VOYAGE EN IRLANDE

 

Septembre-Octobre 1979

 

 

 

29 septembre 1979

AU DEPART DE ROME…

 

Je remercie de tout cœur ceux qui sont ici présents, en particulier MM. les Cardinaux, les membres du Corps diplomatique, les représentants du Gouvernement italien.

 

Ma pensée reconnaissante va aussi vers tous ceux qui, en ce moment, m'accompagnent de leur affection et de leur espérance.

 

Je quitte Rome et le sol de l'Italie bien-aimée pour accomplir un long voyage de caractère éminemment pastoral, en syntonie cohérente avec mon service suprême de l'Église.

 

Je me rends avant tout en Irlande, « l'île des Saints », à l'occasion du centenaire du sanctuaire de la Vierge de Knock, à la suite de l'invitation que m'a adressée l'épiscopat de ce pays. Je désire exprimer aux Irlandais l'appréciation qui leur est due pour la fidélité courageuse qu'à travers les siècles ils ont su témoigner au Christ, à l'Église et au siège apostolique ; je désire également leur exprimer ma vive reconnaissance pour l'ardeur missionnaire dynamique qui les a toujours animés dans la diffusion du message évangélique dans le monde entier. Je souhaite de tout cœur que ma visite contribue à transformer cette atmosphère de tension qui, dans ces derniers temps tout spécialement, a provoqué des déchirements et aussi, malheureusement, la ruine et la mort.

 

Acceptant l'invitation du secrétaire général des Nations unies, le docteur Kurt Waldheim, je me rends ensuite à l'O.N.U. En cela, je suis les traces de mon prédécesseur, le pape Paul VI, de vénérée mémoire qui, il y a quatorze ans, le 4 octobre 1965, prononça dans ce siège prestigieux un discours qui eut un écho très vaste dans l'opinion publique internationale. Les paroles que je prononcerai dans cette assemblée seront dans la ligne et en continuation de l'appel prophétique du grand pape en faveur de la paix et de la concorde entre les peuples.

 

Enfin, sur l'invitation de la Conférence épiscopale des États-Unis d'Amérique, ainsi que du président Carter, je rendrai visite à quelques villes de ce grand pays. J'y rencontrerai particulièrement les fils de l'Église catholique, pour les confirmer et les affermir dans la foi, et aussi les autres frères chrétiens et les membres des autres communautés non chrétiennes, pour intensifier les efforts de tous vers cette unité parfaite voulue par le Christ.

 

Puisse le Seigneur guider nos pas et m'assister de sa grâce pendant ces jours pour que les finalités spirituelles qui sont à la base de ce nouveau voyage soient atteintes. Dans ce but, je demande à tous, spécialement aux malades et aux enfants, un souvenir dans leur prière. Avec ma bénédiction apostolique.

 

 

 

29 septembre 1979

A L'ARRIVEE A DUBLIN…

 

Loué soit Jésus-Christ !

 

C'est avec une joie immense et avec une profonde gratitude envers la Très Sainte Trinité que je pose aujourd'hui le pied sur le sol irlandais.

 

Je viens à vous comme un serviteur de Jésus-Christ, un Hérault de son Évangile de justice et d'amour, comme évoque de Rome, comme successeur de l'apôtre Pierre. Et avec les mots de Pierre je vous offre les souhaits de mon cœur : « Paix à vous tous qui êtes dans le Christ » (1 P 5, 5-14).

 

J'apprécie profondément la bienvenue de S. E. le Président d'Irlande qui, comme représentant de tous les citoyens de ce pays, m'offre la chaude hospitalité de cette terre.

 

Je suis reconnaissant par-dessus tout à mes frères dans l'épiscopat, qui sont ici pour m'accueillir, au nom de toute l'Église en Irlande, que j'aime tant. Je suis très heureux de marcher parmi vous — dans les pas de saint Patrice et dans le sentier de l'Évangile qu'il vous a. laissé comme grand héritage — étant convaincu que le Christ est ici : « Le Christ devant moi, le Christ derrière moi... le Christ dans le cœur de chaque homme qui pense à moi, le Christ dans la bouche de chaque homme qui parle de moi. »

 

A ce moment de mon arrivée, je sens le besoin d'exprimer mon estime pour les traditions chrétiennes de cette terre, aussi bien que la gratitude de l'Église catholique pour la contribution glorieuse apportée par l'Irlande, à travers les siècles, à l'expansion de la foi.

 

De cette capitale, j'envoie mes souhaits à tous les Irlandais de par le monde.

 

Et comme j'invoque tes bénédictions de Dieu sur l'Irlande, j'invite tout son peuple à des prières à Notre-Dame, à l'intercession de Marie, Mère de Jésus, et reine de la paix, sous le patronage de qui je place ma visite pastorale.

 

Loué soit Jésus-Christ !

 

 

 

29 septembre 1979

DUBLIN : HOMELIE A PHŒNIX PARK

 

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ,

 

1. Comme saint Patrice, moi aussi, j'ai entendu « la voix des Irlandais » m'appeler et ainsi je suis venu à vous, à vous tous en Irlande.

 

Dès les origines de sa foi, l'Irlande a été liée au Siège apostolique de Rome. Les documents primitifs attestent que votre premier évêque, Palladius, fut envoyé en Irlande par le pape Célestin ; et que saint Patrice, successeur de Palladius, fut « confirmé dans la foi » par le pape Léon le Grand. Parmi les paroles attribuées à Patrice, il y a ce mot célèbre adressé à « l'Église des Irlandais, bien plus, des Romains », leur enseignant comment ils doivent prier pour être « chrétiens comme le sont les Romains ».

 

Cette union de charité entre l'Irlande et la sainte Église romaine est demeurée inviolable et indéfectible tout au long des siècles. Irlandais catholiques, vous avez gardé et aimé l'unité et la paix de l'Église catholique, la préférant à tout trésor terrestre. Vos compatriotes ont propagé cet amour de l'Église catholique partout où ils sont allés, à chaque siècle de votre histoire. C'est ce que firent les premiers moines et les missionnaires des âges obscurs de l'Europe, les réfugiés de la persécution, les exilés et les missionnaires — hommes et femmes — du siècle dernier et du présent.

 

Je suis venu à vous comme évêque de Rome et pasteur de toute l'Église, afin de célébrer cette union avec vous, dans le Sacrifice de l'Eucharistie, ici, à Dublin, capitale de l'Irlande, pour la première fois dans l'histoire irlandaise. Je me considère en ce moment, comme pèlerin pour le Christ vers la terre d'où tant de pèlerins pour le Christ, peregrini pro Christo, partirent vers l'Europe, les Amériques, l'Australie, l'Afrique, l'Asie et je vis un moment d'intense émotion. Comme je me trouve ici, en compagnie de tant de centaines de milliers d'Irlandais, homme et femmes, je songe à combien de fois, au cours de siècles, l'Eucharistie fut célébrée en cette terre. Comme ils sont nombreux et variés, ces lieux où la messe fut offerte — dans les majestueuses cathédrales médiévales et les églises modernes ; sur les Mass rocks dans les vallées et les forêts, par des prêtres pourchassés, et dans les pauvres chapelles au toit de chaume, pour un peuple pauvre de biens de ce monde mais riche de ceux de l'esprit ; dans les woke-houses ou les station-houses, ou en plein air, dans les grands rassemblements de fidèles — au sommet de Croagh Patrick et à Lough Derg. Qu'importe le lieu où la messe était offerte, pour les Irlandais, ce fut toujours la messe qui comptait. Combien ont trouvé en elle la force spirituelle de vivre, même dans les époques de tribulation et de pauvreté les plus grandes, aux jours de persécution et de vexation ! Chers frères et sœurs, chers fils et filles d'Irlande, permettez qu'avec vous, je survole votre histoire dans la lumière de l'Eucharistie célébrée ici depuis tant de siècles.

 

2. Depuis la Chambre haute, à Jérusalem, depuis la Dernière Cène, en un certain sens, l'Eucharistie écrit l'histoire du cœur humain et des communautés humaines. Réfléchissons sur tous ceux qui, nourris du Corps et du Sang du Seigneur, ont vécu et sont morts sur cette île, portant en eux, à cause de l'Eucharistie le gage de la vie éternelle. Pensons à tant de générations de fils et de filles de ce pays et, en même temps, fils et filles de l'Église. Puisse cette Eucharistie-ci être célébrée dans une atmosphère d'intense communion des sainte. Dans cette messe, nous sommes unis spirituellement à toutes les générations qui ont accompli la volonté de Dieu, des temps les plus reculés jusqu'à ce jour. Nous sommes un dans la foi et l'esprit, avec la vaste foule qui remplissait Phœnix Park lors du dernier grand rassemblement eucharistique tenu en ce lieu, à l'occasion du Congrès eucharistique de 1932.

 

La foi dans le Christ a pénétré profondément dans la conscience et dans la vie de vos ancêtres. L'Eucharistie transforma leur âme pour la vie éternelle, en union avec le Dieu vivant Puisse donc cette exceptionnelle rencontre eucharistique, aujourd'hui, être aussi une prière pour les défunts, pour vos ancêtres et vos parents. Avec leur aide, qu'elle devienne une prière plus fervente pour les vivants, pour la génération actuelle des fils et des filles de l'Irlande d'aujourd'hui qui se prépare pour la fin du vingtième siècle, afin qu'elle puisse affronter les défis qui s'imposeront à elle.

 

3. Oui, l'Irlande, qui a surmonté tant de moments difficiles au cours de son histoire, est menacée d'une nouvelle manière aujourd'hui, car elle n'est pas immunisée contre l'influence des idéologies et des tendances inhérentes à la civilisation et au progrès actuels. La seule capacité des mass média d'introduire le monde entier dans vos demeures produit une nouvelle forme de confrontation avec les valeurs et les orientations qui jusqu'à présent avait été épargnée à la société irlandaise. Un matérialisme envahissant impose sa puissance à l'homme d'aujourd'hui sous des formes diverses et avec une agressivité qui n'épargne personne. Les principes les plus sacrés, qui furent des guides sûrs pour le comportement des individus et de la société, sont supplantés par des faux-semblants à l'égard de la liberté, du caractère sacré de la vie, de l'indissolubilité du mariage, du vrai sens de la sexualité humaine, de la juste attitude vis-à-vis des biens matériels qu'offre le progrès. Plusieurs sont maintenant tentés par le bien-être matériel et les biens de consommation, et l'identité humaine est souvent définie par ce que quelqu'un possède. La prospérité et l'abondance, même quand elles ne font que commencer à être accessibles à une plus grande partie de la société, ont tendance à convaincre les gens qu'ils ont droit à tout ce que peut leur apporter la prospérité, et dès lors, leurs exigences deviennent plus égoïstes. Chacun veut sa pleine liberté dans toutes les sphères du comportement humain et de nouveaux modèles de moralité sont proposés au nom d'une prétendue liberté. Lorsque la fibre morale d'une nation est affaiblie, lorsque diminue le sens de la responsabilité personnelle, alors la porte est ouverte à la justification des injustices, à la violence sous toutes ses formes, et à la manipulation du grand nombre par le petit. Le danger qui déjà nous atteint est lamentation d'accepter comme vraie liberté, ce qui en réalité, n'est qu'une nouvelle forme d'esclavage.

 

4. Il devient donc de plus en plus urgent de nous plonger dans la vérité du Christ qui « est le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6) et dans la force qu'il nous offre lui-même par son Esprit. C'est particulièrement dans l'Eucharistie que nous sont donnés la puissance et l'amour du Christ.

 

Le sacrifice du Corps et du Sang de Jésus-Christ offert pour nous est un acte d'amour suprême de la part de notre Sauveur. C'est sa grande victoire sur le péché et sur la mort — une victoire qu'il nous communique. L'Eucharistie est la promesse de la vie éternelle puisque Jésus lui-même nous dit : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6, 54).

 

Le Saint Sacrifice de la messe devient la joyeuse célébration de notre salut. A la messe, nous louons et remercions Dieu, notre Père, de nous avoir accordé la rédemption par le Sang précieux de Jésus-Christ. L'Eucharistie est aussi le centre de l'unité de l'Église, tout comme son plus grand trésor. Selon les termes du Concile Vatican II, l'Eucharistie contient « toute la richesse spirituelle de l'Église » (Presbyterorum Ordinis, 5).

 

Je désire, aujourd'hui, exprimer la gratitude de Jésus-Christ et de son Église pour la dévotion que l'Irlande a toujours manifestée envers la Sainte Eucharistie. Comme Successeur de Pierre et vicaire du Christ, je vous assure que la messe est vraiment la source et le sommet de votre vie chrétienne.

 

Le dimanche matin, en Irlande, en voyant les foules aller à la messe et en revenir, nul ne peut mettre en doute la dévotion à la messe de l'Irlande. Ce qu'on voit, c'est la fidélité de tout un peuple au commandement du Seigneur : « Faites ceci en mémoire de moi ». Puisse le dimanche irlandais demeurer toujours le jour où tout le peuple de Dieu — the pobal De — se met en marche vers la Maison de Dieu que les Irlandais appelle la Maison du Peuple — the teach an pobal. Ce me fut une grande joie d'apprendre que beaucoup viennent à la messe plusieurs fois la semaine et même chaque jour. Cette pratique est une source abondante de grâce et de progrès dans la sainteté.

 

5. Oui, c'est de l'Eucharistie que chacun de nous reçoit grâce et force pour la vie de chaque jour — pour vivre une vraie vie chrétienne, dans la joie de savoir que Dieu nous aime, que le Christ est mort pour nous, et que l'Esprit-Saint vit en nous.

 

Notre pleine participation à l'Eucharistie est la vraie source de l'esprit chrétien que nous souhaitons voir dans nos vies personnelles et dans tous les aspects de la société. Que nous servions dans les sphères politique, économique, culturelle, sociale ou scientifique — peu importe notre occupation — l'Eucharistie est l'enjeu de notre vie quotidienne. Chers frères et sœurs ; il doit toujours y avoir de l'harmonie entre ce que nous croyons et ce que nous faisons. Nous ne pouvons vivre des gloires de notre histoire chrétienne passée. Notre union au Christ dans l'Eucharistie doit s'exprimer dans la vérité de nos, vies, aujourd'hui — dans nos actions, dans notre comportement, dans notre style de vie et dans nos relations avec les autres. L'Eucharistie est, pour chacun de nous, un appel à un amour toujours croissant, afin que nous puissions vivre en vrais disciples de Jésus : vrais dans nos paroles, généreux dans nos actions, préoccupés et respectueux de la dignité et des droits de chacun, quel que soit son rang ou son revenu, capables de sacrifice, loyaux et justes, bienveillants, indulgents compatissants, pondérés — soucieux du bien-être de nos familles, de nos jeunes, de notre pays, de l'Europe et du monde. La véracité de notre union avec Jésus-Christ dans l'Eucharistie se mesure à l'amour que nous portons réellement ou non à nos semblables, hommes et femmes ; elle se mesure à la façon dont nous traitons les autres, spécialement ceux de nos familles : maris et femmes, enfants et parents, frères et sœurs. Elle se mesure à la manière dont nous essayons ou non de nous réconcilier avec nos ennemis, dont nous pardonnons ou non à ceux qui nous ont blessés ou offensés. Elle se mesure encore à l'attention que nous apportons ou non à faire passer dans nôtre vie ce que nous enseigne notre foi. Nous devons constamment nous rappeler ce que dit Jésus : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande» (Jn 15, 14).

 

6. L'Eucharistie est encore un vibrant appel à la conversion. Nous savons que c'est une invitation au Banquet ; qu'en nous nourrissant de l'Eucharistie, nous recevons le Corps et le Sang du Christ, sous les apparences du pain et du vin. Précisément à cause de cette invitation, l'Eucharistie est et demeure l'appel à la conversion. Si nous la recevons comme un tel appel, une telle invitation, elle produit en nous ses propres fruits. Elle transforme nos vies. Elle nous fait « homme nouveau », « créature nouvelle» (cf. Ga 6, 15 ; Ep. 2, 15 ; 2 Co. 5, 17). Elle nous aide à ne pas nous laisser « dominer par le mal maïs à dominer te mal par le bien » (cf. Rm 12, 10). L'Eucharistie contribue au triomphe de l'amour en nous — l'amour au-dessus de la haine, le zèle au-dessus de l'indifférence.

 

L'appel à la conversion dans l'Eucharistie relie l'Eucharistie à cet autre grand sacrement de l'amour de Dieu, la Pénitence. Chaque fois que nous recevons le sacrement de Pénitence ou de la Réconciliation, nous recevons le pardon du Christ, et nous savons que ce pardon nous vient des mérites de sa mort — cette-même mort que nous célébrons dans l'Eucharistie. Dans le sacrement de la Réconciliation, nous sommes tous ainsi invités à rencontrer le Christ personnellement et à le faire souvent. Cette rencontre avec Jésus revêt une telle importance que j'ai écrit ceci dans ma première encyclique : « En observant fidèlement la pratique pluriséculaire du sacrement de pénitence — la pratique de la confession individuelle unie à l’acte personnel de contrition et au propos de se corriger et de réparer — l'Église défend le droit particulier de l'âme humaine : droit à une rencontre plus personnelle de l’homme avec le Christ crucifié qui pardonne, avec le Christ qui dit, par l'intermédiaire du ministre du sacrement de la Réconciliation : « Tes péchés te sont pardonnés ! Va, et ne pèche plus désormais ». A cause de l'amour et de la miséricorde du Christ, nul péché qui ne soit trop grand pour né pas être pardonné, nul pécheur qui ne soit rejeté. Chaque personne qui se repent sera reçue par Jésus-Christ avec clémence et immense amour ».

 

Ce me fut une grande joie d'apprendre que les évêques irlandais avaient demandé aux fidèles de se confesser, comme partie de la préparation spirituelle à ma visite en Irlande. Vous ne pouviez me causer plus grande joie, m'offrir plus magnifique présent. Et s'il y a encore aujourd'hui quelqu'un qui hésite, pour une raison ou pour une autre, s'il vous plaît, rappelez-vous ceci : Celui qui sait comment reconnaître sa faute et qui en demande pardon au Christ, rehausse sa propre dignité humaine et manifeste de sa grandeur d'âme.

 

Je saisis cette occasion pour demander à chacun de vous de continuer à garder toujours ce sacrement de pénitence en spécial honneur. Rappelons-nous les paroles de Pie XII au sujet de la confession fréquente : « Ce n'est pas sans l'inspiration de l'Esprit-Saint que cette pratique fut introduite dans l'Église » (AAS 35, 193, p. 235).

 

Chers frères et sœurs, l'appel à la conversion et au repentir vient du Christ et nous amène toujours au Christ dans l'Eucharistie.

 

7. Je vous souhaite aussi, en ce moment, de vous souvenir toujours de cette importante vérité affirmée par le concile Vatican II, à savoir : « La vie spirituelle, pourtant, n'est pas confinée à la participation à la liturgie » (Sacrosanctum concilium, 12). Et ainsi, je vous encourage également aux autres pratiques de dévotion que vous avez amoureusement conservées au cours des siècles, particulièrement à l'égard du Saint-Sacrement. Ces actes de piété honorent Dieu et sont utiles pour nos vies chrétiennes ; ils nous réjouissent le cœur et nous aident à apprécier davantage le culte liturgique de l'Église.

 

La visite au Saint-Sacrement — tellement partie de l'Irlande, tellement partie de votre piété, tellement partie de votre pèlerinage à Knock — est un précieux trésor de la foi catholique. Elle nourrit l'amour social et nous fournit des occasions d'adoration, d'action de grâce, de réparation et de supplication. La bénédiction, l'exposition et l'adoration du Saint-Sacrement, les heures saintes et les processions eucharistiques sont encore de précieux éléments de votre héritage — en pleine conformité avec l'enseignement du concile Vatican II.

 

En ce moment, c'est aussi ma joie de réaffirmer devant l'Irlande et devant le monde entier le merveilleux enseignement de l'Église catholique sur la présence consolante du Christ dans le Saint Sacrement : sa présence réelle dans le sens plus étendu : la présence substantielle du Christ entier et complet, Dieu et homme (cf. Mysterium Fidei, 39). L'Eucharistie, dans la messe et en dehors de la messe, est le Corps et le Sang de Jésus-Christ ; elle est par conséquent digne de l'adoration qui y est rendue au Dieu vivant et à lui seul (cf. Mysterium Fidei, 55 ; Paul VI, Adresse du 15 juin 1978).

 

Et ainsi, chers frères et sœurs, chaque geste de révérence, chaque génuflexion que vous faites devant le Saint-Sacrement est important parce qu'il constitue un acte de foi au Christ, un acte d'amour envers le Christ. Et chaque signe de croix et autre geste de respect fait chaque fois que vous passer devant une église est aussi un acte de foi.

 

Daigne Dieu vous conserver dans cette foi — cette sainte foi catholique — cette foi au Saint-Sacrement.

 

Je termine, chers frères et sœurs, bien-aimés fils et filles d'Irlande, en rappelant comment la Divine Providence s'est servie de cette île en bordure de l'Europe pour la conversion du continent européen, ce continent qui a été pendant deux mille ans le continent de la première évangélisation. Je suis moi-même fils d'une nation qui reçut l'Évangile il y a plus de mille ans, plusieurs siècles après votre patrie. Lorsque en 1966, nous avons commémoré solennellement le millénaire du baptême de la Pologne, nous avons rappelé avec gratitude aussi, ces missionnaires irlandais qui, parmi d'autres, participèrent au travail de la première évangélisation de la contrée qui de la Vistule, s'étend vers l'est et l'ouest.

 

Un de mes plus proches amis, célèbre professeur d'histoire à Cracovie, apprenant mon intention de visiter l'Irlande, disait : « Quelle bénédiction que le pape aille en Irlande ! Ce pays le mérite particulièrement ». Moi aussi, j'ai toujours pensé cela. C'est pourquoi j'ai crû que le centenaire du sanctuaire de la Mère de Dieu à Knock constituait, cette année, une occasion providentielle pour la visite du pape en Irlande. Par cette visite donc j'exprime ce que je ressens des mérites de l'Irlande ; comme je satisfais à un besoin profond de mon cœur. Je paye mon tribut à Jésus-Christ, Seigneur de l'histoire et auteur de notre salut.

 

C'est, pourquoi j'exprime ma joie de pouvoir être avec vous aujourd'hui, 29 septembre 1979, fête de saint Michel, saint Gabriel, saint Raphaël archanges et de pouvoir célébrer le saint sacrifice de la messe et témoigner en votre présence du Christ et de son mystère pascal. Je puis ainsi proclamer la vivifiante réalité de la conversion par l'Eucharistie et la Pénitence au cœur de la génération actuelle des fils et des filles d'Irlande. Metanoeite. Convertissez-vous ! (Mc 1, 15). Convertissez-vous continuellement. Convertissez-vous chaque jour ; car constamment, chaque jour, le Royaume de Dieu se rapproche. Sur le chemin de ce monde temporel, laissez le Christ être le Seigneur de vos âmes, pour la vie éternelle. Amen.

 

 

 

29 septembre 1979

DROGHEDA : PAIX ET RECONCILIATION

 

Dès la première journée de son pèlerinage, Jean Paul II s'est rendu à Drogheda, le 29 septembre après-midi, ville dépendant du diocèse d'Armagh mais située en république d'Irlande.

 

Chers frères et sœurs dans le Christ,

 

1. Après avoir salué le sol irlandais aujourd'hui à mon arrivée à Dublin, j'accomplis mon premier déplacement en Irlande pour venir ici à Drogheda. L'appel des siècles m'attire ici.

 

Je viens comme un pèlerin de la foi. Je viens aussi comme le successeur de Pierre auquel le Christ a confié le soin particulier de l'Église universelle. Je désire visiter notamment ces lieux de l'Irlande où la force de Dieu et l'action de l’Esprit-Saint se sont manifestées d'une façon particulière. Je recherche d'abord ces lieux qui portent en eux-mêmes le signe des « commencements » ; et qui dit « commencement » dit lien étroit avec la « première place », avec la primauté. Armagh est l'un de ces lieux en Irlande, siège épiscopal du primat d'Irlande pendant des siècles.

 

Le primat est celui qui a la première place parmi les évêques, c'est-à-dire parmi les pasteurs du peuple de Dieu sur cette terre. Cette primauté est liée au « commencement » de la foi et de l'Église dans ce pays. En un mot, elle est liée à l'héritage de saint Patrick, patron de l'Irlande.

 

Je souhaite donc que mon premier déplacement en Irlande soit un voyage vers le commencement, vers ce lieu de la primauté. L'Église est tout entière construite, sur la fondation des Apôtres et des Prophètes, le Christ Jésus étant lui-même la pierre angulaire (cf. Ep 2. 20). Mais dans chaque pays et dans chaque nation, l'Église a sa propre pierre de fondation. C'est donc vers cette fondation, vers ce siège primatial d'Armagh que je veux en premier lieu diriger mes pas de pèlerin. Le siège d'Armagh est le siège primatial parce qu'il est le siège de saint Patrick. L'archevêque d'Armagh est aujourd'hui le primat de toute l'Irlande parce qu'il est le Comharba Pâdraig, le successeur de saint Patrick, premier évêque d'Armagh.

 

2. Alors qu'il se trouve pour la première fois sur le sol irlandais, sur le sol d'Armagh, le successeur de Pierre ne peut pas ne pas rappeler la première arrivée ici, il y s plus de mille cinq cents ans, de saint Patrick. Depuis le jour où il était berger à Slemish jusqu'à sa mort à Saul, Patrick a été un témoin de Jésus-Christ. Pas très loin d'ici, sur la colline de Slane, on dit qu'il a allumé pour la première fois en Irlande le feu pascal, de telle sorte que là lumière du Christ a brillé sur toute l'Irlande et a uni le peuple tout entier dans l'amour du seul Jésus-Christ. J'éprouve une grande joie à être aujourd'hui avec vous, ayant Slane a portée de notre regard, et de proclamer ce même Jésus, Verbe incarné de Dieu, Sauveur du monde. Il est le Seigneur de l'histoire, la lumière du monde, l'espérance de l'avenir de toute l'humanité. Avec les mots mêmes de la liturgie de Pâques célébrée pour la première fois en Irlande sur la colline de Slane par saint Patrick, nous saluons aujourd'hui le Christ : il est l'Alpha et l'Oméga, le commencement de toutes choses et leur fin. Le temps lui appartient et tous les siècles aussi. A lui la gloire pour les siècles des siècles. Lumen Christi : Deo gratias ! Lumière du Christ : nous rendons grâce à Dieu ! Puisse la lumière de la foi briller toujours depuis l'Irlande ! Qu'aucune obscurité ne vienne jamais l'éteindre !

 

Que je reste fidèle jusqu'à la fin de ma vie à là lumière du Christ : telle était la prière de saint Patrick pour lui-même. Que le peuple d'Irlande reste toujours fidèle à la lumière du Christ, telle était sa prière constante pour les Irlandais. Il a écrit dans sa Confession :

« Dieu me garde de mener à sa perte ce peuple qu'il a racheté jusqu'aux extrémités de la terre ! Je prie Dieu de me donner la persévérance ; qu'il daigne faire en sorte que je sois son témoin fidèle jusqu'à la fin de ma vie consacrée à Dieu... Depuis l'époque de ma jeunesse où je l'ai connu, l'amour et la crainte de Dieu ont grandi en moi et jusqu'à maintenant, avec la grâce de Dieu, j'ai conservé là foi » (Confession, 44, 58).

 

3. « J'ai conservé la foi. » Telle a été l'ambition des Irlandais tout au long des siècles. Dans la persécution et la pauvreté, dans la famine et dans l'exil, vous avez conservé la foi. Pour beaucoup, cela a signifié le martyre. Ici, à Drogheda, où l'on vénère ses reliques, je veux évoquer un martyr irlandais, saint Olivier Plunkett : j'ai été heureux en effet d'assister à sa canonisation, sur l'invitation de mon ami le regretté cardinal Conway pendant l'Année Sainte 1975, alors que j'étais cardinal de Cracovie. Saint Olivier Plunkett qui a été primat d'Irlande pendant douze ans, reste pour toujours un exemple remarquable de l'amour du Christ pour tous les hommes. Évêque, il a prêché un message de pardon et de paix. Il était en effet le défenseur des opprimés et l'avocat de la justice, mais il n'aurait jamais admis la violence. A l'adresse des violents, il reprenait les mots mêmes de l'apôtre Pierre : « Ne rendez pas le mal par le mal » (1 P 3, 9). Martyr de la foi, il a scellé par sa mort le message de réconciliation qu'il avait prêché durant sa vie. Il n'y avait aucune haine dans son cœur car sa force était dans l'amour de Jésus, dans l'amour du Bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis. Ses derniers mots furent des paroles de pardon pour tous ses ennemis.

 

4. La foi et la fidélité sont caractéristiques de l'Église en Irlande, une Église de martyrs, une Église de témoins ; une Église de foi héroïque, de fidélité héroïque. Tels sont les signes historiques qui ont marqué le sillon tracé par la foi sur le sol irlandais. L'Évangile et l'Église se sont enracinés profondément dans l'âme du peuple irlandais. C'est du siège d'Armagh, du siège de Patrick, qu'il faut voir ce sillon et toucher ces racines. C'est là qu'il faut rencontrer — et c'est de là qu'il faut s'adresser à eux — les autres grands et fidèles diocèses dont la population a tant souffert des événements de ces dix dernières années : Down and Connor, Derry, Dromore, Clogher, Kilmore.

 

Durant la période de préparation de ma visite en Irlande, l'invitation que le primat de toute l'Irlande m'a adressée de me rendre dans sa cathédrale d'Armagh a été spécialement précieuse pour moi. Il est particulièrement significatif aussi que cette invitation du primat a été reprise par les représentants de l'Église d'Irlande et par des chefs et des membres d'autres Églises y compris beaucoup d'Églises d'Irlande du Nord. Je suis particulièrement reconnaissant de toutes ces invitations.

 

Celles-ci sont en effet le signe que le deuxième concile du Vatican accomplit son travail et que nous rencontrons nos frères chrétiens d'autres Églises comme des personnes qui confessent ensemble que Jésus-Christ est le Seigneur et qui se rapprochent les unes des autres en lui dans la recherche de l'unité et du témoignage commun.

 

Cette démarche vraiment fraternelle et œcuménique de la part de représentants des Églises témoigne aussi que les tragiques événements d'Irlande du Nord n'ont pas leur source dans le fait d'appartenir à des Églises et à des confessions différentes ; qu'il ne s'agit pas ici — malgré ce qui est si souvent répété devant l'opinion mondiale — d'une guerre de religion, d'un conflit entre catholiques et protestants. Au contraire, les catholiques et les protestants, en tant que peuple qui confesse le Christ, tirant son inspiration de sa foi et de l'Évangile, cherchent à se rapprocher les uns des autres dans l'unité et dans la paix. Quand ils se souviennent du plus grand commandement du Christ, le commandement de l'amour, ils ne peuvent pas se conduire autrement.

 

5. Mais le christianisme ne nous commande pas de fermer les yeux sur des problèmes humains difficiles. Il ne nous permet pas de négliger ni de refuser de voir des situations sociales ou internationales injustes. Ce que le christianisme nous interdit, c'est de chercher des solutions à ces situations dans la haine, dans le meurtre de personnes sans défense, dans les méthodes du terrorisme. Permettez-moi d'ajouter : le christianisme est absolument apposé à fomenter la haine et à susciter ou à provoquer la violence ou la lutte pour la lutte. Le commandement « tu ne tueras pas » doit lier la conscience de l'humanité si l'on ne veut pas que la terrible tragédie, que la terrible destinée de Caïn se répète.

 

6. C'est pour cette raison qu'il convenait que je vienne ici avant d'aller en Amérique où j'espère adresser la parole à l'Organisation des Nations Unies sur ces mêmes problèmes de paix et de guerre, de justice et de droits de l'homme. Le cardinal primat et moi avons décidé ensemble qu'il était mieux que je vienne ici, à Drogheda, et que c'est d'ici que je pourrais rendre hommage au « commencement » de la foi à la primauté dans votre pays ; et que d'ici je pourrais réfléchir avec vous, devant Dieu, devant votre splendide histoire-chrétienne, sur ce problème très urgent qu’est le problème de la paix et de la réconciliation.

 

Nous devons tout d'abord mettre clairement en évidence où résident les causes de cette lutte dramatique. Nous devons appeler par leur nom les systèmes et les idéologies qui sont responsables dé ce conflit. Nous devons aussi nous demander si l'idéologie de la révolution travaille pour lé véritable bien de l'homme. Est-il possible de fonder le bien des individus et des peuples sur la haine, sur la guerre ? A-t-on le droit de pousser les jeunes générations dans l'abîme du fratricide ? N'est-il pas nécessaire de chercher des solutions à nos problèmes dans une direction différente ? La lutte fratricide ne rend-elle pas plus urgente pour nous l'obligation de chercher de toutes nos forces des solutions fraternelles ? Je discuterai de ces questions devant l'assemblée générale des Nations unies dans quelques jours. Aujourd'hui, ici, sur cette terre bien-aimée d'Irlande d'où tant d'hommes et de femmes avant moi sont partis pour l'Amérique, je veux en parler avec vous.

 

7. Le message que je vous adresse aujourd'hui ne peut pas être différent de celui que saint Patrick et saint Olivier Plunckett vous donnaient. Je prêche ce qu'ils prêchaient : le Christ, qui est le « prince de la paix » (Jl 9, 5) ; qui nous a réconciliés avec Dieu et les uns avec les autres (cf. 2 Co 5, 18) ; qui est source de toute unité.

 

Les lectures de la messe nous disent que Jésus est « le Bon Pasteur » dont le seul désir est de nous rassembler tous ensemble en un seul troupeau. C'est en son nom que je viens vers vous, au nom de Jésus-Christ, qui est mort pour « rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés» (Jn 11, 52). Voilà ma mission, le message que je vous adresse : Jésus-Christ qui est notre paix. Le Christ « est notre paix » (Ep 2, 14). Aujourd'hui et pour toujours, il nous redit : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix » (Jn 14, 27). On n'a jamais autant parlé, dans l'histoire de l'humanité, de la paix et on ne l'a jamais aussi ardemment désirée que de nos jours. L'interdépendance croissante des peuples et des nations fait que presque tous adhèrent — au moins en principe — à l'idéal de fraternité universelle. D'importantes institutions internationales discutent de la coexistence pacifique de l'humanité. On constate dans l'opinion publique une conscience toujours plus forte de l'absurdité de la guerre comme moyen de résoudre les différends. De plus en plus, on considère la paix comme une condition nécessaire des relations fraternelles entre les nations et entre les peuples. La paix est de plus en plus clairement perçue comme le seul chemin vers la justice ; la paix est elle-même l'œuvre de la justice. Et pourtant, encore et toujours, on constate combien la paix est menacée et détruite. Comment se fait-il donc que nos convictions, ne correspondent pas toujours à nos comportements et à nos attitudes ? Comment se fait-il que nous ne soyons pas capables, semble-t-il, d'abolir tous les conflits de notre vie ?

 

(...) 8. La paix est le résultat de beaucoup d'attitudes et dé réalités convergentes ; elle découle de préoccupations morales, de principes éthiques fondés sur le message de l'Évangile et renforcés par lui.

 

Je veux en premier lieu parler de la justice. Dans son message pour la Journée mondiale de la Paix 1971,mon vénéré prédécesseur Paul VI, le pèlerin de la paix disait : « La véritable paix doit être fondée sur la justice, sur le sentiment d'une intangible dignité humaine, sur la reconnaissance d'une ineffaçable et heureuse égalité entre les hommes, sur le dogme fondamental de la fraternité humaine, c'est-à-dire du respect et de l'amour dus à tout homme en sa qualité d'homme ». J'ai redit le même message au Mexique et en Pologne. Je le répète ici, en Irlande. Tout être humain a des droits inaliénables qui doivent être respectés. Chaque communauté humaine — ethnique, historique, culturelle ou religieuse — a des droits qui doivent être respectés. La paix est menacée chaque fois que l'un de ces droits est violé. La loi morale, gardienne des droits de l'homme, ne peut être écartée par aucune personne, par aucun groupe, ni par l'État lui-même, pour aucune raison, même pas pour, la sécurité ou dans l'intérêt de la loi et de l'ordre public. La loi de Dieu est au-dessus de toutes les raisons d'État. Tant qu'il existe des injustices dans un domaine quelconque touchant la dignité de ta personne humaine, que ce soit sur le plan politique, social ou économique, que ce soit au niveau culturel ou religieux, il n'y aura pas de paix véritable. Les causes des inégalités doivent être éliminées de telle sorte que chaque personne puisse se développer et atteindre la pleine mesure de son humanité.

 

9. Par ailleurs, la paix ne peut pas être établie par la violence, la paix ne peut jamais s'épanouir dans un climat de terreur, d'intimidation et de mort. Jésus lui-même a dit : « Tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive » (Mt 26, 52). Telle est la parole de Dieu, et elle ordonne à cette génération d'hommes violents d'abandonner la haine et la violence et de se convertir.

 

Je joins aujourd'hui ma voix à la voix de Paul VI et de mes autres prédécesseurs, aux voix de vos chefs religieux, aux voix de tous les hommes et de toutes les femmes raisonnables, et je proclame, avec la conviction de ma foi dans le Christ et avec la pleine conscience de ma mission, que la violence est un mal, que la violence est inacceptable comme solution aux problèmes, que la violence n'est pas digne de l'homme. La violence est .un mensonge, car elle va à l’encontre de la vérité de notre foi, de la vérité de notre humanité. La violence détruit ce qu'elle prétend défendre la dignité, la vie, la liberté des êtres humains. La violence est un crime contre l'humanité car elle détruit le tissu même de la société. Je prie avec vous pour que le sens moral et la conviction chrétienne des Irlandais et des Irlandaises ne puissent jamais être obscurcis ni entamés par le mensonge de la violence, pour que personne ne puisse appeler un meurtre d'un autre nom que celui de meurtre, pour que l'engrenage de la violence ne puisse jamais être qualifié de logique inévitable ou de représailles nécessaires. Ceci demeure vrai pour toujours : « Tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive ».

 

10. Il y a un autre mot qui dort faire partie du vocabulaire de tout chrétien, surtout lorsque les barrières de la haine et de la méfiance ont été élevées. Ce mot, c'est réconciliation. « Quand tu présentes ton offrande à l'autel, si là tu te souviens d'un grief que ton frère a contre toi, laisse-là ton offrande, devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère ; puis reviens, et alors présente ton offrande » (Mt 5, 23-24). Ce commandement de Jésus est plus fort que toutes les barrières que peuvent élever l'imperfection ou la malice de l'homme. Même lorsque notre croyance en la bonté foncière de tout être humain a été ébranlée ou sapée, même si des convictions et des habitudes anciennes ont durci nos cœurs, il y a une source de force qui l'emporte sur toute déception, sur toute amertume ou défiance tenace, et cette force, c'est Jésus-Christ, qui a apporté au monde le pardon et la réconciliation.

 

Je fais appel à tous ceux qui m'écoutent ; à tous ceux qui sont découragés après tant d'années de lutte, de violence et d'aliénation : qu'ils tentent ce qui semble impossible pour mettre fin à l'intolérable. Je rends hommage aux nombreux efforts qui ont été entrepris, par d'innombrables hommes et femmes en Irlande du Nord pour frayer un chemin à la réconciliation et à la paix. Le courage, la patience, l'indomptable espérance ont été une lumière pour les hommes et les femmes de paix, dans l'obscurité de ces années d'épreuve. L'esprit de pardon chrétien dont ont fait preuve tous ceux qui ont souffert dans leur personne ou dans ceux qui leur sont chers, a été un exemple pour des multitudes. Dans les années à venir, quand les mots de haine et les méfaits de la violence seront oubliés, ce sont les mots d'amour et les actes de paix et de pardon dont on se souviendra. C'est cela qui inspirera les générations à venir.

 

A vous tous qui m'écoutez, je dis: n'ayez pas confiance en la violence ; n'appuyez pas la violence. Ce n'est pas le chemin chrétien. Ce n'est pas le chemin de l'Église catholique. Croyez en la paix, au pardon et à l'amour : ils sont du Christ.

 

Des communautés qui sont unies dans l'acceptation du message suprême d'amour de Jésus, message de paix et de réconciliation, et dans le refus de toute violence, constituent une force irrésistible pour accomplir ce que beaucoup s'étaient résignés à considérer comme impossible et destiné à le demeurer.

 

11. Je désire maintenant m'adresser à tous les hommes et à toutes les femmes pris dans l'engrenage de la violence. Je fais appel à vous, et mon plaidoyer se fait passionné. Je vous supplie à genoux de vous détourner des sentiers de la violence et de revenir sur les chemins de la paix. Sans doute prétendez-vous rechercher la justice. Moi aussi, je crois en la justice et je recherche la justice. Mais la violence ne fait que retarder le jour de la justice. La violence détruit le travail de la justice. Un surcroît de violence en Irlande ne pourra qu'entraîner la ruine de la terre que vous prétendez aimer et des valeurs que vous prétendez chérir. Au nom de Dieu, je vous en supplie : revenez au Christ qui est mort pour que les hommes puissent vivre dans le pardon et dans la paix. Il vous attend, il aspire à ce que chacun de vous revienne à lui de telle sorte qu'il puisse dire à chacun de vous : tes péchés sont pardonnés ; va en paix.

 

12. J'en appelle aux jeunes qui ont pu être entraînés dans des organisations engagées dans la violence. Je vous dis, avec tout l'amour que j'ai pour vous, avec toute la confiance que je place dans les jeunes : n'écoutez pas les voix qui parlent le langage de la haine, de la revanche, des représailles. Ne suivez aucun chef qui vous entraîne sur les chemins où l'on donne la mort. Ne croyez pas que le courage et la force se prouvent en tuant, et en détruisant. Vous ne serez véritablement courageux qu'en travaillant pour la paix. Vous ne serez véritablement forts qu'en vous unissant aux jeunes hommes et femmes de votre génération, en tout lieu, pour construire une société juste, humaine et chrétienne par les moyens de la paix. La violence est l'ennemie de la justice. Seule la paix peut mener à la vraie justice.

 

Chers jeunes, si vous avez été entraînés sur les chemins de la violence, même si vous avez commis des actes de violence, revenez au Christ qui, en quittant ce monde, lui a donné la paix. C'est seulement en revenant au Christ que vous pourrez trouver la paix de vos consciences tourmentées et le repos de vos âmes troublées.

 

Et à vous, pères et mères de famille, je dis : apprenez à vos enfants à pardonner, faites de vos maisons des foyers d'amour et de pardon ; faites de vos rues et de vos quartiers des centres de paix et de réconciliation. Ce serait un crime contre la jeunesse et son avenir que de laisser même un seul enfant grandir dans la seule expérience de la violence et de la haine.

 

13. Je désire maintenant parler à tous ceux qui ont des responsabilités, à tous ceux qui peuvent influencer, l'opinion publique, à tous les membres des partis politiques et à tous ceux qui les soutiennent. Et je vous dis : Ne croyez jamais que vous trahissez votre propre communauté en cherchant à comprendre, à respecter et à accepter ceux qui sont d'une tradition différente. Vous servirez d'autant mieux votre propre tradition que vous travaillerez à la réconciliation avec les autres. Chacune des communautés historiques d'Irlande ne peut que se faire du tort en cherchant à faire du tort à l'autre. Une violence continuelle ne peut que mettre en danger tout ce qu'il y a dé plus précieux dans les traditions et les aspirations des deux communautés.

 

Aucun de ceux qui se soucient de l'Irlande ne doit se faire d'illusion sur la nature de la violence politique et sur la menace qu'elle représente. L'idéologie et les méthodes de la violence sont devenues un problème international de la plus profonde gravité. Plus la violence continuera en Irlande, plus le danger grandira de voir cette terre bien-aimée devenir davantage encore le théâtre du terrorisme international.

 

14. A tous ceux qui ont des responsabilités politiques dans les affaires de l'Irlande, je veux m'adresser d'une façon aussi pressante et insistante que j'ai parlé aux hommes de violence. Ne provoquez pas, n'admettez pas, ne tolérez pas des conditions qui servent d'excuse ou de prétexte aux hommes de violence. Ceux qui ont recours à la violence prétendent toujours que seule la violence apporte des changements. Ils prétendent que l'action politique ne peut pas établir la justice. Vous autres, hommes politiques, vous avez le devoir de leur montrer qu'ils ont tort. Vous devez montrer qu'il y a une voie politique pacifique pour arriver à la justice. Vous devez montrer que la paix accomplit le travail de la justice, et que la violence ne le fait pas.

 

Je vous exhorte, vous qui êtes appelés à la noble vocation de responsables politiques, d'avoir le courage de faire face à vos responsabilités, d'être des leaders dans la cause de la paix, de la réconciliation et de la justice. Si les hommes politiques ne décident pas et ne réalisent pas les changements qui s'imposent, le champ est libre pour les hommes de violence. La violence se développe plus facilement lorsqu'il y a un vide politique et un refus d'action politique. Paul VI, écrivant au cardinal Conway, en mars 1972, disait : « Chacun a son rôle à jouer. Doivent être écartés les obstacles qui obstruent le chemin de la justice, telles que l'inégalité civique, la discrimination sociale et politique, la mésentente entre les individus et les groupes. Il faut mutuellement et constamment respecter les autres : leurs personnes, leurs droits et leurs aspirations légitimes ». Je fais miens aujourd'hui ces mots de mon vénéré prédécesseur.

 

15. Je suis venu aujourd'hui à Drogheda pour une grande mission de paix et de réconciliation. Je viens comme un pèlerin de la paix, de la paix du Christ. Pour les catholiques, pour les protestants, mon message est paix et amour. Qu'aucun protestant irlandais ne puisse penser que le pape est un ennemi, un danger ou une menace ! Mon désir est au contraire que les protestants puissent voir en moi un ami et un frère dans le Christ. Ne perdez pas l'espoir que ma visite sera fructueuse, que ma voix sera entendue. Et même si elle n'était pas entendue, l'histoire se souviendra qu'à un moment difficile de la vie du peuple d'Irlande, l'évêque de Rome a foulé votre sol, qu'il était avec vous et qu'il a prié avec vous pour la paix et la réconciliation, pour la victoire de la justice et de l'amour sur la haine et sur la violence. Oui, ce témoignage qui est le nôtre devient finalement une prière, une prière venant du cœur en faveur de la paix pour tous ceux qui vivent sur cette terre, de la paix pour tous, les citoyens d'Irlande.

 

Que cette fervente prière pour la paix illumine toutes les consciences ! Qu'elle les purifie et les envahisse !

 

Christ, Prince de la paix, Marie, Mère de la paix, reine d'Irlande, Saint Patrick, saint Olivier, et tous les saints d'Irlande, Moi, avec tous ceux qui sont réunis ici et avec tous ceux qui s'unissent à moi, je vous en prie : veillez sur l'Irlande ! Protégez l'humanité !

 

Amen.

 

 

 

29 septembre 1979

AU PRESIDENT DE L'IRLANDE

 

A son retour à Dublin, après sa rencontre avec les fidèles à Drogheda, Jean Paul II a rendu visite le samedi soir 29 septembre, au président de la République.

 

Monsieur le Président,

 

Je désire vous exprimer ma gratitude pour le chaleureux accueil que j'ai reçu à mon arrivée en Irlande, tant de la part de la population irlandaise que de ses distingués représentants. Je vous remercie aussi sincèrement, Monsieur le Président, pour les aimables paroles que vous m'avez adressées et par lesquelles vous avez voulu honorer non pas simplement ma personne mais le chef de l'Église catholique romaine.

 

Il était opportun, après ma visite en Amérique latine, puis dans ma patrie bien-aimée, que j'accepte l'invitation de l'épiscopat irlandais de venir dans votre île d'Emeraude et de rencontrer votre population. Nombreux, en effet, sont les liens qui unissent votre pays au Siège de Pierre à Rome. Des plus lointaines origines du christianisme dans ce pays, tout au long des siècles jusqu'à ce jour, l'amour des Irlandais pour le vicaire du Christ loin de s'affaiblir, a fleuri au point d'être pour tous un modèle de témoignage. En recevant la foi de saint Patrick, le peuple catholique d'Irlande a accepté également que l'Église du Christ est bâtie sur le roc qu'est Pierre et établi avec le successeur de Pierre ce rapport d'amour qui a toujours été une garantie pour la protection de sa foi. Cela me vaut le plaisir de déclarer ici que cette indéfectible loyauté a été égalée seulement par sa profonde dévotion à l'égard de la Vierge et de sa ferme adhésion aux devoirs de sa religion.

 

L'histoire de l'Irlande n'a certes pas été privée de souffrances et de peines. Les conditions économiques et sociales ont, dans le passé, contraint un grand nombre de ses fils et de ses filles à quitter leur foyer et leur famille à chercher ailleurs une possibilité de vivre plus dignement qu'ils ne pouvaient trouver ici. Leur perte pour l'Irlande a constitué un gain pour les régions où ils se sont établis. Ceux qui sont restés n'ont jamais joui d'un progrès réalisé sans difficultés. Mais dans toutes leurs épreuves, les Irlandais ont toujours démontré un courage et une persévérance sans pareils, inspirés par leur foi. Qu'il me soit permis, Monsieur le Président, de citer le passage de votre dernier message pour la fête de saint Patrick où vous mettez au crédit de votre saint Patron « la fibre morale et la richesse spirituelle qui ont soutenu votre pays dans les moments d'épreuve ».

 

Je forme des vœux fervents, pour vous et pour vos compatriotes, pour que ces mêmes qualités — héritage d'une foi vive préservée et approfondie au cours des siècles — rendent votre pays capable de s'avancer vers le troisième millénaire en acquérant ce bien-être qui constitue une authentique promotion humaine pour tout votre peuple, un bien-être qui fasse honneur au nom et à l'histoire d'Irlande. La vitalité qui puise sa force dans une tradition chrétienne ininterrompue depuis plus de quinze siècles vous donnera la possibilité d'affronter les nombreux problèmes d'une République moderne, encore jeune.

 

L'élimination de la pauvreté, l'assistance des marginaux, les perspectives d’un emploi à plein temps pour tous et spécialement pour l'innombrable et splendide jeunesse qui est aujourd'hui une bénédiction de Dieu pour votre pays, la création d'un bien-être social et économique pour toutes les classes de la société restent les vrais impératifs. Pour atteindre les objectifs de justice dans les domaines économique et social, il faudra que les convictions et la ferveur religieuses aillent toujours de pair avec une solide conscience morale et sociale, particulièrement chez ceux qui planifient et contrôlent le processus économique, et de même chez les législateurs, les gouvernants, les industriels, les commerçants, les employés et les ouvriers. Le rôle prééminent que sur le plan spirituel et culturel votre pays a rempli avec distinction dans l'histoire de l'Europe vous inspirera également à l'avenir pour apporter votre contribution spécifique à la Croissante unité du continent européen et de préserver en même temps les valeurs qui caractérisent votre communauté et d'en donner témoignage au milieu des courants politiques, économiques, sociaux et culturel qui, de nos jours, circulent à travers l'Europe.

 

Je désire avec ferveur que cette même Irlande continue à être confine par le passé une force d'entente, de fraternité et de collaboration parmi toutes les nations du monde. Un grand nombre d'hommes et de femmes d'Irlande travaillent déjà en tous lieux de la terre — et je mentionne avec une toute spéciale reconnaissance vos nombreux missionnaires — apportant avec leur activité et leur zèle, avec leur dévouement désintéressé et généreux, une assistance si nécessaire à beaucoup de nos frères et sœurs dans d'autres lieux du monde pour leur permettre de progresser dans leur propre développement, de satisfaire à leurs besoins fondamentaux.

 

Les exilés et les missionnaires irlandais sont allés partout dans le monde, et partout où ils ont été, ils ont fait aimer et honorer le nom de l'Irlande. L'histoire de votre pays a été et est toujours partout et pour tous les peuples une source d'inspiration humaine et spirituelle. L'Irlande a hérité d'une noble mission chrétienne et humaine et sa contribution au bien-être du monde et à la naissance d'une nouvelle Europe peut être aussi grande aujourd'hui qu'elle l'a été aux plus beaux jours de l'histoire irlandaise. Voilà la mission, voilà le défi que l'Irlande de la génération actuelle doit affronter.

 

Et enfin, Monsieur le Président, je veux lancer un appel en faveur de la paix et de l'harmonie pour tous les peuples de cette île. Votre tristesse devant l'incessante agitation, devant l'injustice, la violence dans l'Irlande du Nord est également ma tristesse personnelle, ma propre douleur. A l'occasion de la fête de saint Patrick en 1972, mon bien-aimé et vénéré prédécesseur le pape Paul VI, dont on se rappellera toujours avec reconnaissance l'amour qu'il portait à l'Irlande, écrivit au cardinal primat, William Conway à l’époque : « La foi chrétienne doit convaincre tous ceux que cela concerne que la violence n'est pas une solution acceptable pour les problèmes de l'Irlande. Mais en même temps le sens chrétien des valeurs doit convaincre les hommes qu'une paix durable ne peut s'édifier que sur les bases solides de la justice. » Ces mots gardent encore aujourd'hui leur pleine valeur.

 

Je vous remercie de nouveau pour votre aimable et cordial accueil. Avec affection, je vous bénis, vous, votre pays et votre population.

 

Dia agus Muire libh.

Beannacht Dé is Muite libh.

Que Dieu et Marie soient avec vous !

Puissent les bénédictions de Dieu et de Marie être toujours avec vous, et avec le peuple d'Irlande.

 

 

 

29 septembre 1979

AU GOUVERNEMENT

 

Le Saint-Père a reçu à la nonciature apostolique de Dublin la visite du premier ministre Jack Lynch, accompagné des membres du gouvernement et du conseil d'État.

 

Messieurs,

 

C'est pour moi un grand plaisir de pouvoir rencontrer ici les membres du Gouvernement irlandais. Vous représentez les aspirations, les besoins et l'avenir du peuple irlandais, mais aussi son potentiel et les promesses d'avenir contenues dans l'histoire de votre pays. Le peuple d'Irlande a eu une longue histoire de lutte et de souffrances pour perfectionner sa propre cohésion comme État moderne et pour atteindre le degré de bien-être qui est dû à toute nation.

 

Vous avez le privilège de servir le peuple, en son nom et en vue de son progrès, sur la base du mandat que le peuple lui-même vous a conféré. Mais il y a aussi des principes et des impératifs d'un ordre supérieur, sans lesquels une société ne pourrait jamais avoir l'espérance de promouvoir le bien commun. Il n'est pas nécessaire que j'explique en détail quels sont les impératifs de la justice, de la coexistence pacifique dans la société, du respect et de la sauvegarde de la dignité qui découle de la nature même et du destin de chaque être humain en tant que créature de l'amour de Dieu. Il vous appartient de les traduire de manière concrète et de promouvoir la collaboration de tous les citoyens à la réalisation de ces splendides idéaux.

 

Une Irlande prospère, pacifique et rendue vers l'idéal des relations fraternelles au sein de sa population est également un facteur qui contribuera au pacifique et juste avenir de l'Europe et de toute la famille des nations. Aujourd'hui, à Drogheda, j'ai lancé un appel solennel en faveur de la justice, de la paix et de la réconciliation, particulièrement en ce qui concerne la situation en Irlande du Nord, une situation qui ne saurait laisser indifférents ni les Irlandais, ni les chrétiens et certainement pas le pape. Ma fervente prière est que la population de cette île déploie son courage et trouve le moyen de résoudre un problème qui n'est pas religieux de nature, mais a ses origines dans une variété de raisons historiques, sociales, économiques et politiques.

 

Je désire réitérer une fois de plus mes remerciements pour votre aimable accueil et pour tout ce que les autorités publiques ont fait pour faciliter ma visite pastorale en votre pays.

 

Je vous exprime mes sentiments d'estime pour vous et pour vos collègues du Gouvernement. Puisse chacun, en harmonie avec la charge et la dignité qu'il détient, accomplir ses devoirs en s'inspirant du réel désir de promouvoir la paix, la justice et le respect de la personne humaine.

 

 

 

29 septembre 1979

AU CORPS DIPLOMATIQUE

 

Excellences, Mesdames, Messieurs,

 

C'est un grand plaisir pour moi de vous rencontrer dès les premiers jours de ma présence en Irlande. Je suis touché de votre accueil chaleureux et je remercie très cordialement le doyen du Corps diplomatique des paroles élevées qu'il m'a adressées. Je les reçois comme l'expression de votre estime pour la mission du Siège apostolique.

 

J'attache une grande importance au voyage pastoral que j'ai entrepris aujourd'hui pour diverses raisons que je veux évoquer avec vous. En tant que successeur de Pierre sur le Siège de Rome, j'ai été chargé d'une façon toute particulière de l'Église universelle et de tous ses membres. Après m'être rendu au Mexique pour la troisième assemblée générale de l'épiscopat latino-américain, et après avoir participé en Pologne aux cérémonies commémorant saint Stanislas, il était normal que je vienne dans cette île où, depuis les premiers temps de son évangélisation jusqu'à nos jours, la foi chrétienne et le lien d'unité avec le Siège de Pierre sont demeurés sans faille.

 

Saint Patrick fut le premier primat d'Irlande. Mais il fut surtout celui qui sut mettre dans l'âme irlandaise une tradition religieuse si profonde que chaque chrétien en Irlande peut ajuste titre se dire l'héritier de saint Patrick. C'était un Irlandais authentique, c'était un chrétien authentique : le peuple irlandais a su garder intact cet héritage à travers des siècles de défis, de souffrances et de bouleversements sociaux et politiques, devenant ainsi un exemple pour tous ceux qui croient que le message du Christ développe et renforce les aspirations les plus profondes des peuples à la dignité, à l'union fraternelle et à la vérité. Je suis venu ici pour encourager le peuple irlandais dans son attachement au message du Christ.

 

Je veux aussi rendre hommage, par cette visite, à la part que l'Église irlandaise a prise dans l’évangélisation du continent européen, et aussi des autres continents. On ne peut considérer le christianisme en Europe sans se référer au travail merveilleux accompli par les missionnaires et les moines irlandais. Ce travail est à l'origine de bien des communautés chrétiennes florissantes en Europe. Et je suis persuadé que les valeurs qui sont si profondément enracinées dans l'histoire et dans la culture de ce peuple constituent une force permanente pour construire cette Europe où la dimension spirituelle de l'homme et de la société reste l'unique garantie d'unité et de progrès.

 

En tant que chef visible de l'Église et serviteur de l'humanité, je viens sur cette île marquée par les graves problèmes concernant la situation en Irlande du Nord. Comme je viens de le dire à Drogheda, j'avais un grand désir d'aller exprimer en personne au peuple d'Irlande du Nord un message de paix et de réconciliation, mais les circonstances ne me l'ont pas permis. C'est donc depuis Drogheda que je lui ai parlé, affirmant une fois encore que le sens chrétien des valeurs doit convaincre ceux qui sont pris dans l'engrenage de la violence que celle-ci ne pourra jamais être une solution aux problèmes humains et que la paix véritable doit être fondée sur la justice. Au nom du Christ, j'ai lancé un appel à la réconciliation.

 

Et je suis aussi en route vers les Nations unies où j'ai été invité à m'adresser à l'assemblée générale. Mes prédécesseurs sur le Siège de Pierre ont souvent exprimé à cette organisation leurs encouragements et leur estime, car c'est le forum où toutes les nations peuvent se rencontrer et chercher ensemble des solutions aux nombreux problèmes du monde actuel. Je me rends donc aux Nations unies comme un messager de paix, de justice et de vérité, et je désire exprimer ma gratitude à tous ceux, qui se consacrent à la collaboration internationale en vue de ménager un avenir sûr et paisible à l'humanité.

 

Je souhaite enfin que les prières de tous les croyants et le soutien de tous les hommes, et de toutes les femmes de bonne volonté m'accompagnent durant ce périple international que je commence aujourd'hui en Irlande et qui s'achèvera le 7 octobre dans la capitale des États-Unis d'Amérique.

 

Je vous exprime encore une fois, ma reconnaissance pour votre présence ici et je prie le Dieu tout-puissant de vous bénir, vous et vos familles, et de vous soutenir dans votre important travail au service de l'humanité.

 

 

 

29 septembre 1979

AUX RESPONSABLES DES EGLISES

 

Mes chers frères dans le Christ,

 

Permettez-moi de vous saluer dans l'amour de notre commun Seigneur et Sauveur, et avec les paroles de son serviteur et apôtre Paul : « Grâce à vous et paix de par Dieu notre Père et le Seigneur Jésus-Christ» (Ep 1, 2).

 

Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous rencontrer au nom de Jésus et de prier avec vous. Pour nous tous, ici, aujourd'hui, la grande promesse contenue dans l'Évangile est, en vérité, exaltante et encourageante : « Car là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d'eux » (Mt 18, 20). Ce nous est donc une immense joie de savoir que Jésus-Christ est avec nous.

 

Nous le savons près de nous dans la puissance de son mystère pascal, et que de son mystère pascal nous recevons la lumière et la force de cheminer dans ce que saint Paul appelle « une vie nouvelle » (Rm 6, 4).

 

Quelle grande grâce pour la chrétienté entière, qu'en ce moment, l’Esprit-Saint insuffle si fortement dans le cœur des hommes un si réel désir de cette « vie nouvelle ». Et quel don précieux de Dieu qu'il existe aujourd'hui, parmi les chrétiens une prise de conscience plus claire du besoin de ne faire qu'un dans le Christ et dans son Église : de ne faire qu'un selon la prière même du Christ, comme son Père et lui sont Un (cf. Jn 17, 11).

 

Notre désir de l'unité chrétienne jaillit d'un besoin de fidélité à la volonté de Dieu telle que révélée dans le Christ. Notre unité dans le Christ, d'ailleurs, conditionne l'efficacité de notre évangélisation ; elle détermine la crédibilité de notre témoignage à la face du monde. Le Christ n'a-t-il pas prié pour l'unité de ses disciples précisément « pour que le monde croie… » (Jn 17, 21).

 

C'est aujourd'hui, en vérité, un des jours les plus mémorables de ma vie : car j'ai embrassé dans l'amour du Christ mes frères chrétiens séparés et confessé avec eux « que Jésus-Christ est le Fils de Dieu » (Jn 4, 15) ; qu'il est « le Sauveur de tous les hommes » (l Tm 5, 10) ; qu'il est « le Médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ, homme lui-même » (1 Tm 2, 5). De Drogheda, ce matin, j'ai fait appel à la paix et à la réconciliation selon la volonté suprême du Christ, qui seul peut unifier le cœur des hommes dans la fraternité et le témoignage commun. Que jamais personne ne doute de l'engagement sincère de l'Église catholique et du Siège apostolique de Rome, dans la poursuite de l'unité des chrétiens. Lorsque, en novembre dernier, je rencontrais les membres du secrétariat pour l'Unité des chrétiens, je parlais du « scandale intolérable de la division entre les chrétiens ». Je disais que le mouvement vers l'unité ne devra avoir de cesse que lorsqu'il aura atteint son but, et j'invitais les évêques catholiques, les prêtres et le peuple à s'engager énergiquement dans l'accélération de ce mouvement. Je disais à cette occasion : « L'Église catholique, fidèle à la direction donnée par le Concile, veut non seulement aller de l'avant sur le chemin qui conduit à la restauration de l'Unité, mais désire ardemment, à cause de ses moyens, et en pleine soumission aux impulsions de l'Esprit-Saint... intensifier à chaque niveau, sa contribution à ce grand mouvement de tous les chrétiens » (Discours du 18 nov. 1978). Je renouvelle aujourd'hui cet engagement et cette assurance, ici en Irlande où la réconciliation entre les chrétiens est particulièrement urgente, mais où il existe aussi des ressources particulières grâce à la tradition de foi chrétienne et de fidélité religieuse qui caractérisent les deux communautés catholique et protestante.

 

Le travail de réconciliation, le chemin vers l'Unité, peuvent être longs et ardus. Mais comme sur la route d'Emmaus, le Seigneur lui-même chemine avec nous faisant toujours « comme s'il allait plus loin » (Lc 24, 28). Il restera avec nous jusqu'à ce que vienne le moment où nous pourrons nous unir en le reconnaissant dans les Saintes Écritures et « dans la fraction du pain » (Lc 24, 35).

 

D'ici là, le renouveau intérieur de l'Église catholique en totale fidélité au concile Vatican II, ce à quoi j'ai consacré toutes mes énergies dès le début de mon ministère pontifical, doit continuer avec une vigueur soutenue. Ce renouveau lui-même est une contribution indispensable au travail de l'unité entre les chrétiens. Puisque chacun, dans nos Églises respectives, nous progressons dans l'étude des Saintes Écritures, dans notre fidélité à la tradition séculaire de l'Église chrétienne et en continuité avec elle, dans notre recherche de la sainteté et de l'authenticité de la vie chrétienne, nous nous rapprochons ainsi davantage du Christ et par conséquent les uns des autres dans le Christ.

 

Lui seul, par l'action de l'Esprit-Saint, peut réaliser nos espoirs. En dépit de notre humaine faiblesse et de nos péchés, en dépit de tous les obstacles, nous acceptons en toute foi et humilité, le grand principe énoncé par notre Sauveur : « Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu. » (Lc 18, 27).

 

Puisse ce jour constituer, en vérité, pour nous tous et pour ceux que nous servons dans le Christ, l'occasion d'une fidélité toujours croissante à la prière et à la pénitence, à la cause de Jésus-Christ et à son message de vérité et d'amour, de justice et de paix. Puissent notre estime et notre amour communs pour la Parole, sainte et inspirée de Dieu nous unir toujours davantage tandis que nous persistons à étudier et à examiner ensemble les questions importantes relatives à l'unité ecclésiale sous tous ses aspects, aussi bien que la nécessité d'un service unifié en faveur du monde en besoin.

 

L'Irlande, chers frères dans le Christ, a un besoin particulier et urgent du service unifié des chrétiens. Tous les Irlandais chrétiens doivent s'unir pour défendre les valeurs spirituelles et morales des envahissements du matérialisme et de la permissivité morale. Les chrétiens doivent s'unir pour promouvoir la justice et défendre les droits et la dignité de chaque personne humaine. Tous les chrétiens d'Irlande doivent se lier pour s'opposer à toute violence et à tout assaut contre la personne humaine — de quelque région qu'elle vienne — et pour chercher des réponses chrétiennes aux graves problèmes de l'Irlande du Nord. Nous devons être des ministres de la réconciliation. Par l’exemple comme par la parole, nous devons essayer d'orienter les citoyens, les communautés et les politiciens sur les chemins de la tolérance, de la coopération et de l’amour. Ni crainte des critiques, ni risque de ressentiments ne doivent nous détourner de ce devoir. La charité du Christ nous presse. Précisément parce que nous avons un même Seigneur Jésus-Christ, nous devons accepter ensemble la responsabilité de la vocation qui nous vient de lui.

 

Chers frères : avec une conviction enracinée dans notre foi, nous réalisons que la destinée du monde est compromise parce que la crédibilité de l’Évangile est menacée. Chrétiens, ce n'est qu'en parfaite unité que nous pourrons témoigner de la vérité. Notre fidélité à Jésus-Christ nous presse donc de faire plus, de prier plus et d'aimer plus.

 

Daigne le Christ, Bon Pasteur, nous enseigner à guider notre peuple dans les sentiers de l'amour vers la réalisation de l'Unité parfaite pour l'honneur et la gloire du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Amen.

 

 

 

29 septembre 1979

A LA PRESSE

 

Dans une des salles du couvent des. Sœurs Dominicaines de Dublin, Jean Paul II a, reçu un groupe de journalistes et de spécialistes de l'information.

 

Mes chers amis des mass média,

 

Durant ma visite en Irlande, j'ai voulu vous laisser à tous une pensée particulière, une parole spéciale pour chacun de vous, afin qu'à l'avenir vous puissiez vous rappeler ceci : le pape a, durant sa visite pastorale en Irlande, dit de nombreuses choses à de nombreuses personnes, mais ce message, c'est à moi qu'il l'a adressé.

 

Ce message, c'est le second des deux grands commandements de Jésus : « Aime ton prochain comme toi-même. » Ce message et ce mandat devraient avoir une signification spéciale pour vous parce que votre travail fait de vous des hôtes d'honneur dans des millions de foyers.

 

Partout où l'on entend les voix que vous transmettez, où l'on voit les images que vous avez captées ; partout où on lit les paroles que vous rapportez, là, partout, se trouve votre prochain. Là se trouve une personne que vous devez aimer, pour le bien-être de laquelle vous devez travailler — et parfois même lui sacrifier votre sommeil et votre repas. Vous êtes les instruments qui permettent à cette personne, et à des millions d'autres, de jouir d'une plus ample expérience, d'être aidées à devenir un membre plus actif de la communauté mondiale, un vrai « prochain » pour les autres.

 

En raison de sa nature, votre profession fait de vous des serviteurs de la communauté, des serviteurs volontaires. Beaucoup de membres de la communauté pourront différer d'opinions en matière politique ou économique ou avoir d'autres convictions d'ordre religieux ou moral. En bons diffuseurs de communications, vous devez les servir de même façon que les autres, avec amour et selon la vérité ; ou mieux, avec amour de la vérité. En bons diffuseurs de communications, vous devez édifier des ponts qui unissent et non des murs qui divisent. En bons diffuseurs de communications, vous devez travailler dans la conviction que l'amour et le service au prochain sont la tâche la plus importante de votre vie.

 

Tous vos soins, donc, devront viser le bien de la communauté. Vous l'alimenterez de vérité. Vous en éclairerez la conscience et la servirez comme édificateurs de paix. Vous proposerez à la communauté des modèles qui la fassent tendre à un genre d'existence et un comportement conformes à son potentiel et à sa dignité humaine.

 

Vous inspirerez la communauté, vous réanimerez ses idéaux, vous stimulerez son imagination — si nécessaire, vous la provoquerez — afin qu'elle puisse donner le meilleur d'elle-même, le meilleur comme hommes, le meilleur comme chrétiens. Vous ne céderez à aucune tentation, vous ne plierez devant aucune menace visant à vous faire dévier de la totale intégrité dans le service professionnel, que vous rendez à ceux qui sont non seulement votre prochain, mais aussi vos frères et vos sœurs dans la famille de Dieu, notre Père à tous.

 

Vous vous considérez comme d'entêtés réalistes et je comprends parfaitement les réalités contre lesquelles vous devez vous battre. Mais voici la parole que le pape vous réserve. Ce n'est pas peu de chose ce qu'il vous demande, ce n'est pas un médiocre défi qu'il vous laisse. Ce qu'il vous propose de faire est d'édifier, dans la communauté irlandaise et dans le monde entier, le royaume de Dieu, le royaume d'amour et de paix.

 

Je vous remercie tous sincèrement pour le travail que vous faites pour assurer le compte rendu de ma visite. Je vous demande de transmettre mes remerciements et mon amitié à vos familles et tandis que je prie pour vous et pour elles je formule cette très belle prière irlandaise : « Puisse Dieu te tenir dans le creux de sa main. Puisse Dieu te maintenir dans sa paix, toi et ceux qui te sont chers. »

 

 

 

29 septembre 1979

AUX EVEQUES

 

Chers frères en Nôtre-Seigneur Jésus-Christ,

 

Que vous soyez venus si nombreux de différents pays, pour vivre avec moi les divers moments de ma visite, c'est là un tribut rendu à l'Irlande et à vous-mêmes, car cela prouve que vous vous sentez unis à l’évêque de Rome dans sa « sollicitude pour toutes les Églises » (2 Co 11, 28), en même temps que vous voulez honorer la foi de l'Église en Irlande.

 

N'est-il pas vrai, en effet, que les communautés chrétiennes que vous représentez ont un devoir de gratitude envers l'Irlande ? Vous qui venez d'autres pays d'Europe, vous vous reconnaissez une parenté particulière avec ce peuple qui a envoyé tant et de si grands missionnaires lesquels, dans les siècles passés, voyagèrent inlassablement à travers monts et rivières, et par les plaines de l'Europe pour soutenir la foi lorsqu'elle vacillait, pour raviver les communautés chrétiennes et pour prêcher la Parole du Seigneur. Plusieurs de vos propres communautés sont issues de cette vitalité de l'Église en Irlande. Periginari pro Christo : devenir voyageur, pèlerin pour le Christ, telle était pour ces missionnaires, la raison de quitter la terre natale bien-aimée ; et de leurs voyages, l'Église en Europe recevait une vie nouvelle.

 

Au-delà du continent, immigrants, prêtres et missionnaires irlandais furent encore les fondateurs de nouveaux diocèses, de nouvelles paroisses, les bâtisseurs d'églises et d'écoles ; leur foi réussit, parfois malgré des disparités écrasantes, à porter le Christ en de nouvelles contrées et à inspirer à de nouvelles communautés le même indivisible amour de Jésus et de sa mère, la même loyauté et la même affection envers le siège apostolique de Rome, ainsi qu'ils l'avaient appris dans leur pays.

 

En réfléchissant sur ces réalités historiques et en tant que témoins, durant cette visite, de la piété, de la foi et de la vitalité de l'Église irlandaise, nous ne pouvons que nous réjouir de ces moments. Votre présence sera en retour un encouragement tant pour l'épiscopat que pour les fidèles irlandais, car en vous voyant réunis autour de l'évêque de Rome, ils verront que c'est tout le Collegium episcopale qui soutient les pasteurs locaux et qui accepte sa part de responsabilité à l'égard de l'Église qui est en Irlande. Que votre amour de l'Irlande et votre considération pour la place de l'Irlande dans l'Église s'expriment en prière pour un prompt retour de la paix sur cette île si belle. Entraînez votre peuple fidèle dans cette prière fervente et persévérante au Prince de la Paix, par l'intercession, de Marie, Reine de la Paix.

 

Quand le peuple de ce pays bien-aimé vous voit, avec les évoques irlandais, réunis autour de l'évêque de, Rome, il constate cette union particulière qui constitue le fond de la collégialité épiscopale, une union d'esprit et de cœur, une union qui engage et s'emploie à l'édification du Corps du Christ, qui est l'Église. C'est cette union profonde, cette « communion sincère qui confère profondeur et signification au concept de collégialité, et qui rend possible cette franche collaboration pratique ou cet échange de vues ». Il en résulte, dès lors, un lien qui unit vraiment les évêques du monde entier au successeur de Pierre et entre eux, de façon à maintenir cum Petro et sub Petroce ministère apostolique que le Seigneur a dévolu aux Douze. De savoir que tels sont les sentiments qui inspirent votre présence ici avec moi me donne non seulement satisfaction mais aussi me soutient dans mon propre ministère pastoral, unique et universel.

 

De cette union entre tous les évêques jailliront pour chaque communauté ecclésiale et pour l'Église entière d'abondants fruits d'unité et de communion de tous les fidèles entre eux et avec leurs évêques, aussi bien qu'avec le chef de l'Église universelle.

 

Merci d'avoir partagé avec moi le privilège et la grâce surnaturelle de cette visite. Daigne le Seigneur Jésus vous bénir, vous et vos diocèses et vous accorder des fruits toujours plus abondants d'union d'esprit et de cœur. Et puisse chaque chrétien, partout, et toute l'Église de Dieu réunie, devenir de plus en plus signe et message d'espoir pour toute l'humanité.

 

 

 

30 septembre 1979

A LA COMMUNAUTE POLONAISE

 

Le 30 septembre, Jean Paul II a reçu dans les jardins de ta nonciature apostolique à Dublin un groupe de quelque quatre cents émigrés polonais accompagnés du cardinal Marcharski, archevêque de Cracovie.

 

Mes chers compatriotes,

 

Merci à vous, venus de toutes les régions d'Irlande pour participer à cette réunion comprise dans le programme de ma visite en Irlande. C'est la troisième fois depuis le début de mon pontificat que je quitte Rome : cette fois pour venir en Irlande et pour me rendre ensuite aux États-Unis. Ce voyage a pour motif particulier l'invitation du secrétaire général des Nations unies que je n'aurais pu refuser.

 

Ma visite en Irlande au début de cet important voyage a une signification spéciale. Je veux vous exprimer à vous tous ici présents ma gratitude pour votre fraternelle solidarité avec le pape dont la patrie est aussi la vôtre. Je sais que vous avez démontré cette solidarité par vos constantes prières et d'autres initiatives spirituelles pour soutenir mon service. J'ai besoin de cet immense soutien pour accomplir ma haute mission.

 

Je voudrais aussi attirer la bénédiction de Dieu sur la vie que vous menez en Irlande tout en restant étroitement rattachés aux habitudes, à la culture et aux traditions polonaises. C'est de Pologne que vous avez apporté votre foi, un lien d'union spirituelle avec l'évêque de Rome, avec l'Église catholique tout entière. Puisse cette unité vous aider, non seulement à obtenir votre salut et celui de vos voisins, mais aussi à conserver ce profil spirituel qui caractérise notre identité nationale, notre présence dans l'histoire européenne et notre contribution à la lutte pour la paix, la justice et la liberté.

 

Je voudrais répéter le vœu que j'ai exprimé le 16 mai dernier quand j'ai parlé à plus de six mille Polonais durant une audience spéciale à Rome : « Notre rencontre exceptionnelle d'aujourd'hui doit nous faire espérer qu'avec la grâce de Dieu et par l'intercession de Marie, Mère de l'Église comme l'est Notre-Dame de Jasna Gôra, reine de Pologne, des saints Stanislas et Adalbert et de tous les saints et bienheureux polonais jusqu'au bienheureux Maximilien Kolbe et à la bienheureuse Marie-Thérèse Ladochowska, nous réussirons tous, où que nous nous trouvions, à rendre témoignage de la maturité de la Pologne, à rendre plus fort notre droit de citoyens parmi toutes les nations d'Europe et du monde et servir ce noble but : témoigner l’universalisme chrétien. »

Voilà ce que je souhaite sincèrement pour vous, et dans cet esprit je vous bénis tous, vous, vos familles, vos pasteurs, les prêtres et toute la Pologne.

 

 

 

30 septembre 1979

A CLONMACNOIS : HOMMAGE A LA FOI IRLANDAISE

 

Chers frères et sœurs,

 

Cette visite à Clonmacnois me donne l'occasion de rendre hommage aux traditions de foi et de vie chrétienne en Irlande.

 

En particulier, je voudrais rappeler et honorer la grande contribution monastique qui a été apportée à l'Irlande ici, en ce lieu vénéré pendant mille ans ; ce lieu dont l'influence a été portée dans toute l'Europe par des moines missionnaires et par les étudiants de cette école monastique de Clonmacnois.

 

Quand nous considérons les œuvres de la foi, nous devons en rendre grâces à Dieu. Merci à Dieu pour les origines de la foi apostolique en Irlande. Merci à Dieu pour les saints et les apôtres et pour tous ceux qui ont été les instruments de l'implantation et de la vie de cette foi, et qui « ont fait la volonté de Dieu à travers les âges ». Merci à Dieu pour la générosité de la foi qui porte des fruits de justice et de sainteté de vie. Merci à Dieu pour la préservation de la foi dans l'intégrité et la pureté de l'enseignement. Merci à Dieu pour la continuité du message des Apôtres transmis intact jusqu'à ce jour.

 

N'oubliez jamais les merveilleuses promesses faites par saint Colomban à Boniface IV à Rome : « Nous les Irlandais... sommes les disciples des saints Pierre et Paul... ; nous portons sans faille cette foi catholique que nous avons reçue de vous. »

 

Et en Irlande aujourd'hui, cette foi catholique est sans faille, vivante et active. Par les mérites de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ et par la puissance de sa grâce, il peut et il doit en être toujours ainsi en Irlande.

 

Clonmacnois était pendant longtemps le lieu d'une école renommée d'art sacré. Le reliquaire de saint Manchan, qui se trouve sur l'autel aujourd'hui, est l'un des remarquables exemples de ce travail. Voici pourquoi c'est ici un endroit convenable pour exprimer ma gratitude pour les travaux irlandais en art sacré, dont plusieurs m'ont été offerts à l'occasion de ma visite. L'art irlandais incarne sous plusieurs aspects la profonde foi et la dévotion du peuple irlandais comme elle s'exprime dans la sensibilité personnelle de ses artistes. Chaque œuvre d'art, qu'elle soit religieuse ou séculière, qu'il s'agisse de peinture, de sculpture, de poésie ou de toute autre forme d'artisanat réalisée dans une intention d'amour est le signe et le symbole de l’inscrutable secret de l’existence humaine, de l'origine et de la destinée de l'homme, du sens de sa vie et de son travail. Elle nous parle du sens de la naissance et de la mort, et de la grandeur de l'homme. Loué soit Jésus-Christ.

 

 

 

30 septembre 1979

A GALWAY : A L'ARRIVEE

 

Je remercié l'évêque de Galway et de Kilmacduagh ainsi que l'honorable maire de la ville de Galway pour cet accueil cordial. C'est un plaisir particulier pour moi de venir à l'Ouest aujourd'hui en traversant l'Irlande jusqu'à cette belle baie de Galway.

 

A vous, cher frère, pasteur de ce siège de l'Ouest qui au temps de saint Patrick était « au-delà des frontières de la terre habitée » mais qui se trouve maintenant au point de rencontré de l'Europe et des Amériques — à vous et à vos prêtres, aux religieux et aux laïcs — j'adresse un mot de salutation spéciale. C'est à l'honneur de votre diocèse et de votre ville que vous m'ayez invité à rencontrer les représentants de la jeunesse d'Irlande. A travers vous, jeunes, je rencontre l'avenir de l'Irlande, ceux qui porteront le flambeau de la foi chrétienne jusqu'au XXI° siècle.

 

A l'occasion de cette première visite du vicaire du Christ sur la terre, au peuple de l'Ouest de l'Irlande, je désire vous demander l'aide de votre prière pour ma mission universelle d'évêque de Rome. Je compte particulièrement sur vos prières quotidiennes à mes intentions, en famille, quand les parents et les enfants invoquent ensemble l'aide du Seigneur Jésus et de sa Mère Marie.

 

Que Dieu bénisse cette ville et tous ses habitants et accorde sa force aux faibles et aux malades, son courage à ceux qui luttent et sa paix et sa joie à tous.

 

 

 

30 septembre 1979

HOMELIE A LA JEUNESSE

 

Le dimanche 30 septembre, le Saint-Père a célébré à l'hippodrome de Galway, petite ville située sur la côte occidentale d'Irlande, une sainte messe à laquelle ont assisté quelque 300000 jeunes Irlandais venus de toutes les régions de l'île.

 

Chers jeunes, frères et sœurs de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ,

 

1. Voici une occasion exceptionnelle et vraiment importante. Ce matin, le pape fait partie de la jeunesse irlandaise ! J'ai attendu avec impatience ce moment. J'ai prié pour être capable de toucher vos cœurs avec les paroles de Jésus. Je désire rappeler ici ce que j'ai dit si souvent comme archevêque de Cracovie et que j'ai répété comme successeur de Pierre : je crois en la jeunesse. Je crois en la jeunesse de tout mon cœur et avec toute l'ardeur de ma conviction. Et aujourd'hui je vous dis : je crois en la jeunesse d'Irlande ! Je crois en vous qui vous trouvez ici devant moi, en chacun de vous !

 

Lorsque je vous regarde, je vois l'Irlande de l'avenir. Demain vous serez les forces vives de votre pays et l'Irlande sera ce que vous aurez décidé qu'elle soit. Demain, comme techniciens ou instituteurs, comme infirmières ou secrétaires, comme fermiers ou commerçants, médecins ou ingénieurs, prêtres ou religieux — demain vous aurez le pouvoir de transformer vos rêves en réalités. Demain l'Irlande dépendra de vous !

 

Lorsque je vous regarde, assemblés autour de l'autel, et que j'écoute s'élever vos prières, je vois l'avenir de l'Église. Dieu a ses plans pour l'Église d'Irlande, mais il a besoin de vous pour les réaliser. Ce que l'Église sera à l'avenir dépend de votre sincère collaboration avec la grâce de Dieu.

 

Quand je regarde les milliers de jeunes rassemblés ici devant moi, je vois également les défis que vous devez affronter. Vous êtes venus des paroisses d'Irlande comme représentants de ceux qui n'ont pu venir. Vous portez dans le cœur le riche héritage que vous ont transmis vos parents, vos instituteurs, vos prêtres. Vous portez dans le cœur les trésors que vous ont donnés l'histoire et la culture irlandaises, mais vous avez également reçu en partage les problèmes auxquels l'Irlande doit faire face.

 

2. Aujourd'hui, pour la première fois depuis que saint Patrick a prêché la foi aux Irlandais, le successeur de Pierre venu de Rome, pose le pied sur le sol d'Irlande. Vous vous demandez à bon droit quel message il apporte et ce qu'il dira à la jeunesse d'Irlande. Mon message ne saurait être autre que celui du Christ lui-même ; mes paroles ne peuvent être que la Parole de Dieu.

 

Je ne viens pas ici pour apporter une réponse à toutes vos interrogations personnelles. Vous avez vos évêques qui connaissent les conditions locales et les problèmes locaux ; vous avez vos prêtres, particulièrement ceux qui se consacrent à l'assistance pastorale de la jeunesse, une tâche absorbante qui en vaut la peine. Il vous connaissent personnellement et vous aideront à trouver la bonne réponse. Mais je sens que moi aussi je vous connais, parce que je connais et comprends les jeunes. Et je sais que vous, comme les jeunes de votre âge partout dans le monde, vous êtes touchés par tout ce qui se passe dans la société qui vous entoure. Bien que vous viviez dans un milieu où les vrais principes religieux et moraux sont tenus en honneur, vous vous rendez compte que votre fidélité à ces principes est, de différentes façons, mise à l'épreuve. Les traditions religieuses et morales d'Irlande, l'âme authentique de l'Irlande, subissent le défi des tentations qui n'épargnent aucune société de notre époque. Comme de nombreux autres jeunes dans les différentes régions du monde vous entendrez dire que des changements s'imposent, que vous devez jouir de plus de liberté, que vous devez être différents de vos parents, et que toute décision engageant votre vie dépend de vous et de vous seuls.

 

Il pourra vous sembler que les perspectives d'un progrès économique croissant et les chances d'obtenir une plus large participation aux biens que la société moderne peut offrir, vous constituent l'occasion favorable pour acquérir une plus grande liberté. Vous pourriez être tentés de penser que plus vous possédez, plus vous vous sentirez libres de vous dégager de toute contrainte. Pour faire plus;d'argent et avoir plus, et afin d'éliminer les efforts et les préoccupations, vous pourriez être tentés de recourir à des expédients qui mettent en cause l'honnêteté, la vérité et le travail. Le progrès de la science et de la technologie semble inévitable et vous pourriez être enclins à vous tourner vers la société technologique pour avoir une réponse à tous vos problèmes.

 

3. L'attrait du plaisir à rechercher toujours et partout où l'on peut le trouver est puissant et pourra vous être présenté comme partie intégrante du progrès vers une plus large autonomie et une plus grande liberté à l'égard des nonnes. Le désir de se libérer des contraintes extérieures peut se manifester avec force dans le domaine de la sexualité, si étroitement liée à la personnalité humaine. Les idéaux moraux que l'Église et la société vous proposent depuis si longtemps pourront vous être présentés comme dépassés, comme obstacles au plein développement de votre personnalité. Les instruments de la communication sociale, les divertissements et la littérature vous proposeront un genre d'existence où bien souvent chacun vit pour soi, et dans laquelle un égocentrisme sans frein ne laisse aucun espace pour s'intéresser à autrui.

 

Vous entendrez dire ; que vos pratiques religieuses sont périmées sans retour, qu'elles encombrent votre manière d'être et votre avenir, et qu'avec tout ce que le progrès social et scientifique est à même de vous offrir, vous serez capables d'organiser votre propre vie et que Dieu a épuisé son rôle. Même des personnes d'esprit religieux pourront adopter de telles attitudes, les aspirant dans l'air qui les baigne, sans se rendre compte de l'athéisme pratique qui se trouve à leur origine.

 

Une société ayant perdu de cette manière ses principes religieux et moraux les plus élevés deviendra facilement la proie de manipulations et de domination par des forces qui, sous prétexte de plus large liberté, la rendront encore plus esclave.

 

Oui, chers jeunes gens : ne fermez pas les yeux sur la faiblesse morale qui contamine aujourd'hui votre société, et contre laquelle vous ne pourrez vous défendre à vous seuls. Combien de jeunes ont déjà altéré leur conscience et substitué à la saine joie de vivre les drogues, le sexe et l'alcool, le vandalisme et le vain mirage des biens purement matériels.

 

4. Autre chose est nécessaire : quelque chose que vous ne pourrez trouver que dans le Christ. Dans le Christ, vous découvrirez la vraie grandeur de votre propre humanité : il vous rendra conscients de votre propre dignité d'êtres humains créés à l'image et à la ressemblance de Dieu (Gn 1, 26). Le Christ a les réponses à vos questions, et il a la clé de l'histoire : il a le pouvoir d'élever les cœurs. Il vous appelle, il vous invite, lui qui est « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14, 6). Oui, le Christ vous appelle, mais il vous appelle à la vérité. Son appel est exigeant, parce qu'il vous invite à vous laisser « prendre » par lui, complètement, de manière que votre vie tout entière soit vue sous un jour différent Il est le Fils de Dieu qui vous révèle le visage amoureux du Père. Il est le Maître, le seul dont l'enseignement ne passera jamais, le seul qui enseigne avec autorité.
Il est l'ami qui dit à ses disciples : « Je ne vous appelle plus serviteurs... mais je vous ai appelés mes amis » (Jn 15, 15). Et cette amitié, il l'a prouvée en donnant sa vie pour vous.

 

Son appel est exigeant parce qu'il nous enseigne ce que signifie être réellement homme. Si vous ne prêtez pas attention à l'appel de Jésus, il vous sera impossible de réaliser votre humanité dans toute sa plénitude. Vous devez bâtir sur la base qui est le Christ (cf. 1 Co 3, 11) : c'est uniquement avec lui que votre vie aura un sens et qu'elle vaudra la peine d'être vécue.

 

Vous provenez de familles catholiques ; vous allez régulièrement à la rencontre du Christ dans la sainte communion, le dimanche, et même durant la semaine. Nombreux sont parmi vous ceux qui prient en famille chaque jour ; et j'espère que vous agirez ainsi tout au long de votre vie. Mais il pourrait se faire également que vous, soyez tentés de vous éloigner du Christ : cela peut arriver notamment si vous constatez dans la vie de certains de vos compagnons une contradiction entre la foi qu'ils professent et la vie qu'ils mènent. Mais — et j'y insiste — je vous prie d'écouter toujours l'appel du Christ, parce que lui seul peut enseigner le vrai sens de la vie et des réalités temporelles.

 

5. Permettez-moi, dans ce contexte de rappeler encore! une autre phrase de l'Évangile, une phrase dont nous devons nous souvenir même lorsque ses conséquences nous semblent difficiles à accepter. Il s'agit de celle qu'a prononcée le Christ dans le discours de la Montagne : « Aimez vos ennemis ; faites du bien à ceux qui vous haïssent » (Lc 6, 27). Vous avez déjà deviné qu'en me référant à ces paroles du Seigneur, j'ai dans l'esprit les douloureux événements qui depuis plus de dix ans ont lieu en Irlande du Nord. Je suis certain que tous les jeunes vivent de tels événements, de manière intense et avec douleur, et que cela laisse de profondes cicatrices dans vos jeunes cœurs. Ces événements, pénibles comme ils le sont, doivent aussi constituer un stimulant à la réflexion. Ils vous demandent de vous former un jugement intérieur pour déterminer, en conscience, comme jeunes catholiques, où vous en êtes à ce sujet.

 

Vous avez entendu les paroles de Jésus : « aimez vos ennemis ! ». Le commandement de Jésus ne veut pas dire que nous ne sommes pas liés d'amour à notre terre natale ; il ne signifie pas que nous devons rester indifférents devant les injustices dans leurs divers aspects temporels et historiques. Ces paroles de Jésus s'attaquent uniquement à la haine. Je vous demande de réfléchir profondément : que serait la vie humaine si Jésus n'avait jamais prononcé ces paroles ? Que serait le monde si, dans nos rapports mutuels, nous accordions la primauté à la haine entre les peuples parmi les classes, parmi les nations ? Quel serait l'avenir de l'humanité si nous fondions sur cette haine l'avenir des individus et celui des nations ?

 

On pourrait avoir parfois l'impression devant les expériences de l'histoire et devant des situations concrètes, que l'amour a perdu sa puissance, qu'il est devenu impossible à pratiquer. Mais à la longue, l'amour remporte toujours la victoire, l'amour ne connaît jamais la défaite. S'il en était autrement, l'humanité serait vouée à la destruction.

 

6. Chers jeunes amis, voilà le message que je vous confie aujourd'hui, vous demandant de le garder avec vous, de le partager chez vous avec vos familles ; à l'école et au travail, avec vos amis. Quand vous serez revenus chez vous, dites à vos parents et à tous ceux qui veulent l'entendre que le pape croit en vous et compte sur vous. Dites que les jeunes sont la force du pape qui désire partager avec eux ses espoirs pour l’avenir et ses encouragements.

 

Je vous ai transmis les paroles de mon cœur. Permettez-moi de vous demander quelque chose en retour. Vous savez que d'Irlande je me rendrai aux Nations unies. La vérité que j'ai proclamée devant vous est également celle que, sous une forme différente, je présenterai devant le forum suprême des nations. J'espère que vos prières, les prières de la jeunesse d'Irlande, m'accompagnent et me soutiendront dans cette importante mission. Je compte sur vous, car l'avenir de la vie humaine sur cette terre est en jeu, dans chaque pays et dans le monde entier. L'avenir de tous les peuples et nations, l'avenir de l'humanité elle-même dépend de ceci : que les paroles de Jésus dans le discours de la Montagne, que le message de l'Évangile soient écoutés encore une fois.

 

Daigne le Seigneur être toujours avec vous ! Avec sa liberté qui vous fait libres (cf. Jn 8, 32) ; avec sa parole qui dévoile le mystère de l'homme et révèle à l'homme sa propre humanité ; avec sa mort et sa résurrection qui vous rendent nouveaux et forts.

 

Mettons ces intentions aux pieds de Marie, Mère de Dieu et Reine d'Irlande, modèle d'amour généreux et de dévouement au service des autres.

 

Jeunes gens d'Irlande, je vous aime ! Jeunesse d'Irlande je vous bénis ! Je vous bénis au nom de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ !

 

 

 

30 septembre 1979

A KNOCK : HOMELIE AU SANCTUAIRE MARIAL

 

Sur le pré devant le sanctuaire mariai de Knock, une foule nombreuse se pressait autour du président de la République irlandaise Hillery et du premier ministre Lynch pour participer à la messe en plein air célébrée par le pape.

 

Chers frères et sœurs en le Christ, fils et filles fidèles de Marie,

 

1. Je touche ici au but de mon voyage en Irlande : le sanctuaire de Notre-Dame de Knock. Dès le moment où j'ai su que le centenaire de ce sanctuaire se célébrait cette année, j'ai été pris du vif désir de venir ici, du désir de faire un nouveau pèlerinage à un sanctuaire de la Mère du Christ, Mère de l'Église, Reine de la paix. Ne soyez pas surpris de ce désir. Cette habitude d'aller en pèlerinage aux sanctuaires de la Vierge, je l'ai prise dès mon plus jeune âge et dans mon pays. J'ai fait de tels pèlerinages comme évoque et comme cardinal. Je sais parfaitement que chaque peuple, chaque pays et même chaque diocèse a ses lieux saints où le cœur du peuple de Dieu bat, pourrait-on dire, de manière plus vive : lieux d'une rencontre spéciale entre Dieu et les êtres humains ; lieux où le Christ réside d'une manière spéciale parmi nous. Si ces lieux sont si souvent consacrés à sa Mère, cela nous révèle de la manière la plus complète la nature de son Église. Et ce fait est pour nous plus évident que jamais depuis le concile Vatican II qui a conclu sa constitution sur l'Église par le chapitre sur « La bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, dans le mystère du Christ et de l'Église » ; oui, plus évident pour nous tous, pour tous les chrétiens. Ne proclamons-nous pas avec tous nos frères, y compris ceux avec qui nous ne sommes pas encore en pleine unité, que nous sommes un peuple pèlerin ? De même que jadis, ce peuple a accompli ce pèlerinage sous la direction de Moïse, nous aussi, le peuple de Dieu de la Nouvelle Alliance, nous marchons en pèlerins sous la conduite du Christ.

 

Je me trouve ici en pèlerin, un signe de l'Église pèlerine à travers le monde qui, du fait de ma présence ici comme successeur de Pierre, participe de manière toute spéciale à la célébration du centenaire de ce sanctuaire.

 

La liturgie de la parole de la messe de ce jour m'offre le moyen d'adresser à Marie mon salut de pèlerin au moment où je me présente devant elle dans le sanctuaire mariai irlandais à Cnoc Mhuire, la colline de Marie.

 

2. « Tu es bénie entre les femmes, et béni le fruit de ton sein » (Lc 1, 42). C'est par ces mots qu'Elisabeth « remplie du Saint-Esprit» accueillit Marie, sa parente venue de Nazareth.

 

« Tu es bénie entre les femmes, et béni le fruit de ton sein ». C'est également le salut que j'adresse ici, en son sanctuaire de Knock à Muire Mâthair De, à Marie la Mère de Dieu, Reine d'Irlande. Je veux exprimer ainsi l'immense joie et la vive gratitude qui, aujourd'hui, à cette place, m'emplissent le cœur. Je n'aurais pu désirer autre chose. Les moments suprêmes de mes récents voyages pastoraux furent mes visites aux sanctuaires de Marie ; à la Vierge de Guadalupe au Mexique, à la Vierge Noire de Jasna Gôra dans mon pays et il y a trois semaines, à Notre-Dame de Lorette, en Italie. Aujourd'hui, je viens ici parce que je veux que vous sachiez tous que ma dévotion à Marie m'attache de manière toute particulière au peuple d'Irlande.

 

3. Vous avez une longue tradition spirituelle de dévotion, à la Vierge. Marie peut dire, à juste titre du peuple irlandais ce que nous venons d'entendre dans la première lecture : « Je me suis enracinée dans le peuple glorifié » (Si 24, 12). Votre vénération envers Marie est si étroitement liée à votre foi que ses origines se perdent dans les premiers siècles de l'évangélisation de votre pays. On m'a dit que dans la langue irlandaise les noms de Dieu, de Jésus et de Marie sont liés l'un à l'autre et que dans la prière ou la bénédiction il est rare que le nom de Dieu soit cité sans le nom de Marie. Je sais également que dans un poème irlandais du VIIIe siècle, Marie est appelée « Soleil de notre race » et qu'une litanie de la même époque l'honore comme « Mère de l'Église céleste et terrestre ». Mais mieux que toute source littéraire, c'est la dévotion envers Marie, constante et profondément enracinée qui rend témoignage du succès de l'évangélisation de Saint-Patrick qui vous a apporté la foi catholique dans toute sa plénitude.

 

Il est donc normal — et ceci je le constate avec grande joie— que le peuple irlandais maintienne cette dévotion traditionnelle à l'égard de la mère de Dieu dans les familles et les paroisses et, de manière particulière en ce sanctuaire de Cnoc Mhuire. Durant tout un siècle, vous avez sanctifié ce lieu de pèlerinage par vos prières, vos sacrifices, votre pénitence. Tous ceux qui sont venus ici ont obtenu des grâces par l'intercession de Marie. Depuis ce jour béni du 21 août 1879 jusqu'à ce jour, les malades et les souffrants, les handicapés physiques ou mentaux, et tous ceux qui étaient troublés dans leur foi ou dans leur conscience, tous ont été apaisés, réconfortés et confirmés dans leur foi parce qu'ils ont eu confiance que la Mère de Dieu les conduirait à son Fils Jésus. Chaque fois qu'un pèlerin vient en ce lieu qui n'était autrefois qu'un modeste village dans une région marécageuse dans le county Mayo, chaque fois qu'un homme, une femme ou un enfant monte vers la vieille église de l'Apparition ou le nouveau sanctuaire de Marie Reine d'Irlande, c'est pour renouveler sa foi, dans le salut qui nous vient par Jésus ; Jésus qui a fait de nous tous les fils de Dieu, héritiers du royaume des cieux. En vous confiant à Marie, vous recevez le Christ. En Marie, « le Verbe s'est fait chair », en elle le Fils de Dieu s'est fait homme afin que nous puissions tous comprendre combien grande est notre dignité humaine. Nous trouvant en ce lieu consacré, nous levons les yeux vers là Mère de Dieu et disons : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et béni le fruit de ton sein ».

 

Le temps présent est un montent important dans l'histoire de l'Église universelle et en particulier, de l'Église d'Irlande. Tant de choses ont changé. Tant de nouveaux et précieux aspects ont été relevés dans ce que signifie le fait d'être chrétiens. Tant de nouveaux problèmes doivent être affrontés par les fidèles à cause du rythme accéléré des transformations dans la société et à cause des nouvelles requêtes faites au sujet du peuple de Dieu — requêtes de vivre dans toute sa plénitude la mission d'évangélisation. Le concile Vatican II et le Synode des évêques ont apporté un renouveau de vitalité pastorale dans toute l'Église. Mon vénéré prédécesseur Paul VI a élaboré de sages directives pour le renouvellement et donné à tout le peuple de Dieu inspiration et enthousiasme pour l'aider dans cette tâche. Par tout ce qu'il a dit et fait, Paul VI a enseigné à l'Église à être ouverte à tous les besoins de l'humanité et, en même temps, à rester fidèle, sans faiblesse, à l'inaltérable message du Christ. Fidèle à l'enseignement du Collège des évêques en union avec le pape, l'Église d'Irlande a accepté avec reconnaissance les richesses du concile et des synodes. Les catholiques irlandais ont adhéré loyalement, parfois malgré les pressions contraires, aux riches expressions de ta foi, aux ferventes pratiques sacramentelles et aux engagements charitables qui ont toujours caractérisé votre Église. Mais la tâche du renouvellement dans le Christ n'est jamais terminée. Avec sa propre mentalité et ses caractéristiques, chaque génération est comme un nouveau Christ. L'Église doit sans cesse envisager de nouveaux moyens qui permettent de la comprendre plus profondément et d'accomplir avec un surcroît de vigueur la mission que son Fondateur lui a confiée. Dans cette tâche ardue, comme chaque fois — et si souvent — que l'Église s'est trouvée aux prises avec de nouveaux défis, nous nous tournons vers Marie, Mère de Dieu et Siège de la Sagesse, assurés qu'elle nous indiquera la voie qui mène à son Fils. Une très ancienne homélie irlandaise pour la fête de l'Epiphanie (dans le Lcabhar Breac) disait que de la même manière que les Mages ont trouvé Jésus dans les bras de sa Mère, nous, aujourd'hui, nous trouvons le Christ dans les bras de l'Église.

 

4. Marie fut vraiment unie à Jésus. Les Évangiles ne nous ont pas conservé beaucoup de ses paroles ; mais celles qui nous sont rappelées nous ramènent toujours à son Fils et aux paroles de son Fils. A Cana, en Galilée, elle se tourna de son Fils vers les serviteurs et leur dit : « Tout ce qu'il vous dira, faites-le » (Jn 2, 5). C'est ce même message qu'elle nous adresse à nous, aujourd'hui.

 

5. « Tout ce qu'il vous dira, faites-le ». Ce que Jésus nous dit — par sa vie et par sa parole — a été conservé pour nous dans les Évangiles et dans les épîtres des Apôtres et de saint Paul, et nous a été transmis par l'Église. Nous devons nous familiariser avec ces paroles et nous le ferons en écoutant les lectures de la Sainte Écriture durant la liturgie de la parole qui nous introduit au Sacrifice eucharistique ; en lisant nous-mêmes l'Écriture Sainte : en famille ou avec des amis, en réfléchissant sur ce que le Seigneur nous dit quand nous récitons le Rosaire et que nous unissons avec dévotion envers la Mère de Dieu avec la prière méditée des mystères de la vie de son Fils. Chaque fois que nous avons des problèmes, que nous ployons sous le fardeau, que nous sommes contraints de faire un choix imposé par la foi, la parole du Seigneur nous réconfortera et nous guidera.

 

Jésus n'a pas abandonné ses disciples sans guide dans leur tâche de comprendre et de vivre l'Évangile. Avant de retourner chez le Père, il promit d'envoyer son Esprit à l'Église : « Mais le Paraclet, l’Esprit-Saint que le Père enverra en mon nom vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit » (Jn 14, 26).

 

Ce même Esprit a guidé les successeurs des Apôtres, vos évêques, en union avec l'évêque de Rome auquel fut confiée la tâche de préserver la foi et de « prêcher l'Évangile à toute la création » (Mc 16, 15). Écoutez leur voix, parce qu'ils vous apportent la Parole du Seigneur.

 

6. « Tout ce qu'il vous dira, faites-le ». Tant de voix différentes assaillent ce monde d'aujourd'hui, » merveilleux, mais si compliqué et exigeant. On entend tant de fausses Voix en conflit avec la parole de Notre-Seigneur ! Il y a des voix qui vous disent que la! vérité est moins importante que le gain personnel ; que le bien-être, la santé et le plaisir sont les vrais points de miré de la Vie ; que le refus d'une vie nouvelle vaut mieux que la générosité d'esprit et là prisé de responsabilité en l'accueillant ; que la justice doit être réalisée, mais sans l’engagement personnel des Chrétiens ; que la violence peut être le moyen d'obtenir une bonne fin ; que l'unité peut être obtenue sans avoir besoin de supprimer la haine.

 

Et maintenant, revenons en pensée de Cana en Galilée au sanctuaire de Knock. N'entendons-nous pas la Mère du Christ, nous le montrant du doigt, nous dire comme à Cana : « Tout ce qu'il vous dira, faites-le » ? Elle est en train de nous le dire à tous. Sa voix est entendue plus directement par mes frères dans l'Episcopat, les pasteurs de l'Église d'Irlande qui, en m'invitant ici, m'ont demandé de répondre à une invitation venant de la Mère de l'Église. Et ainsi, vénérables frères, j'y réponds, tandis que ma pensée se tourne vers le passé de votre pays et que je sens également la force de son éloquent présent, si plein de joie et pourtant, en même temps si préoccupant et parfois si douloureux. Je réponds comme je l'ai fait à Guadalupe au Mexique et à Jasna Gôra en Pologne. En mon nom et au vôtre, et au nom de tout le peuple catholique d'Irlande, je prononce en conclusion dé cette homélie, les paroles suivantes de confiance et de consécration :

 

Mère, dans ton sanctuaire tu réunis le peuple de Dieu d'Irlande, et sans cesse tu lui montres le Christ daris l'Eucharistie et dans l'Église. En ce moment solennel nous écoutons avec une toute particulière attention tes paroles : « Tout ce que vous dira mon Fils, faites-le ». Et nous voulons répondre de tout notre cœur à tes paroles. Nous voulons faire ce que ton Fils nous dit, ce qu'il nous ordonne, car il a les paroles de vie éternelle. Nous voulons mettre à exécution et accomplir tout ce qui vient de lui et tout ce qui est contenu dans la Bonne Nouvelle, comme nos devanciers l'ont fait pendant de nombreux siècles. Leur fidélité au Christ et à son Église, et leur attachement héroïque au siège apostolique, nous ont marqué d'un signe indélébile que chacun de nous porte en soi. Leur fidélité a, tout au long des siècles, produit des fruits d'héroïsme chrétien et de vertueuses traditions d'existence conforme au plus saint commandement de l'Évangile, celui de l'amour. Nous avons reçu ce merveilleux héritage de leurs mains, à l'aube d'une époque nouvelle car nous, sommes tout près de la fin du deuxième millénaire écoulé depuis le moment où le Fils de Dieu fut engendré par toi, notre Alma Mater, et nous entendons transmettre cet héritage au futur, démontrant cette même fidélité avec laquelle nos ancêtres lui rendirent témoignage.

 

C'est pourquoi, aujourd'hui, à l'occasion de la première visite d'un pape en Irlande,: nous te confions et te consacrons ; à Toi Mère du Christ et Mère de l'Église, nos cœurs, nos consciences, nos travaux afin qu'ils puissent rester à l'unisson avec la foi que nous professons. Nous te confions et nous te consacrons tous ceux qui composent la communauté du peuple irlandais et la communauté du peuple de Dieu qui vit dans ce pays.

 

Nous te confions et te consacrons les évêques d'Irlande, le clergé, les religieux et les religieuses, les moines et les sœurs contemplatives, les séminaristes, les novices. Nous te confions et te consacrons les pères et mères, les jeunes, les enfants. Nous te confions et te consacrons les enseignants, les catéchistes, les étudiants, les écrivains, les poètes, les auteurs, les artistes, les travailleurs et leurs chefs, les employés et leurs dirigeants, les classes libérales, les gens engagés dans la politique, dans la vie publique, ceux qui forment l'opinion publique. Nous te confions et te consacrons les époux et ceux qui se préparent au mariage, ceux qui sont appelés à te servir toi et le prochain dans le célibat, les malades, les vieillards, les malades mentaux, les handicapés et tous ceux qui les assistent et en prennent soin. Nous te confions et te consacrons les prisonniers et tous ceux qui sont rejetés, les exilés, tous ceux qui ont la nostalgie de leur foyer et tous ceux qui se sentent seuls.

 

Nous confions à tes soins maternels la terre d'Irlande où tu as été et tu es toujours tant aimée. Aide cette terre à demeurer toujours sincèrement avec toi et avec ton Fils. Que la prospérité n'entraîne jamais les hommes et les femmes de ce pays à oublier Dieu et à abandonner leur foi ! Maintiens-les, dans la prospérité, fidèles à la foi qu'ils n'auraient jamais abandonnée dans la pauvreté ou la persécution. Tiens-les bien loin de la cupidité, de l'envie, de la quête d'intérêts égoïstes ou d'intérêts de classe. Aide-les à travailler ensemble, mus par un idéal chrétien et en vue d'un but chrétien commun, c'est-à-dire pour édifier une société juste, pacifique et fondée sur l'amour ; une société qui ne se détourne pas des pauvres et respecte les droits de tous et notamment ceux des plus faibles. Reine d'Irlande, Marie Mère de l'Église céleste et terrestre, Màthair Dé, maintiens l'Irlande fidèle à ses traditions spirituelles et à son héritage chrétien. Aide-la à répondre à sa mission historique de porter la lumière du Christ aux nations et de faire ainsi de la gloire de Dieu l'honneur de l'Irlande.

 

Mère, pouvons-nous rester silencieux devant ce qui nous semble le plus pénible, qui bien souvent nous plonge dans le découragement ? Tout particulièrement nous te confions cette grande blessure qui affecte aujourd'hui notre population, espérant que tes mains seront capables de la soigner et de la guérir. Grand est l'intérêt que nous portons à ces jeunes âmes impliquées dans de sanglants actes de vengeance et de haine. Mère, n'abandonne pas ces jeunes cœurs. Mère, reste près d'eux, lorsque dans leurs heures les plus affreuses, nous ne pouvons ni les conseiller ni les assister. Mère, protège chacun de nous et spécialement la jeunesse irlandaise pour qu'elle ne succombe pas à l'hostilité et à la haine. Apprends-nous à distinguer clairement entre ce qui procède de l'amour pour notre pays et ce qui porte l'empreinte de la destruction et la marque de Caïn. Fais-nous comprendre que les mauvais moyens ne conduisent jamais à une bonne fin, que toute vie humaine est sacrée, qu'un assassinat est toujours un assassinat, peu en importe le motif ou l'objectif. Sauve les autres, ceux qui assistent à ces terribles événements, sauve-les du danger de mener une vie dépourvue d'idéaux chrétiens ou en conflit avec les principes moraux.

 

Puissent nos oreilles entendre clairement ta voix mélodieuse nous dire : « Tout ce que vous dira mon Fils, faites-le ». Rends-nous capables de persévérer avec le Christ. Rends-nous capables, Mère de l'Église, d'édifier son Corps mystique en vivant cette vie que lui seul peut nous accorder et qui nous vient de sa plénitude qui est à la fois divine et humaine.

 

 

 

30 septembre 1979

AUX MALADES ET HANDICAPES

 

Chers frères et sœurs,

 

Les Évangiles sont remplis d'exemples où Nôtre-Seigneur montre son amour particulier et son intérêt pour les malades et pour ceux qui souffrent Jésus a aimé ceux qui souffrent et cette attitude s'est transmise à son Église, Aimer les malades est quelque chose que l'Eglise a appris du Christ.

 

Aujourd'hui je suis heureux d'être avec tes malades et les handicapés. Je suis venu témoigner de l'amour du Christ pour vous et pour vous dire que l'Église et le pape vous aiment également — vous respectent et vous estiment dans la conviction qu'il y a pour vous une mission très spéciale dans l'Église.

 

Par ses souffrances et par sa mort, Jésus a pris sur lui toute la souffrance humaine et il lui a donné une nouvelle valeur. De fait, il appelle les malades, tous ceux qui souffrent, à collaborer avec lui pour le salut du monde.

 

C'est pour cela que l'on ne ressent pas seul cette souffrance et cette tristesse, et qu'elles ne sont pas vaines. Bien qu'il reste difficile de comprendre la souffrance, Jésus a dit clairement que sa valeur est liée à sa propre souffrance et à sa propre mort, à son propre sacrifice. En d'autres termes, par votre souffrance vous aidez Jésus dans son œuvre de salut. Cette grande vérité est difficile à exprimer explicitement, mais saint Paul en parle ainsi : «... dans ma chair, je complète ce qui manque aux souffrances du Christ pour le bien de son corps qui est l'Église » (Col 1, 24).

 

Votre appel à la souffrance requiert une foi forte et de la patience. Oui, cela veut dire que vous êtes appelés à l'aimer avec une intensité particulière. Mais rappelez-vous que notre sainte Mère Marie est proche de vous, exactement comme elle était proche de Jésus au pied de la croix. Et elle ne vous laissera jamais seuls.

 

 

 

30 septembre 1979

AUX DIRECTEURS DE PELERINAGE

 

Chers frères et sœurs dans le Seigneur,

 

Comme pasteur, je ressens dans mon cœur une joie spéciale en vous adressant ces quelques mots ainsi qu'au personnel masculin et féminin de la société du sanctuaire de Knock et aux directeurs des pèlerinages de Cnoc Mhuire, la montagne de Marie.

 

La célébration eucharistique de cet après-midi me rappelle les bons souvenirs ; des nombreux pèlerinages auxquels j'ai pris part dans mon pays au sanctuaire de Jasna Gôra, le Mont-Clair, à Czestochowa, et dans d'autres lieux de Pologne ; ce pèlerinage rappelle également ma visite du sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe au Mexique.

 

Je connais par expérience directe la valeur des services que vous assurez pour faire que chaque pèlerin se sente chez lui dans le sanctuaire, et pour aider tous les pèlerins à faire de chaque visite une amoureuse et priante rencontre avec Marie, la mère de la divine Grâce. D'une façon spéciale vous êtes les serviteurs de la Mère de Jésus. Vous aidez les pèlerins à s'approcher d'elle, à recevoir son message d'amour et de dévouement et à lui confier toute leur vie et à faire qu'ils deviennent de véritables témoins de l'amour de son Fils.

 

Vous êtes aussi les serviteurs de vos frères et sœurs. En aidant et en guidant les nombreux pèlerins et en particulier les malades et les handicapés, vous accomplissez non seulement une œuvre de charité mais aussi une tâche d'évangélisation. Que cette vue soit pour vous une inspiration et une force de façon à ce que les tâches que vous acceptez si généreusement d'accomplir deviennent un vivant témoignage à la parole de Dieu-et aux œuvres de salut.

 

Je prie pour vous, je vous remercie, et j'invoque sur vous d'abondantes grâces, de bonté et de sainteté de vie. Recevez la bénédiction que j'adresse de tout cœur à vous-mêmes et à ceux qui vous sont chers.

 

 

 

30 septembre 1979

A DUBLIN : A LA CONFERENCE EPISCOPALE D'IRLANDE

 

Mes chers! frères,

 

1. Une fois de plus, je veux que vous sachiez à quel, point je vous suis reconnaissant de m'avoir invité à venir en Irlande. Cette visite est la réalisation d'un, profond désir de mon cœur : venir comme serviteur de l'Évangile et comme pèlerin au sanctuaire de Notre-Dame de Knock, à l'occasion de son centenaire.

 

Je viens aussi comme votre frère-évêque de Rome et j'ai attendu ce jour avec grande impatience : afin que, nous puissions célébrer ensemble l'unité de l'épiscopat de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ,, afin que nous puissions exprimer publiquement une dimension de notre collégialité épiscopale et réfléchir en commun sur le rôle de l'autorité pastorale dans l'Église, spécialement sur notre commune responsabilité face au bien-être du peuple de Dieu en Irlande.

 

Nous sommes profondément conscients de la charge particulière qui nous incombe comme évoques. Car « en vertu de la consécration sacramentelle et par la communion hiérarchique » (Lumen Gentium, 22), nous sommes constitués membres du Collège chargé de la mission pastorale de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ.

 

2. La collégialité épiscopale à laquelle nous participons se manifeste de diverses manières. Aujourd'hui, elle s'exprime en un mode des plus importants : le successeur de Pierre est présent parmi vous, afin de vous confirmer lui-même dans votre foi et dans votre ministère apostolique, et, avec vous, pour exercer, ce ministère pastoral auprès des fidèles d'Irlande. Ainsi mon pèlerinage en tant que pasteur de l'Église universelle se vit-il dans sa dimension profonde de communion ecclésiale et hiérarchique. Sous l'action du Saint-Esprit, l'enseignement sur la collégialité trouve donc expression et actualisation, maintenant.

 

Dans mon premier discours au collège des cardinaux et au monde après mon élection au siège de Pierre, j'invitais à « une réflexion plus profonde sur les implications du lien collégial » (17 oct. 1978). Je suis persuadé que ma rencontre avec la conférence épiscopale, aujourd'hui, suscite une meilleure compréhension de la nature de l'Église vue comme peuple de Dieu qui « tire ses citoyens de toutes les nations pour les faire citoyens d'un royaume dont le caractère n'est pas terrestre, mais bien céleste » (Lumen Gentium, 13).

 

3. Dans notre présente rencontre, nous vivons l'expérience du peuple de Dieu en Irlande d'abord dans sa dimension « verticale » remontant, à travers toutes les générations, à ce qu'il fut dès les origines mêmes de la chrétienté d'ici. En même temps, nous n'oublions pas la dimension « horizontale », réalisant jusqu'où le peuple de Dieu en Irlande est relié à tous les peuples de la terre dans l'unité et dans l’universalité de l'Église, à quel point il participe au mystère de l'Église universelle et de sa grande mission salvifique. En outre, les évêques de l'Irlande contribuent pour leur propre part à cette dimension de la vie de toute l'Église puisqu'ils partagent les tâches du collège des évêques : cum Petro et sub Petro. Aussi cette rencontre du pape et des évêques d'Irlande est-elle des plus importantes et merveilleusement éloquente pour l'Irlande et pour l'Église universelle.

 

4. Le fondement de notre identité personnelle, de notre bien commun et de notre ministère repose en Jésus-Christ, Fils de Dieu et Grand Prêtre du Nouveau Testament. C'est pourquoi, mes frères, en venant parmi vous aujourd'hui ma première exhortation est celle-ci : « Gardons les yeux fixés sur Jésus qui inspire, et parfait notre foi » (Hb. 12, 2). Pasteurs de ce troupeau, nous devons, en vérité, regarder vers celui qui est le Chef des pasteurs — princeps pastorum (1 P 5, 4) venu pour nous éclairer, pour nous soutenir, pour nous donner la joie dans le service du troupeau que nous conduisons « dans les sentiers de la justice pour l'amour de son Nom » (Ps 23, 3).

 

Mais l'efficacité de notre, service en Irlande et dans toute l'Église dépend de notre relation personnelle à Celui que saint Pierre appelait aussi « le pasteur et le gardien de vos âmes » (1 P 2, 25). Le fondement assuré de notre autorité pastorale réside donc dans, cette relation personnelle de foi et d'amour à Jésus-Christ, notre Seigneur. A l'instar des Douze, nous avons aussi été institués pour être, avec lui, pour être ses compagnons (cf. Mc 3, 14). Nous ne pouvons nous présenter comme les chefs religieux de notre peuple dans les situations qui affectent profondément leur vie quotidienne qu'après avoir été en communion de prière avec le Maître, qu'après avoir découvert dans la foi que Dieu a fait le Christ pour qu'il soit notre « sagesse, notre justice, et sanctification et rédemption » (1 Co. 1,  30). Dans nos vies personnelles, nous sommes appelés à écouter, conserver et accomplir la parole de Dieu. Dans les Saintes Écritures, et spécialement dans les Évangiles, nous rencontrons constamment le Christ ; et par l'action du Saint-Esprit, ses paroles deviennent lumière et force pour nous et pour notre peuple. Ses paroles ont en elles-mêmes un pouvoir de conversion, et nous apprenons à son exemple.

 

Par ce contact priant avec le Jésus de l'Évangile, nous, ses serviteurs et apôtres, nous nous imprégnons toujours davantage de sa sérénité et nous adoptons ses attitudes. Par-dessus tout, nous adoptons son attitude fondamentale d'amour pour son Père, si bien que chacun de nous ; trouve joie profonde et accomplissement dans la vérité de s,a relation filiale : Diligo Patrem (Jn 14, 31) - Pater diligit Filium (Jn 3, 35). Notre relation au Christ et dans le Christ trouve son expression, suprême et unique dans le Sacrifice eucharistique dans lequel nous agissons pleinement: in persona Christi.

 

Notre relation personnelle à Jésus constitue donc un gage d'espérance pour nous et pour notre ministère. Dans notre foi, nous trouvons la victoire qui transforme le monde. Parce que nous sommes unis à Jésus et soutenus par lui, il n'existe pas de défi que nous ne puissions relever, pas de difficulté que nous ne puissions affronter, pas d'obstacle que nous ne puissions surmonter pour l'Évangile. En vérité, le Christ lui-même assure que « celui qui croit en moi fera lui aussi les œuvres que je fais ; et il en fera de plus grandes... » (Jn 14, 12), Oui, mes frères, la réponse à tant de problèmes ne se trouve que dans notre foi — une foi manifestée et soutenue dans la prière. (...)

 

5. Notre relation à Jésus sera le fondement vital de notre relation avec nos prêtres dont nous souhaitons être à la fois frère, père, ami et guide. Dans la charité du Christ, nous sommes appelés à les écouter et à les comprendre ; à échanger nos vues sur l’évangélisation et la mission pastorale qu'ils partagent avec nous en tant que coopérateurs avec l'ordre des évêques. Pour l'Église entière, mais pour les prêtres particulièrement, il nous faut être le signe humain de l'amour du Christ et de la fidélité de l'Église. Ainsi, nous soutenons nos prêtres par le message évangélique, les sécurisant par l'autorité du magistère et les fortifiant contre les pressions auxquelles ils doivent résister. Par la parole et par l'exemple, nous devons constamment convier nos prêtres à la prière.

 

Nous sommes appelés à témoigner généreusement à nos prêtres ce souci de l'humain, cet intérêt pour la personne et cette estime sincère qui leur révéleront vite notre amour. En dépit de la multiplicité de nos engagements, nos prêtres doivent retrouver en nous la reproduction fidèle du « pasteur et du gardien de leurs âmes » (cf. 1 P 2,25).

 

Nos prêtres ont fait plusieurs sacrifices y compris la renonciation au mariage pour l'amour du Royaume : ils doivent être fermement encouragés à y persévérer. La fidélité au Christ, les exigences de la dignité humaine et la liberté elle-même exigent d'eux la persévérance dans leurs engagements.

 

La sollicitude pastorale envers nos prêtres doit aussi s'étendre à nos séminaristes. Exerçons personnellement notre responsabilité tant à l'égard de leur formation à la Parole de Dieu qu'à celui de l'éducation qu'ils reçoivent en Irlande et ailleurs, y compris à Rome. Dans ma lettre du Jeudi saint aux évêques de l'Église, j'écrivais : « La réorganisation complète de la vie des séminaires à travers l'Église sera la meilleure preuve de l'achèvement du Renouveau dans lequel le Conci1 le a engagé l'Église ».

 

6. Comme le Christ, l'évêque est pour les laïcs, celui qui sert. Les laïcs constituent la vaste majorité du troupeau de Jésus-Christ. Par le baptême et par la confirmation, le Christ lui-même leur donne part à sa mission salvifique. Conjointement avec le clergé et les religieux, les laïcs constituent l'unique communion de l'Eglise : « une race choisie, un sacerdoce royal, une nation sainte, le peuple même de Dieu » (1 P  2, 9).

 

La principale expression du service que l'évêque doit rendre aux laïcs est sa proclamation personnelle de la Parole de Dieu qui atteint son sommet dans l'Eucharistie (cf. Presbyterorum ordinis, 5). A titre d'intendant fidèle du message de l'Évangile, chaque évêque est appelé à annoncer à son peuple « le mystère intégral du Christ » (Christus dominus, 12).

 

Tandis qu'il proclame la dignité des laïcs, c'est aussi le rôle de l'évêque de s'employer à promouvoir leur collaboration à l'évangélisation, en les exhortant à assumer toutes les responsabilités qui leur incombent dans l'ordre des réalités temporelles. Selon les termes de Paul VI : « Le champ propre de leur activité évangélisatrice est le monde vaste et complexe du politique, du social et de l'économique, le monde de la culture, des sciences et des arts, de la vie internationale, des mass média » (Evangelii nuntiandi, 70). Et il reste d'autres sphères d'activités dans lesquelles ils peuvent efficacement travailler à la transformation de la société.

 

Conformément à fa volonté de Dieu, la famille chrétienne est un agent d'évangélisation de haute importance. Dans toutes les situations morales d'une vie chrétienne authentique les laïcs considèrent leurs évoques comme chefs, pasteurs et pères. Les évêques se doivent de répondre constamment au grand cri souvent inarticulé mais non moins réel de l'humanité : « Nous voulons voir Jésus » (Jn 12, 21). Les évêques ont en cela un rôle très important : montrer Jésus au monde ; le présenter de façon authentique et convaincante ; Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme — Jésus-Christ, le chemin, la vérité et la vie — Jésus-Christ, l'homme de prière.

 

7. Les évêques sont appelés à être, pour leurs fidèles, « de vrais pères qui s'imposent par leur esprit d'amour et de dévouement envers tous » (Christus Dominus, 16). Aussi témoigneront-ils une attention spéciale à ceux qui vivent en marge de la société. Les prisonniers sont parmi ceux qui ont le plus besoin de la sollicitude pastorale des évêques. Mes chers frères, ne négligez pas de pourvoir à leurs besoins spirituels, ni de vous intéresser à leurs conditions matérielles et à leurs familles.

 

Essayez d'apporter aux prisonniers la sollicitude et l'assistance spirituelle qui sauront les détourner des chemins de la violence et du crime pour faire de leur détention une occasion de sincère conversion au Christ et une expérience personnelle d'amour. Ayez un soin particulier des jeunes délinquants. Leurs vies désordonnées résultent bien plus souvent de la négligence de la société que de leurs propres fautes. Que pour eux tout spécialement, le centre de détention devienne école de réhabilitation.

 

8. Dans la lumière de notre engagement à Jésus et à son Évangile, dans la lumière aussi de notre responsabilité collégiale, notre réunion, ici, aujourd'hui, prend une dimension spéciale en raison des difficultés actuelles de l'Irlande, de toute cette situation relative à l'Irlande, du Nord. Ces circonstances ont poussé des personnes à me dissuader d'un pèlerinage en Irlande. Mais ce sont ces difficultés mêmes qui me pressaient d'être ici pour partager avec vous ces épreuves inouïes et, en union avec vous, pour implorer l'aide de Dieu et tâcher de trouver des solutions humaines. Ces raisons de venir ici sont encore plus éloquentes dans le cadre de ma visite aux Nations Unies, où ce sera mon privilège et mon devoir de proposer des moyens de vivre en paix et réconciliation dans le monde entier.

 

Je suis persuadé que les pasteurs de l'Église en Irlande perçoivent mieux et ressentent plus vivement les douloureux problèmes de l’heure. Leur devoir, comme je viens de te souligner, est de guider et de soutenir le troupeau, le peuple de Dieu, mais ils ne peuvent s'acquitter de ce devoir qu'en souffrant avec ceux qui souffrent, et en pleurant avec ceux qui pleurent (cf. Rm 12, 15).

 

Je fonde en cela ma conviction sur l'Évangile et sur l'expérience personnelle et historique que j'ai vécue dans l'Église et la nation dont je suis issu. Au cours des deux derniers siècles, l'Église en Pologne s'est extraordinairement enracinée dans l'âme de la nation. La raison vient en partie de ce que ses pasteurs — ses évêques et ses prêtres — n'ont pas hésité à partager les difficultés et les souffrances de leurs compatriotes. Il s'en trouva parmi les déportés en Sibérie au temps des tsars. Il s'en trouva dans les camps de concentration aux pires moments du terrorisme nazi, pendant la dernière guerre. Leur abnégation et leur don de soi démontrèrent la véritable identité du prêtre : « Choisi parmi les hommes... pour agir au nom des hommes » (Hb 5, 1).

 

9. En raison de cette fidélité à leurs frères et sœurs, à leurs compatriotes, fils et filles d'une même patrie, les pasteurs et notamment les évêques, doivent aller de l'avant dans la recherche des moyens de prévenir l'effusion de sang, la haine et la terreur, de renforcer la paix et d'épargner au peuple des souffrances aussi terribles. C'était le message que Paul VI répéta plus de trente fois, en intercédant pour la paix et la justice en faveur de l'Irlande. Jamais il ne cessa de condamner la violence et d'invoquer la justice. « Nous vous supplions instamment », écrivait-il au cardinal Conway en la fête de Pentecôte 1974, « pour que cesse toute violence, de quelque côté qu'elle vienne, car elle est contraire à la loi de Dieu et à toute façon de vivre chrétienne et civilisée ; en réponse à la simple conscience chrétienne et à la voix de la raison, qu'un climat de confiance mutuelle et de dialogue soit rétabli, en justice et en charité ; que les causes réelles profondes de l'agitation sociale — lesquelles né se réduisent pas à des différences de nature religieuse — soient identifiées et éliminées ».

 

Ces efforts, vénérables et chers frères, doivent se poursuivre. La foi et l'éthique sociale exigent que nous respections les autorités établies de l'État. Mais ce respect peut tout aussi bien s'exprimer par des actes individuels de médiation, par la persuasion, l'influence morale et, disons-le, par des requêtes fermes. Car s'il est vrai, selon: saint Paul, que celui qui détient l'autorité porte le glaive (cf. Rm 13, 4), ce à quoi nous renonçons par fidélité à la recommandation précise du Christ à Pierre au Jardin de Gethsémani (cf. Mt 26, 52), c'est précisément parce que nous sommes sans défense que nous avons le droit et le devoir stricts d'influencer ceux qui manient le glaive de l'autorité. Il est notoire, en effet, que dans le champ de l'action politique comme ailleurs, tout ne puisse s'obtenir par le glaive. Les hommes sont mus par des raisons et des lois plus fortes. C'est à nous de discerner ces raisons et, à leur lumière, d'être, devant ceux qui détiennent l'autorité, les porte-parole de l'ordre moral. Cet ordre transcende la force et la violence. Toute la dignité de l'homme et des nations s'exprime par cette transcendance de l'ordre moral.

 

10. J'évoque avec une vive satisfaction un des faits très significatifs de la série des événements rattachés à mon voyage en Irlande. Il est très significatif en effet que l'invitation de l'Épiscopat, par, l'intermédiaire de ses quatre archevêques, ait été suivie d'invitations venant des autres Églises et notamment des anglicans irlandais. Je saisis, l'occasion de le souligner une fois encore et de leur réitérer mes remerciements et mon estime. Je considère ce fait comme un signe d'espoir riche de promesses. Pour des raisons qui vous sont connues, je n'ai pu accepter cette invitation éminemment œcuménique à visiter Armagh, en Irlande du Nord, n'ayant pu aller au-delà de Drogheda. L'éloquence de cet empressement œcuménique ne correspond pas moins, absolument à ce que j'exprimais dans ma première encyclique : « Dans la présente situation historique de la chrétienté et du monde, il n'apparaît pas d'autre possibilité d'accomplir la mission universelle de l'Église en ce qui concerne les problèmes œcuméniques que celle de chercher loyalement avec persévérance, humilité et aussi courage, les voies du rapprochement et de l'union... Nous devons donc rechercher l'union sans nous décourager devant les difficultés qui peuvent se présenter ou s'accumuler le long de ce chemin ; autrement, nous ne serions pas fidèles à la parole du Christ, nous ne réaliserions pas son testament. Est-il permis de courir ce risque ? » (Redemptor hominis, 6).

 

Le témoignage de la foi au Christ que nous partageons avec nos, frères doit continuer à s'exprimer non seulement par des prières et des efforts soutenus en faveur de la paix et de la réconciliation, dans ce pays bien-aimé. Ces efforts concertés doivent nous amener à considérer tout le mécanisme de lutte, de cruauté, de haine croissante, afin de « dominer le mal par le bien » (Rm 12, 12).

 

Que devons-nous faire ? J'espère fermement que, dans un effort soutenu, vous et vos frères dans la foi deviendrez les hérauts des justes raisons de la paix et de la réconciliation en présence de ceux qui manient le glaive et de ceux qui périssent par le glaive. Comme il est triste de songer à toutes ces vies perdues, particulièrement des vies de jeunes gens !

 

Quelle terrible perte pour;leur pays, pour l'Église et pour toute l'humanité !

 

11. Vénérables pasteurs de l'Église en Irlande : le service de justice, et d'amour social qu'il vous revient d'assumer, en ce moment, est difficile. Il est difficile, mais c'est votre devoir ! Ne craignez pas : le Christ est avec vous ! Il vous donne son Esprit-Saint : l'Esprit de conseil et de force. Et même si dans le cœur de l'homme et dans l'histoire de l'humanité, à cause de « l'esprit du monde » et de « l'esprit des ténèbres », cet Esprit de Dieu rencontre souvent de la résistance, il n'en reste pas moins que la victoire finale ne peut être que celle de l'amour et de la vérité. Demeurez inébranlables dans le service qui vous incombe, faisant tout « au nom du Seigneur Jésus » (Col 3, 17). Soyez persuadés que dans votre ministère, vous avez mon appui et celui de l'Église universelle. Et tous les hommes et femmes de bonne volonté vous seconderont dans cette recherché de la paix, de la justice et de la dignité humaine !

 

Chers frères, au nom de Jésus-Christ et de son Église, je vous remercie — et en vous toute l'Irlande. Je vous remercie de votre fidélité à l'Évangile, de votre inlassable contribution à la diffusion de la foi catholique, de votre authentique et irremplaçable service au monde.

 

Quant à l'avenir, frères, courage et confiance !

 

Marchez dans la lumière du mystère pascal — dans cette lumière qui ne doit jamais s'éteindre dans votre pays ! Allez de l'avant avec la puissance du Saint-Esprit et les mérites de Jésus-Christ !

 

Et réjouissez-vous d'une grande joie de l'intercession et de la protection inépuisables de Marie, la majestueuse Marie, Mère de Dieu, Reine des apôtres, Reine de l'Irlande, Reine de la Paix.

 

Frères, avançons ensemble pour le bien de l'Irlande, pour la gloire de la Très Sainte Trinité. Et pour cela, « gardons les yeux fixés sur Jésus, lui qui inspire et parfait notre foi ».

 

 

 

1er octobre 1979

A MAYNOOTH: AUX PRETRES, RELIGIEUX ET RELIGIEUSES

 

Mes chers frères et sœurs dans le Christ,

 

1. Le nom de Maynooth est très estimé dans tout le monde catholique. Il nous rappelle tout ce qu'il y a de plus noble dans le sacerdoce catholique en Irlande. Y viennent des séminaristes de tous les diocèses irlandais, fils de familles catholiques qui étaient elles-mêmes de vrais « séminaires », de vraies pépinières de vocations sacerdotales et religieuses. De là sont partis des prêtres vers chaque diocèse irlandais et vers les diocèses de la diaspora. Au cours de ce siècle, Maynooth a donné le jour à deux nouvelles sociétés missionnaires, l'une orientée dès le début vers la Chine, l'autre vers l'Afrique, et a envoyé des centaines de ses étudiants comme volontaires dans ces missions. Maynooth est une école de sainteté sacerdotale, une académie d'enseignement théologique, une université d'inspiration catholique. Le collège de Saint-Patrick est un lieu d'importantes entreprises qui promettent un futur juste et grand.

 

Pour cela, Maynooth est vraiment le lieu propice pour rencontrer les prêtres diocésains et religieux, les frères religieux, les sœurs religieuses, les missionnaires et les séminaristes, et pour parler avec eux. Ayant vécu pendant quelque temps, lorsque je me préparais au sacerdoce, dans une atmosphère de séminaire irlandais — le Collège Irlandais à Paris, prêté actuellement par les évêques irlandais à la hiérarchie de Pologne — j'éprouve maintenant une joie profonde en me rencontrant avec vous ici au Séminaire national d'Irlande.

 

2. Mes premières paroles s'adressent aux prêtres diocésains et religieux. Je vous dis les paroles de saint Paul à Timothée. Je vous demande de « raviver le don de Dieu qui est en vous par l'imposition des... mains (de l'évêque) » (2. Tm 1, 6).. Jésus-Christ lui-même, unique souverain prêtre, dit : « Je suis venu porter le feu sur la terre ; et comme je voudrais qu'il soit déjà allumé ! » (Lc 12, 49). Vous partagez son sacerdoce ; vous continuez son œuvre dans le monde. Son œuvre ne peut être accomplie par des prêtres tièdes ou apathiques. Son feu d'amour pour le Père et pour les hommes doit brûler en vous. Son désir de sauver l'humanité doit vous consumer.

 

Vous êtes appelés par le Christ comme le furent les apôtres. Comme eux, vous êtes destinés à être avec le Christ. Vous êtes envoyés, comme eux, pour aller en son nom et avec son autorité faire des disciples de toutes les nations (cf. Mt 10, 1 ; 28, 19 ; Mc 3, 13-16).

 

Votre premier devoir est d'être avec le Christ. Chacun de vous est appelé à être « un témoin de sa Résurrection » (At 1, 22). Un péril constant pour les prêtres, même s'ils sont zélés, est de se plonger tellement dans le travail du Seigneur au risque d'en oublier le Seigneur du travail.

 

Nous devons trouver le temps, nous devons créer le temps pour nous rencontre avec le Seigneur dans la prière. Suivant l'exemple du Seigneur lui-même nous devons nous « retirer en des lieux solitaires et prier » (Lc 5, 16). Dans la mesure où nous consacrerons du temps au Seigneur notre envoi parmi les autres sera aussi de porter le Christ aux autres.

 

3. Être avec le Seigneur, c'est toujours être envoyé par Lui pour accomplir son oeuvre. Un prêtre est appelé par le Christ ; un prêtre est avec le Christ, un prêtre est envoyé par le Christ. Un prêtre est envoyé par la force du même Esprit-Saint qui accompagna inlassablement Jésus le long des routes de la vie, les routes de l'histoire. Quels que soient les difficultés, les désillusions, les contretemps, nous prêtres, nous trouvons dans le Christ et dans la puissance de son Esprit, la force de « nous fatiguer et de lutter, avec la force qui vient de Lui et qui agit en moi avec puissance » (Col. 1, 29).

 

Comme prêtres, vous êtes choisis pour être pasteurs d'un peuple fidèle qui continue à répondre généreusement à votre ministère, et qui constitue un soutien valide à votre vocation sacerdotale elle-même, au moyen de la foi et de la prière. Si vous cherchez à être le type de prêtre que votre peuple attend et désire que vous soyez, alors vous serez de saints prêtres. Le niveau de la pratique religieuse en Irlande est élevé. De cela, nous devons toujours remercier le Seigneur. Mais ce niveau se maintiendra-t-il toujours élevé ?

 

Les jeunes gens et les jeunes filles des nouvelles générations seront-ils encore fidèles comme le furent leurs parents ? Après avoir passé deux jours en Irlande, après avoir rencontré la jeunesse irlandaise à Galway, j'ai confiance qu'il en sera ainsi. Mais cela demandera de votre part un travail incessant et une prière infatigable. Vous devez travailler pour le Seigneur d'une manière pressante.

 

Vous devez travailler avec la conviction que cette génération, cette décennie des années 80 où nous allons rentrer, pourrait être cruciale et décisive pour l'avenir de la foi en Irlande. Qu'il n'y ait aucune complaisance. Comme le dit saint Paul « veillez, soyez sûrs dans la foi, comportez-vous en hommes, soyez forts » (1 Co. 16, 13). Travaillez avec confiance, travaillez avec joie. Nous sommes témoins de la Résurrection du Christ.

 

4. Ce que le peuple attend de vous, plus que d'aucun autre est la fidélité au sacerdoce. Elle est une manière de faire connaître aux hommes la fidélité de Dieu. Le fait d'être fidèle au Christ la rend forte à travers toutes les difficultés de leur vie, les difficultés de leurs mariages. Dans un monde si marqué de l'instabilité comme celui d'aujourd'hui, nous avons besoin de plus de signes et de plus de témoins de la fidélité de Dieu à notre égard et d'une fidélité que nous lui devons à Lui. Il est une réalité qui cause une grande tristesse à l'Église, une angoisse souvent silencieuse mais profonde dans le peuple de Dieu : c'est lorsque les prêtres transgressent la fidélité de leur engagement sacerdotal. Ce contre-signe, ce contre-témoignage ont été parmi les motifs de régression des grandes espérances de vie nouvelle jaillies dans l'Église du Concile Vatican II. Tandis que celui-ci a orienté les prêtres et l'Église tout entière vers une prière plus intense et fréquente ; parce qu'il nous a été enseigné que sans le Christ nous ne pouvons rien faire (cf. Jn 15, 5).

 

Et la fidélité de l'immense majorité des prêtres a prouvé avec une plus grande clarté et un témoignage d'autant plus manifeste la fidélité de l'Église à Dieu et au Christ témoin fidèle (cf. Ap. 1, 5).

 

5. Dans un centre d'études théologiques qui est aussi un séminaire comme Maynooth, ce témoignage de fidélité a une ultérieure importance et une valeur spéciale au regard des candidats au sacerdoce pour les convaincre de la grandeur et de la force représentées parla fidélité sacerdotale.

 

Ici à Maynooth l'étude théologique faisant partie de la formation au sacerdoce, est bien loin de se présenter comme une recherche académique purement intellectuelle. Ici, la fréquence aux cours théologiques est liée avec la liturgie, la prière, l'édification d'une communauté de foi et d'amour, et ainsi à la construction du sacerdoce irlandais et en conclusion à l'édification de l'Église.

 

Mon invitation d'aujourd'hui est une exhortation à prier. C'est seulement par la prière que nous pourrons remplir les devoirs de notre ministère et répondre aux espérances de demain. Tous nos appels à la paix et à la réconciliation ne seront efficaces que dans la prière.

 

Cette étude de la théologie, ici et partout dans l'Église, est une réflexion sur la foi, une réflexion dans la foi. Une théologie qui n'approfondirait pas la foi, qui ne porterait pas à prier pourrait être un discours de paroles sur Dieu mais ne pourrait jamais être un vrai discours au sujet de Dieu, du Dieu vivant, te Dieu qui est, et dont l'être est l'amour. Il en dérive que la théologie ne peut être authentique que dans l'Église communauté de foi. C'est seulement lorsque l'enseignement des théologiens est conforme à l'enseignement des évêques unis au pape que le peuple de Dieu peut savoir avec certitude que cet enseignement est « la foi qui autrefois pour tous et pour toujours a été confiée aux saints » (Jd 3).

 

Ceci n'est pas une limitation pour les théologiens mais, une libération car elle les préserve des modes inconstantes et, les tient liés avec certitude à l'immuable vérité du Christ, la vérité qui nous rend libres (Jn 7, 32).

 

6. A Maynooth, en Irlande parler de sacerdoce, est parler de mission. L'Irlande n'a jamais oublié que « l'Église en pèlerinage est missionnaire de par sa nature même ; car c'est de la mission du Fils et de la mission de l’Esprit-Saint qu'elle tire son origine, selon le décret de Dieu Père (Ad gentes, 2).

 

Au cours des IX° et X° siècles les moines irlandais rallumèrent le flambeau de la foi dans des régions où sa flamme s'était amortie ou éteinte après la chute de l'Empire Romain, et ils évangélisèrent de nouvelles Nations non encore évangélisées, y compris ma Pologne native. Comment pourrai-je oublier qu'il y eut même un monastère irlandais à Kiev déjà au XIII° siècle ; et qu'il y eut un collège irlandais, pendant une brève période jusque dans ma propre ville de Cracovie durant la persécution, de Cromwell. Aux XVII° et XVIII° siècles des prêtres irlandais suivirent leurs émigrants dans tous les pays de langue anglaise. Au XX° siècle de nouveaux instituts missionnaires d'hommes et de femmes ont fleuri en Irlande et avec les sections irlandaises d'instituts missionnaires internationaux et les congrégations religieuses irlandaises déjà existantes, ont donné un nouvel élan missionnaire à l'Église.

 

Daigne l'esprit missionnaire ne jamais manquer dans le cœur des prêtres irlandais, qu'ils soient membres d'instituts missionnaires, du clergé diocésain, ou de congrégations religieuses consacrées à d'autres apostolats. Que cet esprit puisse toujours être stimulé avec ardeur par vous tous au milieu des laïcs déjà si fervents dans leurs prières, déjà si généreux dans leur soutien envers les missions. Daigne l'esprit de partage croître entre les diocèses et les congrégations religieuses dans la mission totale de l'Église jusqu'à ce que chaque église diocésaine locale et chaque congrégation et communauté religieuse soit considérée comme missionnaire par sa nature propre, se trouvant dans l'authentique mouvement missionnaire de l'Église universelle. J'ai appris avec beaucoup de plaisir que l'Union Missionnaire Irlandaise a l'intention de fonder un centre missionnaire national avec le double but d'un renouvellement missionnaire par les missionnaires eux-mêmes et d'une impulsion à la conscience missionnaire entre le clergé, les religieux et les fidèles de l'Église irlandaise. Que ce travail puisse obtenir la bénédiction de Dieu et contribuer à une grande et nouvelle expansion de ferveur missionnaire, à une nouvelle vague de vocations missionnaires du sol de cette grande patrie de la foi qu'est l'Irlande.

 

7. Je veux dire un mot spécial aux frères laïcs religieux. La décennie passée a porté de grands changements et avec eux des problèmes et des difficultés sans précédent pour ce qui tient à votre expérience passée. Je vous demande de ne pas vous décourager. Soyez des hommes de grande foi, de grande et indéfectible espérance. « Que le Dieu de l'espérance vous remplisse de toute joie et paix dans la foi, afin que vous abondiez d'espérance par la puissance de l'Esprit Saint » (Rm 15, 13).

 

La dernière décennie a porté également un grand renouvellement dans la compréhension de votre sainte vocation, un grand approfondissement de votre vie liturgique et de votre prière, un grand élargissement dans le cercle de votre influence apostolique : je demande au Seigneur de vous bénir pour tous vos mérites par une fidélité renouvelée à votre vocation et un accroissement du nombre des vocations pour vos nouveaux instituts. L'Église en Irlande et dans les missions doit beaucoup à tous les instituts des frères laïcs. Votre appel à la sainteté est un précieux ornement de l'Église. Soyez fidèles. « Il est fidèle Celui qui vous appelle : il le fera » (1 Th. 5, 24).

 

8. Les sœurs aussi ont connu des années de recherche, parfois de trouble et d'inquiétude. Ces années ont été également des années de purification. Je crois que maintenant on peut entrer dans une période de raffermissement et de construction.

 

Beaucoup d'entre vous sont engagées dans l'apostolat de l'éducation et dans le soin pastoral de la jeunesse. N'ayez pas de doutes sur la constante importance de cet apostolat, en particulier dans l'Irlande moderne où la jeunesse représente une partie si nombreuse et si importante de la population. L'Église maintes fois en de nombreux documents récents et solennels a rappelé aux religieuses l'importance primaire de l'éducation, et a invité les congrégations d'hommes et de femmes dotées de traditions et de charisme de l'éducation à persévérer dans cette vocation et à redoubler leur engagement dans celle-ci.

 

Il en est de même pour le traditionnel apostolat du soin des malades, des nouveau-nés, des personnes âgées, des handicapés et des pauvres. Ceux-ci ne doivent pas être mis de côté tandis qu'on découvre de nouvelles formes d'apostolat. Comme le dit l'Évangile, vous devez « tirer de votre trésor le vieux et le neuf » (cf. Mt 13, 52).

 

Vous-devez être courageuses dans vos entreprises apostoliques, ne permettant pas que les difficultés, la diminution du personnel, l'insécurité de l'avenir puissent vous abattre ou vous déprimer.

 

Mais rappelez-vous toujours que le premier champ de votre apostolat est votre vie personnelle. C'est là que le message de l'Évangile doit être d'abord prêché et vécu. Votre premier devoir apostolique est votre propre sanctification. Aucun changement dans la vie religieuse n'a de l'importance s'il n'est en même temps une conversion de vous-mêmes au Christ Aucun mouvement de la vie religieuse n'a une valeur s'il n'est  pas en même temps un mouvement vers l'intérieur, vers le « centre » profond de votre existence, là où le Christ a sa demeure. Ce n'est pas ce que vous faites qui importe le plus, mais ce que vous faites comme femmes consacrées au Seigneur. Pour vous le Christ s'est consacré lui-même afin que vous aussi « vous soyez consacrées dans la vérité » (cf. Jn 17, 19).

 

9. A vous et aux prêtres, diocésains et religieux, je dis : soyez heureux d'être les témoins du Christ dans lé monde moderne. N'hésitez pas à vous faire reconnaître et identifier sur les routes, comme des hommes et des femmes qui ont consacré leur vie à Dieu, qui ont jeté aux ordures tout ce qui est du monde, pour servir le Christ. Croyez à la valeur que les hommes et les femmes de notre temps attribuent aux signes visibles de la consécration de vos vies. Les hommes ont besoin de signes et de rappels vers Dieu en cette moderne cité séculaire où sont restés bien peu de signes qui renvoient au Seigneur. Ne donnez pas la main à cette « chasse de Dieu des routes du monde » en adoptant les modes séculières de vêtement et de comportement.

 

10. Ma bénédiction spéciale et mes saluts vont aux moines et moniales cloîtrés et contemplatifs. Je vous dis un merci pour ce que vous avez fait pour moi par votre vie de prière et de sacrifice depuis le début de mon ministère papal. J'affirme que le pape et l'Église ont besoin de vous. Vous êtes surtout dans cette « grande, intense et croissante prière » à laquelle j'ai fait appel dans Redemptor hominis.

 

La vocation contemplative n'a jamais été plus précieuse et importante qu'elle ne l'est dans notre monde moderne et sans paix. Qu'il y ait de nombreux jeunes gens et jeunes filles irlandais appelés à la vie contemplative en ce temps où l'avenir de l'Église et de l'humanité dépend de la prière.

 

Avec joie je redis à tous les contemplatifs, en cette fête de sainte Thérèse de Lisieux, les paroles que j'ai adressées aux sœurs de Rome : « Je vous confie l'Église ; je vous confie le genre humain et le monde. A vous, à vos prières, à votre holocauste, je me recommande également moi-même évêque de Rome. Soyez avec moi, près de moi vous qui êtes dans le cœur de l'Église ! Que grandisse en chacune de vous ce qui fut le programme de vie de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus « in corde Ecclesiae amor ero » — « dans le cœur de l'Église je serai l'amour ! »

 

La majeure partie de ce que j'ai dit s'adresse aussi aux séminaristes. Vous vous préparez pour le don total de vous-mêmes au Christ et au service de son Règne. Vous portez au Christ le don de votre enthousiasme et de votre jeune vitalité. En vous le Christ est éternellement jeune et à travers vous, il rajeunit l'Église. Ne le décevez pas.

 

Ne décevez pas le peuple qui attend que vous lui portiez le Christ. N'abaissez pas la qualité de votre génération de jeunes, hommes et femmes irlandais. Portez le Christ aux jeunes de votre génération, comme l'unique réponse à leurs attentes. Le Christ vous regarde et vous aime. Ne faites pas comme le jeune de l'Évangile qui s'en alla triste « car il possédait de grands biens » (cf. Mt 19, 22). Au contraire, offrez tous vos trésors d'esprit, de cœur, d'énergie au Christ afin qu'il s'en serve pour attirer tout homme à soi (cf. Jn 12, 32).

 

A vous tous, je dis que celui-ci est un temps merveilleux pour l'histoire de l'Église. C'est un temps merveilleux pour être prêtre, pour être religieux, pour être missionnaire du Christ. Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur. Réjouissez-vous dans votre vocation. Je vous redis les paroles de l'apôtre Paul : « Réjouissez-vous dans le Seigneur toujours ; je vous le dirai de nouveau ; réjouissez-vous. N'ayez aucun souci ; mais en tout par la prière et la supplication avec action de grâces, faîtes connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus » (Ph 4, 4-7).

 

Que Marie, mère du Christ, prêtre éternel, mère des prêtres et des religieux, vous tienne éloignés de toute préoccupation, tandis que vous « attendez dans une joyeuse espérance la venue de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ ». Confiez-vous à elle comme moi je vous recommande à elle, Marie, Mère de Jésus et Mère de son Église.

 

 

 

1er octobre 1979

AUX SEMINARISTES

Chers frères et fils en Nôtre-Seigneur,

 

Vous occupez une place Spéciale dans mon cœur et dans le cœur de l'Église. Au cours de ma visite à Maynooth, je désirais rester seul avec vous, ne fût-ce que quelques instants.

 

Il y a beaucoup de choses que je voudrais vous dire : toutes les paroles que j'ai prononcées plusieurs fois sur la Vie des séminaristes et sur tous les Séminaires durant ma première année de pontificat.

 

Je voudrais en particulier vous entretenir à nouveau de la parole de Dieu : sur la manière dont vous êtes appelés à l'écouter, à la protéger et à la vivre. Sur la façon dont vous devez baser toute votre vie et votre ministère sur cette parole de Dieu, telle qu'elle est transmise par l'Église, telle qu'elle a été interprétée durant toute l'histoire de l'Église, grâce au guide fidèle du Saint-Esprit : semper et ubique et ab omnibus. La parole de Dieu est le grand trésor de votre vie. Grâce à la parole de Dieu vous arriverez à une profonde connaissance du mystère de Jésus-Christ, fils de Dieu et fils de Marie : Jésus-Christ, le Grand Prêtre du Nouveau Testament et le Rédempteur du monde.

 

Le monde de Dieu doit réclamer tous vos efforts. Le comprendre dans sa pureté et intégrité et y répandre la parole et l'exemple est une grande mission. Et c'est là votre mission, aujourd'hui et demain, et pour le reste de vôtre vie. Tandis que vous suivez votre vocation — une vocation si intimement unie à la Parole de Dieu, je désire vous proposer à nouveau une simple mais significative leçon tirée de la vie de saint Patrick ; la voici : dans l'histoire de l’évangélisation, le destin d'un peuple tout entier — votre peuple — a été radicalement influencé à ce moment-là et dans les temps successifs par la fidélité avec laquelle saint Patrick a compris et proclamé la parole de Dieu et par la fidélité avec laquelle saint Patrick a suivi son appel jusqu'au bout.

 

Ce que je désire vraiment que vous compreniez est ceci : Dieu compte sur vous ! Et ses plans, en un certain sens, pour réaliser, dépendent de votre libre collaboration, de l'offrande de votre vie et de la générosité avec laquelle vous suivrez l'inspiration du Saint-Esprit au plus profond de votre cœur.

 

La foi catholique en Irlande est liée aujourd'hui, dans le plan de Dieu, à la fidélité de saint Patrick. Et demain, oui, demain, le plan de Dieu pour une part, sera lié à votre fidélité, à la ferveur avec laquelle vous direz « oui » à la parole de Dieu dans votre vie.

 

Aujourd'hui, Jésus-Christ vous adresse un appel à travers ma personne : l'appel à la fidélité. Par la prière, vous découvrirez toujours davantage, chaque jour qui passe, ce que veut dire cet appel, et quelles en sont les implications. Par la grâce de Dieu, vous comprendrez toujours davantage, chaque jour qui passe, combien Dieu désire et accepte votre fidélité comme condition pour l'efficacité supranaturelle de tout votre ministère. L'expression suprême de votre fidélité sera votre don irrévocable et total en union avec Jésus-Christ et avec le Père. Et la Sainte-Vierge Marie vous aidera à porter ce don.

 

Rappelez-vous saint Patrick, Rappelez-vous ce que signifie la fidélité d'un seul homme pour l'Irlande et pour le monde. Oui, chers frères et fils, c'est la fidélité au Christ et à son monde qui détermine les différences dans le monde. C'est pourquoi il nous faut porter notre regard vers Jésus, qui est à chaque instant, le témoin fidèle du Père.

 

 

 

1er octobre 1979

A LIMERICK : HOMELIE SUR LE ROLE DES LAICS

 

Chers frères et sœurs dans le Christ,

 

1. En ce dernier jour de ma visite en Irlande, je viens à vous pour célébrer avec vous La sainte Eucharistie. Je désire sceller une fois, encore, dans l'amour du Christ Jésus, le lien qui unit le successeur de Pierre à l'Église qui est en Irlande. En vos personnes, je salue une fois encore tout le peuple d'Irlande qui a pris place dans le mystère de l'Église par la prédication de saint Patrick et par les sacrements du baptême et de la confirmation. Je vous invite à faire de cette messe que j'offre avec vous et pour vous, une hymne spéciale d'action de grâces à la Sainte-Trinité pour les jours que j'ai pu passer au milieu de vous.

 

Je viens au nom du Christ pour vous annoncer son propre message. La liturgie de la parole d'aujourd'hui parle d'une construction, de la pierre d'angle qui porte le poids et donne force à la maison, d'une ville qui est bâtie sur une colline pour la sécurité et pour la protection. Ces images contiennent une invitation adressée à nous tous, à tous les chrétiens, pour qu'ils s'approchent du Christ, la pierre d'angle qui deviendra notre appui et le principe unificateur qui donne son sens et sa cohérence à nos vies. C'est le même Christ qui donne leur dignité à tous les membres de l'Église et qui assigne à chacun sa mission.

 

2. Aujourd'hui, je voudrais vous parler de la dignité spéciale et de la mission qui est confiée aux laïcs dans l'Église. Saint Pierre dit que les chrétiens sont « un sacerdoce royal, une nation sainte » (1 P 2, 9). Tous les chrétiens incorporés dans le Christ et dans son Église par le baptême sont consacrés à Dieu, ils sont appelés à professer la foi qu'ils ont reçue. Par le sacrement de confirmation, ils sont, plus tard, revêtus de l'Esprit-Saint avec une force spéciale pour devenir les témoins du Christ et pour partager sa mission de salut. Tout laïc chrétien est par conséquent une extraordinaire œuvre de grâce de la part de Pieu et reçoit un appel vers les sommets de la sainteté. Les

laïcs, hommes et femmes, semblent parfois ne pas apprécier dans sa plénitude la dignité et la vocation qui est la leur en tant que laïcs. Non, il n'existe pas quelque chose comme « un laïc ordinaire », car vous avez tous été appelés à la conversion par la mort et la résurrection de Jésus-Christ. En tant que saint peuple de Dieu, vous êtes appelés à remplir votre rôle d'évangélisation dans le monde.

 

Oui, le laïcat est une « race choisie, un sacerdoce saint » ; les laïcs sont aussi appelés à être le « sel de la terre » et « la lumière du monde ». C'est leur vocation spécifique et leur mission que d'exprimer l'Évangile dans leur vie et par là d'insérer cet Évangile comme un levain dans la réalité du monde dans lequel ils vivent et travaillent. Les grandes forces qui façonnent le monde — la politique, les mass média, la science, la technique, la culture, l'éducation, l'industrie et le travail — sont précisément les domaines dans lesquels les laïcs sont particulièrement compétents pour exercer leur mission. Si ces forcés sont orientées par des personnes qui sont de vrais disciples du Christ et qui sont eh même temps parfaitement compétents dans leur important savoir séculier et dans leur savoir-faire, alors vraiment le monde sera transformé de l'intérieur par la puissance rédemptrice du Christ.

 

3. Les laïcs aujourd’hui sont appelés à un fort engagement chrétien : pour l'Irlande, cette pénétration de la société par le levain de l'Évangile est arrivée à un moment décisif dans son histoire. Les Irlandais ont à choisir aujourd'hui une voie pour l'avenir. Sera-ce la transformation de toutes les couches de l'humanité en une nouvelle création ou bien sera-ce la voie suivie par de nombreuses nations qui accordent une importance excessive à la croissance économique et à la possession matérielle en négligeant les choses de l'esprit ? Sera-ce la voie de là substitution d'une nouvelle éthique de jouissance temporelle à la place de la loi de Dieu ? La voie d'une fausse liberté qui n'est qu'un esclavage qui va vers la décadence ? La voie de la subordination de la dignité de la personne humaine à la domination totalitaire de l'État ? La voie d'une lutte violente entre les classes ? La voie de l'exaltation de la révolution au-dessus de Dieu ?

 

L'Irlande doit choisir. C'est vous la génération actuelle du peuple irlandais qui devez décider ; votre choix doit être clair et votre décision ferme. Laissez la voix de vos ancêtres qui ont tant souffert pour maintenir leur foi dans le Christ retentir aujourd'hui à vos oreilles à travers la voix du pape quand il vous répète les paroles du Christ : « A quoi sert à l'homme de gagner tout l'univers s'il perd son âme ? » (Mt 16, 26). Quel sera le profit de l'Irlande si elle suit la voie facile du monde et souffre de la perte de son âme ?

 

Votre pays semble revivre en un certain sens-les tentations du Christ : l'Irlande est sollicitée, on lui demande de préférer les « royaumes de ce monde et leur splendeur » au royaume de Dieu (cf. Mt 4, 8). Satan le tentateur, l'adversaire du Christ, usera de tout son pouvoir et de toutes ses illusions pour vaincre l'Irlande et la conduire dans les voies du monde. Quelle victoire n'aura-t-il pas gagnée, quel coup n'infligera-t-il pas au corps du Christ dans le monde, s'il réussit à séduire les hommes et les femmes d'Irlande et à les éloigner du Christ ! C'est maintenant le temps de la mise à l'épreuve pour l'Irlande. Cette génération est, répétons-le, une génération qui doit décider de son sort.

 

Chers fils et filles d'Irlande, priez, priez pour ne pas être induits en tentation. J'ai demandé, dans ma première encyclique « une grande, intense et croissante prière pour toute l'Église ». Je vous demande aujourd'hui cette prière pour tout le peuple d'Irlande ; pour l’Église en Irlande, pour toute l'Église qui doit tant à l'Irlande. Priez pour que l'Irlande ne succombe pas à l'épreuve. Priez comme Jésus nous a enseigné à le faire : « Ne nous laissez pas succomber à la tentation ».

 

Et par-dessus tout, ayez une immense confiance dans les mérites de notre Seigneur Jésus-Christ et dans la puissance de sa mort et de sa résurrection. C'est justement à cause de la force du mystère pascal que chacun de nous et tous les Irlandais peuvent dire: « Je puis tout en celui qui me fortifie » (Ph 4, 13).

 

4. Dans le passé l'Irlande a déployé une remarquable interpénétration de toute sa culture, de sa langue et de son mode de vie, par les choses de Dieu et par la vie de la grâce. La vie, en un sens, était organisée autour des événements religieux. La tâche de cette génération d'hommes et de femmes était de transformer le monde dans sa plus grande complexité et dans sa vie urbaine par le même esprit de l'Évangile. Aujourd'hui, vous devez garder la ville et l'usine pour Dieu comme vous avez toujours gardé la ferme et le village pour lui dans le passé. Le progrès matériel a, en tant de lieux, conduit à un déclin de foi et de la croissance dans le Christ, à un déclin de la croissance dans l'amour et dans la justice.

 

Pour arriver à cela, il doit y avoir, comme je l'ai dit à Phœnix Park, un lien logique entre votre foi et votre vie quotidienne. Vous ne pouvez pas être d'authentiques chrétiens le dimanche, si vous ne cherchez pas à être fidèles à l'esprit du Christ également dans votre travail, votre activité commerciale, vos syndicats, ou vos rencontres d'employeurs et vos réunions professionnelles. Comment pouvez-vous être une véritable communauté dans le Christ à la messe si vous n'essayez pas de penser au bien de toute la communauté nationale au moment où, dans votre secteur particulier ou dans votre milieu, l'on est en train de prendre des décisions ? Comment pouvez-vous être prêts à rencontrer le jugement du Christ si vous ne vous rappelez pas à quel point les pauvres sont affectés par la conduite de votre communauté sociale ou par votre style de vie personnel ? « Car dans la mesure où vous l'avez fait au moindre de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait » (Mt 25, 40).

 

J'ai entendu parler avec une grande joie et une grande reconnaissance du merveilleux esprit de laborieuse collaboration selon lequel vous vous êtes unis pour la préparation matérielle et spirituelle de ma visite. Combien plus merveilleux encore serait le même esprit de travail et de collaboration en toute circonstance « pour la gloire de Dieu et l'honneur de l'Irlande ».

 

5. Ici, a Limerick, je me trouve dans une zone essentiellement rurale et beaucoup d'entre vous sont des gens de la campagne. Je me sens chez moi avec vous comme je l'étais avec la population des campagnes et des montagnes de ma Pologne natale. Je vous redis à vous ce que je leur ai dit : aimez la terre ; aimez le travail des champs, car il vous garde proche de Dieu le Créateur, d'une façon spéciale.

 

A ceux qui sont allés dans les villes, ici ou à l'étranger, je dis : gardez contact avec vos racines en terre d'Irlande, avec vos familles et avec votre culture. Restez fidèles à la foi, aux prières et aux valeurs que vous avez apprises ici ; et transmettez cet héritage à vos enfants, car c'est un héritage, bon et riche.

 

A tous, je dis : vénérez et protégez votre famille et votre vie de famille, car la famille est « le premier domaine de l’action chrétienne, pour le laïcat irlandais, le lieu où votre « sacerdoce royal » est le mieux exercé. La famille chrétienne a été dans le passé la plus grande ressource spirituelle de l'Irlande. Les conditions modernes ont créé de nouveaux modèles et de nouvelles difficultés pour la vie de famille et pour le mariage chrétien. Je veux vous dire ceci ; ne soyez pas découragés, ne suivez pas les opinions selon lesquelles une famille étroitement unie est un modèle dépassé : la famille chrétienne est plus importante aujourd'hui pour l'Église et pour la société qu'elle ne l'a jamais été dans le passé.

 

Il est exact que la stabilité et la sainteté du mariage sont menacées par les nouvelles idées et les aspirations de certains. Le divorce pour quelque raison qu'il soit introduit, devient inévitablement de plus en plus facile à obtenir et graduellement on en vient à l'accepter comme une part normale de l'existence. Cette possibilité du divorce dans le domaine de la loi civile fait que les mariages stables et permanents deviennent plus difficiles pour chacun. Que l'Irlande continue toujours à donner le témoignage, devant le monde moderne, de son traditionnel engagement en faveur de la sainteté et de l'indissolubilité du lien matrimonial. Que les Irlandais soutiennent toujours le mariage par leur engagement personnel et par leur action sociale et légale. Par-dessus tout, ayez en haute estime la merveilleuse dignité et la grâce du sacrement de mariage. Préparez-vous à ce sacrement avec ardeur. Croyez en la puissance spirituelle que confère ce sacrement de Jésus-Christ pour renforcer l'union du mariage et pour surmonter toutes les crises et tous les problèmes de la vie commune. Les personnes mariées doivent croire en la puissance du sacrement pour leur sanctification. Elles doivent croire en leur vocation, par leur mariage, de témoins de la puissance de l'amour du Christ. Le véritable amour et la grâce de Dieu ne peuvent jamais laisser le mariage devenir la relation de deux individus centrés sur eux-mêmes, vivant côte à côte pour leurs propres intérêts.

 

6. Et ici, je voudrais dire une parole tout à fait spéciale aux parents irlandais. Le mariage doit comporter une ouverture au don des enfants. Une généreuse ouverture qui fait accepter les enfants de la main de Dieu comme un don fait à leur amour est la marque du couple chrétien. Respectez le cycle de la vie donné par Dieu, car ce respect fait partie de votre respect pour Dieu lui-même qui a créé l'homme et la femme, qui les a créés à son image, en mettant en eux le reflet de son propre amour, donneurs de vie, dans les modalités de leur vie sexuelle.

 

Et ainsi, je dis à tous, ayez un absolu et saint respect pour le caractère sacré de la vie humaine dès le premier moment de sa conception. L'avortement selon la déclaration du Concile Vatican II est l'un des « crimes abominables » (Gaudium et Spes, 51). Attaquer la vie à naître à un moment quelconque de sa conception, c'est miner l'ordre moral tout entier qui est le véritable gardien du bien-être de l'homme. La défense de l'inviolabilité absolue de la vie à naître fait partie de la défense des droits de l'homme et de la dignité humaine.

 

Que le témoignage de l'Irlande ne s'affaiblisse jamais, en face de l'Europe et en face du monde entier, en faveur de la dignité et du caractère sacré de toute vie humaine, de sa conception à sa mort.

 

Chers pères et mères d'Irlande, croyez en votre vocation, cette magnifique vocation du mariage, de la paternité et de la maternité qui vous a été donnée par Dieu. Croyez que Dieu est avec vous — car toute paternité et maternité, au ciel et sur la terre, tirent leur nom de lui. Ne pensez pas que vous puissiez faire quelque chose de plus important dans votre vie que d'être un bon père chrétien et une bonne mère chrétienne. Que les mères d'Irlande, les jeunes femmes et les jeunes filles n'écoutent pas ceux qui leur disent que le travail séculier d'un métier, le succès d'une profession laïque est plus important que la vocation de donner la vie et de s'occuper de cette vie comme mère. L'avenir de l'Église, l'avenir de l'humanité dépend en grande partie des parents et de la vie de famille qu'ils construisent dans leurs foyers. La famille est la véritable mesure de la grandeur d'une nation, exactement comme la dignité de l'homme est la véritable mesure de la civilisation.

 

7. Vos maisons devraient toujours demeurer des maisons de prière. Au moment de mon départ de cette île qui est si chère à mon cœur, de cette terre et de son peuple qui est une telle consolation et une telle force pour le pape, puis-je exprimer un vœu ? Que chaque foyer en Irlande demeure ou redevienne un foyer de prière familiale quotidienne. Si vous me promettiez de faire cela, ce serait le plus grand cadeau que vous puissiez me faire au moment où je quitte vos côtes hospitalières.

 

Je sais que vos évêques préparent en ce moment un programme pastoral prévu pour encourager une plus grande participation des parents à l'éducation religieuse de leurs enfants sous le titre : « Prise en charge de la foi à la maison ». J'ai confiance que vous entrerez dans ce programme avec enthousiasme et générosité. Inculquer à vos enfants la foi que vous avez reçue de vos parents est votre premier devoir et votre plus grand privilège de parents. La maison devrait être la première école de religion, comme elle doit être la première école de prière. La grande influence spirituelle de l'Irlande dans l'histoire du monde est due dans une grande mesure à la religion domestique en Irlande, car c'est là que commence l'évangélisation, là que-sont nourries les vocations. C'est pourquoi je lance un appel aux parents irlandais pour qu'ils continuent à favoriser dans leurs foyers les vocations au sacerdoce et à la vie religieuse, parmi leurs fils et leurs filles. Pendant des générations, c'était le plus grand désir de tous tes parents irlandais d'avoir un fils prêtre ou religieux, une fille consacrée à Dieu. Que cela continue à être votre désir et votre prière. Que toutes les occasions qui s'offrent aux garçons et aux filles ne diminuent jamais votre estime pour le privilège d'avoir un fils ou une fille choisi par le Christ et appelé par Lui à tout laisser pour le suivre.

 

Je confie tout ceci à Marie, brillant « soleil du peuple irlandais ». Que ses prières aident tous les foyers irlandais à être comme la sainte famille de Nazareth. Que de ces maisons sortent déjeunes chrétiens, comme Jésus est sorti de Nazareth. Qu'ils avancent dans la puissance de l'Esprit pour continuer l'œuvre du Christ et pour suivre ses traces jusqu'à la fin du millénaire, vers le XXI° siècle. Marie vous gardera tous près de celui qui est le « père du monde à venir » (Is 9, 6).

 

Dia agus Muire libh.

 

Que Dieu et Marie soient avec vous et avec les familles d'Irlande, toujours !

 

 

 

1er octobre 1979

A SHANNON : L'AU REVOIR A L’IRLANDE

 

Chers frères et sœurs,

 

Le temps est venu pour moi de quitter l'Irlande, pour continuer ma mission pastorale, mon voyage apostolique.

 

Je suis venu ici pour proclamer la paix et l'amour, pour vous parler du Fils de Dieu fait homme et de votre vie dans le Christ. Oui, comme successeur de l'apôtre Pierre, je suis venu confirmer mes frères dans la foi et pour demander à toute l'Irlande de s'élever à une nouvelle vision d'espoir — selon les paroles de saint Paul : « Vers le Christ Jésus notre espérance » (l Tm 1, 1).

 

J'ai commencé mon pèlerinage sous la protection de Notre-Dame et le jour de la fête de l'Archange. Et je prends congé de vous en la fête de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, splendide exemple de joyeuse simplicité et preuve de l'efficacité extraordinaire d'un généreux amour chrétien.

 

Je vous suis profondément reconnaissant pour toute l'amabilité qui m'a été manifestée par les autorités civiles et religieuses de ce pays. Je remercie également tous ceux qui ont tant travaillé et avec tant de compétence ici, en Irlande, pour organiser les nombreux détails de ma visite. Je remercie toute la population pour la cordiale et affectueuse réception au cours de laquelle elle a manifesté la finesse de son sens de l'homme et sa foi vivante.

 

Avec l'apôtre Paul, je vous demande de mener toujours « une vie digne de la vocation à laquelle vous avez été appelés... désireux de maintenir l'unité de l'Esprit par le lien de la paix » (Ep 4, 1-3).

 

Au nom du Seigneur, je vous exhorte à conserver le grand trésor de votre fidélité à Jésus-Christ et à l'Église. Comme la première communauté chrétienne qui est décrite dans les Actes des Apôtres, l'Irlande est appelée à être « fidèle à l'enseignement des Apôtres, à la fraternité, à la fraction du pain et à la prière » (Ac 2, 42).

 

Irlande : semper fidelis, toujours fidèle !

 

Irlande : toujours fidèle !