : plus l’esprit du disciple est accordé au maître, mieux il communique sa doctrine. N’est-ce pas évident ?

C’est ce qu’a exprimé le Christ Jésus quand Il voulut commencer sa vie humaine par trente ans de vie cachée, de vie silencieuse, à l’écart du monde, ignoré des hommes, absorbé tout entier par un colloque secret avec Dieu le Père. Trente ans de vie cachée pour trois ans de vie publique ! Voilà le modèle que nous propose Notre-Seigneur, qui est l’apôtre par excellence. Il a commencé son œuvre de salut par trente ans de vie cachée, dans l’apparente inaction de la prière et de l’humilité.

Quelle leçon pour nous ! En quelle haute estime ne devons-nous pas tenir la vie intérieure, le silence, la solitude, choses si dépréciées par le monde  L’exemple donné par le Christ Jésus suffirait à sauver l’honneur des contemplatifs.

De tout cela nous pouvons tirer une conclusion certaine : le salut du monde est suspendu à la prière de quelques âmes éprises de Dieu.

Et maintenant, pour mettre en relief le caractère apostolique de la vie contemplative, c’est-à-dire de cette vie cachée en Dieu, dans la prière et le sacrifice, nous allons, si vous le voulez bien, évoquer le caractère exemplaire de la vie de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.

Sainte Thérèse, vous le savez, est morte à vingt-quatre ans, sans être jamais sortie de son couvent de carmélite. Or, le pape saint Pie x, lors de sa béatification, l’a nommée " la plus grande sainte des temps modernes " et Pie xi l’a décrétée patronne des missions de l’Église universelle " au même titre que saint François-Xavier ". Nous posons donc une question : comment la vie contemplative peut-elle être missionnaire ? Deux anecdotes nous le feront comprendre.

Sainte Thérèse, au terme de sa vie brève, continuait à garder héroïquement les observances de sa règle carmélitaine. Ses sœurs rapportent qu’elle était parfois si accablée par le mal qui devait l’emporter que, revenant de l’office de Matines, elle remontait très lentement, en s’appuyant avec la main sur le mur pour reprendre son souffle. Une sœur s’en aperçut. Comme c’était l’heure du grand silence, le lendemain elle lui dit : " Ma sœur Thérèse, pourquoi ne demandez-vous pas une dispense pour l’office de Matines ? Pourquoi continuez-vous à marcher ainsi ? Vous êtes épuisée. " Elle lui répondit : " Je marche pour les missionnaires ! " Ça, c’est la communion des saints dans toute sa splendeur !

C’est pourquoi Pie xi, qu’on a appelé le pape des missions, a dit un jour qu’il préférait voir fonder un monastère de contemplatifs en pays de mission, plutôt que d’apprendre la conversion de trente mille païens. Et c’est le même Pie xi qui écrivit en faveur des Chartreux, qui sont de purs contemplatifs, la fameuse bulle " Umbratilem " dont je vous cite un passage :

" Ceux dont le zèle assidu se livre à la prière et à la pénitence, bien plus encore que les ouvriers appliqués à cultiver le champ du Seigneur, contribuent aux progrès de l’Église et au salut du genre humain. Car s’ils ne faisaient point descendre l’abondance des grâces divines pour arroser ce champ, les ouvriers évangéliques ne tireraient de leur travail que de bien maigres fruits. "

Le second trait se situe avant l’entrée de Thérèse au Carmel et détermina sa vocation apostolique en faveur du salut des âmes. Nous en lisons le récit dans l’Histoire d’une âme : c’est la fameuse affaire Pranzini.

Il y avait à l’époque un criminel nommé Pranzini, auteur de plusieurs assassinats, qui avait été capturé et condamné à mort. Il devait être guillotiné le 31 août 1887. Or l’aumônier qui lui rendait visite dans sa prison n’était jamais arrivé à lui faire regretter ses crimes. Pranzini le recevait avec arrogance, et le renvoyait sans manifester l’ombre d’un repentir. La petite Thérèse entendit parler de ce criminel fameux; elle fut émue de compassion — elle le dit elle-même — et demanda à Dieu un signe de conversion. Le lendemain de son exécution, elle ouvrit le journal, avec, avoua-t-elle, un empressement qui ne lui était pas habituel, et elle lut le récit des derniers moments de Pranzini. Pranzini était monté à l’échafaud, sans confession, sans absolution. L’aumônier, derrière lui, gardait le crucifix à la main quand, tout à coup, le condamné se retourne et baise par trois fois le crucifix que lui présente le prêtre. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus rapporte elle-même le miracle dans son récit, laissons-lui la parole : " Les lèvres de mon premier enfant allèrent se coller sur les plaies divines. Quelle réponse ineffable ! Ah ! depuis cette grâce unique, mon désir de sauver les âmes grandit de jour en jour ! " C’était en 1887. Thérèse avait quinze ans. L’année suivante, elle entrait au Carmel.

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus avait une doctrine très hardie sur le rôle apostolique de la prière. Elle l’avait puisée dans la théologie du Corps Mystique, chez saint Paul. Elle explique dans l’Histoire d’une âme que, par amour pour l’Église, elle aurait voulu en assumer toutes les fonctions : être missionnaire, martyre, docteur, prêtre, guerrier, hospitalière, mais elle ne le pouvait pas, parce qu’on ne peut pas tout faire (" Non omnes omnia possunt "). Vu l’état de sa santé, elle ne put même pas répondre à l’appel du Carmel de Saïgon qui demandait un renfort de sœurs françaises. Cependant elle a laissé dans son récit autobiographique le témoignage d’une grâce illuminatrice qui lui avait fait comprendre que, si elle ne pouvait pas assurer toutes les vocations, elle pouvait les résumer toutes. A la lecture de saint Paul, elle avait saisi que dans le corps il y a plusieurs membres, mais que l’organe central qui propulse le sang dans les artères et qui permet à chaque membre d’être vivifié, c’est le cœur. Sainte Thérèse s’écrie alors, avec un accent de triomphe : " Ma vocation, je l’ai trouvée : dans le cœur de l’Église ma Mère, je serai l’Amour ! Et parce que je serai l’Amour, je serai tout ! " Elle s’exerça dès lors à la perfection de la charité dans les plus petites choses : on peut sauver le monde en ramassant une épingle tombée à terre. Elle était la digne fille de saint Jean de la Croix, ce grand docteur de l’Église, qui a écrit dans son Cantique spirituel : " La moindre parcelle de pur amour est plus précieuse aux yeux de Dieu et plus profitable à l’Église, dans son apparente inaction, que toutes les autres œuvres réunies ensemble ". Vous voyez, chers amis, que le moine contemplatif peut, lui aussi, devenir un soldat de l’Église militante et un sauveur d’âmes.

 

 

 

 

 

 

NAISSANCE D’UN MONASTÈRE

 

epuis que cette conférence a été prononcée, notre communauté s’est soudainement accrue : nous atteignons maintenant la cinquantaine et attendons quatre postulants pour l’automne. Notre premier abri s’étant avéré insuffisant, nous avons bâti la première aile de ce qui est maintenant notre futur monastère, situé à dix kilomètres de Bédoin, sur la commune du Barroux. Les frères se sont relayés sur le chantier, y faisant un travail de manœuvre ; quelques-uns ont passé leur permis poids lourds et peuvent conduire les engins.

Une équipe de frères couchait à proximité du chantier, dans des caravanes disposées en forme de cloître. Matin et soir, ils s’y retrouvaient pour le chapitre. N’ayant rien d’autre pour leur messe matinale et le chant des psaumes, ils ont d’abord utilisé un vieil autobus, transformé en chapelle pour la circonstance. Puis nous avons construit la crypte qui a abrité notre prière pendant huit ans. Maintenant nous sommes dans l’abbatiale. Nous y célébrons les offices liturgiques de jour et de nuit, et déjà nos bâtiments abritent une quarantaine de moines en cellule, tandis que le sous-sol fournit un dortoir pour le noviciat. Quand nos constructions seront achevées, nous aurons des ateliers où les frères travailleront en silence, comme le veut la Règle de saint Benoît ; nous entrerons alors dans la phase classique de notre vie bénédictine si harmonieuse, si équilibrée, qui permet au moine d’être tout à Dieu dans une vie de travail et de prière : ora et labora.

Certains se sont étonnés de l’ampleur de nos travaux : prévoir en ces temps troublés un monastère pour soixante moines, voilà qui ressemble à un défi sinon à une provocation !

En réalité, notre nouveau monastère sera vite trop exigu en regard de l’afflux des postulants, mais nous en ferons un point de départ pour nos fondations futures. Nous édifions une forteresse de prière et de charité, pour permettre à nos frères, harassés par les luttes du siècle, de faire halte aux pieds du Seigneur : la beauté des offices liturgiques leur servira de norme dans le si difficile art de prier, et fera sur l’âme de nos visiteurs l’effet d’une oasis rafraîchissante. Ils trouveront là des hommes d’oraison adonnés à une vie calme, paisible, paysanne, rythmée par la liturgie et les travaux des champs. Rien n’est trop grand pour les œuvres accomplies au service de la Majesté divine. Ce que la Providence nous a permis d’entreprendre au Barroux vous paraît hardi, mais ne faut-il pas que nous traduisions notre confiance et notre adoration par des actes audacieux ? En fait, notre monastère ne sera qu’une timide réplique de ces monuments de beauté, pétris de prières, que nos anciens ont érigés au douzième siècle sur le sol de la Chrétienté. Quant à cette œuvre monastique d’esprit roman et de style provençal, — tel a été notre programme d’architecture — nous y voyons une exigence inscrite dans la nature des choses. " La cathédrale est gothique, l’abbatiale est romane ", a-t-on dit. Il y a du vrai, l’esprit roman s’accorde avec la paix bénédictine. Trois caractères me semblent attachés au roman : solidité, pureté et plénitude. J’ajouterai : respect du mystère. C’est le cadre que nous avons choisi pour célébrer en latin et en grégorien la plus belle liturgie du monde.

Quant au style provençal, c’est une loi de respect et de bienséance à laquelle nous voulons nous soumettre. La lourdeur et le gigantisme sont exclus. Ce paysage fin, aux lignes nettes, exige des façades sobres, que nous bâtissons, comme les anciens, avec la pierre du pays ; les paysans, nos voisins, nous savent gré de ce respect du sol et de cette harmonie.

Renvoyant dos à dos imitation servile et "originalité", nous donnons tous nos soins à ce qui est le plus difficile : l’enracinement et la justesse d’écriture.

Certains de nos amis s’effraient à la vue des nuages qui s’amoncellent sur notre horizon politique. Nous leur répondrons qu’après quatorze siècles d’expérience, sous toutes les latitudes, depuis l’Afrique noire jusqu’au Viêt-Nam, la Règle de saint Benoît offre un moyen hors de pair pour faire l’apprentissage de la vie contemplative, dont Platon disait déjà qu’elle est la plus haute activité de l’esprit. Quand les barbares montent à l’assaut de la civilisation, c’est d’abord parce qu’elle est vermoulue, parce qu’elle ne mérite plus ni respect ni aucune considération. Par voie de conséquence — et c’est le cas aujourd’hui — les barbares modernes croient que leur programme, leur mythe, leur idéologie, sont plus prometteurs, plus puissants que les nôtres. Mais s’ils voient se vivre, sous leurs yeux, une forme de vie supérieure à ce qu’ils rêvent de réaliser, alors c’est le barbare qui vient frapper à la porte du monastère. Il vient demander au moine le secret de l’harmonie perdue, et le moyen de vivre en société. Alors le moine convertit le barbare, et une nouvelle civilisation s’ébauche; cela peut demander deux ou trois cents ans. Cependant la Vérité est une plante vivace : elle finit toujours par percer la carapace de terre qui la recouvre. Mais ceci est le secret des moines, et je voudrais pour conclure attirer votre attention sur le caractère rassembleur de leur vocation missionnaire.

Cinquante ans après la mort du saint patriarche, nos premiers pères, envoyés par saint Grégoire le Grand en 596, ont évangélisé l’Angleterre, marquant le point de départ d’une civilisation pacifique, qui donna au monde chrétien son esprit et son âme. Qu’ont-ils fait ? Ont-ils prêché ? Non, ce qui était essentiel, c’était d’implanter des communautés chrétiennes, vivant sous la Règle, au milieu des peuples barbares. Prédication silencieuse qui a marqué l’Europe d’un caractère à la fois laborieux et contemplatif.

Notre monde actuel, en pleine décomposition, mais travaillé par un sourd désir de retrouver ce qui fit son unité, reconnaît, comme d’instinct, que le salut lui viendra du même esprit que celui qui lui a donné naissance. C’est pourquoi l’ordre bénédictin, antérieur aux grandes déchirures, rappelle au monde que la vraie sagesse est celle du chant et de l’adoration, de l’humilité et de la vie fraternelle. Il sait que les créatures ne retrouveront leur joie et leur innocence première que si l’homme se décide à les replacer dans leur ordre et dans l’axe de leur vocation essentielle qui est de monter vers Dieu à la manière des enfants, dans l’élan d’une obéissance joyeuse, comme l’offertoire d’une grande et sainte liturgie.

 

 

 

 

 

 

UNE JOURNÉE

AU MONASTÈRE

SAINTE MADELEINE

 

 

 

 3 h 15 : Lever de nuit pour Matines.

 4 h 30 : Lectio divina en cellule.

 6 h 00 : Laudes, suivies de l’exercice d’oraison (ou des messes privées).

 7 h 45 : Prime, Chapitre (où un bref passage de la Règle est lu et commenté par le Père abbé).

 9 h 30 : Tierce et Messe conventuelle (le dimanche et aux grandes fêtes, l’office commence à 10 h).

12 h 00 : Sexte, déjeuner (dimanche et fêtes à 12 h 15).

14 h 00 : None (dimanche et fêtes à 14 h 30).

17 h 30 : Vêpres, suivies de l’exercice d’oraison et du dîner.

19 h 40 : Complies.

Étude et travail manuel

Les matinées de nos frères étudiants sont consacrées aux cours (théologie, philosophie, Écriture Sainte) et à l’étude en cellule. Les Frères convers et les Pères consacrent davantage de temps au travail manuel. Ces premiers suivent des cours de doctrine et chaque matin leur Père Maître les réunit pour la lecture spirituelle. Après Matines, un temps est réservé pour l’étude du latin, la lecture de la Règle, la traduction des psaumes.

L’après-midi est, pour tous, consacrée au travail manuel. Certains frères assumèrent au début les transports de sable et de ciment, apportant ainsi une contribution efficace au travail de construction du monastère. D’autres travaillaient aux plans, à la taille de la pierre ou à la surveillance du chantier. Certains ateliers travaillent à temps plein : imprimerie, menuiserie, mécanique, forge, boulangerie.

Tous les lundis, une promenade réunit les frères dans un moment de détente depuis None jusqu’à Vêpres.

Chaque premier vendredi du mois est marqué par un temps de recueillement et de solitude accrus.
Ce jour-là, comme d’ailleurs chaque dimanche après Vêpres, la Communauté écoute une conférence spirituelle du Père abbé.

Les retraites

Comme l’a prévu saint Benoît (Règle, chap. liii), les hôtes ne manquent jamais au monastère. Au début, nous ne pouvions leur proposer pour logement que des caravanes et des cabanes de chantier, mais ils étaient toujours accueillis avec grande joie : l’hospitalité tient une telle place dans la tradition bénédictine ! Aussi, malgré les multiples travaux du chantier et l’exiguïté des lieux, nous avons pu organiser quelques retraites pour des groupes de jeunes, et même une session de chant grégorien pour des séminaristes. D’autres suivront, s’il plaît à Dieu. Cet apostolat intra muros présente l’avantage d’éviter au moine de sortir de son monastère, et permet aux retraitants de bénéficier des offices liturgiques qu’on y célèbre nuit et jour.

 

LETTRE A UN JOURNALISTE

 

e viens de lire votre manuscrit. J’y ai, bien sûr, retrouvé avec émotion la trame des événements qui marquèrent la naissance de notre Communauté. Mais l’exactitude des faits n’effleure pas l’essence profonde de la vie monastique.

Le secret des moines ? Personne, entendez-vous bien, personne depuis vingt siècles n’a dévoilé le secret des moines. Leur joie et leur tourment, leur angoisse, leur inquiétude brûlante, et la lente possession d’une paix conquise, tout cela, mêlé finalement à leur action de grâces, ils l’emportent en souriant dans la tombe. Quelle prétention serait la nôtre si nous voulions parler de ce qui, par définition, échappe au discours ! Dieu ne se raconte pas. L’apôtre parle, le contemplatif se tait.

Vous savez le rôle que joue la mania dans le théâtre grec. Les insensés y sont traités comme les messagers des dieux, parce que ce qu’ils disent est impénétrable, et ne peut venir que d’un autre monde. Mais ce qui impressionnait tant les Grecs n’intéresse aujourd’hui plus personne. Qui est-ce qui se soucie d’un autre monde ? Les hommes ont peur de l’inconnu et ils l’écartent de leur champ de vision. Cet autre monde qui devrait être l’atmosphère de l’âme baptisée, son milieu vital, sa respiration heureuse, cet autre monde est aussi inaccessible à l’homme moderne que l’était la Réalité pour les prisonniers de la caverne, condamnés à regarder sur le mur les ombres qui gesticulent et grimacent.

Pour parler aux hommes de la Réalité, il faudrait être un visionnaire ou un prophète. Certains d’entre nous ont écrit ce qu’ils ont vu, mais cela n’a que valeur de symbole comme la géométrie abstraite. Nous chercherions plutôt à convaincre nos frères du siècle de briser leurs liens, de se retourner, de changer de position, au risque de se faire craquer les os. Ce retournement douloureux implique à la fois un changement de position et un changement d’éclairage. C’est la conversion, mot essentiel qui, chez les anciens, désignait l’état monastique. — Mais, me direz-vous, on nous assurait jusqu’ici que les moines avaient fondé une civilisation, qu’ils avaient transmis la culture antique, recopié les manuscrits, asséché les marais. On nous présente les abbayes comme des académies de science — des centrales nucléaires de l’esprit, nous dit Jean Guitton —, l’Europe médiévale recouverte d’un blanc manteau de monastères : serait-ce une image d’Épinal ? — Non, mais c’est la vérité de l’histoire.

Les historiens ont dénombré à Saint-Benoît-sur-Loire plus de 5000 écoliers; au X e siècle, l’abbaye Saint-Germain d’Auxerre reçoit 2000 élèves et 600 religieux. Gerbert, petit berger auvergnat qui deviendra le plus grand savant de son temps, quitte son monastère pour aller étudier les mathématiques à Barcelone, dirige les écoles de Reims et favorise l’élection d’Hugues Capet, puis devient précepteur de l’empereur d’Allemagne, pour finir sur le siège de Pierre sous le nom de Sylvestre II. Voilà donc des moines savants, des hommes de culture et de civilisation, des monastères se dressant comme des môles de paix et de stabilité. Cluny devenant, nous dit Edmond Pognon, la capitale du plus vaste empire monastique que la Chrétienté eût jamais connu; et l’historien d’en faire une description admirable : " Cluny est la force neuve, pure et impitoyable qui doit briser les cadres pourris de la société chrétienne et faire régner partout la vertu et la crainte de Dieu. " Au XII e siècle, plus de 1400 maisons dépendaient de la célèbre abbaye. Tout cela est vrai, c’est l’histoire, ce sont les chiffres, c’est ce qui peut être raconté. Et même il faudrait ajouter, pour être juste, le rayonnement humain et surnaturel des grands abbés de Cluny, providence des pauvres, conseillers des papes, réconciliateurs des princes. Voilà qui n’est pas sans grandeur : pas un d’entre nous qui n’évalue la disproportion flagrante entre nos pâles réalisations et le sommet atteint par les anciens moines.

Pourtant nous sommes plus près d’eux qu’il ne paraît. Mais pour une autre raison. Par quel mystère un grand seigneur ou un évêque en venait-il à déguiser son identité pour vivre à Cluny dans l’anonymat comme un simple gardien de pourceaux ? Je vais vous en donner la raison, mais c’est une raison qui baigne elle-même dans le mystère des âmes : c’est la soif. La soif de n’être rien pour que Dieu soit tout, la lassitude de ce qui n’est pas éternel, le désir d’un face à face silencieux dans la foi, avec le Christ restaurateur de l’univers, qui transformera notre corps de misère pour le configurer à son corps de gloire.

Ainsi nous avouons priser très modérément la part qui nous revient, selon le point de vue de l’homme, dans l’avènement d’un monde civilisé. Les moines ont fait l’Europe, mais ils ne l’ont pas fait exprès. Leur aventure est d’abord, et je dirais presque exclusivement, une aventure intérieure, dont l’unique mobile était la soif. La soif d’absolu. La soif d’un autre monde, que le pouvoir évocateur de la liturgie attisait au point d’orienter le regard vers les invisibilia, au point de faire du moine un homme tendu de tout son être vers la réalité qui ne passe pas. Avant d’être des académies de science et des carrefours de la civilisation, les monastères ont été des doigts silencieux dressés vers le ciel, le rappel obstiné, intraitable, qu’il existe un autre monde de vérité et de beauté, dont celui-ci n’est qu’une assez chaotique et maladroite préparation.

Le moine, de par le genre de vie insolite qui le met à part des autres hommes, devient donc, au milieu d’un monde qui passe de plus en plus vite, le témoin immobile d’un monde à venir. Silencieux, pas totalement, car il chante. Le chant occupe une place étonnante dans la vie monastique. Nous sommes les fils de ces Pères du désert qui tressaient des nattes en chantant des psaumes ; et ce qu’ils accomplissaient spontanément, notre patriarche saint Benoît l’a sagement établi par l’assistance au chœur sept fois le jour et une fois la nuit, ce qui est l’image de l’éternité. — Alors me direz-vous, les moines sont des musiciens ? Et ceux qui chantent faux ? La question n’a pas de sens pour nous. L’office divin n’a pas en soi de valeur proprement musicale; il signifie que le moine appartient à un univers de joie et de beauté qui préfigure le Royaume, où la louange devient la plus pure expression de l’amour, où la charité fraternelle devient communion, où la liturgie et le silence conjugués font de toute l’existence du moine une anticipation de la vie éternelle. Le jour où l’aspirant à la vie monastique découvre que sa vie ne tire pas sa valeur d’une quelconque utilité pour le monde, qu’elle n’entre dans aucune classification sociale, ne se justifie par aucun service rendu, ce jour-là il commence à devenir moine, et sa réputation de savant et de civilisateur, loin de lui agréer, le fait fuir une deuxième fois. C’est la raison de son attrait congénital pour le désert. Le désert est sa patrie, son milieu vital. Le plus grand péril qui puisse le menacer réside moins dans l’incompréhension qu’il rencontre autour de lui, que dans les œuvres qui lui font fuir sa solitude. Lorsque l’armée silencieuse des cénobites se laisse happer par le tumulte du monde, fût-ce celui de l’apostolat, le moine est en danger d’y perdre son âme. Alors, de cette armée touchée par l’esprit du monde, se détache un petit groupe qui, sans bruit, retourne au désert. C’est l’histoire de tous les recommencements monastiques. Et cette fuite est une soif. Une phrase de saint Paul dévoile mieux que toute autre explication ce qui est le secret des moines  " Ce qui semblait pour moi un gain, je n’y ai vu que préjudice en regard du Christ : oui, bien sûr, je ne vois que préjudice en regard du bien suprême qu’est la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur. Pour son amour j’ai tout sacrifié, regardant toute chose comme de l’ordure afin de gagner le Christ. " Et ceci, que je considère comme le nerf de la vocation monastique, parce que saint Paul y dévoile sa vie et la définit comme une course : " Non que j’aie atteint le but ou sois devenu parfait; mais je poursuis ma course pour tâcher de le saisir, puisque moi-même j’ai été saisi par le Christ… Je n’ai qu’une pensée : oubliant ce qui est derrière moi, tendu de tout mon être en avant, je cours droit au but vers le prix auquel Dieu m’a appelé d’en haut en Jésus-Christ. "

Alors l’existence ne se colore plus comme jadis, au gré des rencontres et des accidents de la vie. Les événements font place à l’Avènement, le relatif s’efface devant l’Absolu, le temps perd son épaisseur et se coule dans l’éternité, l’amer désenchantement des créatures se change en douceur d’être tout à Dieu.

Je devine une objection : où logez-vous la souffrance ? Est-ce que la vie du moine progresse sans histoire, allant paisiblement vers son dernier repos comme les eaux de Siloë qui coulent en silence ? Non, il y a des accidents de l’esprit, il y a des drames au fond de l’âme, que personne ne voit ; il faut compter avec l’uniformité de la vie, les silences de Dieu, le renoncement qui arrache autant qu’il délivre. Un moine, ayant écrit par obéissance l’histoire de son âme, avait intitulé son récit : Voyage à l’ancre. Un autre, italien celui-là, avait donné comme titre à ses mémoires : Domani, ricomincia la mia vita (Demain ma vie recommence). Ce qui peut s’entendre, soit à la manière d’une confidence voilant l’épreuve du terrible quotidien, soit comme l’annonce d’une aurore toujours plus belle. J’aime cette acception. A condition, comme le disait Bernanos, d’avoir la patience d’aller chaque jour jusqu’au bout de la nuit.

La patience, voilà le maître mot. C’est la vertu des soldats, des moines et des martyrs. De tous ceux qui ne choisissent pas leurs délais. On peut dire que depuis quatorze siècles la vertu de patience alliée au désir fait du moine une sentinelle dressée sur l’horizon du temps, où s’affrontent les empires. Mais, me direz-vous, si l’Église elle-même se trouve sujette aux catastrophes de l’histoire, comment l’institution monastique n’en serait-elle pas blessée à mort ?

Je réponds que l’Église — sous l’aspect humain et temporel qu’implique sa double nature — peut connaître certains effondrements, mais l’institution monastique sans cesse renaît de ses cendres, et c’est précisément aux moines qu’est échue la mission de représenter la sainteté de l’Église, de sauver, au milieu de ses pires compromissions avec le monde, la pure annonce du Royaume qui vient. Par là-même, le monachisme atteint sa vraie grandeur, car c’est tout uniment et d’un seul jet qu’il assume vocation personnelle et vocation ecclésiale : le moine, dans le face à face d’une vie éternelle commencée, regarde Dieu.

Mais pour voir Dieu il faut mourir.

La vocation monastique comporte un risque de mort qui lui est essentiel. Les anciens l’assimilaient au sacrifice par le feu, où rien ne subsiste de la victime. Avec plus de bonhomie un vieux moine nous disait le jour de nos vœux de religion : " Vous signez au bas d’une page blanche ; Dieu, à chaque moment, se charge de la remplir. " Si l’on avait pu me prédire, ce jour-là, qu’après avoir sauvé les engagements sacrés de ma profession je dusse songer au salut des jeunes gens qui vinrent me rejoindre, et que l’afflux des postulants m’obligerait à bâtir un grand monastère de type médiéval, que je dusse envoyer mes fils les plus chers vers les terres lointaines du Brésil, puis qu’un nouveau défi, déchirant celui-là, m’eût obligé à choisir de rester fidèle à la vérité catholique intégrale au prix d’une douloureuse relégation de mon Ordre, aurais-je eu le courage de signer ?

C’est le secret de Dieu et de ce dialogue subtil entre la grâce et la liberté, qui est probablement la seule aventure vraiment poignante ici-bas. Mais elle s’entoure de silence.

 

Et de ce silence un chant s’élève,

le seul qui nous exprime totalement :

Magnificat !

 

ÉPILOGUE

 

Qu'il soit permis aux fils d’ajouter quelques remarques aux paroles de leur père, car bien des événements se sont déroulés depuis qu’ont été écrites les pages qui précèdent.

Le Ciel n’a pas dit son dernier mot, et la " page blanche " continue de se remplir… Le dernier épisode, qui couronne cette époque de fondation, commence avec la visite du Cardinal Mayer, le 20 juin 1988. La mission dont l’avait investi le Pape Jean-Paul II consistait à répondre aux demandes que nous formulions depuis plusieurs années : poursuivre notre vie liturgique telle
qu’elle se déroule au Barroux, et ceci avec l’accord et la bénédiction de la sainte Église. Faut-il le dire ? Plus d’un parmi nous s’interrogea : cela sera-t-il possible ? Nous savions en effet les pressions terribles qui s’exercent sur le Saint-Siège pour empêcher la reconnaissance canonique des communautés dites "traditionalistes".

Mais quand une mère tend les bras à son fils, celui-ci peut-il faire autre chose que de s’y précipiter ? Nous adressâmes donc au Saint-Père une lettre officielle précisant notre demande. Fin juillet, la réponse arrive : le Pape fait droit généreusement à toutes nos requêtes. Dès lors, les étapes vont se succéder sans tarder : automne 88, rédaction de nos Constitutions ; printemps 89, visite de l’Abbé Primat des Bénédictins, accompagné de l’abbé de Randol, puis érection canonique de notre monastère en abbaye sui juris. Enfin, à 3 mois d’intervalle, bénédiction abbatiale de notre premier abbé, dom Gérard, le 2 juillet ; et le 2 octobre, dédicace de l’église du monastère.

Ce statut tout récent revêt à nos yeux une importance capitale : les structures visibles de l’Église ne sont-elles pas le moyen voulu par Dieu pour la sanctification des âmes ? Au lendemain de la bénédiction abbatiale de notre Père abbé, un religieux lui écrivait : " N’oubliez pas que l’abbatiat est une charge, une sorte de "sacrement" ; vous n’êtes plus un simple chef "charismatique", vous êtes entré dans le système sacramentel de l’Église… " Le monastère achève ainsi de devenir une vivante image de l’Ecclesia Mater.

Lorsque saint Bernard, en voyage, écrivait à ses moines, il adressait sa lettre à l’Église de Cîteaux. Cette formule exprime une idée profondément inscrite dans l’esprit des anciens moines : pour eux, la Communauté était vraiment une parcelle de cette Église que saint Jean vit descendre du ciel, à la fois épouse et cité ; ils n’avaient d’autre ambition que de prêter leur cœur et leurs lèvres à l’Église sainte pour commencer déjà sur terre les cantiques de la Jérusalem céleste. C’est là qu’il faut chercher la source de notre dévotion au mystère de l’Église. C’est aussi la raison pour laquelle les bénédictins mettent tant de solennité dans l’observance de l’Office divin : le Père abbé, bien que restant simple prêtre, est revêtu des insignes pontificaux, il représente, c’est-à-dire rend présent le Christ au milieu de la Communauté monastique, il en est visiblement le Père et le Chef, pour la conduire avec force et douceur jusqu’aux rivages de la Patrie.

Que notre monastère en conçoive une sorte de joie et de bonheur familial, qui pourrait lui en faire grief ? Mais ce statut qui correspond à l’âge adulte ne marque pas un temps d’arrêt dans sa progression, il ne fait que rendre plus pressant l’appel que le moine a entendu pour se convertir, c’est-à-dire pour se détourner de lui-même et se tourner vers le Christ, qui est la vraie lumière, à travers les humbles tâches de la vie quotidienne.

Les travaux de construction une fois achevés, la clôture monastique solidement établie, la solitude, le silence, l’étude, le travail manuel absorbent la vie et rythment la journée du moine. La sainte Église en recevant ses vœux solennels l’a consacré d’une manière irrévocable à l’humble et noble service de la majesté divine, dans l’enceinte du monastère (1). Cet honneur est pour lui une terrible exigence : comme ses devanciers, il devra se montrer fidèle, au prix de sa vie, afin de mériter, comme dit la Règle, de voir un jour Celui qui nous a appelés dans son Royaume.

 

 

APOPHTEGMES

 

" Écoute, ô mon fils… "

Premiers mots de la Règle des moines.

Antoine dit à Paul : " Voici que tu es devenu moine. Demeure à part. "

Histoire Lausiaque,

Antoine le Grand et Paul le Simple.

" Est moine celui

qui dirige son regard vers Dieu seul,

qui s’élance en désir vers Dieu seul,

qui est attaché à Dieu seul,

qui prend le parti de servir Dieu seul,

et qui, en possession de la paix avec Dieu,

devient encore cause de paix pour les autres. "

Saint Théodore Studite.

" On les appelle moines à cause de cette vie d’unité sans partage par laquelle, ramenant leur esprit de la distraction des choses multiples, ils le précipitent vers l’unité divine et la perfection du saint amour. "

Saint Denis.

" Ce qu’on a pu appeler la spiritualité du désert, cette forme d’esprit contemplatif qui cherche Dieu dans le silence et le dénuement, est un mouvement profond de l’esprit qui ne cessera jamais tant qu’il y aura des cœurs pour écouter sa voix. Ce n’est pas la peur, ni le repentir, ni la seule prudence qui peuplent les solitudes des monastères. C’est l’amour de Dieu. Qu’il y ait, au milieu des grandes cités modernes, dans les pays les plus riches, comme aussi dans les plaines du Gange ou les forêts d’Afrique, des âmes capables de se contenter, toute leur vie, de l’adoration et de la louange, qui se consacrent volontairement à l’action de grâces et à l’adoration, qui se constituent librement les garants de l’humanité près du Créateur, les protecteurs et les avocats de leurs frères près du Père des Cieux, quelle victoire du Tout-Puissant, quelle gloire pour le Seigneur ! Et le monachisme n’est pas autre chose dans son essence. "

Pie xii.

" C’est du désert et de son appel qu’a fleuri la vie monastique. Elle devra en être marquée pour toujours. "

Dom Savaton.

" Oh, que la clôture et la règle sont nécessaires aux contemplatifs, ces fontaines d’eau vive alimentées de Dieu, que le monde troublerait s’il venait y boire. Ils ne sauraient s’en protéger et ne le voudraient pas, eux, les aimants, les doux, les tendres : mais leurs puissants pères les ont entourés de murs où ils les gardent et les défendent. Et leur grâce, préservée à sa source par l’obéissance, ira couler loin, très loin d’eux, jusqu’au cœur altéré du monde. "

Marie Noël.

" Celui qui est séparé de tous est uni à tous. "

Évagre Le Pontique.

" Le moine choisit le repos laborieux du cloître pour habiter avec Dieu et avoir en pensée les années éternelles. "

Dom Guéranger.

" Comme l’Œuvre de Dieu recommence sept fois le jour et une fois la nuit, le fleuve de l’oraison coule sans cesse au milieu des enfants de saint Benoît, et l’âme qui demeure constamment sur sa rive bénie, peut s’y abreuver à longs traits de manière à en ressentir la fraîcheur salutaire du matin au soir et du soir au matin. "

Dom Romain Banquet.

" Les mondains courent à la servitude par la liberté ; vous, mes Pères, vous allez à la liberté par la dépendance. "

Bossuet.

" Toute la perfection du moine consiste dans une persévérance inlassable dans la prière. "

Jean Cassien.

" Beatus populus, qui scit jubilationem : bienheureux en effet le peuple qui est instruit dans l’art de la louange. Ce bienfait a été, sans interruption, la qualité propre du peuple de Dieu. Quand le peuple est libre, il se laisse aller à ce bonheur, de toute son âme ; et quand la main de la persécution s’appesantit sur lui, il éprouve une inguérissable nostalgie des cantiques de Sion. "

Dom Vonier.

" Voici l’âme et le point le plus élevé de la vie monastique : le service, la fréquentation et la jouissance de Dieu par la prière antique de l’Église. "

Dom Romain Banquet.

 

 

 

 

 

 

 

CETTE PLAQUETTE, RÉALISÉE

DANS LES ATELIERS

DU MONASTÈRE,

EST ORNÉE DE FIGURINES

ET D’ILLUSTRATIONS

DESSINÉES PAR L’ATELIER

DE LA SAINTE ESPÉRANCE.

 

 

 

 

 

 

ACHEVÉ D’IMPRIMER

SUR LES PRESSES DE

L’ARTISANAT MONASTIQUE

DE PROVENCE,

EN LA FÊTE DE NOTRE BIENHEUREUX

PÈRE SAINT BENOIT,

LE 21 MARS 1990.