MYSTERIA

Collection liturgique sous la direction de

Henri DELHOUGNE, O.S.B.

BREPOLS

LES PERES DE L’ÉGLISE COMMENTENT L’ÉVANGILE

Homéliaire pour les dimanches A, B, C et les grandes fêtes

Édition approuvée pour la Liturgie des Heures

Abbaye de Clervaux

BREPOLS

NOTE EXPLICATIVE SIGLES ET ABRÉVIATIONS *

1er dimanche de l’avent A *

2e dimanche de l’avent A *

3e dimanche de l’avent A *

4e dimanche de l’avent A *

25 décembre - Nativité du Seigneur A *

La Sainte Famille A *

1er janvier - Sainte Marie, Mère de Dieu A *

2e dimanche après Noël A et B *

Epiphanie du Seigneur A *

Baptême du Seigneur A *

1er dimanche de carême A *

2e dimanche de carême A *

3e dimanche de carême A *

4e dimanche de carême A *

5e dimanche de carême A *

Dimanche des Rameaux et de la Passion A *

Jeudi saint A *

Vendredi saint A *

Samedi saint A *

Dimanche de Pâques A *

Lundi de Pâques ABC *

2e dimanche de Pâques A *

3e dimanche de Pâques A *

4e dimanche de Pâques A *

5e dimanche de Pâques A *

6e dimanche de Pâques A *

Ascension du Seigneur A *

7e dimanche de Pâques A *

Pentecôte A *

La Sainte Trinité A *

Le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ A *

Le Sacré-Cœur de Jésus A *

2e dimanche du temps ordinaire A *

3e dimanche du temps ordinaire A *

4e dimanche du temps ordinaire A *

5e dimanche du temps ordinaire A *

6e dimanche du temps ordinaire A *

7e dimanche du temps ordinaire A *

8e dimanche du temps ordinaire A *

9e dimanche du temps ordinaire A *

10e dimanche du temps ordinaire A *

11e dimanche du temps ordinaire A *

12e dimanche du temps ordinaire A *

13e dimanche du temps ordinaire A *

14e dimanche du temps ordinaire A *

15e dimanche du temps ordinaire A *

16e dimanche du temps ordinaire A *

17e dimanche du temps ordinaire A *

18e dimanche du temps ordinaire A *

19e dimanche du temps ordinaire A *

20e dimanche du temps ordinaire A *

21e dimanche du temps ordinaire A *

22e dimanche du temps ordinaire A *

23e dimanche du temps ordinaire A *

24e dimanche du temps ordinaire A *

25e dimanche du temps ordinaire A *

26e dimanche du temps ordinaire A *

27e dimanche du temps ordinaire A *

28e dimanche du temps ordinaire A *

29e dimanche du temps ordinaire A *

30e dimanche du temps ordinaire A *

31e dimanche du temps ordinaire A *

32e dimanche du temps ordinaire A *

33e dimanche du temps ordinaire A *

34e dimanche du temps ordinaire A Le Christ Roi de l’univers *

 

APPROBATIONS

AVANT-PROPOS

Pour l’ordre Bénédictin

Dans l’office des Vigiles, une attention particulière a toujours été apportée par les communautés monastiques à l’écoute de l’Evangile et de son explication par les Pères de l’Église. Le Concile Vatican II a lui-même exhorté les moines à méditer les textes des Pères. Les lectures, ici proposées, ont été soigneusement choisies et le tout est conforme au Thesaurus Liturgiae Horarum

Rome, Noël 1990

Victor DAMMERTZ, OSB, Abbé Primat

Congregatio de Cultu Divino et Disciplina Sacramentorum

Prot. CD 895/90 Ordinis Sancti Benedicti

Instante Reverendo Patre Victorio Dammertz, Ordinis Sancti Benedicti Abbate Primate, litteris die 20 decembris 1990 datis, vigore facultatum huic Congregationi a Summo Pontifice IOANNE PAULO II tributorum, textum gallicum Lectionarii Patrum aa Vigilias, pro celebratione Liturgiae Horarum, cui titulus "Les Pères de l’Eglise commentent l’Evangile. Homéliaire pour les dimanches A, B, C et les grandes fêtes", prout in adnexo exstat exemplari, perlibenter probamus seu confirmamus.

In textu imprimendo inseratur ex integro hoc Decretum, quo petita confirmatio ab Apostolica Sede conceditur. Eiusdem insuper textus impressi duo exemplaria ad hanc Congregationem transmittantur.

Contrariis quibuslibet minime obstantibus.

Ex aedibus Congregationis de Cultu Divino et Disciplina Sacramentorum, 9 aprilis 1991.

Eduardus Card. MARTINEZ, Praefectus

+ Ludoyicus KADA, Archiep. tit. Thibicen. a Secretis

p Fr

Pour les Monastères Cisterciens

Cet homéliaire pour le troisième nocturne des dimanches et des fêtes entre dans le cadre du n° 12 des normes générales de la Liturgie des Heures approuvées pour l’OCSO en 1974. Nous le recommandons vivement aux monastères francophones de notre Ordre.

La Trappe, le 15 mai 1991.

F M -Gérard DUBOIS, président de la Commission Francophone Cistercienne

Pour l’ensemble des fidèles francophones

Ce lectionnaire patristique pour les dimanches et les fêtes a été réalisé à l’usage de l’Ordre de saint Benoît. Cependant, dans l’attente du lectionnaire facultatif à venir (cf. Présentation Générale de la Liturgie des Heures, nn. 161-162), les évêques de la Commission Internationale Francophone pour les Traductions et la Liturgie ont donné leur accord, le 26 septembre 1990, pour que ces textes soient éventuellement utilisés ad intérim par l’ensemble des fidèles francophones, à la place de la deuxième lecture de l’Office des lectures du dimanche.

A Paris, le 27 mai 1991

+ François FAVREAU, Évêque de Nanterre, Président de la Commission Internationale Francophone pour les Traductions et la Liturgie

Pour les textes empruntés à l’A.E.L.F., Concordat cum originali P. Jean-Louis ANGUÉ, Secrétaire Général de l’A.E.L.F.

Copyright

© Friends of Henry Ashworth, pour la sélection des textes;

© Liturgie Monastique des Heures, Clervaux, pour la traduction des homélies, pour les oraisons évangéliques et les notices ;

© A.E.L.F., Paris, 1980, pour les incipit des évangiles et les oraisons romaines;

© 1991 Brepols, pour l’ensemble de l’ouvrage.

D/1991/0095/32

Dépôt légal octobre 1991

ISBN 2-503-50022-6 (Brepols)

ISBN 2-89129-159-X (Anne Sigier)

 

 

Les Pères de l’Église sont nos pères dans la foi. Les premiers, et d’une manière inégalée, ils ont scruté, médité et expliqué la Sainte Écriture et en particulier les Évangiles. Très souvent ce fut au cours d’une célébration liturgique. Depuis que le Concile Vatican II a ouvert plus largement aux fidèles le trésor de la Bible (Constitution sur la liturgie n° 51), un plus grand nombre de passages de l’Évangile sont proclamés au cours de l’eucharistie. Un effort considérable a été fait, notamment par les auteurs de missels, pour faciliter l’accès à ces textes au moyen d’explications tenant compte de l’exégèse moderne. A côté de celle-ci, il est bon d’entendre aussi la voix des Pères de l’Église, voix moins "scientifique", certes, mais souvent savoureuse et nourrissante pour la vie spirituelle. L’exégèse moderne et celle des Pères sont donc complémentaires : l’une et l’autre sont nécessaires pour pénétrer dans l’Évangile. Afin de ‘promouvoir le goût savoureux et vivant de la Sainte Écriture’, comme le recommande le Concile (ibid. n° 24), la parole est donnée, dans ce livre, aux Pères de l’Eglise.

L’ouvrage que nous présentons au public est un "homéliaire". Ce terme désigne, dans la tradition liturgique, un recueil de textes patristiques commentant les évangiles proclamés dans la liturgie. L’homéliaire peut être considéré comme le complément du lectionnaire de "l’office romain des lectures", publié en français dans la Liturgie des Heures et dans un volume séparé intitulé Livre des Jours. Car non seulement il permet d’approfondir personnellement les lectures évangéliques entendues à la messe, ce qui peut rendre service à un assez large public. Mais il peut aussi être employé dans la liturgie des Heures, au cours d’un "office des lectures" des dimanches et des fêtes, après la proclamation solennelle de l’Évangile. Ceci a lieu habituellement dans la liturgie monastique, mais c’est aussi prévu, de manière facultative, par la liturgie romaine des Heures pour "ceux qui désirent prolonger, suivant la tradition, la célébration de la vigile du dimanche, des solennités et des fêtes " (Présentation générale de la liturgie des Heures n° 73). C’est la raison pour laquelle l’approbation des autorités compétentes a été sollicitée.

La sélection des textes a été effectuée principalement par Dom Henry Ashworth, O.S.B., (1914-1980), moine de l’abbaye de Quarr, qui avait déjà collaboré activement au lectionnaire patristique de la Liturgia Horarum ou Liturgie (romaine) des Heures. Après la mort de Dom Ashworth, le travail a été poursuivi par une équipe de connaisseurs des Pères de l’Église, placée sous la direction de Dame Edith Barnecut, O.S.B., de l’abbaye de Stanbrook (G.B.), et du Père John E. Rotelle, O.S.A., du Monastère Saint-Thomas, Villanova (U.S.A.). Le travail de Dom Ashworth et de son équipe est considérable : outre les homélies des dimanches et grandes fêtes, il propose des lectures patristiques quotidiennes correspondant à la répartition des lectures bibliques sur deux ans, initialement prévue par Liturgia Horarum.

Nous ne publions ici que les homélies pour les dimanches et les grandes fêtes. Nous reproduisons généralement la sélection des textes réalisée par Dom Ashworth et son équipe, telle qu’elle figure dans Christ our Light, 2 vol., Exordium Books, 1981-1985. Mais nous n’avons pas repris les textes qui se trouvent déjà dans la Liturgie des Heures et le Livre des Jours, auxquels nous renvoyons, ni non plus ceux qui ne peuvent être considérés comme textes patristiques, même au sens large. Nous avons aussi écarté quelques textes qui faisaient double emploi ou étaient de moindre valeur.

La traduction française de l’ensemble du "lectionnaire Ashworth " a été entreprise par l’abbaye Saint-Benoît-du-Lac (Canada), sous la direction de Dom Martin Chamberlain, O.S.B. Celui-ci nous a permis de publier séparément l’homéliaire et nous a aimablement communiqué les traductions déjà effectuées par le Père A.-M. Roguet, O.P. (Paris) : il s’agit de l’avent, du temps de Noël, du carême, de la Semaine sainte et du temps pascal. La traduction des homélies du temps ordinaire et du sanctoral a été réalisée, à partir des textes originaux, grecs et latins, par l’Abbé Robert Pirlot, du diocèse de Namur. La révision a été assurée par l’Abbé Pol Michel, de Nancy, ainsi que par Dom Antoine Dumas, O.S.B., de Clervaux, qui a, en outre, rédigé les notices historiques. La saisie sur ordinateur a été effectuée par Dom Paul Ludwig, O.S.B., de Clervaux. Que tous soient vivement remerciés.

 

Henri Delhougne, O.S.B.

Abbaye de Clervaux

 

 

NOTE EXPLICATIVE
SIGLES ET ABRÉVIATIONS

Les textes patristiques sélectionnés dans ce recueil commentent les passages des évangiles proclamés au cours de la messe des dimanches des années A, B, C, des solennités et des fêtes du Seigneur ayant priorité sur le dimanche. Pour manifester ce lien, il a paru bon de reproduire au moins le début de chacun de ces évangiles. Le manque de place ne permettait pas de les reproduire intégralement. Généralement, d’ailleurs, ces "incipit" sont déjà très évocateurs du texte intégral.

Après chacune des homélies, on a reproduit l’oraison correspondante du Missel romain ainsi que, pour le temps ordinaire, l’oraison évangélique figurant dans la Liturgie Monastique des Heures, ouvrage approuvé par l’autorité compétente.

Dans les homélies, on a imprimé en italiques les citations bibliques. La version biblique reproduite est celle de la traduction officielle de la liturgie, sauf quand le passage cité n’y figure pas ou quand l’auteur de l’homélie utilise une version ancienne assez différente de la traduction française liturgique.

Le sigle <> indique les passages omis dans la traduction. Dans le texte même de l’ouvrage, les seules abréviations employées sont celles des livres de la Bible qui sont usuelles dans les pays de langue française.

En note, les références aux œuvres des Pères contiennent les abréviations aux principales collections patristiques. Les voici, par ordre alphabétique:

CCM Corpus Christianorum. Continuatio Medievalis, Brepols.

CCL Corpus Christianorum. Séries Latina, Brepols.

CSCO Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium, Peeters.

CSEL Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum, Vienne.

GCS Die griechischen christlichen Schriftsteller, Berlin, diffusion Brepols.

PG Patrologia Graeco-Latina, Migne, diffusion Brepols.

PL Patrologia Latina, Migne, diffusion Brepols.

PLS Patrologiae Latinae Supplementum, éd. A. hamman, diffusion Brepols.

PO Patrologia Orientalis, diffusion Brepols. *

SC Sources Chrétiennes, Cerf.

 

 

Année A

Évangile selon saint Matthieu

Temps de l’avent A

 

1er dimanche de l’avent A

Evangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 24,37-44

Jésus parlait à ses disciples de sa venue: "L’avènement du Fils de l’homme ressemblera à ce qui s’est passé à l’époque de Noé. A cette époque, avant le déluge, on mangeait, on buvait, on se mariait, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche."

Homélie

Tenez-vous prêts !

Homélie de saint Paschase Radbert († vers 860)

Commentaire sur l’évangile de Matthieu, 11, 24, PL 120, 799-800

Veillez, car vous ne savez ni le jour ni l’heure (Mt 25,13). Bien que le Seigneur parle ainsi pour tous, il s’adresse uniquement à ses contemporains, comme dans beaucoup d’autres de ses discours qu’on lit dans l’Écriture. Pourtant, ces paroles concernent tous les hommes parce que, pour chacun d’eux, le dernier jour arrivera ainsi que la fin du monde, quand il devra quitter cette vie. Il est donc nécessaire que chacun en sorte comme s’il devait être jugé ce jour-là. C’est pourquoi tout homme doit veiller à ne pas se laisser égarer, mais à rester vigilant, afin que le jour du Seigneur, quand il viendra, ne le prenne pas au dépourvu. Car celui que le dernier jour de sa vie trouvera sans préparation, serait encore trouvé sans préparation au dernier jour du monde. Je ne pense donc nullement que les Apôtres aient cru que le Seigneur viendrait juger le monde pendant leur vie ; et pourtant, qui douterait qu’ils aient été attentifs à ne pas se laisser égarer, à veiller et à observer tous les conseils, donnés à tous, pour qu’ils soient trouvés préparés?

C’est pourquoi il faut toujours tenir compte d’un double avènement du Christ : l’un quand il viendra, et que nous devrons rendre compte de tout ce que nous aurons fait ; l’autre, quotidien, quand il visite sans cesse notre conscience, et qu’il vient à nous afin de nous trouver prêts lors de son avènement. A quoi me sert, en effet, de connaître le jour du jugement, lorsque je suis conscient de tant de péchés? De savoir si le Seigneur vient, et s’il ne vient pas d’abord dans mon cœur et ne revient pas dans mon esprit, si le Christ ne vit pas et ne parle pas en moi?

Alors, oui, il m’est bon que le Christ vienne à moi, si avant tout il vit en moi et moi en lui. Alors pour moi, c’est comme si le second avènement s’était déjà produit, puisque la disparition du monde s’est réalisée en moi, parce que je puis dire d’une certaine manière : Le monde est crucifié pour moi et moi pour le monde (Ga 6,14).

Réfléchissez encore à cette parole de Jésus : Beaucoup viendront en mon nom (Mt 24,5). Seul l’Antéchrist s’empare de ce nom, bien que ce soit mensonger; de même il présente son corps, mais sans le Verbe de vérité, et sans en avoir la sagesse. Dans aucun passage de l’Écriture, vous ne trouverez que le Seigneur ait déclaré : "Moi, je suis le Christ". Car il lui suffisait de montrer qu’il l’était, par ses enseignements et ses miracles, parce que l’œuvre du Père était en lui. L’enseignement de sa parole et sa puissance criaient: "Moi, je suis le Christ", plus fort que si des milliers de voix l’avaient crié.

Je ne sais donc pas si vous pourrez trouver qu’il l’a dit en paroles, mais il l’a montré en accomplissant les œuvres du Père (Jn 5,36) et en donnant un enseignement imprégné de piété filiale. Les faux messies en étant dépourvus, ils ne pouvaient employer que leurs discours pour soutenir leurs prétentions mensongères.

Prière

Donne à tes fidèles, Dieu tout-puissant, d’aller avec courage sur les chemins de la justice à la rencontre du Seigneur, pour qu’ils soient appelés, lors du jugement, à entrer en possession du Royaume des cieux. Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu, qui règne avec toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.

 

2e dimanche de l’avent A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 3,1-12

En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée: "Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche ! "

Homélie

Il est temps !

Homélie de saint Augustin († 430)

Sermon 109, 1; PL 38, 636.

Nous venons d’entendre l’évangile où Jésus critique ceux qui savaient reconnaître l’aspect du ciel, mais n’étaient pas capables de découvrir le temps où il était urgent de croire au Royaume des cieux (cf. Lc 12,54). C’est aux Juifs qu’il disait cela, mais cette parole parvient jusqu’à nous. Or le Seigneur Jésus Christ lui-même a commencé ainsi sa prédication : Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche (Mt 4,17). Jean Baptiste, son précurseur, avait commencé de la même façon : Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche (Mt 3,2). Et maintenant le Seigneur les blâme parce qu’ils ne veulent pas se convertir alors que le Royaume des cieux est proche, ce Royaume des cieux dont il dit lui-même qu’il ne vient pas de manière visible (Lc 17,20), et aussi qu’il est au milieu de vous (Lc 17,21).

Que chacun ait donc la prudence d’accepter les avertissements de notre Maître, pour ne pas laisser échapper le temps de sa miséricorde, ce temps qui se déroule maintenant, pendant lequel il épargne encore le genre humain. Car, si l’homme est épargné, c’est pour qu’il se convertisse, et que personne ne soit condamné.

C’est à Dieu de savoir quand viendra la fin du monde: quoi qu’il en soit, c’est maintenant le temps de la foi. La fin du monde trouvera-t-elle ici-bas l’un d’entre nous? Je l’ignore, et il est probable que non.

Pour chacun de nous le temps est proche, parce que nous sommes mortels. Nous marchons au milieu des dangers. Si nous étions de verre, nous les redouterions moins. Quoi de plus fragile qu’un récipient de verre? Pourtant on le conserve et il dure des siècles. Car on redoute pour lui une chute, mais non pas la vieillesse ni la fièvre. Nous sommes donc plus fragiles et plus faibles, et cette fragilité nous fait craindre chaque jour tous les accidents qui sont constants dans la vie des hommes. Et s’il n’y a pas d’accidents, il y a le temps qui marche. L’homme évite les heurts, évite-t-il la dernière heure? Il évite ce qui vient de l’extérieur, peut-il chasser ce qui naît au-dedans de lui? Parfois n’importe quelle maladie le domine subitement. Enfin, l’homme aurait-il été épargné toute sa vie, lorsqu’à la fin la vieillesse est venue, il n’y a plus de délai.

Prière

Seigneur tout-puissant et miséricordieux, ne laisse pas le souci de nos tâches présentes entraver notre marche à la rencontre de ton Fils; mais éveille en nous cette intelligence du cœur qui nous prépare à l’accueillir et nous fait entrer dans sa propre vie. Lui qui règne avec toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.

 

3e dimanche de l’avent A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 11,2-11 Jean le Baptiste, dans sa prison, avait appris ce que faisait le Christ. Il lui envoya demander par ses disciples : "Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre?"

Homélie

St. Jean Baptiste, symbole de la Loi ancienne "

Homélie de saint Ambroise († 397)

Commentaire sur l’évangile de Luc, 5, 93-95 99-102 109, SC 45, 216

Jean Baptiste appela deux de ses disciples et les envoya demander au Seigneur: Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? Il n’est pas simple de comprendre ces simples paroles, ou bien elles contredisent ce qui précède. Comment, en effet, Jean ignore-t-il maintenant celui que plus haut il a reconnu par révélation de Dieu le Père? Comment a-t-il reconnu alors celui qu’il ignorait jusque-là, et ignore-t-il maintenant celui qu’il connaissait naguère? Je ne le connaissais pas, dit-il, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit: C’est celui sur lequel tu verras l’Esprit Saint descendre du ciel (Jn 1,33). Et Jean Baptiste crut à cette parole, il reconnut celui qui lui fut montré, il l’a adoré après l’avoir baptisé, et il a prophétisé son avènement. Enfin, dit-il, j’ai vu et je rends ce témoignage: C’est lui le Fils de Dieu (Jn 1,34). <>

Puisque l’intelligence immédiate de ces paroles présente un sens contradictoire, cherchons leur signification spirituelle. Jean, nous l’avons dit précédemment, représente la Loi qui annonçait le Christ. Or il est exact que la Loi, retenue matériellement captive dans les cœurs rebelles comme dans des prisons obscures, enfermée dans des cachots pourvoyeurs de supplices, derrière des barreaux d’inconscience, ne pourrait pousser jusqu’au bout le témoignage en faveur de l’économie divine de notre salut sans la garantie de l’Évangile. <>

Jean envoie donc ses disciples au Christ, pour qu’ils obtiennent un supplément d’information, parce que le Christ est la plénitude de la Loi. <>

Enfin le Seigneur, sachant que sans l’Évangile personne ne peut avoir une foi plénière — car si la foi commence par l’Ancien Testament, c’est dans le Nouveau qu’elle s’accomplit —, n’éclaire pas les questions qu’on lui pose sur lui-même par des paroles, mais par des faits. Allez, dit-il, rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu: les aveugles voient, les sourds entendent, les lépreux sont purifiés, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres (Lc 7,22).

Pourtant ce ne sont encore là que des exemples mineurs du témoignage apporté par le Christ. Ce qui fonde la plénitude de la foi, c’est la croix du Seigneur, sa mort, son ensevelissement. Et c’est pourquoi, après la réponse que nous avons citée, il dit encore : Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi (Lc 7,23) ! En effet, la croix pourrait provoquer la chute des élus eux-mêmes, mais il n’y a pas de témoignage plus grand d’une personne divine, il n’y a rien qui paraisse davantage dépasser les forces humaines que cette offrande d’un seul pour tous : par cela seul, le Seigneur se révèle pleinement. Et enfin c’est ainsi que Jean l’a désigné: Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde (Jn 1,29). Ces paroles ne s’adressent pas seulement à ces deux hommes, les disciples de Jean, mais à nous tous, afin que nous croyions au Christ, si les événements confirment cette annonce.

Prière

Tu le vois, Seigneur, ton peuple se prépare à célébrer la naissance de ton Fils ; dirige notre joie vers la joie d’un si grand mystère, pour que nous fêtions notre salut avec un cœur vraiment nouveau. Par Jésus Christ.

 

4e dimanche de l’avent A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 1,18-24

Voici quelle fut l’origine de Jésus Christ. Marie, la mère de Jésus, avait été accordée en mariage à Joseph; or, avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint.

Homélie

Dieu fait homme, pour nous sauver

Homélie de saint Bède le Vénérable († 735)

Homélies pour la Vigile de Noël, 5, CCL 122, 32-36

L’évangéliste Matthieu, avec peu de mots, mais pleins de vérité, rapporte la naissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ, par laquelle, étant fils éternel de Dieu avant les siècles, il est apparu dans le temps comme un fils d’homme. Il avait rappelé les générations de ses ancêtres, depuis Abraham jusqu’à Joseph, l’époux de Marie. Et certes, il convenait de toute façon que Dieu, puisqu’il voulait devenir homme par amour pour les hommes, ne naquît pas d’une autre que d’une vierge et que, lorsqu’il arriverait qu’une vierge enfantât, elle ne put procréer un autre fils que Dieu lui-même : Voici, dit le prophète, la Vierge portera et enfantera un fils, et on l’appellera Emmanuel, nom qui se traduit: Dieu avec nous (Is 7,14).

Le nom de Sauveur "Dieu-avec-nous", donné par le prophète, signifie les deux natures de son unique personne. En effet, celui qui est Dieu, né du Père avant tous les siècles, c’est lui-même qui est Emmanuel à la fin des temps, c’est-à-dire Dieu avec nous. Il l’est devenu dans le sein de sa mère, parce qu’il a daigné accepter la fragilité de notre nature dans l’unité de sa personne, quand le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous (Jn 1,14). C’est-à-dire qu’il a commencé d’une manière admirable à être ce que nous sommes, sans cesser d’être ce qu’il était, en assumant notre nature, de façon à ne pas perdre ce qu’il était en lui-même. <>

Marie mit donc au monde son fils premier-né (Lc 2,7), c’est-à-dire le fils de sa substance ; elle enfanta celui qui, avant toute créature, était Dieu, né de Dieu, et qui, dans l’humanité où il était créé, devançait en mérite toute créature.

Et elle lui donna le nom de Jésus (cf. Lc 2,21). Donc, le nom de Jésus est celui du fils qui, né de la Vierge, signifie selon l’explication de l’ange qu’il sauvera son peuple de ses péchés. Or, celui qui sauve des péchés, c’est évidemment lui aussi qui sauvera des corruptions de l’âme et du corps, qui sont les suites du péché.

Quant au nom du Christ, c’est le titre d’une dignité sacerdotale et royale. Car les prêtres et les rois, sous la loi ancienne, étaient appelés Christs à cause de la chrismation. Cette onction d’huile sainte préfigurait celui qui, en venant dans le monde comme vrai roi et pontife, a été consacré d’une onction de joie, comme aucun de ses semblables (Ps 44,8). A cause de cette onction ou chrismation, le Christ en personne et ceux qui participent à la même onction, c’est-à-dire à la grâce spirituelle, sont appelés "chrétiens".

Du fait qu’il est Sauveur, le Christ peut nous sauver de nos péchés; du fait qu’il est pontife, il peut nous réconcilier avec Dieu le Père; du fait qu’il est roi, qu’il daigne nous donner le royaume éternel de son Père, Jésus Christ notre Seigneur qui, étant Dieu, vit et règne avec le Père et le Saint-Esprit, pour les siècles des siècles. Amen.

Prière

Que ta grâce, Seigneur notre Père, se répande en nos cœurs : par le message de l’ange, tu nous as fait connaître l’incarnation de ton Fils bien-aimé ; conduis-nous par sa passion et par sa croix jusqu’à la gloire de la résurrection. Par Jésus Christ.

Temps de Noël A

 

25 décembre - Nativité du Seigneur A

Évangile

Commencement de l’Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 1,1-25 ; lecture brève : 1,18-25

Voici la table des origines de Jésus Christ, fils de David, fils d’Abraham: Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères.

ou bien

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 2,1-14

En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre.

Homélie

Il s’est fait pauvre

Homélie de Théodote d’Ancyre († après 438)

1 Homélies pour Noël, 1, PG 77, 1360 1361

Le Seigneur de tous est venu sous la forme de l’esclave, revêtu de pauvreté, comme un chasseur qui ne veut pas effaroucher son gibier. Il choisit pour naître un village obscur dans une région inconnue. Il naît d’une vierge qui est pauvre et il adopte tout ce qui est pauvre, afin de partir sans bruit à la chasse du salut de l’homme. Car s’il était né dans la gloire et les richesses, les incroyants diraient assurément que le monde a été transformé par ses largesses. S’il avait choisi pour naître la grande ville de Rome, ils attribueraient à la puissance de ses concitoyens les changements de l’univers. S’il avait été fils d’empereur, on aurait expliqué ses bienfaits par sa puissance. S’il avait été fils d’un sénateur, on aurait attribué à ses lois les progrès réalisés.

Or, qu’a-t-il fait? Uniquement des actions pauvres et banales, tout ce qui était modeste et ignoré du plus grand nombre, afin que le monde sache que la divinité seule a réorganisé le monde. C’est pour cela qu’il a choisi une mère pauvre, et une patrie plus pauvre encore. Il n’avait aucune ressource, et cette indigence nous est signalée par la crèche. Car, puisqu’on n’avait pas de lit pour coucher le Seigneur, on le mit dans une mangeoire et ce manque du nécessaire devint une glorieuse annonce prophétique. Car il est déposé dans une mangeoire pour annoncer qu’il sera la nourriture de ceux qui ne savent pas parler élégamment. Le Verbe de Dieu attirait à lui les riches et les pauvres, les hommes éloquents et ceux qui s’expriment avec difficulté, puisqu’il vit dans la pauvreté, lui qui couche dans une mangeoire. Voilà comment l’indigence devient une prophétie, comment la pauvreté de celui qui pour nous s’est fait chair (Jn 1,14) a montré à tous combien il est accessible.

Car personne n’a manqué de confiance pour avoir été intimidé par les richesses inouïes du Christ; personne n’a été empêché de l’aborder par la hauteur de son pouvoir. Il est apparu banal et pauvre, lui qui s’est offert à tous pour leur salut. Car dans la crèche, c’est le Verbe de Dieu qui se présente au moyen du corps, afin que l’ignorant aussi bien que l’intellectuel puisse accéder à cet aliment qui nous sauve. Et c’est peut-être cela aussi que le prophète proclamait à l’avance quand il disait, en dévoilant le mystère de cette crèche : Le bœuf connaît son propriétaire, et l’âne la crèche de son maître. Israël ne me connaît pas, mon peuple ne comprend pas (Is 1,3).<>

Il s’est fait pauvre à notre profit, lui qui était riche en raison de sa divinité, afin de rendre le salut facilement accessible à tous. C’est ce que voulait dire saint Paul : Lui qui était riche, il est devenu pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riche par sa pauvreté (2 Co 8,9). Et qui donc était ce riche? Et de quoi était-il riche, et comment celui-là est-il devenu pauvre à cause de nous? Dites-le-moi: qui donc, quand il était riche, est devenu

pauvre de ma pauvreté? C’est Dieu, dit saint Paul, qui était riche par sa création. Donc Dieu même s’est fait pauvre, adoptant la pauvreté de celui qui devenait visible. Car lui-même est riche de sa divinité, et en même temps s’est fait pauvre pour nous.

Prière

Père, toi qui as merveilleusement créé l’homme et plus merveilleusement encore rétabli sa divinité, fais-nous participer à la divinité de ton Fils, puisqu’il a voulu prendre notre humanité. Lui qui règne.

 

La Sainte Famille A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 2,13-15.19-23

Après la visite des mages, l’Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit: "Lève-toi; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Egypte. Reste là-bas jusqu’à ce que je t’avertisse, car Herode va rechercher l’enfant, pour le faire périr. "

Homélie

Quelle richesse, dans cette pauvreté !

Homélie de saint Jean Chrysostome († 407)

Homélie pour Noël, PG 56, 392

Le Sauveur est entré en Egypte pour supprimer le deuil de l’antique tristesse. Au lieu des plaies il apporta la joie; au lieu des ténèbres et de la nuit, il donna la lumière du salut. Autrefois l’eau du fleuve avait été polluée par le massacre prématuré des petits enfants. Il entra donc en Egypte, celui qui jadis avait rougi cette eau, et il rendit les eaux des fleuves capables d’engendrer le salut, en purifiant par la puissance de l’Esprit ce qui était maudit et souillé en elles. Les Égyptiens avaient été châtiés et, dans leur folie, ils avaient renié le Seigneur. Le Seigneur entra en Egypte, il remplit les âmes religieuses de la connaissance de Dieu, et il donna au fleuve de produire encore plus de martyrs que d’épis de blé. <>

Que puis-je dire de ce mystère? Je vois un ouvrier, une mangeoire, un enfant, des langes, l’enfantement d’une vierge privée de tout le nécessaire, toutes les marques de l’indigence, tout le fardeau de la pauvreté. Avez-vous jamais vu la richesse dans une telle pénurie? Comment celui qui était riche s’est-il fait pauvre pour nous au point que, privé de berceau et de couvertures, il est étendu dans une dure mangeoire? <>

O richesse immense, sous les apparences de la pauvreté ! Il gît dans une mangeoire et il ébranle l’univers ! Serré dans ses langes, il brise les chaînes du péché. Alors qu’il ne peut pas prononcer un mot, il a instruit les mages et les a fait changer d’itinéraire ! Encore une fois, le mystère décourage la parole ! Voici le bébé enveloppé de langes, couché dans une mangeoire ; il y a là aussi Marie, à la fois vierge et mère, il y a encore Joseph qu’on appelle son père. Celui-ci a épousé Marie, mais le Saint-Esprit a couvert Marie de son ombre. C’est pourquoi Joseph était angoissé, ne sachant comment appeler l’enfant. <>

Dans cette anxiété, un oracle lui fut apporté par un ange : Ne crains pas, Joseph, l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint (Mt 1,20). Car c’est lui qui l’a couverte de son ombre. Pourquoi le Sauveur est-il né d’une vierge et a-t-il sauvegardé sa virginité? Parce que jadis Eve, étant vierge, fut trompée par le démon, Gabriel apporta la bonne nouvelle à Marie qui était vierge. Mais tandis qu’Eve, s’étant laissé séduire, enfanta une cause de mort, Marie ayant reçu la bonne nouvelle, enfanta le Verbe incarné qui nous a apporté la vie éternelle.

Prière

Tu as voulu, Seigneur, que la Sainte Famille nous soit donnée en exemple ; accorde-nous la grâce de pratiquer, comme elle, les vertus familiales et d’être unis par les liens de ton amour, avant de nous retrouver pour l’éternité dans la joie de ta maison. Par Jésus Christ.

 

 

1er janvier - Sainte Marie, Mère de Dieu A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 2,16-21

Quand les bergers arrivèrent à Bethléem, ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans une mangeoire.

Homélie

Né de la Vierge Marie

Homélie de saint Cyrille d’Alexandrie († 444)

Homélies sur l’Incarnation, 15, 1-3, PG 77, 1090-1091.

Le mystère de la piété (cf. 1 Tm 3,16) est profond, magnifique, admirable, et les anges eux-mêmes désirent grandement le comprendre ! En effet, un disciple du Sauveur dit au sujet des paroles prophétiques concernant le Christ, notre Sauveur à tous : Mystères qui vous ont été proclamés par ceux qui vous ont apporté l’Evangile sous l’action de l’Esprit Saint envoyé du ciel, alors que les anges eux-mêmes voudraient y plonger leurs regards (cf. 1 P 1,12). Certes, ils ont tous plongé leurs regards dans ce grand mystère de la piété lorsque le Christ est né dans la chair, et qu’ils disaient : Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime (Lc 2, 14). <>

Alors que, par nature, il était vrai Dieu, le Verbe issu de Dieu le Père, consubstantiel et coéternel au Père, resplendissant au zénith de sa gloire, étant dans la condition de son Père et dans l’égalité avec lui, il n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant, de la Vierge Marie, la condition de serviteur, devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix (Ph 2,6-8). C’est ainsi qu’il s’est volontairement abaissé à ce point, lui qui donne à tous sa plénitude. Il s’est abaissé pour nous, sans y être forcé par personne, mais il est allé jusqu’à prendre pour nous la condition d’esclave, lui qui, par nature, était libre; il s’est fait l’un de nous, lui qui était au-dessus de toute la création; il est devenu mortel lui qui vivifie toutes choses, car il est le pain vivant, qui donne la vie au monde (cf. Jn 6,51.33); il s’est mis avec nous sous l’autorité de la loi, lui qui, comme Dieu, était supérieur à la loi et fondateur de la loi. Oui, il s’est rendu pareil à un nouveau-né qui entre dans la vie, lui qui existait avant tous les âges et tous les siècles, lui qui était l’auteur et le créateur des siècles.

Comment donc est-il devenu égal à nous? En prenant corps de la Vierge Marie, un corps non pas inanimé mais informé par une âme spirituelle. C’est ainsi qu’il est sorti de sa mère comme un homme véritable, mais sans péché. En vérité, et non pas en apparence ou en imagination. Ne perdant certes pas sa divinité, et ne rejetant pas ce qu’il avait toujours été, ce qu’il est et ce qu’il sera: Dieu.

C’est pourquoi nous disons que la Vierge sainte est la Mère de Dieu.

Prière

Dieu tout-puissant, par la maternité virginale de la bienheureuse Vierge Marie, tu as offert au genre humain les trésors du salut éternel; accorde-nous de sentir qu’intervient en notre faveur celle qui nous permit d’accueillir l’auteur de la vie, Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur. Lui qui règne.

 

2e dimanche après Noël A et B

Évangile

Commencement de l’Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 1,1-18

Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu.

Homélie

Sa naissance est aussi la nôtre

Sermon de saint Léon le Grand († 461)

Sermons pour Noël, 6, 2-35, CCL 138, 126-127

La majesté du Fils de Dieu n’avait pas dédaigné l’état d’enfance; mais l’enfant a grandi avec l’âge jusqu’à la stature de l’homme parfait; puis, lorsqu’il a pleinement accompli le triomphe de sa passion et de sa résurrection, toutes les actions de la condition humiliée qu’il avait adoptée pour l’amour de nous sont devenues du passé. Pourtant, la fête d’aujourd’hui renouvelle pour nous les premiers instants de Jésus, né de la Vierge Marie. Et lorsque nous adorons la naissance de notre Sauveur, il se trouve que nous célébrons notre propre origine.

En effet, lorsque le Christ vient au monde, le peuple chrétien commence; l’anniversaire de la tête, c’est l’anniversaire du corps.

Sans doute, chacun de ceux qui sont appelés le sont à leur tour, et les fils de l’Église apparaissent à des époques différentes. Pourtant, puisque les fidèles dans leur totalité, nés de la source du baptême, ont été crucifiés avec le Christ dans sa passion, ressuscites dans sa résurrection, établis à la droite du Père dans son ascension, ils sont nés avec lui en cette Nativité.

Tout croyant, de n’importe quelle partie du monde, qui renaît dans le Christ, après avoir abandonné le chemin du péché qu’il tenait de son origine, devient un homme nouveau par sa seconde naissance. Il n’appartient plus à la descendance de son père selon la chair, mais à la race du Sauveur, car celui-ci est devenu Fils de l’homme pour que nous puissions être fils de Dieu.

Car si lui-même, par son abaissement, n’était pas descendu jusqu’à nous, personne n’aurait pu, par ses propres mérites, parvenir jusqu’à lui. <>

Un si grand bienfait appelle de notre part une reconnaissance digne de sa splendeur. En effet, comme nous l’enseigne saint Paul, l’Esprit que nous avons reçu, ce n’est pas celui du monde, c’est celui qui vient de Dieu, et ainsi nous avons conscience des dons que Dieu nous a faits (1 Co 2,12). On ne peut l’honorer avec assez de piété qu’en lui offrant ce que lui-même nous a donné.

Or, dans les trésors de la générosité divine, que pouvons-nous trouver qui soit aussi bien accordé à la dignité de la fête présente, que cette paix proclamée par le cantique des anges lors de la nativité du Seigneur?

Car c’est la paix qui engendre les fils de Dieu (Ep 4,3), qui favorise l’amour, qui enfante l’unité, qui est le repos des bienheureux, la demeure de l’éternité. Son ouvrage propre, son bienfait particulier, c’est d’unir à Dieu ceux qu’elle sépare du monde. <>

Donc, ceux qui ne sont pas nés de la chair et du sang, ni d’une volonté chamelle, ni d’une volonté d’homme, mais qui sont nés de Dieu (Jn 1,13), doivent offrir au Père la volonté unanime des artisans de paix. Tous ceux qui sont devenus par adoption les membres du Christ, doivent accourir pour rejoindre ensemble le premier-né de la nouvelle création, celui qui est venu faire non pas sa volonté, mais la volonté de celui qui l’envoie (Jn 6,38). Les héritiers que la grâce du Père adopte ne sont pas des héritiers divisés ou disparates; ils ont les mêmes sentiments et le même amour. Ceux qui sont recréés selon l’Image unique doivent avoir une âme qui lui ressemble.

La naissance du Seigneur Jésus, c’est la naissance de la paix. Comme le dit saint Paul : C’est lui, le Christ, qui est notre paix (Ep 2,14). Que nous soyons d’origine juive ou païenne, c’est par lui que nous avons accès auprès du Père, dans un seul Esprit (Ep 2,18).

Prière

Dieu éternel et tout-puissant, lumière pour les hommes qui croient, daigne remplir de ta gloire le monde entier en te faisant connaître à tous les peuples. Par Jésus Christ.

 

Epiphanie du Seigneur A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 2,1-12

Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent: "Où est le roi des Juifs qui vient de naître ?

Homélie

Le jour de la naissance de l’humanité

Homélie de saint Basile le Grand († 379)

Homélies sur Noël, 2 ; PG 31, 1472-1476.

L’étoile vient de s’arrêter au-dessus du lieu où se trouvait l’enfant. C’est pourquoi les mages, quand ils virent l’étoile, éprouvèrent une très grande joie (Mt 2,9.10). Accueillons, nous aussi, cette grande joie dans nos cœurs. Car c’est de la joie que les anges annoncent aux bergers. Adorons avec les mages, rendons gloire avec les bergers, dansons avec les anges ! Il nous est né aujourd’hui un Sauveur, qui est le Messie, le Seigneur (Lc 2,11). C’est Dieu, le Seigneur, qui nous illumine (Ps 117,27), non pas sous la forme de Dieu, pour ne pas épouvanter notre faiblesse, mais sous la forme du serviteur, afin de donner la liberté à ceux qui étaient réduits en servitude. Qui donc a un cœur assez endormi, qui donc est assez ingrat pour ne pas se réjouir, exulter et rayonner devant un tel événement?

Cette fête est commune à toute la création : elle accorde à notre monde les biens qui sont au-delà du monde, elle envoie des archanges à Zacharie et à Marie, elle constitue des chœurs d’anges qui proclament: Gloire à Dieu au plus haut des cieux, paix sur la terre, bienveillance aux hommes (Lc 1,14). Les étoiles accourent du haut du ciel, les mages quittent les nations païennes, la terre offre son accueil dans une grotte. Personne n’est indifférent, personne n’est ingrat. Nous-mêmes, fêtons le salut du monde, le jour de naissance de l’humanité. On ne peut plus dire maintenant : Tu es poussière, et tu retourneras à la poussière (Gn 3,19), mais: Rattaché à l’homme céleste (cf. 1 Co 15,48), tu seras élevé au ciel. On n’entendra plus dire: Tu enfanteras dans la souffrance, (Gn 3,16), car bienheureuse celle qui a enfanté l’Emmanuel, et les mamelles qui l’ont allaité. Un enfant nous est né, un fils nous a été donné, l’insigne du pouvoir est sur son épaule (Is 9,6). <>

Unissez-vous à ceux qui ont reçu avec joie le Seigneur venant du ciel. Pensez aux bergers pénétrés de sagesse, aux grands prêtres qui prophétisent, aux femmes remplies de joie, quand Marie est invitée par Gabriel à se réjouir, et que Jean tressaille dans les entrailles d’Elisabeth. Anne propageait la bonne nouvelle ; Syméon tenait dans ses bras ce petit enfant dans lequel tous adoraient le Dieu de majesté. Bien loin de mépriser ce qu’ils voyaient, ils magnifiaient la grandeur de sa divinité. Car la vertu divine apparaissait à travers ce corps humain, comme la lumière à travers les vitres, resplendissante, pour ceux dont les yeux du cœur étaient purifiés.

Puissions-nous être trouvés avec eux, nous aussi, contemplant la gloire du Seigneur comme dans un miroir, et être nous-mêmes transfigurés de gloire en gloire (2 Co 3,18), par la grâce et la tendresse miséricordieuse de notre Seigneur Jésus Christ : à lui la gloire et la puissance, pour les siècles des siècles. Amen.

Prière

Aujourd’hui, Seigneur, tu as révélé ton Fils unique aux nations, grâce à l’étoile qui les guidait; daigne nous accorder, à nous qui te connaissons déjà par la foi, d’être conduits jusqu’à la claire vision de ta splendeur. Par Jésus Christ.

 

Baptême du Seigneur A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 3,13-17

Jésus, arrivant de Galilée, paraît sur les bords du Jourdain, et il vient à Jean pour se faire baptiser par lui.

Homélie

au choix

Jean Baptiste et Jésus

Homélie attribuée à saint Grégoire le Thaumaturge († 270)

Homélies sur la sainte Théophanie, 4, PG 10, 1181-1183

En ta présence, Seigneur Jésus, je ne puis me taire, car je suis la voix, et la voix de celui qui crie à travers le désert: préparez le chemin du Seigneur (cf. Mt 3,3). C’est moi qui ai besoin de me faire baptiser par toi, et c’est toi qui viens à moi (Mt 3,14) !

Moi, quand je suis né, j’ai effacé la stérilité de celle qui m’enfantait; et comme j’étais un tout nouveau-né, j’ai porté remède au mutisme de mon père en recevant de toi la grâce de ce miracle.

Mais toi, né de la Vierge Marie de la manière que tu as voulue et que tu es seul à connaître, tu n’as pas effacé sa virginité, tu l’as protégée en lui ajoutant le titre de mère; et ni sa virginité n’a empêché ton enfantement, ni ton enfantement n’a souillé sa virginité. Ces deux réalités incompatibles, l’enfantement et la virginité, se sont rejointes en une harmonie unique, ce qui est à la portée du Créateur de la nature.

Moi, qui suis un homme, je ne fais que participer à la grâce divine; mais toi, tu es à la fois Dieu et homme, parce que tu es par nature l’ami des hommes.

C’est moi qui ai besoin de me faire baptiser par toi, et c’est toi qui viens à moi ? Toi, tu étais au commencement, tu étais auprès de Dieu, et tu étais Dieu (cf. Jn 1,1); toi qui es le reflet resplendissant de la gloire du Père, toi qui es l’expression du Père (cf. He 1,3) parfait; toi qui es la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde (Jn 1,9); toi qui, lorsque tu étais dans le monde, es venu là où tu étais déjà ; toi qui t’es fait chair, mais qui habites en nous (Jn 1,14), et qui t’es fait voir de tes serviteurs dans la condition de serviteur (Ph 2,8); toi qui as uni la terre et le ciel par ton saint nom comme par un pont: c’est toi qui viens à moi ! Toi, qui es si grand, vers le pauvre que je suis? Le roi vers le précurseur, le Seigneur vers le serviteur.

Mais tu as beau ne pas rougir de naître selon l’humble manière des hommes : moi, je ne puis franchir les limites de la nature. Je sais quel est l’abîme qui sépare la terre et le Créateur. Je sais quelle est la différence entre le limon de la terre et celui qui l’a modelé. Je sais combien ton soleil de justice l’emporte sur moi qui ne suis que la lampe de ta grâce. Et, bien que tu sois revêtu par la nuée très pure de ton corps, moi, pourtant, je reconnais ma condition servile, je proclame ta magnificence. Je ne suis pas digne de défaire la courroie de tes sandales (Mc 1,7). Et comment oserai-je toucher le sommet immaculé de ta tête? Comment étendrai-je la main sur toi qui as déployé les cieux comme une tenture (Ps 103,2) et qui as affermi la terre sur les eaux (Ps 135,6)? Comment éclairerai-je celui qui est la lumière en personne? Quelle prière vais-je faire sur toi, qui accueilles même les prières de ceux qui t’ignorent?

ou bien

Baptisé pour nous sanctifier

Homélie de saint Chromace d’Aquilée († 407)

Sermons sur l’Epiphanie, 34; CCL 9A, 156-157

En ce jour, comme nous venons de l’entendre par la lecture de l’Évangile, notre Seigneur et Sauveur a été baptisé par Jean dans le Jourdain, et c’est pourquoi cette solennité n’est pas petite, mais grande, et même très grande. Car, lorsque notre Seigneur a daigné se faire baptiser, l’Esprit Saint vint sur lui sous la forme d’une colombe, et l’on entendit la voix du Père qui disait: Celui-ci est mon Fils bien-aimé; en lui j’ai mis tout mon amour (Mt 3,17).

Quel grand mystère dans ce baptême céleste ! Le Père se fait entendre du haut du ciel, le Fils est vu sur la terre, l’Esprit Saint se montre sous la forme d’une colombe. Car il .n’y a pas de vrai baptême ni de vraie rémission des péchés là où il n’y a pas la vérité de la Trinité; et la "rémission des péchés ne peut être donnée là où la foi en la Trinité n’est pas parfaite;

Le baptême que donne l’Église est unique et véritable : il n’est donné qu’une fois et, en y étant plongé une seule fois, on est purifié et renouvelé. Purifié, parce qu’on a déposé la souillure des péchés; renouvelé, parce qu’on ressuscite pour une vie nouvelle après avoir dépouillé la vieillerie du péché. Car ce bain du baptême rend l’homme plus blanc que neige, non quant à la peau de son corps, mais par la splendeur de son esprit et la pureté de son âme.

Donc les cieux se sont ouverts, au baptême du Seigneur, afin que, par le bain de la nouvelle naissance, on découvre que les royaumes des cieux sont ouverts aux croyants, selon cette sentence du Seigneur: Personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu (Jn 3,5). Il est donc entré, celui qui renaît et qui n’a pas négligé de préserver son baptême; et, semblablement, il n’est pas entré celui qui n’est pas rené.

Donc, parce que notre Seigneur était venu donner le baptême nouveau pour le salut du genre humain et la rémission de tous les péchés, lui-même a voulu être baptisé le premier, non pour dépouiller le péché, puisqu’il n’avait pas commis de péché, mais pour sanctifier les eaux du baptême afin de détruire les péchés de tous les croyants renés par le baptême. Lui, le Seigneur, fut donc baptisé dans l’eau pour que, par le baptême, nous soyons lavés de tous nos péchés.

Prière

Dieu éternel et tout-puissant, quand le Christ fut baptisé dans le Jourdain, et que l’Esprit Saint reposa sur lui, tu l’as désigné comme ton Fils bien-aimé ; accorde à tes fils adoptifs, nés de l’eau et de l’Esprit, de se garder toujours dans ta sainte volonté. Par Jésus Christ.

Temps du carême A

 

1er dimanche de carême A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 4,1-11

Jésus, après son baptême, fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le démon.

Homélie

Le baptisé, tenté comme le Christ

Homélie de saint Grégoire de Nazianze († 389)

Discours 40, 10, PG 36, 370-371

Si le persécuteur et le tentateur de la lumière vient t’assaillir après le baptême, — et certes il le fera, car il a bien assailli le Verbe, mon Dieu, dissimulé sous le voile de la chair, cette lumière cachée par son humanité visible, — tu as de quoi le vaincre ! Ne redoute pas le combat. Oppose-lui l’eau du baptême, oppose-lui cet esprit en qui s’éteignent les traits enflammés du Mauvais.

Si celui-ci te montre la pauvreté, — car il n’a pas hésité à la montrer au Christ lui-même — et si, te montrant la faim qui te menace, il te demande que les pierres deviennent du pain, dépiste ses intentions. Enseigne-lui ce qu’il ignore, oppose-lui cette Parole de vie qui est le Pain envoyé du ciel pour donner la vie au monde.

S’il t’attaque par les pièges de la vaine gloire — comme il l’a fait pour lui, en l’élevant sur le pinacle du Temple et en lui disant: Jette-toi en bas (Mt 4,6) pour donner une preuve de sa divinité —, ne te laisse pas abaisser par l’élévation de l’esprit. Car si cette épreuve le met en échec, il ne s’arrêtera pas pour autant. Il est insatiable, il attaque sur tous les fronts. Il flatte, avec une apparence de bénignité, mais il finit par le mal. C’est là sa stratégie. En outre, cet usurpateur est versé dans les Écritures. D’où ce refrain: Il est écrit, dit-il, au sujet du pain; il est écrit au sujet des anges. Car il est écrit, dit-il, qu’il a donné pour toi des ordres à ses anges, ils te porteront sur leurs mains (Mt 4,6). O sophiste du mal ! Comment as-tu supprimé ce qui suit? Car cela, je le comprends parfaitement, même si tu l’as caché: que je marcherai sur l’aspic et le basilic, qui te représentent ; que je foulerai aux pieds serpents et scorpions, car je serai entouré et protégé par la Trinité.

S’il t’attaque par la cupidité en te montrant en un moment, d’un seul coup d’œil, tous les royaumes comme s’ils lui appartenaient, en exigeant que tu l’adores, méprise-le comme le pauvre qu’il est. Dis-lui, encouragé par le sceau du baptême: "Moi aussi, je suis une image de Dieu, mais je n’ai pas, comme toi, été précipité de ma gloire céleste à cause de mon orgueil. J’ai revêtu le Christ. Par le baptême, le Christ m’appartient. C’est à toi de m’adorer."

A ces paroles, crois-moi, il s’en ira, vaincu et humilié par ceux que le Christ a illuminés, comme il l’a été par le Christ, lumière primordiale.

Tels sont les bienfaits qu’apporté le bain du baptême à ceux qui reconnaissent sa force; voilà le festin qu’il propose à ceux qui souffrent d’une faim méritoire.

Prière

Accorde-nous, Dieu tout-puissant, tout au long de ce carême, de progresser dans la connaissance de Jésus Christ et de nous ouvrir à sa lumière par une vie de plus en plus fidèle. Lui qui règne.

 

2e dimanche de carême A

Evangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 17,1-9

Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène à l’écart, sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux.

Homélie

au choix

La Transfiguration, soutien de la foi des disciples

Homélie attribuée à saint Éphrem († 373)

Sermon sur la Transfiguration, 1, 3-4, Opera omnia quae exstant graece, vol 2, Rome, 1743, 41-43.

Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et il les emmène sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux; son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière (Mt 17,1-2).

Il les emmena sur la montagne pour leur montrer la gloire de sa divinité et leur faire connaître qu’il était le Rédempteur d’Israël, comme il l’avait montré par ses prophètes et afin de prévenir aussi tout scandale à la vue des souffrances librement consenties qu’il allait subir pour nous dans sa nature humaine. Ils le connaissaient en effet comme homme, mais ils ignoraient qu’il fût Dieu; ils le connaissaient comme fils de Marie, un homme qui vivait avec eux dans le monde, mais sur la montagne il leur fit connaître qu’il était le Fils de Dieu, et Dieu lui-même.

Ils l’avaient vu manger et boire, se fatiguer et prendre du repos, s’assoupir et dormir, subir l’effroi jusqu’au gouttes de sueur, toutes choses qui ne semblaient guère en harmonie avec sa nature divine et ne convenir qu’à son humanité. Voilà pourquoi il les emmena sur la montagne, afin que le Père l’appelât son Fils et leur montrât qu’il était vraiment son Fils, et qu’il était Dieu.

Il les emmena sur la montagne et il leur montra sa royauté avant de souffrir, sa puissance avant de mourir, sa gloire avant d’être outragé et son honneur avant de subir l’ignominie. Ainsi, lorsqu’il serait pris et crucifié par les Juifs, ses Apôtres comprendraient qu’il ne l’avait pas été par faiblesse, mais par consentement et de plein gré pour le salut du monde.

Il les emmena sur la montagne et leur montra, avant sa résurrection, la gloire de sa divinité. Ainsi, lorsqu’il ressusciterait d’entre les morts dans la gloire de sa divinité, ses disciples reconnaîtraient qu’il ne recevait pas cette gloire en récompense de sa peine, comme s’il en eût besoin, mais qu’elle lui appartenait bien avant les siècles, avec le Père et auprès du Père, ainsi que lui-même le dit à l’approche de sa Passion volontaire: Père, glorifie-moi de la gloire que j’avais auprès de toi avant le commencement du monde (Jn 17,5).

ou bien

La Transfiguration prépare au scandale de la Passion

Homélie de saint Léon le Grand († 461)

Sermon 51, 3-4, CCL 138 A, 290-300

Le Seigneur découvre sa gloire devant les témoins qu’il a choisis, et il éclaire d’une telle splendeur cette forme corporelle qu’il a en commun avec les autres hommes que son visage a l’éclat du soleil et que ses vêtements sont aussi blancs que la neige.

Par cette transfiguration il voulait avant tout prémunir ses disciples contre le scandale de la croix et, en leur révélant toute la splendeur de sa dignité cachée, empêcher que les abaissements de sa Passion volontaire ne bouleversent leur foi.

Mais, il ne prévoyait pas moins de fonder l’espérance de l’Église, en faisant découvrir à tout le Corps du Christ quelle transformation lui serait accordée ; ses membres se promettraient de partager l’honneur qui avait resplendi dans leur chef.

Le Seigneur lui-même avait déclaré à ce sujet, lorsqu’il parlait de la majesté de son avènement: Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père (Mt 13,43). Et l’apôtre saint Paul atteste lui aussi: J’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que le Seigneur va bientôt révéler en nous (Rm 8,18). Et encore: Vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ qui est votre vie, alors, vous aussi vous paraîtrez avec lui en pleine gloire (Col 3,3-4).

Cependant, pour confirmer les Apôtres et les introduire dans une complète connaissance, un autre enseignement s’est ajouté à ce miracle. En effet, Moïse et Élie, c’est-à-dire la Loi et les Prophètes, apparurent en train de s’entretenir avec le Seigneur. Ainsi, par la réunion de ces cinq hommes s’accomplirait de façon certaine la prescription : Toute parole est garantie par la présence de deux ou trois témoins (Dt 19,15).

Qu’y a-t-il donc de mieux établi, de plus solide que cette parole? La trompette de l’Ancien Testament et celle du Nouveau s’accordent à la proclamer; et tout ce qui en a témoigné jadis s’accorde avec l’enseignement de l’Évangile.

Les écrits de l’une et l’autre Alliance, en effet, se garantissent mutuellement; celui que les signes préfiguratifs avaient promis sous le voile des mystères est montré comme manifeste et évident par la splendeur de la gloire présente. Comme l’a dit saint Jean, en effet: Après la Loi communiquée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ (Jn 1,17). En lui s’est accomplie la promesse des figures prophétiques comme la valeur des préceptes de la Loi, puisque sa présence enseigne la vérité de la prophétie, et que sa grâce rend praticables les commandements. <>

Que la foi de tous s’affermisse avec la prédication de l’Évangile, et que personne n’ait honte de la croix du Christ, par laquelle le monde a été racheté.

Que personne donc ne craigne de souffrir pour la justice, ni ne mette en doute la récompense promise ; car c’est par le labeur qu’on parvient au repos, par la mort qu’on parvient à la vie. Puisque le Christ a accepté toute la faiblesse de notre pauvreté, si nous persévérons à le confesser et à l’aimer, nous sommes vainqueurs de ce qu’il a vaincu et nous recevons ce qu’il a promis. Qu’il s’agisse de pratiquer les commandements ou de supporter l’adversité, la voix du Père que nous avons entendue tout à l’heure doit retentir sans cesse à nos oreilles : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis tout mon amour; écoutez-le ! (Mt 17,5).

Prière

Tu nous as dit, Seigneur, d’écouter ton Fils bien-aimé; fais-nous trouver dans ta parole les vivres dont notre foi a besoin: et nous aurons le regard assez pur pour discerner ta gloire. Par Jésus Christ.

 

3e dimanche de carême A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 4,5-42 Jésus arrivait à une ville de Samarie appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph, et où se trouve le puits de Jacob.

Homélie

La fatigue qui recrée

Homélie de saint Augustin († 430)

Commentaire sur l’évangile de Jean, 15, 6-7, CCL 36, 152-153

On suggère d’utiliser comme homélie le texte figurant comme seconde lecture dans la Liturgie des Heures ou le Livre des jours, et de prendre comme seconde lecture le texte qui est donné ici

Jésus, fatigué par la route, s’était assis au bord du puits. Il était environ midi (Jn 4,6). Voilà que commencent les mystères. Car ce n’est pas pour rien que Jésus est fatigué ; ce n’est pas pour rien, qu’est fatiguée la Force de Dieu ; ce n’est pas pour rien qu’est fatigué celui qui refait les forces des fatigués ; ce n’est pas sans raison qu’est fatigué celui dont l’absence cause nos fatigues, dont la présence nous fortifie. Jésus cependant est fatigué, et il est fatigué par la route; il s’assied, et il s’assied au bord du puits, et c’est à midi qu’il s’assied, fatigué. Tout cela suggère quelque chose, veut indiquer quelque chose; tout cela nous rend attentifs, nous exhorte à frapper. Qu’il nous ouvre donc lui-même, à nous comme à vous, celui qui a daigné nous exhorter en disant : Frappez, et il vous sera ouvert (Mt 7,7). C’est pour toi que Jésus est fatigué par la route. Nous trouvons Jésus, qui est la Force même, et nous trouvons Jésus qui est faible, fort et faible. Fort, car au commencement le Verbe était, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu; il était au commencement auprès de Dieu (Jn 1,1-2). Voulez-vous voir à quel point ce Fils de Dieu est fort? Par lui tout s’est fait, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui (Jn 1,3), et il a tout fait sans effort. Qu’y a-t-il donc de plus fort que celui par qui tout a été fait sans effort?

Veux-tu connaître sa faiblesse? Le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous (Jn 1,14). La force du Christ t’a créé, la faiblesse du Christ t’a recréé. La force du Christ a fait exister ce qui n’existait pas, la faiblesse du Christ a empêché de périr ce qui existait. Il nous a créés par sa force, il est venu nous chercher par sa faiblesse. <>

Ainsi donc Jésus est faible, lui qui est fatigué par la route. La route, c’est la chair, assumée pour nous. Quelle route, en effet, parcourt-il, celui qui est partout, celui qui n’est absent nulle part? Où va-t-il, ou bien d’où vient-il? N’est-ce pas en ce sens qu’il vient pour nous, et qu’il a assumé la forme d’une chair visible? Parce qu’il a daigné venir à nous maintenant pour apparaître en ayant assumé la forme de serviteur, cette assomption de la chair, voilà quelle route il a prise. Aussi, cette fatigue de la route est-elle autre chose que la fatigue produite par la chair? Jésus est faible dans la chair, mais toi, ne sois pas faible, sois fort dans sa faiblesse, car la faiblesse de Dieu est plus forte que l’homme (1 Co 1,25).

Prière

Tu es la source de toute bonté, Seigneur, et toute miséricorde vient de toi ; tu nous as dit comment guérir du péché par le jeûne, la prière et le partage ; écoute l’aveu de notre faiblesse: nous avons conscience de nos fautes, patiemment relève-nous avec amour. Par Jésus Christ.

 

4e dimanche de carême A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 9,1-41

En sortant du Temple, Jésus vit sur son passage un homme qui était aveugle de naissance.

Homélie

Des yeux qui s’ouvrent à une autre lumière

Lettre de saint Ambroise († 397)

Lettre 80, 1-6, PL 16, 1271-1272.

Vous avez entendu la lecture d’Évangile (Jn 9,1 sv.), où l’on rapporte que le Seigneur Jésus vit sur son passage un aveugle de naissance. Si le Seigneur, après l’avoir vu, n’a pas poursuivi sa route, nous non plus nous ne devons pas poursuivre notre chemin quand le Seigneur n’a pas voulu le faire; d’autant plus qu’il s’agissait d’un aveugle de naissance, ce qui n’a pas été signalé pour rien.

Il y a en effet une cécité qui vient souvent d’une maladie nuisible à la vue, et qui s’atténue avec le temps. Il y a une cécité qui est engendrée par la sécrétion de certaines humeurs. Celle-là aussi, quand sa cause est supprimée, est généralement chassée par l’art médical. Cela doit vous faire comprendre que si cet homme, aveugle de naissance, est guéri, ce n’est pas un effet de l’art, mais d’une puissance souveraine. <>

En effet, ce qui est un défaut de la nature, c’est au Créateur de le corriger, car il est l’auteur de la nature. Ce qui lui a fait dire : Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde (Jn 9,5), c’est-à-dire que tous ceux qui sont aveugles peuvent voir, s’ils me cherchent, moi, la lumière. Approchez-vous et vous serez dans la lumière (Ps 33,6), afin que vous puissiez voir.

Ensuite, que veut dire le fait suivant? Jésus rendait la vie par son commandement, il donnait le salut par un précepte en disant au mort : Viens dehors, et Lazare sortit de son sépulcre (Jn 11,43). Ou encore, il avait dit au paralytique: Lève-toi, emporte ton grabat (Mc 2,11-12), et le paralytique se leva et se mit à emporter son grabat, qui servait à le transporter à cause du relâchement de tous ses membres. Alors, pourquoi, ici, Jésus a-t-il craché, fait de la boue dont il a enduit les yeux de l’aveugle, en lui disant : Va, et lave-toi dans la fontaine de Siloé, dont le nom signifie Envoyé. Et il y alla, il se lava, et il se mit à voir (Jn 9,7)? Quelle est la raison de cette différence? Elle est importante, si je ne me trompe; c’est qu’il voit davantage, celui que Jésus touche.

Remarquez tout à la fois sa divinité et sa vertu sanctifiante. Étant la lumière, il a touché l’aveugle et il l’a éclairé. Étant prêtre, il a réalisé, sous le signe du baptême, les mystères de la grâce spirituelle.

Qu’il ait fait de la boue et qu’il en ait enduit les yeux de l’aveugle, cela ne signifie rien d’autre que ceci: avec la boue qu’il lui applique, il a rendu à la santé ce même homme qu’il avait façonné avec de la boue (cf. Gn 2,7). Cela signifie aussi que notre chair tirée de la boue reçoit la lumière de la vie éternelle par les mystères du baptême. Toi aussi, approche-toi de Siloé, c’est-à-dire de celui qui est l’Envoyé du Père, puisque tu connais cette parole: Ma doctrine n’est pas la mienne, mais la doctrine de celui qui m’a envoyé (Jn 7,17). Que le Christ te lave, pour que tu voies. Viens au baptême, c’est justement l’époque; viens vite, afin de pouvoir dire, toi aussi : Je suis allé, je me suis lavé, et j’ai vu; et pour que tu dises, toi aussi: J’étais aveugle et j’ai vu; pour que tu dises, toi aussi, comme celui qui vient d’être inondé par la lumière : La nuit est finie, le jour est tout proche (Rm 13,12).

Prière

Dieu qui as réconcilié avec toi toute l’humanité en lui donnant ton propre Fils, augmente la foi du peuple chrétien pour qu’il se hâte avec amour au-devant des fêtes pascales qui approchent. Par Jésus Christ.

 

5e dimanche de carême A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 11,1-45

Un homme était tombé malade. C’était Lazare, de Béthanie, le village de Marie et de sa sœur Marthe.

Homélie

La résurrection de Lazare, miracle des miracles

Homélie de saint Pierre Chrysologue († 450)

Sermon 63, CCL 24 A, 373-376

Voici que Lazare, revenu du séjour des morts, se présente à nous, portant une figure de la mort qui va être vaincue, et présentant un échantillon de la résurrection. Avant de pénétrer la profondeur d’un tel événement, arrêtons-nous à contempler l’aspect extérieur de cette résurrection, parce que nous y reconnaissons le miracle des miracles, la puissance des puissances, la merveille des merveilles.

Le Seigneur avait déjà ressuscité la fille du chef de synagogue, Jaïre, mais alors que la puissance de la mort venait de s’exercer sur elle. Il avait ressuscité aussi le fils unique d’une veuve, mais avant qu’il fût mis au tombeau, ce qui devait arrêter la corruption, prévenir la mauvaise odeur et rendre la vie au défunt avant qu’il fût pleinement tombé au pouvoir de la mort.

Mais au sujet de Lazare, tout ce qui se produit est exceptionnel. Sa mort et sa résurrection n’ont rien de commun avec les cas précédents car, ici, toute la puissance de la mort s’est déployée, toute la splendeur de la résurrection s’est manifestée. J’ose dire que Lazare eût accaparé tout le mystère de la résurrection du Seigneur s’il était revenu des enfers le troisième jour. Car le Christ est revenu le troisième jour comme étant le Seigneur, Lazare est rappelé à la vie le quatrième jour comme étant le serviteur. Mais pour établir ce que nous venons d’affirmer, parcourons quelques pages de cette lecture.

Ses sœurs envoyèrent dire au Seigneur: Seigneur, celui que tu aimes est malade. En parlant ainsi, elles frappent à la porte de son cœur, elles atteignent sa charité, elles s’efforcent de vaincre leur détresse par la force de leur amitié. Mais, pour le Christ, il importe davantage de vaincre la mort que d’éloigner la maladie. Aimer, pour lui, ce n’est pas tirer du lit, mais ramener des enfers et, pour son ami, ce qu’il va lui procurer bientôt, ce n’est pas le remède à sa langueur, mais la gloire de sa résurrection.

Bref, quand il apprit que Lazare était malade, il demeura deux jours au même endroit. Vous voyez comment il laisse le champ libre à la mort, il donne ses chances au tombeau, il permet à la décomposition de s’exercer, il n’empêche ni la pourriture ni l’odeur infecte. Il accepte que le séjour des morts se saisisse de Lazare, l’engloutisse, le garde prisonnier. Il agit pour que tout espoir humain soit perdu, et que toute la violence de la désespérance terrestre se déchaîne, afin qu’on voie bien que ce qui va se passer est l’œuvre de Dieu, non de l’homme.

Il reste au même endroit à attendre la mort de Lazare jusqu’à ce qu’il puisse l’annoncer lui-même et déclarer qu’il ira vers lui. En effet, dit-il, Lazare est mort et je m’en réjouis. C’est donc cela aimer? Le Christ se réjouissait parce que la tristesse de la mort allait bientôt se transformer en la joie de la résurrection. Et je m’en réjouis à cause de vous. Pourquoi à cause de vous ? Parce que, dans la mort et la résurrection de Lazare, se peignait toute la figure de la mort et de la résurrection du Seigneur, et ce qui allait bientôt suivre chez le maître était déjà réalisé chez le serviteur. Elle était donc nécessaire, cette mort de Lazare, pour que la foi des disciples, ensevelie avec Lazare, ressuscite avec lui.

Prière

Que ta grâce nous obtienne, Seigneur, d’imiter avec joie la charité du Christ qui a donné sa vie par amour pour le monde. Lui qui règne.

Semaine sainte A

 

Dimanche des Rameaux et de la Passion A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 21,1-11

Quelques jours avant la fête de la Pâque, Jésus et ses disciples, approchant de Jérusalem, arrivèrent à Bethphage, sur les pentes du mont des Oliviers.

Homélie

Le roi d’humilité

Homélie de Grégoire Palamas († 1359)

Homélies, 15; PG 151, 184-195.

Le simple peuple, voyant tous les miracles du Christ, crut en lui, non seulement en ayant envers lui une foi silencieuse, mais aussi en proclamant sa divinité en actions et en paroles. Car, après avoir réveillé Lazare d’un sommeil de quatre jours, Jésus prit un âne que ses disciples lui avaient amené, selon la narration de l’évangéliste Matthieu, le monta et entra ainsi à Jérusalem selon la prophétie de Zacharie : Ne crains pas, fille de Sion, voici ton roi qui vient à toi, le juste, le Sauveur; il est humble et monté sur un âne, le petit d’une ânesse (Za 9,9). Par ces paroles le prophète montre que le roi ainsi prédit était ce roi qui seul est appelé à juste titre "roi de Sion". Car il veut dire: Ton roi ne doit pas inspirer la crainte par son aspect, il ne doit être ni sévère ni cruel, il n’a pas de gardes du corps ni d’escorte, il n’entraîne pas derrière lui une foule de fantassins ni de cavaliers. Il n’agit pas avec rapacité, n’exige pas des impôts ni des taxes, ni des services ou des fonctions non moins viles que nuisibles. Mais ses attributs sont l’humilité, la pauvreté, la modestie. Il fait son entrée sur un âne, sans déployer aucune escorte humaine. C’est pourquoi lui seul est le roi juste qui sauve dans l’équité, et qui est doux en même temps, car la douceur est ce qui le caractérise.

Aussi le Seigneur a-t-il dit de lui-même : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur (Mt 11,29).

Lui donc, qui avait ressuscité Lazare, ce roi trônant sur un âne, fait ainsi son entrée dans Jérusalem. Et toute la foule, presque tous les enfants, les hommes, les vieillards, étendant leurs vêtements et prenant des branches de palmier, qui sont l’insigne de la victoire, sont venus au-devant de lui comme vers l’auteur de la vie et le vainqueur de la mort, devant qui ils se prosternaient, et qu’ils escortaient non seulement au-dehors mais au-dedans des remparts de la ville, chantant d’une seule voix: Hosanna au Fils de David ! Hosanna au plus haut des cieux (Mt 21,9) ! Cet hosanna est un hymne adressé à Dieu. Il se traduit: "Sauve-nous, Seigneur !" Ce qu’on ajoute: au plus haut des cieux, montre qu’il n’est pas célébré seulement sur terre ni seulement par les hommes, mais dans les cieux et par les chœurs des anges.

Prière

Dieu éternel et tout-puissant, pour montrer au genre humain quel abaissement il doit imiter, tu as voulu que notre Sauveur, dans un corps semblable au nôtre, subisse la mort de la croix : accorde-nous cette grâce de retenir les enseignements de sa passion et d’avoir part à sa résurrection. Lui qui règne.

 

Jeudi saint A

Le Jeudi saint, aux Vigiles célébrées le matin, il n’y a pas de lecture d’évangile. On a cependant cru rendre service en proposant une homélie pour nourrir la méditation de ce jour-là.

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 13,1-15

Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. 

Homélie

Le Dieu qui s’abaisse

Homélie de Sévérien de Gabala († vers 400)

Homélie sur le lavement des pieds, publiée par A. wenger, dans Revue des Études byzantines, 1967, pp. 227-229.

Le monde visible proclame la bonté de Dieu, mais rien ne la proclame aussi clairement que la venue de Dieu parmi les hommes. Ainsi, celui qui était dans la condition de Dieu a pris la condition de serviteur. Il n’a pas rabaissé sa dignité, mais magnifié son amour pour les hommes. Et le mystère redoutable qui s’accomplit aujourd’hui nous fait voir les conséquences de cet abaissement. Mais de quel événement faisons-nous mémoire aujourd’hui? Le Sauveur a lavé les pieds de ses disciples. <>

Vraiment, en assumant tous les traits de notre humanité, le Maître de l’univers a revêtu la condition de serviteur, et il l’a fait d’une manière très caractéristique de l’action de Dieu dans l’Incarnation, lorsqu’il se leva de table (cf. Jn 13,4). Celui qui pourvoit à la subsistance de tous les êtres sous le ciel était assis à table parmi ses Apôtres, le Maître parmi les esclaves, la source de la sagesse parmi les ignorants, le Verbe parmi des hommes sans instruction, l’auteur de la sagesse parmi des illettrés. Celui qui donne à tous leur nourriture prenait sa nourriture à la même table que ses disciples, et celui qui procure la subsistance à l’univers recevait lui-même sa subsistance.

Et il ne se contenta pas de faire à ses serviteurs l’immense faveur de se mettre à table avec eux. Pierre, Matthieu et Philippe, hommes de cette terre, étaient à table avec lui: Michel, Gabriel et toute l’armée des anges se tenaient à ses côtés. Combien cela est admirable ! Les anges se tenaient près de lui avec crainte, les disciples étaient à table avec lui dans la plus grande familiarité.

Et cette merveille ne lui suffit pas, mais, dit l’évangile, il se leva de table. Celui qui est drapé du manteau de la lumière (Ps 103,2) était revêtu d’un manteau; celui qui ceint le ciel de nuées se noua un linge à la ceinture ; celui qui fait couler l’eau des lacs et des fleuves versa de l’eau dans un bassin. Lui, devant qui tout s’agenouille aux cieux, sur terre et dans l’abîme, lava, à genoux, les pieds de ses disciples.

Le Seigneur de l’univers lava les pieds de ses disciples. Il n’offensa pas sa dignité, mais montra son immense amour pour les hommes. Pourtant, quelque immense que fût cet amour, Pierre n’oublia pas la majesté du Seigneur. Aussi bien, l’homme que son ardeur portait toujours à croire, fut également prompt à reconnaître l’exacte vérité. Les autres disciples, non par indifférence mais par crainte, laissèrent le Seigneur leur laver les pieds, et ne trouvèrent rien à redire. Mais le respect empêcha Pierre de le laisser faire, et il dit: Toi, Seigneur, tu veux me laver les pieds ! Tu ne me laveras pas les pieds; non, jamais ! (Jn 13,8).

Pierre parla avec beaucoup de rudesse. Il jugeait bien, mais, ignorant la façon dont Dieu agit, c’est par esprit de foi qu’il refusa; puis il obéit de bon cœur. Vraiment, le fidèle chrétien doit se comporter ainsi; il ne doit pas s’obstiner dans ses décisions, mais céder à la volonté de Dieu. Car, si Pierre a exprimé son opinion d’une manière tout humaine, il s’est repenti par amour de Dieu.

Quand le Sauveur constata la résistance tenace de son âme, résistance plus forte que n’importe quelle enclume, il lui dit : Amen, je te le dis : Si je ne te lave pas, tu n’auras point de part avec moi (Jn 13,8). Considère attentivement combien l’affaire était grave, et comment le Sauveur brisa la résistance de Pierre. Se montrant plus rude que lui, il le rabroua d’un ton cassant; il exclut Pierre de sa compagnie pour faire triompher la volonté de Dieu sur l’obstination humaine.

Dès lors, Pierre, l’homme bon et admirable, prompt à exprimer son opinion, fut également prompt à se repentir. Ayant senti la dureté des paroles qui lui étaient adressées, il se montra absolu dans son repentir, et dit: Pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête (Jn 13,9). Purifie-moi tout entier, lave-moi complètement, afin que je puisse dire aussi avec David : Lave-moi, je serai blanc plus que neige (Ps 50,9). Mais le Sauveur lui répondit : Celui qui vient de se baigner n’a besoin que de se laver les pieds (Jn 13,10).

Et pourquoi leur a-t-il lavé uniquement les pieds? C’est en raison des voyages que devaient faire les Apôtres. En lavant leurs pieds, non seulement il les a nettoyés, mais il a encore affermi les pas des saints. Cette belle ablution des pieds, Isaïe l’avait vue bien des siècles auparavant. Sachant qu’elle n’était pas une ablution humaine mais une divine purification, il avait proclamé d’une voix éclatante : Qu’ils sont beaux, les pieds des messagers de la bonne nouvelle, des messagers de paix (Is 52,7) ! Le Sauveur a touché leurs pieds, faits de limon, pour les rendre forts, car ils devaient parcourir toute la terre qui est sous le ciel.

Prière

Dieu qu’il est juste d’aimer par-dessus tout, multiplie en nous les dons de ta grâce; dans la mort de ton Fils, tu nous fais espérer ce que nous croyons; accorde-nous, par sa résurrection, d’atteindre ce que nous espérons. Par Jésus Christ.

 

Vendredi saint A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 27,1-2.11-56

Le matin venu, tous les chefs des prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus pour le faire condamner à mort.

Homélie

Être crucifié avec le Christ

Homélie de saint Cyrille d’Alexandrie († 444)

Commentaire sur l’évangile de Jean, 12, 19; PG 74, 650-654.

Ils se saisirent de Jésus et l’emmenèrent. Portant lui-même sa croix, il sortit en direction du lieu dit en hébreu : Golgotha, nom qui se traduit "Calvaire". Là, ils le crucifièrent (Jn 19,16-18).

Ils conduisent à la mort celui qui est l’auteur de la vie. Et cela se faisait pour nous, par sa passion, d’une façon toute contraire à ce que les Juifs avaient imaginé ; par la puissance divine et selon un plan qui dépasse notre esprit, Jésus, d’une certaine manière, prenait au piège la puissance de la mort; et la mort du Seigneur était le début et le principe du retour à une vie nouvelle et incorruptible.

Le Christ s’avance en portant sur ses épaules le bois sur lequel il devait être fixé, comme condamné à la peine capitale, bien que parfaitement innocent, et cela à cause de nous. Comme dit saint Paul: Il est devenu objet de malédiction pour nous sauver, car l’Ecriture déclare: Maudit soit celui qui est pendu au bois (Ga 3,13). Et nous sommes tous maudits, nous qui refusons d’accomplir la loi divine. <>

Celui qui n’a pas connu le péché a été maudit à cause de nous, pour nous délivrer de la vieille malédiction. Il suffisait en effet qu’un seul souffrît pour nous tous, celui qui est Dieu, au-dessus de tous, et qu’il rachetât, par la mort de sa chair, le salut de tous. C’est pourquoi le Christ porte cette croix, qu’il n’a aucunement méritée, mais qui nous était due, si nous considérons la condamnation de la Loi. Car il est allé chez les morts non pour lui-même, mais pour nous, afin de se montrer notre guide vers la vie éternelle, ayant détruit par lui-même la domination de la mort. Et de même il a pris sur lui la croix que nous méritions, condamnant en lui-même la condamnation qui venait de la Loi, afin que désormais toute injustice ferme sa bouche (Ps 106,42), comme chante le Psaume, du fait que celui qui n’a pas de péché a été condamné pour les péchés de tous.

Cette action du Christ sera très précieuse pour nous faire embrasser courageusement une vie d’ardente piété. Il est impossible que nous obtenions la perfection dans le bien et l’union totale avec Dieu, sinon en préférant son amour à la vie terrestre et en étant décidés à combattre hardiment pour la vérité, comme y appelle le temps où nous vivons.

Assurément, notre Seigneur Jésus Christ a dit: Celui qui ne prend pas sa croix pour me suivre n’est pas digne de moi (Mt 10,38). Prendre sa croix, à mon avis, n’est rien d’autre que renoncer au monde à cause de lui, que sacrifier la vie du corps aux biens que nous espérons, si les circonstances le demandent. Mais notre Seigneur Jésus Christ n’a pas rougi de porter la croix qui nous était due et de souffrir par amour pour nous. <>

Ceux qui sont unis au Christ sont encore crucifiés avec lui d’une autre manière: en acceptant de mourir à leur genre de vie, ils se transforment par une vie nouvelle et conforme à l’Évangile. Saint Paul disait, en parlant pour nous tous: Avec le Christ je suis fixé à la croix: je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi (Ga 2,19-20).

Prière

Regarde, Seigneur, nous t’en prions, la famille qui t’appartient: c’est pour elle que Jésus, le Christ, notre Seigneur, ne refusa pas d’être livré aux mains des méchants ni de subir le supplice de la croix. Lui qui règne.

 

Samedi saint A

Evangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 27,57-66

Le soir venu, arriva un homme riche, originaire d’Arimathie, qui s’appelait Joseph, et qui était devenu lui aussi disciple de Jésus. Il alla trouver Pilate pour demander le corps de Jésus.

Homélie

La mort qui a changé notre mort

Homélie de saint Cyrille d’Alexandrie († 444)

Commentaire sur l’évangile de Jean, 12, 19, PG 74, 679-682.

Ils prirent le corps de Jésus, et ils l’enveloppèrent d’un linceul, en employant les aromates, selon la manière juive d’ensevelir les morts. Près du lieu où Jésus avait été crucifié, il y avait un jardin, et dans ce jardin, un tombeau neuf dans lequel on n’avait encore mis personne (Jn 19,40-41).

On a compté parmi les morts celui qui, à cause de nous, est au nombre des morts selon la chair, mais que l’on connaît comme étant la vie selon sa nature même et grâce à son Père; et il l’est en vérité. Mais, pour accomplir toute justice, celle qui convient à la condition humaine, il ne soumit pas seulement son corps à une mort volontaire, mais aussi à ce qui en est la suite: ensevelissement et mise au tombeau.

L’évangéliste nous dit que ce tombeau était dans un jardin, et qu’il était neuf; cela symbolise en quelque sorte que, par sa mort, le Christ a préparé et réalisé notre retour au paradis. Car il y est entré lui-même comme notre avant-coureur et chef de file.

Que le sépulcre soit désigné comme neuf, cela signifie un retour de la mort à la vie, nouveau et sans précédent, le renouvellement préparé par le Christ pour nous protéger de la corruption. Car notre mort, par la mort du Christ, a reçu un sens nouveau qui l’a transformée en une sorte de sommeil. En effet, nous vivons comme devant vivre pour Dieu, selon les Écritures (Rm 6,10-11). C’est pourquoi saint Paul appelle invariablement ceux qui sont morts dans le Christ : ceux qui se sont endormis.

Jadis en effet, le pouvoir de la mon a triomphé de notre nature. Depuis Adam jusqu’à Moïse la mort a régné, même sur ceux qui n’avaient pas péché par désobéissance à la manière d’Adam (Rm 5,14). Nous sommes à l’image de celui qui est pétri de terre (1 Co 15,49), Adam, et nous subissons la mort qui pèse sur nous par la malédiction divine (cf. Ga 3,13).

Mais après que le nouvel Adam, l’Adam divin et céleste, eût resplendi pour nous, après qu’il eût combattu pour la vie de tous, il a racheté la vie de tous par sa mort charnelle, et après avoir détruit l’empire de la mort, il est revenu à la vie. Alors nous avons été transformés à son image et soumis à une nouvelle sorte de mort, qui ne nous dissoudra pas dans une corruption sans fin, mais qui nous apportera un sommeil plein d’espérance, à la ressemblance de celui qui a inauguré pour nous cette route, et qui est le Christ.

Prière

Dieu éternel et tout-puissant, dont le Fils unique est descendu aux profondeurs de la terre, d’où il est remonté glorieux: accorde à tes fidèles, ensevelis avec lui dans le baptême, d’accéder par sa résurrection à la vie éternelle. Lui qui règne.

Temps pascal A

 

Dimanche de Pâques A

Le dimanche de Pâques, la Veillée nocturne tient lieu d’Office des Vigiles ou des Lectures. On a cependant cru rendre service en proposant une homélie pour la méditation de ce jour-là.

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 28,1-10

Après le sabbat, à l’heure où commençait le premier jour de la semaine, Marie Madeleine et l’autre Marie vinrent faire leur visite au tombeau de Jésus. Et voilà qu’il y eut un grand tremblement de terre; l’Ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s’assit dessus.

Homélie

Le mystère de la résurrection

Homélie de saint Jean Chrysostome († 407)

Homélie sur le Grand Samedi, 10-12; PG 88, 1860-1866.

Comment vous expliquerai-je les choses cachées? Comment proclamerai-je ce qui surpasse tout langage et toute intelligence? Comment ferai-je connaître le mystère de la résurrection du Seigneur? Sa croix aussi est un mystère, et sa mort pendant trois jours, et tout ce qui est arrivé à notre Sauveur est mystère. De même, en effet, qu’il est né du sein inviolé de la Vierge, de même il est ressuscité du tombeau fermé. De même que le Fils unique de Dieu est devenu premier-né en naissant d’une mère, de même il est devenu le premier-né d’entre les morts par sa résurrection. De même, assurément, que sa naissance n’a pas fait perdre à la Vierge mère sa virginité, de même sa résurrection n’a pas brisé les sceaux du sépulcre. Je ne puis donc pas définir par des mots sa naissance ni comprendre sa sortie du sépulcre. <>

Venez voir l’endroit où reposait le Seigneur (Mt 28,6). <> Venez voir l’endroit où fut rédigé l’acte garantissant votre résurrection. Venez voir l’endroit où la mort fut ensevelie. Venez voir l’endroit où un corps, grain non semé par l’homme, a produit une multitude d’épis d’immortalité. <> Allez annoncer à mes disciples <>, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront (Mt 28,10). Annoncez à mes disciples les mystères que vous avez contemplés." <>

Voilà ce que le Seigneur a dit aux femmes. Et maintenant encore, au bord de la piscine baptismale, il se tient invisible auprès des croyants, il embrasse les nouveaux baptisés comme des amis et des frères <>, il remplit leurs cœurs et leurs âmes d’allégresse et de joie. Il lave leurs souillures dans les fontaines de sa grâce. Il oint du parfum de l’Esprit ceux qui ont été régénérés. Le Seigneur devient celui qui les nourrit et il devient leur nourriture. Il procure à ses serviteurs leur part de nourriture spirituelle. Il dit à tous les fidèles : "Prenez, mangez le pain du ciel, recevez la source qui jaillit de mon côté, celle où l’on puise toujours sans que jamais elle se tarisse. Vous qui avez faim, rassasiez-vous ; vous qui avez soif, enivrez-vous d’un vin sobre et salutaire." <>

O Christ, notre Dieu, toi seul es vraiment le seul Seigneur, plein de bonté et d’amour pour les hommes. Avec ton Père exempt de toute souillure et avec l’Esprit vivifiant, à toi reviennent la gloire et la puissance, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles.

Amen.

Prière

Aujourd’hui, Dieu notre Père, tu nous ouvres la vie éternelle par la victoire de ton Fils sur la mort, et nous fêtons sa résurrection. Que ton Esprit fasse de nous des hommes nouveaux pour que nous ressuscitions avec le Christ dans la lumière de la vie. Lui qui règne.

 

Lundi de Pâques ABC

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 28,8-15

Quand les femmes eurent entendu les paroles de l’Ange, vite, elles quittèrent le tombeau, tremblantes et toutes joyeuses, et elles coururent porter la nouvelle aux disciples. Et voici que Jésus vint à leur rencontre.

Homélie

Les saintes femmes, prémices des croyants

Homélie de saint Pierre Chrysologue († 450)

Sermon 76, 2-3, CCL 24 A, 465-467

L’Ange avait dit aux femmes : Vite, allez dire à ses disciples: Il est ressuscité d’entre les morts; il vous précède en Galilée: c’est là que vous le verrez (Mt 28,7). En disant cela, l’Ange ne s’adressait pas à Marie Madeleine et à l’autre Marie, mais, en ces deux femmes, c’est l’Église qu’il envoyait en mission, c’est l’Épouse que l’Ange envoyait vers l’Époux.

Et tandis qu’elles s’en vont, le Seigneur vient à leur rencontre et les salue en disant : Je vous salue, réjouissez-vous. <> Il avait dit à ses disciples : Ne saluez personne en chemin (Lc 10,4) ; comment se fait-il que sur le chemin il accoure à la rencontre de ces femmes et les salue si joyeusement? Il n’attend pas d’être reconnu, il ne cherche pas à être identifié, il ne se laisse pas questionner, mais il s’empresse, plein d’élan, vers cette rencontre ; il y court avec ardeur et, en les saluant, il abolit lui-même sa propre prescription. Voilà ce que fait la puissance de l’amour: elle est plus forte que tout, elle déborde tout. En saluant l’Église, c’est lui-même que le Christ salue, car il l’a faite sienne, elle est devenue sa chair, elle est devenue son corps, comme l’atteste l’Apôtre: Il est la Tête du Corps, c’est-à-dire l’Église (Col 1,18).

Oui, c’est bien l’Église en sa plénitude que personnifient ces deux femmes ; les événements le montrent avec évidence ; à ses disciples qui doutent de sa résurrection, le Christ doit apporter des preuves, il doit apaiser leurs craintes, il doit les rappeler à la foi en montrant son côté et les trous des clous, puis en prenant avec eux de la nourriture. Et c’est à juste titre qu’il nomme "enfants" ceux qui étaient si petits dans la foi, lorsqu’il leur demande: Les enfants, auriez-vous quelque chose à manger (Jn 21,5)?

Mais ces femmes, il les trouve déjà parvenues à la maturité de la foi; elles ont dominé leurs faiblesses et elles se hâtent vers le mystère, elles cherchent le Seigneur avec toute la ferveur de leur foi. Aussi méritent-elles qu’il se donne à elles, lorsqu’il va à leur rencontre et leur dit: Je vous salue, réjouissez-vous. Il les laisse non seulement le toucher, mais le saisir à la mesure de leur amour. Comme nous venons de l’entendre dans la proclamation de l’Évangile: Elles s’approchèrent et, lui saisissant les pieds, elles se prosternèrent devant lui (Mt 28,9),. Oui, elles saisissent ses pieds, ces femmes qui, dans l’Église, sont les modèles des messagers de la Bonne Nouvelle. Elles ont mérité cette grâce par l’élan de leur course; elles touchent avec tant de foi les pieds du Sauveur qu’il leur est donné d’embrasser la gloire divine.

Prière

Dieu qui agrandis toujours ton Église en lui donnant par le baptême de nouveaux enfants, accorde à tes fils d’être fidèles toute leur vie au sacrement qu’ils ont reçu dans la foi. Par Jésus Christ.

 

2e dimanche de Pâques A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 20,19-31

C’était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint, et il était là au milieu d’eux.

Homélie

Le corps du Ressuscité est le corps du Crucifié

Homélie de saint Cyrille d’Alexandrie († 444)

Commentaire sur l’évangile de Jean, 12; PG 74, 704-705.

En entrant dans le Cénacle toutes portes closes, le Christ a montré une fois de plus qu’il est Dieu par nature, et qu’il n’est pas différent de celui qui vivait auparavant avec les disciples. En découvrant son côté et en montrant la marque des clous, il manifestait à l’évidence qu’il a relevé le temple de son corps qui avait été suspendu à la croix, en détruisant la mort corporelle, puisque par nature il est la vie et il est Dieu. <>

Mais alors que le moment était venu de transformer son corps par une gloire inexprimable et prodigieuse, on le voit tellement soucieux de fonder la foi en la résurrection future de la chair qu’il a voulu, conformément à l’économie divine, apparaître tel qu’il était auparavant. Ainsi ne penserait-on pas qu’il avait alors un corps différent de celui avec lequel il était mort sur la croix.

Même si le Christ avait voulu déployer la gloire de son corps devant les disciples, avant de monter vers le Père, nos yeux n’auraient pu en supporter la vue. Vous le comprendrez facilement si vous vous rappelez la transfiguration qui avait jadis été montrée sur la montagne. En effet, saint Matthieu écrit que le Christ fut transfiguré devant eux, que son visage resplendit comme l’éclair et que ses vêtements devinrent blancs comme neige. Quant à eux, ne pouvant supporter la vision, ils tombèrent la face contre terre.

C’est pourquoi, afin d’observer exactement le plan divin, notre Seigneur Jésus apparaissait encore, au Cénacle, sous sa forme antérieure, et non pas selon la gloire qui est due et convient à son Temple transfiguré. Il ne voulait pas que la foi en la résurrection se porte sur un aspect et sur un corps différents de ceux qu’il reçut de la sainte Vierge et dans lesquels il est mort après avoir été crucifié selon les Écritures. En effet, la mort n’avait pouvoir que sur la chair, dont elle allait être chassée. Car, si ce n’est pas son corps mort qui est ressuscité, quelle espèce de mort a donc été vaincue? Ou encore, comment le pouvoir de la corruption aurait-il cessé, sinon par la mort d’une créature raisonnable? Car ce ne fut pas l’œuvre de l’âme, ni de l’ange, ni même du Verbe de Dieu. Donc, puisque la mort ne peut exercer son pouvoir que sur ce qui est corruptible par nature, on aura raison d’estimer que la force de résurrection peut s’exercer aussi sur cela, pour que la tyrannie de la mort soit renversée. <>

Le Seigneur salue ses disciples en disant: Paix à vous. n déclare ainsi que lui-même est la paix. Car ceux auprès desquels il est présent bénéficient d’un esprit parfaitement apaisé. C’est évidemment ce que saint Paul souhaitait aux fidèles quand il disait : Que la paix du Christ, qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer, garde votre cœur et votre intelligence dans le Christ Jésus (Ph 4,7). Pour saint Paul, la paix du Christ, qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer, n’est autre que son Esprit: celui qui participe à son Esprit sera rempli de tout bien.

Prière

Dieu de miséricorde infinie, tu ranimes la foi de ton peuple par les célébrations pascales ; augmente en nous ta grâce pour que nous comprenions toujours mieux quel baptême nous a purifiés, quel Esprit nous a fait renaître, et quel sang nous a rachetés. Par Jésus Christ.

 

3e dimanche de Pâques A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 24,13-35

Le troisième jour après la mort de Jésus, deux disciples faisaient route vers un village appelé Emmaus, à deux heures de marche de Jérusalem, et ils parlaient de tout ce qui s’était passé.

Homélie

Croire au Christ ressuscité

Homélie de saint Augustin († 430)

Sermon 234, 1-2, éd des Mauristes 5, 987-988.

Ces jours-ci on lit la résurrection du Seigneur selon chacun des quatre évangiles. Car il est nécessaire de les lire tous, parce que chacun n’a pas tout dit. Mais ce que l’un a omis, un autre l’a dit, et d’une certaine façon, tous ont laissé de la place aux autres, si bien qu’ils étaient tous nécessaires.

L’évangéliste Marc a dit brièvement ce que Luc a développé avec plus de détails au sujet des deux hommes, qui n’appartenaient pas aux Douze, mais qui étaient pourtant des disciples: tandis qu’ils faisaient route, le Seigneur leur apparut et les accompagna. Marc dit seulement, en effet, qu’il apparut à deux voyageurs, tandis que l’évangéliste Luc nous rapporte ce qu’il leur a demandé, ce qu’il leur a répondu, jusqu’où il les a accompagnés, et comment ils le reconnurent quand il partagea le pain. Luc a dit tout cela, nous l’avons entendu.

Quelle est donc, mes frères, la question qui nous intéresse ici? Nous sommes encouragés à croire que le Seigneur est ressuscité., Nous le croyions déjà quand nous avons entendu lire l’Évangile, et nous sommes entrés aujourd’hui dans cette église en y croyant. Pourtant, je ne sais comment cela se fait, mais on entend avec joie ce qui rafraîchit notre souvenir. Cela vient de ce que notre cœur se réjouit quand nous découvrons que nous valons mieux que ces hommes, eux qui marchaient sur la route et à qui le Seigneur apparut.

Car nous croyons ce qu’ils ne croyaient pas encore. Ils avaient perdu l’espérance, et là où ils doutaient, nous-mêmes n’avons aucun doute. Ils avaient perdu l’espérance au Seigneur crucifié; on le voit à leurs paroles. Quand Jésus leur demande : De quoi causiez-vous donc, tout en marchant, et pourquoi êtes-vous tristes ?, ils répondent : Tu es bien le seul de tous ceux qui étaient à Jérusalem, à ignorer les événements de ces jours-ci. — Quels événements ! répliqua Jésus. Lui qui sait tout, il les questionne lui-même, parce qu’il désire être dans leur cœur. Ils reprennent: Ce qui est arrivé à Jésus de Nazareth : cet homme était un prophète puissant par ses actes et par ses paroles... Et comment les chefs des prêtres l’ont crucifié... Et voilà le troisième jour que cela est arrivé... Alors que nous espérions... <>

Vous espériez, et maintenant vous n’espérez plus? C’est ainsi que vous êtes ses disciples ? Le malfaiteur crucifié avec Jésus vous a surpassés ! Vous avez oublié celui qui vous instruisait, tandis que le bandit a reconnu son compagnon de supplice : Seigneur, souviens-toi de moi, quand tu viendras inaugurer ton règne (Lc 23,42). Oui, parce que c’est lui qui devait racheter Israël. Cette croix était une école où le maître instruisait le bandit. Le bois où Jésus était cloué devint la chaire de son enseignement. Celui qui vous a rejoints, puisse-t-il vous rendre l’espérance ! Et c’est ce qui est arrivé.

Rappelez-vous cependant, frères très chers, comment le Seigneur Jésus, alors que les yeux de ses disciples étaient empêchés de le reconnaître, voulut être reconnu au partage du pain. Les fidèles comprennent ce que je veux dire : eux aussi reconnaissent le Christ au partage du pain, mais de celui qui, recevant la bénédiction du Christ, devient le corps du Christ.

Prière

Garde à ton peuple sa joie, Seigneur, toi qui refais ses forces et sa jeunesse ; tu nous a rendu la dignité de fils de Dieu, affermis-nous dans l’espérance de la résurrection. Par Jésus Christ.

 

4e dimanche de Pâques A

Evangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 10, 1-10

Jésus parlait ainsi aux pharisiens: "Amen, amen, je vous le dis : celui qui entre dans la bergerie sans passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit, celui-là est un voleur et un bandit."

Homélie

Un pédagogue incomparable

Homélie de Clément d’Alexandrie († 215)

Le Pédagogue, 9, 83,3 85,a, SC 70, 258-261

Malades, nous avons besoin du Sauveur; égarés, de celui qui nous conduira; assoiffés, de la source d’eau vive; morts, nous avons besoin de la vie; brebis, du berger; enfants, du pédagogue; et toute l’humanité a besoin de Jésus. <>

Si vous le voulez, nous pouvons comprendre la suprême sagesse du très saint Pasteur et Pédagogue, qui est le Tout-Puissant et le Verbe du Père, lorsqu’il emploie une allégorie et se dit le Pasteur des brebis ; mais il est aussi le Pédagogue des tout-petits.

C’est ainsi qu’il s’adresse assez longuement, par l’intermédiaire d’Ézéchiel, aux anciens, et qu’il leur donne l’exemple salutaire d’une sollicitude bien adaptée: Je soignerai celui qui est boiteux, et je guérirai celui qui est accablé; je ramènerai celui qui s’est égaré, et je les ferai paître sur ma montagne sainte (cf. Ez 34,16). Oui, Maître, donne-nous en abondance ta pâture, qui est la justice. Oui, Pédagogue, sois notre Pasteur jusqu’à ta montagne sainte, jusqu’à l’Église qui s’élève au-dessus des nuages, qui touche aux cieux ! Et je serai, dit-il, leur Pasteur, et je serai près d’eux (cf. Ez 34,14). Il veut sauver ma chair en la revêtant de la tunique d’incorruptibilité et il a consacré ma peau par l’onction. Ils m’appelleront, dit-il, et je dirai: Me voici (cf. Is 58,9). Tu m’as entendu plus vite que je ne l’aurais cru, Seigneur. S’ils traversent, ils ne glisseront pas (cf. Is 43,2), dit le Seigneur. Nous ne tomberons pas dans la corruption, en effet, nous qui traversons pour aller vers l’incorruptibilité (cf. 1 Co 15,42), puisqu’il nous soutiendra. Il l’a dit et il l’a voulu.

Tel est notre Pédagogue : bon avec justice. Je ne suis pas venu pour être servi, dit-il, mais pour servir (Mt 20,28). C’est pourquoi, dans l’Évangile, on nous le montre fatigué, lui qui se fatigue pour nous, et qui promet de donner sa vie en rançon pour la multitude (Mt 20,28). Il affirme que, seul, le bon Pasteur agit ainsi.

Quel magnifique donateur, qui donne pour nous ce qu’il a de plus grand: sa vie ! O le bienfaiteur, l’ami des hommes, qui a voulu être leur frère plutôt que leur Seigneur ! Et il a poussé la bonté jusqu’à mourir pour nous !

Prière

Dieu éternel et tout-puissant, guide-nous jusqu’au bonheur du ciel; que le troupeau parvienne, malgré sa faiblesse, là où son Pasteur est entré victorieux. Lui qui règne.

 

5e dimanche de Pâques A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 14,1-12

A l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : "Ne soyez donc pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi."

Homélie

Avançons par le chemin qu’est le Christ

Homélie de saint Ambroise († 397)

Du bien de la mort, 12, 52-55 ; CSEL 32, 747-750.

Avançons hardiment vers notre Rédempteur Jésus, rejoignons hardiment l’assemblée des saints, le concile des justes. Car nous irons vers ceux qui sont nos frères, vers ceux qui nous ont instruits dans la foi. Ainsi, même si nos œuvres sont insuffisantes, que la foi vienne à notre secours et préserve notre héritage. <>

Le Seigneur sera la lumière de tous, et cette vraie lumière qui éclaire tout homme (Jn 1,9) brillera pour tous. Nous irons là où le Seigneur Jésus a préparé des demeures pour ses serviteurs, afin que là où il est, nous soyons nous aussi, car telle est sa volonté. Quelles sont ces demeures? Écoutons-le en parler: Dans la maison de mon Père il y a beaucoup de demeures. Et il nous dit ce qu’il veut: Je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous soyez vous aussi (Jn 14,2-3).

Mais, me direz-vous, il ne parlait ainsi qu’à ses disciples, c’est à eux seuls qu’il promettait ces nombreuses demeures; et où voyez-vous qu’on viendra de partout prendre part au banquet dans le royaume de Dieu?

Comment pouvez-vous mettre en doute l’efficacité de la parole divine? Pour le Christ, vouloir, c’est réaliser. Enfin il a montré le lieu et le chemin, quand il a dit : Où je vais, vous le savez, et vous savez le chemin (Jn 14,4). Le lieu, c’est chez le Père; le chemin, c’est le Christ, comme il l’a dit lui-même: Moi je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi (Jn 14,7).

Entrons dans ce chemin, attachons-nous à la vérité, suivons la vie. Le chemin est ce qui conduit, la vérité est ce qui affermit, la vie est ce qui se donne de soi-même. Et pour que nous comprenions bien ce qu’il veut, il ajoutera plus loin : Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, pour qu’ils contemplent ma gloire, Père (cf. Jn 17,24). Il est beau de voir que ce qu’il avait promis auparavant, maintenant il le demande. En effet, parce qu’il avait promis d’abord et qu’il demande maintenant, et non pas le contraire, on voit qu’il a promis d’abord comme étant maître du don, conscient de sa puissance ; ensuite il a demandé au Père, comme étant l’interprète de la piété filiale. Il a promis d’abord, pour que vous reconnaissiez son pouvoir. Il a demandé ensuite, pour que vous compreniez sa piété envers le Père.

Nous te suivons, Seigneur Jésus. Mais pour que nous te suivions, appelle-nous, parce que, sans toi, nul ne montera vers toi. Car tu es le chemin, la vérité, la vie. Tu es aussi notre secours, notre foi, notre récompense. Ceux qui sont à toi, accueille-les, toi qui es le chemin ; fortifie-les, toi qui es la vérité; vivifie-les, toi qui es la vie.

Prière

Dieu qui as envoyé ton Fils pour nous sauver et pour faire de nous tes enfants d’adoption, regarde avec bonté ceux que tu aimes comme un père ; puisque nous croyons au Christ, accorde-nous la vraie liberté et la vie éternelle. Par Jésus Christ.

 

6e dimanche de Pâques A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 14,15-21

A l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : "Si vous m’aimez, vous resterez fidèles à mes commandements."

Homélie

L’envoi de l’autre Défenseur

Homélie de saint Jean Chrysostome († 407)

Homélie 75, 1 ; PG 59, 403-405.

Si vous m’aimez, vous resterez fidèles à mes commandements (Jn 14,15-18). Je vous ai donné ce commandement de vous aimer les uns les autres, de pratiquer entre vous ce que moi-même ai fait pour vous. C’est cela l’amour: obéir à ces commandements, et ressembler à celui que vous aimez. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur. Nouvelle parole, pleine de délicatesse. Parce que les disciples ne connaissaient pas encore le Christ d’une manière parfaite, on pouvait penser qu’ils regretteraient vivement sa société, ses entretiens, sa présence selon la chair, et que rien ne pourrait les consoler de son départ. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur, c’est-à-dire : un autre tel que moi. <>

C’est quand le Christ les eut purifiés par son sacrifice que l’Esprit Saint descendit en eux. pourquoi n’est-il pas venu pendant que Jésus était avec eux? Parce que le sacrifice n’avait pas été offert. C’est seulement lorsque le péché eut été enlevé et que les disciples furent envoyés affronter les périls du combat, qu’il leur fallut un entraîneur. Mais alors, pourquoi l’Esprit n’est-il pas venu aussitôt après la résurrection? Afin qu’ayant un plus vif désir de le recevoir, ils l’accueillent avec une plus grande reconnaissance. Tandis que le Christ était avec eux, ils n’étaient pas affligés ; lorsqu’il fut parti, leur solitude les plongea dans une crainte profonde; ils allaient donc accueillir l’Esprit avec beaucoup d’ardeur.

Il sera pour toujours avec vous. Cela signifie clairement qu/il ne vous quittera jamais. Il ne fallait pas qu’en entendant parler d’un Défenseur, ils imaginent une seconde incarnation et espèrent la voir de leurs yeux. Il rectifie donc leur pensée en disant: Le monde est incapable de le recevoir parce qu’il ne le voit pas. Car il ne sera pas avec vous de la même manière que moi, mais c’est dans vos âmes qu’il habitera, comme le signifient ces paroles: Il est en vous. Et il l’appelle l’Esprit de vérité parce qu’il leur fera connaître le vrai sens des préfigurations de la Loi ancienne.

Il sera pour toujours avec vous. Qu’est-ce que cela veut dire? Ce qu’il dit de lui-même: Voici que je suis avec vous. Mais d’une façon différente, et il insinue que le Défenseur ne souffrira pas comme le Christ, et que lui ne vous quittera pas. Le monde est incapable de le recevoir parce qu’il ne le voit pas. Quoi donc? Serait-il visible pour les autres? Nullement. Il parle ici de la connaissance par l’esprit, puisqu’il ajoute aussitôt: Et ne le connaît pas. Nous savons qu’il emploie le mot "voir" au sens de connaissance très claire. Par "le monde" il entend ici les méchants, et c’est là un réconfort pour les disciples, que leur soit accordé un don de choix. <>

Il annonce un Défenseur autre que lui ; il affirme que ce Défenseur ne les quittera pas ; il ajoute qu’il viendra uniquement pour eux, comme le Christ lui-même est venu. Il déclare enfin qu’il va demeurer en eux, mais ce n’est pas ainsi qu’il dissipe leur chagrin, car c’est lui qu’ils veulent, c’est sa compagnie. Et il dit pour les apaiser: Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous.

Ne craignez pas, dit-il. Si j’ai promis d’envoyer un autre Défenseur, ce n’est pas que je veuille vous abandonner pour toujours. En disant: Pour qu’il soit toujours avec vous, ce n’est pas en ce sens que je ne vous verrai plus. Car, moi aussi, je reviens vers vous, je ne vous laisserai pas orphelins.

Prière

Dieu tout-puissant, accorde-nous, en ces jours de fête, de célébrer avec ferveur le Christ ressuscité : que le mystère de Pâques dont nous faisons mémoire reste présent dans notre vie et la transforme. Par Jésus Christ.

 

Ascension du Seigneur A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 28,16-20

Au temps de Pâques, les onze disciples s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes.

Homélie

au choix

Le mystère de l’Ascension

Homélie de saint Léon le Grand († 461)

Sermon 74, 1-2; CCL 138 A, 455-457.

Le mystère de notre salut, ce salut que le Créateur de l’univers a estimé au prix de son sang, depuis le jour de sa naissance corporelle jusqu’à l’issue de sa Passion, ce mystère s’est accompli selon une dispensation marquée par l’humilité. Et bien que, même à travers la condition de serviteur, les signes de la divinité du Christ aient rayonné, toute l’action de cette période a consisté essentiellement à démontrer la vérité de l’incarnation.

Mais après la Passion, une fois rompus les liens de la mort qui, en s’attaquant à celui qui n’avait pas connu le péché, avait perdu toute sa virulence, la faiblesse se changea en force, la mortalité en éternité, et l’opprobre en cette gloire que le Seigneur Jésus fit voir à beaucoup, par des preuves nombreuses et manifestes, jusqu’à ce qu’il conduisît aux cieux ce triomphe de la victoire qu’il avait rapportée du séjour des morts.

Dans la solennité pascale, la résurrection du Seigneur était la cause de notre joie ; de même sa montée au ciel nous donne lieu de nous réjouir, puisque nous commémorons et vénérons ce grand jour où notre pauvre nature, en la personne du Christ, a été élevée plus haut que toute l’armée des cieux, plus haut que tous les chœurs des anges, plus haut que toutes les puissances du ciel, jusqu’à s’asseoir auprès de Dieu le Père. C’est sur cette disposition des œuvres divines que nous sommes fondés et construits. La grâce de Dieu devient en effet plus admirable lorsque, les hommes ayant vu disparaître ce qui leur inspirait de l’adoration, leur foi n’a pas connu le doute, leur espérance n’a pas été ébranlée, leur charité ne s’est pas refroidie.

Voilà en quoi consiste la force des grands esprits, telle est la lumière des âmes pleines de foi: croire sans hésitation ce que les yeux du corps ne voient pas, fixer son désir là où le regard ne parvient pas. Mais comment une telle piété pourrait-elle naître en nos cœurs, comment pourrait-on être justifié par la foi, si notre salut ne consistait qu’en des réalités offertes à nos yeux? C’est ce qui explique la parole de Dieu à cet homme que l’on voyait douter de sa résurrection s’il n’explorait pas, par la vue et le toucher, les marques laissées dans sa chair par la Passion : Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu (Jn 20,29).

Pour que nous puissions, mes bien-aimés, être capables de cette béatitude, notre Seigneur Jésus Christ, après avoir accompli tout ce qui correspond à la prédication évangélique et aux mystères du Nouveau Testament, le quarantième jour après sa résurrection, en présence de ses disciples, s’est élevé au ciel et a mis un terme à sa présence corporelle pour demeurer à la droite du Père. Il y demeurera jusqu’à ce que soient accomplis les temps prévus pour que se multiplient les fils de l’Église, et pour que lui-même vienne juger les vivants et les morts, dans cette même chair avec laquelle il est monté au ciel.

C’est pourquoi ce qui était visible chez notre Rédempteur est passé dans les mystères sacramentels. Et pour rendre la foi plus pure et plus ferme, la vue a été remplacée par l’enseignement: c’est à l’autorité de celui-ci que devaient obéir les cœurs des croyants, éclairés par les rayons du ciel.

ou bien

Désormais notre chair se trouve au ciel

Homélie attribuée à saint Jean Chrysostome († 407)

Sur l’Ascension, 16-17, PG 52, 789-792.

Dieu et les hommes sont devenus une seule race. Voilà pourquoi saint Paul a dit: Nous sommes de la race de Dieu (Ac 17,29). Il dit encore ailleurs : Nous sommes le corps du Christ et, chacun pour sa part, les membres de sa chair (1 Co 12,27). C’est-à-dire: Nous sommes devenus sa parenté, par la chair qu’il a assumée. Nous avons donc, grâce à lui, une garantie au ciel: la chair qu’il a prise de nous, et ici-bas: l’Esprit Saint qui demeure en nous. <>

Comment vous étonnez-vous que l’Esprit Saint est à la fois avec nous et au ciel, quand le corps du Christ est en même temps au ciel et avec nous? Le ciel a possédé ce corps sacré, et la terre a reçu l’Esprit Saint. Le Christ vint et apporta le Saint-Esprit, puis il monta au ciel et y emmena notre corps. <>

Quel plan divin redoutable et étonnant ! O grand roi, magnifique en toute chose ! Comme disait le prophète : O Seigneur, notre Dieu, qu’il est grand ton nom par toute la terre (Ps 8,2) ! <>

La divinité fut élevée. Exactement il est dit: Ils le virent s’élever (Ac 1,9), lui qui est grand en tout, le grand Dieu, le grand Seigneur, qui est aussi le grand roi sur toute la terre (Ac 1,9) ! Grand prophète, grand prêtre, grande lumière, il est grand en toute chose. Et non seulement il est grand par sa divinité, mais aussi selon la chair, car il est grand prêtre et grand prophète. Comment cela? Écoutez saint Paul: En lui nous avons le grand prêtre par excellence, celui qui a pénétré au-delà des cieux. Demeurons fermes dans la foi (He 4,14). Car, s’il est grand prêtre et grand prophète, il est bien vrai que Dieu a visité son peuple, et qu’il a suscité un grand prophète en Israël. S’il est un grand prêtre, un grand prophète, un grand roi, il est aussi une grande lumière: La Galilée des nations, le peuple qui marchait dans les ténèbres, a vu une grande lumière (Is 9,1-2).

Nous avons donc le gage de notre vie dans le ciel, où nous sommes montés avec le Christ. Nous serons donc emportés sur les nuées, si nous sommes dignes d’aller à sa rencontre. Car le coupable ne va pas au-devant de son juge: il comparaît seulement devant lui. <>

Prions, mes bien-aimés, et demandons de nous trouver dans le petit nombre de ceux qui se porteront au-devant du Christ. Tous n’ont pas vécu de la même manière. Chacun recevra son salaire selon la peine qu’il se sera donnée (1 Co 3,8). Que jamais la parole de Dieu ne soit donc arrêtée, mais qu’en vérité nous soyons tous pleins d’assurance dans l’amour du Christ, pour nourrir son peuple et prendre soin des âmes. <> On peut tromper les hommes par des paroles mensongères, mais aux yeux de Dieu nous paraîtrons tels que nous sommes. <> Celui qui sait tout, est témoin que nous désirons la paix, que nous la hâtons, la convoitons. <> Aucun de ceux qui attendent de Dieu leur récompense ne fait injure au tribunal en défendant sa cause. Mais Dieu a le pouvoir de donner la paix, d’assurer la paix, de répartir la paix entre ceux qui proclament la foi et leurs auditeurs, entre les enseignants et les enseignés, afin qu’après avoir commencé par la paix et continué par la paix, nous persévérions tous dans la paix, et que nous rendions tous gloire au Dieu de paix, au Père, au Fils et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et pour les siècles des siècles. Amen.

Prière

Dieu qui élèves le Christ au-dessus de tout, ouvre-nous à la joie et à l’action de grâce, car l’Ascension de ton Fils est déjà notre victoire ; nous sommes les membres de son corps, il nous a précédés dans la gloire auprès de toi, et c’est là que nous vivons en espérance. Par Jésus Christ.

 

7e dimanche de Pâques A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 17,1-11

A l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il leva les yeux au ciel et pria ainsi: "Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils, afin que le Fils te glorifie."

Homélie

au choix

La gloire du Christ, c’est sa croix

Homélie de saint Jean Chrysostome († 407)

Homélie sur: "Père, si c’est possible", PG 51, 34-35.

A l’approche de sa mort, le Sauveur s’écriait: Père, l’heure est venue, glorifie ton Fils (Jn 17,1). Or, sa gloire, c’est la croix. Comment donc pourrait-il avoir cherché à éviter ce qu’il sollicite à un autre moment? Que sa gloire soit la croix, l’Évangile nous l’enseigne en disant : L’Esprit Saint n’avait pas encore été donné, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié (Jn 7,39). Voici le sens de cette parole : la grâce n’avait pas encore été donnée, parce que le Christ n’était pas encore monté sur la croix pour mettre fin à l’hostilité entre Dieu et les hommes. En effet, c’est la croix qui a réconcilié les hommes avec Dieu, qui a fait de la terre un ciel, qui a réuni les hommes aux anges. Elle a renversé la citadelle de la mort, détruit la puissance du démon, délivré la terre de l’erreur, posé les fondements de l’Église. La croix, c’est la volonté du Père, la gloire du Fils, la jubilation de l’Esprit Saint. Elle est l’orgueil de saint Paul: Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste mon seul orgueil (Ga 6,14) !

La croix est plus éclatante que le soleil, plus brillante que ses rayons. Car, lorsque le soleil s’obscurcit, c’est alors que la croix étincelle; et le soleil s’obscurcit non en ce sens qu’il serait anéanti, mais qu’il est vaincu par la splendeur de la croix. La croix a déchiré l’acte de notre condamnation, elle a brisé les chaînes de la mort. La croix est la manifestation de l’amour de Dieu : Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas (Jn 3,16).

La croix a ouvert le paradis, elle y a introduit le malfaiteur et elle a ramené au Royaume des cieux le genre humain voué à la mort, devenu indigne de la terre elle-même.

Puisque tous ces biens nous sont venus et nous viennent encore par la croix, comment le Sauveur aurait-il pu la refuser? Et s’il ne l’avait pas voulue, qui aurait pu l’y forcer? Pourquoi aurait-il envoyé des prophètes annoncer qu’il serait crucifié, si cela ne devait pas se faire, et qu’il ne l’eût pas voulu? Pour quel motif désignait-il la croix par le mot de "coupe", s’il ne voulait pas être crucifié? C’est ainsi qu’il montre combien il la désirait. De même que boire une coupe est doux aux assoiffés, de même pour lui être mis en croix. C’est pourquoi il a déclaré: J’ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous (Lc 22,15), quand il savait qu’il serait crucifié le lendemain.

Lui qui appelle ce sacrifice "sa gloire", qui réprimande le disciple qui veut l’en détourner, qui se fait reconnaître pour le Bon Pasteur à ce qu’il donne sa vie pour ses brebis, lui qui affirme désirer ardemment l’heure de sa Passion et qui s’y présente de son plein gré, comment demanderait-il qu’elle n’ait pas lieu?

ou bien

Le Fils, empreinte de la gloire du Père

Homélie de saint Cyrille d’Alexandrie († 444)

Commentaire sur l’évangile de Jean, 11,7; PG 74, 497-499.

Notre Sauveur affirme avoir glorifié le nom de Dieu son Père, ce qui veut dire qu’il a rendu sa gloire illustre et éclatante par toute la terre. Comment cela? En se montrant lui-même son témoin et son annonciateur par des œuvres extraordinaires. En effet, le Père est glorifié dans le Fils, comme dans une image et une empreinte de sa forme et de sa figure. Car les empreintes reflètent toujours la beauté de leurs archétypes.

Donc, le Fils unique a été glorifié, lui qui est substantiellement la sagesse et la vie, le créateur et l’architecte de l’univers, plus fort que la mort et la corruption, pur, immaculé, miséricordieux, saint, plein de bonté. Que son Père soit tout cela, c’est évident, car il ne peut pas différer en sa nature de celui qui procède de lui par nature. Le Père a donc rayonné dans la gloire du Fils comme dans l’image et l’empreinte de sa forme. <>

Le Fils a fait connaître le nom du Père non seulement en le révélant et en nous donnant un enseignement exact sur sa divinité. Car tout cela était proclamé avant la venue du Fils, par l’Écriture inspirée. Mais aussi en nous enseignant non seulement qu’il est vraiment Dieu, mais qu’il est aussi vraiment Père, et vraiment qualifié ainsi, ayant en lui-même et produisant hors de lui-même son Fils, co-éternel à sa nature.

Le nom de Père convient à Dieu plus proprement que le nom de Dieu: celui-ci est un nom de dignité, celui-là signifie une propriété substantielle. Car qui dit Dieu dit le Seigneur de l’univers. Mais celui qui nomme le Père précise la propriété de la personne : il montre que c’est lui qui engendre. Que ce nom de Père soit plus vrai et plus propre que celui de Dieu, le Fils lui-même nous le montre par l’emploi qu’il en fait. Il disait parfois, non pas "Moi et Dieu" mais: Moi et le Père, nous sommes un (Jn 10,30). Et il disait aussi: C’est lui, le Fils, que Dieu le Père a marqué de son empreinte (Jn 6,27).

Mais quand il a prescrit à ses disciples de baptiser toutes les nations, il a expressément ordonné que cela se ferait non pas au nom de Dieu, mais au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.

Prière

Entends notre prière, Seigneur: nous croyons que le Sauveur des hommes est auprès de toi dans la gloire ; fais-nous croire aussi qu’il est encore avec nous jusqu’à la fin des temps, comme il nous l’a promis. Lui qui règne.

 

Pentecôte A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 20,19-23

C’était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint, et il était là au milieu d’eux.

Homélie

au choix

Le double don du baptême dans l’Esprit

Homélie de Rupert de Deutz († 1129)

Sur l’évangile de saint Jean, 2, CCM 9, 61-62

Quand le Christ baptise dans le Saint-Esprit, il donne d’abord la rémission des péchés. Mais il donne aussi, en second lieu, l’ornement de diverses grâces. Car il a parlé de la grâce du pardon des péchés le jour de sa résurrection, quand, en soufflant sur ses disciples, qu’il avait déjà lavés de leurs péchés dans son sang, il a dit: Recevez l’Esprit Saint. Et il affirme qu’il le leur donne pour la rémission des péchés puisqu’il ajoute aussitôt: Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis, et ceux à qui vous les maintiendrez, ils leur seront maintenus (Jn 20,22-23).

Sur cette distribution des dons par laquelle, nous venons de le dire, il confère l’ornement de ses grâces, saint Luc nous rapporte, dans les Actes des Apôtres, cette parole de Jésus : Jean a baptisé avec de l’eau; mais vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici quelques jours (Ac 1,5).

Le double don de ce baptême est exprimé par saint Jean Baptiste qui dit, chez les évangélistes Matthieu et Luc : Lui qui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu (Mt 3,11 ; Lc 3,16). Car il nous baptise par l’Esprit Saint quand la grâce invisible de cet Esprit descend dans la fontaine baptismale et remet tous leurs péchés à ceux qui reçoivent le baptême. Il baptise en outre par le feu lorsqu’il les rend embrasés par la ferveur du Saint-Esprit, forts dans l’amour et constants dans la foi, brillants de science et brûlants de zèle.

Dans cette rémission des péchés, on ne trouve aucune division; c’est d’une façon égale et uniforme qu’une seule et même grâce vient sur tous, mais en délivrant de toutes nos iniquités et en jetant au fond de la mer tous nos péchés.

Au contraire, dans les dons de la grâce, tous n’en reçoivent pas autant, lorsque l’un reçoit le don de la foi, l’autre le langage de la connaissance de Dieu ou de la sagesse, un autre le don de parler en langues, un autre le don d’interpréter, et ainsi de suite. Mais celui qui agit en tout cela, c’est le même et unique Esprit: il distribue ses dons à chacun, selon sa volonté (cf. 1 Co 12,8-11).

Chez les saints du Nouveau Testament, nous voyons ces charismes donnés par celui qui baptise, nous voyons ces marques éclatantes d’un baptême de gloire que nul d’entre eux, d’après l’Écriture, n’a reçu avant d’avoir été baptisé pour la rémission des péchés. Sauf dans le cas de Corneille et de ses compagnons : comme Pierre était encore en train de les instruire, le Saint-Esprit tomba sur eux, et ils se mirent à parler en langues et à glorifier Dieu.

Or, si quelques Pères de l’Ancien Testament ont reçu le don des miracles, beaucoup reçurent le don de prophétie, alors qu’ils n’avaient pas été baptisés en rémission des péchés. Car il est certain que tous furent baptisés quand le Christ, mort sur la croix, répandit un flot de sang et d’eau de son côté percé par la lance, pour la purification de l’Église universelle. Celle-ci englobe tous les hommes, depuis l’origine du monde, depuis le premier des justes, Abel, jusqu’au bandit crucifié avec le Christ, à l’heure même de sa mort. Car, alors que cette effusion si précieuse et si salutaire n’avait pas encore jailli du côté du Christ, ce bandit reconnut qu’il était le Seigneur en croyant à la venue future de son règne, et il acheta son entrée dans celui-ci par cette confession de foi imprévue.

ou bien

L’Esprit donné à l’Église

Homélie de saint Augustin († 430)

Sermon 271, éd des Mauristes 5, 1102-1103

Nous avons vu avec joie, mes frères, se lever ce jour de la Pentecôte, où la sainte Église resplendit aux yeux des fidèles et enflamme leurs cœurs. Car nous célébrons ce jour où notre Seigneur Jésus Christ, après sa résurrection et la gloire de son ascension, a envoyé le Saint-Esprit. Il avait dit, comme l’Évangile nous le rapporte: Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture : Des fleuves d’eau vive jailliront de son cœur. L’Évangéliste donne alors cette explication : En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint, l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en Jésus. En effet, l’Esprit n’avait pas encore été donné, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié par le Père (Jn 7,37-39).

Il restait donc, après la glorification de Jésus, sa résurrection d’entre les morts et sa montée aux cieux, que l’Esprit Saint fût donné, après avoir été envoyé par celui qui l’avait promis. Et c’est ce qui s’est produit.

En effet, après avoir vécu avec ses disciples pendant les quarante jours qui suivirent sa résurrection, le Seigneur monta au ciel, et, le cinquantième jour, que nous célébrons aujourd’hui, il envoya le Saint-Esprit, ainsi qu’il est écrit : Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d’un violent coup de vent: il virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d’eux. Ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit (Ac 2,2-4).

Ce souffle purifiait les cœurs de leur paille charnelle ; ce feu consumait le foin de l’ancienne convoitise; ces langues que parlaient les Apôtres comblés de l’Esprit Saint préfiguraient la diffusion de l’Église par les langues de toutes les nations. Car, de même qu’après le déluge l’impiété des hommes édifia une haute tour contre le Seigneur, quand le genre humain mérita d’être divisé par des langues diverses si bien que chaque nation parlait sa propre langue sans être comprise par les autres nations, ainsi l’humble piété des croyants ramena vers l’Église la diversité de ces langues. Ainsi, ce que la discorde avait dispersé, la charité le rassemblerait, et les membres épars d’un unique genre humain seraient reliés entre eux et avec le Christ, le chef unique, et seraient fondus par le feu de l’amour dans l’unité de ce corps très saint.

C’est pourquoi ils sont totalement exclus de ce don du Saint-Esprit, ceux qui haïssent la grâce de la paix, et qui ne restent pas en communion avec l’unité. Car, bien qu’eux-mêmes se réunissent aujourd’hui comme chaque année, bien qu’ils entendent lire ces Écritures qui attestent la promesse et l’envoi du Saint-Esprit, ils les entendent pour leur condamnation, non pour leur récompense. A quoi leur sert-il, en effet, de percevoir par les oreilles ce que rejette leur cœur et de célébrer le jour de celui dont ils détestent la lumière?

Mais vous, mes frères, membres du corps du Christ, germes d’unité, enfants de paix, passez ce jour dans la joie, célébrez-le en sécurité. Car ce qui était annoncé en ces jours où vint le Saint-Esprit, c’est cela qui s’accomplit en vous. Car chacun de ceux qui recevait alors l’Esprit Saint parlait, à lui seul, toutes les langues. C’est ainsi qu’aujourd’hui l’unité elle-même parle toutes les langues à travers toutes les nations, cette unité dans laquelle vous possédez l’Esprit Saint, vous qui n’êtes séparés par aucun schisme de l’Église du Christ, laquelle parle toutes les langues.

Prière

Aujourd’hui, Seigneur, par le mystère de la Pentecôte, tu sanctifies ton Église chez tous les peuples et dans toutes les nations; répands les dons du Saint-Esprit sur l’immensité du monde, et continue dans les cœurs des croyants l’œuvre d’amour que tu as entreprise au début de la prédication évangélique. Par Jésus Christ.

Solennités du temps ordinaire A

 

La Sainte Trinité A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 3,16-18

Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique: ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle.

Homélie

Le Fils, donné pour la vie du monde

Homélie de saint Jean Chrysostome († 407)

Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique: ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle (Jn 3,16).

Vous voyez la cause de l’avènement du Fils de Dieu: il est venu pour que tous ceux qui devaient périr trouvent, par la foi en lui, l’accès au salut. Qui aurait pu imaginer une générosité pareille, au-delà de tout éloge? Par le don du baptême, Dieu accorde à notre nature le pardon de tous nos péchés ! Non seulement ici la pensée est impuissante, mais la parole est incapable de dénombrer les autres bienfaits de Dieu. Si nombreux qu’ils soient, je suis obligé d’en omettre encore davantage. Que serait-ce donc, si l’on songeait encore à ce chemin de la conversion que Dieu, dans son indicible amour des hommes, a donné au genre humain, ainsi qu’à ses prescriptions merveilleuses grâce auxquelles, si nous le voulons, même après le bienfait du baptême, nous pourrons attirer la grâce d’en haut !

Vous voyez, mes enfants, l’abîme des bienfaits de Dieu ! Vous voyez combien leur énumération est longue, bien que nous n’en ayons encore rappelé qu’une faible partie ! Comment, en effet, le langage humain pourrait-il dénombrer tout ce que Dieu a fait pour nous? Mais si grands et si nombreux que soient ces bienfaits, ils sont plus ineffables et plus grands encore, ceux qu’il a promis pour la vie future à ceux qui marchent sur le chemin de la vertu. Et, pour nous montrer en peu de mots l’excès de leur grandeur, saint Paul nous dit: Ce que personne n’avait vu de ses yeux ni entendu de ses oreilles, ce que le cœur de l’homme n’avait pas imaginé, ce qui avait été préparé pour ceux qui aiment Dieu (1 Co 2,9).

Voyez-vous l’excellence de ces bienfaits? Voyez-vous comme ils sont au-dessus de toutes les idées de l’homme? Ce que le cœur de l’homme n’avait pas imaginé, c’est l’expression de saint Paul. Si nous voulons récapituler toutes ces merveilles, si nous voulons en rendre grâce selon nos forces, nous pourrons attirer sur nous encore plus de grâces divines et grandir en vertu. Le souvenir des bienfaits de Dieu nous aide à affronter les labeurs de la vertu, à mépriser les biens terrestres, pour nous ouvrir à l’auteur de tous ces dons et augmenter, de jour en jour, l’amour que nous lui témoignons.

Prière

Dieu notre Père, tu as envoyé dans le monde ta Parole de vérité et ton Esprit de sainteté pour révéler aux hommes ton admirable mystère ; donne-nous de professer la vraie foi en reconnaissant la gloire de l’éternelle Trinité, en adorant son Unité toute-puissante. Par Jésus Christ.

 

Le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 6,51-58

Après avoir nourri la foule avec cinq pains et deux poissons, Jésus disait : "Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement."

Homélie

Votre mystère se trouve sur la table du Seigneur

Sermon de saint Augustin († 430)

Sermon 272; éd. des Mauristes 5, 1103-1104.

Ce que vous voyez sur l’autel de Dieu, c’est le pain et la coupe : c’est cela que vos yeux vous signalent. Mais ce dont votre foi veut être instruite, c’est que ce pain est le corps du Christ, que cette coupe est son sang. Cela tient à une brève formule, qui peut suffire à la foi. Mais la foi cherche à s’instruire. Car vous pourriez me dire un jour: "Vous nous avez ordonné de croire. Donnez-nous une explication qui nous fasse comprendre."

En effet, chacun de nous peut avoir cette pensée : Notre Seigneur Jésus Christ, nous savons d’où il tient sa chair, de la Vierge Marie. Enfant, il a été allaité, nourri, il a grandi, il est parvenu à l’état d’homme jeune. <> Il est mort sur la croix, puis il en a été détaché pour être enseveli. Il est ressuscité le troisième jour, et il est monté au ciel le jour qu’il a voulu. C’est au ciel qu’il a élevé son corps, c’est de là qu’il viendra juger les vivants et les morts, c’est là qu’il réside présentement à la droite du Père. Alors, comment ce pain est-il son corps, et cette coupe, ou plutôt son contenu, peut-il être son sang?

Mes frères, c’est cela que l’on appelle des sacrements: ils montrent une réalité, et en font comprendre une autre. Ce que nous voyons est une apparence corporelle, tandis que ce que nous comprenons est un fruit spirituel.

Si vous voulez comprendre ce qu’est le corps du Christ, écoutez l’Apôtre, qui dit aux fidèles: Vous êtes le corps du Christ, et chacun pour votre part, vous êtes les membres de ce corps (1 Co 12,17). Donc, si c’est vous qui êtes le corps du Christ et ses membres, c’est votre mystère qui se trouve sur la table du Seigneur, et c’est votre mystère que vous recevez. A cela, que vous êtes, vous répondez: "Amen", et par cette réponse, vous y souscrivez. On vous dit: "Le corps du Christ", et vous répondez "Amen". Soyez donc membres du corps du Christ, pour que cet Amen soit véridique.

Pourquoi donc le corps est-il dans le pain? Ici encore, ne disons rien de nous-mêmes, écoutons encore l’Apôtre qui, en parlant de ce sacrement, nous dit : Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps (1 Co 10,17). Comprenez cela et soyez dans la joie: unité, vérité, piété, charité ! Un seul pain: qui est ce pain unique? Un seul corps, nous qui sommes multitude. Rappelez-vous qu’on ne fait pas du pain avec un seul grain, mais avec beaucoup. Soyez ce que vous voyez, et recevez ce que vous êtes. Voilà ce que l’Apôtre dit du pain.

Au sujet de la coupe, bien qu’il n’en ait pas parlé autant que du pain, il nous fait comprendre ce qui la concerne. Car, pour avoir l’apparence visible du pain, beaucoup de grains ne forment qu’une seule pâte, afin de réaliser ce que l’Écriture Sainte nous dit au sujet des fidèles: 7/5 avaient un seul cœur et une seule âme (Ac 4,32) devant Dieu. Il en est de même pour le vin. Rappelez-vous, mes frères, comment on fait le vin. De nombreux grains sont attachés à la grappe, mais le liquide contenu dans tous ces grains se rassemble en une boisson unique.

C’est ainsi que le Seigneur Christ nous a représentés, il a voulu que nous lui appartenions, et il a consacré sur sa table le mystère de notre paix et de notre unité. Celui qui reçoit ce mystère d’unité, mais ne garde pas le lien de la paix, reçoit un témoignage qui le condamne, au lieu de recevoir ce mystère pour son bien.

Prière

Seigneur Jésus Christ, dans cet admirable sacrement, tu nous as laissé le mémorial de ta passion ; donne-nous de vénérer d’un si grand amour le mystère de ton corps et de ton sang, que nous puissions recueillir sans cesse le fruit de ta rédemption. Toi qui règnes.

 

Le Sacré-Cœur de Jésus A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 11,25-30

En ce temps-là, Jésus prit la parole : "Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits."

Homélie

Jésus, doux et humble de cœur

Homélie de saint Bruno de Segni († 1123)

Sermon pour le Vendredi saint 1, PL 165, 1007-1008

Cherchez à imiter Dieu, puisque vous êtes ses enfants bien-aimés. Vivez dans l’amour comme le Christ nous a aimés et s’est livré pour nous en offrant à Dieu le sacrifice qui pouvait lui plaire (Ep 5,1).

Notre Seigneur Jésus Christ, par tout ce qu’il a fait et a dit, nous a laissé, frères très chers, un modèle d’humilité et les principes d’une vie vertueuse. Il n’a pas voulu seulement nous enseigner par ses paroles, mais aussi par ses exemples. Aussi est-il écrit de lui que dès le commencement il se mit à agir et à enseigner (Ac 1,1).

Quant à l’humilité, il a dit de lui-même : Devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur (Mt 11,29). Oui, alors qu’il est tout-puissant, qu’il est le Seigneur, il a voulu pour nous être pauvre, il a méprisé les honneurs, il a subi volontairement sa passion, il a prié pour ses persécuteurs. Et il a fait tout cela pour qu’en toutes choses, selon les possibilités de notre faiblesse, nous ne négligions pas de le suivre, car autrement nous ne serions pas de vrais chrétiens. Celui qui prétend aimer le Christ doit marcher lui-même dans la voie où lui, Jésus, a marché (1 Jn 2,6). <>

Mais c’est parce qu’il a subi de plein gré la passion et la croix qu’il nous a arrachés par sa mort au pouvoir du démon. Cloué à la croix, il a prié pour les pécheurs. Il nous a donné cet exemple afin que ceux que d’autres font souffrir supportent avec une âme égale les maux que leur infligent leurs semblables. Lui-même les a subis avec tant de douceur de la part des esclaves, alors qu’il est le Seigneur de tous, et de la part des pécheurs, alors qu’il est le Juste.

Quant à nous, frères, quand nous sommes soumis à des épreuves, nous devons redoubler de prières, car il y a deux sortes d’épreuves. Il y a l’épreuve qui nous fait subir des dommages temporels. Et il y a l’épreuve bien plus grave par laquelle nous sommes portés à pécher. Mais il faut prier de telle façon que notre prière ne se transforme pas en péché.

En même temps, nous devons faire l’aumône, et la faire de façon parfaite. L’aumône parfaite consiste en deux choses: donner et pardonner. C’est pourquoi le Seigneur dit dans l’Evangile : Donnez, et vous recevrez une mesure bien pleine; pardonnez, et vous serez pardonnés (Lc 6,37).

Tels sont les moyens de parvenir au Royaume des cieux. Que le Christ, notre Seigneur, nous y conduise, lui qui vit et règne pour les siècles des siècles.

Prière

Seigneur notre Père, en vénérant le Cœur de ton Fils bien-aimé, nous disons les merveilles de ton amour pour nous ; fais que nous recevions de cette source divine une grâce plus abondante. Par Jésus Christ.

Temps ordinaire A

 

2e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 1,29-34

Comme Jean Baptiste voyait Jésus venir vers lui, il dit: "Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde."

Homélie

L’Agneau de Dieu, qui enlève le péché

Homélie de saint Cyrille d’Alexandrie († 444)

Commentaire sur l’évangile de Jean, 2, Prol , PG 73, 192-193

Jean voit Jésus venir vers lui et il dit : Voici l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde (Jn 1,29). Ce n’est plus le temps de dire: Préparez... (Mt 3,3), puisque Celui dont la venue a été préparée se laisse voir, il s’offre désormais aux regards. La nature de l’événement demande un autre discours. Il faut faire connaître Celui qui est là, expliquer pourquoi il est descendu du ciel et venu jusqu’à nous. C’est pourquoi Jean déclare: Voici l’Agneau de Dieu.

Le prophète Isaïe nous l’a annoncé en disant qu’il est traîné à l’abattoir comme une brebis, comme un agneau muet devant ceux qui le tondent (Is 53,7). La loi de Moïse l’a préfiguré, mais, étant figure et ombre, elle ne procurait qu’un salut incomplet et sa miséricorde ne s’étendait pas à tous les hommes. Or, aujourd’hui, l’Agneau véritable, représenté jadis par des symboles, la victime sans reproche est menée à l’abattoir.

C’est pour chasser le péché du monde, renverser l’Exterminateur de la terre, détruire la mort en mourant pour tous, briser la malédiction qui nous frappe et mettre désormais fin à ceci : Tu es poussière et à la poussière tu retourneras (Gn 3,19). Devenu ainsi le second Adam, d’origine céleste et non terrestre, il est la source de tout bien pour l’humanité, le destructeur de la corruption qui était étrangère à notre nature, le médiateur de la vie éternelle, le garant du retour à Dieu, le principe de la piété et de la justice, la voie qui mène au Royaume des cieux. Car un seul Agneau est mort pour tous, recouvrant pour Dieu le Père tout le troupeau de ceux qui habitent la terre; un seul est mort pour tous, afin de les soumettre tous à Dieu ; un seul est mort pour tous afin de les gagner tous, afin que tous désormais n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux (2 Co 5,15).

Nous vivions, en effet, dans nos nombreux péchés, et, de ce fait, nous avions à acquitter une dette de mort et de corruption. Aussi le Père a-t-il livré son Fils en rançon pour nous, un seul pour tous, car toutes choses sont en lui et il est au-dessus de tout. Un seul est mort pour tous afin que nous vivions tous en lui, car la mort, qui avait englouti l’Agneau sacrifié pour tous, les a tous restitués en lui et avec lui. En effet, nous étions tous dans le Christ qui est mort pour nous et à notre place, et qui est ressuscité.

Une fois le péché détruit, comment la mort qui a en lui son principe et sa cause, échapperait-elle à la destruction complète? Une fois la racine morte, comment le germe qui en sort pourrait-il encore se conserver? Une fois le péché effacé, pour quelle faute encore devrions-nous mourir? Célébrons donc dans la joie l’immolation de l’Agneau, en disant: O mort, où est ta victoire ? O enfer, où est ton dard venimeux (1 Co 15,55)?

Comme le chantait le Psalmiste, toute injustice, en effet, fermera sa bouche (Ps 106,42), incapable qu’elle est désormais d’accuser ceux qui pèchent par faiblesse. Car c’est Dieu qui justifie (Rm 8,33). Le Christ nous a rachetés de la malédiction de la Loi, en devenant pour nous objet de malédiction (Ga 3,13), afin que nous échappions à la malédiction du péché.

Prière

Dieu éternel et tout-puissant, qui régis l’univers du ciel et de la terre, exauce, en ta bonté, les prières de ton peuple et fais à notre temps la grâce de la paix. Par Jésus Christ.

ou bien

Dans la partie du temps ordinaire, on a reproduit les oraisons évangéliques figurant dans la Liturgie Monastique des Heures, livre liturgique approuvé par l’autorité compétente

Seigneur notre Dieu, tu as fait reposer ton Esprit sur Jésus de Nazareth pour qu’il puisse remplir sa mission et enlever le péché du monde. Ranime en nous le souffle reçu au baptême, et nous pourrons témoigner de ton amour. Par Jésus Christ.

 

3e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 4,12-23

Quand Jésus apprit l’arrestation de Jean Baptiste, il se retira en Galilée. Il quitta Nazareth et vint habiter à Capharnaum, ville située au bord du lac, dans les territoires de Zabulon et de Nephtali.

Homélie

Le Christ, lumière de notre vie

Homélie de Lansperge le Chartreux († 1539)

Sermon 5, Opera omnia, 3, 315-317

Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière (Is 9,1). Mes frères, nul n’ignore que nous sommes tous nés dans les ténèbres et que nous y avons vécu autrefois. Mais faisons en sorte de ne plus y rester, maintenant que le soleil de justice s’est levé pour nous. <>

Le Christ est donc venu illuminer ceux qui demeurent dans les ténèbres et l’ombre de la mort, pour guider leurs pas dans le chemin de la paix. De quelles ténèbres parlons-nous? Tout ce qui se trouve dans notre intelligence, dans notre volonté ou dans notre mémoire, et qui n’est pas Dieu ou n’a pas sa source en Dieu, autrement dit tout ce qui en nous n’est pas à la gloire de Dieu et fait écran entre Dieu et l’âme, est ténèbres. <>

Aussi le Christ, ayant en lui la lumière, nous l’ a-t-il apportée pour que nous puissions voir nos péchés et haïr nos ténèbres. Vraiment, la pauvreté qu’il a choisie quand il n’a pas trouvé de place à l’hôtellerie, est pour nous la lumière à laquelle nous pouvons connaître dès maintenant le bonheur des pauvres en esprit, à qui appartient le Royaume des cieux.

L’amour dont le Christ a témoigné en se consacrant à notre instruction et en s’exposant à endurer pour nous les épreuves, l’exil, la persécution, les blessures et la mort sur la croix, l’amour qui finalement l’a fait prier pour ses bourreaux, est pour nous la lumière grâce à laquelle nous pouvons apprendre à aimer aussi nos ennemis.

Elle est pour nous lumière, l’humilité avec laquelle il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur (Ph 2,7), et, refusant la gloire du monde, voulut naître dans une étable plutôt que dans un palais et subir une mort honteuse sur un gibet. Grâce à cette humilité nous pouvons savoir combien détestable est le péché d’un être de limon, un pauvre petit homme de rien, lorsqu’il s’enorgueillit, se glorifie et ne veut pas obéir, tandis que nous voyons le Dieu infini, humilié, méprisé et livré aux hommes.

Elle est aussi pour nous lumière, la douceur avec laquelle il a supporté la faim, la soif, le froid, les insultes, les coups et les blessures, lorsque comme un agneau il a été conduit à l’abattoir et comme une brebis devant le tondeur il n’a pas ouvert la bouche (Is 53,7). Grâce à cette douceur, en effet, nous voyons combien inutile est la colère, de même que la menace, nous consentons alors à souffrir et nous ne servons pas le Christ par routine. Grâce à elle, nous apprenons à connaître tout ce qui nous est demandé : pleurer nos péchés dans la soumission et le silence, et endurer patiemment la souffrance quand elle se présente. Car le Christ a enduré ses tourments avec tant de douceur et de patience, non pour des péchés qu’il n’a pas commis, mais pour ceux d’autrui.

Dès lors, frères très chers, réfléchissez à toutes les vertus que le Christ nous a enseignées par sa vie exemplaire, qu’il nous recommande par ses exhortations et qu’il nous donne la force d’imiter avec l’aide de sa grâce.

Prière

Dieu éternel et tout-puissant, dirige notre vie selon ton amour, afin qu’au nom de ton Fils bien-aimé, nous portions des fruits en abondance. Par Jésus Christ.

ou bien

Seigneur notre Dieu, tu as voulu que ton Fils prenne notre chair pour répandre ta lumière parmi ceux qui habitaient dans les ténèbres. Accorde-nous la grâce d’une conversion plus totale, et nous refléterons auprès de nos frères la clarté de ton Royaume. Par Jésus Christ.

 

4e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 5,1-12a

Quand Jésus vit la foule qui le suivait, il gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent. Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire. Il disait : "Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux !"

Homélie

au choix

Le bonheur selon Dieu

Homélie de saint Chromace d’Aquilée († 407)

Sermon 39; CCL 9 A, 169-170.

Un jour où notre Seigneur et Sauveur parcourait de nombreuses villes et régions en prêchant et en guérissant toute maladie et toute infirmité dans le peuple, voyant, dit la lecture de ce jour, les foules qui l’entouraient, il gravit la montagne (Mt 5,1). Comme il convient, le Dieu très haut monte sur une hauteur afin de proclamer de sublimes paroles à l’adresse de ceux qui aspirent à s’élever aux plus hautes vertus. Et, comme la Loi a été donnée à Moïse sur une montagne, il sied que la loi nouvelle soit promulguée sur une montagne. Celle-là comportait les dix commandements, en vue de parvenir à la connaissance et à la sagesse dans la vie présente ; celle-ci comprend les huit béatitudes, car elle conduit ceux qui l’observent à la vie éternelle et à la patrie céleste.

Heureux les doux: ils hériteront de la terre (Mt 5,4). Il faut donc que les doux aient une âme pacifique et un cœur sincère. Le Seigneur montre clairement que leur mérite est considérable, quand il dit qu’ils hériteront de la terre. Il s’agit, sans aucun doute, de cette terre dont il est écrit : J’en suis sûr, je verrai la bonté du Seigneur sur la terre des vivants (Ps 26,13), si bien que l’héritage de cette terre-là, c’est l’immortalité du corps et la gloire de la résurrection éternelle. <>

Car la douceur ignore l’orgueil, elle ignore la vantardise, elle ignore l’ambition. Aussi le Seigneur exhorte-t-il ailleurs avec juste raison ses disciples en ces termes : Mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez du repos pour vos âmes (Mt 11,29).

Heureux ceux qui pleurent: ils seront consolés (Mt 5,5). Non ceux qui pleurent la perte d’êtres chers, mais ceux qui pleurent leurs péchés et lavent leurs fautes de leurs larmes; et sans doute ceux qui s’affligent de l’iniquité de ce monde ou gémissent sur les péchés d’autrui.

Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu (Mt 5,9). Voyez comme le mérite des artisans de paix est grand, puisqu’on ne les appelle plus serviteurs mais fils de Dieu. A juste raison, car celui qui aime J_a paix, aime le Christ, auteur de la paix, lui que l’Apôtre Paul a nommé paix, quand il a dit: C’est lui, en effet, qui est notre paix (Ép 2,14). Celui qui, au contraire, n’aime pas la paix, s’attache à la discorde, parce qu’il aime le diable, auteur de la discorde. Celui-ci, en effet, a fomenté au commencement la discorde entre Dieu et l’homme, puisqu’il a fait de l’homme un transgresseur du commandement divin.

Mais le Fils de Dieu est descendu du ciel pour condamner le diable, auteur de la discorde; pour établir la paix entre Dieu et l’homme en réconciliant l’homme avec Dieu, et en amenant Dieu à rendre sa grâce à l’homme. Et il nous faut devenir des artisans de paix afin de mériter le nom de fils de Dieu. Car, sans la paix, non seulement nous perdons le nom de fils de Dieu, mais même celui de serviteurs, selon ce que dit l’Apôtre: Aimez la paix (cf. He 12,14), sans laquelle aucun de nous ne peut plaire à Dieu (cf. He 11,6).

ou bien

Les Béatitudes, une ascension vers la pureté

Catéchèse de Syméon le Nouveau Théologien († 1022)

Catéchèses, 31; SC 113, 226-233.

Il est vraiment nécessaire de méditer les divines Écritures. Pendant qu’on en donne lecture, tout homme a le devoir de se regarder, de réfléchir et d’observer, comme dans un miroir, son âme et l’état où elle se trouve.

Que veux-je dire? L’homme entend la parole du Seigneur <>: Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux (Mt 5,3) ! Il doit donc s’examiner et s’éprouver continuellement, en toute situation humiliante — je veux dire outrages, déshonneur, mépris —, et regarder en lui-même pour voir si la vertu d’humilité est en lui ou non.

Car celui qui la possède supporte tout sans chagrin ni accablement. Rien de ce qui arrive ne blesse son cœur. Et même s’il en est un peu blessé, il n’est pas complètement bouleversé; ou plutôt, à cause de cette blessure au corps, simplement parce qu’il s’est un peu chagriné au lieu d’avoir accepté avec joie ce qui arrivait, il se flagelle et se regarde comme méprisable, il s’attriste et pleure ; il se retire dans le secret de son âme ou de sa cellule, et, persuadé qu’il a complètement perdu sa vie, il se prosterne devant Dieu et se confesse à lui.

Puis il entend encore: Heureux ceux qui s’affligent (Mt 5,5). Observe aussi que le Christ ne dit pas : ceux qui se sont affligés, mais: ceux qui s’affligent continuellement. Il faut donc que nous examinions également ce point, à savoir si nous nous affligeons chaque jour. Car si nous sommes devenus humbles par la pénitence, il est évident que nous ne passerons pas un jour ni une nuit sans larmes, sans affliction et sans componction.

Et encore: Heureux les doux (Mt 5,4). Celui qui s’afflige chaque jour peut-il continuer à vivre dans la colère et non dans la douceur? De même, en effet, que l’eau éteint la flamme d’un foyer, de même l’affliction et les larmes éteignent la fureur de l’âme au point que celui qui s’est maintenu dans la colère voit la fureur de son âme se transformer et parvenir à un calme immuable. <>

Ensuite il doit examiner s’il a faim et soif de la justice (Mt 5,6) de Dieu. En effet, il peut se trouver quelqu’un qui recherche la justice sans en avoir faim et soif, car Dieu est la justice; ainsi l’entends-tu appeler soleil de justice (Ml 4,2). Celui qui a faim et soif de lui considère, en tout cas, le monde et ce qui est dans le monde comme des balayures. Quant aux honneurs des princes, il les regarde comme honteux, ou même il n’a pas la moindre idée des honneurs des hommes.

Et encore: Heureux les miséricordieux (Mt 5,7). Qui sont donc les miséricordieux? Ceux qui sont devenus pauvres pour Celui qui s’est appauvri pour nous. Alors qu’ils n’ont rien à donner, ils se soucient constamment d’une manière spirituelle, des pauvres, des veuves, des orphelins et des malades. Ils les entourent de nombreuses attentions et de leur compassion, et versent sur eux des larmes brûlantes, à l’instar de Job qui disait: N’ai-je point pleuré sur tous les infirmes ? (Jb 30,25). Et lorsqu’ils ont de quoi, ils leur font l’aumône avec joie et à tous ils rappellent de bon cœur les moyens de sauver leurs âmes, pour obéir à Celui qui a dit : Ce que j’ai appris avec simplicité, j’en fais part sans réserve (Sg 7,13).

C’est eux que le Seigneur déclare bienheureux, eux les vrais miséricordieux: aussi est-ce à partir d’une telle miséricorde, comme par un degré, qu’ils s’élèvent et parviennent à la parfaite pureté de l’âme.

C’est donc à ce titre que Dieu a également proclamé bienheureux ceux qui ont le cœur pur, quand il déclare : Heureux les cœurs purs: ils verront Dieu (Mt 5,8) ! <> L’âme ainsi purifiée voit Dieu en tout et se réconcilie avec lui. La paix s’établit entre Dieu, notre Créateur, et l’âme qui était naguère son ennemie, et elle est alors déclarée bienheureuse par Dieu pour avoir fait œuvre de paix. Heureux, dit-il, les artisans de paix: ils seront appelés fils de Dieu (Mt 5,9) !

Prière

Accorde-nous, Seigneur, de pouvoir t’adorer sans partage, et d’avoir pour tout homme une vraie charité. Par Jésus Christ.

ou bien

Seigneur notre Dieu, ton Fils est venu annoncer l’avènement d’un monde nouveau où les pauvres sont riches, les tristes joyeux, les assoiffés de justice comblés. Ouvre-nous pleinement à cette Loi nouvelle, si déconcertante pour notre sagesse à courte-vue, et donne-nous un cœur pur, afin que nous te voyions face à face. Par Jésus Christ.

 

5e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 5,13-16

Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait: "Vous êtes le sel de la terre."

Homélie

Être lumière

Homélie de saint Jean Chrysostome († 407)

Catéchèses baptismales 4, 18-21 33, SC 50, 192-193 199

Nous avons revêtu le Christ une fois pour toutes, et nous sommes devenus dignes de l’avoir comme hôte. Si nous le voulons, nous pourrons donc, sans dire un seul mot, en menant simplement une vie parfaite, révéler à tous la puissance qui habite en nous. <> C’est bien décela que parle le Christ, quand il dit : Que votre lumière brille devant les hommes : alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux (Mt 5,16). Cette lumière n’atteint pas les sens corporels, mais elle illumine l’âme et l’esprit de ceux qui la voient; elle dissipe les ténèbres du mal et dispose tous ceux qui la reçoivent à briller de leur propre lumière et à prendre la vertu pour modèle.

Que votre lumière brille devant les hommes. Le Christ dit justement devant les hommes. Il veut dire : "Que votre lumière soit si vive qu’elle vous éclaire et brille également devant les hommes, car ils ont besoin de son aide !" La lumière naturelle permet de chasser les ténèbres pour voir le chemin à parcourir et aller droit devant soi sur une route ordinaire. Il en est de même pour la lumière spirituelle provenant d’une conduite exemplaire: elle éclaire ceux qui ont les yeux de leur esprit obscurcis par l’erreur et qui sont incapables d’apercevoir nettement le chemin de la vertu ; elle ôte la chassie des yeux de leur intelligence ; elle les met sur la bonne voie et leur permet de suivre désormais le chemin de la vertu.

Alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. Autrement dit: que votre vertu, que la discipline rigoureuse de votre conduite et de votre pratique des bonnes œuvres éveillent en ceux qui vous voient le désir de glorifier le Maître universel. Que chacun de vous ait à cœur, je vous en prie, de mener une vie si parfaite qu’elle entraîne tous ceux qui la voient à chanter la louange du Maître. <>

Par votre conduite exemplaire, attirez sur vous la grâce de l’Esprit, si bien que vous deviendrez inexpugnables. Ainsi l’Église se réjouira et exultera de votre progrès ; notre Maître à tous sera glorifié et tous nous deviendrons dignes du Royaume des cieux, par la grâce, la miséricorde et l’amour du Fils unique de Dieu, notre

Seigneur Jésus Christ, à qui soient, avec le Père et le Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

Prière

Dans ton amour inlassable, Seigneur, veille sur ta famille ; et puisque ta grâce est notre unique espoir, garde-nous sous ta constante protection. Par Jésus Christ.

ou bien

Seigneur Jésus Christ, c’est toi qui es le sel de la terre et la lumière du monde. Mais en ta bonté, tu as voulu que tes disciples le deviennent à leur tour. Donne-leur saveur et rayonnement, pour qu’ils soient auprès de leurs frères les témoins de ta gloire. Toi qui règnes.

 

6e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 5,17-37

Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait: "Ne pensez pas que je suis venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir."

Homélie

au choix

Faire la paix

Homélie de saint Jean Chrysostome († 407)

Homélie sur la trahison de Judas, 2, 6; PG 49, 390-391.

Le Christ a donné sa vie pour toi et tu continues à détester celui qui est un serviteur comme toi. Comment peux-tu t’avancer vers la table de la paix? Ton Maître n’a pas hésité à endurer pour toi toutes les souffrances, et tu refuses même de renoncer à ta colère ! Qu’est-ce qui te retient, dis-moi? L’amour est la racine, la source et la mère de tous les biens. "Un tel m’a gravement offensé, dis-tu, il a été tant de fois injuste envers moi, il m’a menacé de mort !" Eh bien ! Qu’est-ce que cela? Il ne t’a pas encore crucifié comme les Juifs ont crucifié le Seigneur.

Si tu ne pardonnes pas les offenses de ton prochain, ton Père qui est dans les cieux ne te pardonnera pas non plus tes fautes. Que dit ta conscience quand tu prononces ces paroles : Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié (Mt 6,9), et celles qui suivent? Le Christ n’a pas fait la différence. Son sang, il l’a versé aussi pour ceux qui ont versé le sien. Pourrais-tu faire quelque chose de semblable? Lorsque tu refuses de pardonner à ton ennemi, c’est à toi que tu causes du tort, pas à lui. Tu as pu, en effet, le faire souffrir souvent dans la vie présente, mais toi, ce que tu te prépares, c’est un châtiment irrémissible, au jour du jugement. Car personne ne s’attire plus sûrement l’inimitié de Dieu, et ne lui inspire plus d’aversion, que l’homme rancunier, celui qui a le cœur enflé et dont l’âme brûle de colère.

Eh bien ! Écoute ce que dit le Seigneur : Lorsque tu vas présenter ton offrande sur l’autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande (Mt 5,23-24). Mais tu dis : "Vais-je laisser là l’offrande et le sacrifice?" "Certainement, répond-il, puisque le sacrifice est justement offert pour que tu vives en paix avec ton frère."

Si donc le but du sacrifice est la paix avec ton prochain, et que tu ne sauvegardes pas la paix, il ne sert à rien que tu prennes part, même par ta présence, au sacrifice. La première chose que tu aies à faire c’est bien de rétablir la paix, cette paix pour laquelle, je le répète, le sacrifice est offert. De celui-ci, alors, tu tireras un beau profit. Car le Fils de l’homme est venu dans le monde pour réconcilier l’humanité avec son Père. Comme Paul le dit: Maintenant Dieu a réconcilié avec lui toutes choses (Col 1,22), par la croix, en sa personne, il a tué la haine (Ep 2,16). Aussi celui qui est venu faire la paix nous proclame-t-il également bienheureux, si nous suivons son exemple, et il nous donne son nom en partage. Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu (Mt 5,9).

Eh bien ! Ce qu’a fait le Christ, le Fils de Dieu, réalise-le aussi autant qu’il est au pouvoir de l’homme. Fais régner la paix chez les autres comme chez toi. Le Christ ne donne-t-il pas le nom de fils de Dieu à l’ami de la paix?

Voilà pourquoi la seule bonne disposition qu’il requiert de nous à l’heure jiu_j criEceij:’ est que nous soyons réconciliés avec nos frères. Il nous montre par là que de toutes vertus la charité est la plus grande.

ou bien (convient à la lecture brève)

Le Christ accomplit la Loi

Commentaire d’Épiphane de Bénévent (5e-6e siècle)

Commentaire sur les quatre évangiles, PLS 3, 852

Je ne suis pas venu abolir la Loi, mais l’accomplir (Mt 7,17). <> En ce temps-là, en effet, le Seigneur a exercé son pouvoir pour accomplir en sa personne tous les mystères que la Loi annonçait à son sujet. Car dans sa Passion, il a mené à terme toutes les prophéties.

Lorsque les Juifs lui offrirent, selon la prophétie du bienheureux David, une éponge imbibée de vinaigre pour calmer sa soif, il l’accepta en disant: Tout est accompli. Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit (Jn 19,30).

Il a non seulement réalisé personnellement tout ce qu’il a dit, mais il nous a encore confié ses commandements, afin que nous les mettions en pratique. Alors que les anciens n’avaient pas observé les commandements les plus élémentaires de la Loi, il nous a prescrit de garder les plus difficiles, avec la grâce et la puissance qui viennent de la croix. Il a déclaré : Vous avez appris qu’il a été dit: Tu ne commettras pas de meurtre. Eh bien moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère, en répondra au tribunal (Mt 5,21).

Autrefois, celui qui avait tué quelqu’un était coupable d’homicide ; maintenant un mouvement de colère contre son frère est un crime d’homicide. Supprime donc l’intention mauvaise pour ne pas en arriver à l’acte; réprime ta colère pour ne pas commettre de meurtre. Si Caïn avait fait taire sa rancœur dès que le Seigneur l’eût averti, il n’aurait pas consenti à tuer son frère. Car la colère de l’homme n’accomplit pas la justice de Dieu (Je 1,20).

Et si quelqu’un en insulte un autre, il sera passible du grand conseil, c’est-à-dire celui qui aura proféré une injure, fût-elle très petite ou légère, à l’adresse d’une personne qui appartient à Dieu, en répondra au conseil des saints, à la résurrection. Et celui qui dira à un saint homme.; Fou !, il sera passible de la géhenne de feu (Mt 5,22). Être passible de la géhenne, c’est aussi être dans la géhenne.

Voilà pourquoi il faut que nous nous gardions des péchés moins graves, comme de dire des injures, d’avoir des pensées mauvaises et des regards concupiscents, et de prêter l’oreille à des propos coupables. Ainsi nous ne risquerons point d’en arriver à commettre des actes criminels. Celui qui tient les petits manquements pour négligeables, en viendra à commettre des fautes graves. Et si le juste est sauvé à grand peine, où donc se retrouvera l’homme pécheur et impie (1 P 4,18)?

Prière

Dieu qui veux habiter les cœurs droits et sincères, donne-nous de vivre selon ta grâce; alors tu pourras venir en nous pour y faire ta demeure. Par Jésus Christ.

ou bien

Tu ouvres ton Royaume, Seigneur Dieu, à ceux dont le cœur est pur, loyal et prêt au pardon. Cette loi, qui surpasse l’ancienne, nous avons de la peine à la mettre en pratique. Accorde-nous toi-même la force de l’accomplir par la grâce que nous a méritée Jésus Christ. Lui qui règne.

 

7e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 5,38-48 Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait: "Vous avez appris qu’il a été dit: Œil pour œil, dent pour dent."

Homélie

Les exigences de la loi nouvelle

Homélie de saint Cyprien († 258)

Traité sur la jalousie et l’envie, 12-15; CSEL 3, 427-430.

Revêtir le nom du Christ sans suivre la voie du Christ, n’est-ce point trahir le nom divin et abandonner le chemin du salut? Car le Seigneur lui-même enseigne et déclare que l’homme qui garde ses commandements entrera dans la vie, que celui qui écoute ses paroles et les met en pratique est un sage et que celui qui les enseigne et y conforme ses actes sera appelé "maître le plus grand" dans le Royaume des cieux. Toute prédication bonne et salutaire, affirme-t-il, ne profitera au prédicateur que si la parole qui sort de sa bouche se traduit ensuite en actes.

Or, y a-t-il un commandement que le Seigneur ait enseigné plus souvent à ses disciples que celui de nous aimer les uns les autres du même amour dont il a lui-même aimé ses disciples? Trouvera-t-on, parmi ses conseils salutaires et ses divins préceptes, un commandement plus important à garder et à observer? Mais comment celui que la jalousie a rendu incapable d’agir en homme de paix et de cœur pourra-t-il garder la paix ou la charité du Seigneur?

Voilà pourquoi l’Apôtre Paul a publié aussi les mérites de la paix et de la charité. Il a affirmé avec force et enseigné que ni la foi ni les aumônes, ni même les souffrances du confesseur de la foi et du martyr ne lui serviraient de rien, s’il ne respectait pas intégralement et scrupuleusement les liens de la charité. Et il a ajouté : La charité est magnanime, la charité est serviable, la charité ne jalouse pas (1 Co 13,4). Il nous apprend et nous fait voir ainsi que seul l’homme magnanime et bienveillant, sur qui la jalousie et l’envie, n’ont pas de prise, peut garder la charité.

De même, à un autre endroit, l’Apôtre a exhorté quiconque est déjà rempli du Saint-Esprit et devenu fils de Dieu par la naissance d’en-haut, à ne rechercher que les réalités spirituelles et divines. Puis il déclare: Pour moi, frères, je n’ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des êtres de chair, comme à de petits enfants dans le Christ. C’est du lait que je vous ai donné à boire, non une nourriture solide ; vous ne pouviez encore la supporter. Mais vous ne le pouvez pas davantage maintenant, car vous êtes encore charnels. Du moment qu’il y a parmi vous jalousie, querelle et discorde, n’êtes:vous pas charnels et votre conduite n’est-elle pas tout humaine (1 Co 3,1-3)? <>

Nous ne pouvons, en effet, revêtir l’image de l’homme céleste que si nous manifestons notre ressemblance au Christ à travers l’existence dans laquelle nous venons d’entrer maintenant. Ce qui équivaut, en vérité, à devenir différents de ce que nous étions, et à commencer d’être ce que nous n’étions pas. Ainsi notre divine naissance brillera en nous, notre conduite divine de Dieu nous rendra semblables à Dieu le Père, notre vie entourée d’honneur et de louange fera resplendir Dieu en l’homme. Dieu même nous y exhorte et nous y engage en promettant à ceux qui lui rendent gloire qu’ils seront glorifiés en retour. Car j’honorerai, dit-il, ceux qui m’honorent, et ceux qui me dédaignent tomberont dans le mépris (1 S 2,30).

Pour nous éduquer à lui rendre cette gloire et nous y préparer, le Seigneur et Fils de Dieu a enseigné dans son Évangile ce qu’est la ressemblance avec Dieu le Père en ces termes : Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien moi, je vous dis: Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin que vous soyez semblables à votre Père qui est dans les cieux (Mt 5,43-45).

Prière

Accorde-nous, Dieu tout-puissant, de conformer à ta volonté nos paroles et nos actes dans une inlassable recherche des biens spirituels. Par Jésus Christ.

ou bien

Notre Père qui es aux cieux, tu nous appelles à la charité parfaite en nous demandant d’aimer nos ennemis et de prier pour nos persécuteurs. Daigne nous emporter toi-même vers ces sommets de l’amour, inaccessibles à nos propres forces, et nous deviendrons vraiment tes fils, en celui qui nous a apporté ton pardon, Jésus Christ notre Seigneur. Lui qui règne.

 

8e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 6,24-34

Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait: "Aucun homme ne peut servir deux maîtres: ou bien il détestera l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre."

Homélie

La hiérarchie des valeurs

Homélie de saint Jean Chrysostome († 407)

Catéchèses baptismales, 8, 19-20.23-25; SC 50, 257-260.

Si vraiment nous donnons la première place aux réalités spirituelles, nous n’aurons pas à nous préoccuper des biens matériels, car Dieu, dans sa bonté, nous les procurera en abondance. Si, au contraire, nous veillons uniquement à nos intérêts temporels sans prendre soin de notre vie spirituelle, le souci constant des choses terrestres nous conduira à négliger notre âme. Nous perdrons alors les biens spirituels et n’en retirerons aucun avantage matériel.

Ne renversons donc pas, je vous en prie, l’ordre des choses. Connaissant la bonté de notre Maître, nous lui ferons confiance en tout et ne nous laisserons pas accabler par les soucis de cette vie. Sans aucun doute, celui qui, par son amour, nous a amenés du néant à l’être nous fera encore plus sûrement bénéficier à l’avenir de toute sa providence. Votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela (Mt 6,32) avant même que vous l’ayez demandé (Mt 6,8).

Jésus veut donc que nous soyons libres de tout souci temporel et que nous nous consacrions totalement aux œuvres spirituelles. "Cherchez donc, nous dit-il, les biens spirituels et je pourvoirai moi-même amplement à tous vos besoins matériels. <> Regardez les oiseaux du ciel, ils ne font ni semailles ni moisson, ils ne font pas de réserves dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit (Mt 6,26).

Autrement dit: "Si je prends un tel soin des oiseaux sans raison et que je leur procure tout ce dont ils ont besoin, sans semailles ni labour, je veillerai d’autant mieux sur vous, qui êtes doués de raison, pourvu que vous choisissiez de préférer le spirituel au charnel. Puisque je les ai créés pour vous, ainsi que tous les autres êtres, et que j’en prends tant de soin, de quelle sollicitude ne vous jugerai-je pas dignes, vous pour qui j’ai fait tout cela?"

Mettons donc notre confiance, je vous en prie, en la promesse de Dieu et dirigeons toutes nos pensées vers les désirs spirituels. Considérons tout le reste comme secondaire par rapport à la jouissance des biens futurs. <>

Puissions-nous tous les obtenir par la grâce et l’amour de notre Seigneur Jésus Christ, à qui soient, avec le Père et le Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

Prière

Fais que les événements du monde, Seigneur, se déroulent dans la paix, selon ton dessein, et que ton peuple connaisse la joie de te servir sans inquiétude. Par Jésus Christ.

ou bien

Dieu, Créateur du monde, tu as vêtu de splendeur les lis des champs pour qu’ils soient le signe de ta sollicitude. Ranime en nous la foi en ta bonté et, malgré les soucis de la vie, fais-nous chercher d’abord le Royaume et sa justice. Par Jésus Christ.

 

9e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 7,21-27

Comme les disciples s’étaient rassemblés autour de Jésus, sur la montagne, il leur disait: "Il ne suffit pas de me dire: ‘Seigneur, Seigneur !’ pour entrer dans le Royaume des cieux ; mais il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux."

Homélie

Bâtir sa vie sur la parole de Dieu

Homélie de Philoxène de Mabboug († 523)

Homélie 1, 4-8; version remaniée de SC 44, 27-31

Tout homme qui écoute ce que je dis là et le met en pratique est comparable à un homme prévoyant qui a bâti sa maison sur le roc. La pluie est tombée, les torrents ont dévalé, la tempête a soufflé et s’est abattue sur cette maison ; la maison ne s’est pas écroulée, car elle était fondée sur le roc (Mt 7,24-25).

Il faut donc, selon ce que dit notre Maître, que nous nous appliquions non seulement à écouter la parole de Dieu, mais encore à nous y conformer. <> L’écoute de la loi est une bonne chose, car elle nous incite aux actions vertueuses. Nous avons raison de lire et de méditer les Écritures, car c’est ainsi que nous purifions l’intime de notre âme des pensées mauvaises.

Mais lire, écouter et méditer assidûment la parole de Dieu sans la mettre en pratique, est une faute que l’Esprit de Dieu a condamnée à l’avance. <> Il a même interdit à celui qui se trouve dans de telles dispositions de prendre le livre saint dans ses mains impures. Mais à l’impie, Dieu déclare: "Qu’as-tu à réciter mes lois, à garder mon alliance à la bouche, toi qui n’aimes pas les reproches et rejettes loin de toi mes paroles ?" (ps 49,16-17). <>

Celui qui lit assidûment les Écritures sans les mettre en pratique, trouve son accusation dans sa lecture; il mérite une condamnation d’autant plus grave qu’il méprise et dédaigne chaque jour ce qu’il entend chaque jour. Il est comme un mort, un cadavre sans âme. Des milliers de trompettes et de cors peuvent bien sonner aux oreilles d’un mort, il ne les entendra pas. De même, l’âme qui est morte dans le péché, le cœur qui a perdu le souvenir de Dieu, n’entend pas le son ni les cris des paroles divines, et la trompette de la parole spirituelle ne l’impressionne pas : cette âme est plongée dans le sommeil de la mort et le trouve agréable. <>

Il faut donc que le disciple de Dieu porte ancré dans son âme le souvenir de son Maître, Jésus Christ, et qu’il pense à lui jour et nuit. Il lui faut apprendre par où il commencera, comment et où il construira les pièces de son bâtiment et comment il l’achèvera. C’est ainsi qu’il évitera d’être ridiculisé par tous les passants, comme notre Seigneur l’a dit de celui qui a commencé à bâtir une tour et n’a pas pu l’achever. <>

Selon la parole de Paul, les fondations sont déjà posées : ces fondations, c’est Jésus Christ, notre Dieu. <> Si sur ces fondations on bâtit avec de l’or, de l’argent ou de la belle pierre, avec du bois, de la terre ou du chaume, le travail de chacun sera mis en pleine lumière, car le feu le fera connaître, et permettra d’apprécier la qualité du travail de chacun (cf. 1 Co 3,12-13).

Ce sont les vertus et les beautés de la justice que Paul a comparées à l’or, à l’argent et à la belle pierre: la foi est comme l’or; la tempérance, le jeûne, la sobriété et les autres bonnes actions sont comme l’argent; l’amour, la paix, l’espérance, les pensées pures et saintes, sont comme les belles pierres, ainsi que l’intelligence spirituelle qui contemple Dieu et la grandeur de son être,

et garde le silence, en tremblant devant les mystères divins que nul ne peut comprendre ni exprimer.

Prière

Seigneur notre Père, nous en appelons à ta providence qui jamais ne se trompe en ses desseins : tout ce qui fait du mal, écarte-le, et donne-nous ce qui peut nous aider. Par Jésus Christ.

ou bien

Seigneur, oserons-nous encore t’appeler ainsi, après ce que tu nous dis de tes exigences et ce que nous savons de nos infidélités? N’écoute que ta tendresse; exauce ceux qui te supplient et rends leur vie conforme à ce que leurs lèvres proclament. Toi qui règnes.

 

10e dimanche du temps ordinaire A

Evangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 9,9-13

Jésus, sortant de Capharnaum, vit un homme, du nom de Matthieu, assis à son bureau de publicain. Il lui dit: "Suis-moi." L’homme se leva et le suivit.

Homélie

Jésus est venu appeler les faibles et les pécheurs

Homélie de saint Augustin († 430)

Homélies sur les psaumes, ps 58, 1, 7, CCL 39, 733-734.

Il y a des hommes forts <> qui mettent leur confiance dans leur propre justice. Cette sorte de force a empêché les Juifs de passer par le trou de l’aiguille. Ils prétendaient, en effet, être justes par eux-mêmes, et, se considérant comme des gens bien portants, ils ont refusé le remède et ont mis à mort le médecin lui-même. Aussi bien, ce ne sont pas ces hommes forts que le Seigneur est venu appeler, mais les faibles, puisqu’il a dit: Ce ne sont pas les gens bien portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. <> Je suis venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs, en vue du repentir (Mt 9,12-13).

Ils étaient forts, ceux qui récriminaient contre les disciples du Christ parce que leur Maître fréquentait les faibles et mangeait avec eux. Pourquoi donc, leur disaient-ils, votre maître mange-t-il avec les publicains et les pécheurs (Mt 9,11)?

Ah ! vous, les forts, qui n’avez pas besoin de médecin ! Votre force ne vient pas de la santé mais de la folie. <> Dieu nous garde d’imiter ces hommes forts ! Car on peut craindre de tout homme qu’il ne veuille les imiter. Mais le Maître de l’humilité, qui a partagé notre faiblesse et nous a rendus participants de sa divinité, est descendu du ciel pour nous montrer le chemin et être lui-même notre chemin. Surtout il a bien voulu nous laisser l’exemple de son humilité. Voilà pourquoi il n’a pas dédaigné d’être baptisé par son serviteur, afin de nous apprendre à confesser nos péchés, à nous humilier pour devenir forts et à faire nôtre cette parole de l’Apôtre: Lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort (2 Co 12,10). <>

Quant à ceux qui se sont flattés d’être forts, qui ont, en d’autres termes, prétendu être justes par leur propre vertu, ils ont buté contre la pierre d’achoppement (Rm 9,32). Ils ont pris l’Agneau pour un bouc; et parce qu’ils l’ont mis à mort comme un bouc, ils n’ont pas mérité d’être rachetés par l’Agneau.

Ce sont donc ces hommes forts qui se sont jetés sur le Christ en se vantant de leur justice. Écoutez ce que disaient ces hommes forts ! Des gens de Jérusalem chargèrent un jour des gardes d’aller arrêter le Christ. Or, ceux-ci n’osèrent se saisir de lui. <> A ceux qui leur demandaient pourquoi ils n’avaient pas pu l’arrêter, les gardes répliquèrent : Jamais un homme n’a parlé comme cet homme. Alors ces hommes forts déclarèrent: Parmi les pharisiens et les scribes y en a-t-il un seul qui ait cru en lui ? Il n’y a que ce peuple qui ne sait rien de la Loi (Jn 7,45-49).

Ils s’étaient mis au-dessus de la foule des faibles qui accourait vers le médecin. Pourquoi? Simplement parce qu’ils étaient forts. Et, ce qui est plus grave, ils ont aussi, en faisant usage de leur force, attiré à eux toute cette foule. Puis ils ont tué le médecin de tous les hommes. Mais lui, dans sa mort, a préparé pour tous les malades un remède avec son sang.

Prière

Seigneur, source de tout bien, réponds sans te lasser à notre appel: inspire-nous ce qui est juste, aide-nous à l’accomplir. Par Jésus Christ.

ou bien

Seigneur notre Dieu, quand ton Fils est venu chez les hommes, il n’a pas appelé les justes mais les pécheurs. Ôte de notre cœur la suffisance. En nous découvrant notre faiblesse, avive en nous le besoin de ta présence et fais-nous désirer la guérison que tu es seul à pouvoir donner. Par Jésus Christ.

 

11e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 9,36-10,8

Jésus, voyant les foules, eut pitié d’elles parce qu’elles étaient fatiguées et abattues comme des brebis sans berger. Il dit à ses disciples : "La moisson est abondante, et les ouvriers peu nombreux."

Homélie

La moisson évangélique

Homélie de saint Jean Chrysostome († 407)

Homélie sur la moisson abondante, 10, 2-3 ; PG 63, 519-521.

Tous les travaux de l’agriculteur aboutissent naturellement à la moisson. Comment donc, dis-moi, le Christ a-t-il appelé une œuvre qui en était encore à ses débuts une moisson? L’idolâtrie régnait sur toute la terre. <> Partout, la fornication, l’adultère, la débauche, la cupidité, le vol, les guerres. <> La terre était emplie de tant de maux ! Aucune semence n’y avait encore été jetée. Les épines, les chardons et les mauvaises herbes, qui recouvraient le sol, n’avaient pas encore été arrachés. Aucune charrue n’avait encore été tirée, aucun sillon tracé.

Comment donc Jésus peut-il dire que la moisson est abondante? Oui, comment donne-t-il ce nom à l’Évangile dans de telles circonstances juste avant d’envoyer ses Apôtres partout dans ce monde? Ils sont probablement bouleversés et déconcertés, ils doivent se faire ces réflexions: "Comment pourrons-nous même ouvrir la bouche, nous tenir debout, discuter, paraître devant tant de milliers d’hommes? Nous, les Onze, comment corrigerons-nous tous les habitants de la terre? Saurons-nous, ignorants, aborder des savants; nous, qui sommes dépouillés, des hommes armés; nous, des subordonnés, des autorités? Nous qui ne connaissons qu’une langue, arriverons-nous à discuter dans tant de dialectes, avec les peuples barbares qui parlent des langues étrangères? Qui nous supportera sans même comprendre notre langue?"

Jésus ne veut pas que de pareils raisonnements les plongent dans le désarroi. Aussi appelle-t-il l’Évangile une moisson. C’est comme s’il leur disait: "Tout est préparé, toutes les dispositions ont été prises. Je vous envoie récolter le grain mûr, vous pourrez semer et moissonner le même jour. "

Quand l’agriculteur sort de chez lui pour aller faire la moisson, il déborde de joie et resplendit de bonheur. Il n’envisage ni les peines ni les difficultés qu’il pourra rencontrer. Ayant en tête la moisson qui va lui revenir, il court, se hâte de faire la récolte annuelle. Absolument rien ne peut le retenir, l’empêcher ou le faire douter de l’avenir : ni pluie, ni grêle, ni sécheresse, ni légions de sauterelles malfaisantes. Ceux qui s’apprêtent à moissonner ne connaissent pas ces inquiétudes, si bien qu’ils se mettent au travail en dansant et en bondissant de joie.

Vous devez être comme eux et aller par toute la terre avec une joie beaucoup plus grande encore. C’est la moisson qui l’emporte. La moisson que vous avez à faire est très facile, elle vous attend sur des champs tout préparés. Le seul effort qui vous est demandé est de parler. Prêtez-moi votre langue, dit le Christ, et vous verrez le grain mûr entrer dans les greniers du roi. Aussi les envoie-t-il ensuite en leur disant : Moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde (Mt 28,20).

Prière

Dieu tout-puissant, force de ceux qui espèrent en toi, sois favorable à nos appels ; puisque l’homme est fragile et que sans toi il ne peut rien, donne-nous toujours le secours de ta grâce; ainsi nous pourrons, en observant tes commandements, vouloir et agir de manière à répondre à ton amour. Par Jésus Christ.

ou bien

Seigneur notre Maître, tu as eu pitié de ton peuple délaissé par ses chefs. Suscite aujourd’hui pour ta moisson des ouvriers en plus grand nombre, afin que soit proclamée partout ta Bonne Nouvelle et manifestée ta volonté de soulager toute détresse. Par Jésus Christ.

 

12e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 10,26-33

Jésus disait aux douze Apôtres: "Ne craignez pas les hommes ; tout ce qui est voilé sera dévoilé, tout ce qui est caché sera connu."

Homélie

Les membres du Christ souffrant

Homélie de saint Augustin († 430)

Homélies sur les psaumes, ps 69, 1 ; CCL 39, 930-931.

Grâces soient rendues au grain de froment, car il a consenti à mourir pour se multiplier. Grâces soient rendues au Fils unique de Dieu, notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ, qui n’a pas jugé indigne de subir notre mort, pour nous rendre dignes de partager sa vie. Voyez comme il était seul avant de faire ce passage ! Aussi avait-il dit dans le psaume: Seul, moi, je passerai (Ps 140,10). Il y avait néanmoins une si grande fécondité dans ce grain solitaire qu’il a pu en produire une multitude d’autres. Quand nous célébrons l’anniversaire des martyrs, nous exultons à la pensée que tant de grains ont imité sa passion !

Vous le savez, et nous vous l’avons répété bien des fois, ses membres si nombreux sont unis sous une seule tête, notre Sauveur même, par le lien de l’amour et de la paix. Ils ne forment qu’un seul homme et leur voix se fait entendre souvent dans les psaumes comme la voix d’un seul. Et la voix de cet homme crie vers Dieu comme si c’était leurs voix à tous, car tous ne font qu’un en lui.

Écoutons donc cette voix nous dire les souffrances des martyrs et les furieuses tempêtes de haine qui se sont abattues sur eux en ce monde. Ils pouvaient craindre non pas tant d’y laisser la vie du corps qu’ils auraient à abandonner un jour, mais surtout d’y perdre la foi. N’allaient-ils pas, s’ils cédaient aux atroces souffrances infligées par leurs persécuteurs ou aux attraits de la vie d’ici-bas, laisser s’échapper le fruit des promesses divines ?

Dieu les a libérés de toute peur par sa parole et aussi par son exemple. Par sa parole, en leur disant: Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l’âme (Mt 10,28). Par son exemple, en pratiquant ce que ses discours enseignaient. Ainsi, il n’a pas voulu se soustraire aux mains qui l’ont flagellé, ni échapper à ceux qui l’ont souffleté, couvert de crachats, couronné d’épines et fait mourir sur la croix. Alors qu’il n’était nullement obligé de les endurer, il n’a voulu se dérober à aucun de ces supplices, à cause de ceux à qui ces souffrances étaient nécessaires. Il a fait de sa personne un remède pour les malades.

Les martyrs ont donc souffert, mais ils auraient sans doute renoncé s’ils n’avaient pas eu toujours auprès d’eux celui qui a dit : Et moi, je suis avec vous jusqu’à la fin du monde (Mt 28,20).

Prière

Fais-nous vivre à tout moment, Seigneur, dans l’amour et le respect de ton saint nom, toi qui ne cesses jamais de guider ceux que tu enracines solidement dans ton amour. Par Jésus Christ.

ou bien

Dieu notre force, libère-nous de la crainte qui nous empêche de proclamer sur les toits ce que tu nous dis au creux de l’oreille. Puisque nous avons plus de prix à tes yeux que tous les moineaux du monde, protège-nous et affermis notre foi. Alors nous pourrons, avec courage, nous prononcer pour toi devant les hommes afin que se prononce en notre faveur Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur. Lui qui règne.

 

13e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 10,37-42

Jésus disait aux douze Apôtres: "Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi."

Homélie

Perdre sa vie pour le Christ, c’est la gagner

Homélie de saint Hilaire de Poitiers († 367)

Le Seigneur, ayant commandé à ses Apôtres de quitter ce qu’ils avaient de plus cher dans le monde, ajouta: Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, n’est pas digne de moi (Mt 10,38) ; car ceux qui appartiennent au Christ ont crucifié leur corps avec ses péchés et ses convoitises (cf. Ga 5,24). Nul n’est digne du Christ s’il ne porte pas sa croix, par laquelle nous partageons la passion, la mort, la sépulture et la résurrection du Seigneur. Nul n’est digne de lui s’il ne suit pas le Seigneur afin de vivre de la nouveauté de l’Esprit dans ce mystère de foi.

Qui veut garder sa vie pour soi la perdra ; qui perdra sa vie à cause de moi la gardera (Mt 10,39). Comprenons que, par la puissance du Verbe et le rejet des fautes passées, ce que la vie gagne se transformera en mort, et ce qu’elle perd en salut. Il faut donc assumer la mort dans une vie nouvelle et clouer ses péchés à la croix du Seigneur; il faut sauvegarder la liberté de proclamer glorieusement la foi en répondant aux persécuteurs par le mépris des choses présentes ; et il faut refuser tout gain funeste à l’âme. Nous devons savoir que personne n’a de droit sur notre âme, et que le bénéfice de l’immortalité s’acquiert moyennant le préjudice subi dans cette courte vie.

Qui vous accueille, m’accueille; et qui m’accueille, accueille celui qui m’a envoyé (Mt 10,40). Le Christ prodigue à tous les hommes l’amour de la doctrine et son attachement aux commandements. Après avoir signalé le danger que couraient ceux qui n’accueillaient pas les Apôtres, en demandant à ceux-ci de secouer la poussière de leurs pieds en témoignage contre eux, il loue le mérite de ceux qui les accueillent. Leur récompense sera plus grande que pour un service escompté. Puis il nous apprend qu’il a aussi un rôle de médiateur si bien que, lorsque nous recevons le Christ, Dieu se répand en nous par lui, parce qu’il est sorti de Dieu.

Et ainsi, celui qui reçoit les Apôtres, reçoit le Christ. Or, celui qui reçoit le Christ, reçoit Dieu son Père, car dans les Apôtres il ne reçoit rien d’autre que ce qui est dans le Christ, et il n’y a rien d’autre dans le Christ que ce qui est en Dieu. Et en raison de cet enchaînement de grâces, recevoir les Apôtres n’est pas autre chose que recevoir Dieu, puisque le Christ habite en eux et que Dieu habite dans le Christ.

Prière

Tu as voulu, Seigneur, qu’en recevant ta grâce nous devenions des fils de lumière; ne permets pas que l’erreur nous plonge dans la nuit, mais accorde-nous d’être toujours rayonnants de ta vérité. Par Jésus Christ.

ou bien

Seigneur, toi qui es meilleur qu’un père et plus tendre qu’une mère, fais que nous t’aimions par-dessus tout et que, puisant à la source de ton amour, nous sachions désaltérer tous ceux qui cherchent auprès de nous réconfort et soutien. Par Jésus Christ.

 

14e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 11,25-30

En ce temps-là, Jésus prit la parole : "Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout petits."

Homélie

Le Maître doux et humble de cœur

Homélie de saint Jean Chrysostome († 407)

Homélie sur la mémoire de saint Bassus, 2, PG 50, 721-722.

Le Christ est pour nous, aujourd’hui encore, un maître plein de douceur et d’amour. Il ne cesse jamais de prendre soin de notre salut. Il le déclare nettement dans l’Évangile, comme nous venons de le lire : Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur (Mt 11,28-29). Qu’elle est grande, la bienveillance du Créateur ! Comment la créature n’est-elle pas saisie de stupeur? Venez à moi, devenez mes disciples, le Maître est venu consoler ses serviteurs déchus.

Voyez comme il agit. Il se montre compatissant pour le pécheur qui mérite pourtant ses rigueurs. La race de ceux qui déchaînent sa colère devrait être anéantie, mais il adresse aux hommes coupables des paroles pleines de douceur : Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur. Dieu est humble, l’homme, orgueilleux. Le juge se montre clément, le criminel, arrogant. L’artisan fait entendre des paroles d’humilité, l’argile discourt à la manière d’un roi. Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur. <> Il n’apporte pas le fouet pour frapper, mais le remède pour guérir.

Songez donc à son ineffable bonté. Allez-vous refuser votre amour au Maître qui jamais ne frappe et votre admiration au juge qui implore pour le coupable? Ses paroles si simples ne peuvent vous laisser insensibles : Je suis le Créateur et j’aime mon œuvre. Je suis le statuaire et je prends soin de celui que j’ai formé. Si je ne voulais me soucier que de ma dignité, je ne relèverais pas l’homme déchu. Si je ne traitais pas sa maladie incurable avec des remèdes appropriés, jamais il ne pourrait recouvrer la santé. Si je ne le réconfortais pas, il mourrait. Si je ne faisais que le menacer, il périrait. Il gît sur le sol, mais je vais lui administrer les onguents de la bonté. Plein de compassion, je m’incline profondément pour le relever de sa chute. Celui qui se tient debout ne saurait relever un homme couché par terre sans se pencher pour lui tendre la main. Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur.

Je ne fais point étalage de paroles, vous pouvez m’examiner sur mes œuvres. Vous serez persuadés que je suis doux et humble de cœur, si vous pensez à mon origine. Voyez quelle est ma nature. Songez à ma dignité. Adorez ma bienveillance pour vous. Comparez le séjour d’où je suis venu avec le lieu où je vous parle. Le ciel est mon trône, et je m’entretiens avec vous sur la terre ! On me glorifie dans les hauteurs célestes, mais ma longue patience retient ma colère, car je suis doux et humble de cœur.

Prière

Dieu qui as relevé le monde par les abaissements de ton Fils, donne à tes fidèles une joie sainte : tu les as tirés de l’esclavage du péché; fais-leur connaître le bonheur impérissable. Par Jésus Christ.

ou bien

Père, Seigneur du ciel et de la terre, nous proclamons ta louange: par ton Fils, tu t’es manifesté aux tout-petits comme un Dieu plein de douceur et de tendresse. Ne cesse pas de te révéler à ceux qui te cherchent, et, à tous les hommes qui peinent sous le poids du fardeau, accorde le repos. Par Jésus Christ.

 

15e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 13,1-23

Ce jour-là, Jésus était sorti de la maison, et il était assis au bord du lac. <> Il dit beaucoup de choses en paraboles: "Voici que le semeur est sorti pour semer."

Homélie

Que la Parole porte son fruit en vous !

Homélie de saint Grégoire le Grand († 604)

Homélies sur l’Évangile, 1, 15, 1-24, PL 76, 1131-1133

Le texte de saint Grégoire, que l’homéliaire propose comme commentaire de l’évangile de Matthieu, explique en fait la parabole telle qu’elle est rapportée dans l’évangile de Luc (8,4-15).

L’évangile que vous venez d’entendre n’appelle pas d’explication, mais une recommandation. En effet, la Vérité elle-même en a fourni une explication que la faiblesse humaine ne se hasarde pas à discuter. Cependant, en rapport avec l’explication qu’en donne le Seigneur, vous devez examiner avec attention le point suivant : si je vous avais dit que la semence représente la parole, le champ le monde, les oiseaux les démons, et les épines les richesses, vous auriez peut-être, dans le secret de votre cœur, hésité à me croire. Aussi bien le Seigneur a-t-il daigné expliquer lui-même ce qu’il venait de dire, pour que vous soyez capables de rechercher également la signification des paroles qu’il n’a pas voulu expliquer lui-même. <>

Qui donc m’aurait cru si j’avais avancé que les épines figurent les richesses, d’autant plus que les premières sont acérées et les secondes agréables. Les richesses sont pourtant bien des épines, puisque les soucis qu’elles entraînent avec elles déchirent l’âme de leurs pointes et, après l’avoir poussée au péché, la laissent couverte de sang, comme par une blessure. D’après un autre évangéliste qui rapporte la même parabole, le Seigneur ne les appelle pas richesses mais, avec raison, richesses trompeuses (cf. Mt 13,22). Elles le sont, en effet, puisqu’elles ne peuvent demeurer longtemps en notre possession et qu’elles ne font pas disparaître la pauvreté de notre âme.

Car les seules vraies richesses sont celles qui nous enrichissent de vertus. Aussi, frères bien-aimés, si vous désirez vous enrichir, aimez les vraies richesses. Si vous cherchez à parvenir au sommet de l’honneur véritable, avancez-vous vers le Royaume céleste. Si vous affectionnez la gloire que procure un rang élevé, hâtez-vous de vous enrôler dans la céleste cour des anges.

Après avoir écouté les paroles du Seigneur, retenez-les dans votre âme, car la parole de Dieu est la nourriture de l’âme. La parole que l’on écoute sans la conserver dans les profondeurs de la mémoire, ressemble à une nourriture avalée, puis rejetée par un estomac malade. Aussi bien, celui qui ne garde pas les aliments n’a absolument aucun espoir de vivre. Si donc, après avoir reçu la nourriture de la sainte exhortation, vous ne gardez pas en mémoire les paroles de vie, qui sont les aliments de la justice, craignez le péril de la mort éternelle. <>

Veillez dès lors à ce que la parole que vous avez reçue résonne au fond de votre cœur et y demeure. Prenez garde que la semence ne tombe le long du chemin, de crainte que l’Esprit mauvais ne vienne enlever la parole de votre mémoire. Prenez garde que le sol pierreux ne reçoive la semence et ne produise une bonne action dépourvue des racines de la persévérance. Beaucoup, en effet, se réjouissent en entendant la parole, et se disposent à entreprendre de bonnes œuvres. Mais à peine les épreuves ont-elles commencé à les assaillir qu’ils renoncent à ce qu’ils avaient entrepris. Ainsi, le sol pierreux a manqué d’eau, si bien que le germe de la graine n’est pas parvenu à donner le fruit de la persévérance.

Mais la bonne terre donne du fruit par la patience: entendons par là que nos bonnes œuvres ne peuvent avoir aucune valeur si en outre nous ne supportons pas patiemment les désagréments que nous cause notre prochain. D’ailleurs, plus nous avançons vers la perfection, plus nous avons à endurer de souffrances ici-bas. En effet, une fois que notre âme a abandonné l’amour du monde présent, l’hostilité de ce monde grandit. Voilà pourquoi nous en voyons beaucoup peiner sous un lourd fardeau, alors que leurs œuvres sont bonnes. Ils ont, il est vrai, déjà renoncé aux convoitises terrestres, et pourtant ils sont affligés de très cruelles épreuves. Mais, selon la parole du Seigneur, ils portent du fruit par leur constance (Lc 8,15), en supportant humblement ces épreuves, si bien qu’après avoir souffert, ils seront invités à entrer dans la paix du ciel.

Prière

Dieu qui montres aux égarés la lumière de ta vérité pour qu’ils puissent reprendre le bon chemin, donne à tous ceux qui se déclarent chrétiens de rejeter ce qui est indigne de ce nom, et de rechercher ce qui lui fait honneur. Par Jésus Christ.

ou bien

Seigneur, Dieu de vie, tu as envoyé ton Fils pour semer en nous ta parole. Ôte de notre cœur les pierres qui le rendent stérile, fais de nous une bonne terre, assez profonde pour que croisse le germe que tu as déposé, et qu’il rende cent pour un. Par Jésus Christ.

 

16e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 13,24-43

Jésus proposa cette parabole à la foule: "Le Royaume des cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ."

Homélie

Soyons le blé, non l’ivraie

Homélie de Grégoire Palamas († 1359)

Homélie 27; PG 151, 345-348.352-353.

Le Royaume des cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ. Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint; il sema de l’ivraie au milieu du blé et s’en alla.

Et le Seigneur ajoute : L’ivraie, ce sont les fils du Mauvais. Puisqu’ils accomplissent les mêmes œuvres que lui, ils portent, en effet, son empreinte et demeurent ses rejetons et ses fils adoptifs. Et le temps fixé pour la moisson, c’est la fin de ce monde. Car, cette moisson qui a commencé il y a bien longtemps et s’effectue aujourd’hui encore par la mort, parviendra alors à son total achèvement. Et les moissonneurs, ce sont les anges. Ceux-ci, en effet, sont les serviteurs du Roi des cieux, et ils le seront surtout à cette heure-là. De même, dit Jésus, qu’on enlève l’ivraie pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à la fin de ce monde. Le Fils de l’homme, qui est aussi le Fils du Père, du Très-Haut, enverra donc ses anges et ils enlèveront de son Royaume tous ceux qui font tomber les autres. <>

Ainsi, les serviteurs du Seigneur, autrement dit les anges de Dieu, s’aperçurent qu’il y avait de l’ivraie dans le champ, c’est-à-dire que les impies et les méchants étaient mêlés aux bons et vivaient avec eux, même dans l’Église du Christ. Ils dirent au Seigneur: Veux-tu que nous allions enlever l’ivraie ?, en d’autres termes: "que nous étions ces gens de la terre en les faisant mourir" ? Mais le Christ leur répondit : Non, de peur qu’en enlevant l’ivraie, vous n’arrachiez le blé en même temps.

Si les anges avaient ainsi enlevé l’ivraie, s’ils avaient frappé à mort les méchants pour les séparer des justes, comment auraient-ils donc pu déraciner aussi le blé, c’est-à-dire les bons? Beaucoup d’impies et de pécheurs, vivant avec les gens pieux et les justes, en arrivent avec le temps à se repentir et à se convertir; ils se mettent à l’école de la piété et de la vertu, et cessent d’être de l’ivraie pour devenir du blé. Ainsi les anges risquaient-ils, s’ils saisissaient de force ces hommes avant qu’ils pussent se repentir, de déraciner le blé en enlevant l’ivraie. De plus il s’est trouvé souvent des hommes de bonne volonté parmi les enfants et les descendants des méchants. Voilà pourquoi Celui qui connaît toutes choses avant qu’elles ne soient n’a pas permis d’arracher l’ivraie avant le temps fixé. Au temps de la moisson, a-t-il dit, je dirai aux moissonneurs: Enlevez d’abord l’ivraie, liez-la en bottes pour la brûler; quant au blé, rentrez-le dans mon grenier. <>

Aussi celui qui veut être sauvé du châtiment sans fin, et veut hériter du Royaume éternel de Dieu, ne doit-il pas être l’ivraie <>, mais le blé. Qu’il s’abstienne de toute parole vaine ou méchante, qu’il exerce les vertus contraires à ces vices et produise les fruits de la pénitence ! C’est ainsi, en effet, qu’il deviendra digne du grenier céleste, qu’il sera appelé fils du Père, le Très-Haut, et que, tout joyeux et resplendissant de la gloire divine, il entrera comme héritier dans son Royaume.

Puissions-nous tous y parvenir par la grâce et l’amour de notre Seigneur Jésus Christ. A lui, la gloire avec son Père éternel et l’Esprit très saint, bon et vivifiant, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

Prière

Sois favorable à tes fidèles, Seigneur, et multiplie les dons de ta grâce: entretiens en eux la foi, l’espérance et la charité, pour qu’ils soient toujours attentifs à garder tes commandements. Par Jésus Christ.

ou bien

Dieu dont la patience est sans mesure, tu acceptes que ton champ produise de l’ivraie à côté du bon grain, car tu respectes ceux que tu as créés libres. Donne-nous d’imiter ta patience, de supporter les imperfections de nos frères et de mettre à profit ce temps de grâce pour grandir dans ton amour. Par Jésus Christ.

 

17e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 13,44-52

Jésus disait à la foule ces paraboles : "Le Royaume des cieux est comparable à un trésor caché dans un champ."

Homélie

Gagner le Christ

Homélie d’Origène († 253)

Commentaire sur l’évangile de Matthieu, 10, 9-10, GCS 10, 10-11

A l’homme qui recherche de belles perles (Mt 13,45), il faut appliquer les paroles suivantes : Cherchez et vous trouverez, et: Celui qui cherche, trouve (Mt 7,7-8). En effet, à quoi peuvent bien se rapporter cherchez et celui qui cherche, trouve"? Disons-le sans hésiter: aux perles, et particulièrement à la perle acquise par l’homme qui a tout donné et tout perdu. A cause de cette perle, Paul dit: J’ai accepté de tout perdre afin de gagner le Christ (Ph 3,8). Par le mot tout il entend les belles perles, et par gagner le Christ l’unique perle de grand prix.

Précieuse, assurément, est la lampe pour ceux qui sont dans les ténèbres (Lc 1,79) et qui en ont besoin (cf. Ap 22,5) jusqu’au lever du soleil. Précieuse aussi la gloire resplendissante sur le visage de Moïse (cf. 2 Co 3,7) (et aussi, je crois, sur celui des autres prophètes). Elle est belle à voir, et elle nous aide à progresser jusqu’à ce que nous puissions contempler la gloire du Christ, à laquelle le Père rend témoignage : Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis tout mon amour (Mt 3,17). Mais ce qui a été glorieux de cette manière partielle, ne l’est plus, parce qu’il y a maintenant une gloire suréminente (2 Co 3,10). Et nous avons besoin en un premier temps d’une gloire susceptible de disparaître devant la gloire suréminente, comme nous avons besoin d’une connaissance partielle qui disparaîtra quand viendra ce qui est parfait (1 Co 13,10).

Donc toute âme qui est encore dans l’enfance et chemine vers la perfection (He 6,1) a besoin d’un pédagogue, d’économes et de tuteurs jusqu’à ce que s’instaure en elle la plénitude du temps (Ga 4,4). Ainsi, celui qui d’abord ne diffère en rien d’un esclave, bien qu’il soit maître de tout (Ga 4,1), sera finalement affranchi et recevra de la main du pédagogue, des économes et des tuteurs son patrimoine: celui-ci correspond à la perle de grand prix et à la perfection qui abolit ce qui est partiel (1 Co 13,10). Il y parviendra lorsqu’il sera capable d’accéder à la prééminence de la connaissance du Christ (Ph 3,8), après s’y être préparé par les connaissances, s’il convient de les appeler ainsi, qui sont dépassées par la connaissance du Christ. <>

La Loi et les Prophètes parfaitement compris sont les rudiments qui nous conduisent à bien comprendre l’Évangile et tout le sens des actes et des paroles du Christ

Prière

Tu protèges, Seigneur, ceux qui comptent sur toi; sans toi rien n’est fort et rien n’est saint; multiplie pour nous tes gestes de miséricorde, afin que, sous ta conduite, en faisant un bon usage des biens qui passent, nous puissions déjà nous attacher à ceux qui demeurent. Par Jésus Christ.

ou bien

Seigneur notre Dieu, le don que tu nous fais est un trésor sans prix. Garde-nous de lui préférer des biens éphémères, libère notre cœur et rends-le capable de tout sacrifier pour obtenir le Royaume des cieux. Par Jésus Christ.

 

18e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 14,13-21

Jésus partit en barque pour un endroit désert, à l’écart. Les foules l’apprirent et, quittant leurs villes, elles suivirent à pied.

Homélie

Le don des pains en prépare un autre, plus grand

Commentaire de saint Éphrem († 373)

Commentaire de l’Évangile concordant, 12, 1.3-5; CSCO 145, Scriptores Armeniaci, 2, 115-117.

Au désert notre Seigneur multiplia le pain, et à Cana il changea l’eau en vin. En attendant de donner aux hommes son corps et son sang en nourriture, il habitua et exerça leur palais à son pain et à son vin. Il leur fit goûter un pain et un vin éphémères pour les entraîner à savourer le corps et le sang vivifiants. Il leur donna libéralement ces choses de peu de valeur pour qu’ils sachent que ce qu’il leur donnerait serait encore plus gratuit. Il leur donna gratuitement ce qu’ils auraient pu lui acheter, mieux, ce qu’ils avaient l’intention d’acheter, afin qu’ils sachent qu’il n’exigerait d’eux aucun paiement. Car s’ils pouvaient payer le prix du pain et du vin, ils ne pourraient payer son corps et son sang.

Or, le Seigneur ne s’est pas contenté de nous en faire don gracieusement, mais il s’est ingénié à nous entourer de prévenances. Ces petites choses, il nous les a données gratuitement pour nous attirer, afin que nous nous avancions et recevions gratuitement le bien qui surpasse tout. <> Il nous a attirés par des aliments doux au palais pour nous entraîner vers ce qui vivifie les âmes. Aussi a-t-il incorporé une agréable saveur au vin qu’il a fait, pour montrer quels trésors immenses sont cachés dans son sang vivifiant. <>

Mais vois aussi comment sa puissance créatrice atteint toutes choses. Ayant pris un peu de pain, notre Seigneur le multiplia en un clin d’œil. Ce que les hommes font et transforment en dix mois de travail, ses dix doigts l’ont fait dans l’instant même. Ses mains étaient sous le pain comme une terre, sa parole au-dessus de lui comme le tonnerre ; le murmure de ses lèvres se répandit sur le pain comme une pluie, et le souffle de sa bouche fut comme le soleil ; en un très court instant il conduisit à son terme ce qui demande à tous un temps fort long. Alors le pain ne manqua plus ; d’un peu de pain sortit une multitude de pains, comme lors de la première bénédiction: Soyez féconds, multipliez-vous, et remplissez la terre (Gn 1,28). <>

Une fois de plus, le Seigneur a manifesté la sainteté de sa parole à ceux à qui il avait ordonné de la mettre en pratique et il a montré avec quelle rapidité il octroyait ses dons à ceux qui les acceptaient. Néanmoins, il n’a pas multiplié le pain autant qu’il l’aurait pu, mais en quantité suffisante pour rassasier ceux qui mangeaient. Ce n’est pas sa puissance qui a mesuré son miracle, mais la faim des affamés. Car s’il avait mesuré son miracle à sa puissance, la victoire de celle-ci n’aurait pas pu être évaluée.

Mais le miracle a été mesuré à la faim de milliers de gens, et il s’est trouvé un surplus de douze corbeilles. Chez tous les artisans, la capacité est inférieure aux besoins des clients, puisqu’ils ne peuvent fabriquer tout ce que leur demandent leurs clients. Mais l’œuvre réalisée par le Seigneur a dépassé les désirs de ceux qui avaient faim. Et il a dit : Rassemblez les morceaux pour qu’absolument rien ne se perde (Jn 6,12), afin qu’eux ne pensent pas que son action n’était qu’apparente. Mais, en conservant les restes un jour ou deux, ils en viendraient à croire que l’action du Seigneur était bien une réalité, et non une vision trompeuse.

De fait, après qu’ils eurent été rassasiés, ils comprirent que le Seigneur les avait nourris au désert, comme il l’avait fait pour répondre aux prières de Moïse, et ils s’écrièrent: C’est vraiment lui le prophète, celui dont il est dit qu’il viendra dans le monde (Jn 6,14).

Prière

Assiste tes enfants, Seigneur, et montre à ceux qui t’implorent ton inépuisable bonté; c’est leur fierté de t’avoir pour Créateur et Providence : restaure pour eux ta création, et l’ayant renouvelée, protège-la. Par Jésus Christ.

ou bien

Père très bon, en ton Fils tu te révèles comme un Dieu de pitié, apaisant la faim des hommes non par de vaines promesses mais avec du pain. En ce monde où tant de gens ont faim, renouvelle tes largesses, suscite parmi nous des hommes qui partagent avec les pauvres la nourriture de la terre, et mets en nos cœurs le désir du pain de la vie éternelle. Par Jésus Christ.

 

19e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 14,22-33

Aussitôt après avoir nourri la foule dans le désert, Jésus obligea ses disciples à monter dans la barque et à le précéder sur l’autre rive, pendant qu’il renverrait les foules. Quand il les eut renvoyées, il se rendit dans la montagne, à l’écart, pour prier.

Homélie

Jésus dans nos tempêtes

Commentaire d’Origène († 253)

Commentaire sur l’évangile de Matthieu, 11,6, GCS 10, 43-45

S’il nous arrive d’être exposés à des tentations inévitables, rappelons-nous que Jésus nous a obligés à monter dans la barque et qu’il veut que nous le précédions sur l’autre rive (Mt 14,22). A la vérité, il est impossible d’atteindre l’autre rive sans supporter l’épreuve des vagues et du vent contraire. Lorsque nous nous verrons assaillis de nombreuses et graves difficultés, et que nous serons fatigués d’effectuer cette traversée avec des moyens modestes et limités, pensons que notre barque arrivant alors au milieu de la mer est tourmentée par les flots (Mt 14,24), qui veulent que nous fassions naufrage dans la foi (1 Tm 1,19) ou dans quelque autre vertu. Mais lorsque nous verrons l’esprit du Mauvais combattre nos entreprises, pensons qu’alors le vent nous est contraire.

Quand donc nous aurons subi ces assauts au long des trois veilles de la nuit, en traversant l’obscurité des tentations, luttant avec tout le courage dont nous sommes capables et prenant garde à ne pas faire naufrage dans la foi ou dans quelque autre vertu, <> croyons alors qu’à la quatrième veille (Mt 14,25), lorsque la nuit sera avancée et que le jour sera tout proche (Rm 13,12), le Fils de Dieu viendra vers nous en marchant sur la mer (Mt 14,25) pour nous la rendre bienveillante. Et lorsque nous verrons le Verbe nous apparaître, nous serons troublés avant de comprendre clairement que c’est le Sauveur, venu habiter parmi nous. Croyant encore voir un fantôme (Mt 14,26), pleins de crainte, nous pousserons des cris. Mais lui nous parlera aussitôt: Confiance, dira-t-il, c’est moi, n’ayez pas peur (Mt 14,27).

Et il peut se trouver parmi nous un Pierre (Mt 14,28) tendant vers la perfection (He 6,1) sans y être encore parvenu, que cette parole d’encouragement remplira d’une ardeur nouvelle. Comme pour échapper à cette tentation qui le tourmente, il descendra de la barque ; voulant aller vers Jésus, il se mettra à marcher sur les eaux (Mt 14,29); mais, avec sa foi encore faible et ses doutes, il verra la violence du vent, il prendra peur et commencera à enfoncer. Pourtant, il ne coulera pas, parce qu’il appellera Jésus d’une voix forte et lui dira: Seigneur, sauve-moi (Mt 14,30) ! Puis, à peine ce Pierre aura-t-il fini de parler et de dire: Seigneur, sauve-moi !, que le Verbe étendra la main pour lui porter secours ; il le saisira au moment où il commencera à enfoncer et lui reprochera son peu de foi et ses doutes.

Observez toutefois qu’il n’a pas appelé Pierre "incrédule", mais homme de peu de foi, et qu’il lui a dit: Pourquoi as-tu douté? (Mt 14,31), car il avait une certaine foi, mais penchait aussi dans le sens contraire. Après cela, Jésus et Pierre monteront dans la barque, et le vent tombera (Mt 14,32), et ceux qui seront dans la barque, sachant de quels périls ils ont été sauvés, se prosterneront devant lui en disant <> : Vraiment, tu es le Fils de Dieu (Mt 14,33).

Prière

Dieu éternel et tout-puissant, toi que nous pouvons déjà appeler notre Père, fais grandir en nos cœurs l’esprit filial, afin que nous soyons un jour capables d’entrer dans l’héritage qui nous est promis. Par Jésus Christ.

ou bien

Quand notre barque est battue par les vagues, rends-nous la confiance, Seigneur ; quand le vent est contraire et que tout semble se liguer contre nous, viens vite à notre secours en la personne de ton Fils Jésus Christ, qui seul peut nous sauver. Lui qui règne.

 

20e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 15,21-28

Jésus s’était retiré vers la région de Tyr et de Sidon. Voici qu’une Cananéenne, venue de ces territoires, criait: "Aie pitié de moi, Seigneur, fils de David ! Ma fille est tourmentée par un démon."

Homélie

La prière instante est exaucée

Homélie de saint Jean Chrysostome († 407)

Homélie "Que le Christ soit annoncé", 12-13, PG 51, 319-320

Une Cananéenne s’approcha de Jésus et se mit à le supplier à grands cris pour sa fille qui était possédée par le démon. Elle lui disait: Aie pitié de moi, Seigneur, ma fille est tourmentée par un démon (Mt 15,22). Cette femme, une étrangère, une barbare, sans aucun lien avec la communauté juive, qu’était-elle sinon une chienne indigne d’obtenir ce qu’elle demandait? Il n’est pas bien, dit Jésus, de prendre le pain des enfants pour le donner aux chiens (Mt 15,26) ! Pourtant, sa persévérance lui a mérité d’être exaucée. Celle qui n’était qu’une chienne, Jésus l’a élevée à la noblesse des petits enfants ; bien plus, û l’a comblée d’éloges. Il lui dit en la renvoyant: Femme, ta foi est grande, que tout se fasse pour toi comme tu le veux (Mt 15,28) ! Quand on entend le Christ dire: Ta foi est grande, on n’a pas à chercher d’autre preuve de la grandeur d’âme de cette femme. Vois comme elle a effacé son indignité par sa persévérance. Remarque également que nous obtenons davantage du Seigneur par notre prière que par la prière des autres.

Comme la femme poussait des cris, les disciples s’approchèrent de Jésus et lui dirent: Donne-lui satisfaction, car elle nous poursuit de ses cris (Mt 15,23) ! Mais il leur répondit: Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues d’Israël (Mt 15,24). Alors la Cananéenne elle-même s’avança et lui cria encore: C’est vrai, Seigneur, mais justement les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres (Mt 15,27). Alors le Seigneur lui accorda aussitôt la faveur qu’elle désirait, en disant: Que tout se fasse pour toi comme tu le veux (Mt 15,28) !

Observe qu’après avoir opposé un refus aux disciples, le Seigneur accorde sa grâce à cette femme qui la lui demandait elle-même. <> D’abord elle n’avait obtenu aucune réponse à sa requête. Il a fallu qu’elle s’approche une, deux et trois fois, pour qu’il lui accorde la grâce désirée. A la fin, il a exaucé sa prière. Il nous a fait comprendre ainsi qu’en la faisant attendre, il n’avait pas l’intention de rejeter la Cananéenne, mais voulait nous donner à tous sa patience en exemple. <>

Forts désormais de tous ces enseignements du Seigneur, ne nous abandonnons pas au désespoir ! Quand bien même nos péchés nous rendraient indignes d’obtenir sa grâce, sachons que nous pourrons la mériter par notre persévérance.

Prière

Pour ceux qui t’aiment, Seigneur, tu as préparé des biens que l’œil ne peut voir: répands en nos cœurs la ferveur de ta charité, afin que t’aimant en toute chose et par-dessus tout, nous obtenions de toi l’héritage promis qui surpasse tout désir. Par Jésus Christ.

ou bien

Aie pitié de nous, Seigneur, fils de David, et viens à notre secours. Si notre peu de foi ne nous permet pas de goûter aujourd’hui le pain de tes enfants, accorde-nous quelques miettes tombées de la table où tu nous rassasieras dans l’éternité. Toi qui règnes.

 

21e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 16,13-20

Jésus était venu dans la région de Césarée-de-Philippe, et il demandait à ses disciples : "Le Fils de l’homme, qui est-il, d’après ce que disent les hommes?"

Homélie

Le péché de Pierre, chemin de miséricorde

Homélie de saint Jean Chrysostome († 407)

Homélie sur saint Pierre et saint Éhe, 1, PG 50, 727-728

Pierre devait recevoir les clés de l’Église, plus encore les clés des cieux, et le gouvernement d’un peuple nombreux devait lui être confié. Le Seigneur lui avait dit: Tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux (Mt 16,19). Si Pierre, avec sa tendance à la sévérité, était resté sans péché, comment aurait-il pu faire preuve de miséricorde pour ses disciples? Or, par une disposition de la grâce divine, il est tombé dans le péché, si bien qu’après avoir fait lui-même l’expérience de sa misère, il a pu se montrer bon envers les autres.

Rends-toi compte : celui qui a cédé au péché, c’est bien Pierre, le coryphée des Apôtres, le fondement solide, le rocher indestructible, le guide de l’Église, le port imprenable, la tour inébranlable, lui qui avait dit au Christ : Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas (Mt 26,35); lui qui, par une divine révélation, avait confessé la vérité : Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant (Mt 16,16).

Or, l’évangile rapporte que, la nuit même où le Christ fut livré, Pierre vint s’approcher du feu pour se chauffer. Une jeune fille lui dit alors : Toi aussi, hier, tu étais avec cet homme, et Pierre lui répondit: Je ne connais pas cet homme (cf. Mt 26,69-72).

Tu viens de dire: Même si je dois mourir avec toi, et maintenant tu nies en disant: Je ne connais pas cet homme. Pierre, est-ce bien cela que tu avais promis? On ne t’a encore fait subir aucune torture, infligé aucun coup de fouet, mais il a suffi qu’une fille t’adresse la parole pour que tu te mettes à nier ! <>

Une deuxième fois, la fille lui dit: Toi aussi, hier, tu étais avec lui. Et Pierre répondit: Je ne connais pas l’homme en question.

Quelle est la personne qui te parle pour que tu nies ainsi? Une femme sans influence, une portière, une étrangère, une esclave, qui n’a droit à aucune considération, te parle et tu lui réponds en niant. Que c’est étonnant ! Une fille vient vers Pierre, une femme de mauvaise vie bouleverse la foi de Pierre. Lui, la colonne, le rempart, se dérobe devant les soupçons d’une femme. Ce n’étaient que des mots, mais ils ont ébranlé la colonne, ils ont fait trembler le rempart lui-même. <>

On lui dit une troisième fois : Toi aussi, hier tu étais avec cet homme, mais il le nia une troisième fois.

Finalement, Jésus fixa sur lui son regard pour lui rappeler ce qu’il lui avait dit. Pierre comprit, se repentit de sa faute et se mit à pleurer. Mais alors le Seigneur miséricordieux lui accorda son pardon, car il savait que Pierre, étant un homme, était sujet à la faiblesse humaine.

Comme je l’ai déjà dit, Dieu en a disposé ainsi et a permis que Pierre commette un péché, parce qu’un peuple nombreux allait lui être confié : car il ne fallait pas que, sévère parce que sans péché, il soit incapable de pardonner à ses frères. Il a été soumis au péché pour que la conscience de sa faute et du pardon reçu du Seigneur, le conduise à pardonner aux autres par amour. Il accomplissait ainsi une disposition providentielle conforme à la manière d’agir de Dieu.

Il a fallu que Pierre, lui à qui l’Église devait être confiée, la colonne des Églises, le port de la foi, le docteur du monde, se montre faible et pécheur. C’était, en vérité, pour qu’il puisse trouver dans sa faiblesse une raison d’exercer sa bonté envers les autres hommes.

Prière

Dieu, qui peux mettre au cœur de tes fidèles un unique désir, donne à ton peuple d’aimer ce que tu commandes et d’attendre ce que tu promets; pour qu’au milieu des changements de ce monde, nos cœurs s’établissent fermement là où se trouvent les vraies joies. Par Jésus Christ.

ou bien

Père des cieux, tu as révélé ton Fils à Simon Pierre pour faire de lui le fondement de l’Église. Accorde-nous la grâce de ne jamais cesser de chercher qui est le Fils de l’homme, quelle est sa place dans nos vies. Fais-nous redécouvrir avec l’Apôtre, dans un émerveillement toujours neuf, qu’il est le Messie, le Fils du Dieu vivant. Lui qui règne.

 

22e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 16,21-27

Pierre avait dit à Jésus : "Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant." A partir de ce moment, Jésus le Christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait partir pour Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des chefs des prêtres et des scribes, être tué, et le troisième jour ressusciter.

Homélie

Prendre sa croix pour suivre le Christ

Homélie de saint Augustin († 430)

Sermon 96, 1 3-4, PL 38, 584-586

Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive (Mc 8,34). Quand le Seigneur engage l’homme qui veut le suivre à renoncer à soi-même, nous trouvons son commandement difficile et dur à entendre. Mais si celui qui commande nous aide à l’accomplir, son commandement n’est ni difficile ni pénible. <> Et cette autre parole sortie de la bouche du Seigneur est également vraie: Mon joug est facile à porter, et mon fardeau léger (Mt 11,30).

L’amour, en effet, adoucit ce que les préceptes peuvent avoir de pénible. Nous connaissons toutes les merveilles que l’amour peut accomplir. Sans doute, cet amour est souvent immoral et malhonnête ! Quelles rigueurs les hommes n’ont-ils pas endurées, quelles conditions de vie indignes et intolérables n’ont-ils pas supportées pour arriver à posséder l’objet de leur amour ! <> Or, ce qu’ils aiment nous permet, le plus souvent, de savoir ce qu’ils sont eux-mêmes; ils devraient, quand ils s’interrogent sur la direction à donner à leur vie, se soucier uniquement du choix de ce qu’ils aimeront. Pourquoi s’étonner que celui qui aime le Christ et veut le suivre, renonce à soi-même pour l’aimer? Car, si l’homme se perd en s’aimant soi-même, il doit sans aucun doute se trouver en se renonçant. <>

Qui refuserait de suivre le Christ au séjour du bonheur parfait, de la paix suprême et de l’éternelle tranquillité? Il est bon de le suivre jusque là ; encore faut-il connaître la voie pour y parvenir. Aussi bien le Seigneur n’a pas fait cette recommandation après sa résurrection, mais avant sa passion. Il devait encore être crucifié, endurer l’ignominie, les outrages, les coups, les épines, les blessures, les insultes, l’opprobre et la mort !

Le chemin te semble couvert d’aspérités, il te rebute, tu ne veux pas suivre le Christ. Marche à sa suite ! Le chemin que les hommes se sont tracé est raboteux, mais il a été aplani quand le Christ l’a foulé en retournant au ciel. Qui donc refuserait d’avancer vers la gloire? Tout le monde aime à s’élever en gloire, mais l’humilité est la marche à gravir pour y arriver. Pourquoi lèves-tu le pied plus haut que toi? Tu veux donc tomber au lieu de monter? Commence par cette marche: déjà elle te fait monter.

Les deux disciples qui disaient : Seigneur, accorde-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ton Royaume (Mc 10,37), ne prêtaient aucune attention à ce degré d’humilité. Ils visaient le sommet et ne voyaient pas la marche. Mais le Seigneur leur a montré la marche. Eh bien, qu’a-t-il répondu? "Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire (Mc 10,38)? Vous qui désirez parvenir au faîte des honneurs, pouvez-vous boire le calice de l’humilité?" Voilà pourquoi il ne s’est pas borné à dire d’une manière générale : Qu’il renonce à lui-même et qu’il me suive, mais il a ajouté: Qu’il prenne sa croix et qu’il me suive (Mc 8,34).

Que signifie: Qu’il prenne sa croix? Qu’il supporte tout ce qui lui est pénible; c’est ainsi qu’il me suivra. Dès qu’il aura commencé à me suivre en se conformant à ma vie et à mes commandements, il trouvera sur son chemin bien des gens qui le contrediront, qui chercheront à le détourner et à le dissuader, et cela même parmi ceux qui passent pour des compagnons du Christ. <>

Quelles que soient les menaces, les séductions ou les interdictions dont tu seras l’objet, si tu veux le suivre, fais de tout cela ta croix. Accepte-la, porte-la, ne succombe pas sous le poids.

Ces paroles du Christ ont encouragé les martyrs. Ne faut-il pas, à l’heure de la persécution, que tu comptes pour rien toutes choses à cause du Christ?

Prière

Dieu tout-puissant, de qui vient tout don parfait, enracine en nos cœurs l’amour de ton nom; resserre nos liens avec toi, pour développer ce qui est bon en nous; veille sur nous avec sollicitude, pour protéger ce que tu as fait grandir. Par Jésus Christ.

ou bien

Que tes pensées, Seigneur Dieu, deviennent de plus en plus les nôtres. Il nous est pénible de marcher à la suite de ton Fils sur le chemin de la croix. Donne-nous le courage de perdre notre vie pour la sauver en vérité. Par Jésus Christ.

 

23e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 18,15-20

Jésus disait à ses disciples : "Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère."

Homélie

Se soucier du salut de ses frères

Homélie de saint Jean Chrysostome († 407)

Catéchèses baptismales, 6, 18-20, SC 50, 224-225.

Écoute cette exhortation de l’Apôtre : Tout ce que vous faites: manger, boire ou n’importe quoi d’autre, faites-le pour la gloire de Dieu (1 Co 10,31). Oui vraiment, tout ce que tu feras servira à la gloire de Dieu, si tu t’emploies, dès que tu auras quitté ce lieu, au salut de tes frères. Tu leur adresseras non seulement des reproches et des blâmes, mais aussi des conseils et des encouragements, pour les avertir du tort que leur causent les divertissements profanes, et tu leur montreras le profit et l’utilité qu’ils peuvent retirer de notre enseignement. Tu te ménageras ainsi un double salaire, en travaillant d’une part très efficacement à ton propre salut, et en cherchant d’autre part à guérir celui qui est avec toi membre du Corps du Christ. La fierté de l’Église, le commandement du Sauveur, c’est que tu ne penses pas uniquement à toi, mais aussi à ton prochain.

Considère à quel point celui qui se préoccupe du salut de son frère mérite d’être honoré. En faisant cela, il imite Dieu autant qu’il est au pouvoir de l’homme. Écoute donc ce que le Seigneur dit par son prophète : Si tu sépares ce qui est précieux de ce qui est méprisable, tu seras comme ma propre bouche (Jr 15,19), ce qui revient à dire: "Celui qui s’efforce de sauver son frère négligent et de l’arracher à la dent du diable, m’imite moi-même, autant qu’il est au pouvoir de l’homme." Qu’est-ce qui pourrait bien égaler une pareille action? C’est la plus grande de toutes les bonnes œuvres et le couronnement de toute vie vertueuse.

C’est aussi ce qu’il te convient vraiment de faire, puisque le Christ a versé son sang pour notre salut. Quand Paul parle des fauteurs de scandales, qui blessent la conscience de ceux qui les voient faire, il s’écrie: La connaissance que tu as va faire périr le faible, ce frère pour qui le Christ est mon (1 Co 8,11). Ton Maître a donc versé son sang pour cet homme. Aussi bien, ceux qui, par leur mollesse, sont tombés dans les filets du diable, peuvent à juste titre attendre de chaque chrétien qu’il leur apporte au moins l’encouragement de sa parole et leur tende une main secourable.

Vous le ferez, j’en suis sûr, à cause de la grande affection que vous éprouvez pour ceux qui sont avec vous membres du Corps du Christ, et vous n’épargnerez aucun effort pour ramener vos frères à notre mère commune, car vous êtes capables, avec la grâce de Dieu, de donner aux autres des avertissements pleins de sagesse.

Prière

Dieu qui as envoyé ton Fils pour nous sauver et pour faire de nous tes enfants d’adoption, regarde avec bonté ceux que tu aimes comme un père ; puisque nous croyons au Christ, accorde-nous la vraie liberté et la vie éternelle. Par Jésus Christ.

ou bien

Seigneur, Père des cieux, c’est au nom de Jésus que nous sommes réunis pour te prier. Accorde-nous de construire avec amour la communauté de l’Église et, puisque nous sommes solidaires de nos frères dans le bien comme dans le mal, donne-nous la douceur persuasive qui reprend sans irriter. Par Jésus Christ.

 

24e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 18,21-35

Pierre s’approcha de Jésus pour lui demander: "Seigneur, quand mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner? Jusqu’à sept fois?" Jésus lui répondit: "Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois."

Homélie

Pardonnez, et l’on vous pardonnera

Homélie de saint Augustin († 430)

Sermon 83, 2.4; PL 38, 515-516.

Le Seigneur a raconté pour notre instruction la parabole du débiteur impitoyable, et, comme il ne veut pas que nous périssions, il y a joint cet avertissement: C’est ainsi que votre Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son cœur (Mt 18,35). Vous le voyez, mes frères, la parole est claire, l’avertissement utile; ils réclament notre obéissance, ce moyen de salut très efficace, qui nous rend capables d’observer le commandement.

Tout homme, il est vrai, est débiteur de Dieu, et tout homme a un frère qui est son débiteur. Y a-t-il quelqu’un qui ne doive rien à Dieu, sinon celui en qui on ne peut trouver de péché? Et quel est l’homme qui n’a pas un frère pour débiteur, sinon celui que personne n’a offensé? Pourrait-on, à ton avis, en trouver un seul dans le genre humain, qui ne soit comptable de quelque manquement envers un frère?

Donc, tout homme est débiteur envers quelqu’un, et il a, lui aussi, un débiteur. Dès lors, le Dieu juste t’a donné une règle à suivre envers ton débiteur, règle qu’il appliquera lui-même envers le sien. Il existe, en effet, deux œuvres de miséricorde qui peuvent nous libérer. Le Seigneur lui-même les a formulées brièvement dans son évangile: Remettez, et il vous sera remis; donnez, et l’on vous donnera (Lc 6,37-38). La première a pour objet le pardon, et la seconde, la charité.

Le Seigneur parle du pardon. Or, tu désires obtenir le pardon de tes péchés, et tu as aussi des péchés à pardonner à quelqu’un. Il en va de même pour la charité : un mendiant te demande l’aumône et tu es le mendiant de Dieu, car nous sommes tous, quand nous le prions, les mendiants de Dieu. Nous nous tenons, ou plutôt nous nous prosternons devant la porte de notre Père de famille ; nous le supplions en nous lamentant, désireux de recevoir de lui une grâce, et cette grâce, c’est Dieu même. Que te demande le mendiant? Du pain. Et toi, que demandes-tu à Dieu? Simplement le Christ, qui dit : Je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel (Jn 6,51). Vous voulez être pardonnes? Pardonnez. Remettez, et il vous sera remis. Vous voulez recevoir? Donnez, et l’on vous donnera. <>

Oui, vraiment, si nous considérons nos péchés et passons en revue les fautes que nous avons commises par action, par la vue, par l’ouïe, par la pensée, par tant de mouvements de notre cœur, j’ignore si nous pourrions nous endormir sans sentir peser tout le poids de notre dette. Voilà pourquoi chaque jour nous présentons à Dieu des demandes, chaque jour nos prières vont frapper à ses oreilles, chaque jour nous nous prosternons en disant: Remets-nous nos dettes comme nous les avons remises nous-mêmes à ceux qui nous devaient (Mt 6,12).

Quelles dettes veux-tu te faire remettre? Toutes, ou une partie? Tu vas répondre "Toutes." Fais-donc de même pour ton débiteur. C’est la règle que tu formules et la condition que tu poses. Tu les rappelles lorsque tu pries en accord avec ce pacte et cette alliance, et que tu dis: Remets-nous nos dettes comme nous les avons remises nous-mêmes à ceux qui nous devaient.

Prière

Dieu créateur et maître de toute choses, regarde-nous, et pour que nous ressentions l’effet de ton amour, accorde-nous de te servir avec un cœur sans partage. Par Jésus Christ.

ou bien

Dieu de justice et de tendresse, ne fais pas le compte de notre dette, mais donne-nous la conscience d’être toujours tes débiteurs insolvables. Alors nous pratiquerons, envers ceux qui nous ont fait du tort, la bonté, la patience et le pardon, à l’imitation de ton Fils Jésus Christ, notre Seigneur. Lui qui règne.

 

25e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 20,1-16

Jésus disait cette parabole : "Le Royaume des cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit au petit jour afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne."

Homélie

Les heures de l’histoire du salut

Homélie de saint Augustin († 430)

Sermon 87, 1.4-6; PL 38, 530-533.

La parabole des ouvriers de la vigne que vous venez d’entendre lire dans l’évangile est bien appropriée au moment présent, puisque nous sommes maintenant au temps des vendanges. Mais il existe aussi une vendange spirituelle, au cours de laquelle Dieu se réjouit des fruits de sa propre vigne. <>

Le Royaume des cieux est comparable au père de famille qui sortit afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne (Mt 20,1). <> Celui-ci, à la fin du jour, ordonna de remettre à chacun son salaire, en commençant par les derniers pour finir par les premiers (Mt 20,8). <>

Que faut-il donc entendre par en commençant par les derniers ! Le texte ne dit-il pas que les ouvriers vont recevoir leur salaire? Aussi bien, d’après un autre passage de l’évangile, le Seigneur dira à ceux qu’il placera à sa droite : Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume préparé pour vous depuis la création du monde (Mt 25,34). Tous ensemble, ils doivent donc attendre pour recevoir leur salaire. Cela étant, comment comprendre que les ouvriers engagés à la onzième heure sont payés en premier lieu, tandis que ceux de la première heure le sont en dernier lieu? Je remercierai Dieu si j’arrive à vous le faire comprendre. Quant à vous, vous devez remercier Celui qui se sert de nous pour vous prodiguer ses largesses; en effet, ce que nous vous donnons ne vient pas de nous.

Voici par exemple un homme qui a reçu son salaire après une heure, et un autre après douze heures de travail. Si l’on demande lequel des deux l’a reçu le premier, tout le monde répondra: "Celui qui l’a reçu après une heure de travail l’a eu avant celui qui l’a reçu après douze heures de travail." C’est ce qui se passe dans la parabole: tous les ouvriers ont reçu leur salaire à la même heure, mais les uns après une heure, et les autres après douze heures de travail. Aussi peut-on dire que ceux qui l’ont reçu après un temps plus court, ont été payés les premiers.

Les justes venus au monde en premier, comme Abel et Noé, ont été, pour ainsi dire, appelés à la première heure, et ils obtiendront le bonheur de la résurrection en même temps que nous. D’autres justes, venus après eux, Abraham, Isaac, Jacob et tous ceux qui vivaient à leur époque ont été appelés à la troisième heure, et ils obtiendront le bonheur de la résurrection en même temps que nous. Il en ira de même pour ces autres justes, Moïse, Aaron et tous ceux qui furent appelés avec eux à la sixième heure; puis les suivants, les saints prophètes, appelés à la neuvième heure, goûteront le même bonheur que nous.

Tous les chrétiens sont, pour ainsi dire, appelés à la onzième heure; ils obtiendront, à la fin du monde, le bonheur de la résurrection avec ceux qui les ont précédés. Tous le recevront ensemble. Voyez pourtant combien de temps les premiers attendront avant d’y parvenir. Ainsi, ils obtiendront ce bonheur après une longue période, et nous, après peu de temps. Bien que nous devions le recevoir avec les autres, on peut dire que nous serons les premiers, puisque notre récompense ne se fera pas attendre.

Quand il s’agira de recevoir la récompense, nous serons tous à égalité, les premiers comme s’ils étaient les derniers, et les derniers comme s’ils étaient les premiers. Puisque aussi bien la pièce d’argent de la parabole est la vie éternelle, sa possession sera aussi la même pour tous. Néanmoins, en raison de la diversité des mérites, l’un resplendira plus, l’autre moins. Quant à la vie éternelle, elle sera la même pour tous, car ce qui est éternel ne durera ni plus longtemps pour l’un, ni moins longtemps pour l’autre; ce qui n’a pas de fin n’en aura ni pour moi ni pour toi. Alors, autre sera la splendeur de la chasteté conjugale, autre la gloire de la pureté virginale. Le fruit des bonnes œuvres brillera de tel éclat, la couronne de la passion de tel autre, la gloire de l’un différera de celle de l’autre. Mais pour ce qui est de la vie éternelle, l’un ne vivra pas plus que l’autre, ni celui-ci plus que celui-là. En effet, chacun vivra également sans fin, tout en possédant sa propre gloire: car la pièce d’argent, c’est la vie éternelle !

Prière

Seigneur, tu as voulu que toute la loi consiste à t’aimer et à aimer son prochain; donne-nous de garder tes commandements, et de parvenir ainsi à la vie éternelle. Par Jésus Christ.

ou bien

Seigneur, tu es bon, et nous te regardons avec un œil mauvais quand ta bonté sans mesure dépasse notre justice humaine. Élargis notre cœur aux dimensions de ton amour, toi qui donnes à ceux qui te servent la grâce inestimable du salut. Par Jésus Christ.

 

26e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 21,28-32

Jésus disait aux chefs des prêtres et aux anciens: "Que pensez-vous de ceci? Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit: ‘Mon enfant, va travailler aujourd’hui à ma vigne."

Homélie

Le repentir, porte du Royaume

Homélie de Clément d’Alexandrie († 215)

Homélie "Quel riche sera sauvé ?", 39-40, GCS 3, 185-187

Les portes sont ouvertes à quiconque se tourne sincèrement vers Dieu, de tout son cœur, et le Père reçoit avec joie un fils qui se repent vraiment. C’est le signe d’un repentir véritable que de ne plus retomber dans les mêmes fautes, mais aussi d’extirper complètement de ton âme les péchés pour lesquels tu te juges digne de mort. Une fois qu’ils auront été effacés, Dieu reviendra donc habiter en toi. Car, comme dit l’Écriture, un pécheur qui se convertit et se repent procurera au Père et aux anges du ciel une joie immense et incomparable (cf. Lc 15,10). Voilà pourquoi le Seigneur s’est écrié: C’est la miséricorde que je désire, et non le sacrifice (Os 6,6; Mt 9,13 ; 12,7) ; je ne veux pas la mon du pécheur, mais qu’il se convertisse (Éz 33,11) ; si vos péchés sont comme la laine écarlate, ils deviendront blancs comme la neige; s’ils sont plus noirs que la nuit, je les laverai, si bien qu’ils deviendront comme la laine blanche (Is 1,18).

Dieu seul, en effet, peut remettre les péchés et ne pas imputer les fautes, alors que le Seigneur nous exhorte à pardonner chaque jour aux frères qui se repentent. Et si nous, qui sommes mauvais, savons donner de bonnes choses aux autres (cf. Mt 7,11), combien plus le Père plein de tendresse (2 Co 1,3) le fera-t-il? Le Père de toute consolation, qui est bon, plein de compassion, de miséricorde et de patience par nature, attend ceux qui se convertissent. Or, la conversion véritable suppose que l’on cesse de pécher et que l’on ne regarde plus en arrière.

Dieu accorde donc la rémission des fautes passées, tandis que, pour ce qui concerne le futur, chacun est responsable de ses propres actes. Se repentir, c’est condamner ses fautes passées et prier le Père pour qu’il les oublie. Lui seul peut, dans sa miséricorde, défaire ce qui a été fait et, par la rosée de l’Esprit, effacer les fautes passées. <>

Si tu es voleur et veux recevoir le pardon, cesse de voler. <> Si tu as dérobé un objet, restitue-le avec un supplément. As-tu fait un faux témoignage? Exerce-toi à dire la vérité. As-tu été parjure? Ne fais plus de serment. Tu dois aussi refréner les autres passions mauvaises : la colère, la convoitise, la tristesse et la crainte. <> Les passions que tu as laissé grandir en toi, tu ne pourras sans doute pas les supprimer d’un seul coup. Mais, moyennant un vrai repentir et une application constante, tu y parviendras avec la puissance de Dieu, la prière des nommes et l’aide de tes frères.

Prière

Dieu qui donnes la preuve suprême de ta puissance lorsque tu patientes et prends pitié, sans te lasser, accorde-nous ta grâce: en nous hâtant vers les biens que tu promets, nous parviendrons au bonheur du ciel. Par Jésus Christ.

ou bien

Dieu notre Père, tu n’as voulu limiter ta grâce ni à un peuple, ni aux hommes qui croient te posséder par leurs mérites. Fais de nous des fils disponibles à tes appels et prompts à accomplir la volonté d’amour que tu as exprimée en Jésus, le Christ, notre Seigneur. Lui qui règne.

 

27e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 21,33-43

Jésus disait aux chefs des prêtres et aux pharisiens : "Écoutez cette parabole: Un homme était propriétaire d’un domaine; il planta une vigne, l’entoura d’une clôture, y creusa un pressoir et y bâtit une tour de garde. Puis il la donna en fermage à des vignerons, et partit en voyage."

Homélie

Porter du fruit

Homélie de saint Basile le Grand († 379)

Homélies sur l’Hexaéméron, 5, 6, version remaniée de SC 27, 304-307

Il te suffit de regarder la vigne avec intelligence pour te souvenir de ta nature. Tu te rappelles évidemment la comparaison faite par le Seigneur quand il dit qu’il est lui-même la vigne et son Père, le vigneron. Chacun de nous avons été greffés par la foi sur l’Église, et le Seigneur nous appelle des sarments, il nous exhorte à porter beaucoup de fruits, de peur que notre stérilité ne nous fasse condamner et livrer au feu. Il ne cesse, en toutes occasions, de comparer les âmes humaines à des vignes. Mon bien-aimé avait une vigne, dit-il, sur un coteau, en un lieu fertile (Is 5,1), et: J’ai planté une vigne, je l’ai entourée d’une haie (cf. Mt 21,33). Ce sont évidemment les âmes humaines que Jésus appelle sa vigne, elles qu’il a entourées comme d’une clôture, de la sécurité que donnent ses commandements et de la garde de ses anges, car l’ange du Seigneur campera autour de ceux qui le craignent (Ps 33,8). Ensuite il a planté autour de nous une sorte de palissade en établissant dans l’Église premièrement des Apôtres, deuxièmement des prophètes, troisièmement des docteurs.

En outre, par les exemples des saints hommes d’autrefois, il élève nos pensées sans les laisser tomber à terre où elles mériteraient d’être foulées aux pieds. Il veut que les embrassements de la charité, comme les vrilles d’une vigne, nous attachent à notre prochain et nous fassent reposer sur lui afin qu’en gardant constamment notre élan vers le ciel, nous nous élevions comme des vignes grimpantes jusqu’aux plus hautes cimes.

Il nous demande encore de consentir à être sarclés. Or une âme est sarclée quand elle écarte d’elle les soucis du monde qui sont un fardeau pour nos cœurs. Ainsi celui qui écarte de soi l’amour charnel et l’attachement aux richesses, ou qui tient pour détestable et méprisable la passion pour cette misérable gloriole, a, pour ainsi dire, été sarclé, et il respire de nouveau, débarrassé du fardeau inutile des pensées terrestres.

Mais, pour rester dans la ligne de la parabole, il ne nous faut pas produire que du bois, c’est-à-dire vivre avec ostentation, ni rechercher la louange de ceux du dehors : il nous faut porter du fruit en réservant nos œuvres pour les montrer au vrai vigneron.

Prière

Dans ton amour inépuisable, Dieu éternel et tout-puissant, tu combles ceux qui t’implorent, bien au-delà de leurs mérites et de leurs désirs ; répands sur nous ta miséricorde en délivrant notre conscience de ce qui l’inquiète et en donnant plus que nous n’osons demander. Par Jésus Christ.

ou bien

Après les prophètes, c’est ton Fils lui-même que tu as envoyé, Seigneur, au milieu du peuple de l’Alliance. Mais ceux qui auraient dû l’accueillir l’ont tué, et, dans ta bonté inépuisable, tu as donné ta vigne à un peuple nouveau. Pour que nous soyons des membres actifs de ce peuple, fais-nous participer à la résurrection du Christ et accorde-nous de porter un fruit qui demeure. Par Jésus Christ.

 

28e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 22,1-14

Jésus disait en paraboles : "Le Royaume des cieux est comparable à un roi qui célébrait les noces de son fils. Il envoya ses serviteurs pour appeler à la noce les invités, mais ceux-ci ne voulaient pas venir."

Homélie

L’indispensable vêtement de noce

Homélie de saint Augustin († 430)

Sermon 90, 1 5-6, PL 38, 559 561-562.

Tous les fidèles connaissent les noces du fils du roi, et le banquet qui les suivit. Ils savent que le Seigneur les invite tous, s’ils le veulent, à sa table somptueuse. <>

Le roi entra pour voir les convives. Il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce, et lui dit : "Mon ami, comment es-tu entré ici sans avoir le vêtement de noce ?" L’autre garda le silence (Mt 22,11-12). <>

Que signifie donc cette parabole? <> Mes frères, tâchons de trouver ce qui appartient à certains fidèles et qui manque aux méchants : c’est précisément cela qui sera le vêtement de noce. Seraient-ce les sacrements? Vous pouvez voir qu’ils sont communs aux méchants et aux bons. Serait-ce le baptême? Personne, il est vrai, n’arrive à Dieu sans le baptême, mais tous ceux qui le reçoivent n’arrivent pas jusqu’à Dieu. Je ne puis donc penser que le baptême, j’entends le sacrement seul, soit le vêtement de noce, car je vois qu’il est porté par les méchants comme par les bons. Serait-ce l’autel, ou ce que nous recevons à l’autel? Nous voyons que beaucoup viennent y prendre leur nourriture, et pourtant ils mangent et boivent leur condamnation. Qu’est-ce donc? Le jeûne? Les méchants jeûnent aussi. La fréquentation de l’église? Les méchants y vont aussi. <>

Dès lors, quel est ce vêtement de noce? Voici ce que l’Apôtre nous en dit: Le but de cette prescription, c’est l’amour qui vient d’un cœur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sincère (1 Tm 1,5). Tel est le vêtement de noce. Il n’est pas n’importe quel amour, car on voit très souvent des hommes malhonnêtes en aimer d’autres, malhonnêtes comme eux <>, mais on ne trouve pas chez eux l’amour qui vient d’un cœur pur, d’une bonne conscience et d’une foi sincère. Cet amour, c’est le vêtement de noce.

J’aurais beau parler toutes les langues de la terre et du ciel, dit l’Apôtre, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. <> J’aurais beau être prophète, connaître tous les mystères et toute la science, et avoir la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien (1 Co 13,1-2). <> J’ aurais beau avoir tout cela, dit-il, sans le Christ je ne suis rien. <> Donc, la prophétie n’est-elle rien? Et la science des mystères n’est-elle rien? Si, elles ont de la valeur; mais quand bien même je les posséderais, sans l’amour je ne suis rien.

Que de biens sont inutiles, si un seul bien vient à manquer ! Si je n’ai pas l’amour, <> j’aurais beau confesser le nom du Christ jusqu’à verser mon sang, jusqu’à livrer mon corps aux flammes, cela ne servirait à rien, puisque je puis agir ainsi par amour de la gloire. Il peut donc arriver, en effet, que ces œuvres soient privées de l’amour et de la piété, qui les auraient rendues fécondes, et qu’elles soient frappées de stérilité par le désir de la gloire. Aussi l’Apôtre les mentionne-t-il avec les autres. Ecoute ce qu’il en dit: J’aurais beau distribuer toute ma fortune en aumônes, j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne sert à rien (1 Co 13,3).

Voilà le vêtement de noce. Examinez-vous : si vous l’avez, vous prendrez place avec confiance au banquet du Seigneur.

Prière

Nous t’en prions, Seigneur, que ta grâce nous devance et qu’elle nous accompagne toujours, pour nous rendre attentifs à faire le bien sans relâche. Par Jésus Christ.

ou bien

Prends-nous en pitié, Seigneur notre Roi, lorsque le souci des choses terrestres nous empêche de répondre à ton invitation. Avant que vienne le jugement, accorde-nous la liberté intérieure et tourne vers toi notre cœur. Alors, malgré notre indignité, nous pourrons, grâce à ta miséricorde, nous réjouir au banquet de l’éternité. Par Jésus Christ.

 

29e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 22,15-21

Les pharisiens se concertèrent pour voir comment prendre en faute Jésus en le faisant parler. Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d’Hérode: "Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le vrai chemin de Dieu."

Homélie

Rendre à Dieu son image

Homélie de saint Laurent de Brindes († 1619)

22e dimanche après la Pentecôte, 2-5; Opera omnia, 8, 335.336.339-340.346.

Nous trouvons deux questions dans l’évangile d’aujourd’hui : la première a été posée au Christ par les pharisiens, la seconde aux pharisiens par le Christ. La leur est tout entière terrestre et inspirée par le diable, la sienne tout entière céleste et divine. Celle-là est un effet de l’ignorance et de la méchanceté, celle-ci procède de la sagesse et de la bonté parfaites : <> Cette effigie et cette légende, de qui sont-elles ? Eux répondent: De César. Il leur dit : Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu (Mt 22,20-21). Il faut rendre à chacun ce qui lui revient.

Voilà une parole vraiment pleine de sagesse et de science célestes. Car elle nous enseigne qu’il y a deux sortes de pouvoir, l’un terrestre et humain, l’autre céleste et divin. <> Elle nous apprend que nous sommes tenus à une double obéissance, l’une aux lois humaines et l’autre aux lois divines. Oïl nous faut payer à César le denier portant l’effigie et l’inscription de César, à Dieu ce qui a reçu le sceau de l’image et de la ressemblance divines : La lumière de ton visage a laissé sur nous ton empreinte, Seigneur (cf. ps 4,7).

Nous sommes faits à l’image et à la ressemblance (Gn 1,26) de Dieu. Tu es homme, ô chrétien. Tu es donc la monnaie du trésor divin, un denier portant l’effigie et l’inscription de l’empereur divin. Dès lors, je demande avec le Christ : Cette effigie et cette légende, de qui sont-elles ? Tu réponds : "De Dieu." J’ajoute : "Pourquoi donc ne rends-tu pas à Dieu ce qui est à lui?" <>

Si nous voulons être réellement une image de Dieu, nous devons ressembler au Christ, puisqu’il est l’image de la bonté de Dieu et l’effigie exprimant son être (cf. He 1,3). Et Dieu a destiné ceux qu’il connaissait par avance à être l’image de son Fils (Rm 8,29). Le Christ a vraiment rendu à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Il a observé de la manière la plus parfaite les préceptes contenus dans les deux tables de la loi divine en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix (Ph 2,8), et il était orné au plus haut degré de toutes les vertus visibles et cachées.

L’évangile de ce jour met en évidence la prudence sans pareille du Christ, qui lui a fait éviter les pièges de ses ennemis par une réponse si sage et si habile. C’est là qu’apparaît également sa justice: elle inspire son enseignement quand il nous dit de rendre à chacun ce qui lui revient; elle montre qu’il voulut lui aussi s’acquitter de l’impôt, et qu’il paya deux drachmes pour lui-même et deux pour Pierre. C’est là que se manifeste la force d’âme qui le rendit capable d’enseigner ouvertement la vérité, de dire aux Juifs en colère, sans nullement les craindre, qu’il fallait payer les impôts à César. <> Telle est la voie de Dieu que le Christ a enseignée avec droiture.

Ainsi ceux qui ressemblent au Christ par leur vie, leur conduite et leurs vertus se modelant sur lui, rendent vraiment visible l’image de Dieu. Le renouvellement de cette image divine s’accomplit par la parfaite justice: Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu, à chacun ce qui lui revient.

Prière

Dieu éternel et tout-puissant, fais-nous toujours vouloir ce que tu veux et servir ta gloire d’un cœur sans partage. Par Jésus Christ.

ou bien

Dieu éternel et tout-puissant, tu es le Seigneur de l’univers et le roi du monde. Fais-nous marcher vers toi par un chemin de droiture. Qu’en servant nos maîtres de la terre, nous ne nous laissions pas détourner de toi, et que, rendant à César ce qui est à César, nous sachions te réserver le meilleur de nous-mêmes. Par Jésus Christ.

 

30e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 22,34-40

Les pharisiens, apprenant que Jésus avait fermé la bouche aux sadducéens, se réunirent, et l’un d’eux, un docteur de la Loi, lui posa une question pour le mettre à l’épreuve: "Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ?"

Homélie

Le plus grand commandement

Homélie de saint Augustin († 430)

Sermons édités par mai, 14, 1-2, PLS 2, 449-450

Je sais, mes bien-aimés, quelle excellente nourriture vos cœurs puisent chaque jour dans les exhortations de la sainte Ecriture et les richesses de la parole de Dieu. Néanmoins, la ferveur de notre affection mutuelle me pousse à dire à votre charité quelque chose au sujet de l’amour. Comment pourrais-je parler d’autre chose que de l’amour? En effet, celui qui veut parler de l’amour dans la lecture publique et l’homélie n’a pas besoin de choisir un passage particulier de l’Écriture: qu’il ouvre la Bible à n’importe quelle page, elle chante les louanges de l’amour.

J’invoque sur ce point le témoignage du Seigneur lui-même. Voici, d’après l’évangile, ce qu’il a répondu à l’homme qui l’interrogeait sur les deux plus grands commandements de la Loi. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit, et Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Puis, pour éviter qu’on ne cherche dans les livres saints autre chose que l’amour, il a ajouté ceci : Tout ce qu’il y a dans la Loi et les Prophètes dépend de ces deux commandements (Mt 22,37.39-40). Si la Loi et les Prophètes dépendent entièrement de ces deux commandements, n’est-ce pas bien plus vrai encore de l’évangile?

Car l’amour renouvelle l’homme. L’amour crée vraiment l’homme nouveau, comme la convoitise fait le vieil homme. Aussi le psalmiste, luttant contre ses passions, se lamente: J’ai vieilli parmi tant d’adversaires (Ps 6,8). Et le Seigneur lui-même laisse entendre que l’amour appartient à l’homme nouveau, lorsqu’il dit: Je vous donne un commandement nouveau: c’est de vous aimer les uns les autres (Jn 13,34). <>

Il y a eu, même au temps passé, des hommes qui ont aimé Dieu d’un amour désintéressé. En le désirant avec ardeur, ils ont purifié leur cœur. Ils ont ôté le voile des anciennes promesses, si bien qu’ils ont contemplé la figure de la nouvelle Alliance encore à venir. Dans tous les commandements et les promesses de cette Alliance, qui étaient destinés au vieil homme, ils ont reconnu les figures de l’Alliance nouvelle, que le Seigneur devait conduire à leur terme dans les derniers temps. La parole de l’Apôtre est très claire: Ces faits, dit-il, leur arrivaient en figure, et l’Ecriture les a racontés pour nous avertir, nous qui voyons arriver la fin des temps (1 Co 10,11). <>

Quand vint le temps de cet accomplissement, les prédicateurs de l’Alliance nouvelle se mirent à l’annoncer avec une clarté parfaite. Ils expliquèrent et interprétèrent ces figures pour que soit manifesté le sens nouveau des anciennes promesses. <>

Ainsi, l’amour était présent en ces temps anciens comme il l’est maintenant. Mais il était alors plus secret, et la crainte, plus apparente, tandis que l’amour est maintenant plus manifeste, et la crainte est moindre. En effet, la crainte diminue à mesure que l’amour augmente. Oui, vraiment, l’âme s’apaise quand l’amour grandit. Et quand l’âme est dans une complète tranquillité, il n’y a plus de place pour la crainte, comme le dit aussi l’apôtre Jean: L’amour parfait chasse la crainte (1 Jn 4,18).

Prière

Dieu éternel et tout-puissant, augmente en nous la foi, l’espérance et la charité; et pour que nous puissions obtenir ce que tu promets, fais-nous aimer ce que tu commandes. Par Jésus Christ.

ou bien

Seigneur notre Dieu, nous voulons t’aimer de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout notre esprit. Toi dont le Fils a offert sa vie pour les hommes, fais-nous aimer nos frères comme il en a donné l’exemple. Le cœur rempli de charité, nous pourrons courir sans lassitude sur le chemin de tes commandements. Par Jésus Christ.

 

31e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 23,1-12

Jésus déclara à la foule et à ses disciples : "Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Pratiquez donc et observez tout ce qu’ils peuvent vous dire. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas."

Homélie

Le Christ, exemple d’humilité

Homélie de saint Paschase Radbert († 860)

Commentaire sur l’évangile de Matthieu, 10, 23; CCM 56 B, 1112-1113.

Qui s’abaissera sera élevé (Mt 23,12). Non seulement le Christ a dit à ses disciples de ne pas se faire appeler maîtres et de ne pas aimer les premières places dans les repas ni aucun autre honneur. Mais il a donné lui-même, en sa personne, l’exemple et le modèle de l’humilité. Alors que le nom de maître lui est donné non par complaisance mais par droit de nature, car tout subsiste par lui (Col 1,17), il nous a communiqué, par son entrée dans la chair, un enseignement qui nous conduit tous à la vie et, parce qu’il est plus grand que nous, il nous a réconciliés avec Dieu (Rm 5,10). Comme s’il nous disait: N’aimez pas les premiers honneurs, ne désirez pas vous faire appeler maîtres (Mt 23,7), de même que ce n’est pas moi qui recherche ma gloire, il y a quelqu’un qui la recherche (Jn 8,50). Tenez aussi vos regards fixés sur moi, car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour la multitude (Mt 20,28).

Assurément, dans ce passage de l’évangile, le Seigneur instruit non seulement ses disciples, mais aussi les chefs des Églises, leur prescrivant à tous de ne pas se laisser entraîner par l’avidité à rechercher les honneurs. Au contraire, que celui qui veut devenir grand soit le premier à se faire comme lui le serviteur de tous (cf. Mt 20,26-27). Si quelqu’un trouve bon de désirer une haute charge (cf. 1 Tm 3,1), qu’il désire l’œuvre que celle-ci permet de réaliser et non le grand honneur qui lui est attaché; qu’il veuille aider et servir tous les hommes, plutôt qu’être aidé et servi par tous. Car le désir d’être servi procède de l’orgueil pharisaïque, et le désir de servir naît de la sagesse et de l’enseignement du Christ.

En vérité, ceux qui sollicitent les honneurs et les réclament pour eux-mêmes sont ceux qui s’élèvent. Et ceux qui se réjouissent d’apporter leur aide et de servir sont ceux qui s’abaissent pour que le Seigneur les élève.

Il faut encore remarquer que le Christ n’a pas parlé de celui que le Seigneur élève, mais qu’il a dit: Celui qui s’élève sera abaissé, de toute évidence par le Seigneur. Il n’a pas parlé non plus de celui que le Seigneur abaisse, mais il a dit: Celui qui s’abaisse volontairement sera élevé (Mt 23,12), en retour, par le Seigneur. <>

Ainsi, à peine le Christ s’est-il réservé tout particulièrement le titre de maître qu’il invoque la règle de sagesse en vertu de laquelle celui qui veut devenir grand doit être le serviteur (Mt 20,26) de tous. <> Cette règle, il l’avait exprimée en termes différents : Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur (Mt 11,29).

Dès lors, quiconque veut être son disciple ne doit pas tarder à apprendre la sagesse dont le Christ affirme qu’il fait lui-même profession, car tout disciple accompli sera comme son maître (Lc 6,40). Au contraire, celui qui aura refusé d’apprendre la sagesse enseignée par le Maître, loin de devenir un maître, ne sera même pas un disciple.

Prière

Dieu de puissance et de miséricorde, c’est ta grâce qui donne à tes fidèles de pouvoir dignement te servir; accorde-nous de progresser sans que rien nous arrête vers les biens que tu promets. Par Jésus Christ.

ou bien

Père des cieux, tu es le seul à mériter vraiment le nom de Père et ton Fils est le seul vrai Maître. Quels que soient notre rang ou notre charge, fais-nous fuir l’ostentation, enlève de notre cœur toute autre ambition que celle de servir. Par Jésus Christ.

 

32e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 25,1-13

Jésus parlait à ses disciples de sa venue ; il disait cette parabole: "Le Royaume des cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe et s’en allèrent à la rencontre de l’époux."

Homélie

au choix

Se tenir prêt pour l’arrivée de l’Époux

Homélie de saint Grégoire de Nazianze († 389)

Sur le saint baptême, Discours 40, 46, PG 36, 425

Aussitôt après ton baptême, tu te tiendras debout devant le grand sanctuaire, pour signifier la gloire du monde à venir. Le chant des psaumes qui t’accueillera est le prélude des louanges célestes. Les lampes que tu allumeras préfigurent ce cortège des lumières qui conduira au-devant de l’Époux nos âmes resplendissantes et vierges, munies des lampes étincelantes de la foi.

Prenons garde à ne pas nous abandonner au sommeil, par insouciance, de peur que celui que nous attendons ne se présente à l’improviste, sans que nous l’ayons vu venir. Ne restons pas sans provision d’huile et de bonnes œuvres, de crainte d’être exclus de la salle des noces.

Je vois, en effet, ce que sera ce malheur si affligeant. L’Époux arrivera. Une voix puissante nous appellera à nous présenter devant lui. Toutes les âmes prudentes iront à sa rencontre avec leur lampe allumée et une réserve d’huile très abondante. Les autres, pleines d’inquiétude, chercheront bien tardivement à en obtenir auprès de celles qui en seront pourvues.

L’Époux fera son entrée en grande hâte. Les premières entreront avec lui. Les autres, tout occupées à préparer leurs lampes, ne trouveront pas le temps d’entrer et seront laissées dehors au milieu des lamentations. Elles se rendront compte trop tard de ce qu’elles auront perdu par leur insouciance. Alors, malgré toutes leurs supplications, elles ne pourront plus pénétrer dans la salle des noces dont elles se seront exclues par leur propre faute.

Elles ressembleront aussi à des invités aux noces qu’un noble père célèbre en l’honneur d’un noble époux, et qui s’abstiennent d’y prendre part. L’un, parce qu’il vient de prendre femme; un autre, parce qu’il vient d’acheter un champ; un troisième, parce qu’il a acquis une paire de bœufs (cf. Lc 14,18-20). Ce qu’ils ont obtenu ainsi leur a été bien dommageable, puisqu’ils se sont privés d’un excellent profit pour des avantages médiocres.

Car il n’y a pas de place dans le ciel pour l’orgueilleux et l’insouciant, pour l’homme sans habit convenable, qui ne porte pas le vêtement de noce (cf. Mt 22,11), même s’il s’est cru, sur terre, digne de la splendeur céleste, et s’est introduit furtivement dans le groupe des fidèles en se berçant de faux espoirs.

Qu’adviendra-t-il ensuite? L’Époux connaît ce qu’il nous enseignera quand nous serons au ciel, et il sait quelles relations il entretiendra avec les âmes qui y seront entrées avec lui. Je crois qu’il vivra en leur compagnie, et qu’il leur enseignera les mystères les plus parfaits et les plus purs.

Nous qui vous donnons cet enseignement et vous qui nous écoutez, puissions-nous y avoir part dans le Christ notre Seigneur, à qui soient la gloire et la puissance dans les siècles. Amen.

Prière

Dieu qui es bon et tout-puissant, éloigne de nous tout ce qui nous arrête, afin que sans aucune entrave, ni d’esprit ni de corps, nous soyons libres pour accomplir ta volonté. Par Jésus Christ.

ou bien

Seigneur Jésus, rends-nous sages et prévoyants pour le jour de ta venue. Que jamais ne s’éteigne en nous le désir de ta présence, mais que notre foi reste vive et lumineuse, jusqu’à l’heure inconnue où tu nous introduiras aux noces éternelles. Toi qui règnes.

 

33e dimanche du temps ordinaire A

Évangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 25,14-30

Jésus parlait à ses disciples de sa venue ; il disait cette parabole: "Un homme, qui partait en voyage, appela ses serviteurs et leur confia ses biens. A l’un il donna une somme de cinq talents, à un autre deux talents, au troisième un seul, à chacun selon ses capacités."

Homélie

Faire fructifier les dons reçus

Homélie de saint Jean Chrysostome († 407)

Homélies sur l’évangile de Matthieu, 78, 2-3; PO 58, 713-714.

Dans la parabole des talents, Jésus nous raconte l’histoire d’un homme qui partit en voyage après avoir confié son argent à ses serviteurs. Il veut ainsi nous révéler la patience de notre Maître, mais, à mon avis, il y fait aussi allusion à la résurrection. Par ailleurs, Jésus ne parle ni d’agriculteurs ni de vignerons, mais d’ouvriers en général. La raison en est qu’il veut s’adresser non seulement aux chefs du peuple ou aux Juifs, mais à tout le monde.

Tout d’abord les serviteurs qui rendent l’argent avec les intérêts déclarent sans tergiverser ce qui vient d’eux et ce qui vient de leur maître. Le premier dit: Seigneur, tu m’as confié cinq talents (Mt 25,20), et le deuxième: Seigneur, tu m’as confié deux talents (Mt 25,22). Ils reconnaissent ainsi que leur Maître leur a donné les moyens de réaliser une opération avantageuse. Ils lui en savent gré et portent à son crédit la totalité de la somme qui est en leur possession.

Que répond alors le maître? Très bien, serviteur bon et fidèle (car on reconnaît l’homme bon à sa sollicitude pour le prochain), tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître (Mt 25,23).

Mais il n’en va pas de même pour le mauvais serviteur : Je savais, dit-il, que tu es un homme dur: tu moissonnes là où tu n’as pas semé, tu ramasses là où tu n’as pas répandu le grain. J’ai eu peur, et je suis allé enfouir ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t’appartient (Mt 25,24-25).

Quelle est donc la réponse du maître? Il fallait placer mon argent à la banque (Mt 25,27), c’est-à-dire qu’il fallait parler, exhorter, conseiller. "Mais, réplique l’autre, les gens ne m’écouteront pas." A quoi le maître répond: "Cela n’est pas ton affaire. <> Tu aurais pu au moins mettre cet argent en dépôt et me laisser le soin de le redemander, et je l’aurais réclamé avec les intérêts — entendant par là les œuvres qui procèdent de l’écoute de la Parole —. Tu avais seulement à fournir la part la plus facile du travail et à me laisser la plus difficile" (cf. Mt 25,27).

Voilà comment ce serviteur a manqué à sa tâche. Aussi, ajoute le maître, enlevez-lui son talent et donnez-le à celui qui en a dix. Car celui qui a recevra encore, et il sera dans l’abondance. Mais celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a (Mt 25,28-29).

Qu’est-ce à dire? Celui qui a reçu pour le bien d’autrui la grâce de la parole et de l’enseignement, et n’en fait pas usage, se fera enlever cette grâce. Quant au serviteur zélé, il attirera sur lui une grâce plus abondante, tout comme l’autre perdra celle qu’il a reçue.

Prière

Accorde-nous, Seigneur, de trouver notre joie dans notre fidélité : car c’est un bonheur durable et profond de servir constamment le Créateur de tout bien. Par Jésus Christ.

ou bien

Dieu notre Maître, tu combles l’homme de tes dons pour qu’il collabore à ton œuvre. Accorde à tes serviteurs de travailler avec courage à faire fructifier les biens reçus de toi, afin qu’au jour de ta venue ils puissent entrer dans ta joie. Par Jésus Christ.

 

34e dimanche du temps ordinaire A Le Christ Roi de l’univers

Evangile

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 25,31-46

Jésus parlait à ses disciples de sa venue : "Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres."

Homélie

Le Royaume préparé pour les justes

Traité sur la fin du monde, 41-43, GCS I, 2, 305-307.

Homélie attribuée à saint Hippolyte de Rome († 236)l Comme le saint évangile l’affirme avec force, le Fils de l’homme rassemblera toutes les nations; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres : il placera les brebis à sa droite et les chèvres à sa gauche. Alors il dira à ceux qui sont à sa droite: "Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde" (Mt 25,32-34). <>

Venez, vous qui avez aimé les pauvres et les étrangers. Venez, vous qui êtes restés fidèles à mon amour, car je suis l’amour. Venez, vous dont la paix a été la part d’élection, car je suis la paix. Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous.

Vous n’avez pas honoré la richesse, mais fait l’aumône aux pauvres. Vous avez secouru les orphelins, aidé les veuves, donné à boire à ceux qui avaient soif et à manger à ceux qui avaient faim. Vous avez accueilli les étrangers, habillé ceux qui étaient nus, visité les malades, réconforté les prisonniers, apporté votre aide aux aveugles. Vous avez gardé intact le sceau de la foi et vous avez été prompts à vous rassembler dans les églises. Vous avez écouté mes Ecritures et tant désiré entendre mes paroles. Vous avez observé ma loi le jour et la nuit et partagé mes souffrances comme de courageux soldats, pour trouver grâce devant moi, votre roi du ciel. Venez, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde.

Voici que mon Royaume est préparé et mon ciel ouvert. Voici que mon immortalité apparaît dans toute sa beauté. Venez tous, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde.

Alors les justes s’étonneront d’être invités à s’approcher comme des amis — ô merveille — de celui dont les troupes angéliques ne peuvent avoir une claire vision. Ils lui répondront d’une voix forte : Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu... ? Tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ! Maître, tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? Tu étais nu, et nous t’avons habillé, toi que nous révérons? Toi l’immortel, quand t’avons-nous vu étranger, que nous t’ayons accueilli? Toi qui aimes les hommes, quand t’avons-nous vu malade ou en prison, que nous soyons venus vers toi ! (Mt 25,37-39). Tu es l’Éternel. Avec le Père, tu es sans commencement, et tu es coéternel à l’Esprit. C’est toi qui as tout créé de rien, toi, le roi des anges, toi que redoutent les abîmes. Tu as pour manteau la lumière (Ps 103,2). C’est toi qui nous a faits et modelés avec de la terre, toi qui as créé les êtres invisibles. Toute la terre s’enfuit loin de ta face. Et comment avons-nous accueilli ta royauté et ta souveraineté ?

Alors le Roi des rois leur répondra: Chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait (Mt 25,40). Chaque fois que vous avez accueilli et vêtu ces pauvres dont j’ai parlé, et que vous leur avez donné à manger et à boire, à eux qui sont mes membres, c’est à moi que vous l’avez fait. Mais venez dans le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. Vous jouirez éternellement des biens de mon Père qui est aux cieux, et de l’Esprit très saint qui donne la vie.

Quelle langue pourra donc décrire de tels bienfaits? Personne n’a vu de ses yeux ni entendu de ses oreilles, le cœur de l’homme n’a pas imaginé ce qui a été préparé pour ceux qui aiment Dieu (1 Co 2,9).

Prière

Dieu éternel, tu as voulu fonder toutes choses en ton Fils bien-aimé, le Roi de l’univers; fais que toute la création, libérée de la servitude, reconnaisse ta puissance et te glorifie sans fin. Par Jésus Christ.