SAINT VINCENT DE PAUL

 

57- CONFÉRENCE DU 20 AOÛT 1655

SUR LA MÉTHODE A SUIVRE DANS LES PRÉDICATIONS

Monsieur Vincent donne les raisons qu'ont les missionnaires de prêcher selon la petite méthode.

Euntes in mundum universum, praedicate Evangelium omni creaturae. Allez-vous-en par le monde, par tout le monde, in mundum universum, et prêchez l'Évangile à toute créature (Mc 16, 15).

Ce sont les paroles de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ, tirées de saint Marc, chap. XVI.

Il me semble, Messieurs, que ces paroles que Nôtre-Seigneur, après sa résurrection, devant que de monter au ciel, dit à ses apôtres, s'adressent aussi à toute la Compagnie, et en particulier à ceux qui sont destinés pour la prédication. J'ai été souvent bien consolé, et cela me console encore aujourd'hui, de voir que Dieu nous ait fait la grâce, comme à ses apôtres, de nous envoyer prêcher sa parole par tout le monde. O Sauveur! nous avons les même lettres d'envoi que les apôtres ! Aussi nous voyons, par la miséricorde de Dieu, qu'un homme s'en va avec joie porter au bout du monde cette parole. Vous n'avez qu'à lui dire : " Monsieur, quand partez-vous pour l'Italie, pour la Pologne ? " L'on est toujours prêt, par la grâce de Dieu; l'on va partout, comme les apôtres, et l'on prêche la parole de Dieu en la manière que les apôtres l'ont prêchée.

Les apôtres, comment prêchaient-ils ? Tout bonnement, familièrement et simplement. Et voilà notre manière de prêcher : avec un discours commun, tout bonnement, dans la simplicité, familièrement. Il faut, Messieurs, pour prêcher en apôtre, c'est-à-dire pour bien prêcher et utilement, il faut y aller dans la simplicité, avec un discours familier, de sorte qu'un chacun puisse entendre et en faire son profit. Voilà comme prêchaient les disciples et les apôtres, voilà comme prêchait Jésus-Christ; et c'est une grande faveur que Dieu a faite à cette chétive et misérable Compagnie, que nous ayons le bonheur de l'imiter en cela.

Il faut avouer, Messieurs, que partout ailleurs on ne garde pas cette méthode ; la grande perversité du monde a contraint les prédicateurs, pour leur débiter l'utile avec l'agréable, de se servir de belles paroles et de conceptions subtiles, et d'employer tout ce que peut suggérer l'éloquence, afin de contenter en quelque façon et d'arrêter comme ils peuvent la méchanceté du monde. Mais, ô Sauveur ! à quoi bon ce faste de rhétorique ? Qu'avance-t-on par là? Eh! cela se voit; si ce n'est peut-être qu'on veuille se prêcher soi-même. C'est donc à la petite Compagnie, préférablement aux autres, à qui Dieu, par sa miséricorde, a voulu s'adresser, pour lui donner sa méthode. Cette méthode vient de Dieu; les hommes n'y peuvent rien; et les effets nous font voir que c'est Dieu. Ce sera donc de cette méthode de prêcher que je ferai cet entretien, et nous continuerons ensuite les uns après les autres jusqu'au séminaire, afin que chacun de nous puisse apprendre cette méthode.

Ma prédication donc est de la méthode de bien prêcher; et afin qu'en traitant de la méthode, je puisse la garder moi-même, je divise mon sermon en trois points :

- au premier, nous verrons les motifs qui nous doivent faire bien affectionner à cette méthode;

- au second, je dirai en quoi consiste cette méthode, afin que nous la connaissions et la puissions à l'avenir mettre en pratique;

- et au troisième, j'avancerai quelques moyens qui pourront servir pour l'acquisition de cette méthode.

Nous avons pour cela besoin de la grâce de Dieu. O Sauveur, nous vous supplions humblement de la répandre sur nous; nous vous en conjurons, ô Saint-Esprit, par l'intercession de la sainte Vierge. Et parce que nous sommes ici dans un entretien familier, nous la saluerons seulement de cœur; ce que je vous prie de faire.

1. Le premier point, Messieurs, est des raisons que nous avons d'embrasser la familière méthode de prêcher qu'il a plu à Dieu donner à cette petite Compagnie.

1.1 La première raison est son efficacité. C'est que cette méthode est grandement efficace, grandement efficace pour éclairer les entendements et émouvoir les volontés, pour faire voir clairement la splendeur et beauté des vertus et l'horrible difformité des vices, et pour donner au monde tout ce qu'il faut pour se tirer du bourbier du péché et se mettre dans le beau chemin de la grâce et la pratique des bonnes œuvres. Cette grande efficacité se manifeste aisément par la considération de ce que l'on opère par le moyen de la méthode. Voyons, Messieurs, ses effets, voyons ce qu'elle produit.

Je dis que cette méthode contient tout ce qu'il faut alléguer pour bien persuader le monde; elle ne laisse rien de tout ce qui se peut apporter pour convaincre et gagner les esprits. J'ose avancer qu'il n'y a point de manière de prêcher si efficace, au moins que je sache. Non, je le dis, il n'y a point de manière de prêcher, à présent en usage, si propre à gagner les coeurs et produire de grands effets. Et ne m'en croyez pas, je vous prie, voyez-le vous-mêmes, Messieurs, considérez bien toutes les méthodes qu'on observe en prêchant, considérez bien et jugez en vérité et selon ce que le cœur vous en dira, selon la conscience. Mettez la main là devant Dieu, et dites-moi s'il y a de plus puissante méthode pour toucher au but et parvenir à sa fin, que la nôtre ?

1.1.1. Suivant cette méthode, en premier lieu, l'on fait voir les raisons et motifs qui peuvent toucher et porter l'esprit à détester les péchés et vices, et à rechercher les vertus. Mais ce n'est pas assez de me déclarer les grandes obligations que j'ai d'acquérir une vertu, si je ne sais ce que c'est que cette vertu, ni en quoi elle consiste. Je vois bien que j'en ai grand besoin et que cette vertu m'est fort nécessaire; mais, Monsieur, je ne sais ce que c'est, ni où la pouvoir trouver. Hélas! je ne la connais pas, misérable! comment pourrais-je la mettre en pratique, si vous ne me faites la grâce de me le montrer, m'apprenant en quoi elle gît principalement, quelles sont ses œuvres et ses fonctions!

1.1.2. Et voilà le second point, qui fait tout cela ; car, selon notre méthode, après les motifs qui doivent porter nos cœurs à la vertu, l'on fait voir en second lieu en quoi consiste cette vertu, quelle est son essence et sa nature, quelles sont ses propriétés, quelles sont ses fonctions, ses actes et ceux qui lui sont contraires, les marques et la pratique de cette vertu. Vous tirez le rideau et vous découvrez pleinement l'éclat et la beauté de cette vertu, faisant voir familièrement, simplement ce qu'elle est, quels actes il en faut pratiquer en particulier, et descendre toujours au particulier.

1.1.3. Or sus, je vois bien maintenant ce que c'est, en quoi consiste cette vertu, les actions où elle se trouve, quels sont ses actes; il me semble que je suis bien cela; voila qui est bon et fort nécessaire ; mais, Monsieur, qu'il est difficile ! Les moyens d'y parvenir, les moyens de mettre en pratique cette vertu si belle et si désirable ? Je ne sais ce que je suis obligé de faire pour cela, ni de quel biais je dois m'y prendre. Que ferai-je ? — A la bonne heure, Messieurs, à la bonne foi, croyez-vous que ce soit assez d'avoir dit à cette personne les motifs, de lui avoir montré en quoi consiste la vertu, si vous l'arrêtez là, si vous la laissez aller sur cela ? Je ne sais pas, mais, en bonne foi, je pense que ce n'est pas assez; bien plus, si vous la laissez là sans lui fournir aucun moyen de pratiquer ce que vous lui avez enseigné, je crois, pour moi, que vous n'avez guère avancé; c'est se moquer; l'on n'a rien fait, si l'on en demeure là; c'est se moquer. Et vous le voyez mieux que moi, Messieurs, comment voulez-vous que je fasse une chose, bien que je sache que j'en ai grand besoin, et que je la veuille faire, si je n'ai aucun moyen pour cela ? Comment voulez-vous que je la fasse ? C'est se moquer; cela ne se peut. Mais donnez à cet homme pour cela les moyens, qui font le troisième point de la méthode, donnez-lui des moyens pour mettre en œuvre cette vertu, oh! le voilà satisfait.

Qu'est-ce qui lui manque maintenant ? Cet homme n'a-t-il pas ce qu'il faut pour travailler à la vertu ? Y a-t-il quelque chose qui reste à dire ? Non, je n'en sache point. Vous lui avez premièrement fait voir les grands profits de cette vertu, les grands dommages qui arrivent d'en être privé et tous les maux de son contraire; vous lui avez fait voir son importance et sa nécessité ; après, vous lui avez montré, fait toucher du doit ce que c'est, en quoi cette vertu consiste, les moyens et sa pratique ; enfin vous lui avez mis en main les moyens pour l'acquérir. Que reste-t-il après cela à faire pour mettre et porter un homme dans l'exercice de la vertu ? Que reste-t-il, Messieurs ? Dites-moi, s'il vous plaît, savez-vous qu'il y ait encore quelque chose ? En savez-vous, Messieurs ? Ah ! faites-moi la grâce de me l'apprendre ?

Pour moi, je n'en ai jamais su, ni je n'en sache point au monde, car qu'est-ce qui se fait, qu'est-ce qu'on emploie, quand on veut persuader l'amour et la pratique de quelque chose à un homme ? Rien autre chose que ceci : l'on vous représente les grands profits qui en reviennent, les désavantages où vous jette le parti contraire; l'on fait voir quelle est cette chose; l'on vous montre sa beauté; et enfin, si l'on met en main les moyens pour l'acquérir, il ne reste plus rien à faire. L'on ne fait pas autre chose pour convaincre et gagner un homme, quel qu'il soit. Et voilà ce que c'est que notre méthode; voilà ce que fait la petite méthode. Il ne faut pas s'aller amuser à toute autre chose. Je vous proteste en vérité que, tout vieux que je suis, je ne sais pas, ni n'ai point ouï dire, qu'il faille apporter quel-qu'autre chose pour persuader un homme. Nous expérimentons tous les jours que, quand on allègue les puissants motifs que nous avons de faire quelque chose, notre âme s'y attache incontinent, la volonté s'embrase, il n'en faut pas davantage, elle la veut, elle la veut avoir; nous ne respirons autre chose que les occasions où elles se rencontrent et les moyens de nous mettre dans sa possession. Ne le sentez-vous pas, Messieurs ? N'est-il pas vrai que cela se fait ainsi, et non autrement ? Et faut-il encore quelque chose ? O Dieu ! je ne sais pas.

Vous voyez donc bien la grande efficacité de la petite méthode, vous la voyez bien, Messieurs ? mais, afin que cette efficacité paraisse encore plus clairement et distinctement, s'il se peut, prenons une chose commune, un exemple familier. Quand on veut persuader à un homme de prendre un emploi, d'avoir une charge, de se marier, que fait-on, sinon lui représenter le plaisir, le profit et l'honneur qui reviennent de tout cela, les grands avantages qui s'y rencontrent ?

Qu'on veuille porter un homme à se faire président, qu'est-ce qu'on emploie à cet effet ? Il ne faut que lui représenter les avantages et le grand honneur qui accompagnent cette charge : " Un président, Monsieur, c'est le premier de la ville; tout le monde lui cède le devant et le haut du pavé; il n'y a personne qui ne l'honore; son autorité lui donne un grand crédit dans le monde, dans la justice; il peut tout. O Monsieur! un président ! Il ne le cède pas à un évêque ; les souverains mêmes leur défèrent et les ont à grand honneur. Un président ! Il peut obliger, faire plaisir à qui bon lui semble, s'acquérir un bon nombre d'amis, se faire considérer partout. Oh! oh! Monsieur! un président! c'est quelque chose de grand! " Et ainsi on lui dit les autres avantages qu'il y a d'être président.

Et d'abord vous le voyez brûler du désir d'avoir cette belle dignité. Et qu'est-ce qu'on rapporte pour lui faire naître cette envie ? Les avantages, comme vous voyez, qu'il y a dans cette charge, les raisons et les motifs qui l'obligent à l'avoir. Mais se contente-t-on de cela ? Point du tout ; il en faut venir là : qu'est-ce que l'office de président, Monsieur ? En quoi consiste-t-il ? Que faut-il faire dans cette charge ? Oh ! qu'est-ce que c'est ? " Vous êtes le premier officier de la justice, de ce grand et honorable corps; vous en êtes le chef; vous ne rapportez jamais; vous distribuez les affaires; c'est vous qui colligez les voix des autres et qui prononcez le jugement. " Voilà ce qu'on lui apprend à peu près, et les autres fonctions de cette charge.

Et voilà un homme qui a envie d'avoir la charge de président et qui sait déjà en quoi elle consiste. Mais avec tout cela il ne tient rien, si on ne lui suggère les moyens d'avoir cet office; il aurait raison de se fâcher et de se plaindre de ce conseiller impertinent qui serait venu lui donner l'envie de cette charge, sans lui suggérer aucun moyen de l'obtenir. Mais si celui qui donne le conseil fournit encore les moyens : " Monsieur, vous avez tant de revenu de ce côté-là, tant d'argent de l'autre ; de là vous prendrez cette somme, et d'ici cette autre; au reste, je connais M. tel, qui a cette charge à vendre ; encore M. tel est mon intime et aussi son ami ; je ferai qu'il traitera avec lui; nous en aurons bon compte ; nous ferons ceci et cela, nous obtiendrons ceci et cela " ; voilà qui est bien servir un homme et le mettre dans le plus assuré chemin pour parvenir à la dignité de président, là où, si on l'avait laissé sans lui donner les moyens d'avoir cette charge, après lui en avoir montré les grands avantages et la lui avoir fait connaître, l'on n'aurait rien avancé que troubler le repos de cet homme et le mettre en peine. Il n'y a rien, dans le monde, qu'on veuille persuader, où l'on ne se serve des mêmes moyens ; et c'est la manière la plus efficace et à laquelle il est impossible de ne se point rendre, si l'on a l'esprit bien sain.

Messieurs, il en va de même dans les choses spirituelles; et pour y porter l'esprit de l'homme, je ne sache point qu'il y ait d'autre invention que de lui faire bien voir les avantages qui en proviennent, en quoi elles consistent et ce qu'il faut faire pour les avoir; aussi ne trouve-t-on point d'esprit bien fait qui ne se rende à ces puissants motifs. Et qui pourrait tenir bon contre cette méthode, puisqu'elle contient en soi tout ce qui peut porter les hommes à travailler à l'acquisition de quelque chose : les avantages et désavantages qui en arrivent, en quoi elle consiste et les moyens pour l'obtenir? Pour moi, je ne vois point de meilleure méthode, et je suis si persuadé de cette vérité que rien plus. Eh ! qui ne le voit ? Cela est si évident qu'il faudrait se crever les yeux pour ne le voir pas. O Sauveur! Et voilà, Messieurs, le premier motif que nous avons de nous bien mettre dans la pratique : son efficacité, sa grande efficacité.

1.2. La seconde raison que j'ai pour cela, c'est que c'est la méthode dont Nôtre-Seigneur Jésus-Christ a voulu se servir pour nous persuader lui-même sa doctrine; c'est aussi en cette méthode que les apôtres ont publié la parole de Dieu par tout le monde. O Sauveur! c'est votre méthode, ô Sauveur ! Oui, Messieurs, c'est la méthode dont le Fils de Dieu s'est servi pour annoncer aux hommes son Évangile. O Sauveur! Et le Fils de Dieu, qui était la parole et la sagesse éternelle, a voulu traiter la hauteur de ses mystères avec des façons de parler basses en apparence, communes et familières. Et nous, aurons-nous honte ? Craindrons nous de perdre notre honneur, si nous agissons comme le Fils de Dieu ? O Sauveur!

Mais où est-ce que nous voyons que le Fils de Dieu s'est servi de cette méthode ? Dans l'Évangile, dans l'Évangile. Voici les trois points de la méthode observés dans ses sermons. Ça, voyons, voyons comment. Quand Jésus-Christ prêche... quoi ? la pauvreté, par exemple, dans saint Matthieu, il la met la première des béatitudes, et il commence par là tous ses sermons : Beati pauperes spiritu, quoniam ipsorum est regnum cœlorum (Mt 5, 3) ; bienheureux les pauvres de cœur et d'affection parce que le royaume des cieux est leur partage. Voilà la première raison que le Sauveur du monde avance pour porter les hommes à l'amour de la pauvreté : Beati pauperes ; les pauvres sont bienheureux. Grande raison d'aimer la pauvreté, puisque c'est elle qui donne la félicité ! Mais en quoi gît cette béatitude ? Le voici, comme une seconde raison qui confirme la première : Quoniam ipsorum est regnum caelorum, parce que le royaume des cieux est à eux. Et après ces raisons, il nous apprend ce que c'est que la pauvreté. Lorsque ce jeune homme vint trouver Nôtre-Seigneur pour apprendre de lui ce qu'il lui convenait de faire pour s'assurer de son salut, Jésus lui dit : Vende omnia (Mt 19, 21); vends tout, ne te réserve rien. Et voilà qui est dire et expliquer parfaitement en quoi gît la pauvreté : dans un parfait renoncement de toutes les choses de la terre, renoncement entier; vende omnia. Il donne aussi les moyens pour le faire à ses disciples, lorsqu'il leur dit un peu après : il est plus difficile de..., je dis : il est plus facile de faire passer un chameau par le trou d'une aiguille, que de faire entrer un riche dans le paradis (Mt 19, 24) ; la porte est fort étroite (Mt 7, 13-14), et ces gens enflés et chargés de biens n'y sauraient passer. Puissant moyen, puissant moyen, qui entraîne après lui les esprits! Il violente, il emporte la nécessité de son salut; pas de moyen, ayant le cœur attaché aux richesses. Puissant moyen pour faire embrasser la pauvreté !

Et voilà, Messieurs, toute la méthode dans les sermons de Nôtre-Seigneur; il apporte, comme nous venons de voir, les raisons, les actes et ce que c'est, et fournit de puissants moyens.

Venons aux apôtres; comment ont-ils persuadé les vérités de l'Évangile ? En les prêchant dans un style simple, familier et populaire. Nous le remarquons dans tous leurs écrits; non in persuasibilibus humanae sapientiœ verbis (1 Co 11, 4); nous n'employons point les subtilités de l'éloquence pour vous attirer à notre parti; nous ne vous flattons point par de belles et agréables paroles; nous ne nous servons point des sophismes de la prudence humaine; non in persuasibilibus humanœ sapientiae verbis ; nous n'avons apporté que ce qui était nécessaire pour vous donner une simple connaissance de la vertu, qui est dans la foi que nous vous prêchons, traitant avec vous dans la simplicité, sans chercher à vous surprendre, tout bonnement, afin que vous vissiez, non pas par les adresses et l'industrie de nos raisonnements, mais par la vertu de Dieu, qui reluit dans la bassesse et la simplicité, la vérité des mystères que nous sommes venus vous prêcher; non in persuasibilibus humanœ sapientiœ verbis, sed in ostensione spiritus et virtutis.

Après les apôtres, tous les hommes apostoliques qui ont suivi, ont pratiqué leur méthode, prêchant familièrement, sans ce faste d'éloquence qui est rempli de vanité. Messieurs, qui dit missionnaire dit apôtre; il faut donc que nous agissions comme les apôtres, puisque nous sommes envoyés, comme eux, pour instruire les peuples; il faut que nous y allions tout bonnement, dans la simplicité, si nous voulons être missionnaires et imiter les apôtres et Jésus-Christ.

1.1.3. La troisième raison en faveur de la petite méthode, c'est la considération des grands fruits qui se sont ensuivis des prédications faites dans cette méthode. Je n'aurais jamais fait s'il fallait que je racontasse la moindre partie de ce qu'il a plu à Dieu opérer avec la méthode. Nous en avons tant d'exemples, que je n'achèverais de ce soir. Prenons-en seulement un ou deux, afin de pouvoir mieux découvrir les grands profits de la petite méthode. En voici un, qui n'a point de semblable, d'une chose qui n'est point venue jusqu'à nous; je n'ai jamais ouï dire, moi qui suis tout blanc, je n'ai jamais ouï dire que prédicateur, quel qu'il soit, en soit venu là. O Sauveur! ô Sauveur! les bandits, plusieurs de vous autres, Messieurs, le savez, les bandits sont les voleurs d'Italie; ils tiennent la campagne, volent et pillent partout ; un homme criminel, un meurtrier; et il arrive beaucoup de meurtres en ce pays-là, à cause des vindictes, qui y sont extrêmes ; ils se mangent les uns les autres, sans se pardonner jamais, tellement ils sont enragés. Telles sortes de gens, après s'être défaits de leurs ennemis pour fuir la justice, et même beaucoup d'autres méchants, se tiennent sur les avenues, habitent les bois pour voler et dépouiller les pauvres paysans. On les appelle bandits. Et ils sont en si grand nombre que toute l'Italie en est remplie; il y a peu et presque point de villages où il n'y ait des bandits. Or donc, la mission ayant été faite dans quelques-uns de ces villages, les bandits qui y étaient ont quitté ce maudit train de vie et se sont convertis, par la grâce de Dieu, qui a voulu en cela se servir de la petite méthode. Chose jusqu'à nous inouïe, inouïe! Jamais on n'avait vu, pour quoi que ce soit, les bandits quitter leurs voleries. Et voilà, Messieurs, ce qu'il a plu à Dieu opérer par cette pauvre et chétive Compagnie, prêchant selon la petite méthode.

O Sauveur! n'est-il pas vrai, Monsieur Martin, que les bandits en Italie se sont convertis dans nos missions ? Vous y avez été, n'est-il pas vrai ? Nous sommes ici dans un familier entretien; dites-nous, s'il vous plaît, comme cela s'est fait.

M. Martin : " Oui, Monsieur, cela est ainsi; dans les villages où on a fait mission, les bandits comme les autres, sont venus à confesse; cela arrive ainsi pour l'ordinaire. "

O Sauveur ! chose prodigieuse ! Les bandits convertis par les prédications faites dans la petite méthode !

O Messieurs! les bandits convertis!

Mais voici l'autre petit exemple, qui n'est guère moins admirable. L'on m'écrivait, il y a quelque temps, de L'Ausun, que l'on avait fait la mission à... C'est un village sur les côtes de la mer; et c'étaient encore ici des séminaristes, oui, des séminaristes, qui ont fait cette mission; il y avait peut-être quelqu'autre; mais certainement il y avait deux séminaristes, sans doute avec quelqu'autre. Un navire avait fait naufrage sur cette côte; les marchandises et autres choses dont ce navire était chargé furent portées sur le bord; tout ce village dont je vous parle et les environs y accoururent comme au pillage et emportèrent tout ce qu'ils purent attraper, qui un ballot, qui des étoffes, qui d'autres hardes, bref chacun emporta ce qu'il put attraper, sans aucune conscience; c'était voler ces pauvres et malheureux marchands qui avaient fait naufrage. La mission ayant donc été dans ces villages par la petite méthode, on a fait rendre ce qui avait été pris à ces pauvres marchands; après qu'on les eut exhortés et prêchés selon la méthode, ils se déterminèrent à restituer tout. Les uns rapportaient des ballots; les autres, des étoffes; les autres, de l'argent ; les autres s'obligeaient ; n'ayant pas de quoi satisfaire d'abord, ces bonnes gens donnaient des obligations.

Et voilà, Messieurs, les effets de la petite méthode! Allez m'en trouver de semblables dans cette façon recherchée, dans ce grand apparat et parmi cette vaine pompe d'éloquence; trouvez-m'en de semblables. A grand'peine voit-on un seul se convertir pour plusieurs avents et carêmes de telles prédications. Nous le voyons dans Paris. Quelles restitutions voit-on pour toutes ces prédications éloquentes ? Ne voyez-vous pas, Messieurs, combien est grand le nombre de ceux qui se convertissent ? Hélas ! en saurait-on trouver que difficilement un seul, un seul! Cependant, par la grâce qu'il a plu à Dieu donner à cette chétive Compagnie dans sa petite méthode, une mission fait de si grands fruits et des conversions si admirables, qu'on n'en a jamais vu, ni ouï raconter de semblables.

Enfin, Messieurs, je vous allègue l'expérience, votre propre expérience, Messieurs; quel progrès n'avez-vous pas fait partout où vous avez prêché selon cette méthode ? Quelles conversions n'a-t-on point vues ? L'homme et la femme qui vivaient mal sont venus à vous : " Ah ! Monsieur, nous renonçons à nos malheureuses pratiques! Ah! Monsieur, dès ce moment nous nous séparons pour jamais! Ah! Monsieur, je vous promets que je ne la verrai jamais plus! " Oh! qu'est-ce que c'est ? qu'est-ce que c'est ? Les rancunes, les inimitiés invétérées et auxquelles il semblait n'y avoir désormais plus de remède, les plus grandes divisions n'ont-elles pas été accordées par la force que Dieu a donnée à vos prédications faites selon la méthode ? Bref, il n'y a point de pécheurs que la grâce n'ait touchés par le moyen de la petite méthode, et qui ne soient venus se jeter à vos pieds, criant miséricorde. Vous le savez mieux que moi; je ne vous dis rien que vous n'ayez vu et fait davantage.

O Dieu! quels fruits a produits cette méthode partout où l'on a été ! Quel progrès ! Eh ! combien seraient-ils plus grands si moi, misérable, ne les avais empêchés par mes péchés! Hélas! misérable que je suis! Ah! j'en demande pardon humblement à Dieu. O Sauveur! pardonnez à ce misérable pécheur, qui gâte tous vos desseins, qui s'y oppose et contredit partout, pardonnez-moi, par votre infinie miséricorde, tous les empêchements que j'ai apportés aux fruits de la méthode que vous avez inspirée, à la gloire qui vous en serait revenue sans moi, misérable. Pardonnez-moi le scandale que je donne en cela, comme en tout ce qui concerne votre service. Et vous, Messieurs, pardonnez-moi, je vous prie, le mauvais exemple que je vous donne toujours; je vous en demande pardon.

1.1.4 La dernière raison, que j'achève en deux mots, est tirée de notre salut, pour lequel nous sommes ici et au monde. Hélas! Messieurs, que j'appréhende! Il y a grand danger pour ces pauvres prédicateurs qui s'arrêtent à de belles conceptions, à l'agencement de leurs pensées et à l'usage des paroles triées à la mode, ne tenant pas tant de compte du plus profitable. Ah! que je crains pour ces gens-là! Et ce qui me donne plus de frayeur en cela, c'est la Sainte Écriture ; vous en savez tous les paroles, je ne les sais pas, mais je sais le sens, et le voilà : un prophète crie malheur à celui qui, étant en un lieu élevé, d'où il voit le loup ravissant entrer dans le bercail, à la vue de cet ennemi, ne crie pas de toutes ses forces : " Sauvez-vous, sauvez-vous, voilà l'ennemi, sauvez-vous, sauvez-vous ! " Malheur à celui-là, s'il ne crie pas tant qu'il peut : " Sauvez-vous !" (Cf. Ez 3, 17; Jr 48, 6) Et voilà justement ce que font ces prédicateurs qui ne regardent pas avant toutes choses le profit de leur auditoire; bien qu'ils voient l'ennemi, ils ne sonnent mot; ils vous chantent des airs de plaisance, au lieu de crier avec la trompette : " Nous allons nous perdre, voilà, voilà l'ennemi, sauvons-nous, sauvons-nous! "

Ah ! Messieurs, nous sommes heureux, puisque notre méthode nous détourne bien loin de ces périls; mais gare, gare, si nous la méprisons! Prenons garde que, pour contenter en ce point la vanité, nous ne nous exposions à la malédiction du prophète : vae, vœ ; malheur à celui-là! Eh! pourquoi monter en chaire et pourquoi prêcher, si ce n'est pour porter le monde à se sauver, pour crier : " Voilà l'ennemi, le voilà, donnez-vous garde, sauvez-vous, sauvez-vous ! " Que si l'on pervertit l'usage de la parole de Dieu, si l'on s'en sert pour paraître, pour se faire estimer, afin qu'on die : " Voilà un homme éloquent, qui a grande capacité; il a du fonds, et du talent "; hélas! n'encourrons-nous point la malédiction des faux prophètes ? Dieu n'aura-t-il pas sujet de nous abandonner à la fin, puisque nous ne nous sommes point souciés d'abuser des choses les plus saintes, pour contenter un peu notre vanité, puisque nous aurons employé le plus efficace moyen de convertir les âmes pour satisfaire notre ambition ? Hélas ! Messieurs, qu'il y a grand sujet de craindre et de désespérer en quelque façon du salut de ces personnes qui convertissent les remèdes en poison, qui n'ont d'autre méthode de traiter la parole de Dieu, que celle que leur fournit la prudence de la chair, leur humeur, la mode, le caprice ! Et Dieu veuille que ce ne soit pas la vanité et l'orgueil! Dieu veuille que ce ne soit pas l'orgueil! O Sauveur! ne permettez pas qu'aucun de cette petite Compagnie, qui est toute à votre service, tombe dans un si grand péril, qu'il vienne à abuser ainsi de votre sainte parole! Non, Seigneur, nous l'espérons de votre bonté, vous ne le permettrez pas, par votre miséricorde. Nous venons donc de voir quatre raisons pour lesquelles nous devons bien nous affectionner à la méthode de prêcher qu'il a plu à Dieu donner à la Compagnie. Le premier motif est sa grande efficacité, puisqu'elle ne laisse rien en arrière de tout ce qu'il faut apporter pour persuader ; ce que ne font pas les autres méthodes, au moins si efficacement. Le deuxième, c'est la manière de prêcher de Nôtre-Seigneur, que les apôtres ont suivie. Le troisième, que ses effets sont merveilleux; elle produit de grands fruits, selon l'expérience que vous en avez tous. Et enfin le grand danger de se damner où l'on s'expose, si l'on en use autrement et qu'on vienne à moins profiter à ses auditeurs. Ne nous arrêtons pas davantage; vous savez, Messieurs, tout cela mieux que moi, et vous le diriez bien mieux que moi, et avec plus de force et d'efficacité. La parole de Dieu, dans la bouche d'un profane comme moi, misérable, n'a point d'effet. Il n'y a donc rien, après ces grands motifs que nous venons de voir, il n'y a rien, sinon peut-être mes grands défauts, qui puisse empêcher d'être bien affectionné envers la petite méthode. Y en a-t-il quelqu'autre plus propre, plus commode et meilleure, Messieurs ? Si vous en savez, faites-moi la grâce de me le dire ; dites-le moi, Messieurs y en a-t-il de meilleure ? Quant à moi, je n'en sache pas, et vous en êtes tous, je m'assure, bien persuadés, plus par ce que vous en savez de vous-mêmes, que par ce que je vous en viens de dire. Il n'y a que moi, misérable, qui gâte toujours tout, qui ne saurais me mettre dans cette sainte pratique; mais, avec l'aide de Dieu, je tâcherai de l'apprendre et d'imiter quelques-uns de la Compagnie, à qui Dieu a fait particulièrement ce don, qui gardent merveilleusement cette sainte méthode.

2. Venons au second point. En quoi gît la méthode dont nous parlons ? C'est une vertu qui, dans nos prédications, nous fait garder une certaine disposition et un style accommodant à la portée et au plus grand profit de nos auditeurs. Voilà ce que c'est, voilà son essence, sa nature.

C'est une vertu; notre méthode est une vertu, une vertu, un ordre ; mais il semble que ce mot d'ordre est trop étendu, n'est pas assez précis ; latius patet ; disons donc une vertu, pour cela même qu'elle est un ordre, car la vertu est dans l'ordre, mais tout ordre n'est pas vertu. Voilà pourquoi je dis que notre méthode est une vertu, parce que la vertu nous dispose à bien faire, et cette méthode aussi nous dispose au bien, car en l'observant, nous prêchons utilement pour tout le monde et nous ajustons à la capacité et portée de notre auditoire. Notre méthode est encore une vertu, parce qu'elle est fille de la charité, qui est la reine des vertus. La charité nous fait accommoder à tout le monde, pour devenir utile à tout le monde, et la méthode, qui prend cette leçon de la charité, fait la même chose.

Au reste, je ne sais pas bien moi-même en quoi consiste cette méthode; mais, Messieurs, je crois que vous le savez tous, grâces à Dieu, et ses propriétés. Elle fait que nous y allons tout bonnement dans nos discours, le plus simplement qu'il se peut, tout familièrement, de sorte que jusqu'au moindre nous puisse entendre, sans toutefois se servir de langage corrompu, ni trop bas, mais de celui qui est en usage, dans la netteté, pureté et simplicité; point d'affecterie; et ainsi elle ne recherche que la commodité et les avantages des auditeurs; elle excite, elle instruit, elle échauffe, elle détourne aisément du vice et persuade l'amour de la vertu et produit de meilleurs effets partout où elle est bien employée.

Mais, Monsieur, est-ce en cela que consiste la méthode ? — Oui, Messieurs, les effets, les propriétés et la définition, la nature, c'est en quoi consiste précisément et principalement la méthode ; mais, comme nous n'avons pas le temps de dire les choses en détail et en particulier, et que moi-même je ne les sais pas, moi, misérable, qui suis venu jusqu'ici, à cet âge, sans pouvoir apprendre par ma paresse, par ma stupidité, ma bêtise, cette méthode, tellement je suis grossier et stupide, une grosse bête, une bête lourde, ah! pauvre bête! M. Portail, qui doit nous entretenir demain, nous en parlera en particulier, nous apprendra comme il s'y faut comporter pour la bien pratiquer. Il le fera, s'il lui plaît. Son discours sera de cette méthode, je l'en prie; il sait bien cela, lui; il nous l'apprendra, s'il lui plaît.

3. Qu'est-ce ? Les trois quarts. Messieurs, supportez-moi encore, je vous prie, supportez-moi, misérable. Disons donc quelque chose du troisième point; voyons quelques moyens de nous mettre dans cette méthode si utile. Oh ! il est bien facile de s'y mettre à un homme qui n'a en vue que la gloire de Dieu et le salut des âmes. Lorsqu'on veut rapporter tout à ces fins-là, il est facile de suivre la méthode, qui est expressément pour cela. Mais il est question de s'en faire accroire; il faut résolument acquérir de l'estime; l'on dirait, si je suis cette méthode : " Voilà un pauvre homme; il faut dire quelque chose de beau; il faut y aller d'un air qui soit tout autre. Oh! vraiment! vraiment! il faut bien prêcher d'autre sorte. " Eh bien! qu'est-ce que c'est toute cette fanfare ? Veut-il montrer qu'il est brave rhétoricien, bon théologien ? Chose étrange ! avec tout cela, il en prend mal le chemin. Peut-être qu'il sera estimé de quelques personnes qui n'y entendent guère ; mais, pour acquérir l'estime des sages, ce n'est pas là le bon chemin.

Pour passer pour homme qui l'entend, et avoir la réputation d'un homme fort éloquent, il faut savoir persuader ce que l'on veut que l'auditeur embrasse, et le détourner de ce qu'il faut qu'il évite; et ces messieurs font tout le contraire. Doivent-ils passer auprès des prudents pour bons orateurs ? Sans doute, si vous demandez à quelqu'un d'eux : " Pourquoi prêchez-vous ? A quelles fins annoncez-vous la parole de Dieu? " il répondra: " D'abord, pour convertir ; secondement, pour retirer les hommes du vice et les porter à la vertu. " Voilà leur prétention, disent-ils; convertir le monde, voilà leur fin; voilà ce qu'ils doivent, je ne dis pas obtenir, car il ne dépend pas d'eux, mais prétendre dans tous leurs discours, dire et avancer de leur côté ce qui est propre, à leur avis, pour parvenir à leur fin. Et quand il a dit tout ce qui est propre à persuader, voilà un prédicateur, un bon prédicateur; il a touché au but, il a bien fait. Mais cela ne gît pas à bien trier ses paroles, à bien agencer les périodes, exprimer d'une façon peu commune la facilité de ses conceptions et prononcer son discours d'un ton élevé, d'un ton de déclamateur qui passe bien haut par-dessus. Ces gens-là obtiennent-ils leur fin ? Persuadent-ils fortement l'amour de la piété ? Le peuple est-il touché et court-il après cela à la pénitence ? Les grandes conversions s'ensuivent-elles ? Rien moins, rien moins. Et voilà cependant les prétentions de ces grands orateurs, voilà leurs prétentions! Ou bien ils visaient à acquérir de la réputation, faire dire au monde : " Vraiment cet homme débite bien, il est éloquent, il a de belles pensées, il s'exprime agréablement. " Voilà où se réduit tout le fruit de leur sermon. O Sauveur! est-ce là, Messieurs, ce que vous prétendez ? Vous montez donc en chaire, non pas pour prêcher Dieu, mais vous-mêmes, et pour vous servir (oh! quel crime!) d'une chose si sainte que la parole de Dieu, pour nourrir et fomenter votre vanité! O Sauveur! divin Sauveur! Il faut donc, Messieurs, il faut donc, en premier lieu, avoir la rectitude de l'intention, ne vouloir et ne prétendre rien dans cet emploi que ce que Dieu demande de nous, ne viser qu'à la conversion de nos auditeurs et à l'accroissement de la gloire de Dieu ; et ayant purifié notre intention, il nous sera bien aisé d'entrer dans la méthode la plus utile que nous ayons pour cela, comme nous voyons et expérimentons tous les jours.

Un autre moyen : attende tibi (1 Tm 6, 16); prendre garde à soi, ne pas défaire par ses actions ce qu'on aurait avancé par la prédication; ne pas détruire d'un côté tout ce que l'on bâtit d'un autre ; il faut prêcher principalement par le bon exemple, le bon exemple, être bien dans ses règlements, vivre en bon missionnaire, car sans cela, Messieurs, rien de fait, rien de fait; et à une personne qui serait dans le dérèglement, cette méthode serait plus nuisible que profitable ; outre qu'il ne saurait la pratiquer, au moins longtemps, elle est tout à fait contraire à l'esprit de liberté. Il faut être soi-même dans de bons sentiments de la dévotion et la mettre en pratique pour en faire concevoir de bons sentiments aux autres. Si un homme n'a grande estime pour la vertu et grand amour pour ses emplois, il ne l'approchera jamais bien, cela est assuré. Celui qui est lui-même plongé dans le désordre, sans aucun règlement, qui vit dans le libertinage, comment en pourra-t-il retirer les autres ? C'est se moquer. On lui dira : medice, cura teipsum (Lc 4, 23). Cela est donc clair ; il n'est rien de plus évident. Donc attende tibi : avoir premièrement l'œil sur soi-même, se mettre bien dans la pratique des règlements et des coutumes de notre vocation puisque c'est en cela que nous faisons la volonté de Dieu. Attende tibi. C'est un autre moyen pour avoir bientôt cette excellente méthode de prêcher.

Un troisième moyen bien efficace, c'est s'affectionner à cette sainte méthode, s'y bien affectionner. Pourquoi est-ce que nous ne sommes pas dans cette méthode ? C'est que nous ne l'aimons pas, nous aimons mieux suivre nos humeurs, nos fantaisies et les règles d'un je ne sais qui, d'un profane; nous avons de l'aversion pour la méthode, nous ne l'aimons pas. J'ai peur, Messieurs, que nous n'en disions du bien du bout des lèvres; mais dans le cœur, dans le cœur, oh!... je ne sais... J'ai peur que cette méthode ne nous revienne pas, qu'elle semble importune et incommode, qu'elle nous soit fâcheuse. Ah! Messieurs! et cette méthode a été donnée de Dieu, elle vient de Dieu ; il l'a même pratiquée; les apôtres l'ont retenue; c'est la méthode des apôtres et du Fils de Dieu même, la méthode du Fils de Dieu, méthode de la Sagesse éternelle; et nous la rejetons, nous n'en voulons pas, nous ne l'aimons pas! Nous qui faisons une profession toute particulière de suivre Nôtre-Seigneur et qui nous disons ses serviteurs, nous méprisons et rebutons sa méthode, qu'il nous a enseignée et donnée! O Sauveur! ô Sauveur! que doit-on dire de nous ? Que nous aimons ce que Dieu hait, et que nous avons de la haine pour ce que Dieu aime. O Sauveur! ah! Messieurs! joignons-nous plutôt tous unanimement ce soir pour cela, pour nous affectionner de plus en plus les uns les autres à cette méthode. Plût à Dieu que, par sa grâce, j'eusse obtenu ce soir cette faveur, que je vous demande par tout l'amour que vous avez pour la gloire du Fils de Dieu, par les entrailles de sa miséricorde !

Ah! ah! je suis un misérable, qui ne saurais être court; souffrez-moi, Messieurs. Plût à Dieu que nous n'eussions tous qu'un même cœur, que nous fussions tous intimement unis pour l'observance de cette divine méthode! Monsieur Portail, je m'unis à vous pour cet effet, à vous à qui Dieu l'a donnée, et à Monsieur Aimeras, qui a encore ce don; je m'unis à vous de tout mon cœur, et je proteste de faire à l'avenir mon possible pour entrer dans cette divine méthode.

Mais, Monsieur, si vous me permettiez d'objecter ce que j'ai contre cela et si vous vouliez maintenant écouter nos raisons ? — Ah ! plût à Dieu que j'en eusse le temps! je vous ouïrais volontiers. Oui-da, voyons un peu, comme le temps le permettra, résolvons les difficultés que l'esprit humain pourra former contre ce que nous venons de dire.

Quel moyen y a-t-il de se servir de cette méthode et d'observer ses trois points en toutes sortes de matières ! Outre que cela serait extrêmement dégoûtant et ennuyeux, cela est malaisé, voire même du tout impossible, sans s'exposer. — Cela est ainsi, cela est ainsi. Une même façon ennuierait à la longue; l'esprit de l'homme est si changeant que bientôt il se dégoûte des meilleures choses. Mais, outre que nos missions sont courtes, vous la pouvez déguiser, de sorte qu'on ne verra point votre artifice, et on ne découvrira point votre méthode, tantôt changeant l'ordre des points, mettant l'un devant l'autre, tantôt n'en faisant que deux. Il y a beaucoup d'autres façons qui ne me viennent pas maintenant. Et pour les sujets divers la méthode est différente : il y a méthode de traiter la fête d'un saint, méthode de traiter un mystère, méthode de traiter une parabole, méthode de traiter une sentence, méthode de traiter l'Évangile courant et les autres matières de prédication. M. Portail, qui sait bien toutes ces manières de bien prêcher, vous dira, s'il lui plaît, toutes ces différentes méthodes, car, pour moi, je ne les sais pas, et, Dieu aidant, je veux les apprendre de lui et des autres à qui Dieu a fait ce don.

Mais, Monsieur, les autres méthodes ne sont-elles pas aussi bonnes que celle-là ? Nous voyons tant de doctes et excellents prédicateurs qui ne savent ce que c'est que votre méthode et ne laissent pas de faire grand fruit et de prêcher fort bien. — Messieurs, toutes les méthodes peuvent être bonnes et saintes; je ne prétends pas ici en blâmer aucune; Dieu m'en garde! Au reste, Dieu se sert de qui il lui plaît et de qui bon lui semble, pour procurer sa gloire : Potens est de lapidibus istis suscitare filios Abrahœ (Mt); il peut faire de ces pierres des enfants d'Abraham. Dieu est tout-puissant, et il peut, si bon lui semble, se servir de la dureté de cette pierre pour amollir les cœurs les plus endurcis et les porter à une sainte conversion et pénitence. O Sauveur! avec tout cela, Messieurs, combien en voyons-nous qui se convertissent avec toutes ces méthodes ? Nous avons l'expérience de la nôtre; Messieurs, vous l'avez ; mais de celles du temps, de la mode vous avez l'expérience du contraire; elles passent toujours pardessus, ne font qu'effleurer, ne touchent que la superficie. Un peu de bruit, et voilà tout! Il se fait tous les jours tant de prédications dans cette grande ville, tant d'avents, tant de carêmes; et trouvez-moi un homme, de ceux-là même qui entendent depuis trente, quarante ans ces prédications, qui en soit devenu meilleur! O Sauveur! vous avez bien de la peine d'en rencontrer un seul, un seul converti après avoir entendu toutes ces prédications; et qu'est-ce en comparaison des fruits que nous voyons produire à la petite méthode! Ce qui me persuade que, puisqu'il n'y en a point qui fasse de si grands fruits, il n'y en a point qui soit si bonne, et qu'elle le doit emporter sur toutes les autres, au moins auprès de nous, qui ne cherchons que le salut des âmes.

Nous savons que c'est la méthode du Fils de Dieu et des apôtres, et de laquelle se sont servis et se servent encore de très grands personnages, non pas nous seulement, pauvres misérables; c'est la méthode des prédicateurs qui font miracle, de Nos seigneurs les évêques, les docteurs, M. l'évêque de ... me disait que, quand il prêcherait cent mille fois, il n'aurait jamais d'autre méthode. M. de Sales, ce grand homme de Dieu, m'en disait de même, et tant d'autres, ô Seigneur! que j'ai honte de nommer.

Et ne vous persuadez pas, Messieurs, que cette méthode n'est que pour la campagne, pour le menu peuple, les paysans. Ah! elle est, à la vérité, très excellente pour le peuple, mais elle est aussi bien efficace pour les auditeurs plus capables, pour les villes, pour les villes, dans Paris, dans Paris même. Dans la mission qui fut faite à Saint-Germain, le monde y accourait de toutes parts, de tous les quartiers de cette grande ville ; on en voyait de toutes les paroisses, et des personnes de condition, des docteurs, des docteurs même. On ne prêcha à tout ce grand monde que suivant la petite méthode. M. l'évêque de Boulogne (François Perrochel), qui portait la parole, n'en eut jamais d'autre. Et quel fruit ne fit-on pas ! Dieu ! quel fruit ! quel fruit ! On fit des confessions générales, aussi bien que dans les villages, et ce fut avec grande bénédiction. Or sus, Dieu! vit-on jamais tant de monde converti par toutes les prédications raffinées ? Cœli cœlorum! Cela passe par-dessus les maisons. Toute la conversion qui s'y fait, c'est que les auditeurs disent : " Oui cet homme en sait, il dit de belles choses. "

Mais disons davantage : la petite méthode est pour la cour, bonne pour la cour. Déjà deux fois la petite méthode a paru à la cour; et, si je l'ose dire, elle y a été bien reçue. Il est vrai que la première fois il y eut beaucoup de contradictions, il y eut de grandes oppositions ; nonobstant, on fit grand fruit, un grand fruit. M. l'évêque d'Alet (Nicolas Pavillon) y portait encore la parole. On vint à bout, par la grâce de Dieu, de toutes les oppositions avec la petite méthode. Et la seconde fois, un des nôtres portait la parole, M. Louistre. Dieu merci, il n'y eut aucune opposition; la petite méthode, ô misérable! je l'ose dire, la petite méthode y triompha; on y vit des fruits merveilleux. A la cour, à la cour la petite méthode! Et puis, ce n'est, dites-vous, que pour les gens grossiers et pour le village ! Dans Paris, dans Paris et à la cour, à la cour, partout, il n'y a point de meilleure méthode, ni plus efficace, car, Messieurs, la meilleure méthode est celle qui rapporte tout ce qu'il faut pour gagner ses auditeurs; et la nôtre ne laisse rien en arrière qui soit propre pour cette fin. Concluez. Entrons donc tous dans cette petite, mais puissante méthode.

Voici un quatrième moyen, après lequel j'achève : c'est de la bien demander à Dieu, la demander souvent à Dieu; c'est un don de Dieu, il faut le demander...

Ah! voilà le quart. O Sauveur! j'ai fait, j'ai fait. Voilà donc quatre moyens pour entrer dans cette méthode : pureté d'intention, grand soin sur soi-même, attende tibi; affection pour cette méthode, affection, affection pour cela, et prier Dieu souvent qu'il la donne à ceux qu'il a choisis pour avancer sa gloire par ce moyen, comme, par sa miséricorde, il y en a plusieurs dans la Compagnie. Dieu soit béni !

Divin Sauveur, qui êtes venu en terre pour nous prêcher dans la simplicité, et, par votre exemple, nous enseigner cette sainte méthode, nous vous supplions humblement que vous nous fassiez tous entrer dans votre esprit de simplicité, et que vous nous donniez, par votre grâce, cette sainte méthode, afin que, par ce moyen, nous puissions utilement annoncer votre sainte parole et la porter par tout le monde, comme vos disciples, à qui vous l'avez donnée. O Sauveur, doux Sauveur, répandez sur nous cet esprit de méthode. Espérons qu'en coopérant de notre côté, Dieu nous fera cette grâce. Monsieur Portail nous entretiendra bien mieux demain, s'il lui plaît, de cette sainte méthode.

Et voilà que j'ai fait. Dieu soit béni ! Il y aurait bien à dire, mais il est trop tard. Je suis toujours trop long, je m'amuse toujours, je suis à charge, comme une grosse bête.

Je ne pense pas qu'il y ait rien qui puisse maintenant nous empêcher de prendre cette méthode de prêcher

Sera-ce le plaisir ? O Dieu ! c'est elle qui nous fait prêcher avec plus de satisfaction que toute autre. Je ne pense pas que tous les plaisirs du monde puissent égaler le moindre que l'on tire de cette méthode. Quel plus grand plaisir peut avoir un prédicateur que de voir ses auditeurs venir à lui, que de les voir pleurer, comme il est arrivé souvent à vous-mêmes ? N'est-il pas vrai que souvent vous voyez votre auditoire en larmes ? Et quand vous voulez partir, il faut se dérober; on court après vous, on court après vous, n'est-il pas vrai, Monsieur ? Répondez-moi, je vous prie, sincèrement, dites-nous comment cela se fait, s'il en est ainsi ? — Oui, Monsieur, l'on ne sait comment partir pour se défaire du monde. — O Sauveur! quel plus grand contentement au monde que celui-là! Voir tout votre monde sensiblement touché de ce que vous prêchez! Quelle autre satisfaction doit avoir un orateur, que d'obtenir ce qu'il demande! Quel plus grand plaisir! Et voilà, Messieurs, ce qui, selon votre propre expérience, s'obtient tous les jours par la petite méthode.

Que pouvez-vous prétendre ? La conversion du peuple ? Eh! voilà qu'après vos prédications dans cette méthode ils viennent tous à vous, si persuadés, qu'ils sont prêts à faire tout ce que vous leur ordonnerez. Quel plus grand plaisir, quel plus grand plaisir, ô Sauveur !

Êtes-vous jaloux d'acquérir de l'honneur ? Y a-t-il méthode au monde où il s'en trouve davantage ? Il ne faut pas s'en servir pour cela; ce serait une intention diabolique. Mais, Messieurs, pour l'honneur, y en a-t-il de plus grand à acquérir pour nous, que d'être traités comme les apôtres, comme le Fils de Dieu ? Hélas ! on nous donne les mêmes louanges qu'on a donnés à Jésus-Christ. " Bienheureux, dit-on aux missionnaires, les ventres qui vous ont portés! " Quand ils partent, on crie après eux : " Bienheureuses les mamelles qui vous ont allaités ! Oh ! que vos mères sont heureuses (Lc 11, 25)! " O Sauveur ! qu'a-t-on dit davantage du Fils de Dieu ? Et on dit toutes ces louanges et beaucoup d'autres, qui vous importunent, aux missionnaires, quand ils ne se servent que de la petite méthode. Il y a donc là dedans bien de l'honneur et du plaisir à acquérir; ce ne sera pourtant pas pour cela que nous l'embrasserons, mais pour l'amour de Dieu, de qui nous la tenons.

Mais cette méthode est si basse! Que dira-t-on de moi, de prêcher toujours ainsi ? Pour qui me prendra-t-on ? A la fin, un chacun me méprisera, je perdrai mon honneur. — Vous perdrez votre honneur! O Sauveur! en prêchant comme Jésus-Christ lui-même a prêché, vous perdrez votre honneur ! Traiter la parole de Jésus-Christ comme Jésus-Christ même l'a voulu traiter, c'est n'avoir pas d'honneur ! C'est perdre son honneur que de parler de Dieu comme le Fils de Dieu en parle ! O Sauveur! ô Sauveur! Jésus-Christ, le Verbe du Père, n'avait donc pas d'honneur ! De faire comme il faut des sermons, dans la simplicité, dans le discours familier et ordinaire, comme a fait Nôtre-Seigneur, c'est n'avoir pas d'honneur; et faire autrement, c'est être homme d'honneur! Déguiser et falsifier la parole de Dieu, c'est avoir de l'honneur! C'est avoir de l'honneur de couvrir d'affecterie, de masquer et de faire passer pour une galante remplie de vanité la parole de Dieu, la sacrée parole de Dieu! O Sauveur, ô divin Sauveur! qu'est-ce que c'est ? Messieurs, qu'est-ce que c'est ? Dire que c'est perdre son honneur que de prêcher l'Évangile comme a fait Jésus-Christ! J'aimerais autant dire que Jésus-Christ, lui qui était la Sapience éternelle, n'a pas bien su comment traiter sa parole, qu'il ne l'entendait pas bien, et qu'il faudrait s'y comporter d'une autre manière qu'il n'a fait. O Sauveur! quel blasphème! Et voilà ce que l'on dit, sinon distinctement, du moins tacitement et dans le cœur; sinon au dehors devant les hommes, du moins devant Dieu, qui voit les cœurs; et on ose produire ces horribles blasphèmes devant Dieu, devant Dieu, à sa face ! et on a honte des hommes ! Devant Dieu ! devant Dieu ! O Sauveur ! miséricordieux Sauveur ! Hélas ! Messieurs, vous voyez bien que c'est un blasphème de dire et de penser qu'on perd son honneur en prêchant comme le Fils de Dieu a prêché, comme il est venu nous enseigner, comme le Saint-Esprit a instruit les apôtres.

Un jour je demandais à Monsieur ... : " Mais, Monsieur, dites-moi, s'il vous plaît, comment faisait saint Vincent Ferrier, qui convertissait tant de personnes et qui attirait le monde de toutes parts, en sorte qu'il fallait faire suivre des convois ? " Il me répondit : " Il est ainsi; ce grand homme prêchait dans la simplicité, familièrement, se faisant bien entendre de tout le monde. " O Sauveur! ô simplicité! tu es donc bien persuasive! La simplicité convertit tout le monde. Il est bien certain que, pour bien convaincre et gagner l'esprit de l'homme, il faut agir dans la simplicité; l'on ne vient pas à bout, d'ordinaire, par les beaux discours d'apparat, qui crient haut, font grand bruit, et voilà tout. Tous ces beaux discours étudiés ne font ordinairement qu'émouvoir la partie inférieure. Ils feront peur peut-être à force de crier avec un ton, je ne sais quel; ils échaufferont le sang, exciteront des désirs, mais tout cela dans la partie inférieure, point dans la partie supérieure; la raison, l'esprit n'est aucunement persuadé. Et tous ces mouvements de la partie inférieure ne font rien, si l'entendement n'est convaincu ; si la raison ne le touche au doigt, tout le reste passe bientôt, passe bientôt, et le discours demeure inutile. Vive donc la simplicité, la petite méthode, qui est la plus excellente et celle par laquelle on peut acquérir plus d'honneur, persuadant bien l'esprit, sans toutes ces clameurs qui ne font qu'importuner les auditeurs! Eh ! Messieurs, cela est tellement vrai que, si un homme veut maintenant passer pour bon prédicateur dans toutes les églises de Paris et à la cour, il faut qu'il prêche de la sorte, sans nulle affecterie. Et l'on dit de celui qui prêche ainsi et qui prêche des mieux : " Cet homme fait merveille, il prêche à la missionnaire, à la missionnaire, il prêche en apôtre. " O Sauveur! Et Monsieur ... me disait qu'à la fin il faudrait en venir là. Et en vérité, prêcher autrement, c'est se moquer, c'est vouloir se prêcher soi-même, non pas Jésus-Christ.

Il prêche à la missionnaire! O Sauveur! vous avez donc fait cette grâce à la petite et chétive Compagnie de lui inspirer une méthode que tout le monde veut suivre; nous vous en remercions de toutes nos forces. Ah! Messieurs! ne nous rendons point indignes de cette grâce, que tout le monde estime si fort, que l'on dit d'un excellent prédicateur : " Il prêche à la missionnaire. " Hélas ! que serait-ce si nous seuls la méprisions ! Dieu n'aurait-il pas sujet de se plaindre de ce que nous faisons si peu de cas de ce grand don qu'il nous a fait, pour nous communiquer ses lumières, et à tout le monde par notre moyen !

Or sus, Dieu soit béni ! Je vous prie, Messieurs, d'offrir la messe pour cela, et vous, mes frères, de communier la prochaine fois à cette intention.