François-RÉgis WilhÉlem
À la suite de Thérèse d'Avila
"Dieu nous purifie en nous faisant
travailler, en nous faisant marcher" (P. Marie-Eugène)0.
C'est bien l'expérience d'Abraham (cf. Gn 17, 1 : "Marche en ma présence et sois parfait") ;
celle de Moïse et du peuple au désert ; celle aussi de saint Paul... et
finalement de tout disciple du Christ. Un passage du livre des Actes concernant
l'Apôtre illustre bien le thème des purifications apostoliques : "Cet homme m'est un instrument de choix... Je
lui montrerai tout ce qu'il lui faudra souffrir pour mon nom"
(Ac 9, 15-16). Les souffrances de Paul sont à la fois purificatrices
et rédemptrices, elles entrent dans le champ de la pédagogie divine qui ne
cesse de se façonner "un instrument
de choix" en le fondant au creuset de l'amour (car c'est l'amour qui
purifie) en vue de l'édification du Royaume. Dieu donc, ne purifie pas
seulement dans l'oraison et la contemplation, mais en faisant travailler pour
lui.
Sans doute
est-il nécessaire d'expliquer davantage ce que l'on entend par
"purification". Saint Jean de la Croix va nous y aider.
Pour
désigner les "purifications", saint Jean de la Croix parle de "nuits" : "nuit du sens", "nuit de l'esprit". Elles se
rapportent aux deux étapes essentielles du cheminement mystique. Dans le
premier chapitre de la Montée du Carmel,
le "Docteur des nuits" précise : "La première nuit ou purification est celle de la partie sensitive... la
seconde est celle de la partie spirituelle" 1. La "nuit du sens"
correspond à l'entrée dans la vie mystique (cf. quatrièmes Demeures) et la
"nuit de l'esprit" à la
dernière purification qui aboutira aux "fiançailles spirituelles"
(cf. sixièmes Demeures), jusqu'à l'union définitive du mariage spirituel (cf.
septièmes Demeures). "Nuit (...)
veut dire privation et nudité. Les nuits sont les privations et purifications
par lesquelles l'âme doit passer pour atteindre l'union avec Dieu. On les
appelle nuits parce que l'âme y « chemine comme de nuit et en obscurité 2
» ", explique le P. Marie-Eugène) 3. Dans la Nuit Obscure, autre ouvrage de saint Jean de
la Croix, on retrouve la même division : "La première nuit ou purification sera sensitive, si elle purifie ou
dépouille l'âme dans sa partie sensitive qu'elle accommode à la partie
spirituelle. La seconde nuit ou purification sera spirituelle, si elle purifie
et dépouille l'âme dans sa partie spirituelle en la préparant et disposant à
l'union d'amour avec Dieu. La première est commune et elle se produit chez une
foule de commençants... La nuit spirituelle est le partage du petit nombre,
c'est-à-dire de ceux qui sont déjà exercés et avancés dans la vertu" 4.
Pour faire
simple, disons que la "région du sens" se situe plutôt à la
périphérie de l'âme, là où les facultés sensibles ont une influence
prépondérante, et "la région de l'esprit" correspond au centre de
l'âme, elle recouvre la "partie
spirituelle" de notre être où se réalisent les opérations purement
intellectuelles 5. Dans l'œuvre de purification, qui
est une sorte de "travail
d'enfantement" (cf. Rm 8, 22), il y a une double activité : celle
de Dieu et celle de l'homme. C'est ainsi qu'on parlera de "nuit active" et de "nuit passive". La "nuit active" "comprend ce que l'âme peut faire et fait en
réalité par elle-même pour y entrer", et la "nuit passive"
"comprend ce que l'âme ne fait pas
par elle-même ni par sa propre industrie, mais ce que Dieu fait en elle" 6.
Le mot
"nuit" évoque donc l'idée
d'une certaine mort à soi-même, provenant et de l'action de la volonté libre et
de l'action de Dieu sur l'âme. Le but est d'arriver à une harmonisation des
diverses énergies de la personne, c'est-à-dire celles de la vie physique et
sensible avec celles de la vie de l'intelligence et de la volonté ; et
c'est le don baptismal de la vie de la grâce, participation de la vie de Dieu
(cf. 1 P 1, 4), qui permettra d'assumer ces diverses forces en les dominant,
les harmonisant et les orientant vers Dieu 7. Mais ce processus suppose une lutte, un combat spirituel, car le péché
en nous est justement à l'origine de cette disharmonie de notre être. Ce
déséquilibre est un peu comparable à un attelage dont les chevaux ont tendance
à tirer chacun de leur côté, au risque de le faire basculer ! L'enjeu de
ce combat consiste donc à réorienter tous les mouvements désordonnés de la
personne vers une libre soumission à la raison et à la grâce. La nuit active
prépare et mérite, en quelque sorte, la nuit passive qui, seule, purifie en
profondeur car elle est le fait de l'action de Dieu. Les aspects actif et
passif sont donc inséparables, parce que, comme le dit saint Augustin, "Dieu ne nous sauve pas sans nous" 8.
Saint Jean de
la Croix précise encore que le but de la purification des sens consiste plutôt
en une accommodation du sens à
l'esprit, qu'en une union de l'esprit
à Dieu. Ce qui signifie que tout le travail (essentiellement divin) de la
purification de l'esprit aura comme but principal de rendre cette union
possible. Il fera que cette âme devienne totalement accueillante au souffle de
l'Esprit en la libérant et guérissant de ses racines et tendances peccamineuses 9. Les effets des "nuits"
peuvent être envisagés sous les aspects de purification (détachement), de
transformation (adaptation, accomodation) et d'union (fécondité). Ceci, en vue
d'un perfectionnement des facultés humaines et d'une croissance de la foi, de
l'espérance et de la charité, ouvrant à une plus grande docilité à l'Esprit. On
devine l'importance, pour la vie apostolique notamment, d'une telle docilité.
Le P. Marie-Eugène enseigne à ce propos que "celui qui sort victorieux de l'épreuve [de la nuit de l'esprit] devient nécessairement un apôtre, un
entraîneur" 10. Il n'est que de considérer la vie
de Thérèse de Jésus pour s'en rendre compte. En effet, celle-ci s'est engagée
dans l'aventure des fondations alors qu'elle était parvenue à l'union des
sixièmes Demeures qui suppose une emprise habituelle de l'Esprit : on peut
mesurer la fécondité de cette collaboration avec le Seigneur !
Mais avant
d'en arriver à plus de descriptions sur la nuit de l'esprit, il semble très
important, au niveau pratique, de s'attarder quelque peu à la nuit précédente,
en essayant d'en découvrir les conséquences par rapport à la vie apostolique.
Et comme, dans l'unité de la personne, il ne faut pas séparer la prière de
l'action, il est instructif de parler de la période de l'entrée dans la vie
mystique tant au plan de l'oraison qu'à celui de l'action.
Pour aider
à discerner les débuts de la contemplation, saint Jean de la Croix propose
certains signes psychologiques expérimentés dans l'oraison. Nous allons les
présenter, pour tenter, ensuite, de les transposer sur le plan de l'action.
Sainte Thérèse, moins systématique, n'organise pas sa réflexion de la même
manière, mais elle fournit, ici ou là, des éléments qui peuvent rejoindre les
descriptions du saint 11. Ajoutons qu'habituellement, chez
elle, l'expérience de Dieu se manifeste plutôt dans la saveur de la quiétude 12 que dans la sécheresse de la nuit de la
connaissance, aspect particulièrement développé par le carme. Mais ces deux
modalités se retrouvent chez l'un et l'autre auteur.
Saint Jean
de la Croix définit la contemplation comme étant "une infusion secrète, paisible et amoureuse de Dieu en l'âme" 13. C'est pourquoi il n'hésite pas à affirmer que
"la contemplation pure consiste à
recevoir" 14. Contempler c'est regarder. On peut
donc dire que la contemplation est un regard de foi posé sur Dieu. Un regard
simple, persévérant, animé par l'amour, et soutenu dans sa constance par
l'action des dons du Saint-Esprit. Saint Jean de la Croix parle d'une attention
"pleine d'amour pour Dieu" 15. Un tel regard contemple la Vérité 16 ; il est la source d'une "connaissance de Dieu confuse, amoureuse
pleine de paix et de calme..." 17. Dans la Vive Flamme, le
saint précise : "Les biens que
cette communication silencieuse et cette contemplation impriment dans l'âme,
sans qu'elle le sente alors, sont (...) inestimables" 18.
Il est
nécessaire d'expliquer le petit membre de phrase "sans qu'elle le sente alors", car, comment peut-on
allier "non-senti" et "connaissance" ? En fait, cette
affirmation paradoxale résume à sa manière l'atmosphère psychologique de la contemplation. Affectivement on a l'impression
de ne rien sentir, ou si peu, et bien sûr on ne voit rien. On a plutôt le
sentiment de "sécher", d'être dans le vide, de "perdre son temps" 19 même ! Cela tient principalement au
caractère antinomique de la foi qui est "certaine et obscure en même temps" 20. "Certaine" parce
qu'elle permet à l'intelligence de capter réellement la lumière divine ;
"obscure", parce que celle-ci
l'aveugle, comme l'éclat du soleil pour les yeux 21. La foi permet donc de prendre contact avec le mystère, mais sans le
voir directement. En outre, ce contact se situe au-delà de la sensibilité
immédiate, d'où cette impression de "sécheresse" 22. De façon humoristique, on peut dire que le
chrétien "a une vocation de hibou" : il est celui qui apprend à
"voir" dans la nuit !
Quand, dans
cette atmosphère d'obscurité et d'aridité, on lit les descriptions de la
contemplation que donne saint Jean de la Croix : une "connaissance de Dieu confuse, amoureuse pleine de paix et de
calme...", et d'autres
semblables, on se dit que l'on en est loin ! "Ce n'est pas si
sûr !", va-t-il s'efforcer de nous convaincre. Et de proposer trois
signes d'ordre psychologique afin
d'aider à discerner si l'on est entré, ou non, dans le don de la contemplation 23. Deux sont perçus comme psychologiquement
négatifs et un, le plus important, comme positif.
Le premier signe est ressenti péniblement. En effet :
"L'âme découvre qu'il lui est
impossible de méditer et de se servir de l'imagination ; elle n'y puise
aucun goût comme précédemment. Elle trouve, au contraire, de la sécheresse dans
ce qui auparavant captivait habituellement ses sens et lui procurait de la
suavité. Mais tant qu'elle y trouvera du goût et qu'elle pourra se servir de la
méditation discursive, elle ne doit pas s'en éloigner, et elle y restera
jusqu'à ce que son âme soit placée dans la paix et la quiétude dont nous
parlerons quand il sera question du troisième signe" 24.
Donc,
l'impression qui domine est celle d'une impuissance à méditer comme auparavant.
L'aridité dans l'intelligence et la sécheresse de la sensibilité ont pris la
place de la suavité. Pourtant, prévient le texte, il ne faut pas abandonner la
méditation tant qu'elle reste possible, car on ne se met pas soi-même dans la
contemplation, il faut y être mis par le Seigneur. Si tel n'est pas le cas, le
devoir de celui qui prie est de mener une oraison active 25. L'important est de respecter l'action
mystérieuse de Dieu en l'accompagnant d'une activité discrète. Dans la
contemplation, il y a un certain dosage expérimental (à trouver
personnellement, donc) entre le respect de l'action de Dieu (on parle alors de
"passivité divine") et l'effort actif personnel.
Le second signe donné dans La
Montée est celui d'un "dégoût"
à "appliquer son imagination et ses
sens à d'autres objets particuliers soit extérieurs, soit intérieurs (...)
L'âme n'a plus envie d'appliquer à dessein son imagination sur ces objets".
Le dégoût est donc généralisé et touche les "objets
intérieurs et extérieurs" 26. Il s'étend
non seulement à la prière, mais à l'ensemble de la vie 27. On pourrait objecter que cette sorte de dégoût universel peut provenir
d'une tendance du tempérament, de la fatigue ou d'une quelconque faiblesse
naturelle, ou encore d'une tiédeur à l'égard de Dieu. C'est pourquoi, dans La Nuit Obscure, saint Jean de la Croix précise : "La purification des sens consiste à se
souvenir ordinairement de Dieu avec sollicitude ; et à se préoccuper de ce
qu'on ne le sert pas, mais qu'on recule plutôt à ses yeux, dès lors qu'on
n'éprouve plus de goût comme précédemment dans les choses divines. Cette
disposition est une marque que ce dégoût et cette sécheresse n'ont pas pour
cause le relâchement et la tiédeur. La tiédeur, en effet, ne se préoccupe pas
des choses de Dieu et n'a pour elles aucune sollicitude (...) La sécheresse
purificative seule apporte avec elle une sollicitude constante pour sa gloire, mais
en même temps, je le répète, elle se préoccupe et s'afflige de ce qu'elle ne le
sert pas" 28.
Cette
nostalgie de Dieu prouve que le dégoût et la sécheresse impuissante n'ont pas
pour cause la simple paresse ou la tiédeur à l'égard de Dieu. Ce qui est en
train de changer, en fait, c'est la
manière d'aimer le Seigneur : on l'aime de façon moins sensible et
plus spirituelle, d'où cette anxiété, cette soif de Dieu qui naît et persiste
dans le cœur malgré le dégoût et l'aridité. Ces expériences contrastées appellent
le troisième signe.
Le troisième signe est ressenti positivement. Il s'agit d'une
"connaissance ou attention générale
et amoureuse" de Dieu. C'est le signe "le plus certain" affirme saint Jean de la Croix.
Voici ce
texte tiré de La Montée 29 : "L'âme se plaît à se trouver seule avec Dieu, à le regarder avec amour
sans s'occuper d'aucune considération particulière ; elle jouit de la paix
intérieure, du calme et du repos ; elle ne produit aucun acte des
puissances ni de la mémoire, ni de l'intelligence, ni de la volonté ; je
parle d'actes au moins raisonnés qui passent d'une idée à une autre ; elle
a seulement cette connaissance ou attention générale et amoureuse (...) mais
sans avoir l'intelligence particulière d'un autre objet" 30.
Ce
troisième signe est le seul que signale explicitement Thérèse dans le livre des
Demeures. Habituellement, nous
l'avons déjà fait remarquer plus haut, elle insiste plus sur la saveur que
saint Jean de la Croix. Précisément, chez elle, le troisième signe se manifeste
par une sorte de "dilatation".
Ainsi, dans l'oraison de quiétude, on perçoit "clairement une dilatation ou élargissement de l'âme, comme si l'eau qui
coule d'une source ne pouvant s'écouler, le réservoir lui-même était fabriqué
d'un matériau tel que l'édifice s'agrandirait à mesure qu'il jaillirait plus
d'eau" 31. Plus Dieu veut donner, plus il
élargit la capacité de l'âme à le recevoir 32. Dans les différents chapitres traitant des quatrièmes Demeures,
Thérèse parle aussi de "quiétude", de "goûts divins" pour décrire l'expérience de l'âme dans la
contemplation. Cependant, elle parle aussi de l'impuissance des facultés, de
leur agitation dans l'oraison. C'est pourquoi, dans la pratique, le troisième
signe n'est pas toujours facile à discerner. Dans un passage de La Montée du Carmel, Jean de la Croix
éclaire ce point : "Il est vrai
que dans les commencements de cet état, on ne s'aperçoit presque pas de cette
connaissance amoureuse, et cela pour deux raisons : la première, parce
que, dans les débuts, cette connaissance amoureuse est ordinairement très
subtile et délicate et presque insensible ; la seconde, parce que l'âme,
ayant été habituée à l'autre exercice, celui de la méditation qui est
totalement sensible, ne comprend pas ou presque pas cette connaissance insensible,
nouvelle pour elle et purement spirituelle. Cela lui arrive surtout lorsque,
par suite de cette ignorance, elle ne garde pas le repos et s'efforce de
continuer son premier état qui était plus sensible ; aussi, bien qu'elle
se trouve dans une paix intérieure pleine d'amour, plus abondante, elle
n'arrive pas à s'en rendre compte et à en jouir. Toutefois, plus elle
s'habituera à se tenir dans le calme, plus aussi elle le sentira et plus elle
goûtera cette connaissance générale et amoureuse de Dieu..." 33.
Dans les
débuts de la contemplation donc, on aura du mal à discerner ce "je-ne-sais-quoi",
c'est-à-dire cette expérience subtile de Dieu dont parle saint Jean de la
Croix, parce que l'on est encore très nostalgique de ce que l'on a perdu :
ses méthodes d'oraison, sa méditation, certaines consolations etc... Nous
pleurons sur nos "oignons d'Égypte" 34, c'est-à-dire sur notre vie spirituelle
passée ; son souvenir nous empêche de bien prendre conscience de la nouvelle
expérience de Dieu qui est en train de naître. En effet, dans la contemplation,
il y a bien, en même temps, l'expérience d'une certaine lumière et aussi celle
d'une certaine saveur 35.
Pour
caractériser le troisième signe, le P. Marie-Eugène parle d'une maturité
réalisée au plan de l'être. Celle-ci se manifeste par l'émergence d'une force
nouvelle dans la vie, par une pénétration plus grande des choses de Dieu, bref,
par un comportement général qui traduit un réel progrès spirituel. Il y voit
l'ébauche d'une transformation en profondeur 36 qui touche non seulement la vie de prière du baptisé, mais aussi sa
manière d'envisager l'action et de la réaliser. Il est fort important
d'expliciter ce dernier point, tant il comporte de conséquences pratiques au
plan des activités en général, et de l'apostolat en particulier. Dans ce but,
posons-nous maintenant la question de savoir si les signes psychologiques de la
contemplation peuvent se retrouver au plan de l'action ; autrement
dit : peuvent-ils servir également à discerner une influence prépondérante
de Dieu au sein même de cette action ?
La réponse
à la question est positive, mais appelle un certain nombre d'explications
nuancées. Écoutons le P. Marie-Eugène, qui écrit à ce sujet dans Je veux voir Dieu : "On retrouve dans le plan de l'action les
obscurités qui font la souffrance de l'oraison. Ne faut-il pas, en effet, que
la nuit enveloppe la volonté comme elle enveloppe l'intelligence ? L'une
et l'autre doivent quitter le monde du sens ; l'obscurité qu'elles y
trouvent et qui est un signe de purification, est destinée providentiellement à
les orienter vers une lumière plus haute et plus simple" 37.
La "nuit"
enveloppe donc la volonté orientée vers l'action, tout comme elle enveloppe
l'intelligence appliquée à la contemplation. L'irruption de la force de Dieu
produit donc dans le vouloir une certaine forme d'impuissance, appelée
"nuit" par le P. Marie-Eugène. Bien sûr, ce mot doit être entendu ici
dans un sens symbolique large, car, en rigueur de terme, il désigne plus
directement l'obscurité éprouvée par l'intelligence. Cependant, en l'utilisant,
on veut souligner que les purifications mystiques touchent ensemble les vertus
théologales de foi, d'espérance et de charité dans leur rapport avec les
facultés humaines d'intelligence, de volonté et de mémoire 38, y créant une certaine atmosphère commune de
dépouillement.
A ce sujet,
écoutons à nouveau le P. Marie-Eugène dans un enseignement donné à des
prêtres :
"Saint Jean de la Croix n'a étudié que les
purifications de la vie contemplative. Les purifications apostoliques
sont-elles essentiellement différentes ? Non, elles ne le sont pas !
Elles se font suivant des modes différents, elles produisent des réactions
différentes (...). Le principe est le même : l'envahissement de la lumière
de Dieu agit sur les facultés, les réduit à l'impuissance, produit des
épreuves, des découragements apparents, des nuits" 39.
Ainsi, les
purifications vécues dans la prière et celles vécues dans l'action ne sont pas
"essentiellement différentes",
mais se produisent selon des "modes
différents". La transposition des trois signes de saint Jean de la
Croix, au plan de l'action peut nous aider à découvrir ces différences de
modalité.
Les deux
signes "négatifs" expérimentés dès les débuts de la contemplation, à
savoir : l'impuissance (à méditer) et un certain dégoût généralisé, seront
également perceptibles dans le cadre de l'activité.
L'impuissance à méditer qui, dans l'oraison, entraîne la
sécheresse contemplative, pourra se transformer en une pénible impression de
faiblesse, jointe au sentiment d'une certaine incapacité, toute relative en
fait, à agir. "Toute relative"
en effet, parce que, paradoxalement, le sentiment d'impuissance ne diminue pas
la résolution fondamentale d'agir pour le Seigneur ; la vigueur
personnelle n'est pas diminuée, mais purifiée dans son exercice. Par le moyen
de cette impuissance, la grâce peut dominer chez celui qui agit 40. En vivant l'expérience de la nuit de la foi
dans l'action, le chrétien est, pour ainsi dire, amené à changer de
"centre de gravité", autrement dit, à s'appuyer davantage sur Dieu
par la foi et l'espérance, plutôt que sur ses propres forces. Cela le conduira
à modifier, ou même à abandonner, certains de ses repères et secours
antécédents trop exclusivement "raisonnables", c'est-à-dire
insuffisamment conçus et utilisés dans un esprit de foi 41. A cette impression de faiblesse, pourra se mêler un dégoût diffus, une certaine amertume dans la sensibilité par rapport aux tâches à effectuer,
quelles qu'elles soient : un travail intellectuel à mener, une initiative
à prendre, une activité à organiser, une responsabilité à assumer, etc... 42 Dans le cadre ordinaire de la mission
pastorale, ou du simple devoir d'état, le prêtre, le ou la consacrée, le
chrétien laïc... bref, l'actif pourra "se trouver intimidé par le sentiment de sa
pauvreté. Il aura peur de faire telle ou telle démarche, il n'osera pas parce qu'il
aura trop conscience de son impuissance et de sa faiblesse", constate le P. Marie-Eugène 43. Il est important d'insister sur le fait que
ces impuissances ne sont pas dues uniquement aux difficultés normales de
l'action ou encore à un éventuel manque de compétence de l'apôtre, mais
également à l'influence de Dieu qui, en agissant sur les facultés supérieures
de la personne (intelligence et volonté), les "paralyse" — tout
comme dans la contemplation —, créant ainsi "une nuit de
l'agir". C'est cela, en tous cas, qu'il s'agit de bien discerner.
En effet,
si la lumière de Dieu éclaire progressivement celui qui prie non seulement sur
Dieu, mais aussi sur lui, nous avons vu qu'elle lui découvrait également, comme
par réfraction, ses tendances mauvaises, son péché, sa faiblesse 44. Une telle découverte provoque une certaine
lucidité critique par rapport à la force morale qu'il croyait posséder. Elle le
détache également de cette sorte d'auto-suffisance, plus ou moins consciente,
qui imprègne si fréquemment le gouvernement de lui-même et de son action. Cette
prise de conscience est particulièrement sensible dans la période de transition que constitue le passage des troisièmes aux
quatrièmes Demeures. Évidemment, cela pourrait pousser au découragement, et
pourtant, c'est dans cette impuissance même que la grâce de Dieu pourra dominer
et réaliser son œuvre à travers l'action humaine. Les paroles du Christ à
l'apôtre Paul fournissent l'explication ultime : "Ma grâce te suffit : car ma puissance
se déploie dans la faiblesse" 45.
Afin de
clarifier cette situation quelque peu embrouillée, le P. Marie-Eugène précise,
dans la même retraite sacerdotale, que lorsque ce sentiment de pauvreté "est le résultat de la lumière de Dieu, il s'y ajoute habituellement un mouvement de
confiance". C'est pourquoi —ajoute-t-il — l'apôtre "n'hésitera jamais à faire son devoir, si
douloureux, si difficile, si grand qu'il paraisse. Cette pauvreté ne rend pas
timide pour l'action" 46. Un auteur jésuite, H. Sanson,
abonde dans ce sens. Il explique en effet qu'en dépit de l'obscurité, de
l'inquiétude et du dégoût éprouvés devant l'action à entreprendre, l'apôtre se
sentira "poussé à persévérer dans sa
vocation, dans ce qu'il a commencé et dans sa tâche quotidienne", et
qu'il aura "la volonté plus
inébranlable que jamais de servir Dieu par amour" 47. Il précise en outre que "ce qui montre qu'il s'agit bien de «nuits»,
c'est qu'on continue à faire ce qu'on a à faire : on n'y éprouve aucune
consolation, mais le désir de bien faire reste néanmoins aussi et même plus
ardent qu'au début [c'est-à-dire : dans l'enthousiasme des débuts de
l'action]" 48.
Dans cette
atmosphère de pauvreté intérieure, le recours fréquent à l'Esprit sera
l'occasion d'expérimenter, dans l'humilité, sa présence efficace. Ainsi par
exemple, une brève invocation avant d'ouvrir la porte du lieu où l'on doit
régler une affaire ; une prière secrète appelant l'Esprit dans le cœur de
l'interlocuteur ; un acte de confiance et d'abandon plus décidé au sein de
difficultés de tout genre, etc..., seront des moyens concrets de maintenir la
communion avec Celui qui reste le Maître de l'action et n'abandonne jamais ceux
qui le servent.
Pour compléter
le tableau, disons cependant que si le sentiment de désolation et d'impuissance
paraît l'emporter au plan psychologique, il ne parvient pas à faire disparaître
totalement une impression positive de paix, de confiance, une joie de fond,
fruits de l'accomplissement effectif de
la volonté divine (cf. le troisième signe). Au fond du cœur, il y a une flamme
qui brûle et permet de dépasser cette expérience de pauvreté. Simplement, cette
paix confiante, cette joie, l'ardeur de cette flamme, ne seront pas forcément
ressenties intensément au plan affectif
superficiel. Elles pourront prendre simplement la forme d'une conviction
intime : celle, par exemple, d'être raccordé profondément à Dieu, d'être
sur le bon chemin, malgré les difficultés, ... ou toute autre forme.
Ce
troisième signe de l'intervention de Dieu sera également expérimenté au plan du
rayonnement apostolique et du témoignage, à travers lesquels la main de Dieu se
fera davantage percevoir. Le P. Marie-Eugène illustre cela dans le cadre du
ministère pastoral : "Dans ces
quatrièmes Demeures, l'activité apostolique est certainement marquée, au moins
par intermittence, par l'action de Dieu. Par conséquent elle y trouve une
efficacité certaine, apparente même. On
commence à dire de tel prêtre qu'il est presque un saint, dans le cercle réduit
où il travaille..." 49. Même si les fruits apostoliques ne
sont pas toujours visibles, palpables, la "sollicitude constante" pour la gloire de Dieu, évoquée plus haut
comme aspect positif du second signe, constituera bien la marque d'une emprise
réelle de l'Esprit sur l'apôtre qui devra apprendre l'art difficile de marcher
au pas de Dieu.
Reconnaissons
que, dans un premier temps, le chrétien sera franchement déconcerté par cette
influence plus forte du Seigneur au cœur même de son action ; il pourra
s'en trouver plus ou moins "déstabilisé". Étant éclairé sur ce point,
il apprendra alors à accorder progressivement son action à celle de l'Esprit et
à s'en remettre constamment à la Miséricorde. D'ailleurs, plus il avancera sur
ce chemin de foi, plus il en expérimentera l'antinomie fondamentale, déjà
évoquée dans notre deuxième chapitre, à savoir celle de la puissance de Dieu se
déployant dans sa faiblesse.
Ces
quelques réflexions, à la fois théoriques et pratiques, sur la nuit des sens
vécue dans l'oraison et l'action permettent, nous l'espérons, d'éclairer un peu
mieux l'expérience concrète, spécialement dans le contexte actuel du renouveau
de la prière et de la mission. A la suite des maîtres spirituels, redisons ici
que cette expérience de vie mystique, tout au moins d'une vie mystique
commençante, n'est pas quelque chose d'exceptionnel, qui serait réservé a priori à un tout petit nombre. Telle
est bien la pensée du P. Marie-Eugène : "Ne croyons pas que ces purifications du sens, c'est-à-dire cette
impuissance dans l'exercice de la vie spirituelle (...) impuissance qui pourra
s'étendre même parfois jusqu'au devoir d'état dans une certaine mesure, soit
réservée à des âmes particulières (...) qui vivent dans les cloîtres, ou à des
âmes religieuses. Elle doit atteindre normalement tout le monde 50, parce que c'est
toujours suivant la même méthode et les mêmes effets que l'action de Dieu se
produit" 51
Les
purifications vécues dans la prière et l'action ne sont en fait qu'une
manifestation de l'antinomie évangélique mort/ résurrection. Une très rapide
évocation de saint Paul va nous aider à situer cela au plan de l'apostolat.
De façon
toute particulière, l'expérience et la théologie pauliniennes invitent à
s'interroger sur la signification des épreuves apostoliques. Dans le simple but
d'introduire très brièvement le thème, citons quelques passages tirés tout
d'abord du livre des Actes, puis de quelques Epîtres. Dans le premier ouvrage
on trouve ce fameux passage : "Cet
homme m'est un instrument de choix... Je lui montrerai tout ce qu'il lui faudra
souffrir pour mon nom" (Ac 9, 15-16). D'autres endroits des
Épîtres montrent bien cette conscience qu'a l'Apôtre d'avoir été "saisi" (cf. Ph 3, 12) par le Christ
pour devenir "l'instrument"
de la grâce. Mais cette certitude du choix divin s'accompagne d'une expérience
non moins forte, vécue jusque "dans
sa chair", de "ce qui
manque aux épreuves du Christ pour son Corps qui est l'Église" (Col 1,
24). C'est pourquoi, dans l'épître aux Romains, il n'hésite pas à
affirmer : "Nous nous glorifions
encore des tribulations, sachant bien que la tribulation produit la constance,
la constance une vertu éprouvée, la vertu éprouvée l'espérance. Et l'espérance
ne déçoit point parce que l'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le
Saint-Esprit qui nous fut donné" (5, 3-5). Dans cette même épître, il
affirme encore : "Nous savons
qu'avec ceux qui l'aiment, Dieu collabore en tout pour leur bien, avec ceux
qu'il a appelés selon son dessein" (8, 28). "Dieu collabore en tout", c'est-à-dire que tous les actes du
chrétien, non seulement sa prière mais aussi ses activités, son témoignage
multiforme, vont pouvoir devenir le lieu privilégié d'une rencontre avec le
Christ et d'un renouvellement dans l'Esprit. Mais la mission sera aussi
l'occasion d'expérimenter l'antinomie fondamentale de la vie chrétienne, à
savoir, celle de la force de Dieu se déployant dans la faiblesse de l'apôtre.
Une telle
antinomie est constamment présente dans le ministère de Paul, où nous trouvons,
comme l'écrit un exégète, "d'un côté
l'apostolat avec tous les appuis de la part de Dieu ; de l'autre, la
faiblesse de l'humanité chargée de la puissance spirituelle (...)". Et le même auteur de
poursuivre : "Dans la
perspective apostolique, l'antinomie s'explique par la volonté de Dieu de se
réserver toute gloire : «afin que l'excès de puissance soit (visiblement)
de Dieu et non de nous» (2 Co 4, 7)
Nous retrouverons ce même thème dans le deuxième développement de l'antinomie,
sous la formule qui s'est imposée à la mémoire chrétienne : virtus in
infirmitate perfecitur [la puissance se déploie dans la faiblesse] (2
Co 12, 9). Dans la perspective
chrétienne générale, les souffrances sont participation à la mort du Christ, et
l'antinomie apostolique n'est qu'une application spéciale de l'antinomie
chrétienne fondamentale, vie et mort, résurrection et croix. L'apôtre participe
à la croix par les épreuves de sa vie apostolique ; il participe à la
résurrection dans les succès de sa mission, de telle manière que la vie
— puisqu'il s'agit de l'apostolat — ne se déploie pas en lui, mais
dans son œuvre : «la mort agit en nous, la vie en vous» (2
Co 4, 12)" 52.
La
fécondité apostolique jaillit donc de cette situation paradoxale qui met en
présence, d'une part : "les
périls et les adversités de la vie apostolique" et d'autre part :
"la force divine qui en triomphe et
fait échec à la faiblesse" 53. Les souffrances de Paul sont à la
fois purificatrices pour lui et rédemptrices. Elles entrent dans le champ de la
pédagogie divine qui ne cesse de se façonner "un instrument de choix", le fondant au creuset de l'amour en
vue de la construction de l'Église. Par le moyen de l'espérance théologale,
l'expérience apostolique de Paul débouche sur une prise de conscience de la
présence puissante de l'Esprit (comme aussi de celle du Christ, cf. 2 Co
12, 9-10) à l'intérieur même des tribulations de son ministère 54. Du fait de cette communion au Christ dans
l'Esprit, la mission devient un lieu "mystique" par excellence. Si
bien que l'on peut parler de "mystique apostolique", tout comme on
parle de "mystique contemplative".
Cette
mystique apostolique se déploie dans l'œuvre de la "grande Thérèse",
spécialement dans l'aventure mouvementée des fondations, au cours de laquelle
les "tribulations" ne lui ont pas, non plus, manqué. Son expérience
de contemplative et de fondatrice nous permet de prolonger les réflexions sur
la nuit de la foi dans l'action. En étudiant la nuit du sens, nous avons posé
les principes d'une expérience de purification que l'on retrouve tout au long
de la vie mystique, quoiqu'avec des modalités et une intensité variables.
Nous savons
en effet par saint Jean de la Croix, que la purification du sens n'est pas la
plus importante : "Son but est plutôt
d'accomoder les sens à l'esprit, que d'unir l'esprit à Dieu" 55. Elle n'est donc qu'un prélude à la
seconde : celle de la nuit de l'esprit, qui atteindra les racines mêmes
des tendances mauvaises. Si la première nuit est "terrible et amère pour les sens", la seconde "est incomparablement plus horrible et
épouvantable pour l'esprit", prévient le carme 56. Thérèse ne pense pas autrement lorsqu'elle évoque les "épreuves intérieures et extérieures"
propres aux sixièmes Demeures 57. La richesse de ses descriptions,
la finesse psychologique des analyses qui les accompagnent, ainsi que les
précieuses leçons de mystique pratique qui s'en dégagent, nous incitent à
entrer maintenant dans le problème complexe de la nuit de l'esprit vécue dans
l'action. Ceci est d'autant plus important que, comme nous l'avons lu plus haut
chez le P. Marie-Eugène, celui qui sort victorieux de telles épreuves "devient nécessairement un apôtre, un
entraîneur" 58.
Avant
d'entrer dans le détail des purifications énumérées par Thérèse, situons à
nouveau brièvement l'étape des sixièmes Demeures.
Depuis les
quatrièmes Demeures, Dieu a commencé à exercer dans l'âme une influence
prépondérante par ce que la Madre nomme le "secours particulier". L'union de volonté, première "entrevue" 59 entre l'âme-Épouse et le Christ-Époux a été la grâce propre des
cinquièmes Demeures. Aux sixièmes Demeures, l'âme, "déjà blessée par l'amour de l'Époux" 60, va être profondément purifiée et transformée en Lui jusqu'à la
conclusion des "fiançailles
spirituelles". Cette purification passera par le creuset des épreuves
que nous allons étudier. En rendant l'âme encore plus transparente à Dieu,
elles lui permettront d'accéder finalement aux septièmes Demeures, lieu du
"mariage spirituel" et de
l'état "d'union transformante".
Ces dernières expressions révèlent que l'identification parfaite au Christ est
désormais réalisée 61.
Aux
sixièmes Demeures, le fleuve puissant de lumière et d'amour qui envahit l'âme
produit deux effets antinomiques : un effet de plénitude et un effet de
purification. Plus l'âme est embrasée du feu de l'amour, plus elle aspire à la
perfection de l'union. Dans sa Miséricorde, le Seigneur lui donne alors
l'occasion d'aimer davantage et bien au-delà de ses désirs, serait-ce à travers
les croix. Ainsi en témoigne le chapitre 6 des Pensées sur l'amour de Dieu : "Le Seigneur ne se contente pas de nous donner le peu que nous désirons
(...) Lorsqu'on commence à demander certaines choses au Seigneur, il nous donne
l'occasion de les mériter et l'occasion de souffrir un peu pour lui (...) en paiement du petit effort résolument
accompli pour lui, il donne tant de peines, de persécutions et de maladies que
le pauvre homme ne se connaît plus" 62.
Ces "choses" mystérieuses ne
seraient-elles pas les grâces conduisant à l'union définitive avec le
Seigneur ? Selon Thérèse, les persécutions et souffrances diverses
supportées pour la construction du Royaume seront le prix de ce "petit effort" (!) accompli pour
grandir dans l'union. De fait, les travaux et les peines vont contribuer à la
croissance de l'amour ; ils "sont
même nécessaires à l'ascension en ces hautes régions", affirmait
le P. Marie-Eugène 63 dans notre premier chapitre. Ainsi
l'amour apparaît-il comme la cause et le fruit du travail apostolique. La
cause, car "la charité ne peut que
partager les travaux et l'immolation du Christ pour son Église" 64. La conséquence, parce que "Dieu n'infuse pas seulement dans les grâces
extraordinaires d'oraison et dans la contemplation, l'amour qui purifie et
transforme" 65. L'amour livre donc "l'âme à Dieu comme instrument de ses
desseins (...) en même temps qu'il en fait un contemplatif qui Le découvre".
Ainsi, "les mêmes envahissements
d'amour qui, en cette étape suprême, unissent à Dieu et font réaliser sa
présence, forment l'apôtre parfait..." 66. C'est l'invasion de l'amour qualifié des sixièmes Demeures qui scelle
en profondeur le rapport entre contemplation et action. Le même amour pousse
l'âme à désirer la transformation complète.
Saint Jean
de la Croix affirme clairement qu'il faut avoir beaucoup travaillé pour
recevoir la grâce de la purification essentielle de l'esprit qui conduit aux
"fiançailles spirituelles" :
"Il faut avoir rendu de grands
services à Dieu, avoir manifesté beaucoup de patience et de constance, avoir
enfin mené une vie et des œuvres qui nous rendent agréables à ses yeux, pour
qu'il nous accorde une grâce signalée comme celle des épreuves plus intérieures
afin de nous combler de dons et de récompenses" 67. Sainte Thérèse ne dit pas autre chose dans
les Pensées sur l'amour de Dieu, lorsqu'évoquant
le caractère exceptionnel de la grâce de conversion de saint Paul, elle
déclare : "Le plus souvent (...) Dieu accorde ces suprêmes régals et ces si
grandes faveurs à des personnes qui ont beaucoup peiné à son service, désiré
son amour, et qui ont tâché de se préparer à ce que tout en elles soit agréable
à Sa Majesté" 68. Les épreuves endurées pour le
service de Dieu vont atteindre un certain paroxysme aux sixièmes Demeures, mais
rappelons qu'elles ne disparaîtront jamais complètement, même lorsque l'âme
sera parvenue à l'union transformante.
Aux
sixièmes Demeures, Thérèse énumère donc un certain nombre d' "épreuves intérieures et extérieures" 69. En les étudiant de plus près, nous allons
nous rendre compte que, de fait, cette division entre l'intérieur et
l'extérieur est relative, car il y a bien évidemment une profonde interaction
de l'un sur l'autre, la personne étant plongée tout entière dans le creuset de
la purification. Il s'agit finalement d'une sorte de déréliction qui atteint
l'être tout entier.
Thérèse
répertorie deux grandes sortes d'épreuves dites "extérieures" 70. Premièrement, les critiques et
persécutions — typiques de celles qu'endurent "les saints fondateurs d'Ordres" 71 —, provenant des relations proches ou lointaines et même des amis
qui "s'éloignent" ;
deuxièmement, les maladies graves, qui touchent en fait "l'intérieur et l'extérieur",
c'est-à-dire le mental ou psychologique et le physique 72. Quant aux épreuves dites "intérieures",
elles peuvent se ramener à trois principales 73. Il y a d'abord celles qui proviennent de l'incompréhension de la part
de confesseurs trop peu expérimentés face à certains cheminements spirituels
sortant de l'ordinaire. Leurs craintes plongent alors l'âme dans le trouble, la
laissant seule avec sa détresse et son angoisse. Détresse et angoisse d'autant
plus profondes qu'elle est plus ou moins obnubilée par le souvenir de ses
fautes et s'imagine parfois tromper le confesseur sur elle-même.
La deuxième grande épreuve intérieure vient de
l'action cachée du démon qui obscurcit l'intelligence, agit sur l'imagination
en lui suggérant des idées folles, comme par exemple celle d'être réprouvée de
Dieu 74. Toutes ces souffrances oppressent
tellement l'âme, que Thérèse les compare à "celles de l'enfer" 75.
La
troisième épreuve qui laboure l'âme est celle de l'expérience écrasante de sa
misère 76, de son "néant" et de "sa
totale impuissance" 77 à tout bien, jointe à l'absence apparente
de la grâce. Celle-ci en effet, semble "si cachée", que
l'âme "ne perçoit pas la plus petite
étincelle d'amour de Dieu en elle, et qu'elle n'imagine pas l'avoir jamais aimé" 78. Mis à part la mémoire de ses fautes, "tout lui semble songe, ou imagination" 79.
Au passage,
Thérèse signale d'autres types d'épreuves, plus extérieures ou plus intérieures 80, mais sans les énumérer toutes et sans s'y
attarder, car, pour ces dernières, "il
serait impossible de toutes les décrire, ni même de les définir..." 81.
Pourtant,
"au milieu de cette tempête"
et "au moment le plus inattendu",
la miséricorde de Dieu "dissipe tout
si promptement qu'il semble n'y avoir jamais eu de nuages en cette âme qui se retrouve ensoleillée et plus consolée que jamais" 82.
Il est
instructif de réfléchir sur certaines des épreuves énumérées ci-dessus, en
raison de leur lien plus direct avec l'apostolat.
Lorsque
l'on considère l'itinéraire personnel de Thérèse, tout comme l'histoire de ses
fondations, on se rend compte à quel point cette "opposition des gens de bien" a coûté de souffrances intérieures et extérieures à Thérèse. Les
"gens de biens", ce sont
des personnes honnêtes, de "bons chrétiens" (probablement nous tous,
en fin de compte), qui sommes a priori bien
intentionnés 83, "pieux" 84 certainement..., mais parfois trop
esclaves de nos préjugés, de nos mouvements passionnels, de nos fautes aussi,
et donc pas toujours animés par une charité profonde et vraiment
désintéressée !
Dans ce
genre d'opposition, il en est une qui fut particulièrement douloureuse à la
Madre : celle provenant de conseillers spirituels sincères et d'amis
véritables, mais qui mettaient gravement en doute le caractère authentique de
ses grâces mystiques. De telles suspicions la firent profondément souffrir, non
pas tant à cause de l'atteinte à sa réputation qu'en raison de son désir ardent
de vérité 85. Heureusement, le saint franciscain
Pierre d'Alcantara pourra lui garantir l'authenticité de ses faveurs, tout en
lui déclarant que, dans cette forme de contradiction, elle avait "enduré l'une des plus grandes épreuves en ce
monde" 86. Elle-même avoue à ce sujet :
"L'opposition des gens de bien (...)
cela n'a l'air de rien quand on en parle, mais de toutes les épreuves que j'aie
subies dans cette vie, ce fut l'une des plus grandes" 87 !
Ces
oppositions et contradictions décupleront, prenant la forme de persécutions
plus extérieures contre l'œuvre de la réforme.
Néanmoins,
Thérèse précise qu'au milieu de ces diverses attaques, l'âme garde une certaine
sérénité de fond, car, détachée d'elle-même, elle n'est plus touchée par le
bien ou le mal qu'on peut dire à son sujet. Par contre, elle est "plus occupée de l'honneur et de la gloire de
Dieu que de son propre renom" 88 et, dans sa foi, elle comprend que
ces épreuves sont permises par Dieu "pour
son plus grand bien" 89. Cette intuition de l'action et de
la présence amoureuse de Dieu derrière l'enchevêtrement des causes et des
passions humaines la maintient dans une paix profonde. Saint Jean de la Croix
confirme que, dans sa nuit douloureuse, l'âme "éprouve en même temps un certain sentiment, une certaine conjecture que
Dieu est là" 90. Et le P. Marie-Eugène précise :
"Cette conjecture est une véritable
certitude (...) dont la fermeté s'affirme en bien des circonstances,
spécialement chaque fois que l'âme serait tentée de désespoir, ou qu'en sa
présence on émet des doutes sur la surnaturalité de l'action qu'elle subit" 91. Concluons avec lui : "Cette âme dans la nuit est en même temps
dans la paix" 92.
Derrière ce
maquis de contradictions, il faut savoir aussi discerner l'action pernicieuse
du démon. Dans les Fondations,
Thérèse ne se prive pas de montrer à quel point les incompréhensions, les
murmures, les calomnies à l'égard de la réforme étaient non seulement attisées,
mais encore orchestrées par les intrigues souterraines du Malin.
— Il
" est très fort pour tirer les
ficelles "
Au sujet de
l'action du démon, le P. Marie-Eugène fait remarquer que le démon "est très fort pour tirer les ficelles, en
utilisant les événements, même en les provoquant peut-être, en utilisant les
causes libres — ceci sera vrai surtout pour les purifications
apostoliques —, (...) les causes libres mauvaises qu'il a à sa disposition
et qu'il peut manier (...) Ou bien même, (...) les causes libres bonnes.
Pourquoi ? Pour persécuter l'âme, augmenter sa souffrance" 93. Et d'expliquer : "Pour arriver à la sainteté, il faut passer
par l'épreuve, une épreuve dont le démon va corser la difficulté".
Dieu permet celle-ci pour ceux "à
qui il donne des grâces de sainteté" 94. Comme pour Job, le Seigneur laisse donc une certaine liberté au démon pour
tourmenter l'âme et s'opposer extérieurement à la construction du Royaume de
Dieu. L'enjeu de cette bataille "n'est
plus seulement une âme, mais une sainteté qui rendra gloire à Dieu" en
portant des fruits merveilleux 95. C'est pourquoi
"l'Adversaire" (cf. 1 P 5, 8) tente aussi de perturber l'âme par
certaines impressions intérieures : des troubles, des oppressions, des
idées folles et angoissantes, comme celle, déjà signalée plus haut, d'être
réprouvée de Dieu 96. L'action du démon s'exerce donc
tant au plan de l'esprit qu'au plan des événements extérieurs, mais en tout
cela il reste l'instrument de Dieu, car, en définitive, le "tourment vient d'en-haut", ainsi
que le précise Thérèse 97. Cette double action de la
Providence et du démon se manifeste clairement au cours de la bataille des
fondations. Quelques aspects de celle de Saint-Joseph d'Avila vont nous
permettre de la découvrir 98.
— Un
combat de foi et d'espérance : la fondation de Saint-Joseph d'Avila
La première
fondation, celle de Saint-Joseph d'Avila (1562), a été l'occasion de terribles
combats qui illustrent bien les épreuves que nous venons d'énumérer, à
savoir : les critiques de la part des hommes et l'action de l'esprit du
mal. Au cours des tumultes qui devaient s'ensuivre, le Seigneur présenta à
Thérèse les souffrances des "saints
fondateurs d'Ordres" et lui
annonça que les persécutions à venir "dépasseraient
de beaucoup" ce qu'elle pouvait imaginer 99. Mais il l'invita en même temps à ne pas s'en soucier, c'est-à-dire,
finalement, à garder une foi et une confiance inébranlables en lui. Cela lui
fut possible parce qu'elle reçut en même temps la conviction intime que la
fondation parviendrait à son terme, malgré toutes les impossibilités apparentes 100. Parmi les contrariétés particulièrement
difficiles à vivre, il y avait les décisions souvent changeantes de ses
supérieurs ecclésiastiques ou de ses confesseurs. A ce sujet, il est
remarquable de constater que la Madre ne s'est jamais rebellée contre eux, mais
s'est toujours maintenue dans la ligne de la foi et de l'obéissance. Elle
accomplissait tout ce qui était en son pouvoir humainement et spirituellement
et restait dans la paix, soutenue par la certitude que la Providence dirigeait
les événements 101.
Ainsi en
est-il de toute expérience apostolique : en affinant la foi et
l'espérance, les contradictions provoquent chez l'apôtre un mouvement de
désappropriation de son action. Une lettre de Thérèse, choisie parmi d'autres,
éclaire cet aspect des choses : "Le
Seigneur veut que nous voyions que Sa Majesté est seule à faire ce qui nous
convient. Pour que nous le comprenions et que nous reconnaissions son œuvre, il
permet que nous éprouvions mille revers. C'est alors que tout s'arrange bien" 102. Ces "mille
revers" ont été vécus de façon contrastée par Thérèse qui les a
douloureusement ressentis, mais les a aussi affrontés avec l'assurance que
donne l'espérance.
Pourtant, à
certains moments, cette assurance est devenue elle-même le lieu d'un terrible
combat, d'une "nuit".
Très
significative à cet égard, est l'étrange tribulation que Thérèse endura, trois
ou quatre heures après l'installation des premières religieuses à Saint-Joseph
d'Avila. Le démon se mit alors à harceler la mère fondatrice de façon très
violente, essayant d'introduire en elle un doute sur l'ensemble de son action.
Il en résulte un trouble tel qu'elle se demande si cette fondation "n'était pas de la sottise" ;
si elle était vraiment viable et si les sœurs "n'allaient pas manquer de nourriture" ; si elle avait
bien agi dans l'obéissance ; si elle pourrait supporter une si étroite
clôture, compte tenu de sa mauvaise santé 103, etc... Ces insinuations sont tellement fortes qu'elles s'imposent à sa
pensée, lui faisant oublier le contexte surnaturel de l'entreprise : les
ordres que le Seigneur lui avait donnés, les nombreux conseils et avis reçus,
"les prières incessantes"
pour la réussite de la fondation. Elle ne se rappelle plus que ses idées
personnelles, à tel point que toutes les vertus, et même la foi étaient comme
"suspendues" en elle, état
qui la rendait encore plus vulnérable aux coups de l'Adversaire 104. Elle avoue : "Vraiment, ce fut l'un des plus durs moments de ma vie ; on eût dit
que je devinais en esprit tout ce que j'endurerais plus tard..." 105. Au milieu de cette véritable "agonie" 106, le Seigneur l'éclaira suffisamment pour lui permettre de discerner
l'action mensongère du démon. Cette lumière entraîna chez elle une nouvelle et
grande détermination de servir Seigneur qui fit fuir le démon, la laissant
"tranquille et contente",
mais non sans soucis malgré tout 107.
L'état de
pauvreté spirituelle dans l'action que nous venons d'illustrer par la fondation
du monastère de Saint-Joseph, est accentué par l'apparition des "maladies graves". Celles-ci sont
mentionnées par Thérèse comme étant caractéristiques des sixièmes Demeures.
Voici ce
qu'elle écrit : "Le Seigneur
envoie aussi parfois de très graves maladies, écrit-elle. C'est là une épreuve bien pire, en particulier lorsqu'elles s'accompagnent de
souffrances aiguës" 108. On peut être quelque peu étonné de
cette affirmation et se demander pourquoi parler spécialement des maladies à
cette étape du cheminement ? En effet, en elles-mêmes, les maladies ne
sont pas spécifiques de telle ou telle période de la vie spirituelle ;
elles ne sont qu'une des conséquences de notre condition de pécheur. Avec
l'ensemble de la Tradition Thérèse sait bien cependant que les épreuves de
santé supportées avec amour, en union avec les souffrances du Christ
Rédempteur, ne contribuent pas peu au progrès spirituel. C'est ainsi qu'elle
déclare assumer et même "choisir la
souffrance", "ne serait-ce que pour imiter Notre Seigneur
Jésus-Christ, même s'il n'y avait pas d'autre avantage ; or, ils sont
toujours très nombreux" 109.
Mais il est
certainement une raison plus spécifique qui permet de comprendre pourquoi
Thérèse — tout comme Jean de la Croix 110 — signale les "maladies
graves" parmi les épreuves typiques des sixièmes Demeures : c'est
qu'elles peuvent être la conséquence plus ou moins directe de l'action divine
dans l'âme. La simultanéité, relevée par Thérèse, entre l'envahissement de
l'amour et certaines maladies laisse entendre un rapport de causalité du
premier sur les secondes.
Dans Je veux voir Dieu, le P. Marie-Eugène
étudie de près cette question du rejaillissement du surnaturel sur le
psychisme, le corps et finalement, sur l'ensemble de la personne. Il écrit à ce
sujet : "Il est normal que la
souffrance spirituelle de l'âme, si intense dans la nuit de l'esprit se répande
sur le corps et s'y accuse par des effets sensibles" 111 ; et il consacre un certain nombre de
pages à l'examen des phénomènes psychologiques et physiques qui peuvent se
produire alors. Dans la même ligne de recherche, il n'hésite pas à aborder la
question délicate des faveurs mystiques extraordinaires qui se situent à la
jonction du surnaturel et de l'humain, comme les extases, les ravissements, les
lévitations, la stigmatisation 112. Toutes ces analyses montrent que
le choc du divin peut produire certains ébranlements qui commotionnent tout
l'être, mais se concentrent plus particulièrement là où la personne est la plus
fragile, la plus vulnérable. Pour faire comprendre cela, le P. Marie-Eugène
utilise l'image de la paillette d'air contenue dans une barre de fer :
"Prenez la comparaison de la barre
de fer : donnez-lui un choc. Où cela cassera-t-il ? Là où il y a la
faille ; c'est le point faible qui casse" 113.
Le
mystérieux travail de l'amour produit donc des bouleversements sensibles,
corporels, psychiques. Ces souffrances, à la fois purificatrices et
rédemptrices, contribuent à la croissance spirituelle. Si certains types
d'épreuves, sont, au dire de Thérèse, plus propres aux contemplatifs 114 et d'autres aux actifs, ainsi que nous venons
de le voir, par contre, les maladies font partie du lot commun. Cependant, il
est aisé de comprendre que, dans le cadre de l'action, elles sont plus
particulièrement pénibles à supporter, même si dans certains cas, l'activité
peut aider au contraire à les "oublier". En effet, face aux tâches à
accomplir, qui ne connaît le surcroît d'angoisses dû à certaines faiblesses ou
incapacités physiques, provisoires ou définitives ? L'histoire de Thérèse
montre à l'envi que dans sa vie de cloîtrée et dans sa mission de fondatrice,
les problèmes de santé ont constitué un facteur important de purification, et
donc d'union au Christ.
En effet,
pendant toute son existence, la Madre a subi les assauts de la maladie. Elle en
fait très discrètement la confidence, parlant à la troisième personne :
"Je connais une personne qui depuis
que le Seigneur a commencé à lui accorder la faveur dont j'ai parlé 115, il y a quarante ans,
ne peut dire sincèrement avoir vécu un jour sans douleurs ou tout autre forme
de souffrance ; par manque de santé corporelle, dis-je, sans parler
d'autres pénibles épreuves" 116. En effet, après sa profession
religieuse au monastère de l'Incarnation (le 3 novembre 1537), Thérèse tombe
gravement malade et doit aller se faire "soigner" auprès d'une "guérisseuse", dont les prétendus
remèdes faillirent la faire passer de vie à trépas ! 117 A son retour à l'Incarnation, elle se trouve
dans un si mauvais état qu'un moment on la croit morte et que l'on se met même
à creuser sa tombe 118. Revenue à elle, elle doit
cependant endurer pendant quelque trois ans, de terribles maladies qu'elle
supporte avec patience, résignation, esprit de foi et d'oraison 119 ; elle se confie alors à l'intercession
de saint Joseph qui favorise sa guérison 120. Au moment de rédiger son Autobiographie,
elle reconnaît qu'elle a toujours été et qu'elle est "encore très malade" et que "des maux de toutes sortes" ne la quittent pas 121.
Pourtant,
toutes ces maladies ne l'ont pas empêchée de mener à son terme l'œuvre des
fondations. Ce qui laisse à la fois admiratif et perplexe ! Pour
comprendre la clé de l'énigme, sans doute faut-il mentionner à nouveau la
confiance totale qu'elle avait dans la Providence et dont témoignent
particulièrement le livre des Fondations,
mais aussi les Lettres qui s'y
rapportent. Certains passages montrent clairement comment le Seigneur soutient
sans cesse la réelle indigence de la Madre
fundadora, lui qui a "le pouvoir
de donner la force aux faibles et aux malades la santé" 122. Dans une
Lettre, Thérèse fait cette confidence surprenante, révélatrice de son
expérience personnelle : "Quand
le Seigneur veut que je fasse quelque chose, il me donne immédiatement une
meilleure santé" 123.
Le problème
de l'insuffisance de la santé de Thérèse est omniprésent dans le récit des
fondations (qui, rappelons-le, recouvre la période des deux dernières
Demeures). Les conditions de voyage, habituellement très rudes et éprouvantes,
n'étaient pas pour améliorer son état : "... tant de voyages, dans l'eau et la neige, les chemins où l'on se
perd, et surtout souvent ma si mauvaise santé..." 124, non plus que les souffrances morales et
spirituelles qui s'y ajoutaient. Nous avons eu un bref aperçu de ces dernières
qui furent, en fait, très nombreuses. Donnons encore quelques exemples. Elle
raconte qu'au cours de l'implantation du monastère de Séville (1575) — la
plus dure, après celle de Saint-Joseph d'Avila 125 —, elle se sentit complètement "anéantie" par un fort accès de fièvre, et qu'au milieu de
toutes ses infirmités, elle n'avait pour seul "repos" physique, que la diversion que lui apportaient des
douleurs plus aiguës 126. Elle en tire cette
conclusion : "Le Seigneur ne
voulait point qu'une seule fondation se fît sans me coûter beaucoup de peines,
d'une manière ou d'une autre" 127. De fait, celles rencontrées lors
des fondations précédentes de Valladolid (1568) et Salamanque (1570) n'avaient
pas été des moindres non plus 128 ! Au moment de s'engager dans la
fondation de Palencia (1580), elle tombe "si gravement malade", qu'on
pense qu'elle va mourir ; elle est si fatiguée et "dégoûtée" qu'elle se sent "incapable de faire quoi que ce soit" 129. Son accablement physique et moral en arrive
au point de lui faire perdre, momentanément, "la confiance (...) en la
nécessité d'entreprendre" les fondations de Palencia et de Burgos.
Face aux souffrances morales et corporelles, Thérèse avoue que l'âme n'a
d'autre remède "que la patience,
reconnaître sa misère, et s'abandonner à la volonté de Dieu, afin qu'il use
d'elle pour ce qu'il voudra, et comme il voudra" 130. Ces épreuves seront le lot de la plupart des
fondations, jusqu'à la dernière, celle de Burgos (1582), qui fut l'occasion de
souffrances de tout genre 131.
Quand on
découvre les multiples péripéties de la réforme thérésienne, on ne peut
s'empêcher de penser aux travaux apostoliques de saint Paul, tels qu'ils sont
rapportés dans la deuxième épître aux Corinthiens : "Labeur et fatigue, veilles fréquentes, faim
et soif, jeûnes répétés, froid et nudité. Et sans parler du reste, mon
obsession quotidienne, le souci de toutes les Eglises" (11, 26-28).
Ici, il ne s'agit pas du "souci de
toutes les Églises", mais de celui de tous les monastères (féminins et
aussi masculins) réformés... Ce qui représentait une charge écrasante ! A
travers ces différentes épreuves, Thérèse prouve que la faiblesse, sous toutes
ses formes, n'empêche pas de servir Dieu, bien au contraire, puisqu'Il "préfère que ses œuvres resplendissent chez les
faibles" 132.
L'expérience
de Thérèse aide à prendre conscience que la faiblesse vécue dans l'action
constitue un rempart contre les tentations de glorification personnelle et
d'appropriation de l'œuvre. Elle tend à purifier chez l'apôtre la tendance naturelle
à se complaire en soi et en ses capacités de réalisation. Par voie de
conséquence, elle est aussi l'occasion de réaliser plus profondément que
l'apostolat est avant tout une collaboration surnaturelle à la Rédemption.
Cette forme de collaboration exige de la part de l'apôtre une réelle pauvreté
spirituelle qui le conduit à s'appuyer constamment sur Dieu et à lui rapporter,
en toute vérité, les fruits de son action.
De manière
générale, il faut préciser que les différentes formes d'épreuves que nous
venons d'examiner sont caractéristiques des sixièmes Demeures en raison de
l'intensité de la purification ("proportionnelle" en quelque sorte à
l'intensité de l'amour), qu'elles produisent à ce moment-là, mais on peut les
retrouver, bien sûr, à d'autres étapes du cheminement mystique. Il est en tous
cas essentiel de "se garder de toute
conception stéréotypée de la nuit", car le feu purificateur de l'amour
s'adapte à chaque personne et "règle
la violence de sa flamme" selon ce qui reste à purifier en elle 133. De plus, il faut replacer les descriptions
— assez terribles, reconnaissons-le — de Thérèse et de Jean de la
Croix, dans le cadre de la vie ordinaire. En effet, chez ces auteurs, elles
sont regroupées pour les besoins de l'exposé, ce qui augmente d'autant plus
l'impression de violence, mais dans la pratique, elles sont dispersées (et dans
cette mesure, quelque peu diluées) dans la banalité du quotidien et connaissent
des périodes d'intensité variables 134. Le P. Marie-Eugène remarque :
"La purification de l'esprit n'est
pas une intervention chirurgicale faite en clinique, ou une expérience de
laboratoire", elle "est
immergée habituellement dans la vie quotidienne et se cache sous le voile des
événements les plus ordinaires" 135. Dans ces souffrances, Thérèse recommande plus que jamais le recours au
Christ, contemplé dans sa Sainte Humanité.
"La vie est longue, les épreuves nombreuses,
et nous devons considérer comment notre modèle, le Christ, les a endurées, et
même ses Apôtres, ses Saints, afin de les supporter avec perfection. C'est une
bonne compagnie que celle du bon Jésus, ne nous en écartons pas, ni de sa très
sainte Mère..." 136. Avec insistance, Thérèse invite le
chrétien qui souffre en vue de son identification parfaite au Christ, à
recourir à la compagnie du "bon
Jésus", afin d'imiter sa patience dans l'épreuve, ainsi que celle de
tous ses disciples après lui. Dans la ligne de saint Jean de la Croix, le P.
Marie-Eugène relève une certaine analogie entre les souffrances de la nuit de
l'esprit 137, et celles du Christ en agonie à Gethsémani.
En effet, le drame de Gethsémani est celui de l'opposition radicale, dans
l'Humanité du Christ, entre la sainteté de Dieu et le péché du monde 138. Le drame de la nuit de l'esprit est celui de
l'affrontement violent, dans le coeur du chrétien, entre la noirceur de son
propre péché, de ses tendances mauvaises et la flamme purificatrice de Dieu qui
désire l'investir entièrement 139. De plus, dans cette confrontation
entre la pureté de Dieu et l'impureté humaine, l'influence active de la
puissance des ténèbres ajoute son poids de souffrances 140, tout comme à Gethsémani. Bien évidemment, ce n'est qu'une
analogie ; il faut donc bien distinguer le combat du Christ de celui du
pécheur ; néanmoins "l'âme qui
souffre sous l'action de l'amour rejoint le Christ qui agonise en son amour
pour les hommes jusqu'à la fin des temps", et participe ainsi à sa
victoire 141. "Sa
souffrance n'est-elle pas déjà rédemptrice ?", interroge le P.
Marie-Eugène 142. Cette pourquoi le résultat de
cette épreuve mystique intéresse non seulement celui qui la traverse, mais
l'Église tout entière, comme nous allons le voir un peu plus loin.
En attendant
cette victoire et pour aider à supporter l'épreuve, Thérèse propose un autre
remède : celui de la consécration aux œuvres extérieures de charité afin
d'éviter un repli sur le tourment intérieur 143. En effet, l'issue de cette nuit se trouve dans une remise totale de
soi entre les mains de Dieu, par le moyen d'une vertu d'espérance purifiée qui
ne s'appuie plus que sur Lui. Jean de la Croix chante l'âme ainsi libérée de
toute chose, élevée au-dessus d'elle-même, apparemment "sans appui", "et pourtant appuyée"
exclusivement sur Dieu 144. Dans cet état de pauvreté radicale 145, l'attitude d'humble espérance suscite un
mouvement d'amour qui unit l'âme à ce Dieu de Miséricorde "qui ne fait jamais défaut à ceux qui
espèrent en Lui" 146.
C'est ici
le lieu de réaffirmer que "celui qui
sort victorieux de l'épreuve devient nécessairement un apôtre, un entraîneur" 147. Essayons maintenant de faire ressortir la
dimension apostolique de ce "passage", de cette Pâque véritable, où
l'âme est transformée dans le Christ.
Dans la
mesure où ils travaillent en profondeur à la construction du Royaume, les
disciples du Christ sont appelés à vivre ce que nous pourrions appeler une
"Pâque de l'action", à savoir cette expérience que Dieu seul peut
faire œuvre de salut, que Lui seul peut libérer définitivement les hommes, en
les associant à la passion de son Fils. Un exégète, le P. Barthélemy, remarque
dans ce sens que "Dieu intervient
auprès de ceux qui ont déjà fait l'expérience des enthousiasmes humains et des
essais d'intervention humaine et qui ont vu où cela menait. Ils ont alors
compris qu'ils n'étaient pas de taille, que le problème de la libération des
hommes n'est pas un problème humain. Si ce sont en effet les hommes seuls qui
interviennent en croyant pouvoir se libérer, ils ne peuvent que se briser ou se
compromettre dans des concessions qui changent en une autre forme de servitude
la libération qu'ils avaient pressentie" 148. Cette remarque, formulée à propos de la vocation de Moïse, a en
réalité une portée générale. C'est en effet, l'ensemble des textes bibliques
qui révèlent le Seigneur comme Celui qui est le Maître de l'Histoire et du
Salut. En les méditant, on se rend compte que lorsque le Seigneur se choisit un
envoyé, un apôtre, il le façonne jusqu'à créer en lui une parfaite docilité et
dépossession par rapport à sa mission. L'histoire exemplaire d'Abraham est
significative à ce sujet.
En effet,
lorsque le Seigneur exige du Patriarche l'offrande d'Isaac, le fils de la
Promesse, il le plonge dans une "nuit" intérieure absolument
dramatique. Pourtant, le récit indique bien que sa foi ne se dérobe pas devant
l'incompréhensibilité de la demande divine. Plus que jamais, Abraham continue
de s'appuyer sur le Dieu de la Promesse, qui, dans un douloureux paradoxe,
semble réduire celle-ci à néant. L'obéissance de foi du Père des croyants, dans
la dépossession totale de lui-même, est la réponse que le Seigneur attend. Elle
lui mérite de vivre un grand dépouillement au sein même du mystère de sa
paternité. Ce dépouillement purifie ce qu'il pourrait y avoir encore de trop
exclusivement humain en elle. En recevant une deuxième fois Isaac, le
Patriarche est établi définitivement dans l'amitié avec Dieu et dans sa vocation
de "Père de la multitude" 149 : ainsi la Promesse est-elle
irrévocablement scellée à son égard et à celui de sa descendance (cf. Gn 22,
16-18). Cette révélation de l'action divine en Abraham, recueillie par la
Tradition apostolique (cf. notamment Gal 3 ; Rm 4 ; He 11), est
devenue celle de toute l'Église. Comme l'ensemble de la révélation, elle est
appelée à éclairer l'expérience chrétienne et mystique.
Très
souvent, la vie des fondateurs de familles spirituelles ou d'œuvres diverses dans
l'Église, reflètent quelque chose de cette expérience pour ainsi dire
"matricielle" du Père des croyants. Il serait assez aisé de le
montrer à l'aide de nombreux exemples... Ce que nous ne pouvons faire
ici ! Notons simplement que les épreuves de l'apostolat peuvent être
parfois si violentes, qu'elles semblent vouer l'œuvre à la destruction
complète. Il y a à ce sujet une phrase saisissante de Bossuet, rapportée par
Dom Chautard dans son célèbre ouvrage L'âme
de tout apostolat : "Lorsque
Dieu veut qu'une œuvre soit toute de sa main, il réduit tout à l'impuissance et
au néant, puis il agit..." 150. Nous avons déjà pu nous rendre
compte de la vérité de cette constatation dans la très brève évocation de
l'histoire des fondations thérésiennes, rapportée ci-dessus. Il y aurait
d'ailleurs beaucoup d'autres éléments à faire ressortir qui éclaireraient les
conditions concrètes de l'action de tout baptisé.
Pour sa
part, un auteur contemporain, le P. Lochet met excellemment en lumière la
nécessité pour l'apôtre de purifier son intention apostolique et pour cela de
consentir dans la foi et la confiance, aux dépouillements opérés ou permis par
le Seigneur : "Seule une
confiance totale animée par un amour plus pur permet ce dépassement de tous nos
intérêts si longtemps et avidement poursuivis" 151. Il ajoute que tout "homme
qui subit l'action de Dieu jusqu'au bout" 152 est appelé, à un moment ou à un
autre, à renouveler le sacrifice d'Abraham, autrement dit, à remettre
sincèrement et définitivement entre les mains du Seigneur les fruits qu'il a
reçus de la Promesse divine ; c'est-à-dire ce qu'il a fait de meilleur,
"ce qu'il a conçu de Dieu, ce qu'il
a formé selon la grâce, ce qu'il a fait, non pour lui, mais pour Dieu" 153. Ceci, parce que dans son œuvre de purification,
l'Esprit n'atteint pas seulement les péchés et les tendances mauvaises de
l'apôtre, mais aussi ses plus nobles dispositions, ses sentiments les
meilleurs. Ainsi, "ce n'est pas
seulement le plomb et la rouille qui vont être passés au creuset, mais l'or lui-même
pour être sept fois purifié. Ce ne sont pas seulement nos rêves et nos plans
personnels qui vont être mis en question, mais bien l'élan foncier, le désir
primitif, la volonté même de sauver.
Et non seulement les désirs imparfaits, mais les bons et les meilleurs" 154. Seules une foi et une confiance totales en la
fidélité de Dieu pourront lui obtenir l'accomplissement surabondant de la
Promesse, comme ce fut le cas pour Abraham. Et le P. Lochet de
conclure : "Il faut bien
s'apercevoir pour finir que le dernier mot de l'activité humaine, c'est de
provoquer l'action de Dieu par l'intensité de son espérance. Alors, dans un
dépouillement total, l'apôtre trouve son épanouissement dernier et son mode
d'action parfait, car l'immensité de ce qu'il obtient répond à la catholicité
de son désir initial" 155.
La vie de
Thérèse est une merveilleuse illustration de ces dispositions, qui, en la
détachant de sa réforme, l'ont amenée à collaborer d'une façon de plus en plus
harmonieuse à l'œuvre de Dieu.
Chez la
Madre, les détachements ont été produits par les emprises successives de Dieu
sur son âme et par les circonstances extérieures qui l'ont dépouillée de son
action.
Elle n'a pu
jouir que cinq ans (1562-1567) de la vie cloîtrée dont elle avait rêvé en
fondant Saint-Joseph d'Avila. Mais les nouvelles dramatiques des guerres de
religion en France, ainsi que l'immense appel missionnaire provenant du Nouveau
Monde, découvert en 1492 par Christophe Colomb, la troublent profondément et
attisent violemment son zèle apostolique. En effet, elle n'a pas entrepris la
réforme pour en faire un refuge égoïste, mais pour "être utile aux âmes" et servir ainsi l'Église de son temps.
L'autorisation du Général de l'Ordre du Carmel de fonder d'autres couvents
masculins et féminins, la trouve disponible, ardente et détachée, prête à
affronter les angoisses de l'action. Elle ne cherche pas ce qui lui plaît, mais
à accomplir l'œuvre de Dieu. Les fondations se succèdent, avec leur cortège de
souffrances et d'obstacles inattendus, parfois incompréhensibles à vues
humaines, comme par exemple, sa pénible nomination (octobre 1571) à la charge
de prieure de son ancien monastère de l'Incarnation (non réformé). Cette
nomination la coupe de l'atmosphère du Carmel réformé et la projette dans un
milieu qui lui est très hostile, tout au moins au départ. Toutefois, et c'est
révélateur de la pédagogie divine, cet acte coûteux d'obéissance lui vaudra de
recevoir, en pleine activité, la grâce du mariage spirituel (1572) : la
conclusion de cette union mystique n'est-elle pas symbolisée par le don d'un
clou de la croix du Christ ?
En 1574,
elle peut reprendre ses projets de fondations. Mais, dans les années 1575-1580,
un ouragan d'épreuves va s'abattre sur l'œuvre de la réforme, menaçant de
l'engloutir complètement 156. Condamnation de Thérèse à la
réclusion dans un couvent, avec menaces d'excomunication (1574), tensions,
calomnies de toutes sortes, sont la coupe amère que la Madre et ses carmélites
doivent boire jusqu'à la lie. De plus, l'Inquisition soupçonne certains de ses
écrits : cette moniale est-elle bien orthodoxe, n'est-elle pas du nombre
de ces "illuminés" qui pullulent en Espagne à cette époque ? De
1576 à 1580 les fondations doivent cesser. De son côté, Jean de la Croix, le
réformateur de la branche masculine de l'Ordre, n'est pas mieux loti, puisqu'il
finit par être arrêté par ses frères non-réformés et enfermé à Tolède dans un
obscur cachot, dont il s'évadera après neuf mois de détention inhumaine. Il
faudra l'intervention in extremis du
roi Philippe II pour que la réforme ne soit pas rayée d'un trait de plume 157. Finalement, le 22 juin 1580, un document
pontifical autorise le Carmel Déchaussé à se constituer en province séparée. Il
sera suivi, en 1581, par la tenue du premier chapitre de la nouvelle
province : la réforme était sauvée, les fondations pouvaient recommencer.
Certainement, pour renaître ainsi, l'œuvre avait bien été "conçue de Dieu", "formée selon sa grâce". Après avoir
été "sept fois purifiée"
(L. Lochet), elle était maintenant redonnée par le Seigneur à la Mère
Fondatrice.
En fait,
travaux et dépouillements successifs accompagneront Thérèse jusqu'à sa mort. En
effet, depuis le moment (l'année 1560 : elle en est alors aux fiançailles
spirituelles) où elle commence ses fondations, jusqu'à celui du mariage
spirituel (novembre 1572), et donc jusqu'à sa mort (octobre 1582), elle reste
immergée dans des tribulations de toutes sortes. L'union parfaite avec Dieu et
la fécondité spirituelle de la carmélite sont le résultat de cette activité
inlassable, de ces détachements, de ces emprises toujours plus profondes du
Seigneur sur elle.
Le P.
Marie-Eugène commente ainsi les épreuves de la nuit de l'esprit : "A expérimenter ainsi douloureusement sa
faiblesse, la profondeur du péché en elle-même et chez les autres, sa puissance
haineuse dans le monde, ses violences aveugles chez tous, l'âme apprend
l'humilité devant Dieu, devant elle-même, devant l'œuvre à réaliser dans
l'Eglise ; elle découvre progressivement les conditions divino-humaines
dans lesquelles se développe le royaume de Dieu ici-bas, la part de Dieu et la
part de l'homme, la puissance efficace de la charité divine, la patience
indulgente et silencieuse que cette charité requiert de l'instrument humain
pour triompher des forces du péché. Cette souffrance extérieure, même lorsque
le démon en est l'auteur, est éminemment utile. Elle perfectionne l'instrument
et sert déjà à l'extension du royaume de Dieu" 158. L'allusion au "perfectionnement de l'instrument" indique
qu'une partie des oppositions qu'endure l'apôtre aux sixièmes Demeures est la
conséquence des défauts et imperfections qui sont encore les siens et
imprègnent donc ses faits et gestes 159. Lui-même en a conscience et cela
le maintient dans une humilité foncière 160. Quant à elle, Thérèse précise en outre que, dans ces épreuves, le
Seigneur donne la patience nécessaire, sans jamais soumettre l'âme à ce qui
dépasserait ses forces 161. Cette "patience est le signe que l'âme est prise par Dieu, que son épreuve
vient de lui", confirme le P. Marie-Eugène 162. Patient à l'égard des autres comme à l'égard de lui-même, l'ami de Dieu
l'est d'autant plus qu'il est bien convaincu de la réalité de ses imperfections
et de ses défauts. Tout concourt donc à son avancement spirituel et au progrès
de l'oeuvre de Dieu, mais "comme à
travers le feu"(cf. 1 Co 3, 15) ; car, redisons-le, c'est bien
par le moyen du feu puissant "d'un
amour de plus en plus qualifié que Dieu purifie, éclaire, transforme, s'unit
l'âme définitivement" 163. C'est donc toujours par rapport à
l'amour qu'il faut lire et interpréter les souffrances de cette période dont nous
soulignons surtout, pour les expliciter, les effets purificateurs et
rédempteurs.
D'ailleurs,
cette nuit est éclairée malgré tout par de soudaines trouées de lumière. En
effet, nous avons vu plus haut comment l'intervention de Dieu pouvait,
soudainement, "ensoleiller"
le ciel de l'âme, la laissant "plus
consolée que jamais" 164. Saint Jean de la Croix, parle,
lui, "des intervalles et des
consolations où (...) l'âme semble sortir de tous ces cachots et de toutes ces
prisons..." ; elle
ressent alors "la profonde suavité
de la paix ainsi qu'une amabilité et une familiarité pleine d'amour avec
Dieu ; c'est avec facilité et abondance qu'elle reçoit les communications
spirituelles" 165. Avec le P. Marie-Eugène, on peut
préciser également que la purification de l'esprit comporte deux phases
successives, mais peut-être seront-elles aussi plus ou moins "entremêlées". La première "sera surtout une phase de souffrance; la
deuxième est déjà une phase d'union. Au milieu, il y aura normalement (...) les
fiançailles spirituelles". Ainsi la première est surtout purificatrice
et la deuxième, plus positive, est une préparation à l'union parfaite par le
don de grâces élevées 166. Thérèse conclut que l'âme sort de
ce creuset d'amour et de souffrance "plus
affinée, plus clarifiée, pour que le Seigneur se reflète en elle" 167.
Parmi ces
trouées de lumière, il faut mentionner certaines faveurs extraordinaires dont a
bénéficié la carmélite et qui lui ont permis d'accomplir sa mission.
Pour donner
une image plus exacte de la nuit spirituelle, il faut mentionner, non seulement
l'action puissante de l'amour qui fait grandir l'âme en sainteté, mais
également les diverses faveurs particulières que Dieu, dans sa Miséricorde, peut
accorder alors 168. Dans le livre des Demeures, comme dans l'Autobiographie, Thérèse situe l'exposé
des grâces extraordinaires après les ravissements des fiançailles 169, parce que c'est là habituellement qu'elles
sont le plus nombreuses et produisent de plus grands effets ; néanmoins,
elles peuvent être données par Dieu à tout moment de la vie spirituelle 170.
Il n'est
pas ici dans notre intention de développer longuement cette question des
faveurs extraordinaires, mais de signaler simplement leur existence parce
qu'elles font aussi partie de la vérité de la vie spirituelle. Même si elles ne
sont pas absolument nécessaires au développement de la sainteté et s'il ne faut
donc pas les rechercher pour elles-mêmes (comme l'enseigne saint Jean de la
Croix), elles sont des dons précieux ; il ne sert à rien de les nier. Ce
qui nous intéresse particulièrement dans le cadre de notre étude sur la
mystique apostolique, est de relever leur lien avec l'accomplissement de la
mission. Donnons tout d'abord quelques indications à propos de la grâce de
maternité spirituelle reçue par Thérèse, que l'on appelle grâce de la
"transverbération".
La
transverbération est un transpercement mystique du cœur, une blessure d'amour,
que Thérèse et Jean de la Croix décrivent sous sa modalité extraordinaire. Chez
la sainte, elle est rapportée dans la Vie
et les Demeures 171, avec plus de détails dans le premier que dans
le second ouvrage. Cette grâce se renouvela plusieurs fois dans sa vie, la
laissant "tout embrasée d'un grand
amour de Dieu" 172.
Jean de la
Croix explique pour sa part qu'il s'agit là d'une grâce très élevée de
fécondité spirituelle, conférée par l'intermédiaire d'un ange, à ceux qui sont destinés
à avoir une postérité spirituelle. Il précise : "Il y a peu d'âmes qui arrivent à un degré si éminent. Il y en a
cependant quelques-unes qui y sont parvenues ; ce sont surtout celles de
ces personnages dont la vertu et l'esprit devaient se transmettre dans la
succession de leurs disciples. Dieu, en donnant à ces chefs de familles les
prémices de son esprit, leur a conféré des trésors et des grandeurs en rapport
avec la succession plus ou moins grande d'enfants qui devaient embrasser leur
règle et leur esprit" 173.
La
transverbération, en manifestant l'emprise de Dieu sur l'âme de Thérèse, l'a
marquée en même temps pour une mission spécifique 174. En lui conférant "des
trésors et des grandeurs en rapport avec la succession" de ses
disciples, elle a fait d'elle une puissante maîtresse spirituelle, dont le
rayonnement continue de s'exercer dans l'Église d'aujourd'hui 175.
Au sujet
des charismes, rappelons ce qu'enseigne la théologie classique, à savoir qu'ils
sont directement liées au bien du prochain et à l'édification de l'Église, donc
à la mission. S'ils ne laissent pas présumer de la sainteté de
celui qui les possède (cf. Mt 7,22-23),
ils montrent toutefois la façon dont le Seigneur associe les hommes à la
communication de la foi et à la croissance du Royaume.
La Madre a
bien conscience que la "si haute
faveur" de la transverbération est en même temps une puissante
incitation à servir Dieu, serait-ce "au
milieu de grandes épreuves" 176. Mais ces grandes épreuves seront
aussi l'occasion de nouvelles faveurs, qui, en authentifiant les œuvres,
aideront également à les accomplir.
Quand, dans
les chapitres consacrés aux sixièmes Demeures, Thérèse aborde la question des
faveurs extraordinaires, paroles ou visions, elle fait remarquer que celles-ci
aident grandement à l'accomplissement de la mission. Elle en vient ainsi à
évoquer la vision du buisson ardent par Moïse (cf. Ex 3, 2) :
"Moïse (...) n'a pas su dire tout ce qu'il
avait vu dans le buisson, mais uniquement ce que Dieu lui permit de révéler.
Mais si Dieu n'avait pas communiqué à son âme des secrets, s'il ne lui avait
pas octroyé la certitude de voir et de croire que cela venait de Dieu, il
n'aurait pas tant entrepris, au prix de si grandes épreuves ; il dut
découvrir au milieu des épines de ce buisson de fort grandes choses qui lui
donnèrent le courage de faire ce qu'il fit pour le peuple d'Israël" 177.
Ces lignes
établissent un rapport très net entre la vision du buisson ardent et le rôle
futur de Moïse. Tout au long de sa vie cette vision sera le fondement et la
garantie permanente de sa mission de libérateur d'Israël. En effet, ce n'est
pas par sa propre force que Moïse pourra soulever ce peuple tombé dans
l'apathie de l'esclavage, mais uniquement par la puissance du Nom divin 178. C'est par lui que Moïse se présentera aux
Israélites et leur parlera (cf. Ex 3,14). C'est également le Nom qui attestera
auprès d'eux l'authenticité du message de libération (cf. Ex 3,16s). Les
prodiges qui accompagneront celui-ci confirmeront la présence agissante du
Seigneur et la véracité de sa parole : "Je serai avec toi" (Ex 3, 12).
Dans le
texte cité ci-dessus, Thérèse fait un parallèle éclairant entre les "fort grandes choses" (tan grandes cosas) découvertes dans la
mystérieuse théophanie du désert et les "si grandes épreuves" (tan grandes trabajos) que le "plus grand des prophètes" (cf. Dt
34, 10) eut à affronter au cours de sa mission. La contemplation de ces "grandes choses", en apportant avec
elle la certitude de leur origine divine, a été aussi source de force et de
courage pour entreprendre la libération du peuple. L'épisode biblique manifeste
ainsi l'étroite connexion entre contemplation et action. D'autres passages de
l'Écriture montreraient aisément que les grandes missions découlent d'une
rencontre profonde, voire exceptionnelle, avec le Seigneur 179.
En
commentant l'épisode du buisson ardent, Thérèse fait en quelque sorte une
relecture de sa propre expérience de fondatrice qui lui a appris combien les
faveurs du Seigneur constituaient une aide précieuse pour l'accomplissement de
la mission. Elle développe cela dans deux de ses Relations.
Dans la
première (qui date peut-être de 1572), elle jette un regard rétrospectif sur le
dur labeur de la réforme et constate : "Si Notre-Seigneur ne m'avait pas fait les faveurs qu'il m'a faites, je
ne crois pas que j'aurais eu assez de courage pour les œuvres accomplies, ni
assez de force pour toutes les épreuves subies, les oppositions, les jugements
téméraires. C'est ainsi que dès le début des fondations, la crainte que j'avais
auparavant d'être trompée se dissipa, l'assurance que c'était Dieu s'imposa à
moi et m'aida à me lancer dans les entreprises difficiles, mais toujours conseillée et obéissante" 180.
Dans l'autre, datant de 1576, elle reconnaît que sans certaines faveurs particulières (paroles
intérieures et visions), reçues au milieu de cruelles incertitudes spirituelles
et d'autres souffrances, "elle
n'aurait pas pu supporter de si grandes épreuves, les oppositions, les maladies
toutes innombrables, qu'elle a endurées et endure encore" 181.
De manière
plus générale, Thérèse n'hésite pas à affirmer qu'il "est impossible (...) que
celui qui ne comprend pas que Dieu le favorise ait le courage de faire de
grandes choses". Et d'expliquer : "Nous sommes si misérables et si attirés par les choses de la terre que
celui qui ne comprend pas qu'il a reçu des gages de là-haut aura du mal à
abhorrer toutes les choses d'ici-bas, de fait, et avec un grand détachement" 182. En bonne pédagogue, la Madre montre que pour
être vraiment détaché des biens de la terre, il faut d'abord être attaché à
ceux du ciel. Le Seigneur s'emploie justement à produire un tel transfert en
appâtant les âmes faibles "par des
régals" qui leur permettront de supporter leurs épreuves 183.
L'histoire
de la réforme prouve que les faveurs extraordinaires ont permis à la sainte,
non seulement de se lancer dans cette aventure périlleuse, mais encore d'y
persévérer, malgré les impossibilités de toutes sortes. Ainsi par exemple, ce
sont les paroles éminemment efficaces du Seigneur (elles "sont des actes" 184), qui ont incité Thérèse à entreprendre la
première fondation de Saint-Joseph d'Avila 185 et ont maintenu en elle la certitude qu'elle se réaliserait malgré les
événements contraires 186. En effet, en dépit de tous les
revers, "une étincelle d'espérance"
persiste dans l'âme, précise Thérèse à propos de ces paroles, et finalement ce
qui a été dit par le Seigneur "s'accomplit" 187. Pourtant, force est de constater aussi que la
Madre ne s'est jamais appuyée
exclusivement sur ces faveurs, mais sur l'obéissance à l'Église, en ses
représentants. Chez elle en effet, l'obéissance l'emportait toujours en dernier
ressort sur les assurances intimes qu'elle pensait avoir reçues du Seigneur.
Dans les
sixièmes Demeures, elle explique sa position en demandant que l'on n'agisse
jamais en fonction de paroles intérieures sans les avoir soumises, au
préalable, au jugement d'un confesseur éclairé, aurait-on la certitude morale
qu'elles viennent de Dieu 188. Elle déclare en outre qu'il ne
faut pas désirer ces bienfaits exceptionnels de Dieu, mais ne vouloir que ce
qu'il veut pour nous, lui seul sachant ce qui nous convient.
Avec le P.
Marie-Eugène, précisons que chez Thérèse, ces faveurs extraordinaires
apparaissent comme nettement charismatiques 189. Elles lui ont été communiquées en effet, pour "assurer lumière, force et crédit" 190 dans la réalisation de sa mission. "Cette réformatrice avait besoin d'assurances
divines toutes particulières ; cette maîtresse de vie spirituelle devait
pouvoir situer d'une façon précise les étapes de la vie spirituelle et les
caractéristiques de chacune d'elles. Les faveurs extraordinaires lui ont fourni
les jalons lumineux qui lui étaient nécessaires" 191. Ajoutons que pour être charismatiques, et
donc ordonnées essentiellement au bien de l'Église, elles n'ont pas peu
contribué au développement spirituel de la carmélite 192.
Malgré la
fréquence des faveurs extraordinaires dans la vie des saints et des fondateurs,
on ne saurait cependant "les
déclarer nécessaires au développement de la sainteté même la plus haute, pas
même à la réalisation d'une mission serait-elle la plus brillante. Elles ne
sont pas non plus, comme telles, une preuve suffisante de la sainteté. Dieu les
distribue comme il veut et quand il veut, de même qu'il fait ses saints par les
moyens et les voies qu'il a choisies. La Sagesse d'amour n'a d'autre loi que
son bon vouloir" 193.
Cette
réflexion rejoint bien le point de vue de Thérèse. S'adressant aux carmélites,
elle écrit : "La plus sainte de
toutes sera celle qui servira Notre Seigneur avec le plus de pénitence,
d'humilité et de pureté de conscience" 194. En définitive, précise-t-elle ailleurs, la seule faveur à désirer
vraiment de Dieu est qu'il nous fasse "vivre
dans l'imitation de la vie de son Fils tant aimé" 195.
0.
Retraite
sacerdotale 1965, (notes inédites).
1.
MC.,
livre I, ch. 1/27.
2.
Ibid.
3.
Je
veux voir Dieu, Ed. du Carmel, Venasque, 19887
(1957), p. 520-521.
4. NO., ch. 8, p. 509.
5.
Cf.
Je veux voir Dieu, p. 536-537. Voici un très beau texte du P. Marie-Eugène sur
la distinction sens/esprit : "Le «sens» pour saint Jean de la Croix,
ce sont les faubourgs où règnent l'agitation et le bruit, car les puissances
sensibles s'y trouvent. «L'esprit» est à proprement parler la demeure de Dieu.
C'est là qu'il vit et agit dans la paix, là qu'il se laisse saisir par la foi,
ou parfois, se laisse soupçonner par l'expérience comme la seule et
transcendante Réalité. L'esprit est le point de rencontre de Dieu qui se donne
comme Père, et de l'âme qui le cherche avec sa grâce filiale. Cette demeure
divine est silencieuse, car c'est dans le silence que Dieu engendre et que
toute vie divine est reçue", ibid., p. 582.
6. M C., I/13/82.
7.
"Dieu
veut que dans une harmonie parfaite elles [toutes les puissance spirituelles et
sensibles] emploient leurs forces et leurs vertus à cet amour, et qu'ainsi se
réalise véritablement le premier précepte du Décalogue, qui sans rien dédaigner
de l'homme ni exclure de cet amour, nous dit : «Vous aimerez le Seigneur
votre Dieu de tout votre coeur, de toute votre âme et de toutes vos forces» (Dt
6, 5) ", Jean de la Croix, NO., 11/594-595.
8.
Voir
Je veux voir Dieu, p. 537s , et P. Marie-Eugène, Jean de la Croix,
Présence de lumière, Ed. du Carmel, Venasque, 1991, p. 205s.
9.
Cf.
NO., 2/550.
10.
Je
veux voir Dieu, p. 763.
11.
Ainsi
par exemple : Vie (abréviation : V.), 30/16/216 (Seuil/322) ; 4
Dem. 2/6/913 s (Seuil/873s). etc.
12.
Voir
entre autres : 4 Dem., chapitres 2, 3. Cf. également Je veux voir Dieu, p.
415.
13. NO., 10/521.
14. Vive Flamme (A), 3/999.
15. Cf. MC., II/11/152.
16.
Cf.
Je veux voir Dieu, p. 409.
17. MC., II/12/158.
18. Strophe 3/1001.
19. Cf. NO., 10/519.
20. Cf. MC., II/2/98.
21.
Saint
Jean de la Croix utilise l'exemple d'Aristote évoquant l'aveuglement de la
chauve-souris face à la lumière du soleil, cf. MC., II/7/130-131 ;
Cantique Spirituel (A), 38/897.
22.
Pour
d'autres causes de distractions et sécheresses, cf. Je veux voir Dieu, p. 218-222.
23.
Ces
signes sont présentés dans deux endroits : MC., II/11/154s ; NO.,
9/511s.
24.
MC., II/11/154 ; cf. NO., 9/516-517. Le premier signe de La
Montée est donné en troisième dans la Nuit (cf. p. 516).
25.
Voir
MC., II/13/169. Dans La Nuit Obscure, Jean de la Croix précise :
"Cette nuit des sécheresses dans la partie sensitive n'est pas continuelle
d'ordinaire ; quelquefois elle existe, quelquefois non ; parfois on
ne peut discourir, d'autres fois on le
peut comme auparavant", I/9/517. On retrouve le même avertissement chez
Thérèse qui enjoint de ne pas arrêter le travail méditatif de l'intelligence si
le Seigneur lui-même ne le "suspend", et ce, "sous peine de
devenir froid, stupide, et de ne rien obtenir", V. 12/5/79 (Seuil 12/119).
26.
MC.,
II/11/154.
27.
On
ne trouve aucune joie, aucune consolation "ni dans les choses de Dieu, ni
dans les choses créées", NO., 9/512 ; dans cet ouvrage, ce signe est
donné en premier.
28.
NO.,
9/512 ; c'est ici le second signe. Jean de la Croix précise encore :
"Quand la sécheresse provient seulement d'une humeur maligne, il n'y a
pour la nature que dégoût et prostration. L'âme n'éprouve pas alors ces désirs
de servir Dieu que lui donne la sécheresse purificative", p. 513. Voir
aussi MC., II/11/155. Décrivant des Demeures supérieures aux quatrièmes
Demeures, Thérèse de Jésus parle aussi d'une sorte de dégoût généralisé qui
touche l'oraison et l'action, voir V. 30/15-16/216 (Seuil 30/322).
29.
II/11/154.
30.
Cette
description se rapproche peu ou prou de celle rapportée dans le second signe de
la Nuit Obscure : "Ce que l'âme peut faire alors par elle-même ne
sert (...) qu'à troubler la paix intérieure et l'oeuvre que Dieu accomplit dans
l'esprit par le moyen de la sécheresse où il tient les sens. Or comme cette
opération est spirituelle et délicate, l'oeuvre s'accomplit avec calme et
délicatesse ; elle est secrète, satisfactoire, paisible et très étrangère
aux jouissances antérieures qui étaient palpables et sensibles. Telle est la
paix que Dieu adresse à l'âme (...) pour la rendre spirituelle", p. 515-516.
31.
4
Dem. 3/9/921 (Seuil 3/886).
32.
Cf.
aussi Chemin de la Perfection (V), 12/462 (Seuil 30/726).
33. II/11/155-156.
34. Cf. NO., 9/514.
35.
Sur
l'expérience de la lumière et celle de l'amour dans la contemplation, voir le
chapitre de Je veux voir Dieu, intitulé "Dieu lumière et Dieu amour",
p. 506-519.
36.
Cf.
Retraites sacerdotales, 1962 et 1966 (notes inédites).
37.
P. 610.
38.
Saint
Thomas d'Aquin relie entre elles la foi à l'intelligence, l'espérance et la
charité à la volonté. Notons cependant que saint Jean de la Croix, s'appuyant
sur une anthropologie plus augustinienne, met l'espérance en rapport avec la
mémoire, et non avec la volonté.
39.
Retraite
sacerdotale 1965.
40.
Voir
P. Marie-Eugène, Jean de la Croix, Présence de lumière, p. 226-227.
41.
Souvenons-nous
de la remarque de Thérèse à propos des chrétiens qui s'arrêtent à mi-pente du
chemin de la perfection : elle précisait que leur foi n'avait "pas
beaucoup d'action sur leurs décisions", PAD. 2/29/579 ; Seuil 2/1416.
42.
Cf.
Je veux voir Dieu, p. 381.
43.
Retraite
sacerdotale, 1966 (notes inédites).
44.
Voir
ci-dessus le chapitre 2.
45.
2
Co 12, 9.
46.
Cité
dans : F.-R. Wilhélem, Dieu dans l'action. La mystique apostolique selon
Thérèse d'Avila, Ed. du Carmel, Venasque, 1992, p. 208.
47.
Spiritualité
de la vie active, Ed. Mappus, le Puy/Lyon, 1958, p. 307. Sur "les
nuits" de l'homme d'action, voir les p. 306 - 311.
48. Ibid., p. 247, note 328.
49.
Retraite
sacerdotale, 1962 (notes inédites). Un tel apôtre contemplatif aura "des
pensées lumineuses et profondes, des mots pleins et savoureux, des vues dont la
pénétration dépasse certainement celle d'une intelligence ordinaire. C'est une
fête pour ceux qui l'écoutent, une réussite pour ceux qui suivent ses conseils.
L'Esprit de Dieu est là et son action transparaît souvent et clairement. Aussi
l'apostolat de cette âme est fructueux", Je veux voir Dieu, p. 1059.
50.
Il
y a ici une allusion à ce que dit saint Jean de la Croix à propos de la nuit
des sens : elle est "commune et elle se produit chez une foule de
commençants", NO., 8/509.
51.
Jean
de la Croix, Présence de lumière, p. 228.
52.
L.
Cerfaux, "L'antinomie paulinienne de la vie apostolique", Recherches
de Sciences Religieuses, 1951, t. 39, p. 223 et 227-228.
53.
"L'antithèse
principale se modifie (I Co 4, 10-13) et devient contraste entre la faiblesse
des apôtres et la soi-disant force des Corinthiens (4, 10), puis entre les
avanies que les apôtres reçoivent et leurs bons procédés (4, 12s)",
"L'antinomie paulinienne ...", p. 227.
54.
Voir
à ce sujet C.-A. Bernard, "Expérience spirituelle et vie apostolique en
saint Paul", Gregorianum (49), 1968, p. 39.
55. NO. 2/550.
56. Ibid., 8/509.
57. 6 Dem. 1/1/949 (Seuil 1/927).
58.
Je
veux voir Dieu, p. 763.
59. 5 Dem. 4/4/945 (Seuil 4/921).
60. 6 Dem. 1/ 1/949 (Seuil 1/927).
61.
L'expression
"mariage spirituel" évoque l'état spirituel du sommet de la vie mystique,
"avec tout le cortège de manifestations, faveurs extraordinaires et
lumières contemplatives qui indiquent qu'une âme y est parvenue. Union
transformante désigne la réalité qui constitue cet état spirituel, à savoir le
degré de charité qui réalise cette union parfaite avec Dieu par transformation
et ressemblance d'amour", Je veux voir Dieu, p. 989.
62.
PAD.
6/1/595 (Seuil 6/1439). Dans une Lettre, Thérèse écrit : "Sa Majesté
paie les bonnes oeuvres en fournissant l'occasion d'en accomplir de plus
grandes" (ici, traduction de M. Marie du S. Sacrement, Lettres de sainte
Thérèse, t. I, Bloud et Gay, Paris, 1938, p. 114).
63.
Je
veux voir Dieu, p. 701.
64.
Je
veux voir Dieu, p. 689.
65. Ibid., p. 701.
66. Ibid., p. 689.
67.
VF.
(A), 2/963-964.
68.
PAD.
5/3/592 (Seuil 5/1435).
69.
6
Dem. 1/1/949 (Seuil 1/928).
70. Cf. 6 Dem. 1/3-7/950s (Seuil 1/929s).
71.
Cf.
V. 32/14/237 (Seuil 32/352).
72. Cf. 6 Dem. 1/6/951-952 (Seuil 1/931).
73. Cf. 6 Dem. 1/8-11/952s (Seuil 1/932s).
74. Cf. 6 Dem. 1/8-9/952-953 (Seuil 1/932-934).
75. Cf. 6 Dem. 1/9/953 (Seuil 1/934).
76. Cf. 6 Dem. 1/10/954 (Seuil 1/935).
77. 6 Dem. 1/11/954 (Seuil 1/935).
78. Ibid.
79.
Ibid.
80.
Cf.
par exemple 6 Dem. 1/14-15/955 (Seuil 1/936). On peut se référer également aux
chapitres 30 et 31 de l'Autobiographie.
81. Cf. 6 Dem. 1/15/955 (Seuil 1/937).
82. Cf. 6 Dem. 1/10/953-954 (Seuil 1/934).
83.
Dans
son Autobiographie, Thérèse évoque certaines personnes, au zèle
"sincère", qui, lors de la fondation de Saint-Joseph d'Avila,
s'opposèrent à elle "en toute conscience", V. 36/15-19/272s (Seuil
36/404s).
84.
V.
32/14/238 (Seuil 32/353) ;
85.
Cf.
V. ch. 28.
86.
V.
30/6/211 (Seuil 30/314).
87.
V. 28/18/201
(Seuil 28/299).
88. 6 Dem. 1/4/951 (Seuil 1/930).
89. 6 Dem. 1/5/951 (Seuil 1/931)
90.
NO.,
11/593.
91.
Je
veux voir Dieu, p. 820.
92.
Jean
de la Croix, Présence de lumière, p. 261.
93.
Jean
de la Croix, Présence de lumière, p. 251-252 ; voir aussi Je veux voir
Dieu, p. 780-785.
94.
Présence
de lumière, p. 248.
95. Ibid., p. 254.
96.
Cf. 6 Dem. 1/9/953 (Seuil 1/933-934). Au sujet des troubles que le
démon peut provoquer dans l'âme, voir S. Jean de la Croix, NO., 23/655s.
97.
6
Dem. 1/12/954 (Seuil 1/935).
98.
V.
ch. 32 à 36.
99.
32/14/237
(Seuil 32/352). Sur l'attitude de Thérèse face aux critiques, lors de la
fondation de S. Joseph d'Avila, voir aussi les Relations 2 et 3. En 1577, au
plus fort des attaques contre la réforme, Thérèse écrira : "Chacune
de ces maisons m'offre une petite portion de la Croix, et je ne le regrette
point", Lettre du 26 janvier 1577 (Lt. 166/339) ; voir aussi :
Fond. 21/4/714 (Seuil 21/1232).
100. Cf. V. 32/11,12/236 (Seuil 32/351) ;
33/2/242 (Seuil 33/358).
101. Cf. par exemple V. 33/1/241 (Seuil 33/357).
102. Lettre du 16 février 1577 au P. Ambroise Mariano
(Lt. 170/351).
103. V. 36/7-8/268-269 (Seuil 36/398).
104. V. 36/7/269 (Seuil 36/398)
105. V. 36/9/269 (Seuil 36/399).
106. V. 36/8/269 (Seuil 36/399).
107. V. 36/9-11/269-271 (Seuil 36/400s).
108. 6 Dem. 1/6/951 (Seuil 1/931).
109. 6 Dem.
1/7/952 (Seuil 1/932). Cf. aussi, par exemple : V. 5/8/35 (Seuil 5/50), où Thérèse se
félicite "d'avoir lu l'histoire de Job dans les Morales de Saint
Grégoire" et d'avoir commencé "à faire oraison" afin
d'affronter, avec la force du Seigneur, la terrible épreuve de sa grande
maladie, au début de sa vie religieuse.
110. Voir NO., 1/549.
111. Pages 771-772.
112. Voir les p. 772-816.
113. Jean de la Croix, Présence de lumière, p. 245 ;
Je veux voir Dieu, p. 778.
114. Dans une note de notre premier chapitre, nous avons
déjà cité un texte évoquant les souffrances des contemplatifs. En voici un autre, également tiré du Chemin de la
Perfection : "Les souffrances que Dieu envoie aux contemplatifs sont
intolérables : elles sont de telle sorte qu'ils ne pourraient les
supporter si Dieu ne les nourrissait de consolations célestes", CP. (E)
28/2/88.
115. Il s'agit de la grâce d'union mystique dont elle fut
favorisée pendant ses toutes premières années de vie religieuse (cf. V.
4/7/28 ; Seuil 4/39).
116. 6 Dem. 1/7/952 (Seuil 1/931-932). Cf. aussi :
R. 4/858 (Seuil 6/514).
117. V. 4/5s/27s (Seuil 4/37s).
118. V. 5/9,10/35s (Seuil 5/50s).
119. Cf. les ch. 4, 5 et 6 du livre de la Vie.
120. V. 6/6/39 (Seuil 6/57).
121. V. 7/11/48 (Seuil 7/70).
122. Fond. 28/18/763 (Seuil 28/1308).
123. Lt. 62/113, du 11 septembre 1574 ; cf.
également : Lt. 34/71 ; Fond. 18/4/697 (Seuil 18/1204) :
"... bien que souffrante, Sa Majesté me donnait des forces", etc...
124. Fond. 27/17/754 (Seuil 27/1294) ; 18/4/697
(Seuil 18/1204) etc...
125. Cf. Fond. 26/2/743 (Seuil 26/1277) ; Lt.
93/177.
126. Cf. Fond. 24/7-9/732s (Seuil 24/1261s).
127. Fond. 24/15/735 (Seuil 24/1266).
128. Pour plus de détails, voir Fond. ch.
10 ; 18-19.
129. Cf. Fond. 29/1/774 (Seuil 29/1235).
130. Ibid., 3/775 (Seuil 29/1236).
131. Cf. Fond. ch. 31 ; Lt. 431/826. Voir aussi le
témoignage d'Anne de S. Barthélemy, compagne de Thérèse pour une partie des
fondations, dans son Autobiographie, Ed. Carmelitana, Gand, 1989, p. 78s.
132. PAD. 3/6/583 (Seuil 3/1421).
133. Je veux voir Dieu, p. 817.
134. Cf. ibid., p. 816-819 ; Jean de la Croix,
Présence de lumière, p. 160-161, 257-259.
135. Je veux voir Dieu, p. 818.
136. 6 Dem. 7/13/991 (Seuil 7/992). Rappelons que le
chapitre 7 des sixièmes Demeures, qui est centré sur la nécessité du recours
continuel à l'Humanité du Christ, est à mettre en parallèle avec le chapitre 22
de la Vie.
137. Cf.
notamment NO., 5-10/558s ; VF. (A), strophe 1, p. 926-932. Le P. Marie-Eugène fait
remarquer que dans ses descriptions, le carme utilise largement "les
textes prophétiques de l'Ancien Testament que l'Eglise applique à la passion du
Christ", Je veux voir Dieu, p. 869.
138. Sur cette opposition, voir notamment P.
Marie-Eugène, Jésus. Contemplation du mystère pascal, Ed. du Carmel, Venasque,
1986, p. 28s. Cf. également d'autres textes du P. Marie-Eugène cités par P.
d'Ornellas, dans sa conférence intitulée : "Jésus rempli de l'Esprit
Saint", dans : L'Evangile de Jésus, Rencontre du Centre Notre-Dame de
Vie 1989, Ed. du Carmel, Venasque, 1990, p. 201s.
139. Voir Je veux voir Dieu, p. 762-763 ; 869.
140. Cf. NO., 23/658.
141. Je veux voir Dieu, p. 880.
142. Ibid., p. 870.
143. Cf. 6 Dem. 1/13/955 (Seuil 1/936).
144. "Sans appui et pourtant appuyé, / Vivant sans
lumière et dans la nuit, / Je vais me consumant tout entier. / Libre est mon
âme de tout lien / Qui tienne à chose créée, / Au-dessus d'elle-même élevée /
Menant savoureuse vie : / En son Dieu seulement appuyée...". Ici,
traduction du P. Cyprien de la Nativité, Jean de la Croix, Oeuvres complètes,
DDB., 1959, p. 1248.
145. Voir 6 Dem. 1/10-12/953s (Seuil 1/934s).
146. 6 Dem. 1/13/955 (Seuil 1/936).
147. Je veux voir Dieu, p. 762-763.
148. Dieu et son image, p. 74.
149. Le P. J.-D. Barthélemy commente ainsi cet
épisode : "Dieu veut mener Abraham jusqu'aux limites de la foi.
Abraham obéit dans le noir et notez que ce n'est pas la seule fois dans
l'histoire que Dieu semble détruire lui-même ce qu'il avait pourtant construit.
C'est pour nous éviter de nous l'approprier nous-mêmes, insidieusement, que
Dieu va jusqu'à nous le reprendre pour nous le rendre afin que désormais nous
puissions le posséder de sa main à lui seul (...). Pour Abraham ce fut le cas.
Il était père d'Isaac et il l'avait bien reçu de Dieu même, mais il aurait fini
par s'habituer à croire qu'il en était le père d'une façon humaine. Dieu le lui
reprend, et le lui rend au moment même où Abraham lui a mis le couteau sur la
gorge ; et à ce moment-là Abraham apprend à en être le père au nom de Dieu
et non pas en son nom à lui, à ne pas s'approprier même son propre fils. Et là
nous avons déjà une des clés de l'histoire biblique",
Dieu et son image, p. 61-62 (c'est
nous qui soulignons).
Le P. Loew appelle les
épreuves purificatrices de l'action : "La terre brûlée de la vie
apostolique", "car par elles tout ce qui aurait pu fleurir d'humain
et d'attachant est anéanti", Comme s'il voyait l'invisible, Cerf, Paris, 1965,
p. 227.
150. L'âme de tout apostolat, Sept-Fons/Vitte/Téqui, 193714, p. 102.
151. Fils de l'Église, coll. Foi vivante, Cerf, Paris,
1966, p. 106.
152. Ibid., p. 107.
153. Ibid., p. 108.
154. Ibid., p. 107 (c'est nous qui soulignons).
155. Ibid., p. 108.
156. Cf. Fond. 28/1/758 (Seuil 28/1300).
157. Cf. Fond. 28/6/759 (Seuil 28/1302-1303).
158. Je veux voir Dieu, p. 785.
159. Cf. ibid., p. 782.
160. 6 Dem. 1/8 à11/952s (Seuil 1/933s).
161. Cf. 6 Dem. 1/6/952 (Seuil 1/931).
162. Retraite sacerdotale, 1966 (notes inédites).
163. Je veux voir Dieu, p. 705.
164. Cf. 6
Dem. 1/10/953 (Seuil 1/934) ; cf. supra p. 13
165. NO., 7/572.
166. Jean de la Croix, Présence de lumière,
p. 238-239 ; Je veux voir Dieu, p. 961-965.
167. V. 30/14/216 (Seuil 30/321).
168. Cf. Je veux voir Dieu, p. 730.
169. Voir 6 Dem. ch. 8 à 10 ; Vie, ch. 25 à 29.
170. Cf. Je veux voir Dieu, p. 735 et 945.
171. V. 29/10,13/206s (Seuil 29/306s) ; 6 Dem. 2/4/957 (Seuil 2/939s).
172. V. 29/13/207 (Seuil 29/309).
173. V F. (A), 2/951.
174. Précisons toutefois avec le P. Marie-Eugène que
"la concession d'une grâce particulière de fécondité n'est pas liée [au]
mode extraordinaire décrit par saint Jean de la Croix ou à un autre. Elle peut
ne pas être accompagnée d'une nette prise de conscience". Il donne
l'exemple de Thérèse de l'Enfant-Jésus : "C'est ainsi qu'en suivant
les ascensions spirituelles de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, on se rend
compte que la sainte découvre en un moment qu'il est difficile à déterminer
avant son offrande à l'Amour miséricordieux, la voie d'enfance spirituelle et
sa mission de l'enseigner aux âmes", Je veux voir Dieu, p. 1068. Ce
qui compte en effet, ¾ et ceci est vrai pour l'ensemble de la vie
spirituelle ¾ c'est la réalité du don reçu et non la manière dont il est
transmis.
175. Rappelons que Thérèse a été la première femme
proclamée Docteur de l'Église, en septembre 1970, en même temps que sainte
Catherine de Sienne.
176. 6 Dem. 2/5/958 (Seuil 2/941).
177. 6 Dem. 4/7/970 (Seuil 2/959-960).
178. On sait l'importance, au plan biblique, du nom qui
récapitule en quelque sorte le mystère de la personne qui le porte. En révélant
son Nom dans le buisson ardent, le Seigneur commence à dévoiler quelque chose
de lui-même. Ce dévoilement se poursuivra tout au long de l'histoire du Peuple
élu.
179. Ainsi par exemple, la mission d'Elie (cf. 1 R 17,
1s).
180. R. p. 554 (Seuil XVII/551). En 7 Dem. 4/4/1033 (Seuil
4/1052), Thérèse reviendra sur cette pensée en déclarant que les faveurs du
Seigneur, en général, "tendent à fortifier notre faiblesse" pour qu'à
l'exemple du Christ, nous sachions beaucoup souffrir.
181. R. 4/858 (Seuil VI/513-514).
182. V. 10/6/66 (Seuil 10/98).
183. V. 11/14/75 (Seuil 11/113).
184. Cf. 6 Dem. 3/5/961 (Seuil 3/946).
185. Cf. V. 32/11/236 (Seuil 32/351).
186. Cf. V. 32/11,12/236 et 33/2/242 (Seuil 32/351 et
33/358).
187. Cf. 6 Dem. 3/8/963 (Seuil 3/949) ; voir
aussi : R. 3/335 (Seuil III/498). Dans le livre des Fondations, elle fait
cette confidence : "Chaque fois qu'il doit y avoir à lutter au cours
d'une fondation, Notre Seigneur me juge si misérable qu'il m'aide toujours en
paroles et en actions" (31/4/792 ; Seuil 31/1353).
188. Cf. 6
Dem. 3/11/964 (Seuil 3/950). Sur l'obéissance de Thérèse, voir la note 326, p. 258 de Dieu dans
l'action.
189. Cf. Je veux voir Dieu, p. 991, note 1.
190. Cf. ibid., p. 732.
191. Ibid., p. 991, note 1.
192. Cf. ibid., p. 731-732.
193. Ibid., p. 735.
194. 6 Dem. 8/10/998 (Seuil 8/1001).
195. 7 Dem. 4/4/1033 (Seuil
4/1052).