CONGREGATION POUR L'EDUCATION CATHOLIQUE

ORIENTATIONS

POUR L'ETUDE ET L'ENSEIGNEMENT DE LA DOCTRINE SOCIALE DE L'EGLISE DANS LA FORMATION SACERDOTALE

ROME 1988

 

 

 

PRELIMINAIRES

 

 

1. En ces dernières décennies, la Congrégation pour l'Education Catholique, attentive aux exigences issues du renouveau conciliaire, a présenté plusieurs fois aux Séminaires et aux divers Instituts d'études théologiques des directives appropriées aux différents secteurs de la formation sacerdotale.1 A présent, elle estime opportun de s'adresser à nouveau aux Evêques, aux Educateurs des Séminaires et aux Professeurs pour proposer quelques orientations sur l'étude et l'enseignement de la doctrine sociale de l'Eglise.

En prenant cette initative, on a conscience de venir au-devant d'une vraie nécessité, vivement ressentie aujourd'hui de toute part, de faire bénéficier la famille humaine des richesses contenues dans la doctrine sociale de l'Eglise, grâce au ministère de prêtres bien formés et conscients des multiples devoirs qui les attendent. Aujourd'hui, en un moment si riche d'approfondissements et d'études sur ce thème, comme le montre entre autre la récente encyclique Sollicitude rei socialis de Jean-Paul II, il est très important que les candidats au sacerdoce acquièrent une idée claire sur la nature, les finalités et les composantes essentielles de cette doctrine, pour pouvoir l'appliquer dans l'activité pastorale dans son intégrité, telle qu'elle est formulée et proposée par le Magistère de l'Eglise.2

La situation en ce domaine est en effet telle, qu'elle demande un éclaircissement opportun des différents concepts, comme on le verra dans les divers chapitres des présentes " Orientations ".

On remarquera avant tout qu'en ces " Orientations " reviennent indistinctement les deux termes: " doctrine sociale " et " enseignement social " de l'Eglise. On n'ignore pas les nuances impliquées en chacun d'eux. " Doctrine " en effet souligne davantage l'aspect théorique du problème et " enseignement " l'aspect historique et pratique, cependant l'un et l'autre veulent indiquer la même réalité. Leur usage alterné dans le Magistère social de l'Eglise, aussi bien le Magistère solennel qu'ordinaire, pontifical et épiscopal, indique l'équivalence réciproque.

Au-dessus de tout conflit de paroles ou d'expressions, la réalité indiquée par doctrine sociale ou enseignement social, constitue " un riche patrimoine ", que l'Eglise a acquis progressivement en puisant à la parole de Dieu et en prêtant attention aux situations changeantes des peuples aux diverses époques de l'histoire. C'est un patrimoine qui doit être conservé avec fidélité et développé au fur et à mesure des réponses faites aux nouvelles urgences de la société humaine.

 

2. Aujourd'hui, la doctrine sociale est appelée de façon de plus en plus insistante à apporter sa contribution spécifique propre à l'évangélisation, au dialogue avec le monde, à l'interprétation chrétienne de la réalité et aux orientations de l'action pastorale, pour éclairer à l'aide de principes sains les diverses initiatives prises sur le plan temporel. En effet les structures économiques, sociales, politiques et culturelles sont en train de faire l'expérience de profondes et rapides transformations qui mettent en jeu l'avenir lui-même de la société humaine; elles ont par conséquent besoin d'une orientation sûre. Il s'agit de promouvoir un vrai progrès social qui requiert, pour garantir effectivement le bien commun de tous les hommes, une juste organisation de ces structures; si cela n'était pas fait, on aurait le retour des grandes multitudes vers cette situation de " joug quasi servile ", dont parlait Léon XIII dans Rerum novarum.3

Il est donc évident que le " grand drame " du monde contemporain, provoqué par les multiples menaces dont s'accompagne souvent le progrès de l'homme, "ne peut laisser personne indifférent".4 C'est pour cela que se fait plus urgente et décisive la présence évangélisatrice incessible de l'Eglise dans le monde complexe des réalités temporelles qui conditionnent le destin de l'humanité.

Toutefois, si l'Eglise intervient en ce domaine, elle reste consciente de ses propres limites. Elle ne prétend pas apporter une solution à tous les problèmes présents dans la situation dramatique du monde contemporain, d'autant plus qu'il existe de grandes différences de développement entre les nations et bien diverses sont les situations où se trouvent engagés les chrétiens.5 Mais l'Eglise peut et doit donner, à la " lumière qui lui vient de l'Evangile ",6 les principes et les orientations indispensables pour la juste organisation de la vie sociale, pour la dignité de la personne humaine et pour le bien commun. De fait le Magistère est intervenu et intervient souvent en ce domaine, avec une doctrine que tous les fidèles sont appelés à connaître, à enseigner et à appliquer. Pour cette raison, il convient de réserver une place spéciale, en harmonie avec les études de philosophie et de théologie, à l'enseignement de cette doctrine dans la formation des futurs prêtres, comme s'est exprimé clairement à ce sujet Jean XXIII7 et comme on désire le rappeler à nouveau dans ces " Orientations ", étudiées en collaboration avec la Commission Pontificale " Justice et Paix " et approuvées par l'Assemblée Plénière de la Congrégation pour l'Education Catholique.

La structure du document se compose de six chapitres, dont les cinq premiers se réfèrent à la nature de la doctrine sociale de l'Eglise: sa dimension historique, théorique et pratique dans les trois éléments qui la constituent, à savoir les principes permanents, les critères de jugement et les directives d'action. Le sixième chapitre présente quelques indications pour garantir aux candidats au presbytérat une formation adéquate en matière de doctrine sociale.

 

 

 

I

NATURE DE LA DOCTRINE SOCIALE

 

 

3. Eléments constitutifs de la doctrine sociale

Les incertitudes encore répandues ici et là au sujet de l'usage du terme " doctrine sociale " de l'Eglise, mais aussi au sujet de la nature elle-même de cette doctrine, demandent une clarification du problème épistémologique, qui est à la racine de ces malentendus. Même si l'on ne prétend pas en ce document parler " ex professe " ni résoudre toutes les questions épistémologiques relatives à la doctrine sociale, on espère cependant qu'une réflexion approfondie sur les éléments constitutifs qui en expriment la nature, aidera à mieux comprendre les termes dans lesquels se pose le problème. De toute façon, il sera bien de se rappeler que l'on se propose ici de préciser ces éléments constitutifs tels qu'on peut les déduire directement des déclarations magistérielles et non pas comme ils se trouvent formulés chez les spécialistes. Il est nécessaire en effet de toujours distinguer la doctrine sociale officielle de l'Eglise des diverses positions des écoles, qui ont expliqué, développé et organisé de façon systématique la pensée sociale contenue dans les documents pontificaux.8

Les éléments essentiels qui décrivent et définissent la nature de la doctrine sociale sont ainsi présentés:9 l'enseignement social de l'Eglise tire son origine de la rencontre du message évangélique et de ses exigences éthiques avec les problèmes qui surgissent dans la vie de la société. Les instances qui sont ainsi mises en évidence deviennent matière de la réflexion morale qui mûrit dans l'Eglise à travers la recherche scientifique, mais aussi à travers l'expérience de la communauté chrétienne qui doit affronter chaque jour diverses situations de misère et aussi et surtout les problèmes posés par l'apparition et le développement du phénomène de l'industrialisation et des systèmes sociaux-économiques qui lui sont connexes.

Cette doctrine se forme par le recours à la théologie et à la philosophie, lesquelles lui donnent un fondement, et par le recours aux sciences humaines et sociales qui lui apportent un complément. Cette doctrine se projette sur les aspects éthiques de la vie, sans négliger les aspects techniques des problèmes, pour les juger avec le critère moral. En se basant sur des " principes toujours valables ", elle entraîne des " jugements contingents ", puisqu'elle se développe en fonction des circonstances changeantes de l'histoire et qu'elle s'oriente vers " l'action ou la praxis chrétienne ".

 

4. Autonomie de la. doctrine sociale

Bien que cette doctrine sociale se soit formée tout au long du XIXeme siècle comme complément du traité de morale consacré à la vertu de la justice, elle a maintenant acquis une remarquable autonomie due au développement continu, organique et systématique de la réflexion morale de l'Eglise sur les nouveaux et difficiles problèmes sociaux. On peut ainsi affirmer que la doctrine sociale possède une identité propre avec un profil théologique bien défini.

Pour avoir une idée complète de la doctrine sociale il faut se référer à ses sources, à son fondement et objet, au sujet et au contenu, aux finalités et à la méthode: autant d'éléments qui la constituent comme une discipline particulière et autonome, théorique et en même temps pratique, dans le domaine vaste et complexe de la science de la théologie morale, en étroite relation avec la morale sociale.10

Les sources de la doctrine sociale sont la Sainte Ecriture, l'enseignement des Pères et des grands théologiens de l'Eglise et le Magistère lui-même. Son fondement et objet primaire est la dignité de la personne humaine avec ses droits inaliénables qui forment le noyau de la "vérité sur l'homme".11

Le sujet est toute la communauté chrétienne en harmonie et sous la conduite de ses pasteurs légitimes, dont les laïcs aussi, avec leur expérience chrétienne, sont les actifs collaborateurs. Le contenu qui récapitule la connaissance de l'homme, de l'humanité et de la société,12 reflète l'homme complet, l'homme social comme sujet déterminé et réalité fondamentale de l'anthropologie chrétienne.

 

5. Nature théologique

En tant que partie intégrante de la conception chrétienne de la vie,13 la doctrine sociale de l'Eglise revêt un caractère éminemment théologique. Entre l'Evangile et la vie réelle en effet on a une interpellation réciproque qui, sur le plan pratique de l'évangélisation et de la promotion humaine, se concrétise en des liens étroits d'ordre anthropologique, théologique et spirituel, de telle sorte que la charité, la justice et la paix sont inséparables, dans la promotion chrétienne de la personne humaine.14

Ce caractère théologique de la doctrine sociale s'exprime aussi dans sa finalité pastorale de service pour le monde, finalité qui tend à stimuler la promotion intégrale de l'homme moyennant la praxis de la libération chrétienne, dans sa perspective terrestre et transcendante.15 Il ne s'agit pas seulement de communiquer un " savoir pur ", mais un savoir théorico-pratique de portée et d'incidence pastorale, en cohérence avec la mission évangélisatrice de l'Eglise, au service de tout l'homme, de chaque homme et de tous les hommes. C'est la juste intelligence de l'homme réel et de sa destinée16 que l'Eglise peut offrir comme sa contribution à la solution des problèmes humains. On peut dire qu'à chaque époque et en chaque situation l'Eglise parcourt à nouveau ce chemin en accomplissant dans la société une triple tâche: annonce de la vérité sur la dignité de l'homme et sur ses droits, dénonciation des situations injustes et contribution aux changements positifs dans la société et au vrai progrès de l'homme.17

 

6. Triple dimension de la doctrine sociale

La doctrine sociale comporte une triple dimension: théorique, historique et pratique. Ces dimensions décrivent sa structure essentielle et sont connexes et inséparables entre elles.

Il y a avant tout une " dimension théorique ", parce que le Magistère de l'Eglise a formulé explicitement dans ses documents sociaux une réflexion organique et systématique. Le Magistère indique le chemin sûr pour construire les relations de vie commune dans un ordre nouveau selon des critères universels qui puissent être acceptés de tous.18 Il s'agit, bien entendu, des principes éthiques permanents, non des jugements historiques changeants ni des " choses techniques pour lesquels il (le Magistère) ne possède ni les moyens proportionnés ni aucune mission ".19

Il y a ensuite dans la doctrine sociale de l'Eglise " une dimension historique ", étant donné qu'en elle l'utilisation des principes est située dans une perception réelle de la société et est inspirée par la prise de conscience de ses problèmes.

Il y a enfin " une dimension pratique ", parce que la doctrine sociale ne s'arrête pas au seul énoncé des principes permanents de réflexion, ni à la seule interprétation des conditions historiques de la société, mais se propose aussi l'application effective de ces principes dans la praxis, en les traduisant concrètement dans les formes et la mesure que permettent ou réclament les circonstances.20

 

7. Méthodologie de la doctrine sociale

La triple dimension facilite la compréhension du processus dynamique inductif-déductif de la méthodologie qui, déjà suivie de manière générale dans les documents plus anciens, se précise davantage dans l'encyclique Mater et Magistra et est adoptée de manière décisive dans la Constitution pastorale Gaudium et spes et dans les documents postérieurs. Cette méthode se développe en trois temps: voir, juger et agir.

Le voir est la perception et l'étude des problèmes réels et de leurs causes, dont l'analyse relève de la compétence des sciences humaines et sociales.

Le juger est l'interprétation de la même réalité à la lumière des sources de la doctrine sociale qui déterminent le jugement prononcé sur les phénomènes sociaux et leurs implications éthiques. En cette phase intermédiaire se situe la fonction propre du Magistère de l'Eglise qui consiste précisément dans l'interprétation de la réalité du point de vue de la foi et dans la proposition " de ce qu'il a en propre: une conception globale de l'homme et de l'humanité ".21 Il est clair que dans le voir et le juger de la réalité, l'Eglise n'est pas ni ne peut être neutre, car elle ne peut pas ne pas se conformer à l'échelle des valeurs énoncées dans l'Evangile. Si, par hypothèse, elle se conformait à d'autres échelles de valeurs, son enseignement ne serait pas celui qui est effectivement donné, mais se réduirait à une philosophie ou à une idéologie de partie.

L'agir est ordonné à la réalisation des choix. Il requiert une vraie conversion, c'est-à-dire cette transformation intérieure qui est disponibilité, ouverture et transparence à la lumière purificatrice de Dieu.

Le Magistère, en invitant les fidèles à faire des choix concrets et à agir selon les principes et les jugements exprimés dans sa doctrine sociale, leur offre le fruit de nombreuses réflexions et expériences mûries sous cette assistance spéciale qui a été promise par le Christ à son Eglise. Il appartient au vrai chrétien de suivre cette doctrine et de la mettre "à la base de sa sagesse, de son expérience pour la traduire concrètement en catégories d'action, de participation et d'engagement".22

 

8. La méthode de discernement

On ne peut mettre en pratique des principes et des orientations éthiques sans un discernement adéquat qui porte toute la communauté chrétienne et chacun en particulier à scruter " les signes des temps " et à interpréter la réalité à la lumière du message évangélique.23 Bien qu'il ne revienne pas à l'Eglise d'analyser scientifiquement la réalité sociale,24 le discernement chrétien, comme recherche et évaluation de la vérité, conduit à rechercher les causes réelles du mal social et spécialement de l'injustice et à admettre les résultats certains, exempts d'idéologie, des sciences humaines. Le but est de parvenir, à la lumière des principes permanents, à un jugement objectif sur la réalité sociale et à concrétiser, selon les possibilités et les opportunités offertes par les circonstances, les choix les plus adéquats qui éliminent les injustices et favorisent les transformations politiques, économiques et culturelles nécessaires en chaque cas.25

Dans cette perspective, le discernement chrétien aide non seulement à clarifier les situations locales, régionales ou mondiales, mais aussi et principalement, à découvrir le dessein salvifique de Dieu, réalisé en Jésus-Christ, pour ses fils aux diverses époques de l'histoire. Il est clair que ce discernement doit se placer dans une attitude de fidélité non seulement vis à vis des sources évangéliques, mais aussi vis à vis du Magistère de l'Eglise et de ses pasteurs légitimes.

 

9. Théologie et philosophie

Du moment que la doctrine sociale de l'Eglise induit vérité, éléments d'évaluation et de discernement à partir de la Révélation, en revendiquant pour elle le " caractère d'application de la Parole de Dieu à la vie des hommes et de la société ",26 elle a besoin d'un solide appui philosophique et théologique. A sa base se trouve en effet une anthropologie tirée de l'Evangile qui contient " comme affirmation primordiale " l'idée de l'homme " comme image de Dieu, irréductible à une simple parcelle de la nature ou à un élément anonyme de la cité humaine ".27 Mais cette affirmation fondamentale s'articule à de nombreuses formulations doctrinales — comme par exemple, la doctrine de la charité, de la filiation divine, de la nouvelle fraternité en Christ, de la liberté des fils de Dieu, de la dignité personnelle et de la vocation éternelle de chaque homme — qui n'acquièrent leur pleine signification et valeur que dans le contexte de l'anthropologie surnaturelle et de la dogmatique catholique toute entière.

En même temps que ces données dérivées de la Révélation, la doctrine sociale assume, rappelle et explique divers principes éthiques fondamentaux de caractère rationnel, en montrant la cohérence entre les données révélées et les principes de la droite raison, qui règlent les actes humains dans le domaine de la vie sociale et politique. Il s'en suit donc la nécessité de recourir à la réflexion philosophique, pour approfondir de tels concepts (tels que, par exemple, l'objectivité de la vérité, de la réalité, de la valeur de la personne humaine, des normes de l'agir et des critères de vérité) et pour les éclairer à la lumière des causes dernières. Effectivement, l'Eglise enseigne que les encycliques sociales font appel aussi à la " droite raison " pour trouver les normes objectives de la moralité humaine, qui règlent non seulement la vie individuelle mais aussi la vie sociale et internationale.28

Dans cette perspective, il est évident qu'un solide fondement philosophique et théologique aidera professeurs et élèves à éviter les interprétations subjectives des situations sociales concrètes, comme aussi à se garder d'une possible orchestration de ces dernières à des fins ou intérêts idéologiques.

 

10. Sciences positives

La doctrine sociale se sert aussi de données qui proviennent des sciences positives et de façon particulière des sciences sociales, qui constituent un instrument important, bien que non exclusif, pour la compréhension de la réalité. Le recours à ces sciences requiert un discernement attentif, sur la base d'une opportune médiation philosophique, puisqu'on peut encourir le danger de céder à la pression d'idéologies déterminées contraires à la droite raison, à la foi chrétienne et en définitive aux données elles-mêmes de l'expérience historique et de la recherche scientifique. De toute façon, un " dialogue fructueux "29 entre l'éthique sociale chrétienne (théologique et philosophique) et les sciences humaines est non seulement possible, mais encore nécessaire pour la compréhension de la réalité sociale. La claire distinction entre la compétence de l'Eglise d'une part et celle des sciences positives d'autre part, ne constitue aucun obstacle pour le dialogue, mais au contraire le facilite. C'est pour cela qu'il est dans la ligne de la doctrine sociale de l'Eglise d'accueillir et d'harmoniser adéquatement entre elles les données offertes par ses sources, mentionnées plus haut, et celles fournies par les sciences positives. Il est clair qu'elle aura toujours comme principal point de référence la parole et l'exemple du Christ et la tradition chrétienne, considérés en fonction de la mission évangélisatrice de l'Eglise.

 

11. Evolution de la doctrine sociale

Comme on l'a déjà dit, la doctrine sociale de l'Eglise, à cause de son caractère de médiation entre l'Evangile et la réalité concrète de l'homme et de la société, a besoin d'être continuellement mise à jour et rendue apte à répondre aux nouvelles situations du monde et de l'histoire.30 De fait, dans les décennies qui se sont succédées, elle a connu une évolution considérable. L'objet initial de cette doctrine fut la soi-disante " question sociale ", à savoir l'ensemble des problèmes socio-économiques apparus en des zones déterminées du monde européen et américain à la suite de la " révolution industrielle ". Aujourd'hui " la question sociale " n'est plus limitée à des zones géographiques particulières, mais elle a une dimension mondiale,31 et elle embrasse de nombreux aspects, y compris politiques, en lien avec les rapports de classes et avec la transformation de la société déjà advenue et encore en voie de réalisation. De toute façon, " question sociale " et " doctrine sociale " restent des termes corrélatifs.

Il est important de souligner dans le développement de la doctrine sociale que, tout en étant " un corps " de doctrine de grande cohérence, elle ne se réduit pas à un système clos mais se montre attentive à l'évolution des situations et capable de répondre adéquatement aux nouveaux problèmes et à la nouvelle manière dont ils se posent. Ceci résulte d'un examen objectif des documents des Pontifes qui se sont succédés — depuis Léon XIII jusqu'à Jean-Paul II — et devient encore plus évident à partir du Concile Vatican II.

 

12. Continuité et développement

Les différences de présentation, de procédé méthodologique et de style que l'on note dans les divers documents ne compromettent pas cependant l'identité substantielle et l'unité de la doctrine sociale de l'Eglise.

C'est justement pour cette raison que l'on utilise le terme de continuité pour exprimer la relation des documents entre eux, bien que chacun réponde de manière spécifique aux problèmes de son temps. A titre d'exemple, les " pauvres " dont parlent quelques documents plus récents, ne sont pas " les prolétaires " auxquels se réfère Léon XIII dans son encyclique Rerum novarum ou les " chômeurs " qui étaient au centre de l'attention de Pie XI dans l'encyclique Quadragesimo anno. Aujourd'hui leur nombre apparaît immensément plus grand et en font partie tous ceux qui dans la société de bien-être sont exclus de l'usage libre, digne et assuré des biens de la terre. Le problème est d'autant plus grave qu'en certaines parties de la terre et spécialement dans le Tiers Monde, cette situation est devenue systématique et quasi institutionnalisée.

De plus le problème ne concerne plus seulement les différences injustes entre les classes sociales, mais aussi les énormes déséquilibres entre nations riches et nations pauvres.

 

13. Le devoir et le droit d'enseigner

L'Eglise face à la communauté politique, dans le respect et l'affirmation de l'autonomie réciproque dans leur domaine propre, puisque toutes les deux sont au service de la vocation individuelle et sociale des personnes humaines, affirme sa propre compétence en matière de doctrine sociale et son droit de l'enseigner pour le bien et le salut des hommes; à cette fin elle utilise tous les moyens qu'elle peut avoir à sa disposition, selon la diversité des situations et des temps.32

En considérant l'homme " dans la pleine vérité de son existence, de son être personnel et en même temps de son être communautaire et social ",33 l'Eglise est bien consciente que le sort de l'humanité est lié au Christ de manière étroite et indiscutable. Elle est persuadée de la nécessité irremplaçable de l'aide qu'il offre à l'homme et pour cela ne peut l'abandonner. Comme s'est exprimé à ce sujet Jean-Paul II, l'Eglise participe intimement aux vicissitudes de l'humanité entière, en faisant de l'homme la route première et fondamentale dans l'accomplissement de sa mission, " route qui, de façon immuable, passe par le mystère de l'Incarnation et de la Rédemption ".34 De cette manière, elle continue la mission rédemptrice du Christ, obéissant au commandement de prêcher l'Evangile à toutes les nations 35 et de servir tous ceux qui sont en état d'indigence soit en tant qu'individus, soit en tant que groupes ou classes sociales, et qui sentent vivement la nécessité de transformations et de réformes pour l'amélioration de leurs conditions de vie.

Fidèle à sa mission spirituelle, l'Eglise affronte ces problèmes sous l'aspect moral et pastoral qui lui est propre. Dans l'encyclique Sollicitudo rei socialis, Jean-Paul II fait explicitement allusion à cet aspect, quand il fait référence aux problèmes du développement, affirmant que, pour cette raison, il entre à bon droit dans la mission de l'Eglise. Par conséquent, celle-ci " ne peut être accusée d'outrepasser son domaine propre de compétence et, encore moins, le mandat reçu du Seigneur ".36

En dehors du cercle de ses fidèles, l'Eglise propose sa doctrine sociale à tous les hommes de bonne volonté, en affirmant que ses principes fondamentaux sont " postulés par la droite raison "37 éclairée et perfectionnée par l'Evangile.

 

 

 

II

DIMENSION HISTORIQUE DE LA DOCTRINE SOCIALE

 

 

14. Face à la tentative de certains de semer " le doute et la méfiance " sur l'efficacité de la doctrine sociale, parce que considérée comme abstraite, déductive, statique et sans force critique, Jean-Paul II a rappelé plusieurs fois l'urgence d'une action sociale qui fasse appel au " patrimoine riche et complexe " désigné sous le terme de " Doctrine sociale ou d'Enseignement social de l'Eglise ".38 Ses prédécesseurs Jean XXIII et Paul VI, et les Pères du Concile Vatican II39 avaient fait de même. Dans la pensée des Pontifes et du Concile transparaît l'intention d'obtenir que par l'action sociale chrétienne la présence de l'Eglise dans l'histoire reflète la présence du Christ qui transforme les cœurs et les structures injustes créées par les hommes.

Cet aspect est particulièrement ressenti dans les conditions culturelles et sociales de notre temps. C'est pourquoi l'actuel Magistère de l'Eglise a imprimé à la doctrine sociale un élan nouveau, qui explique les attitudes d'hostilité croissantes de quelques uns, souvent acceptées de façon non critique, et qui montre combien est lourde la responsabilité de ceux qui refusent un instrument aussi adéquat pour le dialogue de l'Eglise avec le monde et aussi efficace pour la solution des problèmes sociaux contemporains.

 

 

1

Dimension sociale du message chrétien primitif

 

15. Histoire du salut

La doctrine sociale plonge ses racines dans l'Histoire du salut et trouve son origine dans la même mission salvifique et libératrice de Jésus-Christ et de l'Eglise. Elle se rattache à l'expérience de foi dans le salut et dans la libération intégrale du peuple de Dieu, décrits d'abord dans la Genèse, dans l'Exode, dans les Prophètes et dans les Psaumes, et ensuite dans la vie de Jésus et dans les Lettres Apostoliques.40

 

16. Mission de Jésus

La mission de Jésus et son témoignage de vie ont mis en évidence que la vraie dignité de l'homme se trouve dans un esprit libéré du mal et renouvelé par la grâce rédemptrice du Christ. Toutefois l'Evangile montre avec abondance de textes que Jésus n'a pas été indifférent ni étranger au problème de la dignité et des droits de la personne humaine, ni aux besoins des plus faibles, des plus nécessiteux et des victimes de l'injustice. En tout temps il a révélé une solidarité réelle avec les plus pauvres et les plus miséreux;41 il a lutté contre l'injustice, l'hypocrisie, les abus de pouvoir, l'avidité du gain des riches, indifférents aux souffrances des pauvres, en rappelant fortement la reddition des comptes finales, quand il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts.

L'Evangile contient de façon claire quelques vérités fondamentales qui ont façonné profondément la pensée sociale de l'Eglise dans son cheminement à travers les siècles. Ainsi, par exemple, Jésus affirme et proclame une égalité essentielle en dignité entre tous les êtres humains, hommes et femmes, quelles que soient leur ethnie, leur nation ou leur race, leur culture, leur appartenance politique ou leur condition sociale. Son message contient, par ailleurs, une conception de l'homme considéré comme être social en vertu de sa nature même, en tant qu'est affirmée la dignité du mariage qui constitue la première forme de communication entre personnes. De cette égalité fondamentale en dignité, entre tous les hommes, et de leur socialité naturelle intrinsèque surgit nécessairement l'exigence que les rapports de la vie en société soient organisés selon les critères d'une solidarité efficace et humaine, c'est-à-dire selon des critères de justice, vivifiée et complétée par l'amour.

Outre ces valeurs contenues dans l'Evangile il en est encore beaucoup d'autres de non moindre importance et de non moindre incidence sur l'organisation sociale, comme par exemple: les valeurs inhérentes à l'institution de la famille une et indissoluble, source de vie; les valeurs concernant l'origine et la nature de l'autorité, conçue et exercée comme un service pour le bien commun du groupe sociale où elle a à s'exprimer directement et pour lequel elle s'exerce en harmonie avec le bien universel de la Famille humaine toute entière.

 

17. Mission de l'Eglise

L'Eglise se nourrit du mystère du Christ, Evangile incarné, pour annoncer, comme lui, la Bonne Nouvelle du Règne de Dieu et appeler les hommes à la conversion et au salut.42 Cette vocation évangélisatrice de l'Eglise, reçue du Christ, constitue son identité la plus profonde. C'est donc d'elle vraiment que naissent des tâches, des indications et des énergies qui peuvent contribuer à construire et à consolider la communauté des hommes selon la loi divine.43

Dans l'enseignement et dans la pratique sociale, l'Eglise des premiers siècles et du Moyen Age ne fait pas qu'appliquer et développer les principes et les orientations contenus dans l'Evangile. En se mouvant à l'intérieur des structures de la société civile, elle cherche à les humaniser en esprit de justice et de charité, unissant l'œuvre d'évangélisation à d'opportunes interventions caritatives et sociales. Les Pères de l'Eglise sont connus non seulement comme intrépides défenseurs des pauvres et des opprimés, mais aussi comme promoteurs d'institutions d'assistance (hôpitaux, orphelinats, aziles pour les pèlerins et les étrangers) et de conceptions socio-culturelles qui ont inauguré l'ère d'un nouvel humanisme enraciné dans le Christ. Il s'agit la plupart du temps d'œuvres supplétives, déterminées par les insuffisances et les lacunes de l'organisation de la société civile, qui montrent de quels sacrifices et de quelle créativité sont capables les âmes perméables à l'idéal de l'Evangile. Grâce aux efforts de l'Eglise ont été reconnues l'inviolabilité de la vie humaine, la sainteté et l'indissolubilité du mariage, la dignité de la femme, la valeur du travail humain et de chaque personne, contribuant ainsi à l'abolition de l'esclavage qui faisait normalement partie du système économique et social du monde antique.

Le développement progressif de l'activité théologique, d'abord dans les monastères puis dans les Universités, a rendu possible l'élaboration scientifique des principes de base qui règlent la société humaine de façon ordonnée. A ce propos, garde une valeur permanente la pensée de St. Thomas d'Aquin, de François Suarez, François de Vitoria et de tant d'autres. Ceux-ci, avec différents philosophes et canonistes insignes, ont préparé les présupposés et les instruments nécessaires à l'élaboration d'une véritable doctrine sociale, telle qu'elle a été inaugurée sous le Souverain Pontife Léon XIII et continuée par ses successeurs.

L'affirmation de cette dimension sociale du christianisme devient chaque jour plus urgente pour les changements toujours plus vastes et profonds qui se produisent dans la société.44 Face aux problèmes sociaux présents à toutes les époques de l'histoire, mais devenus en notre temps plus complexes et élargis à l'échelle mondiale, l'Eglise ne peut abandonner sa réflexion éthique et pastorale — dans le domaine qui lui est propre — pour éclairer et orienter de son enseignement social les efforts et les espérances des peuples, en faisant en sorte que les changements, même radicaux, réclamés par les situations de misère et d'injustice soient réalisés de manière à favoriser le vrai bien des hommes.45

 

 

2

La formation du patrimoine historique

 

18. Milieu socio-culturel

A chaque époque la doctrine sociale, avec ses principes de réflexion, ses critères de jugement et ses normes d'action n'a pas eu, ni n'aurait pu avoir d'autre orientation, que celle d'éclairer de manière particulière, à partir de la foi et de la tradition de l'Eglise, la situation réelle de la société, surtout quand y était blessée la dignité humaine.

Dans cette perspective, dynamique et historique, il résulte que le vrai caractère de la doctrine social est donné par la correspondance de ses indications, relatives aux problèmes d'une situation historique déterminée, avec les exigences éthiques du message évangélique, qui requiert une transformation en profondeur de la personne et des groupes pour obtenir une libération authentique et intégrale.46

Toutefois, pour comprendre le développement historique de la doctrine sociale, il faut pénétrer dans le contexte socio-culturel de chaque document et comprendre les conditions économiques, sociales, politiques et culturelles dans lesquelles il a été publié. Dans les différentes déclarations, l'on peut alors mieux découvrir l'intention pastorale de l'Eglise face à la situation de la société examinée et à l'ampleur du problème social.

Les principes de base, provenant directement de la conception chrétienne de la personne et de la société humaine, tout autant que les jugements moraux sur des situations, institutions et structures déterminées, permettent de saisir le sens de la présence historique de l'Eglise dans le monde. On peut dire que chaque document social en est un exemple et une preuve.

 

19. Changements du XIXème siècle et contributions de la pensée catholique

En particulier, on doit se rappeler la situation nouvelle créée au XIXème siècle en Europe et en partie en Amérique à la suite de la révolution industrielle, du libéralisme, du capitalisme et socialisme. En cette situation, de nombreux catholiques des divers pays européens, dans la ligne des exigences éthiques et sociales de la Parole de Dieu et de l'enseignement constant des Pères de l'Eglise, des grands théologiens du Moyen Age et en particulier de Saint Thomas d'Aquin, promurent le réveil de la conscience chrétienne face aux graves injustices apparues à cette époque. Il commença ainsi à se dessiner une conception plus moderne et plus dynamique de la manière dont l'Eglise doit être présente et exercer son influence dans la société. On comprit mieux l'importance de sa présence dans le monde et le type de fonction exigé d'elle par les temps nouveaux. Sur ces présupposés s'appuie toute la doctrine sociale de l'Eglise depuis lors jusqu'à nos jours. C'est donc dans cette perspective que sont lus et compris les documents du Magistère social.

 

20. Léon XIII

Léon XIII, préoccupé de la " question ouvrière ", c'est-à-dire des problèmes issus de la déplorable situation où se trouvait le prolétariat industriel, intervint avec l'encyclique Rerum novarum (1891), un texte courageux et clairvoyant, qui fut à l'origine des développements de la doctrine sociale réalisés par le Magistère dans les documents ultérieurs. Dans l'encyclique, le Pontife expose les principes doctrinaux qui peuvent servir à guérir " le mal social " latent dans " la condition des travailleurs ".47

Après avoir énuméré les erreurs qui ont conduit à " la misère imméritée " du prolétariat et après avoir en particulier exclu le socialisme, comme remède à la " question ouvrière ", l'encyclique Rerum novarum précise et actualise la doctrine catholique sur le travail, sur le droit de propriété, sur le principe de collaboration opposé à la lutte des classes comme moyen fondamental pour le changement social, sur le droit des faibles, sur la dignité des pauvres et sur les obligations des riches, sur le perfectionnement de la justice par la charité, sur le droit d'avoir des associations professionnelles.

 

21. Pie XI

Quarante années plus tard, quand les développements de la société industrielle eurent désormais abouti à une énorme concentration sans cesse croissante de forces et de pouvoirs dans le monde économico-social et conduit à une cruelle lutte des classes, Pie XI ressentit le devoir et la responsabilité de promouvoir une connaissance plus grande, une interprétation plus exacte et une application plus urgente de la loi morale 48 régulatrice des rapports humains en ce domaine, dans le but de surmonter le conflit des classes et d'arriver à un nouvel ordre social basé sur la justice et la charité. Grâce à cette attention au nouveau contexte historique, son encyclique Quadragesimo anno apporte des aperçus nouveaux: elle offre une vue panoramique de la société industrielle et de la production; elle souligne la nécessité que le capital tout comme le travail contribuent à la production et à l'organisation économique; elle établit les conditions du rétablissement de l'ordre social; elle recherche une nouvelle mise au point des problèmes dominants, pour affronter les grands changements " apportés par le nouveau développement de l'économie et du socialisme ";49 elle n'hésite pas à prendre position sur les tentatives, faites en ces années, pour surmonter au moyen du système corporatif les antinomies sociales, en se montrant favorable aux principes de solidarité et de collaboration qui l'inspiraient mais en avertissant que le manque de respect de la liberté d'association et d'action pouvait en compromettre le résultat désiré.

 

22. Pie XII

Au cours de son long pontificat Pie XII n'a écrit aucune encyclique sociale. Mais en parfaite continuité avec la doctrine de ses prédécesseurs, il intervint avec autorité sur les problèmes sociaux de son temps dans une ample série de discours. Parmi ceux-ci apparaissent d'une importance toute particulière les radiomessages où il a précisé, formulé et revendiqué les principes éthico-sociaux visant à promouvoir la reconstruction après les ruines de la seconde guerre mondiale. En raison de sa sensibilité et de son intelligence dans l'accueil des " signes des temps ", Pie XII peut être considéré comme le précurseur immédiat du Concile Vatican II et de l'enseignement social des Papes qui lui ont succédé. Les points sur lesquels il s'est appliqué à mieux concrétiser la doctrine sociale et à l'appliquer aux problèmes de son temps sont principalement les suivants: la destination universelle des biens et leur usage; les droits et les devoirs des travailleurs et des employeurs; la fonction de l'Etat dans les activités économiques; la nécessité de la collaboration internationale pour mettre en œuvre une plus grande justice et assurer la paix; la restauration du droit comme règle des rapports entre les classes et entre les peuples; le salaire familial de base.50

Dans les années de guerre et d'après guerre, le Magistère social de Pie XII représenta pour de nombreux peuples de tous les continents et pour des millions de croyants et de non croyants la voix de la conscience universelle, interprétée et proclamée en connexion intime avec la Parole de Dieu.

Par son autorité morale et son prestige, Pie XII apporta la lumière de la sagesse chrétienne à des hommes innombrables de toute catégorie et niveaux sociaux, gouvernants, hommes de culture, hommes de profession libérale, entrepreneurs, dirigeants techniques, travailleurs.

Désireux de valoriser la tradition de Rerum novarum51 il poursuivit la formation d'une conscience éthique et sociale qui puisse inspirer les actions des peuples et des Etats. A travers lui passa sur l'Eglise ce souffle de l'Esprit régénérateur qui, comme il le disait lui-même à propos de Rerum novarum, n'a pas manqué de se répandre de manière bienfaisante sur l'humanité entière.52

 

23. Jean XXIII

Après la seconde guerre mondiale l'Eglise se trouva dans une situation nouvelle sous de nombreux aspects: " la question sociale ", restreinte initialement à la classe ouvrière, subit un processus d'universalisation qui impliqua toutes les classes, tous les Pays et la Société internationale elle-même où le drame du Tiers Monde devenait toujours plus dominant. Ce " problème de l'époque moderne " devient l'objet de la réflexion et de l'action pastorale de l'Eglise et de son Magistère social. En effet, la nouvelle encyclique Mater et Magistra (1961) du Pape Jean XXIII vise à mettre à jour les documents déjà connus et à faire un nouveau pas en avant dans le processus d'implication de toute la communauté chrétienne.53 Le nouveau document, en affrontant les aspects les plus actuels et les plus importants de la " question sociale ",54 fait ressortir les inégalités existantes tant entre les différents secteurs de l'économie qu'entre les divers Pays et régions et dénonce les phénomènes de la surpopulation et du sous-développement qui, à cause du manque d'entente et de solidarité entre les nations, créent des situations insupportables spécialement dans le Tiers Monde.

Le même Jean XXIII, devant les périls d'une nouvelle guerre nucléaire, après être intervenu dans un message mémorable adressé aux peuples et aux chefs d'Etat, publia au moment le plus aigu de la crise l'encyclique Pacem in terris (1963), qui est une exhortation urgente à construire la paix, fondée sur le respect des exigences éthiques qui doivent présider aux relations entre les hommes et entre les Etats.

Le style et le langage des encycliques du Pape Jean XXIII confèrent à la doctrine sociale une nouvelle capacité d'approche et d'incidence vis à vis des nouvelles situations, sans manquer pour cela à la loi de la continuité avec la tradition précédente. On ne peut donc pas parler de " tournant épistémologique ". Il est certain qu'affleuré la tendance à valoriser l'empirique et le sociologique, mais dans le même temps on accentue la motivation théologique de la doctrine sociale. Ceci est d'autant plus évident si l'on fait une comparaison avec les documents précédents où prédomine la réflexion philosophique et l'argumentation basée sur les principes du droit naturel. Ont indiscutablement contribué à faire naître les encycliques sociales de Jean XXIII les transformations radicales apparues à l'intérieur des Etats tout comme en leurs relations réciproques, aussi bien "dans le domaine scientifique, technique et économique" que dans le domaine "sociale et politique".55

De plus en cette période d'autres phénomènes commencent à se manifester de manière préoccupante. Ce sont, avant tout, les effets du développement économique qui a fait suite à la reconstruction de l'après-guerre. L'optimisme que ce développement engendre empêche de se rendre compte aussitôt des contradictions d'un système basé sur le développement inégal des différents Pays du monde. Par ailleurs, déjà avant la fin de la décennie en cours, tandis que s'affirme toujours plus le processus de la décolonisation de nombreux Pays du Tiers Monde, on remarque qu'au colonialisme politique en vigueur jusqu'alors succède un autre type de domination coloniale, de caractère économique. Ce fait est déterminant pour une prise de conscience et pour un mouvement d'agitation spécialement en Amérique Latine, où, pour combattre les déséquilibres du développement et l'état de nouvelle dépendance, se déchaîna de diverses manières et sous des formes variées un ferment de libération. Celui-ci dans la suite engendrera les divers courants de " la théologie de la libération ", au sujet desquels le Saint-Siège a rendu publique sa position.56

 

24. Concile Vatican II

Quatre ans après la publication de Mater et Magistra, la Constitution pastorale Gaudium et spes du Concile Vatican II, sur l'Eglise dans le monde de ce temps, voit le jour. Si, entre les deux documents, se situe une période de temps trop brève pour avoir des changements significatifs dans la réalité historique, le chemin parcouru par la doctrine sociale avec le nouveau document a été pourtant considérable. Le Concile, en effet, s'est rendu compte que le monde attendait de l'Eglise un message nouveau et stimulant. Il a répondu à cette attente par la Constitution citée plus haut, où, en syntonie avec le renouveau ecclésiologique, se reflète une nouvelle conception de la communauté des croyants et du peuple de Dieu. La Constitution conciliaire a ainsi suscité un nouvel intérêt pour la doctrine contenue dans les documents précédents au sujet du témoignage et de la vie des chrétiens comme voies authentiques pour rendre visibile la présence de Dieu dans le monde.

Sur le plan social, la réponse de l'Eglise réunie en Concile se concrétisa par la présentation d'une conception plus dynamique de l'homme et de la société, et en particulier de la vie socio-économique, élaborée sur la base des exigences et de la juste interprétation du développement économique.

Selon le chapitre de Gaudium et spes consacré à ce problème, l'élimination des inégalités sociales et économiques peut en effet se baser uniquement sur la juste compréhension du développement. Cette interprétation de la réalité sociale au plan mondial a marqué un tournant fondamental dans le processus évolutif de la doctrine sociale: celle-ci ne se laisse pas absorber par les implications socio-économiques des deux principaux systèmes, capitalisme et socialisme, mais s'ouvre à une nouvelle conception, celle de la double dimension ou de la double portée du développement. Une telle conception vise en effet à promouvoir le bien de l'homme tout entier, " intégralement considéré, c'est-à-dire en tenant compte de ses nécessités d'ordre matériel et des exigences de sa vie intellectuelle, morale, spirituelle et religieuse ", en dépassant ainsi les oppositions traditionnelles entre producteurs et consommateurs et les discriminations qui offensent la dignité de la grande famille humaine.57

Dans cette perspective, on découvre qu'à la base de tout ce que la Constitution affirme au sujet de la vie économico-sociale se trouve une conception authentiquement humaniste du développement. Dans Gaudium et spes, l'Eglise montre combien profonde est sa sensibilité pour la conscience croissante des inégalités et des injustices présentes dans l'humanité, et en particulier pour les problèmes du Tiers Monde.

Dans la doctrine sociale se renforce ainsi, contre toute discrimination sociale et économique, une orientation personnaliste et communautaire de l'économie, dans laquelle celui qui occupe le premier rang est l'homme, considéré comme fin, sujet et protagoniste du développement.

C'est la première fois qu'un document du Magistère solennel de l'Eglise s'est exprimé aussi amplement sur les aspects directement temporels de la vie chrétienne. On doit reconnaître que l'attention apportée par la Constitution aux changements sociaux, psychologiques, politiques, économiques, moraux et religieux a stimulé toujours plus, en ces vingt dernières années, la préoccupation pastorale de l'Eglise pour les problèmes des hommes et le dialogue avec le monde.

 

25. Paul VI

Quelques années après le Concile, l'Eglise offrit à l'humanité une nouvelle et importante réflexion en matière sociale avec l'encyclique Populorum progressio (1967) de Paul VI. Celle-ci peut être considérée comme un développement du chapitre sur la vie économico-sociale de Gaudium et spes, tout en introduisant certains aspects nouveaux significatifs.

En peu de temps en effet s'était développée la prise de conscience des inégalités qui créaient des discriminations et soumettaient à des situations d'injustice et de marginalisation de nombreux Pays du Tiers Monde. Ce problème était aggravé par des circonstances particulières comme l'accélération du déséquilibre existant entre les Pays pauvres et les Pays riches, et la croissance démographique du Tiers Monde. Dans les régions et chez les peuples les plus pauvres et les plus marginalisés, l'analyse du sous-développement, de ses causes provoqua le scandale et fit se développer la lutte contre l'injustice.

C'est en ce nouveau contexte historique, où les conflits sociaux ont pris des dimensions mondiales,58 que se projette la lumière de Populorum progressio, qui permet de saisir toutes les dimensions d'un développement intégral de l'homme et d'un développement solidaire de l'humanité: on peut considérer qu'autour de ces deux thèmes se structure tout le tissu de l'encyclique. Voulant convaincre ses destinataires de l'urgence d'une action solidaire,59 le Pape présente le développement comme " le passage des conditions de vie moins humaines à des conditions de vie plus humaines ", et il en spécifie les caractéristiques. Les conditions moins humaines se vérifient quand il y a des carences matérielles et morales et des structures oppressives. Les conditions humaines requièrent la possession du nécessaire, l'acquisition des connaissances et de la culture, le respect de la dignité des autres, la reconnaissance des valeurs suprêmes et de Dieu, et, enfin, la vie chrétienne de foi, d'espérance et de charité.60

Le " passage " des conditions moins humaines aux conditions plus humaines, qui, selon le Pape, ne se circonscrit pas aux dimensions purement temporelles, doit inspirer la réflexion théologique sur la libération de l'injustice et sur les valeurs authentiques, sans lesquelles il n'est pas de vrai développement de la société. La doctrine sociale trouve ici une ouverture pour une réflexion éthique approfondie et renouvelée.

Quatre ans seulement après l'encyclique Populorum progressio Paul VI publia la lettre apostolique Octogesima adveniens (1971). C'était le quatre-vingtième anniversaire de Rerum novarum, mais le Pape regardait bien davantage que le passé, le présent et l'avenir. Dans le monde occidental industrialisé avaient surgi de nouveaux problèmes, ceux de la soi-disante "société post-industrielle", et il fallait adapter pour eux l'enseignement social de l'Eglise. Octogesima adveniens commença ainsi une nouvelle réflexion pour la compréhension de la dimension politique de l'existence et de l'engagement chrétien, stimulant à son tour le sens critique face aux idéologies et aux utopies sous-jacentes aux systèmes socio-économiques en vigueur.

 

26. Jean-Paul II

Dix ans plus tard (1981), Jean-Paul II intervint avec la grande encyclique Laborem exercens. La décennie écoulée avait laissé une empreinte dans l'histoire du monde et de l'Eglise. Dans la pensée du Pape il n'est pas difficile d'apercevoir le flux des nouveaux changements qui s'étaient produits. Si les années soixante-dix avaient commencé par une acuité plus grande de la conscience vis à vis du sous-développement et des injustices qui en dérivaient, vers le milieu de la même décennie s'étaient manifestés les premiers symptômes d'une crise plus profonde, provoquée par les contradictions que cachait le système monétaire et économique international, et caractérisée surtout par la hausse énorme des prix du pétrole. Dans cette situation, le Tiers Monde, face à l'ensemble des pays développés de l'Occident et de ceux du bloc oriental collectiviste, réclamait de nouvelles structures monétaires et commerciales, où seraient respectés les droits des peuples pauvres ainsi que la justice dans les relations économiques. Tandis que croissait le malaise du Tiers-Monde, quelques Pays, se faisant l'écho de cette souffrance, revendiquaient une plus grande justice dans la distribution du revenu mondial.

Tout le système de la division internationale du travail et de la structuration de l'économie mondiale entrait dans une crise profonde; on exigeait en conséquence une révision radicale des structures elles-mêmes qui avaient conduit à un développement économique aussi inégal.

Face à ces nombreux et nouveaux problèmes, Jean-Paul II écrit l'encyclique Laborem exercens, pour le quatre-vingt-dixième anniversaire de Rerum novarum, en continuité avec le Magistère précédent, mais avec son originalité propre,61 soit en ce qui concerne la méthode et le style, soit en ce qui concerne de nombreux aspects de l'enseignement, traités en relation avec les conditions du temps, mais en suivant les principales intuitions de Paul VI. Le document se déroule sous forme d'exhortation directe adressée à tous les chrétiens pour les engager dans la transformation des systèmes socio-économiques en vigueur, et il donne des orientations précises sur la base de la préoccupation fondamentale du bien intégral de l'homme. En expliquant clairement que la " clef centrale " de toute la " question sociale " se trouve dans le " travail humain ",62 comme le point de référence le plus adéquat pour analyser tous les problèmes sociaux, l'encyclique enrichit " le patrimoine traditionnel " de la doctrine sociale de l'Eglise. C'est à partir du travail comme dimension fondamentale de l'existence humaine, que sont traités dans l'encyclique tous les autres aspects de la vie socio-économique, sans omettre l'aspect culturel et technologique.63

Laborem exercens propose donc la révision profonde du sens du travail qui implique une redistribution plus équitable non seulement du revenu et de la richesse, mais encore du travail lui-même, de telle sorte qu'il y en ait suffisamment pour tous. Dans ce but, il faudrait aider la société à découvrir la nécessité de la modération en ce qui concerne la consommation, à acquérir à nouveau les vertus de sobriété et de solidarité et à faire aussi de vrais sacrifices pour sortir de la crise actuelle. C'est une importante proposition, confirmée récemment par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi.64 Et elle vaut non seulement pour chacun des peuples pris en particulier, mais aussi pour les rapports entre les nations.

La situation mondiale exige le respect des principes et des valeurs fondamentales qui doivent être considérés comme irremplaçables: en effet sans une réaffirmation de la dignité de l'homme et de ses droits, comme aussi sans la solidarité entre les peuples, la justice sociale et un sens nouveau du travail, il n'y aura ni vrai développement humain ni ordre nouveau de vie commune en société.

Le 30 Décembre 1987, à l'occasion du vingtième anniversaire de Populorum progressio, le Pape Jean-Paul II a publié l'encyclique Sollicitude rei socialis, dont l'axe central est la notion de développement comme elle a été abordée dans le document susmentionné de Paul VI. C'est à la lumière de l'enseignement toujours valable de cette encyclique que le Souverain Pontife a voulu examiner, à vingt ans de distance, la situation du monde sous cet aspect, dans le but de mettre à jour et d'approfondir encore la notion de développement, afin que celui-ci réponde aux urgentes nécessités du moment historique présent et soit vraiment à la mesure de l'homme.

Les deux thèmes fondamentaux de Sollicitude rei socialis sont: d'une part la situation dramatique du monde contemporain, sous le profil du manque de développement dans le Tiers Monde, et d'autre part, le sens, les conditions et les exigences d'un développement digne de l'homme.

Parmi les causes du manque de développement, se trouvent mentionnés la différence persistante, et souvent aussi en croissance, entre Nord et Sud, l'opposition entre le bloc oriental et le bloc occidental avec, en conséquence, la course aux armements, le commerce des armes et diverses entraves de caractère politique s'interposant aux décisions de coopération et de solidarité entre les nations. On ne manque pas non plus dans ce contexte, de faire allusion à la question démographique. Mais d'autre part, on reconnaît pourtant quelques progrès réalisés dans le domaine du développement, même s'ils sont incertains, limités et inadéquats par rapport aux nécessités réelles.

Pour tout ce qui concerne le deuxième thème principal de l'encyclique, à savoir la nature d'un vrai développement, on présente surtout des éclaircissements sur la différence entre " progrès indéfini " et développement. A ce sujet on insiste pour dire que le vrai développement ne peut se limiter à la multiplication des biens et des services i.e. à ce qu'on possède, mais qu'il doit favoriser la plénitude de l'" être " humain. De cette manière, on entend délimiter avec clarté la nature morale du vrai développement. Cet important aspect est approfondi aussi à la lumière des sources scripturaires et de la tradition de l'Eglise. Une preuve de cette dimension morale du développement est l'insistance du document sur le lien entre l'observation fidèle de tous les droits humains (y compris le droit à la liberté religieuse) et le vrai développement de l'homme et des peuples.

Dans l'encyclique sont aussi analysés divers obstacles d'ordre moral s'opposant au développement (" structures de péché ", recherche exclusive du profit, soif de pouvoir) ainsi que les voies d'un dépassement souhaitable. On recommande à ce propos la reconnaissance de l'interdépendance entre les hommes et entre les peuples et l'obligation qui s'en sui; de la solidarité dont on souligne le caractère de vertu; le devoir de charité pour les chrétiens. Mais cela suppose une radicale conversion du cœur.

A la fin du document sont encore indiquées d'autres voies spécifiques pour faire face à la situation présente, et se trouve soulignée l'importance de la doctrine sociale de l'Eglise, de son enseignement et de sa diffusion au moment présent.

27. Cette vue panoramique de la doctrine de l'Eglise aide à en comprendre la complexité, la richesse, le dynamisme, comme aussi les limites. Chaque document marque un nouveau pas en avant dans l'effort déployé par l'Eglise pour répondre aux problèmes de la société aux divers moments de l'histoire: en chacun d'eux il faut surtout relever la préoccupation pastorale de proposer à la communauté chrétienne et à tous les hommes de bonne volonté les principes fondamentaux, les critères universels et les orientations aptes à suggérer les choix en profondeur et la praxis cohérente pour chaque situation concrète. Cet enseignement " n'est donc pas "une troisième voie" entre le capitalisme libérale et le collectivisme marxiste, ni une autre possibilité parmi les solutions moins radicalement marquées ",65 mais un service désintéressé offert par l'Eglise selon les nécessités de lieux et de temps. La mise en relief de cette dimension historique montre que la doctrine sociale de l'Eglise, exprimée avec clarté et cohérence dans ses principes essentiels, n'est pas un système abstrait, arrêté et défini une fois pour toutes, mais un système concret, dynamique et ouvert. En effet l'attention à la réalité et l'inspiration évangélique permettent à l'Eglise d'apporter une réponse aux continuels changements auxquels se trouvent soumis les processus économiques, sociaux, politiques, technologiques et culturels. Il s'agit d'une œuvre toujours en construction, ouverte aux interpellations des réalités nouvelles et des problèmes nouveaux qui apparaissent en ces secteurs.

 

28. Documents plus récents

Les changements signalés requièrent une vision éthique des nouveaux problèmes et une réponse toujours plus différenciée, remise à jour et approfondie. C'est ce qui s'est passé, par exemple dans les questions de la propriété privée, de la socialisation, de la cogestion, du sous-développement du Tiers-Monde, de la différence croissante entre les Pays pauvres et les Pays riches, du développement socio-économique, du sens du travail, de la dette internationale, du problème des sans-logis, de la situation actuelle de la famille, de la dignité de la femme, du respect de la vie humaine naissante et de la procréation. Les documents les plus récents de l'Eglise font ressortir sa profonde sensibilité évangélique face aux nouveaux problèmes sociaux.66

Dans l'esprit du Concile Vatican II,67 la doctrine sociale de l'Eglise, composée " d'éléments permanents " et " d'éléments contingents ",68 continuera son chemin historique, en s'enrichissant de l'apport de tous les membres de l'Eglise. Sur ce chemin le Magistère recueillera les diverses contributions dans ses enseignements officiels, en conciliant l'attention à la dimension historique et le devoir sacré de ne pas affaiblir la stabilité et la certitude des principes et des normes fondamentaux, et en invitant à l'action cohérente.

Sur ce long chemin, l'Eglise continuera à rendre concrets les enseignements et les valeurs de sa doctrine sociale, en proposant des principes de réflexion et des valeurs permanentes, des critères de jugements et des directives d'action.69

 

 

 

III

ET VALEURS PERMANENTS

 

 

29. Dans ce chapitre, on envisage brièvement les " principes permanents " et les valeurs fondamentales qui ne doivent jamais faire défaut dans l'enseignement de la doctrine sociale de l'Eglise. On présente ensuite, en appendice, un plan du programme des cours, susceptible d'être adapté aux nécessités concrètes de chaque Eglise particulière.

 

 

1

Principes permanents de réflexion

 

30. Préliminaires

Ces principes ont été formulés par l'Eglise non pas de façon organique, en un seul document, mais tout au long de l'évolution historique de la doctrine sociale. On les recueille dans l'ensemble des divers documents que le Magistère de l'Eglise, avec la collaboration d'évêques, de prêtres et de laïcs éclairés,70 a élaborés en affrontant les différents problèmes sociaux au fur et à mesure de leur apparition.

Il est évident que le présent document n'est et ne veut être ni une nouvelle synthèse, ni un manuel de ces principes, mais simplement un ensemble d'orientations jugées opportunes pour l'enseignement.

Il ne constitue pas non plus une présentation complète des principes, mais seulement l'indication de ceux qui sont retenus comme plus importants et qui méritent en conséquence une attention particulière dans la formation des futurs prêtres.

Parmi ces principes, sont à considérer comme fondamentaux ceux qui regardent la personne, le bien commun, la solidarité et la participation. Les autres leur sont intimement liés et dérivent d'eux.

 

31. La personne humaine

La dignité de la personne se fonde sur le fait qu'elle est créée à l'image et à la ressemblance de Dieu et élevée à une fin surnaturelle transcendant la vie terrestre. L'homme donc, comme être intelligent et libre, sujet de droits et de devoirs est le premier principe et, on peut dire, le cœur et l'âme de l'enseignement social de l'Eglise.71 " Croyants et incroyants sont presque d'accord pour retenir que tout ce qui existe sur la terre doit être référé à l'homme comme à son centre et à son sommet ".72 C'est ce principe qui dans sa portée anthropologique constitue la source des autres principes qui font partie du corps de la doctrine sociale. L'homme-personne est le sujet et le centre de la société, laquelle avec ses structures, organisations et fonctions a comme but la création et la continuelle adaptation de conditions économiques et culturelles permettant au plus grand nombre possible de personnes le développement de leurs capacités et la satisfaction de leurs légitimes exigences de perfection et de bonheur. Pour cette raison, l'Eglise ne se lassera jamais d'insister sur la dignité de la personne, contre tous les esclavages, les exploitations et les manipulations perpétrés au détriment des hommes, non seulement dans le domaine politique et économique, mais aussi culturel, idéologique et médical.73

 

32. Les droits de l'homme

Les droits de l'homme dérivent selon une logique intrinsèque de la dignité elle-même de la personne humaine. L'Eglise a pris conscience de l'urgence de protéger et de défendre ces droits, considérant cette tâche comme partie de sa mission salvifique, à l'exemple de Jésus, qui s'est toujours montré attentif aux besoins des hommes, particulièrement des plus pauvres.

L'affirmation des droits de l'homme, avant de se présenter sous la forme d'un système théorique, organique et complet, est apparue dans l'Eglise comme un service concret à l'humanité. Par sa réflexion, l'Eglise en a en quelque sorte discerné les fondements philosophiques et théologiques ainsi que les implications juridiques, sociales, politiques et éthiques, comme il ressort des documents de son enseignement social. Et elle a réalisé cette tâche non dans un contexte d'opposition révolutionnaire exigeant les droits de la personne contre les autorités traditionnelles, mais sur le fond du Droit inscrit par le Créateur dans la nature humaine.

L'insistance avec laquelle l'Eglise, spécialement en notre temps, s'est faite promotrice du respect et de la défense des droits de l'homme, que ceux-ci soient personnels ou sociaux, s'explique non seulement par le fait que son intervention aujourd'hui comme hier est dictée par l'Evangile,74 mais aussi par le fait qu'à partir de sa réflexion s'est développée une nouvelle sagesse théologique et morale pour affronter les problèmes du monde contemporain.75 En particulier, le droit à la liberté religieuse, en tout ce qui touche à la sphère plus intime de l'esprit, " se révèle point de référence et, d'une certaine manière, devient mesure des autres droits fondamentaux ".76 Aujourd'hui, il est affirmé et défendu par différentes Organisations publiques et privées, nationales et internationales. Pour sa part, l'Eglise catholique se montre spécialement solidaire de tous ceux qui subissent des discriminations et des persécutions à cause de la foi, et elle œuvre avec zèle et ténacité pour que ces situations d'injustice soient surmontées.

 

33. Les apports du Magistère pontifical aux droits de l'homme

Avec le Magistère conciliaire, le Magistère pontifical a amplement exposé et développé le thème des droits de la personne humaine. Déjà Pie XII avait énoncé les principes, fondés sur le droit naturel, d'un ordre social, conforme à la dignité de l'homme, concrétisé dans une saine démocratie, capable de mieux respecter le droit à la liberté, à la paix, aux biens matériels. Par la suite, l'encyclique Pacem in terris de Jean XXIII fut le premier texte pontifical officiel explicitement consacré aux droits de l'homme. En effet, en scrutant " les signes des temps ", l'Eglise percevait la nécessité de proclamer les droits " universels, inviolables et inaliénables " de tous les hommes, contre toute discrimination et toute conception particulariste. Pour cela, Pacem in terris ne se contente pas de fonder les droits de l'homme sur la loi naturelle inhérente à la Création et ordonnée à la Rédemption, mais corrige un certain aspect individualiste de la conception traditionnelle de la réciprocité des droits et des devoirs, en insérant les droits dans un contexte de solidarité et en soulignant les exigences d'ordre communautaire que celle-ci comporte.

A son tour Paul VI, dans l'encyclique Populorum progressio, sans séparer les droits de l'homme du domaine de la raison, en procédant surtout selon l'optique suivie par le Concile Vatican II, met en évidence leur fondement chrétien et montre comment la foi en transforme la dynamique interne elle-même. On doit observer par ailleurs que si Pacem in terris est la charte des droits de l'homme, Populorum progressio constitue la charte des droits des peuples pauvres au développement. Plus tard, Jean-Paul II, en approfondissant cette réflexion, fondera les droits humains simultanément sur les trois dimensions de la vérité totale sur l'homme: sur la dignité de l'homme en tant que tel, sur l'homme créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, sur l'homme inséré dans le mystère du Christ. Sur cette dignité de l'homme, envisagée à la lumière de l'œuvre rédemptrice du Christ, se fonde la mission salvifique de l'Eglise; c'est pour cela qu'elle ne peut se taire quand sont lésés ou quand sont en péril les droits inviolables de l'homme et des peuples. Du point de vue chrétien, en effet, les nations et les patries sont une réalité humaine de valeur positive et à laquelle on ne saurait renoncer, réalité qui fonde des droits inviolables au sein des divers peuples, en particulier le droit des peuples à leur identité propre et à leur développement.77

 

34. Le rapport personne-société

La personne humaine est un être social par nature: c'est-à-dire par son indigence innée et par sa tendance naturelle à communiquer avec les autres. Cette socialité humaine est le fondement de toute forme de société et des exigences éthiques qui y sont inscrites. L'homme ne peut se suffire à lui-même pour atteindre son plein développement, mais il a besoin des autres et de la société.

Ce principe de l'interdépendance personne-société, essentiellement joint à celui de la dignité de la personne humaine, se réfère au tissu complexe de la vie sociale de l'homme, qui se règle selon des lois propres et adéquates, perfectionnées par la réflexion chrétienne.78

La compréhension des divers aspects de la vie sociale aujourd'hui n'est pas toujours facile, vu les rapides et profonds changements qui se vérifient dans tous les domaines, grâce à l'intelligence et à l'activité créatrice de l'homme. Les changements pour leur part provoquent des crises qui se reflètent soit dans les déséquilibres internes de l'homme qui augmente toujours plus son pouvoir sans réussir toujours à le canaliser vers de justes fins; soit dans les relations sociales, car l'on ne parvient pas toujours à une exacte application des lois qui règlent la vie sociale.79

35. La société humaine est donc objet de l'enseignement social de l'Eglise, du moment que celle-ci ne se trouve ni au dehors ni au-dessus des hommes unis en société, mais existe exclusivement en eux et, donc, pour eux. L'Eglise insiste sur " la nature intrinsèquement sociale " des êtres humains.80 On observe cependant qu'ici le " social " ne coïncide pas avec le " collectif ", pour lequel la personne n'est qu'un simple produit. La force et le dynamisme de cette condition sociale de la personne se développent pleinement dans la société qui voit ainsi croître les relations de vie commune tant au niveau national qu'au niveau international.81

36. De la dignité de la personne, de ses droits et de sa socialité dérivent les autres principes permanents de réflexion qui orientent et règlent la vie sociale. Parmi ceux que la réflexion du Magistère a approfondis, il faut mentionner ceux qui regardent le bien commun, la solidarité, la subsidiarité, la participation, la conception organique de la vie sociale et la destination universelle des biens.

37. Le bien commun

Lorsque l'on parle des lois et des principes qui règlent la vie sociale, il faut considérer en premier lieu le " bien commun ". Même si celui-ci " dans ses aspects essentiels et plus profonds ne peut être conçu en termes de doctrine et encore moins déterminé dans ses contenus historiques ",82 il peut cependant être décrit comme " l'ensemble des conditions sociales qui permettent et favorisent dans les êtres humains le développement intégral de la personne ".83 Celui-ci donc, même s'il est supérieur à l'intérêt privé, est inséparable du bien de la personne humaine, obligeant les pouvoirs publics à reconnaître, à respecter, à organiser, à protéger et à promouvoir les droits de l'homme et aussi à faciliter l'accomplissement des devoirs respectifs. En conséquence, la mise en œuvre du bien commun peut être considérée comme la raison d'être des pouvoirs publics, lesquels sont tenus de le réaliser à l'avantage de tous les citoyens et de tout l'homme — considéré dans sa dimension terrestre-temporelle et transcendante — dans le respect d'une juste hiérarchie des valeurs et des postulats des circonstances historiques.84

En considérant donc le bien commun comme une valeur de service et d'organisation de la vie sociale et du nouvel ordre de la vie commune, l'Eglise en met en relief le sens humain et l'aptitude à animer les structures sociales dans leur totalité et dans leurs secteurs particuliers et elle stimule les transformations en profondeur selon le critère de la justice sociale.

38. Solidarité et subsidiarité

La solidarité et la subsidiarité sont deux autres principes importants, régulateurs de la vie sociale. Selon le principe de la solidarité, chaque personne, comme membre de la société, est indissolublement liée au destin de la société elle-même et, dans la force de l'Evangile, au destin de salut de tous les hommes. Dans la récente encyclique Sollicitude rei socialis, le Pape a particulièrement souligné l'importance de ce principe, le qualifiant de vertu humaine et chrétienne.85 Les exigences éthiques de la solidarité requièrent que tous les hommes, les groupes et les communautés locales, les associations et les organisations, les nations et les continents, participent à la gestion de toutes les activités de la vie économique, politique et culturelle, en dépassant toute conception éthique purement individualiste.86

La subsidiarité, qui protège la personne humaine, les communautés locales et les " corps-intermédiaires " du péril de perdre leur légitime autonomie, doit être considérée comme un complément de la solidarité. L'Eglise est attentive à l'application de ce principe à cause de la dignité elle-même de la personne, du respect de ce qu'il y a de plus humain dans l'organisation de la vie sociale87 et de la sauvegarde des droits des peuples à l'intérieur des relations entre sociétés particulières et société universelle.

39. Conception organique de la vie sociale

Ainsi qu'il ressort de tout ce qui est dit, une société organisée ne se comprend pas adéquatement sans une conception organique de la vie sociale. Ce principe exige que la société soit fondée, d'une part, sur le dynamisme intérieur de ses membres — qui a son origine dans l'intelligence et la volonté libre des personnes en recherche solidaire du bien commun — et, d'autre part, sur la structure et l'organisation de la société, constituée non seulement de chacune des personnes libres, mais aussi de sociétés intermédiaires, qui doivent s'intégrer en une unité supérieure, depuis la famille, en passant par les communautés locales, les associations professionnelles, les régions et les Etats nationaux, jusqu'aux organismes supranationaux et à la société universelle de tous les peuples et de toutes les nations.88

40. Participation

La participation occupe une place prédominante dans les récents développements de l'enseignement social de l'Eglise. Sa force réside dans le fait qu'elle assure la réalisation des exigences éthiques de la justice sociale. La participation juste, proportionnée et responsable de tous les membres et secteurs de la société au développement de la vie socio-économique, politique et culturelle, est la voie assurée pour atteindre une nouvelle vie en commun qui soit humaine. L'Eglise non seulement n'omet pas de rappeler ce principe,89 mais trouve en lui une motivation permanente pour favoriser le progrès de la qualité de la vie des individus et de la société comme telle. Il s'agit d'une aspiration profonde de l'homme, qui exprime sa dignité et liberté dans le progrès scientifique et technique, dans le monde du travail et de la vie publique.90

41. Structures humaines et communautés de personnes

A maintes reprises, l'Eglise a cherché à prévenir le péril réel qui menace la dignité de la personne, la liberté individuelle et les libertés sociales et qui dérive de la conception " techniciste " et mécaniste de la vie et de la structure sociale qui ne laisse pas un espace suffisant au développement d'un vrai humanisme. En de nombreuses nations, l'Etat moderne se transforme en une gigantesque machine administrative qui envahit tous les secteurs de la vie, entraînant l'homme dans un état de peur et d'angoisse qui provoque la dépersonnalisation.91

L'Eglise a donc estimé nécessaires les organismes et les multiples associations privées qui réservent l'espace qui convient à la personne et stimulent la croissance des relations de collaboration en subordination au bien commun; toutefois, parce que ces organismes sont d'authentiques communautés, leurs membres doivent être considérés et respectés comme des personnes et appelés à participer activement aux tâches communes.92

Pour l'Eglise, donc, le chemin sûr permettant d'atteindre ce but est d'associer le travail et le capital et de donner vie aux corps intermédiaires.93

La mise en œuvre de ces principes, qui règlent la vie sociale aux différents niveaux de l'organisation de la société et dans les divers secteurs de l'activité humaine, permet de dépasser toute tension entre socialisation et personnalisation. Le phénomène actuel de la multiplication des relations et des structures sociales à tous les niveaux, dérivées de libres décisions et destinées à améliorer la qualité de la vie humaine, ne peut qu'être accueilli positivement, étant donné qu'il rend manifeste la réalisation de la solidarité humaine et favorise l'élargissement de la sphère de l'activité matérielle et spirituelle de la personne.

42. Destination universelle des biens

Avec " ce principe caractéristique de la doctrine sociale de l'Eglise ",94 on affirme que les biens de la terre sont destinés à tous les hommes pour que leur droit à la vie puisse être satisfait de manière conforme à la dignité de la personne et aux exigences de la famille. En effet, " Dieu a destiné la terre et tout ce qu'elle contient à l'usage de tous les hommes et de tous les peuples, de sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon la règle de la justice inséparable de la charité".95 Il s'en suit que le droit à la propriété privée, en lui-même valable et nécessaire, doit être circonscrit dans les limites imposées par sa fonction sociale. Comme s'est exprimé à ce sujet le Magistère dans l'encyclique Laborem exercens, " la tradition chrétienne n'a jamais soutenu ce droit comme un droit absolu et intangible. Au contraire, elle l'a toujours entendu dans le contexte plus vaste du droit commun de tous à utiliser les biens de la création entière: le droit à la propriété privée est subordonné à celui de l'usage commun, à la destination universelle des biens ".96

 

 

 

2

Valeurs fondamentales

 

 

43. La voie assurée

Les principes de réflexion de la doctrine sociale de l'Eglise, en tant que lois régulatrices de la vie sociale, ne sont pas indépendants de la reconnaissance réelle des valeurs fondamentales inhérentes à la dignité de la personne humaine. Ces valeurs sont principalement: la vérité, la liberté, la justice, la solidarité, la paix, la charité ou l'amour chrétien.

Vivre ces valeurs est la voie assurée non seulement pour le perfectionnement personnel, mais encore pour la mise en œuvre d'un authentique humanisme et d'une nouvelle vie commune en société. C'est donc à ces valeurs qu'il faut se référer pour réaliser les réformes substantielles des structures économiques, politiques, culturelles et technologiques et les nécessaires changements dans les institutions.

44. Vers un renouvellement de la société

L'importance vitale de ces valeurs explique pourquoi l'Eglise les a toujours proposées avec beaucoup d'insistance comme les vrais fondements d'une nouvelle société plus digne de l'homme. Tout en reconnaissant l'autonomie des réalités terrestres,97 l'Eglise sait cependant que les lois découvertes et utilisées par l'homme, dans la vie sociale ne garantissent pas d'elles-mêmes, et comme mécaniquement, le bien de tous. Elles doivent en effet être appliquées sous la conduite des valeurs qui prennent leur source dans la dignité de la personne humaine.98 Toutes ces valeurs manifestent la priorité de l'éthique sur la technique, le primat de la personne sur les choses, la supériorité de l'esprit sur la matière.99

45. La " sagesse " dans Rengagement social

Les valeurs entrent cependant fréquemment en conflit avec les situations où elles sont niées ouvertement ou indirectement. En ces cas, l'homme se trouve dans la difficulté de les honorer toutes de manière cohérente et simultanée. Pour cette raison, devient encore plus nécessaire le discernement chrétien des choix à faire dans les diverses circonstances, à la lumière des valeurs fondamentales du christianisme. C'est la manière de pratiquer l'authentique " sagesse ", exigée par l'Eglise de la part des chrétiens et de tous les hommes de bonne volonté dans l'engagement social.100

46. Valeurs pour le développement

En tenant compte de la grande complexité de la société humaine contemporaine et de la nécessité de promouvoir des valeurs déterminées comme fondement d'une nouvelle société, l'Eglise est appellée à intensifier le processus d'éducation dans le but de faire comprendre non seulement aux individus, mais aussi à l'opinion publique, au moins dans les Pays où sa présence est admise et son action permise, la nécessité vitale de défendre et de promouvoir les valeurs fondamentales de la personne humaine, sans lesquelles on ne peut avoir de vrai développement humain et intégral dans une société.

Pour cela, il ne sera pas possible de poser les bases de l'authentique développement humain, demandé encore tout récemment par l'Eglise dans son Magistère social, sans une réaffirmation permanente de la dignité humaine et de ses exigences éthiques et transcendantes; sans une éthique de responsabilité et de solidarité entre les peuples101 et de justice sociale; sans une révision du sens du travail,102 qui comporte une redistribution plus équitable.

 

 

 

IV

CRITERES DE JUGEMENT

 

 

47. Connaissance

La doctrine sociale de l'Eglise a pour but de communiquer un savoir non seulement théorique, mais aussi pratique et capable d'orienter l'action pastorale. Voilà pourquoi elle offre aussi, outre les principes permanents de réflexion, des critères de jugement sur les situations, les structures, les institutions qui organisent la vie économique, sociale, politique, culturelle, technologique et sur les systèmes sociaux eux-mêmes.103 A ce propos, il ne fait aucun doute que l'estimation des conditions de vie plus ou moins humaines des personnes, l'appréciation de la valeur éthique des structures et des systèmes sociaux, économiques, politiques et culturels, en fonction des exigences de la justice sociale, fait partie de la mission évangélisatrice de l'Eglise.

Pour être en mesure de donner de façon correcte un jugement à cet égard, l'Eglise a besoin de connaître les situations historiques locales, nationales et internationales, et l'identité culturelle de chaque communauté et de chaque peuple. Même si elle se sert ici de tous les moyens fournis par les sciences, il est certain que sa référence principale pour l'approche de la réalité sociale se trouve dans les valeurs fondamentales qui fournissent des " normes de jugement " bien précises pour le discernement chrétien. On ne peut renoncer à ces normes, incluses, selon les déclarations officielles, dans la doctrine sociale et on doit donc les faire connaître et apprécier dans l'enseignement donné dans les Séminaires et dans les Facultés théologiques.

48. Capacité de juger objectivement

Le droit et le devoir de l'Eglise d'émettre des jugements moraux, requiert chez tous les travailleurs pastoraux, ecclésiastiques et laïcs, la capacité de juger objectivement les diverses situations et structures ainsi que les différents systèmes sociaux-économiques. Déjà la connaissance des problèmes sociaux et leur interprétation éthique à la lumière du message évangélique, tel qu'il est exprimé dans la doctrine sociale de l'Eglise, offrent des orientations pour ce jugement, qui doit guider les comportements et les choix chrétiens. Toutefois, le passage du doctrinal au pratique suppose des médiations de nature culturelle, sociale, économique et politique, pour lesquelles sont particulièrement compétents, bien que non exclusivement, les laïcs, à qui revient de développer les activités temporelles de leur propre initiative et sous leur propre responsabilité.

49. Exemples de jugements

De fait, l'examen des documents fait ressortir que la doctrine sociale de l'Eglise contient de nombreux jugements sur les situations concrètes, les structures, les systèmes sociaux et les idéologies. On peut citer quelques cas à titre d'exemple: Rerum novarum parle des causes du malaise des travailleurs, en se référant au " joug " qui leur est imposé par " un petit nombre de richissimes ";104 Quadragesimo anno juge que l'état de la société humaine de son temps est de nature à favoriser la violence et les luttes;105 le Concile Vatican II, en décrivant les déséquilibres du monde moderne, termine sur cette affirmation que ceux-ci conduisent aux défiances, conflits et calamités dirigés contre l'homme;106 Populorum progressio ne craint pas de dénoncer comme injustes les relations entre les pays développés et ceux qui sont en voie de développement;107 Laborem exercens dit qu'aujourd'hui encore divers systèmes idéologiques sont cause de flagrantes injustices;108 Sollicitude rei socialis critique la division du monde en deux blocs (Est-Ouest) et les conséquences négatives qui en résultent pour les nations en voie de développement.109

II est sûr que la formulation de jugements moraux sur les situations, structures et systèmes sociaux ne revêt pas le même degré d'autorité qui est propre au Magistère de l'Eglise quand il se prononce sur les principes fondamentaux. Cependant, parmi les divers jugements, ceux qui ont trait aux manquements envers la dignité humaine ont une grande autorité, parce que liés à des principes et à des valeurs fondés sur la loi divine elle-même.

50. Le péril de l'influence idéologique

Dans le but d'un dialogue plus réaliste avec les hommes, d'une juste ouverture aux différentes circonstances de la vie commune en société et d'une connaissance objective des situations, des structures et des systèmes, l'Eglise, lorsqu'elle émet un jugement, peut se servir de tout " l'apport des sciences ",110 par exemple des données empiriques confirmées de façon critique, en reconnaissant bien cependant qu'il n'est pas de sa compétence d'analyser scientifiquement la réalité et les conséquences possibles des changements sociaux.111 Ceci vaut aussi bien pour l'Eglise universelle que pour les Eglises particulières.

Un critère important pour l'usage des moyens offerts par les sciences sociales est de se rappeler que l'analyse sociologique n'offre pas toujours une élaboration objective des données et des faits: dès le départ en effet, elle peut se trouver déjà assujettie à une vision idéologique déterminée ou à une stratégie politique bien précise, comme on le vérifie dans l'analyse marxiste. Comme chacun sait, le Magistère n'a pas manqué de se prononcer officiellement sur le péril pour la foi chrétienne et pour la vie de l'Eglise pouvant résulter de ce type d'analyse.112

Le danger de l'influence idéologique sur l'analyse sociologique existe aussi dans l'idéologie libérale qui inspire le système capitaliste; en celui-ci, les données empiriques sont souvent soumises par principe à une vision individualiste du rapport économico-social, en contradiction avec la conception chrétienne.113

On ne peut certainement pas enfermer le destin de l'homme à l'intérieur de ces deux projets historiques opposés, car cela serait contraire à la liberté et à la créativité de l'homme. Et en effet l'histoire des hommes, des peuples et des communautés s'est toujours révélée riche et bien " articulée " et les projets des modèles sociaux ont toujours été nombreux aux diverses époques. A ce propos, il est important de préciser que de nombreuses variantes du principe du libéralisme économique, telles qu'elles sont représentées par les partis chrétiens-démocrates ou sociaux-démocrates, peuvent être considérées non plus comme des expressions du " libéralisme " au sens strict, mais comme de nouvelles alternatives d'organisation sociale.

51. Discernement des choix

Mérite une spéciale attention le dialogue de l'Eglise avec les mouvements historiques qui ont cherché à dépasser le dilemme existant entre le capitalisme et le socialisme. Toutefois l'Eglise dans son enseignement social ne prétend pas encourager un système socio-économique et politique alternatif, ni formuler un projet de société bien défini, dans la mesure où cette tâche revient aux groupes et aux communautés auxquels sont assignés des rôles sociaux et politiques. Les chrétiens sont tout de même appelés à y exercer un discernement permanent. Par ailleurs, le dialogue et l'éventuel engagement des chrétiens dans les mouvements " qui sont nés des diverses idéologies mais qui, d'autre part, sont différents d'elles ", devront toujours s'accomplir avec l'attention et avec le discernement critique requis, et toujours en référence au jugement moral prononcé par le Magistère de l'Eglise.114

La mission salvifique de l'Eglise née des enseignements, du témoignage et de la vie elle-même de Jésus-Christ, le Sauveur, implique deux choix inéluctables: l'un pour l'homme selon l'Evangile et l'autre pour l'image évangélique de la société. Sans supposer une " troisième voie "115 face à " l'utopie libérale " et à " l'utopie socialiste ", les croyants doivent toujours opter pour un modèle humanisant des relations socio-économiques, qui soit conforme à l'échelle des valeurs mentionnée ci-dessus. Dans cette perspective, les piliers de tout modèle vraiment humain, c'est-à-dire conforme à la dignité de la personne, sont la vérité, la liberté, la justice, l'amour, la responsabilité, la solidarité et la paix. La réalisation de ces valeurs dans les structures de la société entraîne le primat de l'homme sur les choses, la priorité du travail sur le capital, le dépassement de l'antinomie travail-capital.116 Ces choix en eux-mêmes ne sont pas politiques, cependant ils touchent la sphère politique, et particulièrement le rapport Eglise-politique; ils ne sont pas non plus sociaux-économiques, mais intéressent aussi cette dimension dans le rapport homme-société et Eglise-société. Ainsi il est clair que l'on ne peut se passer du jugement éthique de l'Eglise sur les fondements du système social que l'on veut construire, et sur les projets et programmes concrets de la vie commune en société, où doit confluer aussi l'image de l'homme, et de la société offerte par l'Evangile.

52. Devoirs sociaux des Eglises particulières

Les Eglises particulières sont, dans leurs territoires respectifs, des centres de pensée, de réflexion morale et d'action pastorale y compris dans le domaine social. Elles ne peuvent en effet faire abstraction des problèmes locaux particuliers, qui réclament d'opportunes adaptations comme le montrent de nombreuses lettres d'Evêques et de Conférences Episcopales. Mais pour évaluer à leur juste mesure les situations et les réalités socio-économiques, politiques et culturelles dans lesquelles elles se trouvent, comme aussi pour contribuer efficacement à leur progrès et, si nécessaire, à leur transformation, il importe beaucoup que ces Eglises puisent les principes et les critères de jugement aux sources de l'enseignement social qui sont valables pour l'Eglise universelle.117

53. Nouveaux jugements sur des situations nouvelles

II peut arriver que le changement des situations postule la modification d'un précédent jugement, émis dans un contexte différent. Cela explique pourquoi on ait aujourd'hui dans la doctrine sociale de l'Eglise des jugements différents de ceux d'autrefois, bien que dans la continuité d'une ligne tracée par les principes. De toute façon, il est évident qu'un jugement mûri sur les nouvelles situations, sur les nouveaux modèles de la société et sur ses nouveaux programmes ne dépend pas seulement de la doctrine sociale, mais aussi de la formation philosophique et théologique, du sens politique et du discernement des changements du monde. Tout cela requiert préparation éloignée et prochaine, étude et réflexion, comme il est recommandé en ces " Orientations ".

 

 

 

V

DIRECTIVES POUR L'ACTION SOCIALE

 

 

54. Critères d'action

La doctrine sociale de l'Eglise, en tant que savoir (théorico-pratique) est orientée vers l'évangélisation de la société: elle inclut donc nécessairement l'invitation à l'action sociale en offrant, pour les diverses situations, des directives opportunes118 inspirées par les principes fondamentaux et les critères de jugement,119 éclairés plus haut. L'action suggérée ne se déduit pas à priori une fois pour toutes de considérations philosophiques et éthiques, mais se précise, une fois après l'autre, par le moyen du discernement chrétien de la réalité, interprétée à la lumière de l'Evangile et de l'enseignement social de l'Eglise qui montre ainsi à chaque moment de l'histoire son actualité. Ce serait donc une grave erreur doctrinale et méthodologique que de ne pas tenir compte, dans l'interprétation des problèmes de chacune des époques de l'histoire, de la riche expérience acquise par l'Eglise et exprimée dans son enseignement social. Aussi tous les chrétiens doivent-ils se mettre en face des situations nouvelles avec une conscience formée selon toutes les exigences éthiques de l'Evangile et avec une sensibilité sociale vraiment chrétienne, mûrie par l'étude attentive des diverses déclarations magis-térielles.

55. Respect de la dignité de la personne humaine

L'Eglise dans sa pastorale sociale s'engage pour la pleine réalisation de la promotion humaine. Une telle promotion rentre dans le dessein de la promotion salvifique de l'homme et de la construction du Règne de Dieu, en tant qu'il tend à ennoblir la personne humaine dans toutes ses dimensions, d'ordre naturel et surnaturel. Comme l'enseigne Gaudium et spes, la mission d'évangélisation qui vise le salut, c'est-à-dire la libération définitive de l'homme, requiert une action pastorale diversifiée selon les milieux où elle se réalise: prophétique, liturgique et de charité. L'action pastorale de l'Eglise dans ses relations avec le monde est une action de présence, de dialogue et de service à partir de la foi, dans l'ample et vaste domaine social, économique, politique, culturel, technologique, écologique etc.: elle embrasse, en un mot, tout le panorama des réalités temporelles.

Etant donné le primat de l'homme sur les choses, un premier critère ou norme non seulement de jugement, mais aussi d'action est la dignité de la personne, qui comporte le respect et la promotion de tous les droits personnels et sociaux inhérents à sa nature.

La moralité, la discrimination entre le juste et l'injuste, dépendra de la conformité ou de la non-conformité des lignes politiques et des décisions, des projets et des programmes adoptés par les divers agents sociaux (gouvernants, partis politiques, institutions et organisations, personnes et groupes) avec la dignité de la personne, qui a des exigences éthiques inviolables.

56. Dialogue respectueux

Dans la situation du monde contemporain, les profonds changements survenus dans tous les domaines de l'activité humaine, économique, culturelle, scientifique et technique, ont fait émerger de nouveaux problèmes qui réclament l'engagement de tous les hommes de bonne volonté. Parmi ces problèmes ressortent ceux de la faim, de la violence, du terrorisme national et international, du désarmement et de la paix, de la dette extérieure et du sous-développement des Pays tu Tiers Monde, des manipulations génétiques, de la drogue, de la détérioration de l'environnement, etc.

Dans ce contexte, l'action pastorale de l'Eglise doit s'accomplir en collaboration avec toutes les forces vives et agissantes dans le monde actuel. Il s'en suit qu'un second critère d'action est l'exercice du dialogue respectueux comme méthode appropriée pour trouver une solution aux problèmes, moyennant des accords programmés et efficaces.

57. Lutte pour la justice et la solidarité sociale

Le monde d'aujourd'hui est en outre caractérisé par d'autres " zones de misère "120 et " d'autres formes d'injustices beaucoup plus vastes "121 que celles des époques précédentes, comme la faim, le chômage, la marginalisation sociale, la distance qui sépare les riches — Pays, régions, groupes et personnes — des pauvres. En conséquence, un troisième critère d'action est " la lutte noble et raisonnée en faveur de la justice et de la solidarité sociale ".122

58. Formation aux nécessaires compétences

L'action concrète dans le domaine des réalités temporelles, selon les indications du Magistère, est principalement la tâche des laïcs, qui doivent se laisser guider constamment par leur conscience chrétienne. Il est donc juste qu'ils acquièrent, en même temps que la formation morale et spirituelle, les compétences nécessaires dans le domaine scientifique et politique qui les rendent aptes à mener une action efficace, mise en œuvre selon de justes critères moraux.123 Des devoirs de non moindre importance à cet égard reviennent donc aussi aux Pasteurs qui doivent aider les laïcs à se former une conscience chrétienne droite et leur donner " lumière et force spirituelle ".124 Il est évident que les Pasteurs ne pourront accomplir cette tâche spécifique que s'ils sont, à leur tour, de bons connaisseurs et défenseurs de la doctrine sociale et que s'ils ont acquis une sensibilité pour l'action en ce domaine, à la lumière de la Parole de Dieu et de l'exemple du Seigneur. En conséquence, un quatrième critère d'action est la formation à ces compétences.

Ce qui compte le plus est que pasteurs et fidèles soient et se sentent unis dans la participation, chacun selon ses propres capacités, compétences et fonctions, dans la diversité des dons et des ministères, à l'unique mission salvifique de l'Eglise. Selon cette vision ecclésiologique, le devoir d'animer chrétiennement les réalités temporelles n'est pas délégué aux laïcs par la hiérarchie, mais surgit de façon innée de leur être de baptisés et de confirmés. En notre temps, on a pris une conscience toujours plus vive de la contribution nécessaire des laïcs à la mission évangélisatrice de l'Eglise. Lumen gentium affirme qu'en certains lieux et en certaines circonstances, l'Eglise, sans eux, ne peut devenir sel de la terre et lumière du monde.125

59. L'expérience des réalités temporelles et l'expérience de la foi

L'identité ecclésiale des laïcs, enracinée dans le baptême et la confirmation, actualisée dans la communion et dans la mission, comporte une double expérience: celle qui se fonde sur la connaissance des réalités naturelles, historiques et culturelles de ce monde et celle qui provient de leur interprétation à la lumière de l'Evangile. Ces expériences ne sont pas interchangeables: l'une ne peut pas remplacer l'autre, mais les deux trouvent leur unité dans leur premier fondement, qui est la Parole de Dieu, le Verbe par qui tout a été fait, et dans leur fin dernière, qui est le Règne de Dieu. Il en résulte qu'un cinquième critère concernant l'aspect méthodologique de l'action est l'usage de la double expérience: celle des réalités temporelles et celle de la foi chrétienne.

Cette méthode utilisée dans l'application de la doctrine sociale de l'Eglise aidera tous les chrétiens, et en particulier les laïcs, à donner à la réalité une plus juste interprétation. Ce faisant, ils pourront voir jusqu'à quel point s'incarnent dans la réalité historique les valeurs humaines et chrétiennes qui définissent la dignité de la personne humaine, relier les principes généraux de la pensée et de l'action dans le domaine social aux valeurs qu'une société doit toujours respecter pour la solution de ses problèmes, posséder une orientation dans la recherche concrète des solutions nécessaires, stimuler le changement ou la transformation des structures de la société, qui se révèlent insuffisantes ou injustes, évaluer avec sagesse les programmes élaborés par toutes les forces vives au plan politique et culturel. De cette manière, sera assuré l'authentique progrès de l'homme et de la société dans une dimension plus humaine du développement, qui ne fasse pas abstraction de la croissance économique mais ne soit pas non plus commandé exclusivement par elle.

60. Ouverture aux dons de l'Esprit

Comme l'on a déjà dit, l'Eglise n'offre pas son modèle propre de vie sociale; elle reste plutôt ouverte à un certain pluralisme de projets et d'hypothèses pour l'action, selon les charismes et les dons accordés par l'Esprit aux laïcs en vue de l'accomplissement de leur mission dans le cadre de la famille, du travail, de l'économie, de la politique, de la culture, de la technique, de l'écologie, etc. Il en résulte que les directives d'action contenues dans la doctrine sociale de l'Eglise prennent une signification particulière selon les caractéristiques spécifiques de l'action à accomplir en chacun de ces domaines. De là, un sixième critère d'action: l'ouverture aux charismes et aux dons de l'Esprit Saint dans l'engagement et dans les choix chrétiens de la vie sociale.

61. Pratique de l'amour et de la miséricorde

La conscience d'être appelée à offrir son service aux réalités sociales a toujours été vive dans l'Eglise, depuis les premiers siècles jusqu'à nos jours. Son histoire en effet est remplie d'œuvres sociales de charité et d'assistance,126 où resplendit le visage d'une communauté pauvre et miséricordieuse, toute tendue à mettre en pratique " le discours sur la montagne ".

Les témoignages de cette conscience pastorale sont innombrables chez les Papes, maîtres de doctrine sociale. Dans leurs documents, ils invitent à améliorer les conditions de vie des travailleurs et encouragent des expériences en ce sens;127 ils recommandent de pratiquer la charité, en l'harmonisant avec la justice;128 ils étendent l'action sociale à tout le domaine temporel;129 ils réclament que l'affirmation des principes, la déclaration des intentions et la dénonciation des injustices soient accompagnées d'une action effective et responsable;130 ils rappellent que sont une preuve de la constante attention de l'Eglise à la question sociale, non seulement les documents du Magistère — conciliaire, pontifical et épiscopal — mais aussi l'activité des divers centres de pensée et d'action, et les initiatives concrètes d'apostolat social dans les Eglises particulières et dans le domaine international;131 ils invitent le clergé, les religieux et les laïcs à s'engager dans " les divers secteurs, œuvres et services " de la " pastorale sociale ".132 De cette conscience sociale émerge un dernier critère d'action qui doit être présent en tous les autres critères ci-dessus mentionnés: la pratique du commandement de l'amour et de la miséricorde en tout ce qui, selon l'esprit de l'Evangile, assigne la priorité aux pauvres.133 Une telle priorité, attestée par toute la Tradition de l'Eglise, a été confirmée avec force par Sollicitude rei socialis. Dans ce document pontifical, on lit en effet qu'" aujourd'hui, étant donné la dimension mondiale qu'a prise la question sociale, cet amour préférentiel, de même que les décisions qu'il nous inspire, ne peut pas ne pas embrasser les multitudes immenses des affamés, des mendiants, des sans-abri, des personnes sans assistance médicale et, par-dessus tout, sans espérance d'un avenir meilleur: on ne peut pas ne pas prendre acte de l'existence de ces réalités. Les ignorer reviendrait à s'identifier au " riche bon vivant " qui feignait de ne pas connaître Lazare le mendiant qui gisait près de son portail (cf. Le 16, 19-31) ".134

62. Lien entre la doctrine sociale et la praxis chrétienne

Dans la conscience de l'Eglise, le lien essentiel qui unit la doctrine sociale à la praxis chrétienne dans les secteurs, les œuvres et les services où l'on cherche à mettre en œuvre les principes et les normes, est évident. En particulier, la pastorale présuppose la doctrine sociale et celle-ci conduit à l'action pastorale comme partie privilégiée de la praxis chrétienne. La présence de l'Eglise dans le monde et son dialogue avec lui pour chercher à résoudre les problèmes complexes des hommes exigent la nécessaire compétence des pasteurs et requièrent donc de leur part une étude sérieuse de la doctrine sociale, accompagnée d'une formation à l'action pastorale et à l'apostolat. Encore une fois, on se trouve devant une exigence précise de programmation adéquate et de bonne organisation de l'enseignement.

63. Conséquences dans le domaine politique

Le fait que l'Eglise ne possède ni n'offre de " modèle " particulier de vie sociale, le fait qu'elle ne soit liée à aucun système politique comme à une " voie " propre à choisir parmi les autres systèmes,135 ne veut pas dire qu'elle ne doive pas former et encourager ses fidèles — et de façon spéciale les laïcs — pour qu'ils prennent conscience de leur responsabilité dans la communauté politique,136 et optent en faveur de solutions et, quand c'est historiquement vérifiable, d'un modèle dont l'inspiration de la foi puisse devenir praxis chrétienne. Les directives de la doctrine sociale de l'Eglise pour l'action des laïcs sont valables aussi bien en matière politique dans les autres domaines de la réalité temporelle où l'Eglise se doit d'être présente en vertu de sa mission évangélisatrice.

La foi chrétienne, en effet, valorise et tient en grande estime la dimension politique de l'existence humaine et de l'activité où elle s'exprime. Il s'en suit que la présence de l'Eglise dans le domaine politique est une exigence de la foi elle-même, à la lumière de la royauté du Christ, qui porte à exclure le divorce entre la foi et la vie quotidienne, "une des plus graves erreurs de notre époque".137 Toutefois évangéliser la totalité de l'existence humaine, la dimension politique y comprise, ne signifie pas nier l'autonomie de la réalité politique, comme celle de l'économie, de la culture, de la technique, etc., chacune dans son ordre.

Pour clarifier cette présence de l'Eglise, il est bon de distinguer les " deux concepts de politique et d'engagement politique ".138 En ce qui concerne le premier concept, l'Eglise peut et doit juger les comportements politiques non seulement en tant qu'ils touchent la sphère religieuse, mais aussi pour tout ce qui regarde la dignité et les droits fondamentaux de l'homme, le bien commun, la justice sociale: tous problèmes qui ont une dimension éthique, considérée et évaluée par l'Eglise à la lumière de l'Evangile, en vertu de sa mission " d'évangéliser l'ordre politique " et, par la même, de l'humaniser totalement. Il s'agit d'une politique entendue dans sa plus haute valeur " sapientielle " et qui est du devoir de l'Eglise toute entière. Par contre, l'engagement politique, dans le sens de décisions concrètes à prendre, de programmes à formuler, de campagne à conduire, de représentations populaires à gérer, de pouvoirs à exercer, est un devoir qui revient aux laïcs selon les justes lois et institutions de la société terrestre dont ils font partie. Ce que l'Eglise demande et cherche à procurer à ses fils, est la possession d'une conscience droite et conforme aux exigences de l'Evangile pour travailler avec sagesse et de façon responsable au service de la communauté.139

Les Pasteurs et les autres ministres de l'Eglise, pour mieux conserver leur liberté dans l'évangélisation de la réalité politique, se maintiendront en dehors des partis et des groupes, qui pourraient engendrer des divisions ou compromettre l'efficacité de l'apostolat, ils n'y apporteront pas non plus de soutiens préférentiels, à moins que dans des " circonstances concrètes et exceptionnelles ne l'exige le bien de la communauté".140

64. Signe de la présence du Règne

Dans le cadre des valeurs, des principes et des normes que l'on a tracé, il apparaît que l'action sociale de l'Eglise, éclairée par l'Evangile, est signe de la présence du Règne de Dieu dans le monde, en tant qu'elle proclame les exigences de ce Règne dans l'histoire et dans la vie des peuples comme fondement d'une nouvelle société; en tant qu'elle dénonce tout ce qui porte atteinte à la vie et à la dignité des personnes dans les comportements, dans les structures et dans les systèmes sociaux; en tant qu'elle promeut la pleine intégration de tous dans la société, comme exigence éthique du message évangélique de la justice, de la solidarité et de l'amour. C'est une action pastorale accomplie par le moyen de la Parole qui transforme la conscience des hommes; par le moyen de l'élaboration et de la diffusion d'une doctrine sociale, intéressée à attirer l'attention et à éveiller la sensibilité de tous — et spécialement de la jeunesse — sur les problèmes sociaux et sur l'exigence évangélique de l'engagement pour la justice en faveur des pauvres et de tous les souffrants; par le moyen enfin d'une action prompte et généreuse qui cherche à répondre aux nombreux problèmes concrets qui rendent plus difficile la vie des personnes et de la société. Ainsi, la Parole éclaire la conscience et les œuvres incarnent la Parole.

65. Conclusion sur la signification et sur le dynamisme de la doctrine sociale

De l'examen de la nature et de la dimension historique de la doctrine sociale de l'Eglise et de ses éléments constitutifs, tels que les principes fondamentaux, les critères de jugement et les directives d'action, on tire la conviction que cette doctrine, tout en constituant déjà un " patrimoine riche et complexe ", suffisamment défini et solide, a encore devant elle de nombreuses étapes à parcourir, selon le dynamisme du développement de la société humaine dans l'histoire.

Par sa condition même, bien qu'étant difficilement définissable en termes rigoureusement scolastiques, la doctrine sociale, dans les paragraphes précédents, se profile cependant, au moins dans ses contours essentiels, avec une clarté suffisante, en se présentant en premier lieu comme "partie intégrante de la conception chrétienne de la vie".141 En effet, on a vu que son incidence dans le monde n'est pas marginale, mais décisive en tant qu'action de l'Eglise, " ferment ", " sel de la terre ", " semence ", et " lumière " de l'humanité.142

Sur la base de ces présupposés, le Magistère de l'Eglise — papal, conciliaire, épiscopal — avec l'apport de l'étude et de l'expérience de toute la communauté chrétienne, élabore, organise, expose cette doctrine comme un ensemble d'enseignements offerts non seulement aux croyants, mais aussi à tous les hommes de bonne volonté, pour éclairer par l'Evangile le chemin commun vers le développement et la libération intégrale de l'homme.

 

 

 

VI

LA FORMATION

 

 

66. Finalité du document

Les orientations données dans l'exposé précédent sont destinées à ceux qui ont le devoir et la responsabilité de la formation des candidats au sacerdoce et des étudiants des divers Instituts théologiques. Elles ont été préparées dans l'intention de faciliter et de stimuler le travail éducatif dans le domaine de la doctrine sociale; il ne fait aucun doute que les enseignants sauront en tirer profit pour une bonne organisation des contenus et des méthodes de l'enseignement. Le but du document est en effet de mettre en évidence, dans l'étude de cette discipline, les points fondamentaux et par conséquent indispensables à une solide formation théologique et pastorale des futurs prêtres.

On estime pour cela opportun de consacrer le présent chapitre à des indications concrètes qui promeuvent la préparation spécifique des professeurs et structurent mieux la formation des élèves.

 

 

 

1

La formation des professeurs

 

 

67. Formation théologique, scientifique et pastorale

Il n'est pas nécessaire d'insister sur le fait que le bon accueil de la doctrine sociale de l'Eglise de la part des étudiants dépend dans une grande mesure de la compétence et de la méthode d'enseignement des professeurs. L'acquisition de ces qualités requiert de leur part une grande préparation, qui ne peut être garantie seulement par un certain nombre de cours de doctrine sociale donnés dans les limites des études philosophiques et théologiques.

C'est pour cela que les évêques et les supérieurs des Centres de formation ecclésiastique ont la grave responsabilité d'envoyer quelques élèves, capables et intéressés, aux Facultés des Sciences Sociales et aux autres Instituts supérieurs similaires, approuvés par l'autorité ecclésiastique, afin de pouvoir disposer ainsi d'enseignants dotés d'une formation scientifique adéquate. L'Eglise désire que de tels enseignants, à qui est confiée la formation du clergé, soient choisis parmi les meilleurs et possèdent une solide doctrine et une expérience pastorale convenable, unie à une bonne formation spirituelle et pédagogique.143

L'on ne doit pas oublier par ailleurs que pour l'enseignement de la doctrine sociale, la simple connaissance des documents correspondants du Magistère ne suffit pas. Il est nécessaire que les professeurs possèdent une ample et profonde formation théologique, soient compétents en morale sociale et connaissent au moins les éléments fondamentaux des sciences sociales modernes. Par ailleurs, il faut promouvoir une étroite collaboration avec les professeurs de morale, de dogmatique et de pastorale afin de garantir la cohérence, l'unité, la solidité de l'enseignement et finalement de permettre aux élèves d'avoir une vision synthétique de la théologie et de la pastorale. Il faut aussi chercher à ce que la formation doctrinale et la formation pastorale soient étroitement jointes à la formation spirituelle.144

68. Fonction des sciences sociales

Comme l'on a déjà indiqué plus haut (nn. 10.50), la doctrine sociale de l'Eglise ne peut se passer des sciences sociales, si elle veut se maintenir en contact avec la vie de la société et avoir une incidence effective sur la réalité pastorale. Pour cette raison, on recommande vivement aux professeurs de doctrine sociale de s'intéresser à la bonne réussite de la préparation pastorale des candidats au sacerdoce, en tenant compte que dans l'enseignement ils ne peuvent se limiter seulement " à rappeler les principes généraux ", mais qu'ils doivent se préoccuper de les développer " par une réflexion mûrie au contact des situations changeantes de ce monde, sous l'impulsion de l'Evangile comme source de renouveau".145

II s'en suit qu'il est aussi de leur devoir d'initier les élèves à l'usage des moyens qu'offrent les sciences humaines, selon les normes de l'Eglise.146

Les sciences humaines, en effet, sont un instrument important pour évaluer les situations changeantes et établir un dialogue avec le monde et les hommes de toute opinion.147 Elles offrent à l'enseignement social le contexte empirique, dans lequel les principes fondamentaux peuvent et doivent être appliqués; elles mettent à disposition un abondant matériel d'analyse pour l'évaluation et le jugement des situations et des structures sociales; elles aident à prendre une orientation dans les choix concrets à faire. Sans doute, dans l'étude et dans l'intérêt pour les sciences sociales, on doit éviter le danger de tomber dans les pièges des idéologies qui manipulent l'interprétation des données, ou dans le positivisme qui surévalue les données empiriques au détriment de la compréhension globale de l'homme et du monde.

69. Formation permanente

C'est un fait évident que la réalité sociale et les sciences qui l'interprètent sont sujettes à un continuel et rapide changement. Pour cette raison, est tout particulièrement nécessaire la formation permanente des professeurs, qui garantit leur " aggiornamento " continu. L'absence de contact étroit avec les nouvelles problématiques et les nouvelles orientations au niveau national, international et mondial, comme aussi avec les nouveaux développements de la doctrine sociale de l'Eglise, peut priver d'intérêt et de capacité formative leur enseignement.

70. Expérience pastorale

Pour que les professeurs puissent enseigner la doctrine sociale non pas seulement comme une théorie abstraite, mais comme une discipline orientée vers l'action concrète, l'expérience pastorale directe leur sera très utile. Cette expérience sera diversifiée selon les lieux, les situations, les capacités et les propensions de chacun, mais toujours choisie et organisée de manière à favoriser le caractère concret, valable et incisif de l'enseignement.

 

 

 

2

La formation des élèves

 

 

71. Instruction pastorale

Dans l'esprit du Concile Vatican II et du Code de Droit Canon, l'aptitude au ministère pastoral des candidats au presbytérat s'obtient par le moyen d'une formation intégrale, attentive à faire croître tous les aspects de la personnalité sacerdotale: humains, spirituels, théologiques et pastoraux. On peut faire un discours analogue pour la préparation des laïcs à l'apostolat.

A ce propos, on doit se rappeler que, bien qu'il soit vrai que toute la formation ait une finalité pastorale, il est cependant nécessaire de prévoir pour tous une instruction spécifiquement pastorale,148 qui tienne compte aussi de la doctrine sociale de l'Eglise.

72. Dans le cadre de cette formation, qui sans doute requiert et inclut, comme l'on a dit, une préparation théologique adéquate pour l'annonce de la Parole selon les exigences des personnes, des lieux et des temps et pour le dialogue de l'Eglise avec le monde, il faut susciter chez les élèves l'intérêt et la sensibilité pour la doctrine et la pastorale sociale de l'Eglise. En ce sens, le Code parle de la nécessité d'éduquer les futurs prêtres au " dialogue avec les personnes " et de les sensibiliser aux " tâches sociales " qui reviennent à l'Eglise.149

73. Cours de doctrine sociale

Quant à l'espace à réserver à la doctrine sociale à l'intérieur du programme des études dans les Centres de formation ecclésiastique, il apparaît clairement, en conformité avec ce qui a été dit, qu'il ne suffit pas d'en traiter en quelques leçons facultatives à l'intérieur des cours de philosophie et de théologie, mais qu'il est indispensable de programmer des cours obligatoires qui s'en tiennent à cette discipline.

Quant à savoir le moment le plus opportun pour cette étude, il dépend de l'organisation scolaire des divers Centres et Institutes de formation. Il pourrait être utile de disposer les cours tout au long du déroulement de la formation des élèves. Cette solution assurerait la nécessaire continuité et la gradualité de l'étude et permettrait de mieux comprendre les notions de philosophie sociale et de théologie présentes dans les divers documents. En tout cas, il est indispensable que, durant la formation, soit garantie la connaissance des grandes encycliques sociales.

Celles-ci doivent être la matière de cours spéciaux et représenter une lecture obligatoire pour les étudiants. Leur approche devra tenir compte du contexte socio-culturel dans lequel elles furent écrites, des présupposés théologiques et philosophiques sur lesquels elles se basent, de leur relation avec les sciences sociales et de leur signification pour la situation actuelle.

Par ailleurs, en connexion avec les documents de l'Eglise universelle, on devra étudier aussi les problématiques sociales des Eglises particulières et locales.

74. Fondement philosophico-théologique

En plus de la sensibilisation pastorale pour les problèmes sociaux, il est nécessaire d'offrir aux élèves un solide fondement philosophico-théologique sur les principes de la doctrine sociale et sur ses relations interdisciplinaires. Ce fondement est de particulière importance dans la situation actuelle de " dialogue avec le monde ", que vit l'Eglise en mettant en pratique les orientations du Concile Vatican II. En effet, les prêtres tout comme les laïcs engagés dans l'apostolat social sont fréquemment interpellés par des idéologies radicales et totalitaires, tant collectivistes qu'individualistes, par des tendances sécularisantes quand ce n'est pas directement par un sécularisme étranger à l'esprit chrétien.

75. Le message authentique et intégral du Christ

Comme l'on a déjà dit, la formation théologico-pastorale et spirituelle de tous ceux qui veulent se consacrer à l'action sociale comporte la sensibilisation aux divers problèmes de la société, l'habitude d'évaluer, selon les critères de la doctrine sociale de l'Eglise, les situations, les structures, les systèmes économiques, sociaux et politiques. Elle comporte, en outre, une préparation spécifique afin de pouvoir œuvrer adéquatement aux divers niveaux et dans les différents secteurs de l'activité humaine.

Mais, par-dessus tout, une telle formation requiert que laïcs et candidats au presbytérat prennent conscience du devoir de rendre témoignage au Christ au milieu du monde par leur action. En particulier, les évêques et les prêtres sont appelés à prêcher le message du Christ de telle sorte que toute l'activité temporelle des hommes reste imprégnée de la lumière de l'Evangile.150 Sans aucun doute, la contribution essentielle de l'Eglise dans le domaine social est toujours l'annonce intégrale de l'Evangile: annonce qui réserve d'ailleurs une grande attention aux problèmes sociaux.

L'interprétation de l'Evangile et son application à la réalité sociale de l'homme d'aujourd'hui sont donc essentielles dans la formation théologique et interdisciplinaire des élèves et ont une valeur déterminante pour l'efficacité de la pastorale. Dans cette formation, le témoignage de vie, la prédication et l'action ne peuvent se séparer, car ils sont unis dans la personne même de Jésus, dans l'Evangile et dans la tradition de l'Eglise.

76. Les premières expériences pastorales

Durant la période de la formation, on conseille d'orienter les étudiants vers des expériences de caractère pastoral et social, qui les mettent en contact direct avec les problèmes étudiés, comme cela est déjà en train de se faire en certains Pays avec des résultats positifs. Dans cette formation, il importe beaucoup que les étudiants soient pleinement conscients du rôle spécifiquement sacerdotal de l'action sociale, spécialement souligné en ces derniers temps en plusieurs occasions tant par le Magistère de l'Eglise universelle que par celui des Eglises particulières. Sont beaucoup conseillés les visites et les dialogues des étudiants, accompagnés de leurs professeurs, avec le monde du travail — entrepreneurs, travailleurs, syndicats — avec les organisations sociales et avec les secteurs marginaux.

77. Devoir du prêtre à l'égard des laïcs

Fait partie de la formation à la pastorale sociale l'instruction des élèves sur le devoir et sur la méthode à suivre pour faire prendre aux laïcs une conscience toujours plus vive de leur mission et de leur responsabilité dans le domaine social. Dans cette perspective, le devoir du prêtre est d'aider les laïcs à prendre conscience de leur rôle, de les former tant spirituellement que doctrinalement, de les accompagner dans l'action sociale, de participer à leurs fatigues et à leurs souffrances, de reconnaître l'importante fonction de leurs organisations au plan apostolique comme au plan de l'engagement social, de leur donner le témoignage d'une profonde sensibilité sociale. L'efficacité du message chrétien dépend donc, outre l'action de l'Esprit Saint, du style de vie et du témoignage pastoral du prêtre qui, en servant les hommes de manière évangélique, révèle le visage authentique de l'Eglise.151

78. Conclusion

Finalement, la Congrégation pour l'Education Catholique, en remettant le présent document à leurs Excellences les Evêques et aux divers Instituts d'études théologiques, souhaite qu'il puisse offrir une aide valable et une orientation sûre pour l'enseignement de la doctrine sociale de l'Eglise. Un tel enseignement, s'il est donné correctement, saura sans doute inspirer un nouvel élan apostolique aux futurs prêtres et aux autres travailleurs pastoraux, en leur indiquant la route sûre pour une action pastorale efficace. En considération des multiples nécessités spirituelles et matérielles de la société d'aujourd'hui, signalées en tant d'occasions par le Souverain Pontife Jean-Paul II, on ne peut que désirer que chaque candidat au sacerdoce devienne un messager éclairé et responsable de cette expression moderne de la prédication évangélique qui est la plus valable pour proposer des remèdes efficaces aux maux de notre époque et contribuer ainsi au salut du monde.

Ce sera le devoir de leurs Excellences les Evêques et des Responsables des Instituts de formation sacerdotale de veiller par tous les moyens à ce que ces " Orientations ", dûment éclairées et intégrées dans les programmes de formation, puissent produire la reprise de la préparation doctrinale et pastorale, qui est aujourd'hui attendue et qui répond à nos désirs communs.

Rome, du Palais de la Congrégation, le 30 Décembre 1988.

 

WILLIAM Card. BAUM

Préfet

 

JOSÉ SARAIVA MARTINS

Arch. tit. de Tuburnica

Secrétaire

 

 

 

 

 

APPENDICE I

 

 

INDEX DE SUJETS

QUE L'ON PEUT OPPORTUNEMENT TRAITER DANS L'ENSEIGNEMENT DE LA DOCTRINE SOCIALE DE L'EGLISE DANS LES SEMINAIRES

 

 

Le but des présentes " Orientations " étant de mettre en évidence les points qui, dans l'étude de la doctrine sociale de l'Eglise, sont à considérer comme indispensables, la Congrégation pour l'Education Catholique désire offrir aux enseignants de cette discipline un plan de programme pour les aider à donner à leur enseignement une bonne organisation par rapport au contenu. Etant donné la grande diversité des situations locales, il ne s'agit évidemment que d'une proposition qui laisse aux enseignants tout l'espace nécessaire pour l'organisation des leçons et des exercices pastoraux en conformité aux nécessités concrètes des diocèses, selon les orientations des Conférences épiscopales et des Evêques diocésains. On est en effet bien conscient qu'un enseignement solide et profitable de la doctrine sociale de l'Eglise, tout en restant lié à un noyau essentiel de vérités et de principes dont il faut tenir compte et qui est commun à tous (cf. plus haut p. 53, n. 52), ne peut cependant laisser de côté les problématiques locales particulières, ni la nécessité d'opportunes adaptations pour insérer le message évangélique dans le concret de la vie.

 

 

 

I

 

 

En introduction au cours ou aux cours sur la doctrine sociale de l'Eglise, on pourrait développer, parmi d'autres points et selon le programme académique particulier, les contenus suivants:

1. Présentation et explication des Orientations.

2. Nature de la doctrine sociale de l'Eglise (cf. Orientations, 3-14).

3. Enracinements scripturaires de la doctrine sociale de l'Eglise, aussi bien dans l'Ancien que dans le Nouveau Testament: la libération salvifique dans l'Histoire du salut — Jésus-Christ libérateur — Distinction entre libération salvifique et libérations humaines — Libération intégrale — La mission évangélisatrice de l'Eglise — Le dialogue de l'Eglise avec le monde — La dimension sociale de la mission évangélisatrice de l'Eglise (cf. Orientations, 15-17).

4. Dimension théologique de l'enseignement social de l'Eglise (cf. Orientations, 9): présupposés christologiques et ecclésiologiques — Fondement anthropologique: la vérité complète de l'homme et sur l'homme — " L'homme est la route première et fondamentale de l'Eglise " — La promotion intégrale de l'homme face à lui-même, face à Dieu, face aux autres hommes et face aux choses — " L'amour préférentiel pour les pauvres " — Conséquences au plan social, économique et politique.

 

 

 

II

Un " riche patrimoine ": Les étapes du développement

de la doctrine sociale de l'Eglise (cf. Orientations, 18-28)

 

 

1. Histoire de la doctrine sociale — Début de cette Histoire: l'Ancien Testament (Exode et Prophètes) — Ecrits Apostoliques.

2. L'apport des Saints Pères, des Docteurs et des grands Théologiens de l'Eglise (Saint Thomas d'Aquin) jusqu'à l'époque moderne.

3. La révolution industrielle et la naissance de la " question sociale " au sens strict — Les précurseurs de la doctrine sociale.

4. Période préconciliaire de la doctrine sociale: de Léon XIII à Pie XII — Contexte socio-culturel de Rerum novarum et de Quadragesimo anno. Finalité et contenu de ces encycliques et des messages sociaux de Pie XII.

5. Période conciliaire (1961-1971): situation technico-économique, socio-politique et socio-culturelle — Finalité et contenu général des documents de cette période: Mater et Magistra et Pacem in terris de Jean XXIII, Gaudium et spes du Concile Vatican II, Populorum progressio, Octogesima adveniens et Evangelii nuntiandi de Paul VI.

6. Période de Jean-Paul II: contexte technico-économique, socio-politique et socio-culturel — Finalité et contenu général des encycliques de Jean-Paul II: Redemptor hominis (la partie sociale), Dives in misericordia (le contenu social), Laborem exercens, Familiaris consortio (la partie sociale), Sollicitude rei socialis

— Les grands Discours et Messages sociaux.

 

 

 

III

Principes et Orientations de l'Eglise dans

les divers domaines de la vie sociale (cf. Orientations, 30-52)

 

 

1. Préambule logique: L'égalité fondamentale entre les hommes sur le plan des valeurs et des droits — Les valeurs fondamentales: la liberté, la vérité, la justice, l'amour, la paix — la destination commune des biens de ce monde — L'ambiguïté du monde, de ses aspirations — La condamnation de toute forme de racisme et de colonialisme au nom de l'unité et de l'universalité de l'humanité et de la vocation commune de tous les hommes — La nécessité de réformes dans la société portée à accumuler les causes des injustices.

2. La personne humaine: la dignité de la personne humaine: sujet autonome, intelligent, libre, spirituel et transcendant — Le sens de la vocation de l'homme.

3. Les droits humains: Relation Eglise-Etat — Philosophie et théologie des droits humains — Identité et universalité des droits humains — Proclamation et défense des droits — Défense de la dignité de l'homme: de l'oppression politique, économique et culturelle; des pressions des moyens d'information et de communication de masse; des attaques à la liberté religieuse, fondement et garantie des autres libertés — La charte internationale des droits de l'homme — Les droits des peuples.

4. L'interdépendance personne-société: Socialité et dimension sociale de l'homme — La dimension conflictuelle de l'existence personnelle — Importance d'une formation pour comprendre la nature des conflits — Le sens de la société et de la communauté — La dynamique des groupes et des associations dans la vie sociale — Les corps sociaux intermédiaires — Expressions de la société dans la famille et dans la communauté politique — L'équilibre social.

5. Le bien commun: Notions et contenus du bien commun — L'autorité comme service du bien commun — Le bien commun international — Interprétation du bien commun selon les idéologies modernes.

6. La solidarité humaine: Solidarité entre les hommes et entre les peuples, entre les pays riches et les pays pauvres — Les relations Nord-Sud — La solidarité internationale et mondiale — Solidarité: parole évangélique moderne (amour social).

7. La subsidiarité: La fonction directive de l'Etat et la subsidiarité — La planification excessive et la perte de la liberté — La programmation promotrice de la liberté — Subsidiarité comme réaction à l'exploitation des personnes et des groupes.

8. La participation: Participation et société — La participation de tous les secteurs et niveaux de la société au bien commun — Accès de tous aux décisions dans les divers domaines et niveaux de la vie sociale — Réconciliation et dialogue.

9. Conception organique de la vie sociale: Le personnalisme chrétien et communautaire — La multiplication sociale des relations sociales et des groupes — Le dynamisme associatif — Sociétés intermédiaires et unités supérieures — Communauté et structure sociétaire — Importance de l'associationnisme social chrétien.

 

 

 

IV

Réalisation des principes et valeurs aux divers

niveaux et secteurs de la vie sociale (cf. Orientations, 53-63)

 

 

1. Doctrine sociale et sciences sociales: Autonomie du temporel — Autonomie de la science, dialogue interdisciplinaire — Théologie et sciences — Sciences sociales et économiques: auxiliaires de l'action pastorale de l'Eglise — Sciences, technologie, idéologies.

2. Dans la famille: La problématique familiale dans le monde d'aujourd'hui — La valeur fondamentale de la famille, comme cellule et noyau vital de la société — La famille et la personne — La famille et la société civile

— La famille et l'Eglise — Droits et devoirs de la famille — Eléments constitutifs de la communauté familiale — La famille et le rôle de l'éducation

— Les transformations de la famille dans la société — Indissolubilité du mariage face aux autres formes de mariage.

3. Dans l'économie: Autonomie légitime des réalités terrestres au service de l'homme — La vie économique dans ses aspects et problèmes contemporains

— Caractéristiques des systèmes actuels de production — La crise des systèmes économiques: capitalisme et collectivisme — Phénomènes de la crise de l'économie actuelle: chômage, inflation, crise monétaire, problématique de la dette extérieure — Nécessité, lois et exigences éthiques du progrès économique

— Rôle de l'économie dans la vie de l'homme — Le critère de la socialité — La voie de la justice sociale — L'économie sociale — La liberté et le contrôle social de l'économie — Nécessité et fonction social du capital — La justice sociale dans le commerce et dans les finances — La justice sociale dans le commerce international — Equilibre des prix dans les relations entre les pays riches et les pays pauvres — La politique des réinvestissements et le critère du bien commun — La politique monétaire au service du bien commun et des plus pauvres — Régulation sociale des taux d'intérêts — Caractère illicite des opérations qui dans l'échange des valeurs portent préjudice aux classes, aux régions et nations plus faibles — Nouvel ordre économique et social. La propriété privée: destination universelle des biens matériels — Accès de tous aux biens de la terre — Droit de propriété, usage et transformation de la terre

— Exploitation des ressources naturelles — Usage et possession des biens — Raisons et limites de la propriété privée — La subordination de la propriété privée à la vie — Bases d'un renouveau du droit de propriété — L'instance du socialisme — La collectivisation inconcevable dans l'humanisme chrétien — La loi de l'équilibre et de l'harmonie sociale — Le critère de la socialité — L'attention au monde agricole — Réforme agraire: division et distribution des terres non cultivées.

Le travail: La crise et la problématique actuelle du travail — Le conflit du travail: pays industrialisés et non industrialisés — La crise du travail dans le Tiers Monde — Le problème de la faim — La marginalisation sociale — Contexte du travail dans la doctrine sociale — La valeur et la dignité du travail: fondements philosophiques, théologiques et spirituels du travail humain — Dimension objective et sociale du travail — Conditions injustes du travail — Primat du travail sur le capital — Droits et devoirs des travailleurs — L'organisation du travail — Intervention des pouvoirs publics — La fonction subsidiaire de l'Etat — Le problème de la juste rétribution du travail: le salaire juste, légal, familial, suffisant — Travail et famille dans la société moderne — Le travail de la femme dans la société actuelle — Prévoyance sociale du travailleur — Les droits du travail: dépassement du caractère mercantile, dépassement de l'aliénation de l'homme dans le travail, redécouverte du sens du travail — Vers une nouvelle distribution du travail — Le chômage.

L'entreprise comme communauté de travail: La cogestion — L'association dans le monde du travail — Mouvement ouvrier et lutte des classes — Syndicats, entreprise et société — Participation des travailleurs au bien commun — Solidarité des travailleurs pour le bien commun — Solidarité des travailleurs avec les travailleurs — Contrat individuel et collectif de travail — Nature de la grève: conditions de licéité — Abus de grève.

4. Dans la politique: Phénoménologie politique contemporaine — Les grands courants idéologiques et socio-politiques — Nature de la société et du pouvoir — Société politique et Etat — Formes modernes de gouvernement: Etat totalitaire, Etat autoritaire et Etat démocratique — Composantes d'un ordre démocratique sain - Démocratie sociale — Exigences morales de la démocratie sociale — Démocratie économique — Démocratie de participation — Idéologie et praxis dans le communisme — Le libéralisme et l'absolutisation de la liberté — Autonomie de l'Etat et sa fonction de service du bien commun, de respect des droits de l'homme, de renouvellement des structures par l'exercice de la liberté et d'un sain pluralisme — Appartenance et participation à la communauté politique — L'Eglise et la politique — Liberté de l'Eglise et de l'Etat — Engagement socio-politique du christianisme: droits, devoirs et responsabilités des catholiques.

5. Dans la culture: Les mutations culturelles d'aujourd'hui — Diffusion de la civilisation industrielle et urbaine — Conception intégrale de la culture — Sa fonction dans le progrès de l'homme et de la société — L'Eglise, la culture et la pluralité des cultures — La promotion de la culture — Dialogue entre culture et foi chrétienne — Le thème de l'inculturation de la foi — Idéologie, foi et théologie — L'engagement des chrétiens — Milieux et moyens d'éducation culturelle: famille, école, université, moyens de communications, sport, tourisme — Respect et appui de l'Eglise aux hommes de science, lettres et arts — Relations entre culture et théologie — Mission culturelle des écoles et universités catholiques — Le progrès technique et la culture — Subordination du progrès technologique à la fin suprême de la vie — Communication sociale, culture et progrès humain — Droit à l'information et à la circulation des idées — Importance et fonction de l'opinion publique — Fonction du journalisme dans la culture et la société moderne — L'information au service de la vérité — Responsabilité de l'Eglise.

6. Dans la. science et dans la technique: Le problème de la manipulation de la science et de la technologie — Domaines où se produit cette manipulation — Sens éthique.

7. Dans la communauté internationale: La communauté internationale — Communauté humaine et société internationale: problèmes actuels — Respect de la liberté et autodétermination des peuples — La coopération, interdépendance et solidarité comme lois de justes rapports entre les peuples — La justice internationale et le développement économico-social des peuples — Problèmes et situations — Les relations Nord-Sud — Les relations Occident-Orient — Le problème de la guerre: son immoralité — Le désarmement — Rôle constructif de la science et de la technologie — Refus de la course aux armements — La paix: exigences morales de la paix sociale — Solidarité internationale pour la paix — Phénoménologie de la violence — Formes de violence — Causes de la violence politique — Terrorisme et guérilla — Violence répressive — Condamnation de la violence — Engagement pour la justice — Le phénomène de la mobilité humaine — Droit à l'émigration.

8. Dans l'écologie: Crise écologique — Politique écologique pour la protection du milieu en faveur de la santé de tous — Pensée de Paul VI et de Jean-Paul II — Phénomène de la concentration urbaine — Ethique écologique.

9. La " question sociale " du Tiers Monde: Problèmes, situations injustes — Espérances.

 

 

 

V

 

 

Elaboration et développement de l'enseignement social dans Les lettres pastorales des Conférences épiscopales et des Eglises particulières.

 

 

 

VI

 

 

Compétence et devoir des Evêques, des prêtres, des religieux et des laïcs dans l'élaboration de la doctrine sociale, et engagement dans l'action sociale de l'Eglise — L'action sociale de l'Eglise particulière comme réponse aux problèmes locaux.

 

 

 

VII

 

 

Conclusion théologique et pastorale: dessein de Dieu sur l'homme et sa propre vocation — Rupture du dessein de Dieu: péché personnel, social et structural — La conversion du cœur de l'homme comme don de l'Esprit.

 

 

 

APPENDICE II

 

 

TEXTES DU MAGISTERE SOCIAL DE L'EGLISE

CORRESPONDANTS A QUELQUES NOTES PLUS SIGNIFICATIVES DES

" ORIENTATIONS "

 

 

(7) " Nous réaffirmons tout d'abord que la doctrine sociale enseignée par l'Eglise fait partie intégrante de son enseignement sur la vie humaine. Aussi désirons-nous vivement la voir de plus en plus étudiée. Nous demandons qu'elle soit enseignée comme matière obligatoire dans toutes les écoles catholiques à tous les degrés, surtout dans les séminaires " (Mater et Magistra, 222. 223).

(10) " La doctrine sociale de l'Eglise n'est pas une " troisième voie " entre le capitalisme libéral et le collectivisme marxiste, ni une autre possibilité parmi les solutions moins radicalement marquées: elle constitue une catégorie en soi. Elle n'est pas non plus une idéologie, mais la formulation précise des résultats d'une réflexion attentive sur les réalités complexes de l'existence de l'homme dans la société et dans le contexte international, à la lumière de la foi et de la tradition ecclésiale. Son but principal est d'interpréter ces réalités, en examinant leur conformité ou leurs divergences avec les orientations de l'enseignement de l'Evangile sur l'homme et sur sa vocation à la fois terrestre et transcendante; elle a donc pour but d'orienter le comportement chrétien. C'est pourquoi elle n'entre pas dans le domaine de l'idéologie mais dans celui de la théologie et particulièrement de la théologie morale " (Sollicitudo rei socialis, 41).

(14) " L'évangélisation ne serait pas complète si elle ne tenait pas compte des rapports concrets et permanents qui existent entre l'Evangile et la vie, personnelle et sociale, de l'homme " (Evangelii nuntiandi, 29). " Entre évangélisation et promotion humaine — développement, libération — il y a en effet des liens profonds. Liens d'ordre anthropologique, parce que l'homme à évangéliser n'est pas un être abstrait, mais qu'il est sujet aux questions sociales et économiques. Liens d'ordre théologique, puisqu'on ne peut pas dissocier le plan de la création du plan de la Rédemption qui, lui, atteint les situations très concrètes de l'injustice à combattre et de la justice à restaurer. Liens de cet ordre éminemment évangélique qui est celui de la charité: comment en effet proclamer le commandement nouveau sans promouvoir dans la justice et la paix la véritable, l'authentique croissance de l'homme? " (Evangelii nuntiandi, 31).

(18) " La doctrine sociale de l'Eglise catholique a, sans le moindre doute possible, une valeur permanente.

Son principe essentiel est que l'homme est le fondement, la cause et la fin de toutes les institutions sociales — l'homme, être social par nature et élevé à un ordre de réalités qui transcendent la nature. En partant de ce principe fondamental, qui proclame et garantit la dignité sacrée de la personne, la Sainte Eglise, surtout depuis cent ans, avec le concours de prêtres et de laïcs qualifiés, a mis au point un enseignement social. Elle y indique avec clarté comment organiser les relations humaines selon des normes universelles, conformes à la nature des choses, adaptées aux diverses conditions de la société et aux caractères de notre époque, et, partant, susceptibles d'être acceptées par tous " (Mater et Magistra, 218. 219. 229).

(19) " ... nous devons rappeler tout d'abord le principe, déjà mis en pleine lumière par Léon XIII, que Nous avons le droit et le devoir de Nous prononcer avec une souveraine autorité sur ces problèmes sociaux et économiques... Sans doute, c'est à l'éternelle félicité et non pas à une prospérité passagère seulement que l'Eglise a reçu mission de conduire l'humanité; et même " elle ne se reconnaît " point le droit de s'immiscer sans raison dans la conduite des affaires temporelles. A aucun prix toutefois elle ne peut abdiquer la charge que Dieu lui a confiée et qui lui fait une loi d'intervenir, non certes dans le domaine technique, à l'égard duquel elle est dépourvue de moyens appropriés et de compétence, mais en tout ce qui touche à la loi morale. En ces matières, en effet, le dépôt de la vérité qui Nous est confié d'En Haut et la très grave obligation qui Nous incombe de promulguer, d'interpréter et de prêcher, en dépit de tout, la loi morale soumettent également à Notre suprême autorité l'ordre social et l'ordre économique " (Quadragesimo anno, 44. 45).

(23) " ..... L'Eglise a le devoir, à tout moment, de scruter les signes des temps et de les interpréter à la lumière de l'Evangile, de telle sorte qu'elle puisse répondre, d'une manière adaptée à chaque génération, aux questions éternelles des hommes sur le sens de la vie présente et future et sur leurs relations réciproques. Il importe donc de connaître et de comprendre ce monde dans lequel nous vivons, ses attentes, ses aspirations, son caractère souvent dramatique" (Gaudium et spes, 4).

(57) " Le but fondamental d'une telle production n'est pas la seule multiplication des biens produits, ni le profit ou la puissance; c'est le service de l'homme: de l'homme tout entier, selon la hiérarchie de ses besoins matériels comme des exigences de sa vie intellectuelle, morale, spirituelle et religieuse; de tout l'homme, disons-nous, de tout groupe d'hommes, sans distinction de race ou de continent. C'est pourquoi l'activité économique, conduite selon ses méthodes et ses lois propres, doit s'exercer dans les limites de l'ordre moral, afin de répondre au dessein de Dieu sur l'homme " (Gaudium et spes, 64).

(58) " En même temps, les conflits sociaux se sont élargis aux dimensions du monde. La vive inquiétude qui s'est emparée des classes pauvres dans les pays en voie d'industrialisation gagne maintenant ceux dont l'économie est presque exclusivement agraire: les paysans prennent conscience, eux aussi, de leur misère imméritée. S'ajoute à cela le scandale de disparités criantes, non seulement dans la jouissance des biens, mais plus encore dans l'exercice du pouvoir... " (Populorum progressio, 9).

(59) "Le développement des peuples, tout particulièrement de ceux qui s'efforcent d'échapper à la faim, à la misère, aux maladies endémiques, à l'ignorance; qui cherchent une participation plus large aux fruits de la civilisation, une mise en valeur plus active de leurs qualités humaines; qui s'orientent avec décision vers leur plein épanouissement, est considéré avec attention par l'Eglise. Au lendemain du deuxième Concile œcuménique du Vatican, une prise de conscience renouvelée des exigences du message évangélique lui fait un devoir de se mettre au service des hommes pour les aider à saisir toutes les dimensions de ce grave problème et pour les convaincre de l'urgence d'une action solidaire en ce tournant décisif de l'histoire de l'humanité " (Populorum progressio, 1).

(60) " Si la poursuite du développement demande des techniciens de plus en plus nombreux, elle exige encore plus des sages de réflexion profonde, a la recherche d'un humanisme nouveau, qui permette à l'homme moderne de se retrouver lui-même, en assumant les valeurs supérieures d'amour, d'amitié, de prière et de contemplation. Ainsi pourra s'accomplir en plénitude le vrai développement, qui est le passage, pour chacun et pour tous, de conditions moins humaines à des conditions plus humaines " a (Populorum progressio, 20).

" Moins humaines: les carences matérielles de ceux qui sont privés du minimum vital, et les carences morales de ceux qui sont mutilés par l'égoïsme. Moins humaines: les structures oppressives, qu'elles proviennent des abus de la possession ou des abus du pouvoir, de l'exploitation des travailleurs ou de l'injustice des transactions. Plus humaines: la montée de la misère vers la possession du nécessaire, la victoire sur les fléaux sociaux, l'amplification des connaissances, l'acquisition de la culture. Plus humaines aussi: la considération accrue de la dignité d'autrui, l'orientation vers l'esprit de pauvreté, la coopération au bien commun, la volonté de paix. Plus humaine encore la reconnaissance par l'homme des valeurs suprêmes, et de Dieu qui en est la source et le terme. Plus humaines enfin et surtout la foi, don de Dieu accueilli par la bonne volonté de l'homme, et l'unité dans la charité du Christ qui nous appelle tous participer en fils à la vie du Dieu vivant, Père de tous les hommes " (Populorum progressio, 21).

(62) " Si, dans le présent document, nous revenons de nouveau sur ce problème (du travail humain), ..... ce n'est pas tellement pour recueillir et répéter ce qui est déjà contenu dans l'enseignement de l'Eglise, mais plutôt pour mettre en évidence... le fait que le travail humain est une clé, et probablement la, clé essentielle, de toute la question sociale, si nous essayons de la voir vraiment du point de vue de l'homme " (Laborem exercens, 3 b).

(63) " L'Eglise est convaincue que le travail constitue une dimension fondamentale de l'existence de l'homme sur la terre. Elle est confirmée dans cette conviction par la prise en compte de l'ensemble du patrimoine des multiples sciences consacrées à l'homme: l'anthropologie, la paléontologie, l'histoire, la sociologie, la psychologie, etc.; toutes semblent témoigner de cette réalité de façon irréfutable. Toutefois, l'Eglise tire cette conviction avant tout de la source qu'est la parole de Dieu révélée, et c'est pourquoi ce qui est une conviction de l'intelligence acquiert aussi le caractère d'une conviction de foi. La raison en est que l'Eglise — il vaut la peine de le noter dès maintenant — croit en l'homme: elle pense à y l'homme et s'adresse à lui, non seulement à la lumière de l'expérience historique ou avec l'aide des multiples méthodes de la connaissance, mais encore et surtout à la lumière de la parole révélée du Dieu vivant " (Laborem exercens, 4 a).

(75) " ... La communauté politique et l'Eglise sont indépendantes l'une de l'autre et autonomes. Mais toutes deux, quoique à des titres divers sont a au service de la vocation personnelle et sociale des mêmes hommes... Il est juste qu'elle puisse partout et toujours prêcher la foi avec une authentique liberté, enseigner sa doctrine sociale, accomplir sans entraves sa mission parmi les hommes, porter un jugement moral, même en des matières qui touchent le domaine politique, quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l'exigent, en utilisant tous les moyens, et ceux-là seulement, qui sont conformes à l'Evangile et en harmonie avec le bien de tous, selon la diversité des temps et des situations " (Gaudium et spes, 76, 3. 5).

(78) " Le caractère social de l'homme fait apparaître qu'il y a interdépendance entre l'essor de la personne et le développement de la société elle-même.

En effet, la personne humaine qui, de par sa nature même, a absolument besoin d'une vie sociale, est et doit être le principe, le sujet et la fin de toutes les institutions " (Gaudium et spes, 25).

(87) " II n'en reste pas moins indiscutable qu'on ne saurait ni changer ni ébranler ce principe si grave de philosophie sociale: de même qu'on ne peut enlever aux particuliers, pour les transférer à la communauté, les attributions dont ils sont capables de s'acquitter de leur seule initiative et par leurs propres moyens, ainsi ce serait commettre une injustice, en même temps que troubler d'une manière très dommageable l'ordre social, que de retirer aux groupements d'ordre inférieur, pour les conférer à une collectivité plus vaste et d'un rang plus élevé, les fonctions qu'ils sont en mesure de remplir eux-mêmes ".

" L'objet naturel de toute intervention en matière sociale est d'aider les membres du corps social, et non pas de les détruire ni de les absorber " (Quadragesimo anno, 86).

(90) " En même temps que le progrès scientifique et technique continue à bouleverser le paysage de l'homme, ses modes de connaissance, de travail, de consommation et de relations, s'exprime toujours, dans des contextes ) nouveaux, une double aspiration plus vive au fur et à mesure que se développent son information et son éducation: aspiration à l'égalité, aspiration à la participation; deux formes de la dignité de l'homme et de sa liberté " (Octogesima adveniens, 22).

(93) " On ne peut parler de socialisation que si la subjectivité de la société est assurée, c'est-à-dire si chacun, du fait de son travail, a un titre plénier à se considérer en même temps comme copropriétaire du grand chantier de travail dans lequel il s'engage avec tous. Une des voies pour parvenir à cet objectif pourrait être d'associer le travail, dans la mesure du possible, à la propriété du capital, et de donner vie à une série de corps intermédiaires à finalités économiques, sociales et culturelles: ces corps jouiraient d'une autonomie effective vis à vis des pouvoirs publics; ils poursuivraient leurs objectifs spécifiques en entretenant entre eux des rapports de loyale collaboration et en se soumettant aux exigences du bien commun, ils revêtiraient la forme et la substance d'une communauté vivante. Ainsi leurs membres respectifs seraient-ils considérés et traités comme des personnes et stimulés à prendre une part active à leur vie " (Laborem exercens, 14, 7).

(100) " La vie en société... doit être considérée avant tout comme une réalité d'ordre spirituel: ... comme une aspiration commune à un constant enrichissement spirituel: les valeurs spirituelles doivent animer et orienter toutes choses: activité culturelle, vie économique, organisation sociale, mouvements et régimes politiques, législation et toute autre expression de la vie sociale dans sa continuelle évolution " (Pacem in terris, 16).

" II n'est pas difficile de constater que, dans le monde contemporain et sur une vaste échelle, le sens de la justice s'est réveillé ... L'Eglise partage avec les hommes de notre temps ce désir ardent et profond d'une vie juste à tous points de vue, et elle n'omet pas non plus de réfléchir aux divers aspects de la justice, telle que l'exige la vie des hommes et des sociétés. Le développement de la doctrine sociale catholique au cours du dernier siècle le confirme bien... Cependant, il serait difficile de ne pas percevoir que, souvent, les programmes fondés sur l'idée de justice et qui doivent servir à sa réalisation dans la vie sociale des personnes, des groupes et des sociétés humaines, subissent en pratique des déformations. Bien qu'ils continuent toujours à se réclamer de cette même idée de justice, l'expérience démontre que souvent des forces négatives, comme la rancœur, la haine, et jusqu'à la cruauté, ont pris le pas sur elle. Alors, le désir de réduire à rien l'adversaire, de limiter sa liberté, ou même de lui imposer une dépendance totale, devient le motif fondamental de l'action; et cela s'oppose à l'essence de la justice, qui, par nature, tend à établir l'égalité et l'équilibre entre les parties en conflit... L'expérience du passé et de notre temps démontre que la justice ne suffit pas à elle seule, et même qu'elle peut conduire à sa propre négation et à sa propre ruine, si on ne permet pas à cette force plus profonde qu'est l'amour de façonner la vie humaine dans ses diverses dimensions" (Dives in misericordia, 12, 1. 2. 3).

(101) " La solidarité est une exigence directe de la fraternité humaine et surnaturelle. Les graves problèmes socio-économiques qui se posent aujourd'hui ne pourront être résolus que si se créent de nouveaux fronts de solidarité: solidarité des pauvres entre eux, solidarité avec les pauvres, à laquelle les riches sont convoqués, solidarité des travailleurs avec les travailleurs " (CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA Foi, Instruction sur la Liberté chrétienne et la libération, 89).

" L'endettement des pays en développement prend place dans un ensemble plus vaste de relations économiques, politiques, technologiques qui manifestent l'interdépendance accrue des nations et la nécessité d'une concertation internationale pour poursuivre des objectifs de Bien commun. Pour être juste, cette interdépendance, au lieu de conduire à la domination des plus forts, à l'égoïsme des nations, à des inégalités et à des injustices, doit faire surgir des formes nouvelles et élargies de solidarité, qui respectent l'égale dignité de tous les peuples " (COMMISSION PONTIFICALE

" JUSTICE ET PAIX ", Au service de la communauté humaine: une approche éthique de l'endettement international, I, 1).

(102) " Ainsi, la solution de la plupart des très graves problèmes de la misère se trouve dans la promotion d'une véritable civilisation du travail. Le travail est, en quelque sorte, la clé de toute la question sociale... Si le système des rapports de travail, mis en œuvre par les protagonistes directs, travailleurs et employeurs, avec l'indispensable soutien des pouvoirs publics, réussit à donner naissance à une civilisation du travail, il se produira alors, dans la manière de voir les peuples et jusque dans les bases institutionnelles et politiques, une révolution pacifique en profondeur " (CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA Foi, Instruction sur la Liberté chrétienne et la Libération, 83).

(104) " ... A tout cela, il faut ajouter la concentration, entre les mains de quelques-uns, de l'industrie et du commerce, devenus le partage d'un petit nombre de riches et d'opulents, qui imposent ainsi un joug presque servile à l'infinie multitude des prolétaires " (Rerum novarum, 2).

(106) " ... Défiances et inimitiés mutuelles, conflits et calamités s'ensuivent, dont l'homme lui-même est à la fois cause et victime " (Gaudium et spes, 8).

(107) " Le devoir de solidarité des personnes est aussi celui des peuples: " les nations développées ont le très pressant devoir d'aider les nations en voie de développement " ... Chaque peuple doit produire plus et mieux, à la fois pour donner à tous ses ressortissants un niveau de vie vraiment humain et aussi pour contribuer au développement solidaire de l'humanité. Devant l'indigence croissante des pays sous-développés, on doit considérer comme normal qu'un pays évolué consacre une partie de sa production à satisfaire leurs besoins; normal aussi qu'il forme des éducateurs, des ingénieurs, des techniciens, des savants qui mettront science et compétence à leur service " (Populorum progressio, 48).

(108) "... divers systèmes fondés sur l'idéologie ou sur le pouvoir, comme aussi de nouveaux rapports apparus aux différents niveaux de la vie sociale, ont laissé persister des injustices flagrantes ou en ont créé de nouvelles " (Laborem exercens, 8 d).

(112) "Dans le cas du marxisme, tel qu'en l'occurrence on entend l'utiliser, la critique préalable s'impose d'autant plus que la pensée de Marx constitue une conception totalisante du monde dans laquelle de nombreuses données d'observation et d'analyse descriptive sont intégrées dans une structure philosophico-idéologique, qui commande la signification et l'importance relative qu'on reconnaît. Les a priori idéologiques sont présupposés à la lecture de la réalité sociale " (CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA Foi, Instruction sur quelques aspects de la Théologie de la libération, VII, 6). " II serait illusoire et dangereux... d'accepter les éléments de l'analyse marxiste sans reconnaître leurs rapports avec l'idéologie, d'entrer dans la pratique de la lutte des classes et de son interprétation marxiste en négligeant de percevoir le type de société totalitaire et violente à laquelle conduit ce processus " (Octogesima adveniens, 34).

(113) "Aussi le chrétien qui veut vivre sa foi dans une action politique conçue comme un service, ne peut-il, sans se contredire, adhérer à des systèmes idéologiques qui s'opposent radicalement ou sur des points substantiels, à sa foi et à sa conception de l'homme: ni à l'idéologie marxiste... ni à l'idéologie libérale " (Octogesima adveniens, 26).

(117) "Dans cette approche renouvelée des diverses idéologies, le chrétien puisera aux sources de sa foi et dans l'enseignement de l'Eglise les principes et les critères opportuns pour éviter de se laisser séduire, puis enfermer, dans un système dont les limites et le totalitarisme risquent de lui apparaître trop tard s'il ne les perçoit pas dans leurs racines. Dépassant tout système, sans pour autant omettre l'engagement concret au service de ses frères, il affirmera, au sein même de ses options, la spécificité de l'apport chrétien pour une transformation positive de la société " (Octogesima adveniens, 36).

(118) "Des principes sociaux ne doivent pas seulement être exposés, mais aussi appliqués. La chose est encore plus vraie de la doctrine sociale de l'Eglise, dont la lumière est la vérité, l'objectif la justice et l'énergie principale l'amour " (Mater et Magistra, 226).

(123) " Aux laïcs reviennent en propre, quoique non exclusivement, les professions et les activités séculières... C'est à leur conscience préalablement formée, qu'il revient d'inscrire la loi divine dans la cité terrestre " (Gaudium et spes, 43).

" L'apostolat dans le milieu social s'efforce de pénétrer d'esprit chrétien la mentalité et les mœurs, les lois et les structures de la communauté où chacun vit. Il est tellement le travail propre et la charge des laïcs que personne ne peut l'assumer comme il faut à leur place " (Apostolicam actuositatem, 13).

" Une des conditions du nécessaire redressement théologique est la mise en valeur de l'enseignement social de l'Eglise. Cet enseignement est nullement fermé. Il est, au contraire, ouvert à toutes les questions l nouvelles qui ne manquent pas de surgir au cours des temps... , L'enseignement de l'Eglise en matière sociale apporte les grandes orientations éthiques. Mais, pour qu'il puisse guider directement l'action, il réclame des personnalités compétentes au point de vue scientifique et technique comme dans le domaine des sciences humaines ou celui de la politique. Les pasteurs seront attentifs à la formation de telles personnalités compétentes, vivant profondément l'Evangile. Les laïcs, dont la mission propre est de construire la société, sont ici concernés au premier chef " (CONGRÉGATION POUR LA DOCTRINE DE LA Foi, Instruction sur quelques aspects de la Théologie de la libération, XI, 12. 14).

(127) " Aussi, il faut louer hautement le zèle d'un grand nombre des nôtres, qui se rendant parfaitement compte des besoins de l'heure présente, sondent soigneusement le terrain, pour y découvrir une voie honnête qui conduise au relèvement de la classe ouvrière. S'étant constitués les protecteurs des travailleurs, ils s'étudient à accroître leur prospérité tant familiale qu'individuelle, à régler avec équité les relations réciproques des patrons et des ouvriers, à entretenir et à affermir dans les uns et les autres le souvenir de leurs devoirs et l'observation des préceptes évangéliques " (Rerum novarum, 41).

(130) " II ne suffit pas de rappeler des principes, d'affirmer des intentions, de souligner des injustices criantes et de proférer des dénonciations prophétiques: ces paroles n'auront de poids réel que si elles s'accompagnent pour chacun d'une prise de conscience plus vive de sa propre responsabilité et d'une action effective " (Octogesima adveniens, 48).

(131) " Durant les années écoulées depuis la publication de l'encyclique Rerum novarum, la question sociale n'a pas cessé d'occuper l'attention de l'Eglise... Nous en avons le témoignage dans les documents des divers Episcopats; nous en avons le témoignage dans l'activité des différents centres de pensée et d'initiatives apostoliques concrètes, tant au niveau international qu'au niveau des Eglises locales " (Laborem exercens, 2).

(135) " L'Eglise qui, en raison de sa charge et de sa compétence, ne se confond d'aucune manière avec la communauté politique et n'est liée à aucun système politique, est à la fois le signe et la sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine... Il est juste qu'elle puisse partout et toujours prêcher la foi avec une authentique liberté, enseigner sa doctrine sociale, accomplir sans entraves sa mission parmi les hommes, porter un jugement moral, même en des matières qui touchent le domaine politique, quand les droits fondamentaux de la personne ou le salut des âmes l'exigent " (Gaudium et spes, 76).

(139) " Les fidèles laïcs ont le droit de se voir reconnaître dans le domaine de la cité terrestre la liberté qui appartient à tous les citoyens; mais dans l'exercice de cette liberté, ils auront soin d'imprégner leur action d'esprit évangélique et ils seront attentifs à la doctrine proposée par le Magistère de l'Eglise, en veillant cependant à ne pas présenter dans des questions de libre opinion leur propre point de vue comme doctrine de l'Eglise " (Code de Droit Canon, 227).

(140) " 1. Les clercs s'appliqueront toujours et le plus possible à maintenir entre les hommes la paix et la concorde fondée sur la justice.

2. Ils ne prendront pas une part active dans les partis politiques ni dans la direction des associations syndicales, à moins que, au jugement de l'autorité ecclésiastique compétente, la défense des droits de l'Eglise ou la promotion du bien commun ne le requièrent " (Code de Droit Canon, 287).

(145) " C'est avec tout son dynamisme que l'enseignement social de l'Eglise accompagne les hommes dans leur recherche. S'il n'intervient pas pour authentifier une structure donnée ou pour proposer un modèle préfabriqué, il ne se limite pas non plus à rappeler quelques principes généraux: il se développe par une réflexion menée au contact des situations changeantes de ce monde, sous l'impulsion de l'Evangile comme source de renouveau, dès lors que son message est accepté dans sa totalité et dans ses exigences " (Octogesima adveniens, 42).

(146) " Que, dans la pastorale, on ait une connaissance suffisante non seulement des principes de la théologie, mais aussi des découvertes scientifiques y profanes, notamment de la psychologie et de la sociologie " (Gaudium et spes, 62).

" On leur apprendra aussi à utiliser, selon de justes méthodes et en accord avec les règles posées par l'autorité ecclésiastique, l'apport des disciplines pédagogiques, psychologiques et sociologiques " (Optatam totius, 20).

(148) " Bien qu'au séminaire toute la formation des étudiants poursuive une fin pastorale, il y aura une formation spécifiquement pastorale; les séminaristes y apprendront les principes et les méthodes qui, en tenant compte des besoins de lieux et de temps, touchent à la pratique du ministère de l'enseignement, de la sanctification et du gouvernement du peuple de Dieu " (Code de Droit Canon, 255).

(150) " Quant aux évêques, qui ont reçu la charge de diriger l'Eglise de Dieu, qu'ils prêchent avec leurs prêtres le message du Christ de telle façon que toutes les activités terrestres des fidèles puissent être baignées de la lumière de l'Evangile " (Gaudium et spes, 43).

(151) " En outre, que tous les pasteurs se souviennent que, par leur comportement quotidien et leur sollicitude, ils manifestent au monde un visage de l'Eglise, d'après lequel les hommes jugent de la force et de la vérité du message chrétien " (Gaudium et spes, 43).

" C'est à travers la vie qu'il faut vérifier la fécondité de la doctrine sociale chrétienne; c'est à travers l'engagement concret, le témoignage du travail, l'action de promotion, qu'il faut rayonner sur les autres la lumière bienfaisante de l'Evangile " (JEAN-PAUL II, La célébration de l'anniversaire de " Rerum novarum ", 3).

 

 

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* Pour les documents qui n'ont pas une numérotation officielle propre, on se réfère ici à celle qui est indiquée aux Editions du Centurion.

 

 

1 Cf. Ratio fundamentalis institutionis sacerdotalis (6 Janvier 1970; nouvelle édition: 19 Mars 1985); Lettre circulaire sur L'enseignement de la philosophie dans les séminaires (20 Janvier 1972); Orientations sur l'éducation au célibat sacerdotal (11 Avril 1974); Lettre circulaire sur L'enseignement du Droit Canon pour les aspirants au sacerdoce (2 Avril 1975); Document sur La formation théologique des futurs prêtres (22 Février 1976); Instruction sur La formation liturgique dans les séminaires (3 Juin 1979); Lettre circulaire sur Quelques aspects plus urgents de la formation spirituelle dans les séminaires (6 Janvier 1980); Orientations pour la formation des futurs prêtres concernant les instruments de la communication sociale (19 Mars 1986)

2 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Sollicitudo rei socialis (30 Décembre 1987), 41: A.A.S. 80 (1988) 571.

3 LÉON XIII, Lettre encycl. Rerum novarum (15 Mai 1891): Acta Leonis XIII 11 (1891) 99.

4 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Redemptor hominis (4 Mars 1979), 16: A.A.S. 71 (1979) 293.

5 PAUL VI, Lettre apost. Octogesima adveniens (14 Mai 1971), 3-4: A.A.S. 63 (1971) 402 ss.

6 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 3.

7 JEAN XXIII, Lettre encycl. Mater et Magistra (15 Mai 1961): A.A.S. 53 (1961) 453-454.

8 PIE XII, Alloc. Animus noster au Sénat académique et aux élèves de l'Université Pontificale Grégorienne de Rome (17 Octobre 1953): A.A.S. 45 (1953) 687.

9 CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA Foi, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986), 72: A.A.S. 79 (1987) 585 ss.

10 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Laborem exercens (14 Septembre 1981), 3: A.A.S. 73 (1981) 583; Lettre encycl. Sollicitude rei socialis (30 Décembre 1987), 41: A.A.S. 80 (1988) 571.

11 ID., Alloc. Esta hora à la IIIème Conférence Générale de l'Episcopat Latino-américain à Puebla (28 Janvier 1979), partie I, n. 9: A.A.S. 71 (1979) 195.

12 PAUL VI, Lettre encycl. Populorum progressio (26 Mars 1967), 13: A.A.S. 59 (1967) 263.

13 JEAN XXIII, Lettre encycl. Mater et Magistra (15 Mai 1961): A.A.S. 53 (1961) 453.

14 PAUL VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 Décembre 1975), 29.31: A.A.S. 68 (1976) 25. 26.

15 Ibid., 31: A.A.S. 68 (1976) 26.

16 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 12 ss.

17 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Laborem exercens (14 Septembre 1981), 1: A.A.S. 73 (1981) 580.

18 JEAN XXIII, Lettre encycl. Mater et Magistra (15 Mai 1961): A.A.S. 53 (1961) 453.

19 PIE XI, Lettre encycl. Quadragesimo anno (15 Mai 1931): A.A.S. 23 (1931) 190.

20 JEAN XXIII, Lettre encycl. Mater et Magistra (15 Mai 1961): A.A.S. 53 (1961) 453.

21 PAUL VI, Lettre encycl. Populorum progressio (26 Mars 1976), 13: A.A.S. 59 (1967) 264.

22 ID., Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 Décembre 1975), 38: A.A.S. 68 (1976) 29 s.; CONC. VAT. II, Const. dogm. Lumen gentium, 25.

23 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 4.

24 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Laborem exercens (14 Septembre 1981), 1: A.A.S. 73 (1981) 580.

25 ID., Message A vous tous pour la Journée mondiale de la Paix 1980 (8 Décembre 1979): A.A.S. 71 (1979) 1572 ss.; PAUL VI, Lettre apost. Octogesima adveniens (14 Mai 1971), 4: A.A.S. 63 (1971) 403.

26 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Sollicitudo rei socialis (30 Décembre 1987), 8: A.A.S. 80 (1988) 520.

27 ID., Alloc. Esta hora à la IIIème Conférence Générale de l'Episcopat Latino-américain à Puebla (28 Janvier 1979), partie I, n. 9: A.A.S. 71 (1979) 195. 196.

28 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 63.

29 PAUL VI, Lettre apost. Octogesima adveniens (14 Mai 1971), 40: A.A.S. 63 (1971) 429.

30 PAUL VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 Décembre 1975), 29: A.A.S. 68 (1976) 25.

31 ID., Lettre encycl. Populorum progressio (26 Mars 1967), 3: A.A.S. 59 (1967) 258; JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Laborem exercens (14 Septembre 1981), 2: A.A.S. 73 (1981) 582; Lettre encycl. Sollicitude rei socialis (30 Décembre 1987), 9: A.A.S. 80 (1988) 520-523.

32 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 76.

33 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Redemptor hominis (4 Mars 1979), 14: A.A.S. 71 (1979) 284.

34 Ibid., pp. 284-285.

35 Matthieu 28, 19.

36 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Sollicitudo rei socialis (30 Décembre 1987), 8: A.A.S. 80 (1988) 520.

37 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 63.

38 JEAN-PAUL II, Alloc. Esta hora à la IIIème Conférence Générale de l'Episcopat Latino-américain à Puebla (28 Janvier 1979), partie III, n. 7: A.A.S. 71 (1979) 203.

39 JEAN XXIII, Lettre encycl. Mater et Magistra (15 Mai 1961): A.A.S. 53 (1961) 453 ss.; PAUL VI, Lettre apost. Octogesima adveniens (14 Mai 1971), 4: A.A.S. 63 (1971) 403; Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 Décembre 1975), 38: A.A.S. 68 (1976) 30; CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 63. 76.

40 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Laborem exercens (15 Septembre 1981), 3: A.A.S. 73 (1981) 583; CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA Foi, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986), 44-51: A.A.S. 79 (1987) 571-575.

41 Matthieu 11, 28-30.

42 Marc 1, 15.

43 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 42-44; PAUL VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 Décembre 1975), 31: A.A.S. 68 (1976) 26; CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA Foi, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986), 63-65: A.A.S. 79 (1987) 581 ss.

44 PAUL VI, Exhort. apost. Evangelii nuntiandi (8 Décembre 1975), 14: A.A.S. 68 (1976) 13.

45 CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986), 72: A.A.S. 79 (1987) 586.

46 Ibid., Chap. V: A.A.S. 79 (1987) 585 ss.

47 "LÉON XIII, Lettre encycl. Rerum novarum (15 Mai 1981): Acta Leonis XIII 11 (1891) 98.

48 PIE XI, Lettre encycl. Quadragesimo anno (15 Mai 1931): A.A.S. 23 (1931) 191.

49 Ibid.: A.A.S. 23 (1931) 209 ss.

50 PIE XII, Discours La solennità délla Pentecoste pour le 50ème anniversaire de l'encyclique "Rerum novarum" (1er Juin 1941): A.A.S. 33 (1941) 195 ss.; Radiomessages de Noël: sur la paix et l'ordre international des années 1939, 1940, 1950, 1951, 1954; sur la démocratie de 1944; Discours sur les dangers de la conception technologique de la vie sociale et sur l'emprise de l'ordre économique, du 3 Juin 1950, et du 9 Septembre 1956.

51 PIE XII, Discours La solennità della Pentecoste pour le 50ème anniversaire de l'encyclique

" Rerum novarum " (1er Juin 1941): A.A.S. 33 (1941) 204.

52 Ibid.: A.A.S. 33 (1941) 197.

53 JEAN XXIII, Lettre encycl. Mater et Magistra (15 Mai 1961): A.A.S. 53 (1961) 412-413.

54 Ibid.: A.A.S. 53 (1961) 431-451.

55 Ibid.: A.A.S. 53 (1961) 412-413.

56 CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Libertatis nuntius sur quelques aspects de la " Théologie de la libération " (6 Août 1984): A.A.S. 76 (1984) 876-909; Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986): A.A.S. 79 (1987) 554-599.

57 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 64-65.

58 PAUL VI, Lettre encycl. Populorum progressio (26 Mars 1967), 9: A.A.S. 59 (1967) 261.

59 Ibid.: A.A.S. 59 (1967) 257.

60 Ibid., 20-21: A.A.S. 59 (1967) 267-268.

61 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Laborem exercens (14 Septembre 1981), 3: A.A.S. 73 (1981) 583.

62 Ibid., 3: A.A.S. 73 (1981) 584.

63 Ibid., 4: A.A.S. 73 (1981) 584.

64 CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986), 81-91: A.A.S. 79 (1987) 591-595.

65 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Sollicitudo rei socialis (30 Décembre 1987), 41: A.A.S. 80 (1988) 571.

66 CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986): A.A.S. 79 (1987) 554-599; COMMISSION PONTIFICALE " JUSTICE ET PAIX ", Document Au service de la communauté humaine: une approche éthique de l'endettement international (27 Décembre 1986): L'Osservatore Romano (28 Janvier 1987); Document ΏQue has hecho de tu hermano sin techo? La Iglesia ante la carencia de vivienda (27 Décembre 1987): L'Osservatore Romano (3 Février 1988); JEAN-PAUL II, Exhort. apost. Familiaris consortio (22 Novembre 1981): A, A.S. 74 (1982) 81-191; CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Il dono della vita sur le respect de la vie humaine naissante et la dignité de la procréation (22 Février 1987): L'Osservatore Romano (11 Mars 1987); JEAN-PAUL II, Lettre apost. Mulieris dignitatem (15 Août 1988): L'Osservatore Romano (1er Octobre 1988).

67 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 91.

68 Ibid., Préliminaire, note 1.

69 Cf. JEAN XXIII, Lettre encycl. Mater et Magistra (15 Mai 1961): A.A.S. 53 (1961) 454; PAUL VI, Lettre apost. Octogesima adveniens (14 Mai 1971), 4: A.A.S. 63 (1971) 403; JEAN-PAUL II, Alloc. Esta hora à la IIIème Conférence Générale de l'Episcopat Latino-américain à Puebla (28 Janvier 1979), Partie III, n. 7: A.A.S. 71 (1979) 203; CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986), 72: A.A.S. 79 (1987) 586.

70 JEAN XXIII, Lettre encycl. Mater et Magistra (15 Mai 1961): A.A.S. 53 (1961) 453.

71 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 17.

72 Ibid., 12. Cette affirmation de Gaudium et spes doit être comprise en tenant compte que l'ordination de la terre à l'égard de l'homme vaut seulement, pour la foi chrétienne, à l'intérieur du présupposé de la subordination de l'homme à Dieu, de sorte que l'homme édifie la terre en obéissance à la norme de Dieu et ne la détruise pas au nom de son égoïsme.

73 CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986), 73: A.A.S. 79 (1987) 586.

74 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 41.

75 Ibid., 26. 73. 76.

76 JEAN-PAUL II, Message pour la XXIème Journée de la Paix (8 Décembre 1987), 1: Enseignements de Jean-Paul II, X, 3 (1987) 1334.

77 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Redemptor hominis (4 Mars 1979), 17: A.A.S. 71 (1979) 295 ss.; Message L'Eglise catholique aux autorités civiles signataires de l'accord d'Helsinki (1975) sur la liberté de conscience et de religion (1er Septembre 1980): A.A.S. 72 (1980) 1252 ss.; JEAN-PAUL II, Alloc. I désire aux Représentants des Nations Unies (2 Octobre 1979), 6: A.A.S. 71 (1979) 1146-1147; Alloc. Uma cordialissima saudaçâo aux Indiens de l'Amazonie (10 Juillet 1980): A.A.S. 72 (1980) 960 ss.

78 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 25.

79 Ibid., 4.

80 JEAN XXIII, Lettre encycl. Mater et Magistra (15 Mai 1961): A.A.S. 53 (1961) 453.

81 Ibid.: A.A.S. 53 (1961) 415 ss.

82 JEAN XXIII, Lettre encycl. Pacem in terris (11 Avril 1963): A.A.S. 55 (1963) 272.

83 ID., Lettre encycl. Mater et Magistra (15 Mai 1961): A.A.S. 53 (1961) 417; cf. PIE XII, Radiomessage de Noël Con sempre nuova (24 Décembre 1942): A.A.S. 35 (1943) 13.

84 JEAN XXIII, Lettre encycl. Pacem in terris (11 Avril 1961): A.A.S. 55 (1963) 272.

85 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Sollicitudo rei socialis (30 Décembre 1987), 39-40: A.A.S. 80 (1988) 566-569.

86 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 30-32; CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986), 73: A.A.S. 79 (1987) 586; JEAN-PAUL II, Discours Je désire à la 68ème Session de la Conférence Internationale du travail (15 Juin 1982): A.A.S. 74 (1982) 992 ss.

87 PIE XI, Lettre encycl. Quadragesimo anno (15 Mai 1931): A.A.S. 23 (1931) 203; JEAN XXIII, Lettre encycl. Pacem in terris (11 Avril 1963): A.A.S. 55 (1963) 294; JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Laborem exercens (14 Septembre 1981): A.A.S. 73 (1981) 616; CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986), 73: A.A.S. 79 (1987) 586.

88 PIE XI, Lettre encycl. Quadragesimo anno (15 Mai 1931): A.A.S. 23 (1931) 203; JEAN XXIII, Lettre encycl. Mater et Magistra (15 Mai 1961): A.A.S. 53 (1961) 409-410. 413; PAUL VI, Lettre encycl. Populorum progressio (26 Mars 1967), 33: A.A.S. 59 (1967) 273-274; Lettre apost. Octogesima adveniens (14 Mai 1971), 46-47: A.A.S. 63 (1971) 433-437; CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 30-31.

89 JEAN XXIII, Lettre encycl. Pacem in terris (11 Avril 1963): A.A.S. 55 (1963) 278; CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 9. 68; JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Sollicitude rei socialis (30 Décembre 1987), 44: A.A.S. (1988) 576-577.

90 JEAN XXIII, Lettre encycl. Mater et Magistra (15 Mai 1961): A.A.S. 53 (1961) 423; PAUL VI, Lettre Apost. Octogesima adveniens (14 Mai 1971), 22: A.A.S. 63 (1971) 417; JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Laborem exercens (14 Septembre 1981), 15: A.A.S. 73 (1981) 617; CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986), 86: A.A.S. 79 (1987) 593.

91 PIE II, Radiomessage de Noël Levate capita vestra (24 Décembre 1952): A.A.S. 45 (1953) 37.

92 " JEAN XXIII, Lettre encycl. Mater et Magistra (15 Mai 1961): A.A.S. 53 (1961) 416.

93 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Laborem exercens (14 Septembre 1981), 14: A.A.S. 73 (1981) 612 ss.

94 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Sollicitudo rei socialis (30 Décembre 1987), 42: A.A.S. 80 (1988) 573.

95 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 69.

96 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Laborem exercens (14 Septembre 1981), 14: A.A.S. 73 (1981) 613.

97 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 36.

98 JEAN XXIII, Lettre encycl. Pacem in terris (11 Avril 1963): A.A.S. 55 (1963) 259.

99 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Redemptor hominis (4 Mars 1979), 16: A.A.S. 71 (1979) 290 ss.

100 JEAN XXIII, Lettre encycl. Pacem in terris (11 Avril 1963): A.A.S. 55 (1963) 265 s.; JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Dives in misericordia (30 Novembre 1980), 12: A.A.S. 72 (1980) 1215; CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986), 3. 4. 26. 57: A.A.S. 79 (1987) 556 s. 564. 578.

101 CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986) 89-91: A.A.S. 79 (1987) 594-595; COMMISSION PONTIFICALE " JUSTICE ET PAIX ", Au service de la communauté humaine: une approche éthique de l'endettement international (27 Décembre 1986), partie III: L'Osservatore Romano (28 Janvier 1987).

102 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Laborem exercens (14 Septembre 1981), 3. 6. 12. 14: A.A.S. 73 (1981) 583. 589 ss. 605 s. 612 s.; CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986), 81-87: A.A.S. 79 (1987) 591-593.

103 CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986), 74: A.A.S. 79 (1987) 587.

104 LÉON XIII, Lettre encycl. Rerum novarum (15 Mai 1891): Acta Leonis XIII 11 (1891) 99.

105 PIE XI, Lettre encycl. Quadragesimo anno (15 Mai 1931): A.A.S. 23 (1931) 219 s.

106 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 8.

107 PAUL VI, Lettre encycl. Populorum progressio (26 Mars 1967), 48-49: A.A.S. 59 (1967) 281.

108 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Laborem exercens (14 Septembre 1981), 8: A.A.S. 73 (1981) 596.

109 ID., Lettre encycl. Sollicitude rei socialis (30 Décembre 1987), 21: A.A.S. 80 (1988) 537-539.

110 CONC. VAT. II, Decr. Optatam totius, 20.

111 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Laborem exercens (14 Septembre 1981), 1: A.A.S. 73 (1981) 580.

112 PAUL VI, Lettre apost. Octogesima adveniens (14 Mai 1971), 34: A.A.S. 63 (1971) 424 s.; CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Libertatis nuntius sur quelques aspects de la " Théologie de la libération " (6 Août 1984), partie VII, n. 6: A.A.S. 76 (1984) 890 s.

113 PAUL VI, Lettre apost. Octogesima adveniens (14 Mai 1971), 26: A.A.S. 63 (1971) 420.

114 JEAN XXIII, Lettre encycl. Pacem in terris (11 Avril 1963): A.A.S. 55 (1963) 300; Document de Puebla, 554-557.

115 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Sollicitude rei socialis (30 Décembre 1987), 41: A.A.S. 80 (1988) 571.

116 ID., Lettre encycl. Laborem exercens (14 Septembre 1981), 12. 14 s.: A.A.S. 73 (1981) 605 s. 612 s.

117 PAUL VI, Lettre apost. Octogesima adveniens (14 Mai 1971), 36: A.A.S. 63 (1971) 425.

118 JEAN XXIII, Lettre encycl. Mater et Magistra (15 Mai 1961): A.A.S. 53 (1961) 455 s.

119 CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986), 76: A.A.S. 79 (1987) 588 s.

120 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Redemptor hominis (4 Mars 1979), 16: A.A.S. 71 (1979) 292-293.

121 ID., Lettre encycl. Laborem exercens (14 Septembre 1981), 8: A.A.S. 73 (1981) 596.

122 CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986), 77: A.A.S. 79 (1987) 589; JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Laborem exercens (14 Septembre 1981), 20: A.A.S. 73 (1981) 629 ss.

123 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 43; Decr. Apostolicam actuositatem, 13; CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986), 80: A.A.S. 79 (1987) 590 s.; Instruction Libertatis nuntius sur quelques aspects de la " Théologie de la libération " (6 Août 1984), 12-14: A.A.S. 76 (1984) 906 ss.

124 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 43; CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Libertatis nuntius sur quelques aspects de la " Théologie de la libération " (6 Août 1984), 14: A.A.S. 76 (1984) 906 ss.

125 CONC. VAT. II, Const. dogm. Lumen gentium, 33.

126 JEAN-PAUL II, Lettre apost. Salvifici doloris (11 Février 1984): A.A.S. 76 (1984) 201 ss.

127 LÉON XIII, Lettre encycl. Rerum novarum (15 Mai 1891): Acta Leonis XIII 11 (1891) 141 ss.; PIE XI, Lettre encycl. Quadragesimo anno (15 Mai 1931): A.A.S. 23 (1931) 182.

128 JEAN XXIII, Lettre encycl. Mater et Magistra (15 Mai 1961): A.A.S. 53 (1961) 402.

129 CONC. VAT. II, Decr. Apostolicam actuositatem, 7.

130 PAUL VI, Lettre apost. Octogesima adveniens (14 Mai 1971), 48: A.A.S. 63 (1971) 437 s.

131 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Laborem exercens (14 Septembre 1981), 2: A.A.S. 73 (1981) 581.

132 ID., II, Alloc. C'est la deuxième aux délégués de la " Caritas internationalis " (30 Mai 1983): Enseignements de Jean-Paul II, VI, 1 (1983) 1399 ss.

133 CONGR. POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Instruction Libertatis conscientia sur la liberté chrétienne et la libération (22 Mars 1986), 66-70: A.A.S. 79 (1987) 582-585; JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Sollicitude rei socialis (30 Décembre 1987), 42: A.A.S. 80 (1988) 572.

134 JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Sollicitudo rei socialis (30 Décembre 1987), 42: A.A.S. 80 (1988) 573.

135 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 76; JEAN-PAUL II, Lettre encycl. Sollicitudo rei socialis (30 Décembre 1987), 42: A.A.S. 80 (1988) 571.

136 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 75.

137 Ibid., 43.

138 Ibid., 76; Document de Puebla, 521. 523.

139 C.I.C., can. 227.

140 Document de Puebla, 526-527; C.I.C., can. 287.

141 JEAN XXIII, Lettre encycl. Mater et Magistra (15 Mai 1961): A.A.S. 53 (1961) 453.

142 Matthieu 5, 13-14; 13, 13. 24.

143 CONC. VAT. II, Decr. Optatam totius, 5.

144 Ibid., 8.

143 PAUL VI, Lettre apost. Octogesima adveniens (14 Mai 1971), 42: A.A.S. 63 (1971) 431.

146 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 62; Decr. Optatam totius, 20.

147 ID., Const. past. Gaudium et spes, 43; Decr. Optatam totius, 19.

148 C.I.C., can. 255.

149 Ibid., can. 256.

150 CONC. VAT. II, Const. past. Gaudium et spes, 43.

151 Ibid.