VOYAGE AUX ETATS-UNIS

 

Octobre 1979

 

 

 

1er octobre 1979

A BOSTON : A L'ARRIVEE

 

Après un vol de plus de sept heures, le pape, venant d'Irlande, est arrivé aux U.S.A., à Boston, où il était accueilli à sa descente d'avion par Mme Rosalynn Carter, femme du président des États-Unis et de nombreuses personnalités. Le pape a prononcé une brève allocution.

 

Loué soit Jésus-Christ,

 

C'est pour moi une très grande joie de me trouver ici, dans les États-Unis et d'entreprendre ma visite pastorale à l'Église catholique de ce pays et, en même temps, de saluer toute la population américaine, quelles que soient son origine, sa couleur, ses convictions religieuses.

 

Je suis particulièrement reconnaissant pour les souhaits de bienvenue qui m'ont été adressés au nom du président Carter que je remercie très sincèrement pour son invitation aux États-Unis. Je pense déjà à l'entretien que j'aurai avec lui après ma visite aux Nations unies.

 

J'adresse également mes remerciements au-cardinal archevêque de Boston qui m'offre la première hospitalité aux États-Unis, en cette ville historique. Je remercie sincèrement la Conférence épiscopale et, en particulier, tous les évoques qui m'ont si aimablement prié de venir chez eux. Mon seul regret est de ne pouvoir accepter toutes les invitations qui m'ont été adressées par des autorités religieuses et civiles, par des particuliers, des familles et des groupes.

 

De nombreux côtés — catholiques, protestants, juifs — l'Amérique m'a ouvert son cœur. Quant à moi, je viens à toi, Amérique, avec des sentiments d'amitié, de respect, d'estime. Je viens ici en homme qui te connaît déjà et t'aime, quelqu'un qui te souhaite de pouvoir réaliser ton destin de service en faveur du monde. Il m'est permis, une nouvelle fois, d'admirer la beauté de cette terre qui règne entre deux océans ; il m'est donné une fois de plus de faire l'expérience de la chaleureuse hospitalité du peuple américain.

 

Bien qu'il ne me soit pas possible d'entrer dans chaque logis, de saluer chaque homme et chaque femme, de caresser chaque enfant dont les yeux rayonnent d'innocence et d'amour, je me sens cependant tout proche de chacun de vous, et vous tous, vous vous trouvez dans mes prières.

 

Qu'il me soit permis d'exprimer mes sentiments en empruntant les termes lyriques d'un de vos propres chants : « Amérique ! Amérique ! Que Dieu répande ses grâces sur toi et te comble de fraternité pour ton bien, d'un océan à l'autre. »

 

Et que la paix du Seigneur t'accompagne toujours, ô Amérique !

 

 

 

1er octobre 1979

A LA CATHEDRALE

 

A la cathédrale de Boston, le Saint-Père a rencontré le clergé diocésain, les religieux et religieuses des diocèses de Nouvelle-Angleterre. Il s'est adressé à eux dans les termes dont nous donnons ici la traduction.

 

Cher cardinal Medeiros

Chers frères et sœurs en le Christ,

 

En ce premier jour de ma visite pastorale aux États-Unis d'Amérique, c'est une grande joie pour moi de venir en cette ville de Boston, en cette cathédrale, d'aller ce soir au « Common Boston » et d'avoir ainsi l'occasion de prendre contact avec la communauté catholique. C'est la première fois dans l'histoire qu'un successeur de Pierre est accueilli dans ce milieu. En cette extraordinaire circonstance, je désire rendre hommage à la Très Sainte Trinité au nom de laquelle je suis venu ici. Et je fais mien propre le salut de l'apôtre Paul aux Corinthiens : « A vous qui avez été consacrés dans le Christ Jésus, appelés à être saints avec tous ceux qui en quelque lieu que ce soit invoquent le nom de Jésus-Christ notre Seigneur, le leur et le nôtre ; à vous grâce et paix de par Dieu, notre Père et le Seigneur Jésus-Christ ! » (1 Col, 2-3).

 

A vous, cardinal Medeiros, archevêque de Boston, mes plus cordiaux remerciements pour votre accueil d'aujourd'hui. Dans votre église cathédrale, je suis heureux de vous réitérer l'expression de ma profonde estime et de mon amitié. Mes chaleureuses salutations également aux évêques auxiliaires et à tout le clergé tant diocésain que religieux : vous êtes mes frères, prêtres en vertu du sacrement de l'Ordre sacré. Par votre sacerdoce, vous êtes également le don de Dieu à la communauté chrétienne. Comme vous prenez part au sacerdoce du Christ, votre présence dans le monde sera toujours caractérisée par le zèle du Christ qui vous a choisis en vue de la construction de son Corps, l'Église (cf. Ep 4, 12).

 

Je désire vous donner une bénédiction spéciale, à vous religieux, frères et sœurs qui avez consacré votre vie à Jésus-Christ. Puissiez-vous trouver toujours votre joie dans son amour. Et à vous tous, laïcs de ce diocèse, associés au cardinal et au clergé dans une mission commune, j'ouvre mon cœur dans l'amour et la confiance. Vous êtes ceux qui œuvrent pour l’évangélisation dans les réalités de la vie quotidienne, et vous témoignez de l'amour du Christ dans le service que vous prêtez à vos frères, hommes et femmes, à commencer par vos familles.

 

A vous tous, je veux dire que je suis très heureux de me trouver parmi vous. Je prie pour chacun de vous, vous demandant de rester toujours unis en Jésus-Christ, afin qu'ensemble nous puissions « manifester au monde notre unité : en annonçant le mystère du Christ, en révélant la dimension divine et en même temps humaine de la Rédemption, en luttant avec une inlassable persévérance pour la dignité que tout homme a acquise ou peut acquérir continuellement dans le Christ » (Redemptor Hominis, 11). Puisse cette cathédrale consacrée à la Sainte Croix nous rappeler la grandeur de notre vocation, car, de par te mystère de l'Incarnation et te sacrifiée rédempteur de Jésus sur la croix, nous partageons « les incommensurables richesses du Christ » (Ep 3,8).

 

De cette cathédrale, j'envoie un salut à toute la population de Boston : particulièrement à ceux qui, peu importe la raison, sont aux prises avec là souffrance ; aux malades, aux convalescents, aux bannis de la société, à ceux qui ont perdu leur foi en Dieu et dans les hommes. J'apporte à tous un message d'espérance et de paix — l'espérance et la paix du Christ Jésus. Pour lui, tout être humain a une valeur et une dignité immenses et eh lui se trouvent tous les trésors de la justice et de l'amour.

 

Dans cette ville de Boston, je salue une communauté qui, au milieu des vicissitudes de l'histoire, est toujours parvenue à changer tout en demeurant fidèle à elle-même — une communauté où des hommes de milieux divers, de convictions religieuses différentes, de races et de cultures variées, ont su trouver de justes solutions à leurs problèmes et créer une famille où la dignité humaine de chacun est respectée. En honneur des citoyens de Boston qui ont hérité d'une tradition d'amour et de sollicitude fraternelle, je voudrais rappeler les paroles d'un des fondateurs de cette ville. Durant la navigation vers l'Amérique qui allait être leur nouvelle patrie, il dit à ses compagnons : « Nous devons nous aimer ardemment d'un cœur pur ; nous devons porter le fardeau les uns des autres ». Ces paroles si simples donnent une profonde signification à notre vie : notre vie de frères en Jésus-Christ.

 

Que la paix de Dieu descende sur cette ville de Boston et apporte de la joie à toute conscience, de la joie à chaque cœur !

 

 

 

1er octobre 1979

HOMELIE A « BOSTON COMMON »

 

C'est au parc de « Boston Common » que Jean Paul II a célébré sa première concélébration eucharistique. Au cours de cette cérémonie, le pape a prononcé l'homélie dont voici la traduction.

 

Chers frères et sœurs, Chère jeunesse d'Amérique,

 

1. Aujourd'hui, j'ai débarqué, il y a peu, sur le sol des États-Unis d'Amérique. Au nom du Christ je commence une tournée pastorale qui me conduira dans quelques-unes de vos villes. Au début de l'année, j'ai eu l'occasion de saluer ce Continent et sa population de l'endroit où Christophe Colomb a pris terre : aujourd'hui, je me trouve sur le seuil des États-Unis et je salue de nouveau toutes les populations d'Amérique. Car celles-ci, où qu'elles soient, occupent une place de choix dans l'amour du pape.

 

Je viens aux États-Unis, comme successeur de Pierre et comme pèlerin de la foi. Je suis très heureux de pouvoir faire cette visite. Et ainsi, mon estime et mon affection vont à tous les habitants de ce pays. Je salue tous les Américains, sans distinction : je voudrais vous rencontrer tous et vous dire à tous — hommes et femmes de tout credo et de toute origine ethnique, enfants et jeunes gens, pères et mères, malades et personnes âgées — vous dire que Dieu vous aime, qu'en tant qu'êtres humains, il vous a conféré une dignité incomparable. Je désire dire à chacun de vous que le pape est votre ami, qu'il est le serviteur de votre humanité. En ce premier jour de visite, je désire exprimer mon estime et mon amour pour l'Amérique elle-même; pour l'expérience qui a commencé il y a deux siècles et porte le nom d' « États-Unis d'Amérique » ; pour les réalisations passées de cette terre et pour ses efforts en vue d'un avenir plus juste et plus humain ; pour la générosité avec laquelle cette terre a offert asile, liberté et possibilités d'amélioration à tous ceux qui ont débarqué sur ses rivages ; et pour la solidarité humaine qui vous pousse à collaborer avec toutes les autres nations pour sauvegarder là liberté et pour rendre possible le progrès humain. Je te salue, Amérique la belle !

 

2. Je suis ici parce que j'ai voulu répondre à l'invitation que le secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies m'a, le premier, adressée. Demain, j'aurai l'honneur, comme hôte des Nations unies, de me rendre à ce suprême forum international des nations et d'adresser un discours à l'Assemblée générale : une invitation au monde en faveur de la justice et de la paix, un appel pour la défense de la dignité unique de tout être humain. Je me sens grandement honoré par l'invitation du secrétaire général des Nations unies. En même temps, j'ai conscience de la grandeur et de l'importance du défi qu'une telle invitation apporte avec elle. Dès le premier moment j'ai été persuadé que cette invitation des Nations unies, je l'accepterais en tant qu'évêque de Rome et pasteur de l'Église universelle du Christ. Et ainsi, j'exprime également ma profonde reconnaissance à la Hiérarchie de l'Église catholique aux États-Unis qui s'est associée à l'initiative des Nations unies. J'ai reçu de nombreuses invitations de divers diocèses et de différentes régions de ce pays et même du Canada. Je regrette vivement de ne pouvoir accepter toutes ces invitations. Je ferais volontiers partout une visite pastorale, si cela m'était possible. Mon pèlerinage en Irlande à l'occasion du centenaire du sanctuaire Notre-Dame à Knock a été une convenable introduction à ma visite chez vous. J'espère sincèrement que toute ma visite aux États-Unis d'Amérique sera vue à la lumière de la constitution conciliaire sur « l'Église dans le monde d'aujourd'hui ».

 

Et ce soir, je suis profondément heureux de me trouver avec vous au « Boston Common ». En vous, je salue la ville de Boston et toute sa population, ainsi que l'État du Massachusetts et toutes les autorités civiles. Je salue ici, de manière particulièrement chaleureuse, le cardinal Medeiros et tout l’archidiocèse de Boston. Un souvenir personnel me lie à cette ville où, il y a trois ans, invité par la faculté de Théologie, j'ai eu l'occasion de donner une conférence à l'université de Harvard. En me rappelant cet événement mémorable, j'éprouve le désir de remercier encore une fois les autorités de Harvard et le doyen de la faculté de Théologie pour cette exceptionnelle et précieuse occasion.

 

3. Durant ma première visite aux États-Unis comme pape, je désire, maintenant, à la veille de ma visite à l'Organisation des Nations Unies, adresser quelques mots particuliers aux jeunes ici réunis.

 

Ce soir — et d'une manière toute spéciale — je tends la main à la jeunesse d'Amérique. A Mexico et à Guadalajara, j'ai rencontré la jeunesse d'Amérique latine. A Varsovie et à Cracovie, j'ai rencontré la jeunesse polonaise. A Rome, je rencontre fréquemment des groupes de jeunes d'Italie et de tous les autres pays du monde. Hier à Galway, j'ai rencontré la jeunesse irlandaise. Et maintenant, à ma grande joie, c'est vous que je rencontre. Pour moi, chacune de ces rencontres constitue une découverte nouvelle. Chaque fois je redécouvre chez les jeunes la joie et l'enthousiasme de la vie, la recherche de la vérité et d'un sens plus profond à la vie qui s'ouvre devant eux, avec tout son attrait et tout son potentiel.

 

4. Ce soir, je veux vous répéter ce que je dis habituellement aux jeunes : « vous êtes l'avenir du monde » et « demain vous appartient ». Je souhaite vous rappeler les rencontres que Jésus lui-même eut avec les jeunes de son temps. Les Évangiles nous ont conservé l'intéressant compte rendu d'un entretien que Jésus eut avec un jeune. Nous apprenons ainsi qu'un jeune homme posa au Christ une des questions fondamentales que la jeunesse pose partout : « Que dois-je faire ? » (Mc 10, 17), et qu'il reçut une réponse précise et pénétrante : « ... Alors Jésus le regarda avec amour et lui dit : Viens et suis-moi » (Mc 10, 21). Mais voyez ce qui arriva : le jeune homme qui avait montré tant d'intérêt pour le problème fondamental, « à ces mots, s'en alla contristé, car il avait de grands biens » (Mc 10, 22). Oui, oui, il s'éloigna et — comme on peut le déduire du contexte — il refusa d'accepter l'appel de Jésus.

 

Dans sa concise éloquence, cet événement profondément pénétrant exprime en peu de mots une grande leçon : il touche des problèmes substantiels et des questions de fond qui n'ont rien perdu de leur importance. Partout les jeunes se posent, des questions importantes : des questions sur le sens de la vie, sur la juste manière de vivre, sur la véritable échelle des valeurs : « Que dois-je faire ? Que dois-je faire pour avoir en partage la vie éternelle ? » Ces interrogations témoignent de vos pensées, de vos consciences, de vos cœurs et de vos volontés. Elles disent au monde que vous, les jeunes, vous avez en vous une faculté spéciale d'ouverture à tout ce qui est bon et vrai. En un certain sens, cette ouverture constitue une « révélation de l'esprit humain ». Et dans cette ouverture à la vérité, à la bonté et à la beauté, vous pouvez, chacun de vous, vous retrouver vous-mêmes. Aussi pouvez-vous, dans cette ouverture, faire en quelque sorte la même expérience que le jeune homme de l'Évangile : « Jésus le regarda avec amour» (Mc 10, 21).

 

5. C'est pourquoi, je dis à chacun de vous : accueillez l'appel du Christ quand vous l'entendez dire : « Suis-moi ! » Viens sur mes pas ! Reste à mes côtés ! Demeure en mon amour ! C'est un choix qu'il faut faire : un choix pour le Christ, pour sa manière de vivre, pour son commandement de l'amour.

 

Le message d'amour apporté par le Christ est toujours important, toujours intéressant. Il n'est pas difficile de constater que malgré sa beauté et sa grandeur, malgré les conquêtes de la science et de la technologie, malgré les biens raffinés qu'il offre en abondance, le monde d'aujourd'hui est à la recherche de plus de vérité, de plus d'amour, de plus de joie. Et tout cela, on le trouve dans le Christ et dans son modèle d'existence.

 

Et alors, est-ce que je me trompe quand je vous dis, jeunes catholiques, que parmi vos tâches dans le monde et dans l'Église figure le devoir de révéler le vrai sens de la vie là où la haine, la négligence et l’égoïsme menacent de bouleverser le monde ? Confrontés avec ces problèmes et ces déceptions, nombreux sont ceux qui tenteront d'échapper à leurs propres responsabilités : évasion dans l'égoïsme, évasion dans les plaisirs sexuels, évasion dans les drogues, évasion dans la violence, évasion dans l'indifférence et dans les attitudes cyniques. Mais aujourd'hui, je vous propose l'option de l'amour, qui est le contraire de l'évasion. Si vous l'acceptez réellement, cet amour qui vient du Christ vous conduira à Dieu. Peut-être dans le sacerdoce ou dans la vie religieuse ; peut-être dans quelque service spécial à rendre à vos frères et à vos : sœurs, en particulier, aux nécessiteux, aux pauvres, à ceux qui sont seuls, aux marginaux, à ceux dont les droits ont été piétines, à ceux qui n'ont pas vu satisfaire leurs besoins fondamentaux. Quoi que vous fassiez dans la vie, faites que ce soit un reflet de l'amour du Christ. Le peuple de Dieu tout entier se trouvera enrichi par vos diverses activités. En tout ce que vous ferez, rappelez-vous que le Christ vous appelle, de l'une ou l'autre manière, au service de l'amour : l'amour de Dieu et l'amour du prochain.

 

6. Et maintenant, revenant à l'histoire du jeune homme de l'Évangile, nous constatons qu'il a entendu l'appel : « Suis-moi ! » mais qu'il s'en alla tristement parce qu'il avait beaucoup de biens.

 

La tristesse de ce jeune nous fait réfléchir. On pourrait être tenté de croire que posséder beaucoup de choses, beaucoup de biens de ce monde, peut rendre heureux. Nous voyons par contre, dans le cas du jeune homme de l'Évangile, que la grande richesse fait obstacle à l'acceptation de l'invitation de Jésus à le suivre. Il n'était pas prêt à répondre « oui » à Jésus et « non » à l'évasion.

 

Le véritable amour est exigeant. Je manquerais à ma mission si je ne vous le disais pas clairement. Parce que c'est Jésus — notre Jésus lui-même — qui a dit : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande » (Jn 15, 14). L'amour requiert un effort et un attachement personnel à la volonté de Dieu. Cela signifie discipline et sacrifices, mais cela veut dire également joie et accomplissement humain ?

 

Chers jeunes gens : ne craignez pas l'effort honnête, le travail honnête ; n'ayez pas peur de la vérité ! Avec l'aide du Christ et le concours de la prière vous pouvez répondre à son appel en résistant aux tentations et aux engouements fugaces et à toute forme de manipulation des masses. Ouvrez votre cœur au Christ de l'Évangile — à son amour, à sa vérité et à sa joie. Ne vous en allez pas pleins de tristesse.

 

Et, comme dernière parole pour vous tous qui m'écoutez ce soir, je voudrais vous dire ceci : la raison de ma mission, de mon voyage à traversées États-Unis est de vous dire à chacun — aux jeunes et aux moins jeunes — de dire à chacun au nom du Christ : « Viens et suis-moi ! »

 

Suivez le Christ ! Vous qui êtes mariés ; échangez l'un avec l'autre votre amour et vos fardeaux ; respectez la dignité humaine de votre conjoint ; acceptez joyeusement la vie que Dieu a donnée grâce à vous ; rendez votre mariage stable et sûr pour le bien de vos enfants !

 

Suivez le Christ ! Vous qui vous préparez au mariage. Suivez le Christ ! Vous qui êtes âgés ou jeunes. Suivez le Christ ! Vous qui êtes malades ou vieux ; vous qui souffrez ou êtes dans l'affliction ; vous qui éprouvez le besoin de soins, le besoin d'amour, le besoin d'amitié — suivez le Christ!

 

Au nom du Christ, je vous adresse à tous l'appel, l'invitation, la prière : « Viens et suis-moi !» Voilà pourquoi je me trouve à Boston, ce soir : pour vous appeler au Christ — pour vous appeler tous et pour appeler chacun de vous à vivre dans son amour, aujourd'hui et toujours. Amen !

 

 

 

2 octobre 1979

A NEW YORK : VERS L'O-N.U.

 

Le Saint-Père a été reçu à l'aéroport de New York par les plus hautes autorités de l'État et de la ville ainsi que par le secrétaire général des Nations unies Kurt Waldheim qui lui a souhaité la bienvenue.

 

Monsieur le Secrétaire général, Mesdames et Messieurs,

 

Je réponds avec une vive gratitude aux salutations du secrétaire général des Nations unies. J'envisage ce moment depuis le jour où, dès le début de mon pontificat, il m'a invité à prendre la parole devant la XXXIV° Assemblée générale. Votre aimable initiative qui m'honore grandement était donc à la base du voyage qui m'a d'abord conduit en Irlande et que je vais poursuivre aux États-Unis d'Amérique.

 

Votre Organisation a une importance toute spéciale pour le monde entier, car viennent s'y concentrer les besoins et les aspirations de tous les peuples de la planète. Ce suprême forum international qu'il constitue groupe les efforts et la détermination de tous les hommes et de toutes les femmes de bonne volonté qui tiennent à faire honneur à l'engagement pris il y a trente-quatre ans par les fondateurs des Nations unies et qu'ils ont inscrit dans le premier article de la Charte ; travailler ensemble pour harmoniser l'action des Nations dans la poursuite de la paix et de la sécurité internationales, pour développer les relations amicales entre les nations, pour réaliser la coopération internationale et pour promouvoir le respect des droits humains et des libertés fondamentales en faveur de tous, sans distinction de race, de sexe, de langue et de religion.

 

Précisément le lendemain de l'inauguration solennelle de mon ministère de pasteur suprême de l'Église catholique, m'adressant aux représentants des États et des Organisations internationales, je saisis l'occasion à l'égard du rôle important des Organisations internationales, des Nations unies plus particulièrement. Ici, je désire déclarer encore une fois quelle grande valeur j'attribue à votre institution. C'est pour cette raison que j'ai déclaré en cette autre occasion : « Vous êtes les premiers à être convaincus qu'il ne saurait y avoir de véritable progrès humain ou de paix durable sans la poursuite courageuse, loyale et désintéressée de coopération et d'unité croissantes entre les peuples » (23 octobre 1978).

 

Oui, la conviction qui nous unit dans ce service commun en faveur de l'humanité est que tout effort doit avoir pour fondement « la valeur et la dignité de la personne humaine ». Et, pareillement, c'est la personne humaine — chaque individu — qui doit faire en sorte que les objectifs de votre Organisation se réalisent concrètement en relations d'amitié, en tolérance, en paix et en harmonie pour tous. Si les décisions et résolutions peuvent être adoptées par les représentants des nations, c'est aux hommes qu'incombé leur véritable mise en pratique.

 

En vous, Monsieur le Secrétaire général, Mesdames et Messieurs, je salue, en commençant ma visite aux Nations unies, tous les hommes, femmes et enfants des pays représentés aux Nations unies. Puissent les espérances qu'ils fondent sur nos efforts et sur la solidarité qui nous unissent ne jamais être déçues. Puissent-ils, grâce aux réalisations des Nations unies, faire l'expérience du fait qu'il n'y a qu'un seul monde et que ce monde est la maison de tous les hommes.

 

Je vous remercie. Et que Dieu daigne vous soutenir dans vos sublimes idéaux.

 

 

 

2 octobre 1979

JEAN PAUL II A L'O.N.U.

 

Après avoir gagné le palais des Nations unies, le Saint-Père s'est rendu dans la grande salle où il a prononcé l'important discours ci-dessous aux représentants des nations :

 

Monsieur le Président,

 

1. Je désire exprimer ma gratitude à l'illustre Assemblée générale des Nations Unies à laquelle il m'est permis de participer aujourd'hui et d'adresser la parole. Ma reconnaissance va en premier lieu à M. le Secrétaire général de l'ONU, M. Kurt Waldheim, qui, dès l'automne dernier — peu après mon élection à la chaire de saint Pierre — m'invita à effectuer cette visite, puis renouvela cette invitation en mai dernier lors de notre rencontre à Rome. Dès le début, j'en ai été très honoré et je lui en suis profondément obligé. Et aujourd'hui, devant une si noble Assemblée, je désire vous remercier, Monsieur le Président, de m'avoir si aimablement accueilli et donné la parole.

 

Le Saint-Siège et l'ONU

 

2. Le motif profond de mon intervention aujourd'hui est, sans aucun doute, le lien particulier de coopération qui unit le Siège apostolique à l'Organisation des Nations Unies, comme l'atteste la présence d'un Observateur permanent du Saint-Siège auprès de cette Organisation. Ce lien que le Saint-Siège tient en grande considération, trouve sa raison d'être dans la souveraineté dont le Siège apostolique est revêtu depuis nombre de siècles. Cette souveraineté est limitée, quant à l'étendue territoriale, au petit État de la Cité du Vatican mais elle est motivée par une exigence attachée à la Papauté, qui doit exercer sa mission en toute liberté et qui, en ce qui concerne ses éventuels interlocuteurs, Gouvernements ou Organismes internationaux, doit traiter avec chacun d'eux indépendamment d'autres souverainetés. Bien sûr, la nature et les fins de la mission spirituelle propre au Siège apostolique et à l'Église sont telles que leur participation aux tâches et aux activités de l'ONU est profondément différente de celle des États en tant que communautés au sens politique et temporel.

Les papes et l'ONU

 

3. Le Siège apostolique fait grand cas de sa collaboration avec l'ONU. De plus, depuis la naissance de l'Organisation, il a toujours exprimé son estime, en même temps que son accord, pour la signification historique de cette instance suprême de la vie internationale de l'humanité contemporaine. Il ne cesse pas non plus d'appuyer ses Fonctions et ses initiatives qui ont pour but une pacifique vie en société et la collaboration entre les nations. Nous en avons de nombreuses preuves. Depuis plus de trente ans que l'ONU existe, messages pontificaux et encycliques, documents de l'épiscopat catholique, et jusqu'au Concile Vatican II lui-même lui ont prêté une grande attention. Les papes Jean XXIII et Paul VI regardaient avec confiance vers cette importante institution, qu'ils considéraient comme un signe éloquent et prometteur de notre temps. Et celui qui vous parle actuellement a exprimé aussi à plus d'une reprise, dès les premiers mois de son pontificat, la même foi et la même conviction que celles que nourrissaient ses prédécesseurs.

Unir nations et États

 

4. Cette confiance et cette conviction du Siège apostolique, comme je le disais, proviennent, non pas de raisons purement politiques, mais de la nature religieuse et morale de la mission de l'Église catholique romaine. Celle-ci, en tant que communauté universelle regroupant des fidèles appartenant à presque tous les pays et continents, nations, peuples, races, langues et cultures, s'intéresse profondément à l'existence et à l'activité de l'Organisation qui — comme on peut le déduire de son nom — unit et associe nations et États. Elle unit et associe, et non pas divise et oppose : elle recherche les voies de t'entente et de la collaboration pacifique, essayant, avec les moyens à sa disposition et les méthodes possibles, d'exclure la guerre, la division, ta destruction réciproque au sein de cette grande famille qu'est l'humanité contemporaine.

Respecter la dimension morale et religieuse de l'homme

 

5. Tel est le vrai motif, le motif essentiel de ma présence parmi vous ; et je voudrais dire à votre si noble Assemblée combien je lui sais gré d'avoir pris en considération ce motif qui peut rendre utile, d'une certaine façon, ma présence parmi vous. Le fait que parmi les représentants des États, dont la raison d'être est la souveraineté des pouvoirs liés à un territoire et à une population, se trouve également aujourd'hui le représentant du Siège apostolique et de l'Église catholique revêt évidemment une signification importante. Cette Église est celle de Jésus-Christ qui, devant le tribunal du juge romain Pilate, a déclaré être roi, mais d'un royaume qui n'est pas de ce monde (cf. Jn 18, 36-37). Interrogé ensuite sur la raison d'être de son royaume parmi les hommes, il expliqua : « Je ne suis né, je ne suis venu dans le monde que pour rendre témoignage à la vérité » (Jn 18, 37). Me trouvant donc devant les représentants des États, je désire non seulement remercier, mais aussi vous féliciter d'une manière particulière, car l'invitation à donner la parole au pape dans votre Assemblée démontre que l'Organisation des Nations Unies accepte et respectera dimension religieuse et morale des problèmes humains dont l'Église s'occupe en vertu du message de vérité et d'amour qu'elle doit apporter au monde. Il est certain que, pour les questions qui sont l'objet de votre tâche et de votre sollicitude — comme en témoigne l'ensemble extrêmement vaste et structuré d'institutions et d'activités dirigées par l’ONU ou qui collaborent avec elle, particulièrement dans les domaines de la culture, de la santé, de l'alimentation, du travail, de l'emploi pacifique de l'énergie nucléaire —, il est essentiel que nous nous rencontrions ou nom de l'homme pris dans son intégralité, dans la plénitude et la richesse multiforme de son existence spirituelle et matérielle, comme je l'ai dit dans l'encyclique Redemptor hominis, la première de mon pontificat.

Le service de l'homme

 

6. En cet instant, profitant de l'occasion solennelle d'une rencontre avec les représentants des nations du globe, je voudrais surtout saluer tous les hommes et les femmes qui vivent sur notre terre. Tout homme, toute femme, sans aucune exception. En effet, tout être humain qui habite notre planète est membre d'une société civile, d'une nation, dont beaucoup sont représentées ici. Chacun de vous, Mesdames et Messieurs, est le représentant d'un État, d'un système et d'une structure politique, mais il est surtout le représentant d'unités humaines déterminées ; vous êtes tous les représentants des hommes, pratiquement d'à peu près tous les hommes du globe : d'hommes concrets, de communautés et de peuples qui vivent la phase actuelle de leur histoire et qui, en même temps, sont insérés dans l'histoire de toute l'humanité, avec leur subjectivité et leur dignité de personnes humaines, avec une culture propre, avec leurs expériences et leurs aspirations, leurs tensions et leurs, souffrances, et avec leurs attentes légitimes. C'est dans ce rapport que trouve son motif toute l'activité politique, nationale et internationale, qui, en dernière analyse, vient « de l'homme », s'exerce « par l'homme » et est «  pour l'homme ». Si cette activité prend ses distances par rapport à cette relation et à cette finalité fondamentales, si elle devient, d'une certaine manière, une fin en elle-même, elle perd une grande partie de sa raison d'être. Bien plus, elle peut aller jusqu'à devenir source d'une aliénation spécifique ; elle peut devenir étrangère à l'homme ; elle peut tomber en contradiction avec l'humanité elle-même. En réalité, la raison d'être de toute politique est le service de l'homme, c'est l'adhésion, pleine de sollicitude et de responsabilité, aux problèmes et aux tâches essentiels de son existence terrestre, dans sa dimension et sa portée sociales dont dépend aussi, en même temps, le bien de chaque personne.

 

La Déclaration universelle des Droits de l'Homme

 

7. Je m'excuse de parler de questions qui pour vous, Mesdames et Messieurs, sont certainement évidentes. Il ne semble pas inutile, toutefois, d'en parler car ce qui menace le plus souvent les activités humaines, c'est l'éventualité que, en les accomplissant, on puisse perdre de vue les vérités les plus éclatantes, les principes les plus élémentaires.

 

Permettez-moi de souhaiter que l'Organisation des Nations Unies, en raison de son caractère universel, ne cesse jamais d'être le « forum », la tribune élevée d'où l'on évalue, dans la vérité et dans la justice, tous les problèmes de l'homme. C'est au nom de cette inspiration, c'est à la suite de cette impulsion historique que fut signée le 26 juin 1945, vers la fin de la terrible deuxième guerre mondiale, la Charte des Nations Unies, et que prit naissance, le 24 octobre suivant, votre Organisation. Peu après parut son document fondamental, à savoir la Déclaration universelle des droits de l'homme (10 décembre 1948), de l'homme en tant qu'individu concret et de l'homme dans sa valeur universelle. Ce document est une pierre miliaire placée sur la route longue et difficile du genre humain. Il faut mesurer le progrès de l'humanité non seulement par le progrès de la science et de la technique — qui fait ressortir toute la singularité de l'homme par rapport à la nature — mais en même temps et plus encore par le primat des valeurs spirituelles et par le progrès de la vie morale. C'est proprement en ce domaine que se manifestent la pleine maîtrise de la raison, à travers la vérité, dans les comportements de la personne et de la société, et aussi la domination sur la nature ; et c'est là que triomphe en silence la conscience humaine, selon l'adage antique : Cenus humanum arte et ratione vivit.

 

Alors que la technique, par son progrès unilatéral, se tournait vers des fins belliqueuses d'hégémonie et de conquêtes, poussant l'homme à tuer l'homme et la nation à détruire une autre nation, la privant de la liberté et du droit d'exister — et j'ai toujours présente à l'esprit l'image de la deuxième guerre mondiale en Europe, commencée il y a quarante ans, le l° septembre 1939, par l'invasion de la Pologne, et terminée le 9 mai 1945 — c'est justement alors qu'est née l'Organisation des Nations Unies. Et trois ans plus tard a paru le document qui, comme je l'ai dit, doit être considéré comme une véritable pierre miliaire sur le chemin du progrès moral de l'humanité : la Déclaration universelle des droits de l'homme. Gouvernements et États du monde entier ont compris que, s'ils ne veulent pas s'attaquer et se détruire réciproquement, ils doivent s'unir. Le chemin réel, le chemin fondamental qui y conduit passe par chacun des hommes, par la définition, la reconnaissance et le respect des droits inaliénables des personnes et des communautés des peuples.

Plus jamais de camps de concentration !

 

8. Aujourd'hui, quarante ans après le début de la seconde guerre mondiale, je voudrais me référer à l'ensemble des expériences humaines et nationales vécues par une génération qui est encore en grande partie vivante. Il y a peu de temps, j'ai eu l'occasion de réfléchir à nouveau sur quelques-unes de ces expériences dans l'un des lieux les plus douloureux et les plus débordants de mépris pour l'homme et pour ses droits fondamentaux : le camp d'extermination d'Auschwitz que j'ai visité au cours de mon pèlerinage en Pologne en juin dernier. Ce lieu tristement célèbre n'est malheureusement que l'un de tant de lieux semblables dispersés sur le continent européen. Mais le souvenir d'un seul devrait constituer un signal avertisseur sur les chemins de l'humanité contemporaine afin qu'une fois pour toutes elle fasse disparaître toute forme de camp de concentration partout sur la terre. Et de la vie des nations et des États devrait aussi disparaître pour toujours tout ce qui a un rapport avec ces horribles expériences, c'est-à-dire tout ce qui les prolonge, même sous des formes différentes: toute forme de torture ou d'oppression, physique ou morale, pratiquée par quelque système que ce soit et où que ce soit ; ce phénomène est encore plus douloureux lorsqu'il a lieu sous le prétexte de la « sécurité » intérieure ou de la nécessité de conserver une paix apparente.

Droits de l'homme et « intérêt politique »

 

9. Les personnalités présentes me pardonneront d'évoquer un tel souvenir, mais je ne serais pas fidèle à l'histoire de notre siècle, je ne serais pas honnête en face de cette grande cause de l'homme que nous désirons tous servir, si je me taisais, alors que je viens de ce pays sur le corps vivant duquel Auschwitz a été construit autrefois. Je l'évoque cependant, Mesdames et Messieurs, avant tout pour montrer de quelles douloureuses expériences et de quelles souffrances de millions de personnes est issue la Déclaration universelle des droits de l'homme qui a été mise comme inspiration fondamentale, comme pierre angulaire, de l'Organisation des Nations Unies. Le prix de cette Déclaration, des millions de nos frères et de nos sœurs l'ont payé de leurs souffrances et de leur sacrifice, provoqués par l'abrutissement qui avait rendu aveugle et sourde la conscience humaine de leurs oppresseurs et des artisans d'un vrai génocide. Ce prix ne peut pas avoir été payé en vain ! La Déclaration universelle des droits de l'homme — avec tout son accompagnement des nombreuses Déclarations et Conventions sur les points les plus importants des droits humains en faveur de l'enfance, de la femme, de l'égalité entre les races, et en particulier les deux Pactes internationaux sur les droits économiques, sociaux et culturels, et sur les droits civils et politiques — doit rester pour l'Organisation des Nations Unies la valeur fondamentale à laquelle la conscience de ses membres est confrontée et dont elle tire son inspiration constante. Si on en venait à oublier ou à négliger les vérités et les principes contenus dans ce document, en perdant l'évidence originelle dont ils resplendissaient au moment de sa naissance douloureuse, alors la noble finalité de l'Organisation des Nations Unies, c'est-à-dire la vie en commun des hommes et des nations, pourrait se trouver de nouveau face à la menace d'une nouvelle ruine. Cela se produirait si l'éloquence à la fois simple et forte de la Déclaration universelle des droits de l'homme devait céder la place à un intérêt que l'on dit injustement « politique » mais qui bien souvent signifie seulement gain et profit unilatéral aux dépens d'autrui, ou encore volonté de puissance qui ne tient pas compte des exigences des autres, toutes choses donc qui sont, par nature, contraires à l'esprit de la Déclaration. « L'intérêt politique » ainsi compris, pardonnez-moi, Messieurs, de le dire, déshonore la noble et difficile mission qui caractérise votre service du bien de vos nations et de toute l'humanité.

 

Éduquer l'homme à la paix : « Plus jamais la guerre ! »

 

10. Il y a quatorze ans, mon grand prédécesseur le pape Paul VI parlait à cette tribune. Il a prononcé alors des paroles mémorables que je désire répéter aujourd'hui : « Jamais plus la guerre, jamais plus ta guerre ! ». « Jamais plus les uns contre les autres » et même « pas l'un au-dessus de l'autre », mais toujours, en toute occasion, « les uns avec les autres ».

 

Paul VI a été un serviteur inlassable de la cause de la paix. Moi aussi, je désire le suivre de toutes mes forces et continuer ce service. L'Église catholique, en tous les lieux de la terre, proclame un message de paix, elle prie pour la paix, elle éduque l'homme à la paix. Les représentants et les fidèles d'autres Églises et Communautés, et d'autres religions dans le monde, partagent aussi ce but et s'engagent à son service. Ce travail, uni aux efforts de tous les hommes de bonne volonté, porte évidemment des fruits. Cependant, nous sommes toujours inquiétés par les conflits armés qui éclatent de temps à autre. Comme je remercie le Seigneur lorsqu'on réussit, par une intervention directe, à en conjurer un, comme par exemple la tension qui menaçait l'an dernier l'Argentine et le Chili ! Comme je souhaite que l'on puisse aussi arriver à une solution dans la crise du Moyen-Orient ! Je suis prêt à apprécier à sa juste valeur toute démarche ou tentative concrète réalisée pour résoudre le conflit, mais je rappelle qu'elle n'aurait de valeur que si elle représentait vraiment la « première pierre » d'une paix générale et globale dans la région. Une paix qui, ne pouvant pas ne pas être fondée sur la juste reconnaissance des droits de tous, ne peut pas non plus ne pas inclure la considération et la juste solution du problème palestinien. A ce dernier est lié aussi celui de la tranquillité, de l'indépendance et de l'intégrité territoriale du Liban selon la formule qui en a fait un exemple de coexistence pacifique et mutuellement fructueuse de communautés distinctes : je souhaite que, dans l'intérêt commun, une telle formule soit maintenue, avec bien sûr les adaptations requises par les développements de la situation. Je souhaite en outre un statut spécial, doté de garanties internationales comme l'avait déjà indiqué mon prédécesseur le pape Paul VI, capable d'assurer le respect de la nature particulière de Jérusalem, patrimoine sacré vénéré par des millions de croyants des trois grandes religions monothéistes, le Judaïsme, le Christianisme et l'Islam.

La menace de nouveaux armements

 

Nous ne sommes pas moins troublés par les informations sur le développement des armements qui surpassent tous les moyens de lutte et de destruction que nous ayons jamais connus. Là encore, nous encourageons les décisions et les accords qui visent à en freiner la course. Toutefois, les menaces de destruction, le risque qui se fait jour même quand on accepte certaines informations « tranquillisantes », pèsent lourdement sur la vie de l'humanité contemporaine. La résistance aux propositions concrètes et effectives de désarmement réel — comme celles que cette Assemblée a demandées l'année dernière au cours d'une session spéciale — témoigne que, à côté de la volonté de paix affirmée par tous et désirée par la plupart, coexistent son contraire et sa négation, peut-être cachés, peut-être hypothétiques, mais réels. Les préparatifs de guerre continuels que manifeste en divers pays la production d'armes toujours plus nombreuses, plus puissantes et plus sophistiquées, montrent qu'on veut être prêt à la guerre, et être prêt veut dire être en mesure de la provoquer. Cela veut dire aussi courir le risque que, à tout moment, en tout lieu, de toute manière, quelqu'un puisse mettre en mouvement le terrible mécanisme de destruction générale.

Les racines de la guerre et de la haine

 

11. Un effort continu et encore plus énergique, tendant à liquider même les possibilités de provocation à ta guerre, est donc nécessaire, de façon à rendre impossibles ces cataclysmes, en agissant sur les Comportements, sur les convictions, sur les intentions et les aspirations des gouvernements et des peuples. Ce devoir, dont l'Organisation des Nations Unies et chacune de ses Institutions ont toujours conscience, ne peut pas ne pas être celui de toute société, de tout régime, de tout gouvernement. Toute initiative qui vise à la coopération internationale pour promouvoir le « développement» contribue sans aucun doute à remplir ce devoir. Comme le disait Paul VI dans la conclusion de son encyclique Populorum progressio : « Si le développement est le nouveau nom de la paix, qui ne voudrait y œuvrer de toutes ses forces ? » Au service de cette tâche toutefois, il faut mettre aussi constamment une réflexion et une activité visant à découvrir les racines mêmes de la haine, te la destruction, du mépris, de tout ce qui fait naître la tentation de la guerre, non pas tant dans le cœur des nations que dans la détermination intérieure des systèmes qui sont responsables de l'histoire de sociétés entières. Dans ce travail de titan — véritable travail de construction de l'avenir pacifique de notre planète —, l'Organisation des Nations Unies a indubitablement une tâche-clé et un rôle directeur pour lesquels elle ne peut pas ne pas se reporter aux justes idéaux contenus dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Cette Déclaration en effet a atteint réellement les racines multiples et profondes de la guerre parce que l'esprit de guerre, dans sa signification première et fondamentale, surgit et mûrit là où les droits inaliénables de l'homme sont violés.

 

Il y a là une vision nouvelle, profondément actuelle, plus profonde et plus radicale, de la cause de la paix. C'est une vision qui perçoit, la genèse de la guerre et, en un certain sens, sa substance dans les formes les plus complexes qui dérivent de l'injustice, considérée sous ses aspects les plus variés : cette injustice commence par porter atteinte aux droits de l'homme, rompant ainsi le caractère organique de l'ordre social, et se répercute ensuite sur tout le système des rapports internationaux. L'encyclique Pacem in terris de Jean XXIII synthétise, dans la pensée de l'Église, le jugement le plus proche des fondements idéologiques de l'Organisation des Nations Unies. Il faut, en conséquence, se fonder sur lui et s'y tenir, avec persévérance et loyauté, pour établir ainsi la vraie « paix sur la terre ».

 

L'éminente dignité de l'homme : valeurs matérielles et spirituelles

 

12. En appliquant ce critère, nous devons examiner avec soin quelles sont les tensions principales liées aux droits inaliénables de l’homme qui peuvent faire vaciller la construction de cette paix que tous désirent ardemment et qui est aussi le but essentiel des efforts de l'Organisation des Nations Unies. Ce n'est pas facile, mais c'est indispensable. En entreprenant cette œuvre, chacun doit se situer dans une position complètement objective, se laisser guider par la sincérité, par la disponibilité à reconnaître ses propres préjugés ou erreurs, et même par la disponibilité à renoncer à des intérêts particuliers, y compris les intérêts politiques. La paix est, en effet, un bien plus grand et plus important que chacun d'eux. En sacrifiant ces intérêts à la cause de la paix, nous les servons d'une manière plus juste. Dans l'« intérêt politique » de qui pourrait-il jamais y avoir une nouvelle guerre ?

 

Toute analyse doit nécessairement partir des mêmes prémisses : que tout être humain possède une dignité qui, bien que la personne existe toujours dans un contexte social et historique concret, ne pourra jamais être diminuée, blessée ou détruite, mais qui, au contraire, devra être respectée et protégée, si on veut réellement construire la paix.

Les droits inaliénables de l'homme

 

13. La Déclaration universelle des droits de l'homme et les instruments juridiques tant au niveau international que national, dans un mouvement qu'on ne peut que souhaiter progressif-et continu, cherchent à créer une conscience générale de la dignité de l'homme, et à définir au moins certains des droits inaliénables de l'homme. Qu'il me soit permis d'en énumérer quelques-uns parmi les plus importants qui sont universellement reconnus : le droit à là vie, à la liberté et à la sécurité de la personne ; le droit à l'alimentation, à l'habillement, au logement, à la santé, au repos et aux loisirs ; le droit à la liberté d'expression, à l'éducation et à la culture ; le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion et le droit à manifester sa religion, individuellement ou en commun, tant en privé qu'en public ; le droit de choisir son état de vie, de fonder une famille et de jouir de toutes les conditions nécessaires à la vie familiale ; le droit à la propriété et au travail, à des conditions équitables de travail et à un juste salaire ; le droit de réunion et d'association ; le droit à la liberté de mouvement et à la migration interne et externe ; le droit à la nationalité et à la résidence ; le droit à la participation politique et le droit de participer au libre choix du système politique du peuple auquel on appartient L'ensemble des droits de l'homme correspond à la substance de la dignité de l'être humain, compris dans son intégralité, et non pas réduit à une seule dimension ; ils se réfèrent à la satisfaction des besoins essentiels de l'homme, à l'exercice de ses libertés, à ses rapports avec les autres personnes ; mais ils se réfèrent toujours et partout à l'homme, à sa pleine dimension humaine.

Primat des valeurs spirituelles

 

14. L'homme vit en même temps dans le monde des valeurs matérielles et dans celui des valeurs spirituelles. Pour l'homme concret qui vit et qui espère, les besoins, les libertés et les rapports avec les autres ne correspondent jamais seulement à l'une ou à l'autre sphère des valeurs, mais ils appartiennent aux deux sphères. Il est permis de considérer séparément les biens matériels et les biens spirituels pour mieux comprendre qu'ils sont inséparables dans l'homme concret et pour voir comment, par ailleurs, toute menace contre les droits humains, aussi bien dans le cadre des biens matériels que dans celui des biens spirituels, est également dangereuse pour la paix car elle touche toujours l'homme dans son intégralité.

 

Que mes illustres interlocuteurs me permettent de rappeler une règle constante de l'histoire de l'homme, déjà implicitement contenue dans tout ce qui a été évoqué à propos des droits et du développement intégral de l'homme. Cette règle est fondée sur le rapport entre les valeurs spirituelles et les valeurs matérielles ou économiques. Dans ce rapport, le primat appartient aux valeurs spirituelles par égard pour la nature même de ces valeurs et aussi pour des motifs qui concernent le bien de l'homme. Le primat des valeurs de l'esprit définit la signification des biens terrestres et matériels ainsi que la manière de s'en servir, et se trouve par le fait même à la base de la juste paix. Ce primat des valeurs spirituelles, par ailleurs, contribue à faire que le développement matériel, le développement technique et le développement de la civilisation soient au service de ce qui constitue l'homme, autrement dit qu'ils lui permettent d'accéder pleinement à la vérité, au développement moral, à la possibilité de jouir totalement de ces biens par notre créativité. Oui, il est facile de constater que les biens matériels ont une capacité de satisfaire les besoins de l'homme qui est loin d'être illimitée ; en soi, ils ne peuvent pas être facilement distribués et, dans le rapport entre celui qui les possède ou en jouit et celui qui en est privé, ils provoquent des tensions, des dissensions, des divisions qui peuvent dégénérer souvent en lutte ouverte. Quant aux biens spirituels au contraire, beaucoup peuvent en jouir en même temps, sans limites et sans diminution du bien lui-même. Ajoutons que, plus nombreux sont les hommes qui participent à un tel bien, plus on en jouit et on y puise, et plus ce bien manifeste sa valeur indestructible et immortelle. C'est une réalité qui trouve sa confirmation par exemple dans les œuvres de la créativité, c'est-à-dire de la pensée, de la poésie, de la musique, des arts figuratifs, qui sont autant de fruits de l'esprit de l'homme.

Restaurer la dimension spirituelle

 

15. Une analyse critique de notre civilisation met en évidence le fait que, depuis un siècle surtout, celle-ci a contribué plus que jamais au développement des biens matériels, mais qu'elle a aussi engendré, en théorie et plus encore en pratique, une série de comportements dans lesquels, dans une mesure plus ou moins considérable, la sensibilité pour la dimension spirituelle de l'existence humaine a subi une diminution à cause de certaines prémisses qui ont ramené le sens de la vie humaine de façon prévalente aux multiples conditionnements matériels et économiques, c'est-à-dire aux exigences de la production, du marché, de la consommation, des accumulations de richesses, ou de la bureaucratisation selon laquelle on essaie d'organiser les processus correspondants. Cela ne vient-il pas de ce qu'oïl a subordonné l'homme à une seule conception et à une seule sphère de valeurs ?

 

Sauver les générations futures du fléau de la guerre

 

16. Quel lien peuvent avoir ces considérations avec la cause de la paix et de la guerre ? Étant donné que, comme nous l'avons déjà dit précédemment, les biens matériels, de par leur nature, sont à l'origine de conditionnements et de divisions, la lutte pour les conquérir devient inévitable dans l'histoire de l'homme. En cultivant cette subordination unilatérale des hommes aux seuls biens matériels, nous serons incapables de surmonter cet état de nécessité. Nous pourrons l'atténuer, le conjurer dans des cas particuliers, mais nous ne réussirons pas à l'éliminer de façon systématique et radicale si nous ne mettons pas plus largement en lumière et en honneur, aux yeux de chaque homme, dans le projet de toute société, la seconde dimension des biens : la dimension qui ne divise pas les hommes, mais qui les fait communiquer entre eux, les associe et les unit.

 

Rappelons-nous le fameux prologue de la Charte dés Nations Unies dans lequel les Peuples des Nations Unies, « décidés à sauver les futures générations du fléau de la guerre », ont réaffirmé solennellement « la foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et dans la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des droits des hommes et des femmes, et des nations grandes et petites » : je considère que ce texte entend mettre en évidence la dimension dont je viens de parler.

Tâche particulière de la chrétienté

 

On ne peut pas en effet combattre les premières manifestations des guerres d'une façon seulement superficielle, en s'attaquant à leurs symptômes. Il faut le faire d'une façon radicale, en remontant aux causes. Si je me suis permis d'attirer l'attention sur la dimension des biens spirituels, je l'ai fait par souci de la cause de la paix, laquelle se construit par l'union des hommes autour de ce qui est le plus humain, le plus profondément humain, autour de ce qui élève les esprits humains au-dessus du monde qui les entoure, de ce qui décide de leur grandeur indestructible : oui, indestructible, malgré la mort à laquelle chacun sur cette terre est soumis. Je voudrais ajouter que l’Église catholique et, je pense que je peux le dire, toute la chrétienté voient précisément dans ce domaine leur tâche particulière. Le Concile Vatican II a aidé à préciser ce que la foi chrétienne a en commun, dans cette aspiration, avec les diverses religions non chrétiennes. L'Église est donc reconnaissante envers tous ceux qui, à l'égard d'une telle mission, se comportent avec respect et bienveillance, sans s'y opposer ni la rendre difficile. L'analyse de l'histoire de l'homme, en particulier à l'époque actuelle, montre quel important devoir il y a à faire apparaître plus clairement la portée de ces biens auxquels correspond la dimension spirituelle de l'existence humaine. Elle montre à quel point cette tâche importe pour la construction de la paix et quelle gravité revêt toute menace contre les droits de l'homme. Leur violation, même dans les conditions de « paix », est une forme de guerre contre l'homme. Il semble qu'il existe deux principales menaces dans le monde contemporain, qui concernent l'une et l'autre les droits de l'homme, dans le cadre des rapports internationaux et à l’intérieur de chacun des États ou des sociétés.

Injuste distribution des biens matériels

 

17. Le premier type de menace systématique contre les droits de l'homme est lié, globalement, à la distribution des biens matériels : celle-ci est souvent injuste, aussi bien dans chaque société que sur l'ensemble du globe. On sait que non seulement ces biens sont donnés à l'homme comme richesses de la nature, mais que l'homme en jouit, pour la plus grande partie, comme du fruit de son activité multiple, depuis le travail manuel et physique le plus simple jusqu'aux formes les plus complexes de la production industrielle, jusqu'aux recherches et aux études de spécialisations hautement qualifiées. Bien des formes d'inégalité dans la possession et dans la jouissance des biens matériels s'expliquent souvent par des causes ou des circonstances diverses de nature historique et culturelle. Mais de telles circonstances, même si elles peuvent diminuer la responsabilité morale de nos contemporains, n'empêchent pas que les situations d'inégalité soient marquées au coin de l'injustice et du dommage qu'elles causent à la société.

 

Il faut donc prendre conscience du fait que les tensions économiques qui existent dans les différents pays, dans les rapports entre les États et même entre des continents entiers, comportent en elles-mêmes des éléments substantiels qui limitent ou violent les droits de l'homme, par exemple l'exploitation dans le domaine du travail et les multiples abus qui affectent la dignité de l'homme. Il s'ensuit que le critère fondamental qui permet d'établir une comparaison entre les systèmes socio-économiques et politiques n'est pas et ne peut être le critère de nature hégémonique ou impérialiste, mais peut et même doit être celui de nature humaniste, c'est-à-dire la véritable capacité de chacun d'eux de réduire, de freiner et d'éliminer au maximum les différentes formes d'exploitation de l'homme et d'assurer à celui-ci, par le travail, non seulement la juste distribution des biens matériels indispensables, mais aussi une participation, qui corresponde à sa dignité, à l'ensemble du processus de production et à la vie sociale elle-même qui se forme autour de ce processus. N'oublions pas que l'homme, même s'il dépend pour vivre des ressources du monde matériel, ne saurait en être l'esclave, mais le maître. Les paroles du livre de la Genèse : « Remplissez la terre, soumettez-la » (Gn 1, 28) constituent dans un certain sens une orientation primordiale et essentielle dans le domaine de l'économie et de la politique du travail.

Abîmes entre riches et pauvres

 

18. Assurément, dans ce domaine, l'humanité entière et chacune des nations ont accompli un progrès considérable depuis un siècle. Cependant, les menaces systématiques et les violations des droits de l'homme ne manquent jamais en ce domaine. Bien souvent subsistent comme facteurs de trouble, d'une part, les terribles disparités entre les hommes et les groupes excessivement riches, et, d'autre part, la majorité numérique des pauvres ou même des miséreux, privés de nourriture, de possibilité de travail et d'instruction, condamnés en grand nombre à la faim et aux maladies. Mais une certaine préoccupation est parfois suscitée aussi par une séparation radicale entre le travail et la propriété, c'est-à-dire par l'indifférence de l'homme face à l'entreprise de production à laquelle il est lié seulement par une obligation de travail sans avoir la conviction de travailler pour un bien qui est sien ou pour lui-même.

 

On sait bien que l'abîme entre la minorité de ceux qui sont abusivement riches et la multitude de ceux qui sont dans la misère est un symptôme assurément grave dans la vie de toute société. Il faut redire la même chose, et avec plus d'insistance encore, à propos de l'abîme qui sépare chacun des pays et chacune des régions du globe terrestre. Cette grave disparité, qui oppose des zones de satiété à des zones de faim et de crise, peut-elle être comblée autrement que par une coopération organisée de toutes les nations ? Cela requiert avant tout une union inspirée par une véritable perspective de paix. Mais il faudra voir, et tout en dépendra, si ces différences de niveau de vie et ces, oppositions dans le domaine de la « possession » des biens seront réduites systématiquement, et par des moyens vraiment efficaces ; si disparaîtront de la carte économique de notre terre les zones de la faim, de la sous-alimentation, de la misère, du sous-développement, de la maladie, de l'analphabétisme ; et si la coopération pacifique s'abstiendra de poser des conditions d'exploitation, de dépendance économique ou politique, qui seraient seulement une forme de néocolonialisme.

Libertés civiles et religieuses

 

19. Je voudrais maintenant attirer l'attention sur la seconde espèce de menace systématique dont l'homme est l'objet, dans le, monde actuel, au plan de ses droits intangibles, et qui constitue, autant que la première, un danger pour la cause de la paix, à savoir les diverses formes d'injustice au niveau de l'esprit. On peut en effet blesser l'homme dans son rapport intérieur à la vérité, dans sa conscience, dans ses convictions les plus personnelles, dans sa conception du monde, dans sa foi religieuse, de même que dans le domaine de ce qu'on appelle les libertés civiles où est attribuée une place capitale à l'égalité des droits, sans discrimination fondée sur l'origine, la race, le sexe, la nationalité, la confession religieuse, les convictions politiques et autres. L'égalité des droits veut dire l'exclusion des diverses formes de privilèges pour les uns et la discrimination pour les autres, qu'il s'agisse de personnes nées dans une même nation ou d'hommes appartenant à une histoire, à une nationalité, à une race ou à une culture différentes. L'effort de la civilisation, depuis des siècles, tend vers un but : donner à la vie de toute société politique une forme dans laquelle puissent être pleinement garantis les droits objectifs de l'esprit, de la conscience humaine, de la créativité humaine, y compris la relation de l'homme à Dieu. Et pourtant, nous sommes toujours témoins des menaces et des violations qui resurgissent en ce domaine, souvent sans possibilité de recours aux instances supérieures ou de remèdes efficaces.

 

A côté de l'acceptation de formules légales qui garantissent sur le plan des principes les libertés de l'esprit humain, par exemple la liberté de pensée et d'expression, la liberté religieuse, la liberté de conscience, il existe souvent une structuration de la vie sociale dans laquelle l'exercice de ces libertés condamne l'homme, sinon au sens formel du moins pratiquement, à devenir un citoyen de deuxième ou de troisième, catégorie, à voir compromises ses possibilités de promotion sociale, de carrière professionnelle ou d'accès, à certaines responsabilités, ,et à perdre même la possibilité d'éduquer, librement ses enfants. C'est une question extrêmement importante que, dans la vie sociale interne comme dans la vie internationale, tous les hommes, en toute nation et en tout pays, dans tout régime et dans tout système politique, puissent jouir d'une plénitude effective de leurs droits.

 

Seule cette plénitude effective des droits, garantie à tout homme sans discrimination, peut assurer la paix jusqu'en ses racines.

L'homme a droit à la liberté religieuse

 

20. En ce qui concerne la liberté religieuse — qui ne peut pas ne pas me tenir particulièrement à cœur, à moi en tant que Pape, et précisément par rapport à la sauvegarde de la paix — je voudrais mentionner ici, pour contribuer au respect de la dimension spirituelle de l'homme, quelques principes contenus dans la Déclaration Dignitatis humanae du Concile Vatican II :

 

« En vertu de leur dignité, tous les hommes, parce qu'ils sont des personnes, c'est-à-dire doués de raison et de volonté libre, et, par suite, pourvus d'une responsabilité personnelle, sont pressés, parleur nature même, et tenus, par obligation morale, à chercher la vérité, celle tout d'abord qui concerne la religion. Ils sont tenus aussi à adhérer à la vérité dès qu'ils la connaissent et à régler toute leur vie selon les exigences de cette vérité (n. 2).

 

« De par son caractère même, en effet, l'exercice de la religion consiste avant tout en des actes intérieurs volontaires et libres par lesquels l'homme s'ordonne directement à Dieu : de tels actes ne peuvent être ni imposés ni interdits par aucun pouvoir purement humain. Mais la nature sociale de l'homme requiert elle-même qu'il exprime extérieurement ces actes internes de religion, qu'en matière religieuse il ait des échanges avec d'autres, qu'il professe sa religion sous une forme communautaire » (n. 3).

 

Ces paroles touchent au fond même du problème. Elles prouvent également de quelle façon la confrontation entre la conception religieuse du monde et la conception agnostique ou même athée, qui est l'un des « signes des temps » de notre époque, pourrait conserver des dimensions humaines, loyales et respectueuses, sans porter atteinte aux droits essentiels de la conscience de tout homme ou toute femme qui vivent sur la terre.

 

Ce même respect de la dignité de la personne humaine semble requérir que, lorsque la teneur exacte de l'exercice de la liberté religieuse est discutée ou définie en vue de l'établissement de lois nationales ou de conventions internationales, les institutions qui par nature sont au service de la vie religieuse soient partie prenante. En omettant une telle participation, on risque d'imposer, dans un domaine aussi intime de la vie de l'homme, des normes ou des restrictions contraires à ses vrais besoins religieux.

 

Un avenir meilleur...

 

21. L'Organisation des Nations Unies a proclamé l’année 1979 Année de l'Enfant. Je désire donc, en présence des représentants de nombreuses nations du monde qui sont ici réunis, exprimer la joie que constituent pour chacun d'entre nous les enfants, printemps de la vie, anticipation de l'histoire à venir de chacune des patries terrestres. Aucun pays du monde, aucun système politique ne peut songer à son propre avenir autrement qu'à travers l'image de ces nouvelles générations qui, à la suite de leurs parents, assumeront le patrimoine multiforme des valeurs, des devoirs, des aspirations de la nation à laquelle elles appartiennent, en même temps que le patrimoine de toute la famille humaine. La sollicitude pour l'enfant, dès avant sa naissance, dès le premier moment de sa conception, et ensuite au cours de son enfance et de son adolescence, est pour l'homme la manière primordiale et fondamentale de vérifier sa relation à l'homme.

 

Aussi, que peut-on souhaiter de plus à chaque peuple et à toute l'humanité, à tous les enfants du monde, sinon cet avenir meilleur où le respect des droits de l'homme devienne une pleine réalité dans le cadre de l'an 2000 qui approche ?

Pour tous les enfants de la terre : plus jamais la guerre !

 

22. Mais dans cette perspective nous devons nous demander si la menace de l'extermination globale — dont les moyens se trouvent entre les mains des États d'aujourd'hui, et particulièrement des plus grandes Puissances de la terre — continuera à s'accumuler sur la tête de cette nouvelle génération d'enfants. Devront-ils hériter, de nous, comme un patrimoine indispensable, la course aux armements ? Comment pouvons-nous expliquer cette course effrénée ?

 

Les anciens avaient coutume de dire : « Si vis pacem, para bellum », « si tu veux la paix, prépare la guerre ». Mais notre époque peut-elle encore croire que la spirale vertigineuse des armements est au service de la paix dans le monde ? En mettant en avant la menace d'un ennemi potentiel ; ne pense-t-on pas aussi s'assurer à son tour un moyen de menace pour obtenir la domination, grâce à son propre arsenal de destruction ? Là encore, c'est la dimension humaine de la paix qui tend à s'évanouir en faveur d'impérialismes éventuels et toujours nouveaux. Il faut donc souhaiter ici, de manière solennelle, pour nos enfants, pour les enfants de toutes les nations de la terre, qu'on n'en arrive jamais à un tel point. Et c'est pour cela que je ne cesse de supplier Dieu chaque jour, pour qu'il nous préserve, dans sa miséricorde, d'un jour aussi terrible.

Vivre en paix !

 

23. Au terme de ce discours, je désire exprimer encore une fois, devant tous les hauts représentants des États qui sont ici présents, mes pensées d'estime et d'amour profond pour tous les peuples, pour toutes les nations de la terre, pour toutes les communautés humaines. Chacune d'entre elles a sa propre histoire et sa propre culture ; je souhaite qu'elles puissent vivre et se développer dans la liberté et dans la vérité de leur propre histoire. Car telle est la mesure du bien commun de chacune d'entre elles. Je souhaite que chacun puisse vivre et se fortifier grâce à la force morale de cette communauté qui fait de ses membres des citoyens. Je souhaite que les autorités de l'État, en respectant les justes droits de chaque citoyen, puissent jouir, pour le bien commun, de la confiance de tous. Je souhaite que toutes les nations, même les plus petites, même celles qui ne jouissent pas encore de la pleine souveraineté et celles auxquelles celle-ci a été enlevée par la force, puissent se retrouver dans une pleine égalité avec les autres dans l'Organisation des Nations Unies. Je souhaite que l'Organisation des Nations Unies demeure toujours la tribune suprême de la paix et de la justice : siège authentique de la liberté des peuples et des hommes dans leur aspiration à un avenir meilleur.

 

 

 

2 octobre 1979

AUX ORGANISATIONS INTERNATIONALES NON GOUVERNEMENTALES

 

Après avoir adressé son message à l'Assemblée générale des Nations unies, le Saint-Père a rencontré successivement divers groupes et notamment les représentants des Organisations inter-gouvernementales et de celles non gouvernementales. Il a adressé à ces derniers un discours dont voici la traduction.

 

Mesdames et Messieurs,

 

C'est avec grand plaisir que j'adresse mes salutations aux représentants des Organisations intergouvernementales et non-gouvernementales ici présents. Je vous remercie pour votre cordial accueil.

 

Votre présence au centre des activités des Nations unies est une conséquence de la conscience croissante du fait que les problèmes du monde actuel ne peuvent se résoudre que lorsque toutes les forces s'unissent et tendent vers le même objectif commun. Les problèmes que la famille humaine doit affronter peuvent sembler écrasants. Quant à moi je suis convaincu qu'il existe une immense réserve de forces pour y faire face. L'histoire nous dit que le genre humain est capable de réagir et de changer de cap chaque fois qu'il s'aperçoit clairement qu'il fait fausse route. Vous avez le privilège de pouvoir témoigner, en ce building que les représentants des nations s'efforcent de tracer une voie commune afin que sur cette planète la vie puisse être vécue dans la paix, l'ordre, la justice et le progrès pour tous. Mais vous êtes également conscients du fait que chacun, individuellement doit œuvrer en direction du même but. Ce sont les actions individuelles qui, groupées, peuvent aujourd'hui et demain donner la poussée déterminante qui sera ou bénéfique ou nuisible pour l'humanité.

 

Les différents programmes et organisations qui existent dans le cadre des Nations unies et de même les agences spécialisées et les autres organismes intergouvernementaux constituent une part très importante de l'effort total. Dans le domaine de sa compétence spécifique — alimentation, agriculture, commerce, écologie, développement, science, culture, éducation, santé, secours, ou les problèmes de l'enfance et des réfugiés — chacune de ces organisations apporte une contribution unique non seulement afin de pourvoir aux besoins des peuples, mais aussi afin de promouvoir le respect de la dignité humaine et la cause de la paix dans le monde.

 

Toutefois, aucune organisation, même pas les Nations unies où n'importe laquelle de ses agences spécialisées ne saurait résoudre à elle seule les problèmes globaux qui sont constamment soumis à son attention si sa sollicitude n'est pas partagée par tous les hommes. Et c'est donc là la tâche principale des organisations non gouvernementales : aider à répandre cette sollicitude au sein des communautés et dans les foyers et faire connaître ensuite, aux agences spécialisées, les exigences prioritaires et les aspirations des peuples, afin que les solutions et les projets envisagés répondent vraiment aux besoins de la personne humaine.

 

Les délégués qui signèrent la Charte des Nations unies envisagèrent des gouvernements unis et coopérant, mais derrière les nations, ils considèrent également l'individu et voulurent que tout être humain soit libre et jouisse — homme ou femme — de ses droits fondamentaux. Cette inspiration fondamentale doit être sauvegardée.

 

Je veux exprimer mes meilleurs vœux à vous tous qui travaillez ensemble pour porter les bienfaits de l'action concertée partout dans le monde, je salue cordialement les représentants des diverses associations protestantes, juives et musulmanes et, de manière particulière les représentants des Organisations catholiques internationales. Puissent votre dévouement et votre sens moral ne jamais faiblir devant les difficultés : ne perdez jamais de vue le but ultime de vos efforts : créer un monde où chaque personne humaine puisse vivre dans la dignité et l'harmonie de l'amour comme mi fils de Dieu.

 

 

 

2 octobre 1979

AUX JOURNALISTES DE L'O.N.U.

 

Avant de prendre congé de l'O.N.U., le pape a tenu à recevoir les journalistes accrédités près de cet organisme et leur a adressé le discours dont voici la traduction.

 

Chers amis des moyens de communication,

 

Il me serait, difficile de quitter les Nations unies sans dire « merci » de tout cœur à ceux qui ont fait le reportage, non seulement des événements de ce jour, mais aussi de toutes les activités de cette respectable Organisation. Dans cette assemblée internationale, vous pouvez vraiment être des instrumenta de paix en étant des messagers de la vérité.

 

Car vous êtes vraiment les serviteurs de la vérité; vous êtes ses infatigables émetteurs, diffuseurs, défenseurs. Vous êtes consacrés à la communication pour la promotion de l'unité parmi les nations et ceci par le partage de la vérité entre les peuples.

 

Si vos reportages n'attirent pas l'attention que vous auriez souhaitée, ou si vous n'obtenez pas le succès que vous auriez désiré, ne soyez pas découragés. Ayez confiance en la vérité et en sa transmission car la vérité demeure ; la vérité ne disparaîtra pas. La vérité ne passera pas et elle ne changera pas.

 

Et je vous le dis — c'est le mot d'adieu que je vous adresse — le service de la vérité, le service de l'humanité par la vérité est une tâche qui mérite que vous lui consacriez vos meilleures années, vos dons les meilleurs, vos efforts les plus dévoués. Comme transmetteurs de vérité, vous êtes les instruments de la compréhension entre les peuples et de la paix entre les nations.

 

Que Dieu bénisse votre labeur pour la vérité par les fruits de la paix. C'est ma prière pour vous, pour vos familles et pour ceux que vous servez comme messagers de la vérité et comme instruments de paix.

 

 

 

2 octobre 1979

AU SECRETARIAT DE L'O.N.U.

 

Dans l'après-midi, le pape a rencontré les personnes travaillant au sein de l'O.N.U. et s'est adressé à elles.

 

Mesdames et Messieurs, chers amis,

 

C'est avec grand plaisir que je saisis l'occasion de saluer les membres responsables de la direction des Nations unies à New York, et de répéter devant vous ma ferme conviction au sujet de la valeur extraordinaire et de l'importance du rôle et des activités de cette institution internationale, de toutes ses réalisations et de tous ses projets.

 

Quand vous avez accepté de servir ici, dans l'étude ou la recherche, dans les tâches administratives ou dans ta planification, dans les activités du secrétariat ou d'organisation, vous l'avez fait parce que vous avez cru que votre travail, souvent caché et sans relief dans la complexité de cet organisme, constituait une contribution valable aux buts et aux objectifs de cette Organisation. Et vous avez raison. Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, il existe une possibilité pour tous les peuples, à travers leurs représentants, de se rencontrer constamment et réciproquement pour échanger des points de vues ; pour en discuter et pour chercher des solutions pacifiques, des solutions efficaces devant les conflits et les problèmes qui causent des souffrances dans toutes les parties du monde à un grand nombre d'hommes, de femmes et d'enfants. Vous participez à cette grande tâche universelle. Vous assurez les services, l'information et l'aide indispensable au succès de cette passionnante aventure — vous garantissez la continuité et le bon fonctionnement de l'action. Chacun d'entre vous est un serviteur de l'unité, de la paix et de la fraternité de tous les hommes.

Votre fonction n'est pas moins importante que celle des représentants des nations du monde, pourvu que vous soyez motivés parle grand idéal de la paix dans le monde et de la collaboration fraternelle entre tous les peuples : ce qui compte c'est l'esprit avec lequel vous accomplissez votre tâche. La paix et l'harmonie entre les nations, le progrès de toute l'humanité, la possibilité pour tous les hommes et les femmes de vivre dans la dignité et le bonheur, dépendent de vous, de chacun d'entre vous et des services que vous assurez ici.

 

Les constructeurs des pyramides en Egypte et au Mexique, des temples en Asie ou des cathédrales en Europe, n'étaient pas seulement les architectes qui ont tracé les plans ou ceux qui ont participé au financement mais également et d'une façon non négligeable, les tailleurs de pierre, dont nombreux furent ceux qui n'eurent pas la satisfaction de contempler dans toute leur beauté les chefs-d'œuvre que leurs mains avaient aidé à créer. Et pourtant, ils avaient produit une œuvre d'art qui devait être l'objet de l'admiration des générations à venir.

 

Vous êtes d'une certaine, façon les tailleurs de pierres. Même une vie entière de service dévoué ne vous permettra sans doute pas de voir l'achèvement du monument de la paix universelle, de la collaboration fraternelle et d'une véritable harmonie entre les peuples. De temps en temps, vous aurez un aperçu de cela, dans une réalisation particulièrement réussie, dans la solution d'un problème, dans le sourire heureux d'un enfant en bonne santé, dans un conflit évité, dans la réconciliation d'esprits et de cœurs. Plus souvent, vous expérimenterez seulement la monotonie de votre travail quotidien ou la déception des difficultés bureaucratiques. Mais sachez que votre œuvre est importante et que l'histoire jugera favorablement votre action.

 

Les paris que la communauté mondiale aura à affronter dans les années et les décades futures ne diminueront pas. Le changement rapide des événements du monde, les formidables pas en avant de la science et de la technique accroîtront à la fois le développement en puissance et la complexité des problèmes. Soyez prêts, soyez compétents, mais surtout ayez confiance dans l'idéal que vous servez.

 

Ne considérez pas seulement votre apport en termes de production industrielle croissante d'efficacité excessive ou d'élimination de la souffrance. Envisagez surtout la dignité grandissante de chaque être humain, une possibilité croissante pour chaque personne de progresser vers un accomplissement spirituel, culturel et humain dans la mesure la plus pleine. Votre vocation de service international, tire sa valeur dès-objectifs poursuivis par les organisations internationales. Ces visées transcendent les simples sphères matérielles ou intellectuelles ; elles atteignent des domaines moraux et spirituels. Par votre travail, vous êtes en mesure d'étendre votre amour à toute la famille humaine, à chaque personne qui a reçu le merveilleux don de la vie, pour que tous puissent vivre ensemble dans une paix harmonieuse, dans un monde juste et paisible, dans lequel tous les besoins fondamentaux — physiques, moraux, spirituels — soient comblés.

 

Le visiteur qui se tient devant vous est quelqu'un qui admire ce que vous faites et qui croit en la valeur de votre tâche.

 

Merci de votre accueil. Je salue de tout cœur vos familles également J'espère tout particulièrement que vous ferez l'expérience d'une joie inaltérable dans le travail que vous accomplissez pour le bien de tous les hommes, de toutes les femmes et de tous les enfants de la terre.

 

 

 

2 octobre 1979

DEPART DE L’O.N.U.

 

Concluant sa visite aux Nations-unies, Jean Paul II a prononcé quelques paroles dont voici la traduction :

 

Monsieur le Secrétaire général,

 

Sur le point de terminer ma beaucoup trop brève visite au centre mondial des Nations unies, je désire exprimer mes remerciements cordiaux à tous ceux qui ont été les instruments grâce auxquels cette visite a été possible.

 

Mon merci s'adresse tout d'abord à vous, Monsieur le Secrétaire général, pour votre aimable invitation ; cette invitation n'est pas seulement un grand honneur pour moi mais elle fait que je vous suis redevable de m'avoir permis par ma présence ici, de témoigner publiquement et solennellement, de l'engagement du Saint-Siège à collaborer, dans la mesure compatible avec sa mission propre, avec cette respectable Organisation.

 

Ma gratitude va aussi à l'honorable président de la XXXIV° assemblée générale qui m'a fait l'honneur de m'inviter à m'adresser à ce forum, unique en son genre, des délégués de presque toutes les nations du monde. Dans ma proclamation de l'incomparable dignité de chaque être humain et dans le témoignage de ma ferme croyance en l'unité et en la solidarité de toutes les nations, j'ai eu l'occasion d'affirmer une fois encore l'un des principes de base de ma lettre encyclique : « En définitive, la paix se réduit au respect des droits inviolables de l'homme » (Redemptor hominis, 17).

 

Puis-je également remercier en particulier les délégués des nations qui sont représentées ici, ainsi que tout le personnel des Nations unies pour l'amicale réception qu'ils ont réservée aux représentants du Saint-Siège et tout spécialement notre observateur permanent, l'archevêque Giovanni Cheli.

 

Le message que je voudrais vous laisser est un message de certitude et d'espérance : la certitude que la paix est possible quand elle est basée sur la reconnaissance de la paternité de Dieu et de la fraternité de tous les hommes ; l'espérance que le sens de la responsabilité morale que chaque personne doit assumer rendra possible la création d'un monde meilleur dans la liberté la justice et l'amour.

 

Conscient de ce que mon ministère est vide de sens excepté si je suis le fidèle vicaire du Christ sur la terre, je prends maintenant congé de vous en utilisant les paroles de celui que je représente, Jésus-Christ lui-même : « Je vous laisse ma paix, je vous 'donne ma paix » (Jn 14, 27). Ma prière constante pour vous est celle-ci : que se réalise la paix dans la justice et dans l'amour. Que la voix de la prière de tous ceux qui croient en Dieu — chrétiens et non-chrétiens également — fasse que les ressources morales qui sont présentes dans les cœurs des hommes et des femmes de bonne volonté s'unissent pour le bien commun, et fassent descendre du ciel cette paix que les efforts humains ne peuvent pas réaliser seuls.

 

Que Dieu bénisse les Nations unies.

 

 

 

2 octobre 1979

ARRIVEE A LA CATHEDRALE DE NEW YORK

 

Quittant le palais des Nations unies, le pape s'est rendu au milieu d'un grand concours de foule, à la cathédrale Saint-Patrick. Il était accompagné du cardinal Terence Cooke. Aux très nombreux fidèles présents dans la cathédrale, le pape a adressé les paroles dont nous donnons ici la traduction.

 

Cher cardinal Cooke,

Chers frères et sœurs dans le Christ,

 

Je considère comme une grâce spéciale de revenir à New York, de revenir dans la cathédrale de Saint-Patrick au cours de l'année de son centenaire.

 

Il y a six mois, j'ai écrit une lettre au cardinal Cooke pour l'assurer de « mon très vif espoir de voir la communauté ecclésiale locale, que symbolise ce glorieux édifice de pierre (cf. 1 P 2, 5), se renouveler dans la foi de Pierre et Paul — dans la foi de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ — et chacun d'entre vous prendre de nouvelles forces pour une vie authentiquement chrétienne ». Et ceci est mon espoir pour vous tous aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle je suis ici : pour vous confirmer dans votre sainte foi catholique et apostolique ; pour invoquer sur vous la joie et la force qui vous soutiendra dans la vie chrétienne.

 

A cette occasion, je salue toute la population de New York. D'une façon spéciale mon cœur est avec les pauvres, avec ceux qui souffrent, avec ceux qui sont seuls et abandonnés au milieu de cette immense métropole.

 

Je prie pour le succès de l'apostolat de cet archevêché : que les flèches de la cathédrale Saint-Patrick soient toujours l'image de l'élan avec lequel l'Église remplit sa fonction fondamentale à chaque génération : « orienter le regard de l'homme, diriger l'attention et l'expérience de toute l'humanité vers le mystère de Dieu, aider tous les hommes et toutes les femmes à se familiariser avec la profondeur de la rédemption dans le Christ Jésus » (Redemptor Hominis, 10).

 

Le symbolisme de Saint-Patrick comprend également la mission de l'Église à New York — l'expression de son service vital et particulier en faveur de l'humanité : tourner tes cœurs vers Dieu pour garder l'espérance vivante dans le monde. Et ainsi nous répétons avec saint Paul : « Ceci explique pourquoi nous travaillons et luttons ainsi : notre espérance est fixée sur le Dieu vivant » (1 Tm 4, 10).

 

 

 

2 octobre 1979

AU PEUPLE DE HARLEM

 

Sur le chemin qui le conduisait de l'archevêché de New York au Yankee Stadium, Jean Paul II s'est arrêté d'abord à l'église paroissiale de St Charles Borromée, dans le quartier noir de Harlem, puis dans le quartier portoricain de South Bronx. Voici la traduction de son allocution à Harlem.

 

Chers amis,

Chers frères et sœurs dans le Christ,

 

« Voici le jour qu'a fait le Seigneur ; réjouissons-nous, passons-le dans la joie » (Ps 118, 24).

 

Je vous salue dans la paix et la joie de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ. Je saisis cette occasion de me trouver avec vous et de vous parler et, à travers vous, d'étendre mes salutations à tous les Américains noirs.

 

Selon une suggestion du cardinal Cooke, je suis heureux d'inclure dans mes projets une visite à la paroisse de Saint Charles Borromée à Harlem, et à la communauté noire qui s'y trouve. Depuis un demi-siècle cette communauté a entretenu ici les racines culturelles, sociales et religieuses de la population noire. J'ai beaucoup désiré me trouver ici ce soir.

 

Je viens à vous comme serviteur de Jésus-Christ, et je désire vous parler de lui. Le Christ est venu porter la joie : joie aux enfants, joie aux parents, joie aux familles et aux amis, joie aux ouvriers et aux intellectuels, joie aux malades et aux personnes âgées, joie à toute l'humanité. Dans un véritable sens, la joie donne le ton du message chrétien et c'est un motif qui revient souvent dans les Évangiles. Rappelez-vous les premiers mots de l'ange à Marie : « Réjouis-toi, pleine de grâces, le Seigneur est avec toi » (Lc l, 28). Et à la naissance de Jésus, les anges viennent dire aux bergers : « Écoutez, je vous apporte une grande joie, une joie à partager avec tout le peuple » (Lc 2, 10). Des années plus tard, Jésus entrait à Jérusalem monté sur un âne, « dans sa joie toute la foule des disciples se mit à louer Dieu d'une voix forte... ils disaient « Béni soit celui qui vient, lui le roi, au nom du Seigneur » (Lc 19, 37-38). Certains pharisiens, nous dit-on, qui se trouvaient dans la foule s'en plaignirent et dirent : « Maître, arrête tes disciples. » Mais Jésus répondit : « Je vous le dis, si eux se taisent, les pierres crieront » (Le 19, 39-40).

 

Ces paroles de Jésus ne sont-elles pas vraies aujourd'hui encore ? Si nous gardons le silence sur la joie qui vient de la connaissance de Jésus, les pierres elles-mêmes de notre ville se mettront à crier ! Car nous sommes le peuple de la Pâque et notre chant est « Alléluia ». Avec saint Paul, je vous exhorte : « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur, je vous le répète, réjouissez-vous » (Ph 4, 4).

 

Réjouissez-vous car Jésus est venu dans le monde !

Réjouissez-vous car Jésus est mort sur la croix !

Réjouissez-vous car il est ressuscité d'entre les morts !

Réjouissez-vous car dans le baptême il vous a lavé de vos péchés !

Réjouissez-vous car Jésus est venu nous libérer !

Et réjouissez-vous car il est le maître de la vie !

 

Mais combien de gens n'ont jamais connu cette joie ? Ils se nourrissent de choses vaines et suivent les sentiers du désespoir. « Ils marchent dans les ténèbres et dans les ombres de la mort » (Lc,1, 79). Et il n'est pas nécessaire d'aller les chercher au bout du monde. Ils vivent dans notre voisinage, ils marchent dans nos rues, ils peuvent même être les membres de nos propres familles. Ils vivent sans véritable joie parce qu'ils vivent sans espérance. Ils vivent sans espérance parce qu'ils n'ont jamais entendu la bonne nouvelle de Jésus-Christ, parce qu'ils n'ont jamais rencontré un frère ou une sœur qui aient atteint leur vie avec l'amour de Jésus et qui les aient tirés de leur misère.

 

Nous devons donc aller à eux comme des messagers d'espérance. Nous devons leur apporter le témoignage de la vraie joie. Nous devons les assurer de notre engagement à travailler pour une société juste et une ville où ils se sentent respectés et aimés.

 

Ainsi je vous encourage à être des hommes et des femmes d'une foi profonde et inébranlable. Soyez les hérauts de l'espérance. Soyez les messagers de la joie. Soyez de véritables artisans de la justice. Que la Bonne Nouvelle du Christ rayonne de vos cœurs et que la paix que lui seul peut donner demeure toujours en vos cœurs.

 

Mes chers frères et sœurs de la. communauté noire : « Réjouissez-vous dans le Seigneur toujours, je vous le dis encore, réjouissez-vous ! »

 

 

 

2 octobre 1979

AU PEUPLE DE SOUTH BRONX

 

Le pape s'est adressé en espagnol à la communauté très importante de personnes immigrées vivant à New York dans ce secteur.

 

Chers frères et sœurs et amis,

 

L'une des visites auxquelles j'attache une grande importance et auxquelles j'aurais aimé pouvoir consacrer davantage de temps est justement celle que je fais en ce moment à South Bronx, dans cette immense ville de New York, où vivent de nombreux immigrants de différentes couleurs et races et venant de divers pays. Et parmi eux la nombreuse communauté de langue espagnole, vous-mêmes à qui je m'adresse maintenant.

 

Je viens ici parce que je suis informé des difficiles conditions d'existence qui sont les vôtres, parce que je sais que vos vies sont marquées par la souffrance. C'est la raison pour laquelle vous avez droit à une attention spéciale de la part du pape.

 

Ma présence ici entend être un signe de gratitude et un encouragement pour ce que l'Église a fait et continue à faire, dans les paroisses, les écoles, les centres sanitaires, les institutions d'assistance pour la jeunesse et la vieillesse, à l'égard de tant de ceux qui font l'expérience de l'anxiété morale et des besoins matériels.

 

Je voudrais que la flamme de l'espérance — qui est parfois la plus petite espérance — non seulement ne s'évanouisse pas mais qu'elle grandisse en force de façon à ce que tous ceux qui vivent dans cette zone et dans la ville arrivent à pouvoir vivre dans la sérénité et dans la dignité, comme personnes humaines individuelles, comme familles, en fils et filles de Dieu.

 

Frères et sœurs et amis, ne vous découragez pas mais travaillez ensemble, faites les pas qui sont en votre possibilité pour faire grandir votre dignité, unissez vos efforts pour arriver à atteindre le but d'une élévation humaine et morale. Et surtout n'oubliez pas que Dieu préside à votre vie, qu'il chemine avec vous, qu'il vous appelle au meilleur, au dépassement.

 

Mais comme l'aide extérieure est également nécessaire, je lance un pressant appel aux dirigeants, à ceux qui peuvent faire quelque chose, pour qu'ils donnent leur généreuse collaboration à une aussi louable et urgente tâche.

 

Qu'il plaise à Dieu de faire que le projet de construction — et d'autres réalisations nécessaires — devienne bientôt une belle réalité et qu'ainsi chaque personne et chaque famille puisse trouver une habitation convenable pour y vivre en paix sous le regard de Dieu.

 

Mes amis, je vous salue et je salue tous ceux qui vous sont chers. Je vous bénis et je vous encourage à ne pas vous laisser abattre dans votre avancée sur la bonne voie.

 

 

 

2 octobre 1979

HOMELIE AU « YANKEE STADIUM »

 

Plus de 80 000 fidèles de New York étaient réunis le soir du 2 octobre au « Yankee Stadium » pour participer à la célébration présidée par le Saint-Père. Après la proclamation de l'Évangile, le pape a prononcé l'homélie dont voici la traduction :

 

1. « La paix soit avec vous ! »

 

Ce furent les premières paroles que Jésus dit aux Apôtres après sa résurrection. Avec ces paroles le Christ ressuscité rétablit la paix dans leurs cœurs, alors qu'ils étaient encore sous le coup de l'émotion après la terrible épreuve du Vendredi Saint. Au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ, par la puissance de son Esprit, ce soir, dans un monde angoissé par sa propre existence, je vous répète ces paroles, parce que ce sont des paroles de vie : « La paix soit avec vous ! »

 

Jésus ne nous a pas donné simplement la paix. Il nous a donné sa Paix accompagnée de sa Justice. Il s'est fait notre Paix et notre Justice.

 

Que signifie ceci ? Cela signifie que Jésus-Christ — le Fils de Dieu fait homme, l'Homme parfait — complète, rétablit et manifeste en lui-même l'inégalable dignité que Dieu souhaitait donner à l'homme dès l'origine. Il est Celui qui réalise en lui-même ce que l'homme a la vocation d'être celui qui est pleinement réconcilié avec le Père, complètement un en soi-même, entièrement dévoué aux autres. Jésus-Christ est la Paix vivante et la Justice vivante.

Jésus nous rend participants de ce qu'il est. Par son Incarnation, le Fils de Dieu s'unit, d'une certaine manière, à chaque être humain. Il nous a recréés dans notre être le plus profond ; au plus intime de nous-mêmes, il nous a réconciliés avec Dieu, il nous a réconciliés avec nous-mêmes, il nous a réconciliés avec nos frères et nos sœurs : il est notre Paix.

 

2. Que d'insondables richesses, en nous-mêmes et dans nos communautés chrétiennes ! Nous sommes porteurs de la Justice et de la Paix de Dieu ! Nous ne sommes pas essentiellement les édificateurs appliqués d'une justice et d'une paix qui soient seulement humaines. Nous sommes essentiellement les humbles bénéficiaires du véritable amour de Dieu, qui est Justice et Paix, dans les liens de la Charité. Lorsque, durant la messe, le prêtre nous salue en disant : « La paix du Seigneur soit avec vous à jamais ! », pensons avant tout à cette Paix qui est un don de Dieu : Jésus-Christ notre Paix. Et quand, avant la communion, le prêtre nous invite à donner l'un à l'autre un signe de paix, pensons avant tout au fait que nous sommes invités à échanger l'un avec l'autre la Paix du Christ qui demeure en nous, qui nous invite à participer à son Corps et à son Sang pour notre joie et pour le service de toute l'humanité.

 

Car la Justice et la Paix de Dieu exigent de porter fruit dans les oeuvres humaines de justice et de paix, dans toutes les sphères de la vie actuelle. Lorsque nous, les chrétiens, nous faisons de Jésus le centre de nos sentiments et de nos pensées, nous ne nous détournons pas, de ce fait, des gens et de leurs besoins. Au contraire, nous sommes entraînés dans l'éternel mouvement de l'amour de Dieu qui vient à notre rencontre ; nous sommes happés par le mouvement du Fils qui est venu parmi nous, qui est devenu l'un de nous ; nous sommes saisis dans le mouvement de l'Esprit qui visite les pauvres, apaise les cœurs troublés, guérit les cœurs blessés, réchauffe les cœurs tièdes et nous donne la plénitude de ses dons. Si l'homme est la voie première et fondamentale de l'Église, la raison en est que l'Église marche sur les traces du Christ : c'est Jésus qui lui a montré le chemin. Ce chemin passe inéluctablement, à travers le mystère de l'Incarnation et de la Rédemption ; du Christ il conduit à l'homme, L'Église regarde le monde avec les yeux du Christ : Jésus est le principe de sa sollicitude pour l'homme (cf. Redemptor hominis, 13-18).

 

3. La tâche est immense. Et elle est captivante. Je viens tout juste d'en souligner quelques aspects devant l'Assemblée générale des Nations Unies et j'en mettrai d'autres en évidence au cours de mon voyage apostolique dans votre pays.

 

Aujourd'hui, permettez-moi d'insister sur l'esprit et la nature de la contribution qu'apporté l'Église à la cause de la justice et de là paix ; permettez-moi aussi de mentionner certaines priorités urgentes sur lesquelles votre service à l'humanité doit aujourd'hui concentrer ses efforts.

 

L'opinion sociale et l'action sociale inspirées par l'Évangile doivent toujours être empreintes d'une sensibilité spéciale à l'égard de ceux dont la détresse est la plus grande, de ceux qui sont extrêmement pauvres, de ceux qui souffrent le plus des maux physiques, mentaux et moraux qui affectent l'humanité, y compris la faim, la discrimination, le chômage, le désespoir. Il y a tant de pauvres gens de ce genre dans le monde. Il y en a tant parmi vous. A de nombreuses occasions votre pays a très justement mérité une enviable réputation de générosité tant publique que privée. Soyez fidèles à cette tradition, en harmonie avec vos grandes possibilités et vos responsabilités présentes. Le réseau d’œuvres caritatives de tout, genre que l'Église a réussi à créer ici constitue un efficace instrument pour mobiliser effectivement de généreuses, entreprises, destinées à porter secours aux situations de détresse qui se présentent sans cesse tant ici que partout ailleurs dans le monde. Faites l'effort de vous assurer que cette forme de secours conserve son caractère irremplaçable de rencontre personnelle et fraternelle avec ceux qui sont dans le besoin ; le cas échéant, rétablissez ces caractère en dépit de tous les facteurs qui agissent en sens contraire. Que cette forme d'assistance soit respectueuse de la liberté et de la dignité de ceux qui en bénéficient ; qu'elle soit un moyen de former la conscience des donateurs.

 

4. Mais ce n'est pas suffisant. Dans le cadre de vos institutions nationales et en collaboration avec tous vos compatriotes vous devez tâcher de découvrir les raisons structurelles qui entretiennent ou provoquent tes diverses formes de pauvreté dans te monde et dans votre propre pays, afin de pouvoir y porter opportunément remède. Ne vous laissez pas intimider ou décourager par des explications simplistes qui sont des explications idéologiques plutôt que scientifiques et qui tentent d'expliquer un mal complexe par quelque simple cause. Mais ne reculez pas non plus devant les réformes — spécialement les réformes profondes — des comportements et des structures, qui pourraient se révéler indispensables pour recréer à nouveau les conditions permettait, aux défavorisés d'avoir de nouvelles chances dans leur lutte pour la vie. Les pauvres des États-Unis et du monde entier sont vos frères et sœurs en Jésus-Christ. Ne vous contentez pas de leur laisser les reliefs du festin ! Vous devez puiser dans votre avoir : et non dans votre superflu pour les aider. Et vous devez les traiter comme des invités à votre table !

 

5. Catholiques des États-Unis, tout en développant vos propres institutions légitimes, vous participez de ce chef au développement des affaires du pays, dans le cadre des institutions et des organisations issues de votre histoire nationale commune et de votre intérêt commun. Tout cela vous le faites, la main dans la main, avec vos compatriotes de n'importe quel credo ou confession. L'union entre vous dans toutes les tentatives semblables est essentielle, sous la direction de vos évêques afin d'approfondir, de proclamer et de servir effectivement la vérité sur l'homme, sur sa dignité, sur ses droits inaliénables ; la vérité telle que l'Église l'a reçue dans la Révélation et telle qu'elle n'a cessé, à la lumière de l'Évangile, de la développer dans sa doctrine sociale. Ces convictions partagées ne constituent pas, toutefois, un modèle tout fait pour la société (cf. Octogesima Adveniens, 42). C'est principalement la tâche des laïcs de les appliquer dans des projets concrets, de déterminer les priorités et de développer des systèmes susceptibles de promouvoir le vrai bien de l'homme. Dans sa Constitution pastorale Gaudium et Spes, le Concile Vatican II nous dit : « Que les laïcs attendent des prêtres lumières et forces spirituelles. Qu'ils ne pensent pas pour autant que leurs pasteurs aient une compétence telle qu'ils puissent leur fournir une solution concrète et immédiate à tout problème, même grave, qui se présente à eux, ou que telle soit leur mission » (Gaudium et Spes, 43).

 

6. Pour mener cette entreprise à son plein succès, une grande vigueur spirituelle et morale puisée à l'intarissable source divine est indispensable. Cette vigueur ne se développe pas facilement. De nombreux membres de notre société riche et permissive mènent une existence commode et, dans les pays les plus pauvres, il y a de plus en plus de personnes qui pratiquent le même genre d'existence. Comme je l'ai dit l'an dernier devant l'Assemblée plénière de la Commission pontificale Justitia et Pax : « Les chrétiens voudront être à l'avant-garde pour susciter des conditions et des modes de vie qui rompent de manière décisive avec une frénésie de consommation, épuisante et sans joie » (11 novembre 1978). Il n'est pas question de freiner le progrès, pour le bon motif qu'il n'y a pas de véritable progrès humain lorsque tout conspire pour donner libre champ aux instincts, à l'égoïsme, à la sexualité, au pouvoir. Nous devons trouver le moyen de vivre avec simplicité. Il n'est pas juste que les pays riches tentent de maintenir leur niveau de vie en épuisant une grande partie des réserves d'énergie et de matières premières qui ont été destinées aux besoins de toute l'humanité. Aussi, la disponibilité à promouvoir une plus grande et plus juste solidarité entre les peuples est-elle la condition première de la paix. Catholiques des États-Unis et vous tous, citoyens des États-Unis vous avez une telle tradition de générosité spirituelle, d'empressement, de simplicité et de sacrifice que vous ne pourrez manquer d'écouter aujourd'hui cet appel à un nouvel enthousiasme et à une détermination renouvelée. C'est dans la joyeuse simplicité d'une vie inspirée par l'Évangile, et dans l'esprit évangélique du partage fraternel, que vous trouverez la meilleure défense contre l'âpre critique, le doute paralysant, et la tentation de faire de l'argent le moyen principal et donc la principale mesure du progrès humain.

 

En diverses occasions, j'ai rappelé la parabole évangélique du mauvais riche et de Lazare : « Il y avait un homme riche qui s'habillait de pourpre et de lin fin, et qui chaque jour faisait brillante chère. Et un pauvre du nom de Lazare gisait près de son portail tout couvert d'ulcères. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche... » (Lc 16, 19 et sv.). Tant le riche que le mendiant moururent et, portés devant Abraham, ils furent jugés sur leur conduite. Les Écritures nous disent que Lazare trouva l'apaisement et que le riche sombra dans les tourments. Le riche fut-il condamné parce qu'il abondait en biens terrestres, parce qu'il « s'habillait de pourpre et de lin fin et qu'il faisait brillante chère » ? Non ! Je puis bien vous dire que ce n'est pas là la raison. L'homme riche a été condamné parce qu'il n'a prêté aucune attention à l'autre homme. Parce qu'il a négligé de prendre des nouvelles de Lazare, le malheureux qui gisait à sa porte et aurait voulu se rassasier des miettes qui tombaient de sa table. Le Christ ne condamne jamais la simple possession des biens matériels en tant que telle. Par contre, il a eu des mots extrêmement sévères pour condamner ceux qui se servent de leurs biens de manière égoïste sans s'occuper des besoins de leur prochain. Le Sermon sur la Montagne commence par les mots : « Heureux ceux qui sont pauvres en esprit ». Et à la fin du discours sur le jugement dernier que nous transmet l'évangile de saint Matthieu, Jésus prononça les paroles que nous connaissons si bien : « J'ai eu faim et vous ne m'avez pas donné à manger, j'ai eu soif et vous ne m'avez pas donné à boire ; j'étais un étranger et vous ne m'avez pas vêtu ; malade et prisonnier et vous ne m'avez pas visité » (Mt 25, 42-43).

 

Il faut que nous gardions toujours dans la mémoire la parabole du riche et de Lazare : elle doit façonner notre conscience. Le Christ attend de nous l'ouverture vers nos frères et nos sœurs qui se trouvent dans le besoin — ouverture de la part des riches, des opulents, des économiquement privilégiés ; ouverture vers les pauvres, les sous-développés, les défavorisés. Le Christ nous demande, une ouverture qui soit bien plus qu'une bienveillante attention, bien plus que des gestes symboliques ou des interventions mesquines qui laissent le pauvre indigent comme il l'était auparavant, sinon plus.

 

Toute l'humanité doit méditer la parabole de l'homme riche et du mendiant L'humanité devra la traduire en ternies contemporains, en termes d'économie et de politique, en termes de droits humains, en termes de relations entre le « Premier », le « Second » et le « Tiers-monde ». Nous ne pouvons pas rester passifs, jouissant de nos richesses et de notre liberté si quelque part le Lazare du XX° siècle gît à nos portes. A la lumière de la parabole du Christ, la richesse et la liberté confèrent une responsabilité spéciale. La richesse et la liberté imposent des obligations particulières. Et ainsi, au nom de la solidarité qui nous unit tous ensemble dans une humanité commune, je proclame de nouveau la dignité de chaque personne humaine : l'homme riche et Lazare sont l'un et l'autre des êtres humains créés à l'image et à la ressemblance de Dieu, tous également rachetés par le Christ à très haut prix, le prix du « précieux sang du Christ » (1 P 1, 19).

 

Frères et sœurs en le Christ, je vous répète avec profonde conviction et vive affection les paroles que j'ai adressées au monde quand j'ai accepté le ministère apostolique au service de tous les hommes et de toutes les femmes : « N'ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! A sa puissance salvatrice ouvrez les frontières des États, les systèmes économiques et politiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation, du développement. N'ayez pas peur ! Le Christ sait ce qu'il y a dans l'homme, lui seul le sait ! » (Discours du 22 octobre 1978).

 

Comme je vous l'ai dit au début, le Christ est notre Justice et notre Paix, et toutes nos œuvres de Justice et de paix tirent de cette source l'irremplaçable énergie et la lumière nécessaire pour accomplir l'immense tâche qui nous attend. Lorsque nous nous engageons résolument au service de tous les besoins des individus et des peuples — et te Christ nous presse à le faire — n'oublions jamais que, la mission de l'Église ne se limite pas à ce témoignage de la fécondité sociale de l'Évangile. Le long de la voie qui la mène à l'homme, l'Eglise n'offre pas seulement, dans le domaine de la justice et de la paix, les fruits terrestres de l'Évangile, elle porte à l'homme — à chaque personne humaine — sa véritable source : Jésus-Christ lui-même, notre Justice et notre Paix !

 

 

 

3 octobre 1979

A NEW YORK : PRIERE A LA CATHEDRALE

 

Le 3 octobre, le Saint-Père a participé à la prière matinale dans le cadre de la cathédrale  Saint-Patrick.   Aux   nombreux   évêques, prêtres, religieux et religieuses, séminaristes, laïcs et membres d'autres Églises chrétiennes qui ont prié avec lui, Jean Paul II a adressé une allocution dont voici la traduction :

 

Chers frères et sœurs, Saint Paul demande : « Qui nous séparera de l'amour du Christ ? »

 

Tant que nous restons ce que nous sommes ce matin — une communauté de prière unie dans le Christ, une communauté ecclésiale de louange et d'adoration du Père — nous comprendrons et expérimenterons la réponse que personne — et absolument rien — ne pourra jamais nous séparer de l'amour du Christ. Pour nous aujourd'hui, cette prière matinale de l'Église est une joyeuse célébration commune de l'amour de Dieu dans le Christ.

 

La liturgie des Heures a une énorme valeur. Avec elle tous tes fidèles, mais spécialement les prêtres et les religieux, remplissent un rôle de première importance, la prière du Christ continue dans le monde. Le Saint-Esprit lui-même intercède pour le peuple de Dieu (cf. Rm 8, 27). Avec ses prières et ses remerciements, la communauté chrétienne glorifie la sagesse, la puissance, la providence de notre Dieu et le salut qui vient de lui.

 

Dans cette prière de louanges, nous élevons nos cœurs vers le Père de Notre-Seigneur Jésus-Christ, emportant avec nous les angoisses et les espérances, les joies et les souffrances de tous nos frères et sœurs dans le monde.

 

Et notre prière devient en même temps une école de sensibilité qui nous rend conscients de la manière étroite dont nos destins sont liés dans la famille humaine. Notre prière devient une école d'amour, un genre particulier d'amour chrétien consacré en vertu duquel nous aimons le monde, mais avec le cœur de Jésus.

 

Par la prière du Christ à qui nous prêtons notre voix, notre journée se trouve sanctifiée, nos activités transformées, nos actions consacrées. Nous récitons les mêmes psaumes que Jésus a récités et nous entrons en contact personnel avec lui — celui vers qui tendent les Écritures, celui qui est le but vers lequel est orientée toute l'histoire.

 

Dans notre célébration de la Parole de Dieu, le mystère de Dieu s'ouvre devant nous et nous enveloppe. Et grâce à l'union avec notre tête, Jésus-Christ, nous devenons de plus en plus une seule chose avec tous les membres de son Corps. Comme jamais auparavant, il nous devient possible de nous étendre et d'embrasser le monde, mais de l'embrasser avec le Christ : avec authentique générosité, avec pur et effectif amour, dans le service, dans l'apaisement, dans la réconciliation.

 

L'efficacité de notre prière rend un honneur spécial au Père car elle se fait toujours à travers le Christ et pour la gloire de son nom : « Nous te demandons ceci par l'intercession de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ, ton Fils, qui vit et règne avec toi et avec le Saint-Esprit, un seul Dieu, pour tous les siècles des siècles. »

 

En tant que communauté, de prière et de louange, si nous-plaçons la liturgie des, Heures parmi les plus hautes priorités de la journée — chaque jour — nous pouvons être certains que jamais rien ne nous séparera de l'amour de Dieu qui est en Jésus-Christ Nôtre-Seigneur.

 

 

 

3 octobre 1979

AU MADISON SQUARE GARDEN

 

Chère jeunesse,

 

Je suis heureux de me trouver avec vous au Madison Square Garden. Celui-ci est aujourd'hui un jardin de vie où la jeunesse est bien vivante : vivante d'espérance et d'amour, vivante de la vie du Christ. Et c'est au nom du Christ qu'aujourd'hui je salue chacun de vous.

 

On m'a dit que vous provenez pour la plupart des écoles supérieures catholiques. C'est pourquoi je voudrais vous dire quelques mots au sujet de l'enseignement catholique, vous dire pourquoi l'Église le tient pour si important et dépense tant d'énergie pour vous munir, vous et des millions d'autres jeunes, d'une éducation catholique. La question peut être synthétisée en un seul mot, en une seule personne : Jésus-Christ. L'Église veut vous communiquer le Christ !

 

Voilà ce que l'éducation fait avant tout ; voici ce qui donne le sens à la vie : connaître le Christ comme un ami, comme quelqu'un qui prend soin de vous, qui est à vos côtés et aux côtés de tous, ici et partout, peu importe le langage qu'ils parlent, le vêtement qu'ils portent ou la couleur de leur peau.

 

Et ainsi le dessein de l'Église est de vous communiquer le Christ afin que votre attitude à l'égard d'autrui soit celle du Christ. Vous êtes proches du moment de votre vie où vous devrez prendre vos responsabilités pour votre propre destin. Bientôt vous aurez à prendre d'importantes décisions qui influenceront tout le cours de votre vie. Si ces décisions reflètent l'attitude du Christ, votre éducation aura été un succès.

 

Nous devons apprendre à affronter les défis aussi bien que les crises à la lumière de la Croix du Christ et de la Résurrection. Entre autres, notre éducation catholique a pour but d'ouvrir les yeux sur tes besoins d'autrui et d'avoir le courage de mettre en pratique ce que nous croyons. A l'aide d'une éducation catholique, nous tâchons d'affronter n'importe quelle circonstance de la vie en nous comportant comme le Christ. Oui, l'Église veut vous communiquer le Christ pour que vous puissiez acquérir la pleine maturité en lui qui est l'homme parfait et, en même temps, le Fils de Dieu.

 

Chers jeunes gens, vous et moi, et tous ensemble nous constituons l'Église et nous sommes convaincus que c'est uniquement dans le Christ que nous trouverons un véritable amour et la plénitude de vie.

 

Et ainsi, aujourd'hui je vous engage à regarder vers le Christ

 

Quand vous vous étonnez de votre propre mystère, regardez vers le Christ qui vous donne le sens de la vie.

 

Quand vous cherchez a savoir ce que signifie être une personne mûre, regardez vers le Christ qui est la plénitude de l'humanité.

 

Et si vous vous interrogez sur votre rôle dans l'avenir du monde et celui des États-Unis, regardez vers le Christ.

 

C'est dans le Christ seul que vous pourrez exprimer votre potentiel comme citoyen américain et citoyen de la communauté mondiale.

 

Avec votre éducation catholique, vous avez reçu le plus grand des dons : la connaissance du Christ. Au sujet de ce don, saint Paul a écrit : « Je tiens tout désormais pour désavantageux au prix du gain suréminent qu'est la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur. Pour lui j'ai accepté de tout perdre, je regardé tout comme déchets, afin de gagner le Christ et d'être trouvé en lui » (Ph 3, 8-9).

 

Soyez toujours reconnaissants à Dieu pour le don de connaître le Christ. Soyez toujours reconnaissants à vos parents et à la communauté ecclésiale pour avoir rendu possible, au prix de grands sacrifices, votre éducation catholique. Le Peuple de Pieu a mis de grands espoirs en vous et maintenant il attend de vous;que vous, donniez témoignage du Christ et que vous transmettiez l'Évangile aux autres. L'Église a besoin de vous ; le monde a besoin de vous parce qu'il a besoin du Christ et que vous appartenez au Christ. C'est pourquoi je vous demande d'accepter vos responsabilités dans L'Église, les responsabilités inhérentes à votre éducation catholique : aider — par la parole et, surtout, par l'exemple, de votre vie — à répandre l'Évangile. Vous ferez ceci en priant et en étant justes, véridiques et purs.

 

Chers jeunes gens : vous êtes appelés à donner témoignage de votre foi par une réelle vie chrétienne, par la pratique de votre religion. Et comme les actes ont plus de poids que tes paroles, vous êtes appelés à proclamer, par votre conduite dans la vie quotidienne que vous croyez réellement que Jésus-Christ est le Seigneur !

 

 

 

3 octobre 1979

A BATTERY PARK

 

Tout le long du parcours suivi par Jean Paul II entre Madison Square et Baltery Park à la pointe méridionale de Manhattan pour son rendez-vous avec la population new-yorkaise, une foule incroyablement dense a salué le Saint-Père tandis que tombait sur le cortège cette pluie dense de confettis colorés qui caractérise l'accueil des New-Yorkais. A Battery Park, ou l'attendaient quelque trois cent mille personnes, le Saint Père a prononcé un discours.

 

Chers amis de New York,

 

1. Ma visite à New York n'aurait pas été complète si je n'étais pas venu ici, à Battery Park et si je n'avais pas vu, de loin, Ellis Island et sa célèbre statue de la Liberté. Chaque pays a ses symboles historiques. Ce peuvent être des sanctuaires ou des statues ou des documents. Leur signification se trouve dans les vérités qu'ils représentent pour les citoyens d'une nation et dans l’image qu'ils expriment pour d'autres nations. Pour les États-Unis, ce symbole est la statue de la Liberté. Elle symbolise lumineusement ce que les États-Unis ont été depuis le début véritable de leur histoire : c'est un symbole dé liberté. Elle reflète l'histoire de l'immigration aux États-Unis et en effet les millions d'êtres humains qui ont gagné ses rivages étaient à là recherche de la liberté. Et c'est la liberté que la jeune République leur a offert avec compassion. Je désire rendre hommage en ce lieu à cette noble caractéristique de l'Amérique et de son peuple : son désir d'être libre, sa volonté de défendre la liberté et sa détermination à partager la liberté avec les autres. Puisse cet idéal de liberté demeurer une force animatrice pour votre pays et pour toutes les nations du monde !

 

2. C'est tout à l'honneur de votre pays et de ses citoyens que sur la base de cette liberté vous ayez édifié une nation où la dignité de chaque personne humaine est respectée, où le devoir et le travail honnête sont tenus en grande estime, où la générosité et l'hospitalité ne sont pas de vains mots et où le droit à la liberté religieuse est profondément enraciné dans votre histoire.

 

Hier, devant l'Assemblée des Nations unies, j'ai fait un plaidoyer pour la paix et la justice basées sur le plein respect de tous les .droits fondamentaux de la personne humaine. J'ai également parlé de la liberté religieuse parce que cela concerne les relations personnelles avec Dieu et parce qu'elle est liée de manière particulière aux droits de l'homme. Elle est étroitement associée au droit à la liberté de conscience. Si la conscience n'est pas en sécurité dans la société, la sécurité de tous les autres droits est également menacée.

 

La liberté doit, dans tous ses aspects, être fondée sur la vérité. Je désire répéter ici les paroles de Jésus : « la vérité vous fait libres » (Jn 8, 32). Je fais donc des vœux pour que vôtre sens de la liberté aillé toujours de pair avec un sens profond de la vérité et de l'honnêteté à l'égard de vous-mêmes comme à l'égard de votre société. Les réalisations passées ne sauraient jamais être un substitut acceptable aux responsabilités actuelles à l'égard du bien commun de la société dans laquelle vous vivez, ni à l'égard de vos concitoyens. La recherche de la justice est aujourd'hui, tout comme le désir de liberté, une aspiration universelle. Il n'est pas possible aujourd'hui à une organisation ou à une institution de se déclarer de manière crédible en faveur de la liberté si elle n'accorde pas en même temps son soutien à la recherche de la justice car l'une et l'autre sont des exigences essentielles de l'esprit humain.

 

3. Ce sera toujours pour ce pays un titre de gloire d'avoir offert la liberté et des chances de progrès personnel à tous ceux qui se sont tournés vers l'Amérique. Il faut que cette tradition soit encore aujourd'hui à l'honneur. La liberté acquise doit être ratifiée chaque jour par le refus de tout ce qui blesse, affaiblit et déshonore la vie humaine. Je fais donc appel à tous ceux qui aiment la liberté et la justice pour qu'ils accordent une chance à ceux qui se trouvent dans le besoin, aux pauvres et aux faibles. Brisez les cercles misérables de la pauvreté et de l'ignorance qui sont encore le sort de tant de nos frères et de nos sœurs ? les cercles des préjugés qui persistent malgré l'énorme progrès réalisé vers une réelle égalité dans l'éducation et le travail ; les cercles du désespoir qui emprisonnent tous ceux qui manquent de nourriture, d'habitation ou de travail ; les cercles du sous-développement qui résultent de mécanismes internationaux et subordonnent l'existence humaine à la domination d'un progrès économique conçu de manière partiale ; et finalement les cercles inhumains de guerre qui découlent de la violation des droits fondamentaux de l'homme et provoquent des violations encore plus grandes de ses droits.

 

La liberté dans la justice fera naître une nouvelle aube d'espoir pour la génération actuelle comme pour celle d'autrefois : pour les sans-logis, pour les chômeurs, pour les vieillards, pour les malades et handicapés, pour les migrants et pour les travailleurs clandestins, pour tous ceux qui ont faim de dignité humaine dans ce pays comme dans le monde entier.

 

4. Avec des sentiments d'admiration et avec confiance en vos possibilités pour une vraie grandeur humaine, je désire saluer en vous la riche variété de votre nation où des populations d'origine ethnique et de convictions religieuses diverses peuvent vivre, travailler et prospérer ensemble dans la paix et le respect mutuel. Je salue et remercie pour leur cordial accueil tous ceux qui m'ont rejoint ici, les hommes d'affaires et les agriculteurs, les professeurs et les chefs d'entreprise, les assistants sociaux et les autorités civiles, jeunes et vieux. Je vous salue avec respect, estime et amour. J'adresse chaleureusement mes salutations à tous les groupes et à chacun d'eux, âmes fidèles catholiques, aux membres des différentes Églises chrétiennes avec lesquelles je suis uni par la foi en Jésus-Christ.

 

Et j'adresse un salut tout spécial aux dirigeants de la communauté juive dont la présence me fait grand honneur. Il y a quelques mois j'ai rencontré à Rome un groupe international de délégués juifs. A cette occasion, rappelant les initiatives prises après le concile Vatican II, sous mon prédécesseur Paul VI, j'ai déclaré que « nos deux communautés religieuses sont étroitement liées et étroitement apparentées au niveau réel de leurs respectives identités religieuses » et que, sur cette base, « nous reconnaissons tous de manière lumineuse :que la voie à suivre avec la communauté religieuse est celle du dialogue, fraternel et de la collaboration fructueuse» (cf. ORLF du 27 mars 1979.). Je suis heureux d'affirmer que c'est cette même voie qui a été suivie ici, aux États-Unis par de larges sections de l'une et l'autre communauté par leurs autorités respectives et leurs organismes, représentatifs. Divers programmes communs d'étude, une connaissance mutuelle, et une commune détermination à repousser toute forme d'antisémitisme et de discrimination et diverses formes de collaboration pour le progrès humain inspirées par notre héritage biblique commun ont créé des liens profonds et durables entre les juifs et les catholiques. En homme qui dans sa patrie a partagé les souffrances de vos frères, je vous salue avec cette parole empruntée à la langue hébraïque : Shalom ! La paix soit avec vous !

 

Et à tous et chacun ici présents, j'offre l'expression de mon respect, mon estime et mon amour, fraternel. Dieu vous bénisse tous ! Dieu bénisse New York !

 

 

 

3 octobre 1979

AU « SHEA STADIUM »

Au Shea Stadium, l'ultime rencontre du pape avec la population de New York dans le quartier « Queens » où vivent de nombreuse immigrés espagnols, polonais, italiens, etc.

 

Chers amis de New York,

 

C'est une grande joie pour moi d'avoir cette occasion de passer ici et de vous saluer avant de reprendre la route vers « La Guardia Aéroport », à la fin de ma visite à l’archidiocèse et à la ville de New York.

 

Je vous remercie pour votre chaleureux accueil. En vous je désire saluer encore une fois la population de New York, Long Island, New Jersey, Connecticut, Brooklyn : toutes vos paroisses, vos hôpitaux, écoles et organisations, vos malades et personnes âgées. Et avec une affection toute spéciale, je salue les jeunes et les enfants.

 

De Rome je vous ai apporté un message de foi et d'amour. « Que la paix du Christ règne dans vos cœurs ! » (Col 3, 15). Que la paix soit le désir de votre cœur, car si vous aimez la paix, vous aimerez toute l'humanité, sans distinction de race, de couleur ou de credo.

 

Mon salut est en même temps une invitation à tous à vous sentir personnellement responsables du bien-être et de l'esprit communautaire de votre ville. Qui visite New York est toujours frappé du caractère spécial de cette métropole : gratte-ciel, rues sans fin, grandes zones résidentielles, îlots d'habitations et surtout tant de millions de gens qui vivent ici et qui cherchent le travail qui leur permettra de vivre, eux et leur famille.

 

De grandes concentrations de population créent des problèmes spéciaux et des besoins spéciaux. Cela impose l'effort personnel et l'honnête collaboration de tous afin de trouver les solutions qui s'imposent pour que tous les hommes, femmes et enfants puissent vivre dignement et développer pleinement leur potentiel sans avoir à souffrir à cause de leur manque d'éducation, de logement, de travail et de centres culturels. Par-dessus tout une ville a besoin d'une âme si elle veut devenir un home véritable pour des êtres humains. Vous, la population, vous devez lui donner cette âme. Et comment ferez-vous ? Par votre amour mutuel. L'amour pour tout votre prochain doit être le cachet de votre vie. Dans l'Évangile, Jésus nous dit : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Mt 22, 39). Ce commandement du Seigneur doit vous inspirer et guider les vraies relations entre vous, de sorte que personne ne se sente seul ou mal venu et moins encore refusé, déprécié, haï. Jésus lui-même vous donnera la force de l'amour fraternel. Et alors chaque quartier, chaque bloc, chaque rue deviendra une véritable communauté parce que vous voulez qu'il en soit ainsi et que Jésus vous aidera à le réaliser.

 

Gardez Jésus dans vos cœurs et reconnaissez son visage dans tout être humain. Vous voudrez alors l'assister dans tous ses besoins : les besoins de vos frères et de vos sœurs. C'est le moyen pour nous préparer à rencontrer Jésus quand, le dernier jour il reviendra comme Juge de la vie et de la mort et qu'il nous dira : « Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume qui vous a été préparé depuis la fondation du monde. Car j'ai eu faim et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire ; j'étais un étranger et vous m'avez accueilli ; nu, et vous m'avez vêtu ; malade et vous m'avez visité ; prisonnier et vous êtes venu me voir... En vérité je vous le dis, dans la mesure où vous avez fait quelque chose en faveur de l'un des plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait » (Mt 25, 35-36, 40).

 

Je veux adresser maintenant un très cordial salut à tous et à chacun des membres de la colonie de langue espagnole qui, provenant de divers pays, sont présents dans ce stade.

 

En vous, je vois représentée et désire saluer avec grande affection la nombreuse communauté hispanique qui vit à New York et dans de nombreuses régions des États-Unis.

 

Soyez certains que je connais parfaitement la place que vous occupez dans la société américaine et que je suis avec vif intérêt vos réalisations, vos aspirations et vos difficultés dans le cadre de cette nation qui représente votre patrie adoptive ou la terre qui vous accueille. C'est pourquoi, dès le moment où j'ai accepté l'invitation à visiter ce pays, j'ai pensé à vous, partie intégrante et spécifique de cette société et partie importante de l'Église dans cette vaste nation.

 

Comme catholiques, je vous exhorte à maintenir toujours vive votre identité chrétienne, en vous référant constamment aux valeurs de votre foi qui doivent éclairer votre légitime recherche d'une situation matérielle digne, pour vous et pour vos familles.

 

Immergés en général dans des quartiers populeux et baignés d'un climat social où prime l'élément technique et matériel, efforcez-vous de donner un surcroît d'esprit à votre vie et à votre coexistence. Tenez Dieu toujours présent dans votre existence ; ce Dieu qui vous invite à être toujours plus dignes de votre condition d'hommes et d'êtres qui ont une vocation d'éternité ; ce Dieu qui vous appelle à la solidarité et collaboration à l'édification d'un monde toujours plus habitable, plus juste et fraternel.

 

Je prie pour vous, pour vos familles et pour vos amis, surtout pour les enfants, les malades et ceux qui souffrent et à tous je vous donne ma bénédiction.

 

Dieu soit toujours avec vous !

 

Au revoir, et que Dieu vous bénisse !

 

 

 

3 octobre 1979

A PHILADELPHIE : A LA CATHEDRALE

 

Après sa visite à New York, Jean Paul II s'est rendu à Philadelphie où il est arrivé le mercredi 3 octobre dans l'après-midi. Après une brève cérémonie à l'aéroport où l'attendaient le cardinal Krol, archevêque de Philadelphie, de nombreux évêques, des autorités civiles parmi lesquelles le gouverneur de l'État de Pennsylvanie et le maire de la ville, ainsi que des milliers de personnes, le pape s'est rendu à la cathédrale Saints-Pierre-et-Paul où il a prononcé un discours.

 

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ,

 

Je remercie le Seigneur qui me permet de revenir dans cette ville de Philadelphie, dans cet État de Pennsylvanie. Je garde de très bons souvenirs du temps où j'étais votre hôte ici et je me rappelle particulièrement la célébration en 1976 du bicentenaire à laquelle j'ai pris part comme archevêque de Cracovie. Aujourd'hui, par grâce de Dieu, je viens ici comme successeur de Pierre pour vous porter un message d'amour et vous fortifier dans votre foi. Votre aimable accueil me fait sentir que vous désirez honorer en moi le Christ que je représente et qui vit en nous tous — nous tous qui à travers le Saint-Esprit, constituons une communauté, une communauté d'amour et de foi. Je sens également que je me trouve vraiment chez des amis et je me sens chez moi parmi vous.

 

Je désire vous remercier tout particulièrement, cardinal Krol, archevêque de Philadelphie, pour m'avoir invité à venir ici et à célébrer l'Eucharistie avec vous et avec vos fidèles. J'adresse également un salut cordial aux prêtres, aux religieux et religieuses et aux laïcs de cette Église locale. Je suis venu ici comme votre frère en le Christ, apportant avec moi le message que le Seigneur Jésus lui-même portait dans les villes et villages de Terre sainte : Louons le Seigneur, notre Dieu et Père, et aimons-nous les uns les autres.

 

C'est pour moi une grande joie de vous rencontrer ici, dans la cathédrale de Philadelphie car elle a pour moi une profonde signification. Par-dessus tout, elle signifie : Vous, l'Église vivante du Christ, ici et maintenant, vivante dans la foi, unie dans l'amour de Jésus-Christ.

 

Cette cathédrale rappelle le souvenir de saint Jean Neumann, jadis évêque de ce diocèse et maintenant et pour toujours un saint de l'Église universelle. De cet édifice, il faut que son message et son exemple de sainteté soient continuellement transmis à chaque nouvelle génération de jeunes. Et si aujourd'hui nous lui prêtons une oreille attentive, nous pouvons entendre saint Jean Neumann nous répéter à chacun ces termes de l'épître aux Hébreux : « Souvenez-vous de vos chefs, eux qui vous ont fait entendre la parole de Dieu et, considérant leur carrière, imitez leur foi. Jésus-Christ est le même hier et aujourd'hui, et il le sera à jamais » (He 13, 7-8).

 

Et enfin cette cathédrale vous unit aux grands apôtres de Rome, Pierre et Paul. Ceux-ci, à leur tour, continuent pour vous à témoigner du Christ, à vous proclamer la divinité du Christ, à le faire connaître devant le monde. Ici à Philadelphie la confession de Pierre devient aujourd'hui pour nous tous un acte de foi personnel et cet acte de foi nous le faisons ensemble en disant à Jésus : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant» (Mt 16, 16). Et avec saint Paul, chacun de nous est appelé à dire, du fond du cœur, devant le monde : « Je continue à vivre ma vie humaine, mais je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et s'est livré pour moi » (Ga 2, 20).

 

Puis également sur le plan religieux cette cathédrale est unie à l'héritage de cette ville historique. Tout service à la morale et à la spiritualité est un service en faveur de la civilisation de l'homme : c'est une contribution au bonheur humain et au véritable bien-être.

 

Et ainsi, de cette cathédrale, j'adresse mes salutations à toute la ville de Philadelphie et à sa population. En tant que ville de l'amour fraternel et comme première capitale des États-Unis d'Amérique, vous êtes un symbole de paix et de relations fraternelles. Mon salut est aussi une prière. Puissent le dévouement commun et les efforts conjugués de tous vos concitoyens — catholiques, protestants et juifs — réussir à faire du centre et de la périphérie de votre cité des lieux où personne n'est un étranger pour les autres, où chaque homme, femme et enfant se sentent respectés ; où personne ne se sente abandonné, refoulé ou laissé seul.

 

En vous demandant l'appui de vos prières pour ma visite d'amitié et de nature pastorale, je vous donne à tous ma bénédiction, à vous ici présents, à ceux qui vous sont chers, aux malades, et aux personnes âgées et de manière toute particulière aux jeunes et aux enfants.

 

Dieu bénisse Philadelphie !

 

 

 

3 octobre 1979

HOMELIE A LOGAN CIRCLE

 

La première célébration eucharistique de Jean Paul II à Philadelphie a eu lieu le mercredi 3 octobre au cours de l'après-midi, dans le cadre du Logan Circle où une foule immense s'était rassemblée. Le Saint-Père a prononcé l'homélie dont voici la traduction.

 

Chers frères et sœurs de l'Église de Philadelphie,

 

1. C'est pour moi une grande joie de célébrer aujourd'hui l'Eucharistie avec vous. Nous sommes tous assemblés en une seule communauté, en un seul peuple dans la grâce et la paix de Dieu notre Père et de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ, nous sommes réunis dans la société du Saint-Esprit. Nous sommes rassemblés pour proclamer l'Évangile dans toute son autorité, car le sacrifice eucharistique est sommet et loi de notre proclamation.

 

Le Christ est mort, le Christ est ressuscité, le Christ reviendra ! De cet autel du sacrifice s'élève une hymne de louange et de remerciement à Dieu par Jésus-Christ. Nous qui appartenons au Christ, nous participons tous à cette hymne, à ce sacrifice de louange. Le sacrifice du Calvaire est renouvelé sur cet autel et il devient également notre offrande, une offrande pour les vivants et les morts, pour l'Église universelle.

 

Unis dans la charité du Christ, nous sommes tous ensemble une seule chose dans ce sacrifice : le cardinal archevêque qui est appelé à guider cette Église sur le chemin de la vérité et de l'amour ; ses évoques auxiliaires et le clergé diocésain et religieux qui participent avec les évêques à la prédication de la Parole ; religieux et religieuses qui par la consécration de leur vie montrent au monde ce que veut dire être fidèle au message des Béatitudes ; pères et mères avec leur grande mission d'édifier l'Église dans l'amour ; chaque secteur du laïcat avec sa tâche particulière dans la mission évangélisatrice et salvatrice de l'Église. Ce sacrifice offert, aujourd'hui à Philadelphie est une expression de notre communauté en prière. En union avec Jésus-Christ nous intercédons pour l'Église universelle, pour le bien-être de tous nos semblables, hommes et femmes et, aujourd'hui, particulièrement pour la préservation des valeurs humaines et chrétiennes qui sont l'héritage de ce pays, de cette contrée, de cette ville.

 

2. Philadelphie est la ville de la Déclaration d'Indépendance, ce document remarquable qui atteste solennellement l'égalité de tous les êtres humains qui ont été munis par le Créateur de certains droits inaliénables : la vie, la liberté et la poursuite du bonheur, et exprime « une ferme confiance dans la protection de la Divine Providence ». Voilà les sains principes moraux formulés par vos Pères Fondateurs et enchâssés pour toujours dans votre histoire. Dans les valeurs humaines et civiles contenues dans l'esprit de cette Déclaration, il est aisé de reconnaître un lien très étroit avec les valeurs religieuses et chrétiennes fondamentales. Un sens de la religion même fait partie de cet héritage. La Liberty Bell que j'ai déjà eu l'occasion d'admirer dans d'autres circonstances porte fièrement ces mots de la Bible : « Proclamez la liberté par tout le pays  (Lv 25, 10). Cette tradition confronte toutes tes futures générations d'Amérique avec un noble défi : « Une seule nation subordonnée à Dieu, indivisible avec liberté et justice pour tous. »

 

3. En tant que citoyens, vous devez lutter pour préserver ces valeurs humaines, pour mieux les comprendre et en déterminer les conséquences pour toute la communauté mais aussi comme précieux apport au monde. En tant que chrétiens vous devez renforcer ces valeurs humaines et les compléter en les confrontant avec le message évangélique afin de pouvoir en découvrir le sens le plus profond et assumer en conséquence plus pleinement vos devoirs et vos obligations à l'égard de vos semblables à qui vous êtes liés par un destin commun. D'une certaine manière, pour nous qui connaissons Jésus, valeurs humaines et valeurs chrétiennes ne sont que deux aspects de la même réalité : la réalité de l’homme, racheté par le Christ et appelé à la plénitude de la vie éternelle.

 

Dans ma première lettre encyclique, j'ai souligné cette importante vérité : « Le Christ, Rédempteur du monde est celui qui a pénétré de manière unique et absolument singulière dans le mystère de l'homme et qui est entré dans son "cœur". » C'est donc à juste titre que le concile Vatican II enseigne ceci : « En réalité, le mystère de l'homme ne s'éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné ; Adam, en effet, le premier homme, était la figure de celui qui devait venir (Rm 5, 14) le Christ-Seigneur. Nouvel Adam, le Christ, dans la révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l'homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation » (Redemptor Hominis, n. 8). C'est donc en Jésus-Christ que tout homme, femme et enfant sont appelés à chercher la réponse aux questions concernant les valeurs dont ils doivent s'inspirer dans leurs relations personnelles et sociales.

 

4. Alors, un chrétien inspiré et guidé par le mystère de l'Incarnation et Rédemption du Christ, peut-il renforcer ses propres valeurs et celles qui sont incarnées dans l'héritage de ce pays ? Pour être complète, la réponse à cette question devrait être très longue. Permettez-moi donc de ne toucher que les points les plus importants. Ces valeurs se trouvent renforcées : quand le pouvoir et l'autorité sont exercées en respectant pleinement tous les droits fondamentaux de la personne humaine, dont la dignité est celle de quelqu'un qui a été créé à l'image et à la ressemblance de Dieu (Gn 1, 26) ; quand la liberté est acceptée, non pas comme une fin absolue en soi, mais comme un don qui permet de se donner soi-même et de servir autrui ; quand la famille est protégée et renforcée, quand son unité est sauvegardée et quand son rôle en tant que cellule fondamentale de la société est reconnu et honoré. Les valeurs humaines et chrétiennes sont favorisées quand tous les efforts sont faits pour que pas un seul enfant, où que ce soit dans le monde, risque encore la mort parce qu'il manque de nourriture ou risque d'être diminué intellectuellement et physiquement à cause d'une alimentation insuffisante ou supporte la vie entière les conséquences de la privation. Les valeurs humaines et chrétiennes triomphent quand sont réformés les systèmes, quels qu'ils soient, qui permettent l'exploitation de n'importe quel être humain ; quand se trouvent encouragées, dans les services publics, l'intégrité et l'honnêteté ; quand l'administration de la justice est loyale et la même pour tous ; quand on use de manière responsable des matières premières et des sources d'énergie du monde — ressources qui ont été destinées aux besoins de tous ; quand l'environnement est gardé intact pour les générations futures. Les valeurs humaines et chrétiennes triomphent quand les considérations politiques et économiques sont assujetties à la dignité humaine et qu'elles tendent à servir la cause de l'homme de chaque personne créée par Dieu, de chaque frère et sœur rachetés par le Christ.

 

5. J'ai mentionné la Déclaration d'indépendance et la Liberty bell, deux monuments qui témoignent de l'esprit de liberté qui a conditionné la fondation de ce pays. Votre attachement à la liberté, à l'indépendance fait partie de votre héritage. Lorsque la Liberty Bell, la Cloche de la Liberté, résonna pour la première fois en 1776, c'était pour annoncer l'indépendance de votre pays, le commencement de la démarche vers un destin commun indépendant de toute pression extérieure. Le principe d'indépendance a une importance suprême dans l'ordre politique et social, dans les relations entre les gouvernements et le peuple, entre individu et individu. Toutefois, la vie de l'homme est vécue également dans un autre ordre de réalité : dans l'ordre des relations avec ce qui est objectivement vrai et moralement bon. L'indépendance acquiert ainsi une signification plus profonde quand elle se réfère à là personne humaine. Ceci concerne en premier lieu la relation de l'homme avec soi-même. Chaque personne humaine, dotée de raison, est indépendante quand elle est maître de ses propres actions, quand elle est à même de préférer le bien conforme à la raison et donc à sa propre dignité humaine.

 

La liberté ne saurait tolérer une offense contre les droits d'autrui, et l'un des droits fondamentaux de l'homme est le droit de rendre un culte à Dieu. Dans la Déclaration sur la liberté religieuse, le concile Vatican II a établi que « l'exigence de liberté dans la société humaine regarde principalement ce qui est l'apanage de l'esprit humain et, au premier chef, ce qui concerne le libre exercice de la religion dans la société... Puisque la liberté religieuse que revendique l'homme dans l'accomplissement de son devoir de rendre un culte à Dieu concerne son immunité de toute contrainte dans la société civile, elle ne porte aucun préjudice à la doctrine catholique traditionnelle sur le devoir moral de l'homme et des associations à l'égard de la vraie religion et de l'unique Église du Christ » (Dignitatis Humanae, 1).

 

6. Le Christ lui-même a lié la liberté à la connaissance de la vérité. « Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous fera libres » (Jn 8, 32). J'ai écrit à cet égard dans ma première encyclique : « Ces paroles contiennent une exigence fondamentale et en même temps un avertissement : l'exigence d'honnêteté vis-à-vis de la vérité comme condition d'une authentique liberté ; et aussi, l'avertissement d'éviter toute liberté apparente, toute liberté superficielle et unilatérale, toute liberté qui n'irait pas jusqu'au fond de la vérité sur l'homme et sur le monde » (Redemptor Hominis, 12).

 

La liberté ne saurait donc jamais s'expliquer sinon en relation avec la vérité telle qu'elle a été révélée par Jésus-Christ et qu'elle est enseignée par l'Église et elle ne peut donc être prise comme prétexte d'anarchie morale car tout ordre moral doit demeurer attaché à la vérité. Saint Pierre dit dans sa première épître : « Agissez en hommes libres, non pas en hommes qui font de la liberté un voile sur leurs malices » (1 P 2, 16). Il ne peut exister de liberté qui aille contre l'homme dans ses relations avec autrui ou avec Dieu.

 

Ceci est particulièrement important si l'on considère le domaine de la sexualité humaine. Ici, comme dans tout autre champ, il ne saurait y avoir de vraie liberté sans respect de la vérité concernant la nature de la sexualité et du mariage. Dans la société actuelle, on relève tant de tendances qui sèment la confusion et tant de relâchement en ce qui concerne la vision chrétienne de la sexualité ; et tout cela a ceci de commun : le recours au concept de liberté pour justifier tout comportement qui n'est plus en harmonie avec le véritable ordre moral et avec l'enseignement de l'Église. Les règles morales ne militent pas contre la liberté de la personne ou du couple ; au contraire, elles existent précisément pour cette liberté car elles ont été données pour garantir le correct usage de la liberté. Quiconque refuse d'accepter ces règles et d'agir conformément, quiconque cherche à se libérer de ces règles n'est pas réellement libre. Est libre donc celui qui modèle responsablement son attitude selon les exigences du bien objectif. Ce que je viens de dire concerne l'ensemble de la moralité conjugale, mais s'applique avec autant de raison au prêtre en ce qui concerne les obligations du célibat La cohésion de la liberté et de l'éthique a également des conséquences pour la poursuite du bien commun dans la société et, pour l'indépendance nationale que la Cloche de la Liberté a annoncée il y a deux siècles.

 

7. La loi divine est la seule mesure de la liberté humaine et elle nous a été donnée dans l'Évangile du Christ, l'Évangile de la Rédemption. Mais la fidélité à cet Évangile de Rédemption ne sera jamais possible sans l'action du Saint-Esprit. C'est le Saint-Esprit qui protège le message de vie confié à l'Église. C'est le Saint-Esprit qui garantit la transmission fidèle de l'Évangile au sein de la vie de chacun de nous. C'est par l'action du Saint-Esprit que l'Église s'édifie jour après jour pour former le Royaume : un Royaume de vérité et de vie, un Royaume de sainteté et de grâces, un Royaume universel de justice, d'amour et de paix.

 

C'est pourquoi nous venons aujourd'hui devant le Père pour lui présenter les demandes et les désirs de notre cœur, pour lui offrir nos louanges et nos remerciements. Nous le faisons d'ici, de Philadelphie, pour l'Église universelle et pour le monde. Nous le faisons comme « familiers de Dieu » (Ep 2, 19) en union avec le sacrifice de Jésus, notre pierre d'angle, pour la gloire de la Très Sainte Trinité. Amen.

 

 

 

3 octobre 1979

AUX SEMINARISTES

 

Après avoir célébré la messe au Logan Circle, Jean Paul II a terminé sa troisième journée aux États-Unis par une rencontre au séminaire Saint-Charles avec les prêtres, les religieux et les séminaristes de l'archidiocèse.

 

Bien-aimés frères et sœurs en Jésus-Christ,

 

Une des choses que je désirais le plus pouvoir faire durant ma visite aux États-Unis est maintenant arrivée. Je désirais visiter un séminaire et rencontrer des séminaristes ; et en passant par vous, faire savoir à tous les séminaristes tout ce que vous représentez pour moi, tout ce que vous signifiez pour le futur de l'Église — pour le futur de la mission que le Christ nous a confiée.

 

Vous avez une place toute spéciale dans ma pensée et dans mes prières. Il y a dans vos vies une grande promesse pour l'avenir de l'évangélisation. Et vous nous donnez l'espérance que l'authentique renouvellement de l'Église commencé avec le concile Vatican II nous portera ses fruits. Mais pour que cela advienne, il importe que vous receviez au séminaire une solide et complète préparation. Cette conviction personnelle de l'importance des séminaires m'a poussé à écrire aux évêques de l'Église dans ma lettre du Jeudi Saint : « La pleine reconstitution de la vie des séminaires dans toute l'Église sera le test le meilleur de la réalisation du renouveau vers lequel le Concile a orienté l'Église. »

 

1. Si les séminaires ont à remplir leur mission dans l'Église, deux activités ont, dans le programme général, une importance capitale : l'enseignement de la Parole de Dieu et la discipline.

 

La formation intellectuelle du prêtre, si importante et vitale à l'époque que nous vivons, embrasse un grand nombre de sciences humaines aussi bien que les différentes sciences sacrées. Les sciences humaines sont toutes importantes pour la préparation au sacerdoce. Mais la priorité absolue revient aujourd'hui dans les séminaires à l'enseignement de la Parole de Dieu, dans toute sa pureté et intégrité, avec toutes ses exigences et dans toute sa force. C'est ce qu'a clairement affirmé mon prédécesseur Paul VI quand il a assuré que les Écritures sacrées « sont une source perpétuelle de vie spirituelle, le moyen capital pour transmettre la doctrine chrétienne et enfin l'essence de toute la théologie » (Constitution apostolique Missale Romantim, 3. 4. 1969).

 

C'est pourquoi, si vous, les séminaristes de cette génération, devez être préparés de manière judicieuse à recevoir l'héritage et à relever le défi du concile Vatican II, il importe que vous soyez parfaitement formés à la Parole de Dieu.

 

En second lieu, le séminaire doit assurer une saine discipline pour préparer à une vie de service consacré à l'image du Christ. Son but a été très bien défini par le concile Vatican II : « Dans la vie du séminaire on doit considérer la discipline non seulement comme un auxiliaire efficace de la vie commune et de la charité, mais comme un élément nécessaire dans l'ensemble de la formation pour acquérir la maîtrise de soi, une solide maturité personnelle et les autres traits de caractère qui sont très précieux pour l'activité fructueuse et bien ordonnée de l'Église » (Optatam Totius, 11).

 

Quand la discipline est appliquée comme il se doit, elle crée un climat de recueillement qui met le séminariste en mesure de développer intérieurement ses aptitudes si souhaitables chez le prêtre comme la joyeuse obéissance, la générosité et l'abnégation. Les différentes formes de vie communautaire vous feront apprendre l'art du dialogue : la capacité d'écouter les autres et de découvrir la richesse de leur personnalité et le talent à donner de vous-mêmes. Loin de diminuer votre liberté, la discipline du séminaire la renforce car elle aidera à développer en vous ces traits et ces aptitudes de l'esprit et du cœur que Dieu vous a donnés, qui enrichissent votre humanité et vous aident à servir plus efficacement son peuple. La discipline vous aidera également à renforcer jour après jour dans votre cœur l'obéissance que vous devez au Christ et à son Église.

 

2. Je veux vous rappeler l'importance de la fidélité. Avant que vous puissiez recevoir l'Ordination, le Christ vous appelle à prendre librement et irrévocablement l'engagement de lui être fidèle, à lui et à son Église. La dignité humaine vous impose de maintenir cet engagement, de respecter votre promesse au Christ, quelles que soient les difficultés que vous rencontriez et quelles que soient les tentations auxquelles vous puissiez vous trouver exposés. La gravité de cet engagement irrévocable impose au recteur et au corps professoral du séminaire — et particulièrement au directeur spirituel — de vous aider à évaluer votre propre convenance à l'Ordination. C'est ensuite à l'évêque qu'il appartiendra déjuger si vous êtes appelés à la prêtrise.

 

Il est important que l'engagement soit pris de manière parfaitement consciente et en toute liberté. Et ainsi, durant ces années de séminaire, vous aurez tout le temps nécessaire pour réfléchir aux sérieuses obligations et aux difficultés qui font partie de la vie du prêtre. Considérez que le Christ vous appelle à une vie de célibat. Vous ne pourrez prendre une décision responsable au sujet du célibat que si vous avez acquis la ferme conviction que le Christ vous offre vraiment ce don, qui est entendu pour le bien de l'Église et pour le service d'autrui (cf. Lettre aux prêtres, n. 9).

 

Pour comprendre ce que signifie « être fidèle,», nous devons nous tourner vers le Christ, « le témoin fidèle » (Ap 1, 5), le Fils qui « apprit l'obéissance de ce qu'il souffrit » (He 5, 8) ; vers Jésus qui a dit : « mon jugement est juste parce que ce n'est pas ma volonté que je cherche, mais la volonté de celui qui m'a envoyé » (Jn 5, 30). Levons les yeux sur Jésus non seulement pour voir et contempler sa fidélité au Père, nonobstant toute opposition (cf. He 3, 2 ; 12, 3), mais aussi pour apprendre de lui quels moyens il employa pour être fidèle : spécialement la prière et l'abandon à la volonté de Dieu » (cf. Lc 22, 39 et suiv.).

 

Rappelez-vous qu'en dernière analyse la persévérance dans la fidélité est une preuve, non de force et courage humains, mais de l'efficience de la grâce du Christ. Et ainsi si nous persévérons, nous devons être des hommes de prière qui, dans l'Eucharistie, la liturgie des heures et nos rencontres personnelles avec le Christ, trouvent le courage et la grâce d'être fidèles. Soyons donc confiants, nous rappelant les paroles de saint Paul : « Je puis tout en celui qui me rend fort » (Ph3,13).

 

3. Mes frères et fils en le Christ, ayez toujours en tête les priorités du sacerdoce auquel vous aspirez : particulièrement la prière et le ministère de la Parole (Ac 6, 4).

 

« C'est la prière qui définit le style essentiel du sacerdoce ; sans elle, ce style se déforme. La prière nous aide à retrouver toujours la lumière qui nous a conduits dès le commencement de notre vie sacerdotale et qui nous conduit continuellement... La prière nous permet de nous convertir sans cesse, de demeurer toujours tendus vers Dieu, ce qui est indispensable si nous voulons conduire les autres vers lui. La prière nous aide à croire, à espérer et à aimer. » (Lettre aux prêtres, 10.)

 

J'espère fermement que durant vos années de séminaire vous développerez une faim toujours plus grande de la Parole de Dieu (cf. Am 8, 11). Méditez-la chaque jour, étudiez-la sans cesse, afin que toute votre vie devienne une proclamation du Christ, le Verbe qui s'est fait chair (cf. Jn 1, 14). Il y a dans cette Parole le commencement et la fin de tout ministère, le but de toute activité pastorale, la source qui rajeunit la persévérance fidèle ; elle est la seule chose qui puisse donner signification et unité aux multiples activités d'un prêtre.

 

4. « Que la Parole du Christ réside chez vous en abondance ! » (Col 3, 16). Dans la connaissance du Christ vous avez la clé de l'Évangile. Dans la connaissance du Christ vous trouvez la compréhension des besoins du monde. Comme il est devenu un des nôtres, en tout sauf le péché, votre union avec Jésus de Nazareth ne pourra jamais être et ne sera jamais un empêchement à comprendre les besoins du monde et à y répondre. C'est finalement dans la connaissance du Christ que non seulement vous découvrirez et comprendrez les limites de la sagesse humaine et des solutions humaines aux besoins de l'humanité, mais que vous ferez également l'expérience du pouvoir de Jésus et de la valeur humaine et de l'effort humain quand ils sont associés à la force de Jésus, quand ils sont rachetés dans le Christ.

 

Daigne la Bienheureuse Vierge Marie vous protéger aujourd'hui et toujours !

 

5. Permettez-moi de saisir cette occasion pour saluer les laïcs présents aujourd'hui au séminaire Saint-Charles. Votre présence ici témoigne de votre estime pour le sacerdoce ministériel et elle rappelle en même temps cette étroite collaboration entre le laïcat et le sacerdoce, si nécessaire pour que la mission du Christ soit accomplie à notre époque. Je suis heureux que vous soyez ici présents et je vous suis reconnaissant pour tout ce que vous faites pour l'Église de Pennsylvanie. Je vous demande tout particulièrement de prier pour ces jeunes et pour tous les séminaristes afin qu'ils persévèrent dans leur vocation. Priez pour tous les prêtres et pour la réussite de leur ministère parmi le peuple de Dieu. Et priez le Seigneur de la moisson pour qu'il envoie plus d'ouvriers dans sa vigne, l'Église.

 

 

 

4 octobre 1979

EN L'EGLISE SAINT-PIERRE (CRYPTE)

 

A Philadelphie, Jean Paul II a voulu prier dans la crypte de l'église Saint-Pierre, sur la tombe de saint John Neumann qui fut évêque de Philadelphie.

 

Chers frères et sœurs en le Christ,

 

Je suis venu en cette église Saint-Pierre pour prier sur la tombe de saint John Neumann, zélé missionnaire, pasteur plein d'abnégation, fidèle fils de saint Alphonse dans la congrégation du Très Saint Rédempteur, quatrième évêque de Philadelphie.

 

Me trouvant ici, dans cette église, je pense à l'unique mobile de toute la vie de saint John Neumann : son amour pour le Christ. Ses prières nous révèlent cet amour : déjà en son plus jeune âge il avait l'habitude de dire : « Jésus, je veux vivre pour toi, je veux mourir pour toi, je veux être tout à toi durant toute ma vie ; je veux être tout à toi dans la mort » (Nicola Ferrante, S. Giovanni Neumann, C.SS.R., Pionere del Vangelo, p. 25). Et comme prêtre, il pria ainsi durant sa .première messe : « Seigneur, donnez-moi la sainteté. »

 

Mes frères et sœurs en le Christ : voici la leçon que nous tirons de la vie de saint John Neumann et voici le message que je vous laisse : ce qui importe vraiment dans notre vie est que nous soyons aimés par le Christ et que nous l'aimions de notre côté. Comparée à l'amour de Jésus, toute autre chose est secondaire. Et sans l'amour de Jésus, toute autre chose est inutile.

 

Marie, Mère du Secours Perpétuel, intercède pour nous ; saint John Neumann, prie pour nous ; et qu'à l'aide de leurs prières nous paissions persévérer dans la foi, être heureux dans l'espérance et fortifiés dans notre amour pour Jésus-Christ, notre Rédempteur et notre Seigneur.

 

 

 

4 octobre 1979

TOUJOURS CONSERVER LA TRADITION CHRETIENNE

 

Dans l'église San-Pedro de Philadelphie, dans la matinée du 4 octobre, après avoir visité la crypte où reposent les restes de saint Jean Neumann, Jean Paul II a adressé la parole en espagnol à un grand nombre de fidèles de langue espagnole de cette paroisse. Voici le texte de cette allocution :

 

Très chers frères et sœurs de langue espagnole,

 

Je vous salue avec joie et je me réjouis de votre présence enthousiaste ici, dans l'église San-Pedro où reposent les restes de saint Jean Neumann, le premier saint américain.

 

Vous vous êtes rassemblés ici nombreux comme membres de la communauté de langue espagnole, vous qui êtes arrivés dam ce pays comme immigrants ou qui êtes nés ici d'anciens émigrés ; et vous conservez la foi chrétienne comme le principal trésor de votre tradition.

 

Saint Jean Neumann lui aussi a été immigrant et il a connu beaucoup des difficultés que vous avez rencontrées vous-mêmes. : celle de la langue, celle d'une culture différente, celle de l'adaptation à la société.

 

Votre effort et votre persévérance pour conserver vos croyances religieuses sont bien connus, mais ils se situent en même temps au service de la communauté nationale tout entière pour être un témoignage d'unité au milieu du pluralisme de la religion, de la culture et de la vie sociale.

 

C'est en étant fidèles au message de salut de Jésus-Christ que vos communautés ecclésiales trouveront la voie juste pour ressentir leur appartenance de membres de l'Église universelle et de citoyens de ce monde.

 

Que la dévotion à Marie, notre Mère, et votre communion avec le vicaire du Christ continuent à être toujours, comme ils l'ont été jusqu'ici, la force qui alimente et fait croître votre foi chrétienne.

 

A vous tous ici présents, à ceux qui n'ont pas pu venir, en particulier aux malades et aux personnes âgées qui s'unissent spirituellement à cette rencontré, j'accorde de tout cœur une spéciale bénédiction apostolique.

 

 

 

4 octobre 1979

A LA CATHEDRALE UKRAINIENNE

 

Le 4 octobre, après sa visite à la tombe de saint Jean Neumann, le Saint-Père s'est rendu à la cathédrale ukrainienne de l'Immaculée-Conception où l'attendaient des milliers de fidèles ukrainiens. Le Saint-Père leur a adressé un discours — en partie en langue ukrainienne, puis en anglais — dont voici la traduction :

 

Loué soit Jésus-Christ !

 

C'est avec ce salut chrétien que je m'adresse à vous en votre langue maternelle, avant de commencer à vous parler en anglais.

 

En premier lieu, je salue tous les hiérarques ici présents, tant de la circonscription métropolite de Philadelphie que de celle de Pittsburgh.

 

Je salue particulièrement le métropolite de Philadelphie, nouvellement nommé.

 

Je vous salue tous cordialement, chers fidèles de la circonscription métropolite ukrainienne de .Philadelphie qui, fêtes venus vous réunir , ici, en ce temple de la Très Sainte Mère de Dieu, pour honorer en ma personne le successeur de Pierre sur la chaire de Rome, vicaire du Christ sur la terre.

 

Sur vous tous, chers frères et sœurs, j'invoque J'abondance des grâces du Dieu Tout-Puissant, par l'intercession de Marie, Vierge Immaculée, à qui est dédiée votre cathédrale.

 

Je vous bénis tous de grand cœur !

Loué soit Jésus-Christ !

 

Chers frères et sœurs,

 

« Or voici qu'à présent, dans le Christ Jésus... vous êtes concitoyens des saints, vous êtes de la Maison de Dieu. Car la construction que vous êtes a pour fondation les apôtres et les prophètes et pour pierre d'angle le Christ Jésus lui-même » (Ep 2, 13, 19-20). C'est en ces termes que saint Paul rappelle aux Éphésiens l'extraordinaire grâce qu'ils ont reçue en devenant membres de l'Église. Ces paroles sont tout aussi valables aujourd'hui. Vous faites partie de la Maison de Dieu. Vous, membres de la tradition ukrainienne, vous faites partie d'un édifice qui a pour base les apôtres et les prophètes et Jésus lui-même comme pierre d'angle. Tout est advenu conformément au dessein providentiel de Dieu.

 

Il y a quelques années, mon bien-aimé prédécesseur Paul VI offrit une pierre de la tombe de saint Pierre pour la construction de cette magnifique cathédrale dédiée à Marie Immaculée. Paul VI voulait faire de ce don le symbole visible, de l'amour et de l'estime du Siège apostolique de Rome pour l'Église ukrainienne. En même temps, cette pierre devait constituer un signe de la fidélité de l'Église ukrainienne au Siège de Pierre. Par ce geste profondément symbolique, Paul VI réaffirmait l'enseignement de l'apôtre Paul contenu dans l'épître aux Éphésiens.

 

Aujourd'hui, comme successeur de Paul VI sur la chaire de Pierre, je viens visiter cette magnifique cathédrale nouvelle. Je me réjouis de cette occasion et j'en profite pour vous donner l'assurance en tant que pasteur universel de l'Église, que tous ceux qui ont hérité de la tradition ukrainienne ont un rôle important et bien défini à remplir au sein de l'Église catholique.

 

Selon le témoignage de l'histoire, de nombreux rites et traditions se sont développés dans l'Église depuis le moment où,'de Jérusalem, elle s'est répandue dans le monde et s'est incarnée dans la langue, dans la culture et dans les traditions humaines des différents peuples qui accueillirent, de grand cœur, l'Évangile. Bien loin d'être un signe de déviation, d'infidélité ou de division, ces différents rites et traditions sont en fait une preuve incontestable de la présence du Saint-Esprit qui, sans cesse, renouvelle et enrichit l'Église, royaume du Christ déjà présent sous une forme mystérieuse (cf. Lumen Gentium, 3).

 

Les différentes traditions au sein de l'Église expriment la multiplicité des moyens qu'a l'Évangile pour s'enraciner et fleurir dans la vie du peuple de Dieu. Elles sont le signe vivant de la richesse de l'Église. Chacune, tout en étant unie à toutes les autres « dans la même foi, les mêmes sacrements et le même gouvernement » (Orientalium Ecclesiarum, 2) se manifeste néanmoins avec sa propre liturgie, sa discipline ecclésiastique et son patrimoine spirituel. Chaque tradition allie aux expressions artistiques particulières et aux simples intuitions spirituelles particulières sa propre expérience particulière vécue dans la fidélité au Christ.

 

C'est en vue de ces considérations que le concile Vatican II a déclaré : « L'histoire, les traditions et la plupart des institutions ecclésiastiques attestent hautement combien les Églises orientales ont mérité de l'Église universelle. Aussi le saint concile entoure ce patrimoine ecclésiastique et spirituel de l'estime qui lui est due et des louanges qu'il mérite à bon droit ; mais de plus, il le considère fermement comme patrimoine de toute l'Église du Christ » (Orientalium Ecclesiarum. 5).

 

C'est depuis bien, longtemps que moi-même j'ai la plus grande estime pour le peuple ukrainien. Je suis au courant des multiples souffrances et injustices que vous avez dû endurer. Ces faits ont été et sont encore pour moi un sérieux motif de grande préoccupation. Et j'ai conscience également de toutes les difficultés que l'Église catholique ukrainienne a dû affronter tout au long des siècles pour rester fidèle à l'Évangile et unie au successeur de Pierre. Je ne saurais oublier les innombrables martyrs ukrainiens des temps passés et même des époques récentes ; des martyrs souvent anonymes, qui ont mieux aimé perdre la vie que perdre la foi. J'évoque ceci, pour faire comprendre ma profonde estime pour l'Église ukrainienne et pour sa fidélité trempée dans la souffrance.

 

Je voudrais vous parler également de ces éléments que vous avez conservés en tant que patrimoine spirituel particulier : la langue liturgique slave, la musique d'église et les différentes formes de piété, qui se sont développées au cours des siècles et qui continuent à alimenter votre vie. Vous démontrez combien vous appréciez ces trésors par votre attachement jamais relâché à l'Église ukrainienne et par la manière dont vous avez continué, à vivre la foi suivant sa tradition particulière.

 

Frères et sœurs en Jésus-Christ, je veux vous rappeler les paroles prononcées par Jésus à la veille de sa mort sur la croix ; « Père... fais que tous soient une seule chose ! » (Jn 17, 11). Il faut ne jamais oublier cette prière ; en fait nous devons chercher les voies et moyens les plus aptes à sauvegarder et à renforcer les liens qui nous unissent en une seule et même Église. Rappelez-vous les paroles de saint Paul : « La construction que vous êtes a pour fondations les apôtres et prophètes et pour pierre d'angle le Christ Jésus lui-même » (Ep 2, 20). L'unité de cet édifice spirituel qu'est l'Église se maintient par la fidélité à la pierre angulaire — le Christ —, et aux enseignements des apôtres gardés et expliqués dans ta tradition de l'Église. Nous sommes liés par une réelle et authentique unité de doctrine.

 

L'unité catholique a également pour signification la reconnaissance du successeur de saint Pierre et de son ministère tendant à renforcer et à maintenir intacte la communion de l'Église universelle et à sauvegarder en son sein l'existence des traditions particulières légitimes. L'Église ukrainienne a, comme toutes les Églises orientales, le droit et le devoir, conformément aux enseignements du Concile (cf. Orientalium Ecclesiarum n. 5) de conserver son propre patrimoine ecclésial et spirituel. C'est précisément parce que ces traditions particulières enrichissent l'Église universelle que le Siège apostolique de Rome se préoccupé vivement de les protéger et de les encourager. À leur tour, les communautés ecclésiales qui suivent ces traditions sont appelées à adhérer avec amour ; et respect à quelques formes particulières de discipline que mon prédécesseur et moi-même, assumant nos responsabilités à l'égard de l'Église universelle, avons estimées nécessaires pour le bien de tout le Corps du Christ.

 

L'unité catholique dépend dans une large mesure de la charité mutuelle. N'oublions pas que, l'unité de l'Église jaillit de fa croix du Christ, lui qui a brisé les barrières du péché et les divisions et nous a réconcilié avec Dieu et entre nous ; cet acte unificateur, Jésus l'a prédit lorsqu'il dit : « et moi, élevé de terre, j'attirerai tous les hommes » (Jn 12, 32). Si nous continuons à imiter l'amour de notre Sauveur Jésus sur la Croix, et si nous persévérons dans notre amour mutuel, alors nous maintiendrons les liens d'unité dans l'Église et nous témoignerons de la réalisation de la prière du Christ : « Père... fais qu'ils soient tous une seule chose » (Jn I7, 11).

 

Aujourd'hui et pour toujours je vous confie à la protection de Marie Immaculée, Mère de Dieu et Mère de l'Église. Je sais que vous la vénérez avec grande dévotion. Cette magnifique cathédrale dédiée à l'Immaculée Conception est un témoignage éloquent de cet amour filial. Depuis des siècles, notre Mère bénie est la force de votre, peuple au milieu des souffrances, et son intercession amoureuse est pour lui un motif de joie.

 

Continuez à vous confier à sa protection.

 

Continuez à être fidèles à son Fils, Nôtre-Seigneur Jésus-Christ, Rédempteur du monde.

 

Et que la grâce de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ vous accompagne à jamais !

 

 

 

4 octobre 1979

PHILADELPHIE, AUX PRETRES AMERICAINS

 

Dernier engagement de Jean Paul II à Philadelphie avant de partir pour Dés Moines et Chicago : une sainte messe concélébrée le 4 octobre avec les prêtres représentant tes conseils presbytéraux de tous les diocèses d'Amérique. A l'Évangile, le Saint-Père a prononcé, l'homélie dont voici la traduction :

 

Chers frères prêtres,

 

1. Célébrant cette messe qui réunit les présidents de tous les conseils presbytéraux des États-Unis, le thème qui s'impose à nos réflexions est un thème vital : le sacerdoce lui-même et son importance capitale pour la mission de l'Église. Dans ma lettre encyclique Redemptor hominis, j'ai décrit cette mission comme suit : « A toutes les époques et particulièrement à la nôtre, le devoir fondamental de l'Église est de diriger le regard de l'homme, d'orienter la conscience et l'expérience de toute l'humanité vers le mystère du Christ, d'aider tous les hommes à se familiariser avec la profondeur de la Rédemption qui se réalise dans le Christ Jésus » (Redemptor hominis, 10).

 

Les conseils presbytéraux constituent une structure nouvelle dans l'Église, voulue par le concile Vatican II et par la récente législation de l'Église. Cette nouvelle structure donne une concrète expression à l'unité de l’évêque avec ses prêtres dans la mission de paître le troupeau du Christ, et elle aide l’évêque dans sa tâche spécifique de gouvernement du diocèse en lui fournissant la collaboration de conseillers représentatifs venant du presbyterium. La présente concélébration eucharistique a pour intention d'être un témoignage du bien accompli durant les années écoulées par tes conseils presbytéraux aussi bien qu'un encouragement à poursuivre toujours avec enthousiasme et décision ce but important qui est de « rendre la vie et l'activité du peuple de Dieu toujours plus conformes à l'Évangile » (cf. Ecclesiae sanctae, 16, 1). J'aimerais toutefois que cette messe soit surtout une occasion pour moi de parler du sacerdoce en m'adressant non seulement à vous, mais à tous mes frères les prêtres de ce pays. Je répète ce que je vous ai écrit le Jeudi saint : « Pour vous je suis un évêque, avec vous je suis un prêtre ».

 

Notre vocation sacerdotale nous a été donnée par le Seigneur Jésus lui-même, il s’agit d’un appel qui est personnel et individuel : nous avons été appelés par notre nom comme le fut Jérémie. C'est une invitation à servir : nous sommes envoyés pour annoncer la Bonne Nouvelle, pour « donner au troupeau de Dieu les soins du pasteur ». C'est un appel à la communion d'intentions et d'action : former un unique sacerdoce avec Jésus et entre nous, exactement comme Jésus et son Père sont une seule et même chose — une unité si belle que symbolisé cette messe concélébrée.

 

Le sacerdoce n'est pas purement et simplement une tâche qui nous a été confiée ; c'est une vocation, un appel qui doit être entendu et réentendu sans cesse. Entendre cet appel et répondre généreusement à ce que cet appel comporté est la tâche de chaque prêtre, mais ceci entraîne également la responsabilité des conseils presbytéraux. Cette responsabilité signifie approfondissement de notre compréhension du sacerdoce tel que le Christ l'a institué, tel qu'il veut qu'il soit et se maintienne, tel que l'Église l’explique, et le transmet fidèlement. La fidélité à l'appel au sacerdoce signifie édifier ce sacerdoce avec le Peuple de Dieu grâce à une vie de service en harmonie avec les priorités apostoliques : c'est-à-dire « concentrée sur la prière et le ministère de la parole » (Ac, 6, 4).

 

Dans l’Evangile de saint Marc, la vocation sacerdotale des Douze Apôtres est comme un bourgeon dont ta floraison déploie toute une théologie du sacerdoce. Dans le cadre du ministère de Jésus, nous lisons qu’« il gravit la montagne et appela à lui ceux qu'il voulait. Ils vinrent à lui et il en institua Douze pour être ses compagnons et pour les envoyer prêcher la bonne nouvelle... » Le passage énumère ensuite les noms des Douze (Mc 3, 13-14). Nous trouvons ici les trois aspects de l’appel fait par le Christ : Lui, d'abord, il appelle les prêtres, individuellement, et par leur nom ;il les appelle, pour le service de sa parole, pour prêcher l'Evangile ; et il en fait ses propres compagnons les insérant dans l'unité de vie et d'action qu'il forme avec son Père dans la véritable vie de la Trinité.

 

2. Explorons maintenant ces trois dimensions de notre sacerdoce en méditant les lectures de la Sainte Écriture de ce jour. En effet, l'Évangile situe dans la tradition de la vocation prophétique l'appel que Jésus a fait aux Douze Apôtres. Quand un prêtre réfléchit à l'appel de Jérémie à être prophète, il est en même temps rassuré et troublé. « Ne crains pas... car je suis avec toi pour te protéger », dit le Seigneur à tous ceux qu'il appelle, « voilà, je place mes paroles sur tes lèvres. » Qui ne se sentirait encouragé à entendre ces rassurantes paroles divines ? Déjà quand nous considérons pourquoi ces paroles rassurantes sont nécessaires, ne découvrons-nous pas en nous-mêmes également le peu d'enthousiasme que nous trouvons dans la réponse de Jérémie ? Tout comme pour lui, parfois notre conception du ministère est trop liée à la terre ; nous manquons de confiance en lui qui nous appelle. Nous pouvons ainsi arriver à trop nous attacher à notre propre vision du ministère, imaginant trop souvent qu'il dépend de nos propres talents, de nos propres capacités et oubliant parfois que c'est Dieu qui nous appelle, comme il a appelé Jérémie encore dans le sein maternel. Et ce n'est ni nos talents, ni nos capacités qui ont la priorité : nous sommes appelés pour annoncer la Parole de Dieu et non la nôtre ; pour administrer les sacrements qu'il a donnés à son Église ; et pour appeler le peuple à un amour que lui, le premier, a rendu possible.

 

Aussi, la soumission à l'appel de Dieu doit-elle se faire avec extrême confiante et sans réserve ; notre soumission à la Parole de Dieu doit être totale : le « oui » dit une fois pour toutes doit s'aligner sur le « oui » qu'a dit Jésus lui-même. Comme l'a écrit saint Paul : « Aussi vrai que Dieu est fidèle, notre langage avec vous n'est pas oui et non. Le Christ Jésus n'a pas été oui et non ; il n'y a eu que oui en lui » (2 Co 1, 18-19).

 

L'appel de Dieu est une grâce : c'est un don, un trésor « possédé en des vases d'argile pour qu'on voie bien que cette extraordinaire puissance appartient à Dieu et ne vient pas de nous » (2 Co 4, 7). Mais ce n'est pas un don confié au prêtre d'abord pour lui-même ; il est plutôt un don de Dieu pour l'Église tout entière et pour sa mission dans le monde. Le sacerdoce est un signe sacramentel immuable qui indique que l'amour de Dieu, le Bon Pasteur, pour son troupeau ne manquera jamais. Dans la lettre que je vous ai adressée le dernier Jeudi Saint, j'ai développé les aspects du sacerdoce en tant que don de Dieu : Notre sacerdoce, ai-je dit, « constitue un ministerium particulier, c'est à-dire un "service" à l'égard de la communauté des croyants. Il ne tire donc pas son origine de cette communauté, comme si c'était elle qui " appelait "ou "déléguait ". C'est en réalité un don pour cette communauté et il provient du Christ lui-même, de la plénitude de son sacerdoce » (Lettre aux prêtres, n. 4).

 

C'est le divin donateur lui-même qui prend l'initiative dans cette offrande de dons à son peuple. C'est lui « qui appelle » celui que lui-même a décidé.

 

Aussi, lorsque nous réfléchissons à l'intimité existant entre le Seigneur et son prophète, son prêtre — une intimité qui découle et résulte de l'appel dont il a lui-même pris l'initiative — nous pouvons mieux comprendre certaines caractéristiques du sacerdoce et nous rendre compte de leur convenance en ce qui concerne la mission de l'Église aujourd'hui tout comme par le passé.

 

a) Le sacerdoce est donné pour toujours — tu es sacerdos in aeternum — nous ne pouvons donc rejeter ce don une fois donné. Il n'est pas possible que, après avoir donné l'impulsion à dire « oui », Dieu veuille entendre dire « non ».

 

b) Le monde ne devrait pas s'étonner si l'appel de Dieu continue, par l'intermédiaire de l'Église, à nous proposer un ministère célibataire d'amour et de service, à l'exemple de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ. L'appel de Dieu nous a, en effet, touché jusqu'au plus profond de notre être. Et après des siècles d'expérience, l'Église sait combien profondément il convient que le prêtre puisse donner cette réponse concrète dans sa vie, afin d'exprimer dans sa plénitude le « oui » qu'il a dit au Seigneur qui l'a appelé par son nom à son service.

 

c) Le fait qu'il s'agit d'un appel individuel, d'un appel personnel au sacerdoce fait par le Seigneur « aux hommes qu'il a choisis » concorde pleinement avec la tradition prophétique. Ceci devrait nous aider à comprendre que la traditionnelle décision de l'Église d'appeler au sacerdoce des hommes et non des femmes, n'est pas une prise de position au sujet de droits de l'homme, ni une exclusion de la femme de la sainteté et de la mission dans l'Église. Cette décision exprime plutôt la conviction de l'Église au sujet de la dimension particulière du don du sacerdoce par le moyen duquel Dieu choisit de paître son troupeau.

 

3. Chers frères : « Le troupeau de Dieu est parmi vous : consacrez-lui les bons soins du pasteur. » Combien étroitement liée à l'essence même de notre entendement dit sacerdoce est notre tâche de pasteurs ; dans l’histoire du salut revient sans cesse l'image des bons soins de Dieu pour son peuple. Et c'est uniquement dans le rôle de Jésus, le Bon Pasteur, que l'on peut comprendre notre ministère pastoral de prêtres. Rappelez-vous comment, dans son appel aux Douze, Jésus les engagea à être ses compagnons précisément afin de « les envoyer prêcher la Bonne Nouvelle». Le sacerdoce est une mission et un service ; le prêtre a été « envoyé » par Jésus pour « donner à son troupeau les soins du pasteur ». Cette caractéristique du prêtre — pour rappeler une belle expression au sujet de Jésus « l'homme-pour-les-autres » — nous indique ce que signifie authentiquement « donner ses soins au troupeau ». Cela signifie insister sur la conscience qu'a l'humanité du mystère de Dieu et de la profondeur de la Rédemption qui s'est réalisée en Jésus-Christ Le ministère sacerdotal est essentiellement missionnaire en soi ; il signifie être envoyé pour les autres comme le Christ fut envoyé par son Père pour évangéliser par amour de l'Évangile. Suivant les paroles de Paul VI « évangéliser signifie porter la Bonne Nouvelle à toutes les couches de l'humanité, et les renouveler » (Evangelii nuntiandi, 18). A la base et au cœur de son dynamisme, l’évangélisation contient une claire proclamation du fait que le salut se trouve en Jésus-Christ, le Fils de Dieu. C'est son nom, son enseignement, sa vie, ses promesses, son royaume et son mystère que nous proclamons devant le monde. Et l'efficacité de notre proclamation et donc le succès véritable de notre sacerdoce dépendent de notre fidélité au Magisterium au moyen duquel l'Église « garde le bon dépôt avec l'aide de l'Esprit-Saint qui habite en nous » (2 Tm 1, 14).

 

Comme modèle de tout ministère et apostolat dans l'Église, le ministère sacerdotal ne doit jamais être conçu en termes de chose acquise mais en tant que don ; il est un don qui doit être proclamé et partagé avec les autres. Ne le voit-on pas clairement dans l'enseignement de Jésus, quand la mère de Jacques et de Jean lui demanda que ses deux fils siègent, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche, dans son royaume ? « Vous savez, dit Jésus, que les chefs des nations commandent en maître et que les grands font sentir leur pouvoir. Il n'en doit pas être ainsi parmi vous : au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous, se fera votre serviteur, et celui qui voudra devenir le premier, se fera votre esclave. C'est ainsi que le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude » (Mt 20, 25-28).

 

De- même que Jésus fut à la. perfection « un homme-pour-les-autres», se livrant complètement sur la croix, le prêtre doit être surtout un serviteur et « un homme-pour-les-autres » quand il agit in persona Christi, en conduisant l'Église dans cette célébration où se renouvelle le sacrifice de la Croix. C'est pour cette raison que dans le sacrifice eucharistique quotidien de l'Église, la Bonne-Nouvelle — que les Apôtres ont été chargés d'aller annoncer partout — est prêchée dans toute sa plénitude ; l’œuvre de notre rédemption se renouvelle. C'est de la manière la plus parfaite que les Pères du concile Vatican II ont cerné cette, vérité fondamentale dans leur décret sur le ministère et la vie des prêtres : « Les autres sacrements, ainsi que tous les ministères ecclésiaux et les tâches apostoliques sont tous liés à l'Eucharistie et ordonnés à elle... On voit donc alors comment l'Eucharistie est bien la source et le sommet de toute l’évangélisation » (Presbyterorum ordinis, n. 5). Dans la célébration de l'Eucharistie, nous les prêtres nous sommes véritablement au cœur de notre ministère, de notre service « de donner au troupeau de Dieu les bons soins du pasteur ». Tout notre effort pastoral sera incomplet aussi longtemps que nous n'aurons pas conduit nos fidèles à la pleine et active participation au Sacrifice eucharistique.

 

4. Rappelons-nous comment Jésus a nommé douze disciples pour être ses compagnons. L'appel au service sacerdotal contient une invitation à une intimité toute spéciale avec le Christ. L'expérience vécue par les prêtres dans chaque génération leur a permis de découvrir que au centre de leur propre vie et de leur propre ministère, il y a leur union personnelle avec Jésus, leur qualité de compagnons de Jésus. Il n'est personne qui puisse effectivement porter la Bonne Nouvelle de Jésus aux autres sans avoir d'abord été son constant compagnon par la prière personnelle, sans avoir appris de Jésus le mystère à proclamer.

 

Lunion avec Jésus, modelée sur l'unité du Fils avec le Père, à également une autre dimension intrinsèque comme le révèle sa prière au cours de la dernière Cène : « Qu’ils soient un comme nous, Père » (Jn 17, 11). Son sacerdoce est une seule chose, et cette unité doit être actuelle et effective entre les compagnons qu'il s'est choisis. D'où l'unité entre les prêtres, vécue en pleine fraternité et amitié, est une exigence inéluctable et constitue une partie intégrante de la vie du prêtres.

 

L'unité entre les prêtres n'est pas une unité ou fraternité qui à sa propre fin en soi. Elle doit exister par amour de l'Évangile, pour symboliser, dans la réalisation du sacerdoce, la direction essentielle à laquelle l’Évangile appelle tout fidèle : une union d'amour avec lui et avec tout autre. Et seule cette union peut garantir paix, justice et dignité à chaque être humain. Il n'est pas douteux que c'est là la signification soulignée par Jésus dans sa prière lorsqu'il poursuit : «Je ne prie pas pour eux seulement, mais pour ceux-là aussi qui, grâce à leur parole, croiront en moi. Que tous soient un, comme toi, Père, tu est en moi et moi en Toi ». (Jn 17, 20-21). Aussi, comment le monde pourrait-il croire que le Père a envoyé Jésus, sinon en constatant de manière tangible que ceux qui croient en Jésus ont écouté son commandement de « s'aimer l'un l'autre » ? Et comment les fidèles, pourraient-ils être convaincus que cet amour est concrètement possible, si l'exemple ne leur en venait pas de l'unité de leurs prêtres, de ceux-là mêmes dont Jésus a, dans le sacerdoce, fait ses compagnons ?

 

Mes frères prêtres : n'avons-nous pas touché le sujet à son centré : notre zèle en faveur du sacerdoce lui-même ? Il est inséparable de notre zèle dans le service à l'égard du peuple. Cette messe concélébrée, qui de manière si belle symbolise l'unité de notre sacerdoce, donne au monde entier un témoignage de cette unité pour laquelle Jésus a élevé, en notre faveur, sa prière vers le Père. Mais il ne faut pas que cela soit seulement une manifestation passagère qui rendrait stérile la Parole de Jésus. Toute célébration eucharistique renouvelle cette prière pour l'unité : « Souviens-toi Seigneur de ton Église répandue sur toute la terre ; rends-la parfaite dans l'amour, en union avec notre pape Jean Paul... nos évêques et tous les prêtres ».

 

Vos conseils presbytéraux, cette nouvelle structure dans l'Église, fournissent un merveilleux moyen pour rendre visiblement témoignage de l'unique sacerdoce que vous partagez avec vos évêques et les uns avec les autres, et pour démontrer ce qui doit se trouver au cœur du renouvellement de chaque structure dans l'Église : l'unité pour laquelle Jésus lui-même à prié.

 

5. Au début de cette homélie, je vous ai demandé d'assumer les responsabilités de votre sacerdoce, une tâche qui incombe à chacun de vous personnellement, une tâche à partager avec tous les prêtres et qui doit concerner tout particulièrement vos conseils presbytéraux. La foi de toute l'Église impose de comprendre clairement et exactement ce qu'est réellement le sacerdoce et la place qu'il occupe dans la mission de l'Église. Aussi l'Église compte-t-elle sur vous pour approfondir toujours plus cette compréhension et pour la mettre en pratique dans votre vie et dans votre ministère : en d'autres mots pour partager le don de votre sacerdoce avec toute l'Église en renouvelant la réponse que vous avez déjà donnée à l'invitation du Christ : « viens, suis-moi ! », en vous livrant totalement comme lui-même l'a fait.

 

Parfois nous entendons ces mots : « Priez pour les prêtres ! ». Aujourd'hui j'adresse ces mêmes paroles comme un appel, comme une supplication, à tous les fidèles de l'Église, aux États-Unis. Priez pour les prêtres, afin que tous et chacun d'eux répètent sans cesse leur « oui » à l'appel qu'ils ont reçu, continuent sans fin à prêcher le message évangélique et soient à jamais fidèles comme compagnons de notre Seigneur, Jésus-Christ.

 

Chers frères prêtres : comme nous renouvelons le mystère pascal et que nous nous trouvons réunis au pied de la croix avec Marie, Mère de Dieu, permettez-moi de vous confier à Elle. Nous trouverons dans son amour de la force pour nos faiblesses et de la joie pour nos cœurs.

 

 

 

4 octobre 1979

DES MOINES : A LA COMMUNAUTE RURALE DE SAINT-PATRICK

 

Après la célébration au Civic Center à Philadelphie, le Saint-Père s'est rendu en avion à Des Moines, capitale de l'Iowa et important centre agricole du Mid-West. Accueilli par les autorités religieuses et civiles de l'État et de la ville, Jean-Paul II n'a pas tardé à rejoindre l'église paroissiale Saint-Patrick.

 

Chers frères et sœurs,

 

J'éprouve une grande joie à me trouver aujourd'hui parmi vous, au cœur de l'Amérique, dans cette gracieuse église Saint-Patrick de cette colonie irlandaise. Mon voyage pastoral à travers les États-Unis aurait semblé incomplet sans une visite, même brève, à une communauté rurale comme celle-ci. J'aimerais partager avec vous quelques idées que fait naître ce cadre particulier et qui me sont suggérées par ma rencontre avec les familles qui constituent cette paroisse rurale.

 

Proclamer Jésus-Christ et son Évangile : voilà la tâche fondamentale que l'Église a reçue de son fondateur et assumée depuis l'aurore de la première Pentecôte. Les premiers chrétiens furent fidèles à la mission que le Seigneur Jésus leur avait confiée par l'intermédiaire de ses Apôtres : « Ils se montraient assidus à l'enseignement des Apôtres, fidèles à la communion fraternelle ; à la fraction du pain et aux prières (Ac 2, 42). C'est ce que doit faire toute communauté de fidèles : proclamer le Christ et son Évangile, fraternellement unis dans la foi apostolique, la prière et la célébration de l'Eucharistie.

 

Tant de paroisses catholiques ont continence comme la vôtre aux premiers temps de l'établissement dans cette région : une modeste petite église au centre d'un groupe de fermes, un centre de prière et de fraternité, le cœur d'une véritable communauté chrétienne où les gens se connaissent personnellement prennent part aux problèmes les uns des autres et témoignent tous ensemble de l'amour de Jésus-Christ.

 

Dans vos fermes, en contact avec la nature, vous êtes tout près de Dieu : dans votre travail des champs vous suivez le rythme des saisons ; et dans vos cœurs vous vous sentez proches les uns des autres comme enfants d'un Père commun, comme frères et sœurs en Jésus-Christ. Combien grand est le privilège de pouvoir comme vous dans cette région adorer Dieu tous ensemble, célébrer votre unité spirituelle et vous aider mutuellement à supporter les fardeaux. Le synode des évoques de 1974, à Rome et Paul VI dans son exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi ont accordé une très grande attention aux petites communautés où il est possible d'arriver à une dimension humaine bien plus prononcée que dans les grandes villes ou dans les métropoles tumultueuses. Faites que votre petite communauté soit un vrai centre de vie chrétienne et d'évangélisation sans vous isoler de votre diocèse ou de l'Église universelle, sachant qu'une communauté à face humaine doit aussi refléter le visage de Jésus.

 

Soyez reconnaissants au Seigneur pour les grâces qu'il vous accorde, celle d'appartenir à cette communauté paroissiale rurale n'étant pas la moindre. Daigne votre Père céleste vous bénir, tous et chacun de vous. Que la simplicité de votre vie et la bonne entente de votre communauté soient le terrain fertile d'un engagement croissant au service de Jésus-Christ, Fils de Dieu et Sauveur du monde.

 

Quant à moi, je remercie le Seigneur qui m'a donné l'occasion de venir chez vous et de le représenter parmi vous comme vicaire du Christ Je vous remercie également pour votre chaleureux accueil et pour m'avoir offert l'hospitalité tandis que je me prépare à rencontrer une plus grande foule aux « Living Farms ».

 

J'assure aussi tout particulièrement de ma gratitude l'évêque de Des Moines pour son invitation que j'ai vivement appréciée. Il a souligné les nombreuses raisons pour lesquelles, une visite à Des Moines serait des plus significatives : Des Moines un des plus grands centres agricoles de ce pays, siège de la dynamique et méritante Catholic Rural Life Conference (Conférence catholique pour la vie rurale) dont l'histoire est si intimement liée au nom d'un pasteur grand ami de la population, rurale, Mgr Louis Ligutti ; une région qui se distingue par son engagement communautaire et son activité centrée sur la famille ; un diocèse qui prend part, avec tous les évêques catholiques de ce centre, aux efforts croissants pour édifier une communauté.

 

Mes salutations et mes meilleurs vœux s'adressent enfin à tout l'État de l'Iowa, aux autorités civiles et à toute sa population qui m'ont si généreusement prodigué une hospitalité marquée de gentillesse.

 

Que Dieu vous bénisse par l'intercession de Marie, Mère de Jésus et Mère de l'Église.

 

 

 

4 octobre 1979

HOMÉLIE AUX « LIVING HlSTORY FARMS »

 

Deuxième acte de la visite du Saint-Père à Des Moines : la messe en plein air dans le cadre des « Living History Farms », un véritable jardin-musée où ont été reconstruites jusque dans leur moindre détail d'anciennes fermes et qui constitue une image vivante de l'histoire de l'agriculture aux États-Unis. Plus de 800 000 personnes ont participé au sacrifice eucharistique durant lequel le Saint-Père a prononcé l'homélie dont voici la traduction :

 

Chers frères et sœurs en le Christ,

 

Ici, au cœur de l'Amérique rurale, au milieu des champs généreux du temps des moissons, je viens célébrer l'Eucharistie.

 

Comme je suis parmi vous en cette époque automnale des récoltes, ces paroles répétées chaque fois que les fidèles se réunissent pour la messe sont, me semble-t-il, des plus appropriées : « Béni sois-tu, Seigneur, Dieu de l'univers ; de ta bonté nous tenons ce pain à offrir, fruit de la terre et des mains de l'homme. »

 

Comme j'ai toujours été près de la nature, permettez-moi de vous parler aujourd'hui des champs, de la terre, de « ce que la terre nous a donné et que la main de l'homme a produit ».

 

1. La terre est un don que Dieu a fait à l'homme dès les origines. Elle est un don de Dieu, dû à l'amour du Créateur, fait pour assurer ta subsistance de la vie qu'il avait créée. Mais la terre n'est pas seulement un don de Dieu ; elle est aussi une responsabilité de l'homme. L'homme, créé lui-même du limon de la terre (cf. Gn 3, 7) en a été constitué le maître (cf. Gn 1, 26). Afin de donner du fruit, la terre allait dépendre du talent et de l'habileté, de la sueur et du labeur de l'homme à qui Dieu la confierait. Et ainsi, la nourriture qui allait soutenir la vie sur la terre, Dieu voulut qu'elle suit, en même temps « ce que la terre donne et ce que la main de l'homme produit ».

 

A vous tous, fermiers, à vous tous associés à la production agricole je désire dire ceci : l'Église tient votre travail en très haute estime. Le Christ lui-même a témoigné de son estime pour la vie des champs quand il parle de son Père comme « vigneron ». Vous collaborez avec le Créateur, le « vigneron » pour soutenir et nourrir la vie. Vous obéissez au commandement que Dieu a donné tout à l'origine : « Remplissez la terre et dominez-la » (Gn 1, 28). Ici au cœur de l'Amérique agricole, les vallées et les collines se sont couvertes de grain et les troupeaux se sont multipliés de nombreuses fois. Grâce à un rude labeur vous êtes devenus maîtres de la terre et vous l'avez dominée. En vertu de la grande fécondité que favorisent les progrès de l'agriculture moderne, vous soutenez la vie de millions de personnes qui n'ont aucune activité dans les champs, mais qui vivent grâce à ce que vous produisez. Attentif à ceci, je fais miennes les paroles de mon vénérable prédécesseur Paul VI : « La dignité de ceux qui travaillent la terre et de tous ceux qui sont engagés à différents niveaux dans la recherche et l'action en matière de développement agricole doit être inlassablement, reconnue et encouragée» (Message à la Conférence mondiale pour l'alimentation, nov. 1974, n. 4).

Quelle est donc l'attitude qui doit dominer dans les relations de l'homme; avec la terre ? Comme toujours, nous devons commencer par nous tourner vers Jésus, pour répondre car, comme le dit saint Paul : « Vous devez, avoir les mêmes sentiments que le Christ Jésus » (Ph 2, 5). Dans la vie de Jésus, nous découvrons une réelle intimité avec la nature. Dans son enseignement, il s'est référé aux « oiseaux de l'air », (Mt 6, 26), aux « lys des champs» (Mt, 7, 17). Il a parlé de l'agriculteur qui s'en va répandre la semence (Mt 13, 4, et suiv.) Il se réfère à son Père céleste en l'appelant « vigneron » (Jn 15, 1) ; et lui-même, se présente comme le Bon Pasteur (Jn 10, 14). Cette proximité avec la nature, ces références spontanées, à la création comme don de Dieu, la bénédiction d'une famille étroitement unie — caractéristique de la vie dans la ferme à toute époque comme encore aujourd'hui — tout cela a fait partie de la vie de Jésus. C'est pourquoi je vous invite à faire en sorte que votre attitude soit toujours semblable à celle de Jésus.

 

2. Trois attitudes sont particulièrement appropriées à la vie rurale. D'abord la reconnaissance. Rappelez-vous les premières paroles de Jésus dans l'Évangile que nous venons d'entendre : des paroles de reconnaissance envers son divin Père : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je t'offre mes louanges. » Que ce soit là votre sentiment. Chaque jour l'agriculteur est amené à se rappeler qu'il dépend de Dieu. Du ciel vient la pluie, le vent, la splendeur du soleil. Ils viennent sans ordre ou contrôle de la part de l'agriculteur. Celui-ci prépare le terrain, jette la semence, s'occupe de la moisson. Mais c'est Dieu qui la fait croître ; lui seul est la source de la vie. Même les désastres naturels comme la tempête de grêle et la siccité, les ouragans et les inondations, rappellent à l'homme des champs qu'il dépend de Dieu. Ce fut certainement la conscience de ce fait qui fut à l'origine des premiers pèlerinages en Amérique, pour finir par établir la fête que vous appelez Thanksgiving (remerciement). Après chaque récolte — et peut-être est-ce arrivé également ici cette année, l'agriculteur fait proprement sienne la prière de Jésus : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je t'offre mes louanges ».

 

En deuxième li, la terre doit être traitée avec soin parce qu'elle doit garder sa fertilité d'une génération à l'autre. Vous qui vivez au cœur de l'Amérique ; vous avez reçu en charge une des meilleures terres du monde : un sol si riche en minéraux, un climat si favorable pour produire d'abondantes moissons, avec de l'eau pure et un air non contaminé partout autour de vous. Vous êtes les dispensateurs de quelques-unes des plus grandes ressources que Dieu ait données au monde. Aussi, protégez-la bien, cette terre, afin que les fils de vos fils et toutes les générations suivantes puissent hériter d'une terre aussi riche que celle qui vous a été confiée. Et rappelez-vous ce qu'il y a au cœur de votre vocation. S'il est vrai qu'ici l'agriculture peut assurer une avantageuse situation économique, elle sera cependant toujours beaucoup plus qu'une entreprise orientée vers les profits. Dans le travail des champs, vous collaborez avec le Créateur pour soutenir vraiment la vie sur la terre.

 

En troisième lieu, je voudrais parler, de la générosité, une générosité qui découle du fait que « Dieu a destiné la terre et tout ce qu'elle contient à l'usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens de la création doivent affluer équitablement entre les mains de tous, selon la règle de la justice, inséparable de la charité » (Gaudium et Spes, 69). Vous qui êtes aujourd'hui agriculteurs, vous êtes les intendants d'un don de Dieu destiné au bien de toute l'humanité. Vous avez le pouvoir de fournir la nourriture à des millions d'hommes qui n'ont rien à manger et donc, d'aider le monde à se libérer de la famine. Je vous adresse la question que posa Paul VI il y a cinq ans : « ... Si le potentiel de la nature est immense, si celui de la maîtrise de l'esprit humain sur l'univers semble presque illimité, que manque-t-il trop souvent..., sinon cette générosité, cette inquiétude que suscite la vue des souffrances et des misères des pauvres, cette profonde conviction que toute la famille pâtit quand un de ses membres est en détresse? (Message à la World Food Conference du 9 novembre 1974, n. 9).

 

Vous souvenez-vous de Jésus lorsqu'il vit la foule affamée groupée autour de la montagne ? Quelle fut son attitude ? Il ne se limita pas à exprimer sa pitié. Il ordonna à ses disciples de leur donner à manger eux-mêmes (cf. Mt 14, 16). Et aujourd'hui, Jésus ne nous adresse-t-il pas les mêmes paroles, à nous qui vivons au XX° siècle, à nous qui avons les moyens nécessaires pour donner à manger à ceux qui ont faim dans le monde ?

 

Répondons généreusement à ce commandement de Dieu, en, répartissant le fruit de notre travail, en partageant avec les autres les expériences acquises en nous faisant partout, promoteurs de développement agricole et en défendant le droit au travail des populations rurales parce que tout le monde a droit à un emploi utile.

 

3. Les agriculteurs pourvoient au pain pour l'humanité tout entière, mais c'est Jésus seul qui est le pain de vie. Loi seul peut satisfaire la faim la plus profonde du monde. Comme le disait saint Augustin : « Nos cœurs sont sans repos jusqu'à ce qu'ils reposent en toi » (Confess. 1). Tandis que nous nous rappelons la faim physique de millions de nos frères et sœurs de tous les continents, en cette célébration eucharistique, nous pensons que la faim la plus profonde se trouve dans l'âme humaine. A tous ceux qui connaissent cette faim intérieure, Jésus dit : « Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et ployez sous le fardeau et je vous restaurerai. » Mes frères, sœurs en le Christ : écoutons ces mots du plus profond de notre cœur. Ils s'adressent à chacun de nous. A tous ceux qui travaillent la terre, à tous ceux qui récoltent le fruit de leur travail, à chaque homme et femme de la terre, Jésus dit : « Venez à moi… et je vous restaurerai ». Même si toute la faim physique du monde était apaisée, même si tous ceux qui ont faim étaient rassasiés grâce à leur propre travail ou par la générosité des autres, même alors la faim la plus profonde de l'homme existerait encore.

 

Nous nous souvenons de la lettre de saint Paul aux Galates : « Tout ce qui importe, c'est d'être une créature nouvelle : Seul le Christ peut créer à nouveau et cette nouvelle création trouve son commencement uniquement dans la Croix et la Résurrection. Dans le Christ seul toute création est rétablie dans son ordre propre. C'est pourquoi je vous le dis : Venez tous au Christ. Il est le pain de vie. Venez au Christ et vous n'aurez plus jamais faim. »

 

Apportez au Christ le produit de vos mains, le fruit de vos champs, ce que « la terre a donné et les mains humaines produit ». Sur cet autel, ces dons seront transformés dans l'Eucharistie du Seigneur.

 

Apportez avec vous vos efforts pour rendre ces champs fertiles, votre travail et vos peines. A cet autel, grâce à la vie, à la mort et à la Résurrection du Christ, toute activité humaine est sanctifiée, sublimée et accomplie.

 

Amenez avec vous les pauvres, les malades, les marginaux, les affamés ; ceux qui sont harassés et ploient sous le fardeau. A cet autel, ils seront rafraîchis, le joug leur semblera aisé et le fardeau léger.

 

Et surtout amenez vos familles et consacrez-les de nouveau au Christ afin qu'elles continuent à former une communauté qui travaille, vit et aime, où la nature est respectée, où les fardeaux sont partagés et où le Seigneur est loué avec reconnaissance.

 

 

 

4 octobre 1979

CHICAGO : A LA CATHEDRALE

 

Le 4 octobre, une fois terminée la célébration eucharistique dans les « Living History Farms » de Des Moines, Jean Paul Il a repris la voie de l’air et une heure plus tard il débarquait à Chicago. Reçu à l'aéroport O'Hare par le cardinal Cody, et les autorités de l'État de l'Illinois et de la métropole de Chicago, le Saint-Père s'est rendu en la « Holy Name Cathedral » où il a prononcé un discours.

 

Chers frères et sœurs en le Christ,

 

De Philadelphie à Des Moines, de Des Moines à Chicago ! En un jour, j'ai vu une grande partie de votre immense pays, et j'ai remercié le Seigneur pour la foi et pour les réalisations de sa population. Ce soir, me voici à Chicago, en la « Holy Name Cathedral ». Je remercie le Seigneur pour la joie de cette rencontre.

 

A vous ma reconnaissance toute spéciale, cardinal Cody, pendant de nombreuses années mon frère dans le Collège des évêques, vous le pasteur de ce grand archidiocèse de Chicago. Je vous remercie pour votre aimable invitation et pour tout ce que vous avez fait pour préparer ma visite. J'adresse également un salut plein d'estime et d'affection à tous les prêtres, tant diocésains que religieux qui prennent une part si particulière et si intime à la responsabilité de porter le message du salut, à tant de peuples. Je suis également heureux de rencontrer les personnes appartenant aux divers secteurs de l'Église : les diacres et les séminaristes, les religieux et religieuses, les maris et femmes, les mères et les pères, les célibataires, les veuves, la jeunesse et les enfants : ainsi nous pouvons célébrer tous ensemble notre unité ecclésiale dans le Christ.

 

C'est avec une joie toute spéciale que je vous remercie, chacun de vous ici présent, dans cette cathédrale du Très Saint Nom, où par la grâce de Dieu, je reviens une fois de plus. Ici se trouve symbolisée et réalisée l'unité de cet archidiocèse, de cette Église locale — riche d'histoire et de fidélité, riche de générosité à l'égard de l'Évangile, riche de la foi de millions d'hommes, de femmes et d'enfants qui pendant des décennies ont trouvé la sainteté et la justice en Nôtre-Seigneur Jésus-Christ.

 

Et aujourd'hui, je veux célébrer avec vous le grand mystère exprimé dans le titre de votre cathédrale : le Saint Nom de Jésus, Fils de Dieu et Fils de Marie. »

 

Je suis venu chez vous pour vous parler du salut en Jésus-Christ. Je suis venu pour le proclamer de nouveau : pour proclamer ce message, à vous, avec vous et pour vous — et pour toute la population. Comme successeur de Pierre, parlant sous l'action de l'Esprit-Saint, je proclame avec force : « Il n'y a pas sous le ciel d'autre nom donné aux hommes, par qui nous devions être sauvés » (Ac 4, 12).

 

C'est au nom de Jésus que je viens à vous. Notre service d'aide au monde dans ses besoins est exercé au nom de Jésus. Le repentir et le pardon des péchés est prêché en son nom (cf. Lc 24, 27). Et « en croyant, chacun de nous a la vie en son nom » (cf. Jn 20, 31).

 

Dans ce nom — dans le Saint Nom de Jésus — il y a de l'aide pour les vivants, de la consolation pour les mourants, de la joie et de l'espérance pour le monde entier.

 

Chers frères et sœurs de l'Église de Chicago, faisons toute chose « au nom de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ » (Col 3, 12).

 

Que les paroles que je vous ai adressées en arrivant ici, les paroles de quelqu'un qui a été appelé à être le serviteur des serviteurs de Dieu, soient pour tout Chicago, pour les autorités et la population, l'expression de ma solidarité fraternelle. Comme je voudrais pouvoir rencontrer personnellement chacun de vous, aller vous voir chez vous, parcourir les rues pour mieux comprendre la richesse de vos personnalités et la profondeur de vos aspirations. Puissent les paroles que je vous adresse être un encouragement pour tous ceux qui se prodiguent pour donner à votre communauté un sens de fraternité, de dignité et d'unité. En venant ici, je désire vous exprimer mon respect — au-delà des confins de la foi catholique et au-delà de toute religion — pour l'homme, pour l'humanité qui existe en chaque être humain. Le Christ que je représenter indignement, me pousse à le faire. Je dois obéir à son commandement d'amour fraternel. Et je le fais avec grande joie.

 

Que Dieu daigne ennoblir l'humanité dans cette grande ville de Chicago !

 

 

 

4 octobre 1979

A SAINT-PIERRE

 

Aux religieux

 

Après sa rencontre avec le clergé et les fidèles de l'archidiocèse de Chicago, le pape s'est rendu à l'église Saint-Pierre où étaient rassemblés plusieurs milliers de religieux.

 

Frères en le Christ,

 

« Je rends grâces à mon Dieu chaque fois que je fais mémoire de vous, en tout temps dans toutes mes prières pour vous, prières que je fais avec joie ; car je me rappelle la part que vous avez prise à l'Évangile depuis le premier jour jusqu'à maintenant » (Ph 1, 3-5), Ces paroles de saint Paul expriment mes sentiments ce soir. Il est bon d'être avec vous. Et je rends grâces au Seigneur pour votre présence dans cette Église, et pour votre collaboration dans la proclamation de l'Évangile.

 

Frères, le Christ est le but et la mesure de notre vie. Votre vocation a son origine dans la connaissance du Christ et votre vie a trouvé son soutien dans son amour. Car il vous a appelés pour que vous le suiviez de plus près dans une vie consacrée par le don des conseils évangéliques. Vous le suivez avec sacrifice et générosité spontanée. Vous le suivez avec joie « en chantant à Dieu de tout votre cœur, avec reconnaissance, par des psaumes, des hymnes et des cantiques inspirés » (Col 3, 16). Et vous le suivez avec fidélité, considérant même que c'est un honneur de subir des outrages à cause de son nom (cf. Ac 5, 42).

 

Votre consécration religieuse est essentiellement un acte d'amour. C'est une imitation du Christ qui s'est donné lui-même à son Père pour le salut du monde. Dans le Christ, l'amour pour son Père et l'amour pour le genre humain sont unis. Et il en est ainsi avec vous. Votre consécration religieuse n'a pas seulement approfondi votre don baptismal d'union avec la Sainte Trinité, mais elle vous a appelés également à un plus grand service en faveur du Peuple de Dieu. Vous êtes unis très intimement à la Personne du Christ et vous prenez part pleinement à sa mission de salut pour le monde.

 

C'est au sujet de votre coopération à la mission du Christ que je désire vous parler ce soir.

 

2. Permettez-moi de vous rappeler les qualités personnelles nécessaires pour coopérer effectivement avec le Christ dans sa mission. En premier lieu, vous devez être intérieurement libres, spirituellement libres. La liberté dont je vous parle peut sembler un paradoxe à beaucoup, même des membres de l'Église se méprennent à ce sujet. Elle est cependant la liberté fondamentale de l'homme et Jésus nous l'a gagnée sur la Croix. « Nous étions encore sans force, lorsque, au temps fixé, le Christ est mort, pour les impies » (Rm 5, 6).

 

Cette liberté spirituelle reçue dans le baptême, vous avez voulu l'accroître et la renforcer par votre soumission spontanée à l'appel de suivre dé près le Christ dans la pauvreté, la chasteté et l'obéissance. Sans souci de ce que disent les autres ou de ce que le monde croit, votre promesse d'observer les conseils évangéliques n'a pas amoindri votre liberté : vous n'êtes pas moins libres parce que vous obéissez ; et vous n'êtes pas moins capables d'amour parce que vous avez accepté le célibat. Au contraire ! La fidèle pratique des conseils évangéliques accentue votre dignité humaine, libère le cœur humain et fait brûler votre cœur d'un amour intégral pour le Christ et pour ses frères et sœurs dans le monde (cf. Perfectae Caritatis, 1-12).

 

Mais cette liberté d'un cœur non partagé (cf. 1 Co 7, 32-35) doit se maintenir par une vigilance continue et par la prière. Si vous vous unissez sans cesse au Christ dans la prière, vous serez toujours libres et toujours plus empressés à prendre part à sa mission.

 

3. Deuxièmement, vous devez placer l'Eucharistie au centre de votre vie. Tandis que de diverses manières vous prenez part à la passion, à la mort et à la résurrection du Christ c'est spécialement dans l'Eucharistie qu'elles sont toutes célébrées et qu'elles deviennent efficaces. Dans l'Eucharistie, votre esprit et votre cœur se recréent et vous y trouverez la force de vivre jour par jour pour lui, le Rédempteur du monde.

 

4. Troisièmement consacrez-vous à la parole de Dieu. Rappelez-vous ce qu’a dit Jésus : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique » (Lc 8, 21). Si vous écoutez sincèrement la Parole de Dieu et que vous cherchez, humblement mais avec constance à la mettre en pratique, elle produira .des fruits dans votre vie comme le grain tombé dans une terre fertile.

 

5. Le quatrième et dernier élément qui rendra efficace votre coopération à la mission du Christ est l'amour fraternel. Votre vie vécue en religieuse communauté est la première expression concrète de votre amour pour le prochain. Voilà la première exigence ; que l'abnégation et, je service généreux soient exercés en vue d'édifier la communauté fraternelle. Cet amour qui vous unit comme des frères en une communauté devient à son tour la force qui vous soutient dans votre mission au service de l'Église.

 

6. Mes frères en Jésus-Christ, aujourd'hui l'Église honore saint François d'Assise. Lorsque je pense à ce grand saint je me rappelle sa grande joie devant la création de Dieu, sa simplicité enfantine, son mariage poétique avec « Dame pauvreté », son zèle missionnaire et son désir de participer pleinement à la Croix du Christ. Quel merveilleux héritage il a laissé à ceux qui parmi vous sont franciscains, et également à nous tous.

 

De la même manière Dieu à élevé d'autres hommes et femmes à un haut degré de sainteté. Également ceux-ci Dieu les a destinés à fonder des familles religieuses qui, chacune selon sa voie, devaient jouer un rôle important dans la mission de l'Église. La clé de l'efficacité de chacun de ces instituts religieux a été sa fidélité au charisme initial que Dieu a donné d'abord à chacun de ces fondateurs ou fondatrices, pour enrichir l'Église. C'est pourquoi je, répète ce qu'a dit Paul VI : « Soyez fidèles à l'esprit de vos fondateurs, à leurs intentions évangéliques et à l'exemple de leur sainteté... C'est précisément ici que trouve son origine le dynamisme propre de chaque famille religieuse » (Evangelica Testification, 11-12). Et ceci reste une base solide pour décider quelles activités ecclésiales spécifiques chaque institut et chaque membre individuel doivent exercer dans le but de remplir la mission de l'Église.

 

7. N'Oubliez jamais le but spécifique ultime de tout service apostolique : conduire chaque jour les hommes et les femmes de notre époque à la communion avec la Très Sainte Trinité. Aujourd'hui, l'humanité est de plus en plus tentée de chercher la sécurité dans les biens, dans la science, dans le pouvoir. Par le témoignage de vos vies consacrées au Christ dans la pauvreté, la chasteté et l'obéissance, vous défiez cette fausse sécurité. Vous êtes un rappel vivant que le Christ seul est « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14, 6).

 

8. Aujourd'hui les religieux sont engagés dans une large gamme d'activités : l'enseignement dans les écoles catholiques, l'annonce de la parole de Dieu dans une activité missionnaire, l'assistance à l'humanité dans ses différents besoins, tant par le témoignage et l'action que par la prière et le sacrifice. En persévérant dans votre service particulier, pensez toujours au conseil de saint Paul : « Quel que soit votre travail faites-le avec votre âme, comme pour le Seigneur et non pour des hommes » (Col 3, 23). Votre efficacité sera à la mesure de votre amour pour le Christ Jésus.

 

9. Enfin, toute forme de service apostolique, qu'il soit individuel ou communautaire doit être en harmonie avec l'Évangile tel qu'il est proposé par le Magistère. Car tout service chrétien a pour but de répandre l'Évangile ; et tout service chrétien comprend des valeurs évangéliques. Soyez donc hommes de la Parole de Dieu : des hommes dont le cœur brûle quand ils entendent proclamer la Parole de Dieu (Lc 24, 32) ; qui harmonisent toutes leurs actions avec ses exigences ; et qui désirent voir la Bonne Nouvelle proclamée jusqu'aux confins de la terre.

 

Frères, votre présence dans l'Église et votre collaboration à l'annonce de l'Evangile me remplissent de joie dans, mon rôle de pasteur de toute l'Église. Puisse Dieu vous accorder à chacun une longue vie ! Et appeler une multitude d'autres hommes à suivre le Christ dans la vie religieuse ! Et puisse la Vierge Marie, Mère de l'Église et exemple de vie consacrée obtenir du Christ son Ris joie et consolation pour vous !

 

 

 

5 octobre 1979

A L'EGLISE DE LA DIVINE PROVIDENCE

 

La première rencontre de la cinquième journée du pape aux États-Unis a eu lieu dans le cadre de l'église de la Divine Providence à Chicago. Parmi les fidèles réunis en l'église figuraient les représentants et les membres de la « Campagne pour le développement » ; cette organisation catholique a été fondée il y a dix ans par les évêques américains pour venir à l'aide des plus nécessiteux. Voici en traduction le texte du discours de Jean Paul II.

 

Chers frères et sœurs, chers amis en Jésus-Christ,

 

Merci pour votre accueil !

 

Je suis heureux de pouvoir saluer et bénir ces groupes que la Campagne pour les droits humains a assistés et dont les représentants sont ici présents.

 

Cette « Campagne » a été un témoignage de la présence active de l'Église dans le monde parmi les plus nécessiteux et de son engagement dans la poursuite de la mission du Christ qui a envoyé « porter la bonne nouvelle aux pauvres et annoncer aux captifs la délivrance » (Lc 4, 14-19).

 

Je félicite les évêques des États-Unis pour la sagesse et la compassion démontrées en instituant il y a dix ans la Campagne pour le développement humain ; et je remercie la communauté catholique tout entière pour le généreux soutien qu'ils ont apporté à cette initiative durant ces années.

 

On m'a dit que non moins de mille cinq cents groupes et organisations ont été fondés par cette œuvre. Les initiatives destinées à promouvoir des projets « self-help » (efforts personnels) méritent tous éloges et encouragements, car elles aident efficacement à supprimer les causes et même souvent les malfaisants effets de l'injustice. Les projets soutenus par la campagne ont aidé à la promotion d'un ordre social plus humain et plus juste et ont donné à de nombreuses personnes la possibilité d'acquérir plus largement une légitime indépendance. Ils restent dans la vie de l'Église comme un témoignage de l'amour et de la sollicitude de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ.

 

Que Dieu vous donne force, courage et sagesse pour continuer cette œuvre de justice.

 

Dieu vous bénisse tous !

 

Le Saint-Père a poursuivi en langue espagnole :

 

Chers frères et sœurs de langue espagnole,

 

Je me réjouis beaucoup de me trouver ici parmi vous durant mon voyage, bref mais intense, dans ce grand et fraternel pays.

 

Ma visite est principalement de nature pastorale. Elle est une invitation à la coexistence, fraternelle, au développement pacifique des bonnes relations entre les hommes et entre les peuples. Une invitation à chercher dans le Christ la source et l'énergie pour que, dans notre vie se réalise la vocation de Dieu, comme hommes et comme chrétiens.

 

J'ai grande confiance en vos prières, spécialement dans celle des enfants, des personnes âgées, des malades et de tous ceux qui, en raison de leurs souffrances physiques ou morales, se rapprochent le plus du Christ, notre Sauveur et Rédempteur.

 

Je vous salue tous affectueusement et vous donne cordialement ma bénédiction.

 

 

 

5 octobre 1979

HOMELIE A LA COMMUNAUTE POLONAISE

 

Une parenthèse polonaise en terre américaine : le Saint-Père a célébré le 5 octobre en l'église « des Cinq Martyrs » une messe pour ses compatriotes immigrés aux États-Unis.

 

Chers frères et sœurs,

 

Dans un moment, nous offrirons à Dieu le pain et le vin. J’accepterai ces dons de vos mains pour les offrir au Père céleste. Ceci nous le faisons à toutes les messes. Mais bien que chaque fois nous le fassions de la même manière, l'offrande a toujours un contenu différent, un autre son sur nos lèvres et révèle les différents secrets de notre cœur. Elle parle aujourd'hui un langage tout à fait spécial.

 

En acceptant vos dons à l'offertoire et en les plaçant sur cet autel, je voudrais exprimer au moyen dé ceux-ci tout l'apport que les fils et les filles de notre première mère-patrie ont fait à l'histoire et à la vie de leur seconde patrie d'outre-océan : tout leur travail, leurs efforts, les luttes et les souffrances ; tout le fruit de leur esprit, des cœurs et des mains ; toutes les conquêtes dés individus, des familles, des communautés. Mais aussi toutes les faillites, les douleurs, les déceptions ; toute la nostalgie de leurs foyers lorsque, contraints par la grande pauvreté, ils ont dû franchir l'océan ; tout le prix de l'amour qu'ils ont dû abandonner pour chercher ici de multiples liens familiaux, sociaux et humains.

 

Dans ce sacrifice eucharistique, je veux inclure toute la sollicitude pastorale de l'Église, tout le travail accompli par le clergé et par ce séminaire qui depuis de nombreuses années forme des prêtres ; le travail des religieux et spécialement des religieuses qui ont suivi de Pologne, leurs compatriotes. Et encore les activités des diverses organisations qui ont démontré la force de l'esprit, de l'initiative et de l'habileté et surtout leur promptitude à servir une bonne cause, une cause commune, bien que l'océan sépare la nouvelle patrie de l'ancienne.

 

J'ai déjà mentionné beaucoup de choses ici, et j'espère les avoir évoquées toutes. C'est pourquoi je vous demande à tous et à chacun : complétez ce qui manque à la liste. Sur cet autel je voudrais placer l'offrande de tout ce que vous — la Pologne américaine — avez représenté dès le début, depuis l'époque de Kosciuszko et Ruleski, pour toutes les générations et de tout ce que vous représentez aujourd'hui.

 

Je veux offrir ce saint sacrifice à Dieu, comme évêque de Rome et comme en même temps fils de cette même nation dont vous provenez.

 

Je veux ainsi accomplir un devoir spécial : le devoir de mon cœur et le devoir de l'histoire. Que Notre-Dame de Jasna Gôra soit maternellement avec nous durant ce saint sacrifice et, avec elle, les saints Patrons de notre pays dont vous avez apporté avec vous la dévotion dans cette terre.

 

Puisse cette extraordinaire offrande de pain et de vin, ce sacrifice eucharistique unique dans l'histoire de la Pologne américaine, vous unir tous en un grand amour et dans une grande œuvre. Puisse-t-il faire que Jésus continue à faire grandir votre foi et votre espérance.

 

 

 

5 octobre 1979

AUX SEMINARISTES

 

Une rencontre à laquelle, durant tout son voyage, le pape a toujours accordé grande importance, est celle qui le met en contact avec les séminaristes, bousculant quelque peu le programme, le cas échéant. Ceci s'est passé quand, à Chicago, il a voulu parler aux élèves du séminaire mineur de Quigley South à qui il a dit:

 

Chers séminaristes,

 

Je vous adresse un salut tout spécial à vous tous ici présents aujourd'hui. Je voudrais que vous sachiez que vous avez une place toute spéciale dans ma pensée et dans mes prières.

 

Chers fils en Jésus-Christ : soyez forts dans votre foi — la foi en le Christ et en son Église, foi dans tout ce que le Père a révélé et accompli par son Fils et par l'Esprit-Saint.

 

Durant vos années de séminaire mineur, vous avez le privilège d'étudier et d'approfondir votre compréhension de la foi. Depuis votre baptême vous avez vécu la foi, aidés par vos parents, par vos frères et sœurs et par toute la communauté chrétienne. Et cependant je veux vous exhorter aujourd'hui à vivre encore plus profondément votre foi. C'est en effet votre foi à Dieu qui constitue la différence essentielle de votre vie comme de la vie de chaque prêtre.

 

Soyez fidèles à la prière quotidienne : elle maintiendra votre foi vivante et agissante.

 

Étudiez attentivement votre foi afin que votre connaissance du Christ ne cesse de croître.

 

Alimentez chaque jour votre foi à la messe afin de trouver dans l'Eucharistie la source et la plus haute expression de notre foi.

 

Que Dieu vous bénisse !

 

 

 

5 octobre 1979

A LA CONFERENCE EPISCOPALE AMERICAINE

 

Chers frères dans le Christ,

 

Laissez-moi vous dire très simplement combien je vous suis reconnaissant de votre invitation à venir aux États-Unis. J'éprouve une joie immense à accomplir cette visite pastorale, et spécialement à être aujourd'hui parmi vous.

 

Laissez-moi aussi vous remercier, pas seulement pour cette invitation, et pour tout ce que vous avez fait pour préparer cette visite du pape, mais surtout pour la façon dont vous collaborez avec moi à l’évangélisation depuis mon élection. Je vous remercie de votre service du peuple de Dieu, de votre fidélité au Christ, notre Seigneur, et de votre union avec mes prédécesseurs et avec moi dans l'Église et au sein du Collège des évêques.

 

Je veux saisir, cette occasion pour rendre hommage publiquement à la longue tradition de fidélité au Siège apostolique de la hiérarchie américaine. Pendant deux siècles, cette tradition a édifié votre peuple, elle a authentifié votre apostolat et enrichi l'Église universelle.

 

Enfin, en votre présence, je veux aujourd'hui faire connaître combien j'apprécie la fidélité des catholiques américains et le regain de vitalité dont ils ont fait preuve dans leur vie chrétienne. La pratique sacramentelle des communautés, mais aussi d'abondants fruits de l'Esprit-Saint, sont les manifestations de cette vitalité, avec beaucoup de zèle vos fidèles se sont efforcés de construire le royaume de Dieu grâce à l'école catholique et de nombreux efforts dans le domaine de la catéchèse. Les catholiques américains ont fait preuve d'un réel souci des autres, et aujourd'hui, je les remercie pour leur grande générosité. Par leur aide, ils ont subvenu aux besoins des diocèses des États-Unis et ils ont soutenu un réseau important d’œuvres charitables et des programmes « d'auto-assistance », y compris les programmes mis en œuvre par les « catholic relief services » et par la Campagne pour le Développement humain. En outre, en aidant les missions, l'Église des États-Unis apporte une contribution appréciable à la cause de l'Évangile du Christ. Grâce à la générosité de vos fidèles envers le Siège apostolique, mes prédécesseurs ont pu mieux répondre à leur mission de charité universelle pour toute l'humanité. C'est donc pour moi une heure de solennelle gratitude.

 

2. Mais c'est bien davantage une heure de communion ecclésiale et d'amour fraternel. Je viens à vous comme un frère dans l'épiscopat : quelqu'un qui, comme vous-mêmes, a connu les espérances et les défis d'une Église locale ; quelqu'un qui a travaillé à l'intérieur d'un diocèse, qui a collaboré dans le cadre d'une Conférence épiscopale ; quelqu'un qui a fait l'expérience pleine d'une joie stimulante de la collégialité pendant le concile œcuménique, collégialité exercée par les évêques avec celui qui présidait cette assemblée collégiale et qui en même temps était reconnu par elle comme totius Ecclesiae Pastor ayant « sur l'Église un pouvoir plénier suprême et universel » (Lumen gentium, 22). Je viens à vous comme quelqu'un qui a été personnellement édifié et enrichi par sa participation au Synode des évêques ; quelqu'un qui s'est senti soutenu et aidé par l'intérêt fraternel et dévoué des évêques américains qui venaient en Pologne afin d'exprimer leur solidarité avec l'Église de son pays ; je viens comme celui qui a trouvé un profond réconfort spirituel pour son activité pastorale dans les encouragements des pontifes romains. C'est avec eux et sous leur autorité que je servais le peuple de Dieu. Et j'ai en particulier trouvé beaucoup d'encouragements auprès de Paul VI, que je ne considérais pas seulement comme le Chef du Collège des évêques, mais aussi comme mon propre père spirituel. Et aujourd'hui, sous le signe de ta collégialité et en vertu d'un mystérieux dessein de la Providence, moi, votre frère en Jésus, je viens en tant que Successeur de Pierre sur le Siège de Rome, et donc comme Pasteur de toute l'Église.

 

En raison de ma propre responsabilité pastorale, et en raison de notre commune responsabilité pastorale envers le peuple de Dieu aux États-Unis, je désire vous affermir dans votre ministère de la foi comme pasteurs d'Églises locales, et vous encourager dans vos activités pastorales, individuelles et communes, à rester inébranlables dans la sainteté et la vérité de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ. Et en vous-je désire rendre honneur à Jésus-Christ, le pasteur et le gardien de nos âmes (cf. 1 P 2, 25).

 

Parce que nous avons été appelés à être les pasteurs du troupeau, nous comprenons bien que nous devons nous présenter comme d'humbles serviteurs de l'Évangile. On ne nous reconnaîtra vraiment comme guides que dans la mesure où nous sommes des disciples authentiques, dans la mesure où les Béatitudes inspirent toute notre vie, dans la mesure, où nos fidèles trouvent vraiment en nous la bonté, la simplicité de vie et la charité universelle qu'ils attendent de nous.

 

Nous qui, par mandat divin, devons proclamer les exigences de la foi chrétienne, et qui devons appeler sans cesse nos fidèles à la conversion et ait renouveau, nous savons combien l'invitation de saint Paul est valable pour nous d'abord : « Vous devez revêtir l'Homme Nouveau, qui a été créé selon Dieu dans la justice et la, sainteté de la vérité » (Ep. 4, 24).

 

3. La sainteté de la conversion personnelle est en effet la condition pour la fécondité de notre ministère épiscopal. C'est notre union avec Jésus-Christ qui rend crédible notre témoignage pour l'Évangile et donne à notre activité une efficacité surnaturelle. Nous ne pouvons proclamer l'insondable richesse du Christ (Ep. 3, 8) d'une manière convaincante que dans le mesure où nous restons fidèles à l'amour et à l'amitié de Jésus, que dans la mesure où nous continuons à vivre dans;la foi au Fils de Dieu.

 

Il y a quelques années, avec la canonisation de John Neumann, la hiérarchie américaine a reçu de Dieu un cadeau magnifique. En effet, l'Église catholique a proposé cet évêque américain comme modèle exemplaire du serviteur de l'Évangile et du pasteur du peuple de Dieu, avant tout à cause de son amour du Christ. A l'occasion de sa canonisation, Paul VI demandait : « Quelle est donc la signification de cet événement extraordinaire, la signification de cette canonisation ? » Et il répondait, en disant : « C'est la célébration de la sainteté ». Et cette sainteté de John Neumann s'est exprimée dans l'amour fraternel, dans la charité pastorale et dans le service zélé de celui qui était l’évêque d'un diocèse et un authentique disciple du Christ.

 

Pendant la canonisation, Paul VI poursuivait : « Notre cérémonie d'aujourd'hui est bien la célébration de la sainteté. C'est en même temps une anticipation prophétique — pour l'Église, pour les États-Unis, pour le monde — d'un renouveau de l'amour : amour de Dieu, amour du prochain ». En tant qu'évêques, nous devons exercer dans l'Église, ce rôle prophétique de l'amour et, par conséquent, de la sainteté.

 

Sous la motion de l'Esprit-Saint, nous devons être profondément convaincus que la sainteté doit être la première préoccupation de notre vie et de notre ministère. Nous découvrons alors, comme évêques, l'immense importance de la prière : la prière liturgique de l'Église, notre prière commune, notre prière solitaire. Depuis quelque temps, un certain nombre d'entre vous se sont rendu compte que les retraites spirituelles faites avec d'autres évêques apportaient une aide réelle dans la recherche de cette sainteté qui vient de la vérité. Que Dieu vous accompagne dans cette initiative, de telle sorte que chacun de vous et tous ensemble, vous remplissiez votre mission et soyez un signe de sainteté offert au peuple de Dieu en pèlerinage vers le Père. Puissiez-vous, vous aussi, comme saint John Neumann être une anticipation prophétique de la sainteté ! Les fidèles ont besoin d'évêques qui soient pour eux des guides dans la conquête de la sainteté — d'évêques qui essaient d'anticiper prophétiquement dans leur propre vie la réalisation du but vers lequel ils conduisent leur peuple.

 

4. Saint Paul souligne les rapports de la justice et de la sainteté avec la vérité (cf. Ep. 4, 24). Jésus lui-même, dans sa prière sacerdotale, demande au Père de consacrer ses disciples dans la vérité ; et il ajoute : « ta parole est vérité » (Sermo tuus veritas est) (Jn 17, 17). Il continue en disant qu'il se consacre pour ses disciples, pour qu'ils soient eux-mêmes consacrés dans la vérité. Jésus s'est consacré lui-même pour que ses disciples puissent être consacrés, mis à part, par la communication de ce qu'il était : la Vérité. Jésus dit à son Père : « Je leur ai donné ta parole » — « Ta parole est vérité » (Jn 17, 14.17).

 

La sainte parole de Dieu, qui est la vérité, est communiquée par Jésus à ses disciples. Cette parole est confiée à son Église comme un dépôt sacré, mais elle ne l'a été qu'après qu'il lui eût conféré, par la puissance de l’Esprit-Saint, un charisme particulier pour garder et transmettre dans son intégrité fa parole de Dieu.

 

C'est avec une grande sagesse que Jean XXIII a convoqué le deuxième concile du Vatican. Il comprenait, en lisant les signes des temps, qu'il fallait un concile pastoral, un concile qui serait le reflet du grand amour et de la sollicitude pastorale de Jésus-Christ, le bon Pasteur de son peuple. Mais il savait aussi qu'un concile pastoral — pour être vraiment pastoral — devait avoir un fondement doctrinal solide. Et c'est précisément pour cette raison, précisément parce que la parole de Dieu est la base unique de toute initiative pastorale, que Jean XXIII, le jour de l'ouverture du concile, le 11 octobre 1962, fit la déclaration suivante : « Ce qui est très important pour ce concile œcuménique, c'est que le dépôt sacré de la doctrine chrétienne soit conservé et présenté d'une façon plus efficace ».

 

Cela explique quelle était l'inspiration de Jean XXIII ; cela montre ce que devait être la nouvelle Pentecôte ; voilà pourquoi les évêques de l'Église — lors de la plus grande manifestation de collégialité dans l'histoire du monde — étaient convoqués tous ensemble pour que le dépôt sacré de la doctrine chrétienne soit conservé et présenté d'une façon plus efficace ».

 

Ainsi, à notre époque, Jésus consacrait de nouveau ses disciples dans la vérité ; et il le faisait à travers un concile œcuménique ; il transmettait la parole de son Père aux nouvelles générations, par la puissance de l'Esprit-Saint. Et ce que Jean XXIII considérait comme l'objectif du concile, je le considère comme l'objectif de cette période postconciliaire.

 

C'est pour cette raison qu'en novembre dernier, lors de ma première rencontre avec des évêques américains en visite ad limina, j'ai dit : « Voilà donc quelle est ma vive espérance aujourd'hui pour les pasteurs de l'Église qui est en Amérique, comme pour tous les pasteurs de l'Église universelle ; que le dépôt sacré de la doctrine chrétienne soit conservé et présenté d'une façon plus efficace ». Car c'est dans la parole de Dieu qu'est le salut du monde. A travers la proclamation de la parole de Dieu, le Seigneur continue, dans son Église et par son Église, à consacrer ses disciples en leur communiquant la vérité qu'il est lui-même.

 

C'est pour cette raison que le concile Vatican II a mis l'accent sur le rôle des évêques dans l'annonce de toute la vérité de l'Évangile et dans la proclamation « du mystère intégral du Christ » (Christus Dominas, 12). Cet enseignement a été repris constamment par Paul VI, pour l'édification de l'Église universelle. Il était explicitement proclamé par Jean Paul Ier le jour même de sa mort et je l'ai moi-même souvent répété depuis le début de mon pontificat. Je suis sûr que mes successeurs et que vos successeurs professeront cet enseignement jusqu'à ce que le Christ revienne dans la gloire.

 

5. Parmi les documents qui m'ont été laissés par Paul VI, il y avait une lettre écrite, par un évêque à l'occasion de son élévation à l'épiscopat. C'est une belle lettre ; et sous la forme d'une résolution elle présente l'affirmation claire de la mission de l'évêque qui consiste à conserver et présenter le dépôt de la doctrine chrétienne, à annoncer le mystère intégral du Christ. Je voudrais partager avec vous quelques passages de cette lettre qui sont particulièrement significatifs.

 

En promettant une obéissance loyale à Paul VI et à ses successeurs, l'évêque écrivait : « Je suis résolu :

— à proclamer l'Évangile du Christ avec fidélité et persévérance ;

— à garder le contenu de la foi intégralement et dans toute sa pureté tel qu'il nous a été transmis par les Apôtres et tel qu'il est professé par l'Église en tout temps et en tout lieu ».

 

Et avec la même clairvoyance, cet évêque continuait en disant à Paul VI qu'il s'engageait, avec l'aide du Dieu tout-puissant :

— « à construire l'Église qui est le Corps du Christ et à lui rester uni par votre lien, avec l'ordre des évêques, sous l'autorité du successeur de l'Apôtre saint Pierre ;

— à faire preuve de bonté et de compassion, au nom du Seigneur, envers les pauvres et les étrangers et envers tous ceux qui sont dans le besoin ;

— à chercher les brebis égarées et à les rassembler dans le bercail du Seigneur ;

— à prier constamment pour le peuple de Dieu, et à vivre pleinement et de façon irréprochable toutes les exigences du sacerdoce ».

Voilà donc le témoignage remarquable qu'un évêque, un évêque américain, rend au ministère épiscopal de sainteté et de vérité. Et c'est tout à son honneur et à votre honneur à tous.

 

Le défi de notre temps — celui de tout temps dans l'Église — c'est de faire en sorte que le message de l'Évangile pénètre au cœur de la vie de nos fidèles, afin qu'il puissent vivre selon la vérité intégrale de leur humanité, de leur Rédemption et de leur adoption en Jésus-Christ, afin qu'ils soient enrichis « de la justice et de la sainteté de la vérité ».

 

6. En tant qu'évêques des États-Unis, et pour exercer votre ministère de vérité, vous avez publié en commun des déclarations et des lettres pastorales, pour présenter la parole de Dieu à vos fidèles  et leur montrer combien elle est au cœur de notre vie quotidienne, comme elle peut nous élever et nous guérir, en rappelant en même temps quelles en sont les exigences. Votre lettre pastorale d'il y a trois ans, si bien intitulée « Vivre dans le Christ Jésus », est, à cet égard, remarquable. Je voudrais revenir sur un certain nombre de points de cette lettre par laquelle vous avez offert aux fidèles le service de la vérité. Avec beaucoup de bonté, de compréhension et d'amour, vous avez transmis un message qui est lié à la Révélation et au mystère de la foi. Et ainsi, avec une très grande charité pastorale, vous avez parlé de l'Amour de Dieu, de l'humanité et du péché, ainsi que du sens de la Rédemption et de la vie dans le Christ. Vous avez exposé la parole du Christ, en montrant son impact sur les individus, les familles, les communautés et les nations. Vous avez parlé de la justice, et de la paix, de la charité, de la vérité et de l'amitié. Et vous avez évoqué certains problèmes touchant la vie morale des chrétiens, dans ses aspects individuels et sociaux.

 

Vous avez dit nettement que l'Église a un devoir de fidélité à l'égard de la mission qui lui a été confiée. Et pour cette raison précisément vous avez parlé de certains problèmes qui avaient besoin d'une clarification sans ambiguïté, car on avait discuté, contesté ou pratiquement rejeté l'enseignement de l'Église sur ces questions. Vous avez réaffirmé avec force les droits de l'homme et la dignité humaine, et l'incomparable valeur des personnes quelle que soit leur race ou leur origine ethnique, en déclarant que « l'antagonisme racial et la discrimination sont parmi les maux les plus résistants et les plus destructeurs de notre pays ». Vous avez résolument condamné l'oppression des faibles, la manipulation de ceux qui sont vulnérables, le gaspillage des biens et des ressources, l'incessante course aux armements, les structures et les politiques sociales injustes, et tous les crimes contre les individus et contre la Création.

 

Avec la franchise de l'Évangile, la compassion pastorale et la charité du Christ, vous avez affronté le problème de l'indissolubilité du mariage en disant très justement : « L'alliance entre un homme et une femme unis dans le mariage chrétien est aussi indissoluble et irrévocable que l'amour de Dieu pour son peuple et que l'amour du Christ pour son Église ».

 

En exaltant la beauté du mariage vous êtes allés justement à l'encontre aussi bien de la théorie de la contraception que de ses applications pratiques, comme l'avait fait l'encyclique Humanae vitae. Et moi aujourd'hui, avec la même conviction que Paul VI, je fais mien l'enseignement de cette encyclique, qui avait été donné par mon prédécesseur « en vertu du mandat qui nous a été confié par le Christ » (AAS 60, 1968, p. 485).

 

En considérant l'union sexuelle entre le mari et la femme comme une expression particulière de leur pacte d'amour, vous avez eu raison de dire : « Les rapports sexuels ne sont un bien sur le plan moral et humain que dans le mariage ; en dehors du mariage, c'est immoral ».

 

En hommes ayant reçu « la parole de vérité et la puissance de Dieu » (2 Co 6, 7), en véritables prédicateurs de la loi de Dieu, en pasteurs pleins de compassion vous avez eu raison de dire aussi que « l'activité homosexuelle... à distinguer de la tendance homosexuelle, est moralement mauvaise ». Par la clarté de cette vérité, vous avez fait la preuve de ce qu'est la véritable charité du Christ ; vous n'avez pas trahi ceux qui, à cause de l'homosexualité, se trouvent confrontés à des problèmes moraux pénibles comme cela aurait été le cas si, au nom de la compréhension et de la pitié ou pour toute autre raison, vous aviez offert de faux espoirs à nos frères ou à nos sœurs. Bien au contraire, par votre témoignage rendu à la vérité de l'humanité dans le plan de Dieu, vous avez fait preuve d'un authentique amour fraternel, en montrant la véritable dignité, la véritable dignité humaine, de ceux qui se tournent vers l'Église du Christ pour recevoir la lumière qui vient de la parole de Dieu.

 

Vous avez encore rendu témoignage à la vérité, et donc servi toute l'humanité, lorsque, faisant écho à l'enseignement du Concile — « La vie doit être sauvegardée avec un soin extrême dès sa conception » (Gaudium et Spes, 51) — vous avez réaffirmé le droit à la vie et l'inviolabilité de toute vie humaine, y compris la vie des enfants à naître. Vous avez dit clairement que « détruire ces vies innocentes d'enfants à naître est un crime abominable... Leur droit à la vie doit être reconnu et dûment protégé par la loi ».

 

Comme vous avez pris la défense de la vie dès le sein maternel à cause de la vérité de son être, vous avez aussi pris la défense des personnes âgées, en déclarant, nettement : « L'euthanasie ou le meurtre par pitié... est un mal moral très grave... Un tel meurtre est incompatible avec le respect pour la dignité humaine et le respect de la vie ».

 

En montrant un intérêt pastoral pour vos fidèles, pour tous leurs besoins — depuis le logement, l'éducation, la santé, l'emploi et l'administration de la justice — vous avez fait la preuve que tous les aspects de la vie humaine sont sacrés. Ce faisant, vous proclamiez que l'Église n'abandonnera jamais l'homme, même dans ses besoins temporels, étant donné qu'elle entraîne l'humanité vers le salut et la vie éternelle. Et parce que, « à toutes tes époques, et plus particulièrement à la nôtre, le devoir fondamental de l'Église » — qui est aussi son plus grand acte de fidélité envers l'humanité — « est de diriger le regard de l'homme, d'orienter la conscience et l'expérience de toute l'humanité vers le mystère du Christ » (Lettre encyclique Redemptor hominis, 10), vous avez eu raison d'évoquer la dimension éternelle de la vie. Car c'est en annonçant que nous sommes destinés à la vie éternelle que nous suscitons un grand motif d'espérance pour notre peuple. Contre les assauts du matérialisme, contre la sécularisation qui se propage et contre la morale permissive.

La vérité de l'amour

 

7. Bien des évêques ont individuellement aussi fait preuve d'un véritable sens pastoral de leurs responsabilités dans leur ministère de pasteurs d'Église locale. Je voudrais à cet égard mentionner deux lettres pastorales publiées récemment aux États-Unis et qui sont tout à l'honneur de leurs auteurs. Toutes deux sont des exemples d'initiatives pastorales responsables. L'une traite du problème du racisme et le dénonce vigoureusement. L'autre se réfère à l'homosexualité et affronte le problème comme il doit l'être, avec clarté et une grande charité pastorale, rendant ainsi un service réel à la vérité et à tous ceux qui cherchent cette vérité qui libère.

 

Chers frères en Jésus-Christ, lorsque nous annonçons la vérité dans l'amour, nous ne pouvons pas éviter toute critique ; nous ne pouvons pas plaire à tout le monde. Mais nous pouvons travailler au véritable bien de tous. Et nous sommes humblement convaincus que Dieu est avec nous dans notre ministère de la vérité, « car ce n'est pas un esprit de crainte que Dieu nous a donné, mais un esprit de force, d'amour et de maîtrise de soi » (2 Tm 1, 7).

 

Les fidèles ont le droit, et c'est leur droit le plus essentiel, de recevoir la parole de Dieu dans la pureté et l'intégrité garanties par le Magistère de l'Église universelle : le magistère authentique des évêques de l'Église catholique enseignant en union avec le pape. Chers frères, nous pouvons être certains de l'assistance de l'Esprit-Saint dans notre enseignement, si nous restons rigoureusement fidèles au Magistère universel.

 

A cet égard, je désire évoquer un point extrêmement important, sur lequel d'ailleurs j'ai récemment insisté en rencontrant un groupe d'évêques lors de leur visite ad limina : « Dans la communauté des fidèles — qui doit toujours conserver le lien de l'unité catholique avec les évêques et le siège apostolique — on constate qu'il y a de grandes intuitions de foi. L'Esprit-Saint agit et illumine le cœur des fidèles de sa vérité, et allume en eux le feu de son amour. Mais cette foi vive et ce sensus fidelium ne sont pas indépendants du magistère de l'Église qui est un instrument du même Esprit-Saint et reçoit son assistance. C'est seulement lorsque les fidèles ont été nourris de la parole de Dieu, fidèlement à la communauté et quand celle-ci l'accueille, alors elle produit en abondance des fruits de justice et de sainteté de vie. Mais la communauté ne peut comprendre et vivre la parole de Dieu d'une façon dynamique que dans la mesure où elle reçoit intact le depositum fidei ; et l'Église a reçu un charisme apostolique et pastoral spécial dans ce but précis. C'est l'unique et même Esprit de vérité qui dirige le cœur des fidèles et garantit le magistère des pasteurs du troupeau ».

Gardiens de l'unité de l'Église

 

8. L'une des plus grandes vérités dont nous sommes les humbles gardiens est la doctrine de l'unité de l'Église — cette unité qui est ternie sur le visage humain de l'Église, par toutes les formes du péché, mais qui subsiste, indestructible, dans l'Église catholique (cf. Lumen gentium, 8 ; Unitatis redintegratio, 2, 3). La conscience du péché nous appelle sans cesse à la conversion. La volonté du Christ nous pousse à travailler avec sérieux et persévérance à l'unité avec tous nos frères chrétiens, en gardant bien à l'esprit que l'unité que nous recherchons est celle de la foi parfaite, l'unité dans la vérité et l'amour. Nous devons prier et étudier ensemble, mais nous devons savoir que l'intercommunion entre chrétiens séparés n'est pas la réponse à l'appel du Christ pour l'unité parfaite. Avec l'aide de Dieu, nous continuerons à travailler humblement et résolument pour faire disparaître les divisions réelles qui existent encore, et restaurer ainsi cette pleine unité dans la foi qui est la condition pour participer à l'Eucharistie (cf. allocution du 4 mai 1979). L'engagement pris par le concile œcuménique nous concerne tous et chacun : comme aussi le testament de Paul VI qui écrivait à propos de l'œcuménisme : « Que les efforts pour nous rapprocher de nos frères séparés soient poursuivis, avec beaucoup de compréhension, beaucoup de patience, avec un grand amour ; mais sans dévier de la vraie doctrine catholique ».

Communion et conversion

 

9. En tant qu'évêques, serviteurs de la vérité, nous sommes aussi appelés à être les serviteurs de l'unité dans la communion de l'Église.

 

Dans la communion de la sainteté, comme je l'ai dit, nous sommes nous-mêmes appelés à la conversion, afin d'être en mesure de prêcher avec une force convaincante le message de Jésus : « Convertissez-vous et croyez à l'Évangile ». Nous avons donc un devoir particulier à remplir pour la sauvegarde du sacrement de la réconciliation, afin que, dans la fidélité au précepte divin, nous et nos fidèles, nous puissions faire l'expérience dans le plus intime de notre être que « là où le péché s'est multiplié, la grâce a surabondé » (Rm 5, 20). Et je fais mien aussi l'appel prophétique à aider leurs prêtres : « à comprendre en profondeur que, dans le sacrement de pénitence, ils sont les proches collaborateurs du Sauveur dans son œuvre de conversion » (allocution du 20 avril 1978). A cet égard, je confirme de nouveau les normes de Sacramentum paenitentiae qui soulignent avec sagesse la dimension ecclésiale du sacrement de pénitence et indiquent les limites précises de l'absolution générale, tout comme l'a fait Paul VI dans son allocution pour la visite ad limina des évêques américains. La conversion de par sa nature même est la condition pour cette union avec Dieu qui atteint son expression la plus haute dans l'Eucharistie. Notre union au Christ dans l'Eucharistie présuppose à son tour que nos cœurs soient disposés à la conversion, qu'ils soient purs. Cela doit vraiment avoir une grande part dans notre prédication. Dans ma lettre encyclique, j'ai essayé de l'exprimer en ces termes : « Le Christ qui invite au banquet eucharistique est toujours le Christ qui exhorte à la pénitence, qui répète : « Convertissez-vous ». Sans cet effort constant et toujours repris pour la conversion, la participation de l'Eucharistie serait privée de sa pleine efficacité rédemptrice... » (Redemptor hominis, 20). Face à un phénomène répandu à notre époque ; à savoir qu'une grande partie des fidèles qui reçoivent la communion se confessent rarement, nous devons mettre l'accent sur l'appel fondamental du Christ à la conversion. Nous devons aussi souligner que la rencontre personnelle avec Jésus qui nous pardonne dans le sacrement de la réconciliation est un moyen que Dieu nous donne afin de conserver vivant dans notre cœur et dans nos communautés le sens du péché et de sa réalité permanente et tragique, et afin de produire effectivement, par l'action de Jésus et la force de son Esprit, des fruits de conversion dans la justice et la sainteté de vie. Par ce sacrement, nous sommes renouvelés dans la ferveur, fortifiés dans nos résolutions .et soutenus par un encouragement divin.

L'union du Christ avec ses membres

 

10. En tant que guides choisis dans une communauté de louange et de prière, c'est une joie particulière pour nous d'offrir l'Eucharistie et de donner à nos peuple le sens de sa vocation à être le peuple pascal, dont le chant est l’« alléluia ». Nous devons toujours nous rappeler que la valeur de toute célébration liturgique et l'efficacité de tout signe liturgique présupposent le grand principe selon lequel la liturgie catholique est théocentrique, qu'elle est avant tout « adoration de la majesté divine » (cf. Sacrosanctum concilium, 33), en union avec Jésus-Christ. Nos fidèles ont un sens surnaturel grâce auquel ils cherchent le respect dans tout ce qui touche le mystère de l'Eucharistie. Avec une foi profonde nos fidèles saisissent que l'Eucharistie — au cours de la messe et en dehors de la messe — est le Corps et le Sang de Jésus-Christ, et qu'on lui doit par conséquent l'adoration réservée au Dieu vivant et à lui seul.

 

Comme ministres d'une communauté de service, nous avons le privilège d'annoncer la vérité de l'union du Christ avec ses membres dans son Corps qui est l'Église. Et donc nous recommandons tout service rendu en son nom à ses frères (cf. Mt 25, 45).

 

Dans une communauté de témoignage et d'évangélisation, que notre action soit claire et irréprochable. A cet égard, la presse catholique et les autres moyens de communication sociale ont un devoir particulier de grande dignité au service de la vérité et de la charité. En utilisant et en faisant siens ces moyens de communication, l'Église a toujours en vue sa mission d'évangélisation et de service de l'humanité ; à travers ces moyens, l'Église espère promouvoir toujours plus efficacement le message édifiant de l'Évangile.

 

11. Enfin, chaque portion d'Église à laquelle vous présidez et que vous servez est une communauté fondée sur la parole de Dieu et agissant dans la vérité de cette parole. C'est dans la fidélité à la communion avec l'Église universelle que notre unité, locale est authentifiée et rendue stable. Dans la communion avec l'Église universelle les Églises locales trouvent toujours plus clairement leur propre identité et leur enrichissement. Mais il faut pour cela que les Églises particulières soient soucieuses d'être totalement ouvertes vis-à-vis de l'Église universelle.

 

C'est le mystère que nous célébrons aujourd'hui en proclamant la sainteté, la vérité et l'unité du ministère épiscopal.

 

Frères, ce ministère qui est le nôtre nous rend responsables vis-à-vis du Christ et de son Église. Jésus-Christ, le chef des pasteurs (1 P 5, 4), nous aime et nous soutient. C'est lui qui nous transmet la parole de son Père et qui nous consacre dans la vérité, de telle sorte que chacun puisse à son tour dire à son peuple : « Pour eux, je me consacre moi-même afin qu'ils soient eux aussi consacrés en vérité » (Jn 17, 19).

 

Prions et consacrons tout spécialement nos forces pour susciter, et faire croître des vocations au sacerdoce sacré, afin que la charge pastorale du ministère sacerdotal puisse être assurée pour les générations à venir. Je vous demande de faire appel aux parents, aux familles, aux prêtres, aux religieux et aux laïcs, afin qu'ils s'unissent dans l'accomplissement de cette responsabilité vitale de toute la communauté. Et aux jeunes eux-mêmes, sachons présenter le défi qui consiste à suivre Jésus et à répondre à son invitation avec une totale générosité.

 

Tandis que nous-mêmes, nous cherchons chaque jour la justice et la sainteté qui naissent de la vérité, tournons-nous vers Marie, Mère de Jésus, la Reine des Apôtres, et Source de notre joie. Que sainte Françoise Xavier Cabrini, sainte Elisabeth Ann Seton et saint John Neumann prient pour vous, et pour tout le peuple que vous êtes appelés à servir dans la sainteté et la vérité et dans l'unité du Christ et de son Église.

 

Chers Frères, « La grâce soit avec tous ceux qui aiment notre Seigneur Jésus-Christ dans la vie incorruptible » (Ep 6, 24).

 

 

 

5 octobre 1979

HOMELIE AU « GRANT PARK »

 

Sur les rives du lac Michigan à Chicago dans le cadre du magnifique Grant Park, plus d'un million de personnes ont assisté à une concélébration eucharistique présidée, le 5 octobre, par le Saint-Père qui a prononcé l'homélie.

 

Les lectures de la célébration de ce jour nous placent immédiatement en présence du mystère profond de notre vocation de chrétiens.

 

Avant de monter au ciel, Jésus rassembla ses disciples autour de lui et il leur expliqua une fois de plus le sens de sa mission de salut : « Ainsi, il est écrit, dit-il, que le Messie souffrirait et ressusciterait d'entre les morts le troisième jour et qu'en son nom le repentir en vue de la rémission des péchés serait proclamé à toutes les nations » (Lc 24, 46-47). Au moment de prendre congé de ses Apôtres il leur commanda, à eux et au-delà d'eux, à toute l'Église et à chacun de nous de porter le message du salut à toutes les nations. Saint Paul exprime vigoureusement cette pensée dans sa deuxième épître aux Corinthiens : « Il nous a confié le ministère de la réconciliation... Nous sommes donc en ambassade pour le Christ ; c'est comme si Dieu exhortait par nous » (2 Co 5, 10-20).

 

Une fois de plus le Seigneur nous introduit dans le mystère de l'humanité, une humanité qui a besoin du salut. Et Dieu a voulu que le salut de l'humanité se réalise par l'humanité du Christ qui pour nous mourut et ressuscita (cf. 2 Co 5, 15) et nous confia également cette mission de rédemption. Oui, nous sommes de vrais « ambassadeurs pour le Christ » et des travailleurs pour l’évangélisation.

 

Dans l'exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi, écrite à la demande de la troisième Assemblée générale du synode des évoques, mon prédécesseur au Siège de Pierre, Paul VI, invitait le peuple de Dieu à réfléchir sur ce devoir fondamental de l'évangélisation. Il invitait chacun de nous à examiner comment être un vrai témoin du message de rédemption, comment mieux communiquer aux autres la Bonne Nouvelle que nous avons reçue de Jésus-Christ par l'intermédiaire de l'Église.

 

Certaines conditions s'imposent si nous voulons prendre part à la mission évangélisatrice de l'Église. Cet après-midi, je voudrais souligner tout particulièrement une de ces conditions. Je parle de l'unité de l'Église, de notre unité en Jésus-Christ. Laissez-moi répéter ce que Paul VI a dit de l'unité : « Le testament spirituel du Seigneur nous dit que l'unité entre ses disciples n'est pas seulement la preuve que nous sommes siens, mais aussi la preuve qu'il est envoyé du Père, test de crédibilité des chrétiens et du Christ lui-même... Oui le sort de l’évangélisation est certainement lié au témoignage d'unité donné par l'Église » (Evangelii Nuntiandi, 77).

 

Je me sens porté à choisir cet aspect, particulier de l'évangélisation en considérant la multitude de gens que je vois rassemblée aujourd'hui autour de moi. En levant les yeux, je vois en vous le peuple de Dieu, uni pour chanter les louanges du Seigneur et célébrer son sacrifice eucharistique. Je vois aussi tout le peuple d'Amérique, une nation formée de différents peuples : Et pluribus unum.

 

Durant les deux premiers siècles de votre histoire, vous avez parcouru une longue route, toujours à la recherche d'un meilleur avenir, à la recherche d'une situation stable, à la recherche d'un foyer. Vous avez cheminé from sea to shining sea afin de trouver votre identité, de vous découvrir les uns les autres le long de votre route et pour trouver votre propre place dans cet immense pays.

 

Vos ancêtres sont venus de nombreux pays différents, traversant les océans afin de rencontrer ici des peuples de diverses communautés qui s'étaient établis dans le pays. Le processus s'est renouvelé à chaque génération : de nouveaux groupes arrivaient, chacun avec sa propre histoire et, s'implantant ici, commençaient à faire partie de quelque chose de nouveau. Le même processus se poursuit quand les familles se déplacent du sud au nord, de l'est à l'ouest. Chaque fois, ils arrivent avec leur passé dans une nouvelle ville ou village pour devenir membres d'une nouvelle communauté. Ceci ne cesse de se répéter. Et pluribus unum — à plusieurs ils forment une nouvelle unité.

 

Oui. quelque chose de nouveau a été créé chaque fois. Vous avez apporté avec vous une culture différente et vous contribuez à tout l'ensemble avec votre richesse particulière ; vous avez des compétences différentes et vous les avez mises en commun, vous complétant les uns les autres, pour créer l'industrie, l'agriculture, le commerce ; chaque groupe apporte ses diverses valeurs humaines propres et les a partagées avec les autres pays pour l'enrichissement de votre pays. Et pluribus unum : vous êtes devenus une nouvelle unité, un nouveau peuple dont la vraie nature ne saurait s'expliquer valablement par la seule juxtaposition des diverses communautés.

 

Aussi, quand je vous regarde, je vois le peuple qui a forgé ensemble son propre destin et qui maintenant écrit une histoire commune. Différents comme vous l’êtes, vous êtes parvenus à vous accepter l'un l'autre, parfois de manière imparfaite et allant même aussi jusqu'à vous faire subir l'un à l'autre certaines formes de discrimination ; parfois après une longue période de mésentente et de rejet, commencent maintenant à se développer une meilleure entente et l'appréciation des différences de chaque autre. En exprimant votre reconnaissance pour toutes les grâces reçues, vous devenez également conscients de vos devoirs à l'égard des moins favorisés, tant dans votre milieu que dans le reste du monde : devoir de partager, d'aimer, de servir. En tant que peuple, vous reconnaissez Dieu comme la source de vos nombreuses grâces et vous êtes ouverts à son amour et à sa foi.

 

Ainsi est l'Amérique, avec son idéal et sa résolution : « Une nation sous l'autorité de Dieu, indivisible, avec la liberté et la justice pour tous. » C'est ainsi que l'Amérique a été conçue et c'est cela qu'elle a été appelée à être. Et, pour tout ceci, nous remercions le Seigneur.

 

5. Mais lorsque je pense à vous, j'aperçois encore une autre réalité : une réalité encore plus profonde et plus exigeante de l'histoire commune et de l'union que vous avez édifiée avec la richesse de votre patrimoine éthique et culturel varié, ce patrimoine que maintenant vous voulez légitimement connaître et préserver. L'histoire ne s'épuise pas dans le progrès matériel, dans les conquêtes technologiques ou même seulement dans le développement culturel. En venant vous réunir ici autour de cet autel du sacrifice pour rompre le pain de la sainte Eucharistie avec le successeur de Pierre, vous vous faites les témoins de cette réalité plus profonde ; votre unité comme membres du peuple de Dieu.

 

« Bien que plusieurs, nous ne formons qu'un seul corps » (Rm 12, 5). L'Église également est composée de nombreux membres et enrichie par la diversité de ceux qui forment l'unique communauté de foi et de baptême, l'unique Corps du Christ. Ce qui nous rassemble et nous rend une seule chose dans notre foi — l'unique foi apostolique. Nous sommes une seule chose parce que nous avons accepté le Christ comme le Fils de Dieu, le Rédempteur de la race humaine, l'unique médiateur entre Dieu et l'homme. Par le sacrement du baptême, nous avons été vraiment incorporés au Christ crucifié et glorifié, et par l'action du Saint-Esprit, nous sommes devenus les membres vivants de son seul Corps. Le Christ nous a donné le merveilleux sacrement de l'Eucharistie grâce auquel se manifeste et continuellement se réalise et se perfectionne l'unité de l'Église.

 

6. « Un Seigneur, une foi, un baptême » (Ep 4, 5), nous sommes ainsi tous liés ensemble, comme peuple de Dieu, Corps du Christ, en une unité qui transcende notre diversité d'origine, de culture, d'éducation, de personnalité — en une unité qui n'exclut nullement une riche diversité de ministères et de services. Avec saint Paul nous proclamons : « Car de même que notre corps en son unité possède plus d'un membre et que ces membres n'ont pas tous la même fonction, ainsi nous, à plusieurs, nous ne formons qu'un seul corps dans le Christ, étant, chacun pour sa part, membres les uns des autres » (Rm 12, 4-5).

 

Si donc l'Église, le seul Corps du Christ, doit être un signe nécessairement perceptible du message évangélique, tous ses membres doivent faire preuve, selon les paroles de Paul VI « de cette harmonie et force de doctrine, de vie et de culte qui caractérisa les premiers temps de son existence » (Exhortation apostolique sur la Réconciliation dans l'Église, 2) quand les chrétiens « se montraient assidus à l'enseignement des Apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2, 42).

 

Notre unité dans la foi doit être complète, sinon nous manquons de rendre témoignage de l'Évangile, sinon nous cessons d'être des évangélisateurs. Aucune communauté ecclésiale ne peut donc briser ces liens avec le trésor de la foi comme elle est proclamée par l'Église en vertu de sa mission d'enseigner, car c'est à cette mission d'enseigner de l'Église, à ce magisterium que le Christ a confié tout spécialement le dépôt de la foi. Avec Paul VI je proclame cette grande vérité : « traduit dans tous les langages, le contenu de la foi ne doit pas être entamé ni mutilé ; revêtu des symboles propres à chaque peuple, explicité par des expressions théologiques qui tiennent compte des milieux culturels, sociaux et même raciaux divers, il doit rester le contenu de la foi catholique tel que le magistère ecclésial l'a reçu et le transmet » (Evangelii Nuntiandi, 65).

 

Enfin et par-dessus tout, la mission d'évangélisation, qui est mienne et qui est vôtre, doit être réalisée par un témoignage constant et désintéressé à l'unité de l'amour. L'amour est la force qui ouvre les cœurs à la parole de Jésus et à la Rédemption : l'amour est la seule base des relations humaines qui veuille respecter l'un chez l'autre la dignité d'enfant de Dieu créé à son image et sauvé par la mort et la résurrection de Jésus ; l'amour est la seule force dynamique qui nous pousse à partager avec nos frères et sœurs tout ce que nous sommes et tout ce que nous avons.

 

L'amour est le puissant stimulant qui fait naître le dialogue dans lequel nous nous écoutons mutuellement et apprenons l'un de l'autre. L'amour fait naître surtout, le dialogue de prière dans lequel nous écoutons la Parole de Dieu, vivante dans la sainte Bible, et vivante dans la vie de l'Église. Laissons donc l'amour édifier un pont entre nos différences et parfois entre nos positions contrastantes. Faisons en sorte que l'amour mutuel et l'amour pour la vérité soit la réponse aux tendances opposées, quand se forment des factions à cause de vues différentes dans des domaines qui concernent la foi ou les priorités à donner à des actions pratiques. Dans la communauté, personne ne devrait jamais se sentir rejeté ou non aimé, même lorsque surgissent des tensions durant les efforts communs pour faire fructifier l'Évangile dans notre société. Notre unité en tant que chrétiens, en tant que catholiques doit être toujours une unité d'amour dans le Christ Jésus notre Seigneur.

 

Dans un moment, nous célébrerons notre unité en renouvelant le sacrifice du Christ. Chacun présentera un don différent en union avec l'offrande du Christ : le zèle pour l'amélioration de la société ; les efforts pour consoler ceux qui souffrent ; le désir de rendre témoignage à la justice ; l'intention de travailler en faveur, de la paix et la fraternité ; la joie d'une famille unie ; ou les souffrances du corps et de l'esprit. Des dons différents, certes, mais tous unis dans l'unique grand don de l'amour du Christ pour son Père et pour nous, le tout uni dans l'unité du Christ et de son sacrifice.

 

Et maintenant dans la force et la puissance, dans la joie et la paix de cette unité sacrée, nous nous engageons encore, une fois à suivre, comme un peuple uni, le commandement de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ : « Allez et enseignez les nations. Par la parole et l'exemple, rendez témoignage à mon nom. Et voilà je suis avec vous, jusqu'à la fin du monde. »

 

 

 

5 octobre 1979

AU CHICAGO SIMPHONY ORCHESTRA

 

Chicago a confié à son Orchestre symphonique le soin de faire ses adieux au Saint-Père. Durant le concert organisé en son honneur le 5 octobre, dans le cadre de l'église du Saint-Nom, Jean Paul II a prononcé le bref discours dont voici la traduction :

 

Je me sens très honoré par la splendide exécution du « Chicago Symphony Orchestra ».

 

Je vous remercie de m'avoir offert cette occasion pour exprimer ma profonde admiration pour la beauté artistique que vous m'avez fait goûter ce soir. Veuillez agréer mes vifs remerciements.

 

Et je suis honoré de pouvoir, à cette occasion, unir ma voix à celle de mon prédécesseur Paul VI qui, par l'éloquent témoignage de son long pontificat, s'est montré le grand ami des artistes. De toute l'intensité de sa noble âme, il a donné le témoignage convaincant de l'estime que l'Église a pour le rôle de l'art. Avec une habileté consommée, il a mené l'Église catholique à un nouveau niveau de dialogue avec les artistes du monde. Il avait la ferme conviction que tout art et beauté entraînerait l'homme à lever les yeux vers Dieu, montrant le chemin de la beauté incréée.

 

En souvenir de Paul VI, en mon nom propre et au nom de l'Eglise, je réitère mes sentiments de respect et d'admiration, pour votre contribution à l'élévation de L'humanité, car votre création artistique exalte ce qui est humain et touche à ce qui est religieux et divin.

 

A l'occasion de cette rencontre culturelle et spirituelle de ce soir, j'adresse mes respectueuses salutations à tous les artistes de ce pays, louant le rôle qu'ils sont appelés à jouer, avec prodigieuse capacité, pour le progrès d'une vraie culture aux États-Unis et dans le monde entier.

 

 

 

6 octobre 1979

WASHINGTON : ARRIVÉE A L'AÉROPORT

 

Monsieur le Vice-Président,

Chers amis,

Chers frères et sœurs dans le Christ,

 

Je désire exprimer mes sincères remerciements pour les mots de bienvenue qui m'ont été si aimablement adressés à mon arrivée dans la capitale nationale, la dernière étape de mon premier voyage apostolique aux États-Unis. Une fois de plus, je désire exprimer ma profonde reconnaissance à la Conférence épiscopale et au président Carter pour leur invitation à venir et à visiter les États-Unis.

 

Mon merci cordial s'adresse également à tous ceux qui sont vertus me souhaiter la bienvenue, ici : à vous, Monsieur le Vice-Président, et aux: autres autorités civiles en qui je salue tout le peuple américain, et tous les citoyens du district fédéral de Columbia spécialement. Un salut fraternel à vous, cardinal Baum, pasteur de l'archidiocèse de Washington — et en vous, à tout le clergé, aux religieux et aux laïcs de la communauté catholique. Je suis très heureux de saluer en même temps le Président, les Officiers et le personnel de la conférence catholique nationale des Evêques dont l'administration générale a son siège en cette ville, ainsi que ceux qui, dans la conférence catholique, assurent l'ensemble des services indispensables à la communauté catholique de ce pays. A tous mes frères évêques, salut et bénédiction de l'évêque de Rome dans vos diocèses.

 

Il me tarde de rencontrer les chefs de ce pays jeune et prospère — en premier lieu, le président des États-Unis. Je serai aussi honoré de visiter le siège social de l'Organisation des États américains afin d'apporter à cet organisme méritant un message de paix pour tous les peuples qu'il représente.

 

Je serai particulièrement heureux, pendant ces derniers jours de ma visite et de mon pèlerinage, d'entrer en contact avec la communauté catholique de la région et de me renseigner sur ses efforts, son programme et ses activités en pastorale.

 

Puissent les bénédictions du Dieu tout-puissant descendre en abondance sur tout le peuple de la capitale de ce pays.

 

 

 

6 octobre 1979

HOMELIE A LA CATHÉDRALE

 

Marie nous dit aujourd'hui : « Je suis la servante du Seigneur. Qu'il me soit fait selon ta parole » (Lc 1, 38).

 

Et elle exprime par ces mots l'attitude fondamentale de sa vie : sa foi ! Marie a cru ! Elle a fait confiance à la promesse de Dieu et elle a été fidèle à sa volonté. Lorsque l'ange Gabriel lui annonça qu'elle était choisie pour être la Mère du Très-Haut, elle prononça son Fiat en toute humilité et liberté : « Qu'il me soit fait selon ta parole. »

 

La meilleure description de Marie, et en même temps le plus grand hommage qui lui ait été rendu, fut peut-être le salut de sa cousine Elisabeth : « Bienheureuse celle qui a cru en l'accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur » (Lc 1, 45).

 

Toute sa vie terrestre fut un « Pèlerinage de foi » (Lumen Gentium, 58). Comme nous, elle a marché dans l'ombre et espéré ce qu'elle ne voyait pas. Elle connut les contradictions de notre vie terrestre. Il lui fut promis que son Fils recevrait le Trône de David, mais à sa naissance, il n'y avait pas de place, même à l'auberge. Marie crut encore. L'ange lui avait dit que son enfant serait appelé Fils de Dieu ; mais elle l'a vu calomnié, trahi et condamné, puis livré à la mort comme un voleur, sur la croix. Même là, Marie crut « en l'accomplissement de ce qui lui avait été dit de la part du Seigneur » (Lc 1, 45), et que « rien n'était impossible à Dieu » (Lc 1, 37).

 

Cette femme de foi, Marie de Nazareth, Mère de Dieu, nous a été donnée comme modèle dans notre pèlerinage de foi. De Marie, nous apprenons à nous abandonner en toutes choses à la volonté de Dieu. De Marie, nous apprenons à aimer le Christ, son Fils et le Fils de Dieu. Car Marie n'est pas seulement la Mère de Dieu, elle est aussi la Mère de l'Église. A chaque étape de sa marche dans l'histoire, l'Église a bénéficié de la prière et de la protection de la Vierge Marie. L'Écriture sainte et l'expérience des fidèles voient en la Mère de Dieu, celle qui, d'une manière très spéciale, est unie à l'Église aux moments les plus difficiles de son histoire, lorsque les attaques contre l'Église se font plus menaçantes. C'est précisément dans les périodes où le Christ, et par conséquent son Église, provoque la contradiction délibérée, que Marie se montre particulièrement proche de l'Église, parce que l'Église est toujours son Christ bien-aimé.

 

Je vous exhorte donc, dans le Christ Jésus, à continuer de regarder Marie comme le modèle de l'Église, le meilleur exemple du disciple du Christ Apprenez d'elle à être fidèles, à croire que ce qui vous a été dit de la part du Seigneur s'accomplira et que rien n'est impossible à Dieu. Tournez-vous souvent vers Marie dans votre prière « parce que jamais on n'a entendu dire qu'aucun de ceux qui ont eu recours-à sa protection, imploré son secours et demandé ses suffrages ait été abandonné ».

 

Comme un grand signe qui est apparu dans les cieux, Marie nous guide et nous soutient dans notre pèlerinage, nous entraînant dans « la victoire qui a vaincu le monde, notre foi » (1 Jn 5, 4).

 

 

 

6 octobre 1979

ARRIVEE A LA MAISON BLANCHE

 

Monsieur le Président,

 

Je tiens à vous exprimer mes remerciements les plus sincères pour vos aimables paroles de bienvenue à la Maison Blanche. Ce m'est en vérité un grand honneur de rencontrer le président des États-Unis au cours d'une visite dont les buts sont tout spirituels et religieux. Puis-je vous exprimer, et en vous à tous vos frères américains, mon profond respect envers toutes les autorités de cette nation, tant du Fédéral que des États et envers son peuple bien-aimé. Pendant ces quelques derniers jours, j'ai eu l'occasion de visiter certaines villes et régions rurales. Mon seul regret est que le temps me soit trop court pour porter personnellement mes salutations à chaque partie de ce pays, mais je veux vous assurer de mon estime et de mon affection pour chaque homme, femme, enfant, sans distinction.

 

La Divine Providence, dans ses propres desseins, m'a appelé de ma Pologne natale, à être le successeur de Pierre et le chef de l'Église catholique. Ce m'est une grande joie d'être le premier pape de l'histoire à venir dans la capitale de ce pays et je remercie le Dieu Tout-Puissant de cette grâce. En acceptant votre si courtoise invitation, Monsieur le Président, j'ai aussi espéré que nôtre rencontre d'aujourd'hui servirait la cause de la paix mondiale et de la compréhension internationale ainsi que la promotion du respect complet des droits de l'homme, partout.

 

Monsieur le Speaker et Honorables Membres du Congrès, Distingués Membres du Cabinet et de la Magistrature, Mesdames et Messieurs,

 

Votre présence ici m'honore grandement et j'apprécie vivement l'expression du respect que vous me témoignez ainsi. Ma gratitude pour votre aimable accueil s'adresse à chacun de vous personnellement ; et je désire dire à tous la profonde estime que j'ai pour votre mission de serviteurs du bien commun de tout le peuple américain.

 

Je viens d'une nation qui a une longue tradition de grande foi chrétienne et une histoire marquée de nombreux soulèvements ; pendant plus de cent ans, la Pologne fut même effacée de la carte politique de l'Europe. Mais c'est aussi une contrée empreinte d'une profonde vénération pour ces valeurs indispensables à la prospérité de toute société : l'amour de, la liberté, la créativité culturelle et la conviction que les efforts communs en vue du bien de la société doivent s'inspirer d'un vrai sens moral. Ma propre mission religieuse et spirituelle m'oblige à être messager de paix et de fraternité et à témoigner de la vraie grandeur de chaque personne humaine. Cette grandeur est le signe de l'amour de Dieu qui nous créa son image et nous donna une destinée éternelle. Je vois dans cette dignité de la personne humaine la signification de l'histoire et j'y trouve le principe qui donne un sens au rôle que chaque être humain doit assumer pour son avancement personnel et pour le bien-être de la société à laquelle il appartient. C'est dans ces sentiments que je salue en vous tout le peuple américain, un peuple dont les concepts de vie sont fondés sur les valeurs morales et .spirituelles, sur un profond sens religieux, sur le respect du devoir et sur la générosité dans le service de l'humanité — nobles traits qui sont particulièrement réunis dans la capitale nationale, avec ses monuments dédiés à ces extraordinaires figures nationales : George Washington, Abraham Lincoln, Thomas Jefferson.

 

Je salue le peuple américain dans ses représentants élus, vous tous qui servez au Congrès, en traçant, par la législation, le sentier qui doit conduire chaque citoyen de cette contrée au plein épanouissement de ses potentialités, et la nation entière à la prise en charge de ses responsabilités dans la construction d'un monde authentiquement juste et libre. Je salue l'Amérique en tous ceux qui sont investisse l'autorité, cette autorité qui ne peut être considérée que comme une occasion de servir ses concitoyens dans le plein développement de leur humanité vraie et dans la jouissance pleine et sans obstacle de tous leurs droits fondamentaux. Je salue encore le peuple de ce pays dans les membres de la Magistrature qui sont également les serviteurs de l'humanité dans l'application de la justice et qui tiennent ainsi en leurs mains le redoutable pouvoir d'influencer profondément, par leurs décisions, la vie de chaque individu.

 

Pour vous tous, je prie le Dieu Tout-Puissant de vous accorder le don de sagesse dans vos décisions, la prudence dans vos paroles et actions, et la compassion dans l'exercice de l'autorité qui est la vôtre, afin que dans votre noble office, vous vous rendiez toujours un authentique service au peuple.

 

Que Dieu bénisse l'Amérique !

 

 

 

6 octobre 1979

DEPART DE LA MAISON BLANCHE

 

Au cours de sa visite à la Maison Blanche, le pape a eu un entretien privé avec le président Carter, puis il s'est entretenu avec la famille du Président. Celui-ci l'a conduit ensuite dans le parc où le Saint-Père a rencontré les nombreux invités présents. Avant de quitter la Maison Blanche, le pape a prononcé le discours dont voici la traduction :

 

Je suis honoré d'avoir eu, grâce à votre aimable invitation, l'occasion de vous rencontrer ; car de par votre fonction de président des États-Unis d'Amérique, vous représentez, pour le monde, toute la nation américaine que vous avez l'immense responsabilité de conduire dans le chemin de la justice et de la paix. Je vous remercie publiquement de cette rencontre et je remercie tous ceux qui ont contribué à son succès. Je désire aussi réitérer ma profonde gratitude pour l'accueil chaleureux et les nombreuses délicatesses dont j'ai été l'objet de la part du peuple américain, au cours de mon voyage pastoral dans votre magnifique pays.

 

Monsieur le Président,

 

Pour répondre aux paroles bienveillantes que vous m'avez adressées, je prends la liberté de commencer par le passage du prophète Michée que vous avez cité lors de votre installation : « On t'a fait savoir, homme, ce qui est bien, ce que le Seigneur réclame de toi : rien d'autre que d'accomplir la justice, d'aimer avec tendresse et de marcher humblement avec ton Dieu » (Mi 6, 8). En évoquant ces mots, je désire vous saluer, vous et les autorités de chaque État ainsi que de la Nation, qui ont la responsabilité du bien des citoyens. Il n'y a pas, en vérité, d'autre manière de se mettre au service de toute la personne humaine que de rechercher le bien de chaque homme et de chaque femme dans ses engagements et ses activités. L'autorité dans la communauté politique est basée sur un principe moral objectif, à savoir : que le devoir fondamental du gouvernement est la sollicitude pour le bien commun de la société et qu'il est au service des droits inviolables de la personne humaine. Les individus, les familles et les divers groupes qui composent la société civile sont conscients de leur incapacité à réaliser pleinement, par eux-mêmes, tout leur potentiel humain ; dès lors ils recherchent dans une communauté plus vaste la nécessaire condition d'une poursuite efficace du bien commun.

 

Je désire féliciter les autorités publiques et tout le peuple des États-Unis d'avoir accordé, et cela depuis le début de l'existence de la nation, une place de choix à certains points qui sont du plus haut intérêt pour le bien commun. Il y a trois ans, lors de la célébration, du Bicentenaire auquel j'ai eu l'avantage de participer comme archevêque de Cracovie, il était notoire que l'intérêt pour l'humain et le spirituel constituait un des principes de base qui régissait la vie de cette société. Il est superflu d'ajouter que le respect pour la dignité et la liberté de chaque individu, quels que soient son origine, sa race, son sexe et sa religion, est un article chéri du credo civil de l'Amérique et qu'il a été renforcé par des décisions et par des actions courageuses.

 

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

 

Je connais et j'apprécie les efforts de ce pays en faveur de la limitation des armements, et en particulier des armes nucléaires. Chacun est conscient du risque terrible que l'humanité encourt par l'accumulation de telles armes. Parce qu'ils constituent un des plus importants pays du monde, les États-Unis jouent un rôle éminemment important dans la recherche d'une plus grande sécurité dans le monde, et d'une collaboration internationale plus intense. J'espère de tout cœur que sans relâche, ils poursuivront leurs efforts en vue de réduire les risques d'une conflagration mondiale fatale et désastreuse, et d'assurer une réduction prudente et progressive de la puissance de destruction des arsenaux militaires. En même temps, puissent les États-Unis, en raison de leur position privilégiée, réussir à inciter les autres nations à s'unir dans un engagement continu au désarmement. Sans accepter un tel engagement de plein cœur, comment Une nation peut-elle servir l'humanité dont le désir le plus profond n'est rien d'autre que la paix véritable ?

 

L'attachement aux valeurs humaines et morales qui caractérise le peuple américain doit se situer, à plus forte raison dans le contexte actuel de croissante interdépendance des peuples, dans une perspective de bien commun, non seulement de la nation propre de chaque individu mais de tous les citoyens du monde entier. Je tiens à encourager toute action visant à renforcer la paix dans le monde, une paix basée sur la liberté et la justice, sur la charité et la vérité. Les relations actuelles entre peuples et nations exigent en outre l'établissement d'une plus vaste collaboration internationale dans le domaine économique. Plus une nation est puissante, plus s'accroît sa responsabilité internationale et plus elle doit contribuer à l'amélioration du sort de ceux dont l'humanité est menacée par l'indigence et la misère. C'est mon fervent espoir que toutes les nations puissantes dans le monde approfondissent leur connaissance du principe de la solidarité humaine dans l'unique grande famille humaine. L'Amérique qui, dans les années passées, a fait preuve de bonté et de générosité en fournissant des vivres aux affamés du monde, saura, j'en suis persuadé, allier cette générosité à une contribution aussi significative, à l'établissement d'un ordre du monde qui créera les conditions économiques et commerciales indispensables à des relations plus justes entre toutes les nations du monde, dans le respect de leur dignité et de leur personnalité! respective. Puisque les peuples souffrent à cause de l'inégalité internationale, il ne saurait être question de cesser de travailler à la solidarité internationale, même si cela devait impliquer des changements notables dans les attitudes et le style de vie de ceux qui jouissent d'une plus large part des biens de ce monde.

 

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

 

En parlant du bien commun qui englobe les aspirations de tous les humains au plein développement de leurs talents et à la protection adéquate de leurs droits, j'ai traité de domaines où l'Église que je représente et la communauté politique qui est l'État partagent un souci commun : la sauvegarde de la dignité de la personne humaine et la recherche de la justice et delà paix. Dans leur sphère respective, la communauté politique et l'Église sont mutuellement indépendantes et autonomes. Néanmoins, à différents titres, chacun sert la vocation personnelle et sociale des mêmes êtres humains.

 

L'Église catholique, pour sa part, poursuivra ses efforts de coopération à la promotion de la justice, de la paix et de la dignité en y engageant ses chefs et les membres de ses communautés et en proclamant inlassablement que tous les êtres humains sont créés à l'image et à la ressemblance de Dieu et qu'ils sont frères et sœurs, enfants d'un même Père céleste.

 

Daigne le Dieu tout-puissant bénir et soutenir l'Amérique dans sa recherche de la plénitude de la liberté, de justice et de paix.

 

 

 

6 octobre 1979

A L'ORGANISATION DES ETATS AMERICAINS

 

Pour sa deuxième visite à Washington, le pape a tenu à rencontrer les représentants de l'O.S.A. (Organisation des États d'Amérique). En réponse au discours du président Orfila, d'Argentine, le pape a répondu en espagnol.

 

Monsieur le Président,

Monsieur le Secrétaire général,

Mesdames et Messieurs,

 

1. C'est pour moi un grand plaisir de saisir cette occasion de saluer tous les distingués représentants de chacune des nations membres de l'Organisation des États d'Amérique. Ma sincère gratitude s'adresse à vous, Monsieur le Président, pour vos cordiales paroles de bienvenue. Je remercie également le Secrétaire général de m'avoir aimablement invité à visiter le siège central de la plus ancienne des organisations régionales internationales. Il est donc juste qu'après ma visite à l'Organisation des Nations Unies, ce soit à l'Organisation des États d'Amérique, la première parmi les nombreuses organisations et agences intergouvernementales, que j'aie le privilège d'adresser un message de paix et d'amitié.

 

Le Saint-Siège suit avec le plus grand intérêt et, je puis le dire avec une attention spéciale, les événements et les changements qui affectent le bien-être des peuples des Amériques. C'est la raison pour laquelle il s'est senti très honoré quand il a été invité à envoyer un observateur permanent à cette institution, invitation faite, l'année dernière, à la suite d'une décision unanime de l'assemblée générale. Le Saint-Siège voit dans les organisations régionales comme la vôtre, des structures intermédiaires qui peuvent promouvoir une plus grande diversité et une plus grande vitalité internes, dans un domaine déterminé, au sein de l'entière communauté des nations. Le fait que le continent américain tienne compte d'une organisation chargée d'assurer une plus grande continuité dans le dialogue entre les gouvernements, de promouvoir la paix, de favoriser un plein développement dans la solidarité et de protéger l'homme, sa dignité et ses droits, est un facteur qui est au bénéfice de toute la famille humaine. L'Évangile et le christianisme sont pleinement entrés dans votre histoire et dans vos cultures. Je voudrais partir de cette tradition commune pour faire quelques réflexions, ceci dans un respect absolu de vos convictions personnelles et de votre compétence propre et pour apporter une contribution originale à vos efforts dans un esprit de service.

 

2. La paix est un don précieux que vous vous efforcez de préserver pour vos peuples. Vous êtes d'accord avec moi sur le fait que ce n'est pas par l'accumulation des armes que l'on arrive à assurer cette paix d'une façon stable. Mis à part le fait que cette accumulation augmente, dans la pratique, le risque de recourir aux armes pour résoudre les conflits qui peuvent surgir, elle soustrait de considérables ressources matérielles et humaines aux grandes missions pacifiques et si urgentes du développement. Ceci pourrait aussi faire penser que l'ordre construit sur les armes est suffisant pour assurer la paix interne de vos pays.

 

Je vous demande solennellement de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour-freiner la course aux armements dans ce continent. Il n'existe pas de divergences entre vos pays qui ne puissent être surmontées pacifiquement. Quel soulagement ce sera pour vos peuples, combien de nouvelles possibilités s'ouvriront pour leur progrès économique, social et culturel et quel exemple très contagieux sera donné au monde si la difficile entreprise du désarmement réussit à trouver ici une solution réaliste et décidée !

 

3. La douloureuse expérience de ma patrie, la Pologne, m'a enseigné combien est importante la souveraineté nationale quand elle a à son service un État digne de ce nom et libre dans ses décisions : combien elle est importante pour la protection non seulement des légitimes intérêts matériels du peuple, mais aussi de sa culture et de son âme. Votre Organisation est une organisation d'États, fondée sur le respect de l'absolue souveraineté nationale de chacun de ces États, sur une participation paritaire aux tâches communes et sur une solidarité entre vos peuples. La légitime exigence de la part des États de participer aux décisions communes de l'organisation sur une base d'égalité doit être accompagnée du désir de promouvoir, à l'intérieur de chaque pays, une participation toujours plus effective des citoyens à la responsabilité et aux décisions de la nation selon des modalités qui tiennent particulièrement compte des traditions, des difficultés et des expériences historiques.

 

4. De toute manière, bien que ces difficultés et ces expériences puissent exiger parfois des mesures exceptionnelles et un certain temps de maturation dans la préparation de nouveaux progrès dans la

distribution des responsabilités, elles ne justifient jamais une atteinte à la dignité inviolable de la personne humaine et aux droits authentiques qui protègent cette dignité. Si certaines idéologies et certaines formes d'interprétation de la légitime préoccupation pour la sécurité nationale avaient comme résultat de mettre l'homme, avec ses droits et sa dignité, sous le joug de l'État, elles cesseraient, dans la même mesure, d'être humaines et il serait impossible de les adjoindre à une doctrine chrétienne sans éprouver une grande déception. Dans la pensée, de l'Église c'est un principe fondamental de considérer que les organisations sociales sont au service de l'homme et non le contraire. Ceci vaut aussi pour les plus hauts niveaux de la société là où s'exerce le pouvoir de coercition et où, les abus, quand il y en a, sont particulièrement graves. En outre, une sécurité dans laquelle les peuples ne se sentent pas impliqués, puisqu'on ne les protège pas dans leur humanité véritable, est seulement une comédie ; au fur et à mesure qu'elle devient plus rigide, elle présenter a des symptômes de faiblesse croissante et elle va vers une ruine imminente.

 

Sans interférences indues, votre Organisation, selon l'esprit avec lequel elle affronte tous les problèmes de sa compétence, peut faire beaucoup sur tout le continent pour faire progresser une conception de l'État et de sa souveraineté qui soit réellement humaine et qui, justement à cause de cela, soit la base d'une légitimation des États et de prérogatives qui lui soient reconnues pour le service de l'homme.

 

5. L'homme ! L'homme est le critère décisif qui ordonne et dirige tous vos engagements, il est la valeur vitale dont le service exige continuellement de nouvelles initiatives. Les expressions les plus pleines de signification pour l'homme — expressions comme la justice, la paix, le développement, la solidarité, les droits de l'homme — sont parfois rabaissées et restent au niveau d'un soupçon systématique ou d'une censure idéologique factieuse et sectaire. De cette manière elles perdent leur pouvoir de mobilisation et d'attraction. Elles ne le retrouveront que si le respect pour la personne humaine et l'engagement en sa faveur sont explicitement remises au cœur de toutes les considérations. Quand on parle de droit à la vie, à l'intégrité physique et morale, à la nourriture, à l'habitation, à l'éducation, à la santé, au travail, à la participation responsable à la vie de la nation, on parle de la personne humaine. Et cette personne humaine est celle que la foi nous fait reconnaître comme créée à l'image de Dieu et promise à une destinée éternelle. C'est cette personne humaine que l'on rencontre fréquemment menacée et affamée, sans maison et sans travail décents, sans accès au patrimoine culturel de son peuple ou à celui de l'humanité et sans voix pour faire entendre ses angoisses. Il faut donner une nouvelle vie à la grande cause du plein développement et ceux qui doivent le faire sont ceux qui, à un degré ou à un autre, jouissent déjà de ces biens et qui doivent se mettre au service de tous ceux — ils sont encore très nombreux dans votre continent — qui sont privés de ces biens dans une mesure parfois dramatique.

 

6. Le défi du développement mérite toute votre attention. De plus, ce que vous obtiendrez dans ce domaine peut être un exemple pour l'humanité. Les problèmes des zones rurales et urbaines, de l'industrie et de l'agriculture, ceux du milieu ambiant représentent, dans une large mesure, une tâche commune. La recherche décidée de tout cela aidera à répandre dans le continent un sentiment de fraternité universelle qui s'étendra bien au-delà des frontières et des régimes. Sans diminuer les responsabilités: des États souverains, vous découvrirez que c'est dans la logique des exigences qui se présentent à vous, que de vous occuper de problèmes comme l'emploi, l’émigration et le commerce, en tant que préoccupations communes dont la dimension continentale demande d'une façon toujours plus intense des solutions plus organiques à l'échelle continentale. Tout ce que vous ferez pour la personne humaine provoquera une détente de la violence et des menaces de subversion et de déséquilibre. Car en acceptant avec courage les révisions qu'exigé « ce point de vue unique et fondamental — disons de la personne dans la communauté — et qui comme facteur fondamental du bien commun, doit constituer le critère essentiel de tous les programmes, systèmes et régimes » (Redemptor hominis, 17), vous orientez les énergies de vos peuples vers la satisfaction pacifique de leurs aspirations.

 

7. Le Saint-Siège se considère toujours heureux de pouvoir apporter sa contribution désintéressée à cette tâche. Les Églises locales des Amériques en feront autant dans le cadre de leurs différentes responsabilités. En favorisant le progrès de la personne humaine, de sa dignité et de ses droits, elles serviront la cité terrestre, favoriseront sa cohésion et suivront ses autorités légitimes. La pleine liberté religieuse qu'elles demandent est pour un service et non pour s'opposer à la légitime autonomie de la société civile et de ses propres moyens d'action. Plus les citoyens seront capables d'exercer habituellement leurs libertés dans la vie de la nation, plus rapidement les communautés chrétiennes seront capables de se consacrer d'elles-mêmes à la tâche principale de l’évangélisation, c'est-à-dire à la prédication de l'Évangile du Christ, source de vie, de force, de justice et de paix.

 

En langue anglaise :

 

Avec de ferventes prières pour la prospérité et pour la concorde, j'invoque sur cette importante assemblée, sur les représentants de tous les États membres et leurs familles, sur tous les peuplés bien-aimés des Amériques, les meilleures grâces et bénédictions du Dieu Tout-Puissant.

 

En langue française :

 

Ma visite ici, dans la salle des Amériques; devant cette noble assemblée qui se consacre à la collaboration inter-américaine, voudrait exprimer à la fois un souhait et une prière. Mon souhait, c'est que dans toutes les nations de ce continent, aucun homme, aucune femme, aucun enfant ne se sente jamais abandonné par les autorités constituées auxquelles il est prêt à accorder pleinement sa confiance dans la mesure où ces autorités recherchent le bien de tous. Ma prière c'est que le Dieu Tout-Puissant accorde sa lumière aux peuples et aux gouvernants afin qu'ils puissent toujours découvrir de nouvelles voies de collaboration pour bâtir une société fraternelle et juste.

 

En langue portugaise :

 

Un mot encore avant de vous quitter — avec beaucoup de peine, je l'avoue — après cette première et brève visite à votre vénérable Organisation. Au début de l'année, au cours de mon voyage au Mexique, j'ai déjà eu l'occasion d'admirer, chez les populations locales, l'enthousiasme, la spontanéité et la joie de vivre des gens de ce continent. Je suis convaincu de ce que vous saurez préserver le riche patrimoine humain et culturel de vos peuples ; et avec ce patrimoine, vous saurez maintenir les bases indispensables d'un véritable progrès qui, toujours et partout, est constitué par le respect de la suprême dignité de l'homme.

 

Après son discours lé pape a rencontre le personnel du secrétariat de l'O.S.A. à qui il a adressé en anglais et en espagnol des paroles de remerciements et d'encouragement pour son travail, dédié au service de la vérité et de la justice, dans la recherche de la paix.

 

 

 

6 octobre 1979

AU CORPS DIPLOMATIQUE

 

C'est en français que le pape s'est adresse au Corps diplomatique présent à Washington. Voici le texte de son discours.

 

Excellences, Mesdames, Messieurs,

 

Au cours de cette visite, si agréable et si exigeante à la fois, je suis particulièrement heureux de cette occasion qui m'est donnée ce soir de rencontrer les membres du Corps diplomatique en mission à Washington.

 

Votre présence ici m'honore. C'est un honneur rendu non seulement à ma personne mais au chef de l'Église catholique et je vous en remercie très cordialement. Je vois aussi dans ce geste de courtoisie un encouragement pour l'activité de l'Église catholique et du Saint-Siège au service de l'humanité.

 

Ce souci du service de l'humanité est commun au Corps diplomatique et au Saint-Siège : chacun agit dans son propre domaine, poursuivant avec persévérance sa propre mission, mais ils sont tous les deux unis par Fa grande cause de la compréhension et de la solidarité entre les peuples et les nations.

 

Vous avez là une noble tâche. Malgré les difficultés, les contretemps et les échecs inévitables, la diplomatie tire son importance du fait qu'elle est l'un des chemins à parcourir quand on recherche la paix et le progrès de toute l'humanité. « La diplomatie, disait mon prédécesseur Paul VI, est l'art de faire la paix » (Discours au Corps diplomatique, Rome, 12 janvier 1974). Les efforts des diplomates pour établir la paix ou la maintenir, que ce soit à un niveau bilatéral ou multilatéral, ne sont pas toujours couronnés de succès. Il faut cependant toujours les encourager, aujourd'hui comme hier, de manière à susciter de nouvelles initiatives, à tracer de nouveaux sentiers, avec cette patience et cette ténacité qui sont les qualités éminentes du diplomate. Et puisque je parle au nom du Christ qui s'est proclamé lui-même « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14, 6), je voudrais aussi attirer l'attention sur d'autres qualités qui me semblent indispensables si l'on veut que la diplomatie à l'heure actuelle réponde aux espoirs que l'on place en elle : il faut, en effet, que les valeurs suprêmes, tant morales que spirituelles, soient toujours plus profondément intégrées dans les objectifs poursuivis par les peuples et dans les moyens mis en œuvre pour les atteindre.

 

La vérité est la première de ces exigences morales qui doivent prévaloir dans les relations entre les nations et les peuples. Pour la treizième Journée mondiale de la Paix (1er janvier 1980), j'ai choisi comme thème : « La vérité, force de la paix ». Et je suis persuadé que les gouvernements et les nations que vous représentez s'associeront, cette fois encore, comme ils l'ont fait d'une manière si admirable dans le passé, à cette grande entreprise : imprégner de Vérité tous les rapports, qu'ils soient politiques ou économiques, bilatéraux ou multilatéraux.

 

Or, trop souvent, le mensonge se trouve dans notre vie, aussi bien au niveau personnel que collectif, entraînant avec lui la suspicion là où la vérité est indispensable ; le dialogue devient alors difficile, ce qui rend presque impossible toute collaboration ou entente. Mettre de la vérité dans toutes nos, relations, c'est, travailler à la paix, car cela permet de trouver aux problèmes mondiaux des solutions qui soient conformes à la raison et à la justice, conformes, en un mot, à la vérité sur l’homme.

 

Et ceci m'amène au deuxième point, que je voudrais évoquer. Pour que la paix soit réelle et durable, elle doit être humaine. Le désir de paix est universel. Il repose dans le cœur de tout être humain et il ne peut être comblé qu'à condition de placer la personne humaine au centre de tous les efforts pour susciter l'unité et la fraternité entre les nations.

 

Votre mission de diplomates est fondée sur le mandat que vous avez reçu de ceux qui ont la responsabilités du bien-être de vos nations. Et on ne peut séparer ce pouvoir auquel vous avez part des exigences objectives de l'ordre moral et de la destinée de tout être humain ? Je me permets de vous redire ici ce que je déclarais dans ma première lettre encyclique : « Le devoir fondamental du pouvoir est la sollicitude pour le bien commun de la société ; de là dérivent ses droits fondamentaux. Au nom de ces prémisses relatives à l'ordre éthique objectif, les droits du pouvoir ne peuvent être entendus que sur la base du respect des droits objectifs et inviolables de l'homme. Ce bien commun, au service duquel est l'autorité dans l'État, ne trouve sa pleine réalisation que lorsque tous les citoyens sont assurés de leurs droits. Autrement on arrive à la désagrégation de la société, à l'opposition des citoyens à l'autorité, ou alors à une situation d'oppression, d'intimidation, de violence, de terrorisme, dont les totalitarismes de notre siècle nous ont fourni de nombreux exemples. C'est ainsi que le principe des droits de l'homme touche profondément le secteur de la justice sociale et devient la mesure qui en permet une vérification fondamentale dans la vie des organismes politiques » (Redemptor hominis, 17). Ces réflexions prennent aussi toute leur importance dans le domaine qui vous préoccupe directement, la recherche de la paix internationale, de la justice entre les nations et de la coopération de tous les peuples dans la solidarité. En dernière analyse, le succès de la diplomatie aujourd'hui sera dans la victoire de la vérité sur l'homme.

 

J'invoque les bénédictions du Dieu tout-puissant sur votre mission, qui comporte la double exigence de défendre les intérêts de vos pays, tout en les plaçant dans le contexte de la paix universelle ; sur vous-mêmes, qui êtes des artisans de paix ; sur vos conjoints et sur vos familles, qui vous soutiennent et vous encouragent ; et enfin sur tous ceux qui comptent sur votre service dévoué pour que leur propre dignité de personne humaine soit reconnue et respectée. Que la paix de Dieu habite toujours en vos cœurs !

 

 

 

7 octobre 1979

AUX ETUDIANTS

 

Chers étudiants de l'université catholique,

 

Mon premier salut en arrivant sur ce campus est pour vous ! Je vous offre à tous la paix et la joie de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ ! On me dit que vous avez organisé une veillée de prière pendant une nuit entière pour demander à Dieu de bénir ma visite. Merci de tout cœur pour cette merveilleuse expression de communion avec moi, et pour un si beau cadeau. Je voudrais pouvoir vous parler longuement ; je voudrais vous écouter et savoir ce que vous pensez de vous-mêmes et du monde. Mais le temps qui m'est accordé est trop court.

 

Vous m'avez cependant déjà dit une chose : en choisissant de m'accueillir par l'offrande de vos prières vous avez démontré que vous comprenez ce qui est le plus important dans vos vies — votre contact avec Dieu, votre recherche du sens de la vie dans l'écoute du Christ selon sa parole qui vous est adressée dans les Écritures. Je suis heureux de savoir que la réflexion sur les valeurs spirituelles et religieuses fait partie de votre désir de vivre en plénitude cette période de votre vie. Les intérêts matérialistes et les valeurs unilatérales ne sont jamais suffisantes pour combler le cœur et l'esprit d'une personne humaine. Une vie qui se réduit à l'unique dimension de la possession, de la consommation, des intérêts temporels ne vous permettra jamais de découvrir et de vous réjouir de la plénitude de la richesse de votre humanité. C'est seulement en Dieu — en Jésus, Dieu fait homme — que vous comprendrez pleinement ce que vous êtes. Il vous révélera votre véritable grandeur : à savoir que vous êtes rachetés par lui et saisis par son amour ; que vous avez vraiment été libérés en celui qui a dit de lui-même : « Si le fils vous libère vous serez vraiment libres » (Jn 8, 36).

 

Je sais que, comme les étudiants du monde entier, vous êtes troublés par les problèmes qui pèsent sur la société qui vous entoure et sur celle du monde. Examinez ces problèmes, explorez-les, étudiez-les et recevez-les comme un défi. Mais faites cela dans la lumière du Christ. Il est « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14, 6). Il situe toute vie humaine dans sa véritable dimension de vérité et d'amour authentique. La véritable connaissance et la véritable liberté sont en Jésus. Que Jésus fasse toujours partie de votre faim de vérité et de justice, et partie de votre dévouement au bien-être de vos frères humains.

 

Jouissez des privilèges de votre jeunesse : le droit d'être dynamiques, créatifs et spontanés ; le droit d'être pleins d'espoir et de joie ; la possibilité d'explorer le monde merveilleux de la science et de la connaissance ; et par-dessus tout la chance que vous avez de vous donner aux autres dans un service généreux et joyeux.

 

Je vous quitte en formulant cette prière : que le Seigneur Jésus se révèle lui-même à chacun d'entre vous, qu'il vous donne sa force pour aller annoncer que vous êtes chrétiens, qu'il vous montre que lui seul peut combler vos cœurs. Recevez sa liberté, embrassez sa vérité, et soyez les messagers de la certitude d'avoir vraiment été libérés par la mort et ta résurrection du Seigneur Jésus. Ce sera la nouvelle expérience, la puissante expérience qui engendrera, par vous, une société plus juste et un monde meilleur.

 

Que Dieu vous bénisse et que la joie dé Jésus soit toujours avec vous !

 

 

 

7 octobre 1979

A LA VIERGE MARIE

 

Avant de s'adresser aux religieuses, réunies dans le sanctuaire de l'Immaculée-Conception, le pape a prononcé une brève allocution, comme une méditation à la Vierge Marie.

 

Mon premier désir dans ce sanctuaire national de l'Immaculée-Conception est de diriger ma pensée, de tourner mon cœur vers la femme de l'histoire du salut. Dans l'éternel dessein de Dieu, cette femme, Marie, a été choisie pour entrer dans l'œuvre de l'Incarnation et de la Rédemption. Le dessein de Dieu devait se réaliser par sa libre décision, prise dans son obéissance, à la volonté de Dieu. Par son « oui », un « oui » qui envahit et se reflète dans toute l'histoire, elle a consenti à être la Vierge Mère de notre Dieu Sauveur, la servante du Seigneur, et en même temps, la mère de tous les fidèles, qui, au cours des siècles allaient devenir les frères et les sœurs de son Fils. A travers elle, le Soleil de justice allait se lever sur le monde. A travers elle, le grand médecin de l'humanité, grand signe apparu dans les cieux, et les consciences, son Fils, le Dieu-Homme, Jésus-Christ allait transformer la condition humaine. Comme un grand signe apparu dans les cieux, dans la plénitude des temps, la femme domine toute l'histoire en qualité de Vierge Mère du Fils, en qualité d'Épouse du Saint-Esprit comme la servante de l'humanité.

 

Cette femme devient aussi, par son association à son Fils, un signe de contradiction pour le monde, et en même temps un signe d'espérance, elle en qui toutes les générations seront bénies. Cette femme qui a conçu spirituellement avant de concevoir physiquement, cette femme qui a accepté la parole de Dieu, cette femme qui a été insérée intimement et irrévocablement dans le mystère de l'Église et qui exerce une maternité spirituelle à l'égard de tous les peuples. Cette femme qui est honorée comme la reine des Apôtres, sans être elle-même introduite dans la constitution hiérarchique de l'Église, elle qui pourtant a rendu possible toute la hiérarchie en donnant au monde le pasteur et l'évêque de nos âmes. Cette femme, cette Marie des Évangiles, qui n'est pas mentionnée comme ayant pris part à la dernière cène, réapparaît au pied de la croix, pour consommer sa participation à l'histoire du salut Par son action courageuse, elle préfigure et anticipe le courage de toutes les femmes qui, à travers les âges, concourent à la naissance du Christ, à chaque génération.

 

A la Pentecôte, la Vierge Mère, une fois encore, se montre pour exercer son rôle en union avec les Apôtres, avec et au-dessus de l'Église. Et encore, elle a conçu du Saint-Esprit pour donner naissance à Jésus dans la plénitude de son Corps, l'Église, pour ne jamais le quitter, ne jamais l'abandonner et continuer à l'aimer.

 

C'est cette femme dont l'histoire et la destinée nous inspirent aujourd'hui, c'est elle qui nous parle de féminité, de dignité humaine et d'amour, et qui est la plus grande expression d'une consécration totale à Jésus-Christ au nom de qui nous sommes maintenant réunis.

 

 

 

7 octobre 1979

PRIERE DU PAPE A LA VIERGE MARIE AU SANCTUAIRE NATIONAL DE L’IMMACULEE CONCEPTION

 

Dans la matinée du 7 octobre, Jean Paul II au cours   de  sa   visite  au   sanctuaire  de l'Immaculée-Conception, a adressé à Notre-Dame la prière suivante :

 

Ce sanctuaire nous fait entendre la voix de toute l'Amérique, la voix de tous les fils et de toutes les filles de l'Amérique, portée jusqu'ici à partir des différents pays du Vieux Monde. A leur arrivée, ils apportaient avec eux, dans leurs cœurs, ce qui caractérisait leurs ancêtres et eux-mêmes dans leur pays d'origine : un même amour pour la Mère de Dieu. Malgré leurs langues différentes et leur provenance de milieux historiques et de traditions distincts, ces populations se sont unies autour du cœur de leur Mère commune. Leur foi dans le Christ leur donnait la conscience de former l'unique peuple de Dieu, mais en même temps cette conscience se faisait plus vive grâce à la présence de la Mère dans l'œuvre du Christ et de son Église.

 

Aujourd'hui, en te remerciant, Mère, pour ta présence au milieu des hommes et des femmes de cette terre — présence qui se prolonge depuis deux cents ans — je les confie tous à ton Cœur Immaculé, pour le renouvellement de leur vie sociale et civique.

 

Je rappelle, avec gratitude et dans la joie, l'honneur qui t'a été fait par l'attribution du titre de patronne des États-Unis, sous l'invocation d'Immaculée Conception, au cours de la célébration du VI° concile provincial de Baltimore en 1846.

 

Mère du Christ je te recommande et je te confie l'Église catholique : les évêques, les prêtres, les diacres, les personnes et les institutions religieuses, les séminaristes, les vocations et tout l'apostolat des laïcs dans ses modalités diverses.

 

D'une façon spéciale, je te confie le bien-être des familles chrétiennes de ce pays, l'innocence des enfants, l'avenir des jeunes, les vocations, masculines et féminines. Je te demande de communiquer à toutes les femmes des États-Unis la grâce de partager en profondeur la joie que tu as expérimentée dans ta proximité avec Jésus-Christ, ton Fils. Je te demande de les garder tous du péché et du mal, selon cette liberté que tu as expérimentée d'une manière unique dès le moment de ta suprême libération dans ton Immaculée Conception.

 

Je te confie la grande œuvre de l'œcuménisme qui se développe dans ce pays où ceux qui confessent le Christ appartiennent à des Églises et à des communions différentes. Je le fais pour que s'accomplissent les paroles de la prière du Christ : « Que tous soient un ». Je te confie la conscience des hommes et des femmes et la voix de l'opinion publique pour qu'elles ne s'opposent pas à la loi de Dieu mais qu'elles soient comme des sources de vérité et de bien.

 

A cela j'ajoute, Mère, la grande cause de la justice et de la paix dans le monde moderne, pour que la force et l'énergie de l'amour prévalent sur la haine et la destruction et pour que les fils de lumière ne viennent pas à manquer pour la cause du bien-être de toute la famille humaine.

 

Je te recommande et je te confie, Mère, tous ceux qui se préoccupent de promouvoir le progrès temporel pour que ce ne soit pas un progrès partiel mais qu'il crée des conditions qui permettent le plein développement spirituel des individus, des familles, des communautés et des nations. Je te recommande les pauvres, ceux qui souffrent, les malades et les handicapés, les vieillards et les mourants. Je te demande la réconciliation pour ceux qui sont dans le péché, la guérison pour ceux qui souffrent et le courage pour ceux qui ont perdu leur espérance et leur joie. Illumine de la lumière du Christ, ton Fils, ceux, qui se débattent dans le doute.

 

Les évêques de l'Église aux États-Unis ont choisi ton Immaculée Conception comme le mystère sur lequel repose ton patronage à l'égard du peuple de Dieu dans ce pays. Que l'espérance qui est contenue dans ce mystère remporte la victoire sur le péché et qu'elle soit partagée par tous les fils et par toutes les filles de l'Amérique ainsi que par toute la famille humaine. En même temps, dans la recrudescence de la lutte du bien contre le mal, du prince des ténèbres et père du mensonge contre l'amour évangélique, que la lumière de ton Immaculée Conception illumine tous les hommes dans leur cheminement vers la grâce et le salut. Amen.

 

 

 

AUX RELIGIEUSES

 

Le Saint-Père s'est alors adressé directement aux religieuses.

 

Chères Sœurs,

 

Que soient avec vous la grâce, l'amour et la paix de Dieu notre Père et de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ !

 

Je suis heureux de saisir cette occasion de vous parler aujourd'hui. J'en suis heureux à cause de mon estime pour la vie religieuse et à cause de ma gratitude à l'égard des religieuses pour leur inappréciable contribution à la mission ; et à la vie même de l'Église.

 

Je suis particulièrement content que nous soyons réunis ici dans le sanctuaire national de l'Immaculée Conception, car la Vierge Marie est le modèle de l'Église, la Mère des fidèles et de parfait modèle de la vie consacrée.

 

1. Le jour de notre baptême nous avons reçu le plus grand don que Dieu puisse accorder à un homme ou à une femme. Aucun autre honneur, aucune autre distinction ne peut égaler cette valeur. Car nous avons été libérés du péché et incorporés au Christ Jésus, à son Corps, l'Église. Ce jour-là et chaque jour qui à suivi, nous avons été choisis « pour vivre dans l’amour en sa présence » (Ep 1, 4).

 

Au cours des années qui ont suivi notre baptême nous avons grandi dans une conscience également admirable du mystère du Christ. En écoutant l'enseignement des béatitudes, en méditant sur la croix, en conversant avec le Christ dans la prière et en le recevant dans l'Eucharistie, nous avons progressé jusqu'au jour, ce moment précis de notre vie, ou nous avons ratifié en pleine connaissance de cause et en toute liberté la consécration de notre baptême. Nous avons affirmé notre détermination de vivre toujours en union avec le Christ et d'être, selon les dons que nous avons reçus du Saint-Esprit, un membre généreux et plein d'amour du peuple de Dieu.

 

2. Votre consécration religieuse se construit sur le fondement commun que tous les chrétiens partagent dans le Corps du Christ. Dans le désir de perfectionner et d'intensifier ce que Dieu avait commencé dans votre vie par le baptême, et parce que vous avez compris que Dieu vous offrait vraiment le don des conseils évangéliques, vous avez voulu suivre le Christ de plus près pour conformer plus complètement votre vie à celle de Jésus-Christ, dans et à travers l'appartenance à une communauté religieuse distincte. Ceci est l'essence de la consécration religieuse : professer à l'intérieur et pour le bénéfice de l'Église, la pauvreté, la chasteté et l'obéissance en réponse à une invitation spéciale de Dieu, pour louer et servir Dieu dans une plus grande liberté de cœur (cf. 1 Co 7, 34-35) et pour conformer davantage votre vie au Christ dans un style de vie choisi par lui et par sa Mère bénie (cf. Perfectae Caritatis, 1 ; Lumen Gentium, 46).

 

3. La consécration religieuse non seulement approfondit votre engagement personnel à l'égard du Christ, mais:elle renforce vos liens avec son Épouse, l'Église. La consécration religieuse est une manière particulière de vivre dans l'Église, une manière spéciale d'accomplir une vie de foi et de service qui commence au baptême.

 

Pour sa part, l'Église vous assiste dans votre discernement de la volonté. Puisqu'elle a accepté et authentifié les charismes de vos différents Instituts, elle unit votre profession religieuse à la célébration du mystère pascal du Christ.

 

Vous êtes appelées par Jésus lui-même à vérifier et à manifester dans vos vies et dans vos activités votre profonde relation à l'Église. Ces liens d'union avec l'Église doivent aussi se manifester dans l'esprit et dans les tâches apostoliques de chaque institut religieux. Car la fidélité au Christ, en particulier dans la vie religieuse ne peut jamais être séparée de la fidélité à l'Église. Cette dimension ecclésiale de la vocation à une consécration religieuse présente de nombreuses et importantes conséquences pratiques pour les instituts eux-mêmes et pour chaque membre individuel. Elle implique par exemple, un plus grand témoignage public à l'Évangile, puisque vous représentez d'une façon spéciale, comme femmes et religieuses, la relation d'épouse de l'Église à l'égard du Christ. Cette dimension ecclésiale demande également de la part des membres individuels aussi bien que de la part des instituts dans leur ensemble, une fidélité aux charismes originaux que Dieu a donnés à son Église, par l'intermédiaire de vos fondateurs et fondatrices. Ceci veut dire que les instituts sont appelés à continuer à nourrir, dans une fidélité dynamique, les engagements qui étaient incorporés et liés au charisme de leurs origines, qui ont été authentifiés par l'Église et qui répondent encore à d'importants besoins du peuple de Dieu. Un bon exemple à ce propos est le système scolaire catholique qui a été d'une valeur inappréciable pour l'Église aux Etats-Unis. Il a en effet été un excellent moyen non seulement de communiquer l'Évangile du Christ aux étudiants, mais également de pénétrer l'entière communauté de la vérité et de l'amour du Christ. C'est l'un des engagements apostoliques auxquels les religieuses ont apporté et apportent une incomparable contribution.

 

4. Chères sœurs dans le Christ : Jésus doit toujours être le premier dans votre vie. Sa personne doit être le centre de vos activités — de vos activités de chaque jour. Aucune autre personne et aucune autre activité ne peut prendre le pas sur lui. Car votre Vie entière lui a été consacrée. Avec saint Paul vous devez dire : « Tout ce que je désire est de connaître le Christ et la puissance de sa résurrection et de partager ses souffrances en lui devenant conforme dans la mort » (Ph 3, 10).

 

Le Christ reste le premier dans votre vie seulement s'il occupe la première place dans votre esprit et dans votre cœur. C'est ainsi que vous devez continuellement vous unir à lui dans la prière. Sans la prière, votre vie religieuse n'a pas de sens. Elle a perdu le contact avec sa source, elle se vide de sa substance et elle ne peut plus atteindre son but. Sans la prière il ne peut y avoir ni joie, ni espérance, ni paix. La prière en effet est ce qui nous maintient en contact avec le Christ. Les paroles incisives qui sont écrites dans Evangelica Testificatio nous font réfléchir n'oubliez pas le témoignage de l'histoire : la fidélité à la prière ou son abandon sont le test de la vitalité ou de la décadence de la vie religieuse » (Evangelica Testificatio, 42).

 

5. Deux forces dynamiques opèrent dans la vie religieuse : votre amour pour Jésus —  et en Jésus, pour tous ceux qui lui appartiennent — et son amour pour vous.

 

Nous ne pouvons pas vivre sans amour. Si nous ne trouvons pas l’amour, si nous n'en faisons pas l'expérience et si nous ne nous t'approprions pas, et si nous ne participons pas intimement à l'amour, notre vie n'a pas de sens. Sans amour nous restons incompréhensibles pour nous-mêmes (cf. Redemptor hominis, 10).

 

Ainsi chacune de vous a besoin d'une vibrante relations d'amour avec le Seigneur, d'une profonde union d'amour avec le Christ, d'un amour comme celui qui s'exprime dans le psaume : « Mon Dieu, c'est toi que je Cherche, oui, mon âme a soif de toi. Tout mon être soupire après toi, comme une terre aride, assoiffée d'eau. Je voudrais te voir dans ton sanctuaire, contempler ta puissance et ta gloire » (Ps 63, 1-2). Et, bien plus important que votre amour pour le Christ, il y a l'amour du Christ pour vous. Vous avez été appelées par lui, vous, êtes devenues membres de son Corps, vous avez été; consacrées dans une vie selon les conseils évangéliques et vous avez été destinées par lui à partager la mission que le Christ a confiée à son Église : sa propre mission de salut. Pour cette raison, le centre de votre vie est dans l'Eucharistie. Dans l'Eucharistie vous célébrez sa mort et sa résurrection et vous recevez de lui le pain de la vie éternelle. Et c'est spécialement dans l'Eucharistie que vous êtes unies à celui qui est l'objet de votre amour. C'est là, avec lui — avec le Christ — que vous trouvez une plus grande compréhension pour le peuple de Dieu. Et c'est là que vous trouvez la force de persévérer dans votre engagement de service désintéressé.

 

6. Votre service dans l'Eglise est alors un prolongement du Christ à qui vous avez consacré votre vie. Car ce n'est pas vous-mêmes que vous mettez en avant mais1e Christ Jésus comme Seigneur. Comme Jean Baptiste, vous savez que pour que le Christ croisse, il faut que vous diminuiez. Et ainsi votre vie doit être caractérisée par une totale disponibilité : vous devez être prêtes à servir selon les besoins de l'Église, vous devez être prêtes à donner un témoignage public au Christ que vous aimez.

 

Ce besoin d'un témoignage public devient un appel constant à une conversion intérieure, à la justice et à la sainteté de vie de la part de chaque religieuse. C'est aussi une invitation pour chaque institut à refléter la pureté de son témoignage incorporé à l'Église. Et c'est pour cette raison que dans mon discours adressé en novembre dernier à l'Union internationale des supérieures générales, j'ai indiqué qu'il n'est pas sans importance que votre consécration à Dieu soit manifestée par le signe extérieur permanent d'un habit religieux simple et convenable. Ceci n'est pas seulement ma conviction personnelle mais aussi le désir de l'Église, souvent exprimée par de nombreux fidèles.

 

Comme filles de l'Église — titre chéri par nombre de vos grands saints — vous êtes appelées à une adhésion généreuse et aimante à l'authentique magistère de l'Église qui est une garantie solide de la fécondité de votre apostolat et une condition indispensable pour une interprétation adéquate des « signes des temps ».

 

7. La vie contemplative occupe aujourd'hui et pour toujours une placé très estimée dans l'Église. La prière de contemplation se trouve dans la vie de Jésus lui-même, et a fait partie de la vie religieuse de tous les temps. Je saisis donc cette occasion — comme je l'ai fait à Rome, au Mexique et en Pologne — pour encourager de nouveau toutes celles qui sont membres de communautés contemplatives. Sachez que vous devez toujours remplir une place importante dans l'Église, dans sa mission de salut, dans son service de toute la communauté du peuple de Dieu. Persévérez fidèlement, avec confiance et dans la prière, dans la riche tradition qui vous à été transmise. En conclusion, je vous rappelle, avec des sentiments d'admiration et d'amour, que le but de la vie religieuse est de rendre gloire et honneur à la Très Sainte Trinité, et par le moyen de votre consécration, d'aider l'humanité à entrer dans la plénitude de vie dans le Père, et dans le Fils et dans l'Esprit-Saint. Dans tous vos projets et dans toutes vos activités, efforcez-vous aussi de conserver ce but devant vous. Il n'y a pas de plus grand service que vous puissiez rendre ; il n'y a pas de plus grand accomplissement que vous puissiez recevoir. Chères sœurs, aujourd'hui et pour toujours : loué soit Jésus-Christ !

 

 

 

7 octobre 1979

AUX THEOLOGIENS ET EDUCATEURS

 

A l'intérieur de l’Université, Jean Paul II a rencontré théologiens et éducateurs. Voici la traduction de son discours.

 

Chers frères et sœurs dans le Christ,

 

1. Notre rencontre d'aujourd'hui me fait grand plaisir et je vous remercie sincèrement de votre cordial accueil. Mon association personnelle avec le monde universitaire, et plus particulièrement avec la Faculté pontificale de théologie de Cracovie fait que notre réunion m'est d'autant plus agréable. Je ne puis m'empêcher de me sentir chez moi auprès de vous. J'apprécie les paroles sincères par lesquelles le chancelier et le président de l'Université catholique d'Amérique m'ont confirmé, en votre nom à tous, votre fidèle adhésion au Christ et votre généreux engagement au service de la vérité et de la charité dans vos associations catholiques et dans vos institutions d'enseignement supérieur.

 

Il y a quatre-vingt-dix ans, le cardinal Gibbons et les évêques américains avaient demandé la fondation de l'Université catholique d'Amérique, en tant que « université destinée à pourvoir l'Église de dignes ministres en vue du salut des âmes et de la propagation de la religion et à donner à la république de dignes citoyens ». Il me parait opportun, en cette occasion, de m'adresser non seulement à cette grande institution, si irrévocablement liée aux évêques des États-Unis qui l'ont fondée et qui l'a soutiennent généreusement, mais également à toutes les universités catholiques, aux collèges et aux académies d'enseignement supérieur dans votre pays, ceux qui ont des liens formels et parfois juridiques avec le Saint-Siège aussi bien que tous ceux qui sont « catholiques ».

 

2. Avant cela, cependant, permettez-moi de mentionner en premier les facultés ecclésiastiques, dont trois sont établies ici à l'Université catholique d'Amérique. Je salue ces facultés et tous ceux qui leur consacrent leurs meilleurs talents. J'offre mes prières pour le développement prospère et pour la fidélité sans faille ainsi que pour le succès de ces facultés. Dans la constitution apostolique Sapientia Christiana, j'ai traité directement de ces institutions de manière à leur donner une direction et à assurer qu'elles remplissent bien leur rôle en allant au-devant des besoins de la communauté chrétienne dans le contexte actuel de changements rapides.

 

Je voudrais également adresser des paroles de félicitation et d'admiration aux hommes et aux femmes, en particulier aux prêtres et aux religieux, qui se consacrent à toutes, les formes du ministère universitaire. Leurs sacrifices et leurs efforts pour, apporter le véritable message du Christ dans le monde universitaire, qu'il soit séculier ou catholique, ne saurait passer inaperçu.

 

L'Église apprécie hautement le travail et le témoignage de ceux de ses fils et filles que leur vocation a placés dans des universités non catholiques de votre pays. Je suis sûr que leur espérance chrétienne et leur patrimoine catholique apportent une dimension enrichissante et irremplaçable au monde de l'enseignement supérieur.

 

J'adresse aussi un mot spécial de gratitude et d'estime aux parents et aux étudiants qui, parfois au prix de grands sacrifices personnels et financiers, s'orientent vers les universités et collèges catholiques pour y chercher une formation qui unisse la foi et la science, la culture et les valeurs évangéliques.

 

A tous ceux qui sont engagés dans l'administration, l'enseignement ou les études dans des collèges ou universités catholiques, je voudrais appliquer ces mots de Daniel : « Les savants resplendiront comme là splendeur du firmament et ceux qui ont enseigné la justice à un grand nombre, comme, les étoiles pour toute l'éternité » (Dn 12, 3). Le sacrifice et la générosité ont accompli des réalisations héroïques dans la fondation et le développement de ces institutions. Malgré un effort financier énorme, les problèmes de recrutement, et d'autres obstacles, la providence de Dieu et l'engagement de tout le peuple de Dieu nous ont permis de voir ces institutions catholiques florissantes et en progrès.

 

3. Je voudrais répéter ici devant vous ce que j'ai dit aux professeurs et aux étudiants des universités catholiques du Mexique quand je leur ai indiqué un triple but à poursuivre. Un collège ou une université catholique doit apporter une contribution spécifique à l'Église par la haute qualité de sa recherche scientifique, par une étude approfondie des problèmes, un juste sens de l'histoire, ainsi que le souci de montrer la pleine signification de la personne humaine régénérée dans le Christ, en favorisant ainsi le complet développement de la personne. De plus, une université ou un collège catholique doit former des jeunes hommes et femmes ayant un savoir de haut niveau qui, parce qu'ils ont fait leur synthèse personnelle entre leur foi et leur culture, pourront être en même temps capables et volontaires pour assumer des tâches au service de la communauté et de la société en général, et pour porter témoignage de leur foi devant le monde. Et finalement, pour être ce qu'ils doivent être, un collège ou une université catholiques doivent créer dans la faculté et chez les étudiants une réelle communauté qui donne le témoignage d'une chrétienté vivante et active, une communauté au sein de laquelle un authentique engagement dans la recherche scientifique et les études aillent de pair avec le profond engagement d'une authentique vie chrétienne.

 

C'est cela votre identité, c'est cela votre vocation. Toute université ou tout collège est caractérisé par une manière d'être spécifique. Votre qualification est d'être catholiques, d'affirmer Dieu, sa révélation et l'Église catholique comme la gardienne et l'interprète de cette révélation. Le terme « catholique » ne sera jamais un simple label, que l'on ajoute ou que l'on supprime selon les pressions des facteurs qui varient.

 

4. Comme quelqu'un qui a été pendant de longues années professeur d'université, je ne me lasserai jamais d'insister sur le rôle éminent de l'université, rôle qui est l'enseignement mais aussi de devenir un lieu de recherche scientifique. Dans ces deux domaines, son activité est étroitement liée aux plus profondes et aux plus nobles aspirations de la personne humaine : le désir d'en arriver à la connaissance de la vérité. Aucune université ne peut mériter l'estime justifiée du monde de l'enseignement si elle n'applique pas les plus hautes normes de la recherche scientifique, en remettant constamment à jour ses méthodes et ses instruments de travail, et à condition d'exceller en. sérieux et par conséquent en liberté d'investigation. La vérité et la science ne sont pas des conquêtes gratuites mais le résultat d'une soumission à l'objectivité et d'une exploration de tous les aspects que présentent la nature et l'homme. Quand c'est l'homme lui-même qui devient objet d'investigation, aucune méthode ne peut manquer de prendre en considération, au-delà d'une approche purement naturelle, la pleine nature de l'homme. Parce qu'il est lié par la vérité totale sur l'homme, le chrétien rejettera, dans sa recherche et dans son enseignement, tonte vision partielle de la réalité humaine, mais par contre il se laissera illuminer par sa foi en la création de Dieu et en la rédemption du Christ.

 

Cette relation à la vérité explique, par conséquent, le lien historique qui existe entre l'université et l'Église. Puisqu'elle trouve elle-même son origine et sa croissance dans les paroles du Christ qui sont la vérité libératrice (cf. Jn 8, 32), l'Église a toujours essayé de maintenir des institutions qui sont au service et qui ne peuvent qu'être au service de la connaissance de la vérité. L'Église peut ajuste titre se vanter d'être d'une certaine manière la mère des universités. Les noms de Bologne, de Padoue, de Prague et de Paris brillent dans l'histoire la plus ancienne de l'effort intellectuel et du progrès humain. La continuité de la tradition historique dans ce domaine est parvenue jusqu'à nos jours.

 

5. Une consécration, non minimisée, à l'honnêteté intellectuelle et à l’excellente académique sont vues, dans une université catholique, dans la perspective de la mission d'évangélisation et de service de l'Église. C'est pour cette raison que l'Église demandé à ces institutions, vos institutions, de déclarer sans équivoque leur nature catholique. C'est ce que j'ai désiré souligner dans ma constitution apostolique Sapientia Christiana où je déclare : « Vraiment, la mission de l'Église de répandre l'Évangile n'exige pas seulement que la bonne nouvelle soit prêchée toujours plus largement et à un nombre toujours croissant d'hommes et de femmes, mais que la véritable puissance de l'Évangile puisse pénétrer à travers les modèles, les manières de juger et les normes de conduite ; en un mot, il est nécessaire que l'ensemble de la culture humaine soit imprégnée de l'Évangile. L'atmosphère culturelle dans laquelle vit un être humain a une grande influence sur sa manière de penser et: donc d'agir. Par conséquent, une séparation entre la foi et la Culture est un grave obstacle à l'évangélisation, tandis qu'une culture pénétrée d'esprit chrétien est un instrument qui favorise le déploiement de la bonne nouvelle » (Sapientia Christiana, 1). Les visées de l'éducation supérieure catholique vont au-delà de l'éducation en vue de la production, de la compétence professionnelle, technologique et scientifique ; elles s'orientent vers la destinée finale de la personne humaine, vers une plénitude de justice et vers une sainteté qui naît de la vérité (cf. Ep 4, 24).

 

6. Si donc vos universités et vos collèges s'engagent institutionnellement en faveur du message chrétien et si elles font partie de la communauté catholique d'évangélisation, il s'ensuit qu'elles ont une relation essentielle avec la hiérarchie de l'Église. Et ici je voudrais spécialement dire un mot de gratitude, d'encouragement et d'orientation aux théologiens. L'Église a besoin de ses théologiens, en particulier aujourd'hui en un temps si intimement marqué par de profonds changements dans tous les domaines de la vie et de la société. Les évêques de l'Église à qui le Seigneur a confié la garde de l'unité de la foi et l'annonce de son message — les évêques individuellement pour leurs diocèses et les évêques en collégialité avec le successeur de Pierre pour l'Église universelle  nous avons tous besoin de votre travail, de votre dévouement et des fruits de votre réflexion. Nous désirons vous entendre et nous sommes avides de recevoir l'aide compétente de votre science d'hommes responsables.

 

Mais une véritable science théologique et du même coup, un enseignement théologique ne peuvent exister ni être féconds sans chercher leur inspiration et leur source dans la parole de Dieu qui est contenue dans l'Écriture sainte et dans la tradition de l'Église, selon l'interprétation qu'en donne le magistère authentique à travers l'histoire (cf. Dei Verbum, 10). La véritable liberté académique doit être considérée dans son rapport avec la finalité de la visée académique qui contemple la vérité totale de la personne humaine. La contribution du théologien ne sera un enrichissement pour l'Église que si, elle tient compte de la fonction propre des évêques et des droits des fidèles. Il revient aux évêques de l'Église de sauvegarder l'authenticité chrétienne de l'unité de la foi et de l'enseignement moral, selon l'injonction de l'apôtre Paul : « Proclame la parole, insiste à temps et. à contretemps, réfute, menace, exhorte avec une patience inlassable et le souci d'instruire... » (2 Tm 4, 2). C'est le droit des fidèles de ne pas être troublés par des théories et des hypothèses qu'ils ne sont pas compétents pour juger ou qui sont facilement simplifiées ou manipulées par l'opinion publique,, pour des fins qui sont étrangères à la vérité. Le jour de sa mort, Jean Paul Ier a déclaré : « Parmi les droits des fidèles, l'un des plus grands est le droit de recevoir la parole de Dieu dans son intégrité et dans sa pureté... » (28 septembre 1978). Il convient que le théologien soit libre mais d'une liberté qui est ouverture à la vérité et à la lumière qui vient de la foi et de la fidélité à l'Église.

 

En conclusion, je vous exprime encore ma joie de me trouver avec vous aujourd'hui. Je reste très proche de votre travail et de vos soucis. Que le Saint-Esprit vous guide. Que l'intercession de Marie siège de la sagesse, vous soutienne toujours dans votre service irremplaçable à l'égard de l'humanité et de l'Église. Que Dieu vous bénisse.

 

 

 

7 octobre 1979

PRIERE ŒCUMENIQUE

 

En ce dimanche 7 octobre, Jean Paul II a rencontré dans la chapelle Notre-Dame de Trinity Collège, plus de cinq cents représentants des diverses Églises chrétiennes. Répondant au cardinal Baum, archevêque de Washington, le pape a prononcé les paroles dont voici la traduction.

 

Bien-aimés dans le Christ,

 

1. Je suis reconnaissant à la providence de Dieu qui, au cours de ma visite aux États-Unis d'Amérique, me permet de rencontrer les responsables d'autres religions et me donné la possibilité de me joindre à Vous dans une prière pour l'unité des chrétiens.

 

Il est certainement à propos que notre rencontre se produise justement peu de temps avant la célébration du quinzième anniversaire du décret du concile Vatican II sur l'œcuménisme, Unitatis Redintegratio. Depuis le début de mon pontificat, il y a presque un an, je me suis efforcé de me consacrer au service de l'unité des chrétiens. Car, comme je l'ai déclaré dans ma première encyclique, il est certain que « dans la présente situation historique de la chrétienté et du monde, il n'apparaît pas d'autre possibilité d'accomplir la mission universelle dé l'Église en ce qui concerne les problèmes œcuméniques que celle de chercher loyalement avec persévérance, humilité et aussi courage, les voies du rapprochement et de l'union » (Redemptor hominis, n. 6). Précédemment, j'avais dit que le problème de la division à l'intérieur du christianisme « pèse d'une façon spéciale sur l'évêque de l'ancienne Église de Rome, fondée sur la prédication et les témoignages du martyre de saint Pierre et saint Paul (audience gén. du 17 janvier 1979). Et aujourd'hui je désire renouveler la même conviction devant vous.

 

2. Avec une grande satisfaction et une grande joie, je saisis cette occasion de vous embrasser, dans la charité du Christ, comme de bien-aimés frères chrétiens et comme des disciples du Seigneur Jésus. C'est un privilège de pouvoir, en votre présence et avec vous, exprimer le témoignage de Jean quand il dit que « Jésus-Christ est le Fils de Dieu » (Jn 4, 15) et proclamer qu' « il n'y a qu'un médiateur entre Dieu et les hommes, l'homme Jésus-Christ » (1 Tm 2, 5).

 

Dans l'union de cette confession de foi en la divinité de Jésus-Christ, nous ressentons un grand amour réciproque et une grande espérance pour toute l'humanité. Nous expérimentons une immense gratitude envers le Père qui a envoyé son Fils pour être notre Sauveur, « expiation pour nos péchés, non seulement pour les nôtres mais aussi pour ceux du monde entier » (1 Jn 2, 2). Par la grâce de Dieu, nous sommes unis dans l'estime et dans l'amour de l'Écriture sainte que nous reconnaissons comme la parole inspirée de Dieu. Et c'est précisément dans cette parole de Dieu que nous apprenons combien il désire que nous soyons pleinement un en lui et en son Père. Jésus prie pour que ses disciples soient un « pour que le monde croie... » (Jn 17, 21). Le fait que la crédibilité de l’évangélisation puisse dépendre, dans le plan de Dieu, de l'unité de ses disciples est pour nous tous le sujet d'une méditation inépuisable.

 

3. Je désire rendre ici hommage aux nombreuses et admirables initiatives œcuméniques qui ont été réalisées dans ce pays par l'action du Saint-Esprit Au cours des quinze dernières années, il y a eu une réponse positive des évêques des États-Unis en faveur de l'œcuménisme. Par l'intermédiaire de leur comité pour l'œcuménisme et pour les questions interconfessionnelles, il ont établi des relations fraternelles avec d'autres Églises et d'autres communautés ecclésiales — relations qui, je le demande dans ma prière, continueront à s'approfondir dans les années à venir. Les conversations progressent avec nos frères de l'Est, les orthodoxes. Ici je voudrais faire remarquer que les relations ont été fortement établies aux États-Unis et que bientôt un dialogue théologique sera inauguré sur la base mondiale dans une, tentative pour résoudre les difficultés qui empêchent une unité complète. Il y a également des dialogues en Amérique avec les anglicans, les luthériens, les Églises réformées, les méthodistes et les disciples du Christ — dialogues qui ont tous leur contrepartie à un niveau international. Un échange fraternel existe également entre les baptistes du sud et les théologiens américains.

 

Ma gratitude va à tous ceux qui collaborent à des recherches théologiques en commun, dont le but est toujours la pleine dimension évangélique et chrétienne de la vérité. Il faut espérer que par le moyen de ces recherches des personnes bien préparées par un solide enracinement dans leur propre tradition puissent contribuer à l'approfondissement d'une pleine connaissance historique et doctrinale des questions en jeu.

 

Le climat particulier et les traditions des États-Unis ont conduit à des témoignages communs pour la défense des droits de là personne humaine, dans la poursuite de buts de justice sociale et de paix et dans des questions de moralité publique. Ces catégories de préoccupations doivent continuer à bénéficier d'une action œcuménique créative de même que le soutien de la sacralité du mariage et l'encouragement d'une saine vie de famille en tant que contribution majeure au bien-être de la nation: Dans ce contexte, il faut reconnaître la profonde division qui existe encore en matière de morale et d'éthique. La vie morale et la vie de foi sont si profondément unies qu'il est impossible de les séparer.

 

4. Beaucoup a été fait mais il reste encore beaucoup à faire. Nous devons aller de l'avant, cependant, dans un esprit d'espérance. Le désir même d'une complète unité dans la foi — qui manque encore entre nous et qui doit être réalisée avant que nous puissions célébrer l'Eucharistie avec amour et dans la vérité — est lui-même un don de l'Esprit-Saint pour lequel nous offrons une humble louange à Dieu. Nous avons confiance que par l'intermédiaire de notre prière commune le Seigneur Jésus nous conduira, à un moment qui dépend de l'action souveraine de son Esprit-Saint, à la plénitude de: l'unité de l'Eglise.

 

La fidélité à l'Esprit-Saint nous appelle à la conversion intérieure et à une prière fervente. Selon les paroles du concile Vatican II : « Cette conversion du cœur et cette sainteté de vie, unies aux prières publiques et privées pour l'unité des chrétiens, doivent être regardées comme l'âme de tout l'œcuménisme... » (Unitatis Redintegratio, 8). Il est important que chaque chrétien cherche à voir dans son cœur ce qui peut faire obstacle à la réalisation d'une pleine union entre les chrétiens. Et prions tous pour que le besoin naturel de patience pour attendre l'heure de Dieu n'occasionne jamais une complaisance dans le status quo de là division dans la foi. Que par la grâce de Dieu la nécessité de la patience ne se substitue jamais à une réponse définitive et généreuse que Dieu nous demande de donner à son invitation de parfaire l'unité dans le Christ.

 

 

Et ainsi puisque nous sommes rassemblés ici pour célébrer l'amour de Dieu qui est versé dans nos cœurs par le Saint-Esprit, prenons conscience de l'appel qui nous est adressé de montrer une fidélité suprême à la volonté du Christ ; demandons ensemble avec persévérance à l’Esprit-Saint d'écarter toute division dans notre foi, de nous donner cette unité parfaite dans la vérité et dans l'amour pour laquelle le Christ a prié, pour laquelle le Christ est mort : « pour rassembler dans l'unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11, 52).

 

J'adresse un respectueux salut de grâce et de paix à ceux que vous représentez, à chacune de vos congrégations respectives, à tous ceux qui désirent ardemment la venue de « notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ » (Tt 2, 13).

 

 

 

7 octobre 1979

AUX JOURNALISTES

 

Comme le pape en a pris maintenant l'habitude, il n'a pas manqué de s'entretenir avant son départ des États-Unis avec les membres des moyens de communications sociales qui l'ont suivi pendant son voyage. Voici la traduction de son discours.

 

Chers amis des moyens de communication,

 

Nous voici ensemble au terme d'un autre voyage : un voyage qui cette fois m'a porté en Irlande, aux Nations unies et aux États-Unis d'Amérique. Le but de ce voyage a été de permettre au pape d'exercer sa fonction de héraut de la paix, au nom du Christ qui fut appelé le Prince de la Paix. Ce message de paix a été annoncé d'une façon spéciale en ces lieux et devant ces assemblées où le problème de la guerre et de la paix est perçu avec une particulière sensibilité et où existent les conditions de compréhension et de bonne volonté ainsi que les moyens nécessaires à la construction de la paix et à la collaboration entre toutes les nations et tous les peuples.

 

La parole « paix » est une synthèse. Elle est constituée de nombreux éléments. J'ai fait mention d'un grand nombre de ceux-ci au cours de ce voyage et vous avez parlé diligemment de ces réflexions. Vous les avez commentées ; vous les avez interprétées ; vous avez rendu le service de stimuler les hommes à penser aux moyens de pouvoir contribuer à un plus solide fondement en faveur de la paix, la collaboration et la justice entre les hommes.

 

Nous nous trouvons maintenant au moment du départ, dans la capitale d'un des pays les plus puissants du monde. La puissance de ce pays, à mon avis, provient non seulement de la richesse matérielle, mais d'une richesse spirituelle.

 

En effet, le nom de cette ville et du monument élevé qui la domine, rappelle l'esprit de George Washington, le premier président de la nation. Avec Thomas Jefferson (à la mémoire duquel est consacré ici un autre monument imposant) et d'autres hommes illustres, il fonda ce pays sur une base non seulement humaine mais aussi profondément religieuse.

 

En conséquence, l'Église catholique a pu creuser des racines profondes dans ce pays. Les millions de fidèles qui appartiennent à l'Église en sont le témoignage car ils pratiquent en pleine liberté les droits et les devoirs qui dérivent de leur foi. En témoigne aussi le grand sanctuaire national de l'Immaculée-Conception. Et dans cette capitale l'existence de deux universités catholiques, Goergetown et la Catholic University of America.

 

J'ai, en outre, remarqué que les citoyens des États-Unis d'Amérique jurent avec orgueil et reconnaissance fidélité à leur république comme « une nation soumise à Dieu ».

 

Cette nation est formée d'hommes de toutes les races, de toutes les religions, de toutes les conditions sociales. Elle est une espèce de microcosme des communautés mondiales et reflète de manière adéquate la devise E pluribus unum. Daigne ce pays, qui, sous la présidence d'Abraham Lincoln, abolit, avec tant de courage la plaie de l'esclavage, ne jamais se fatiguer dans la recherche du vrai bien de tous ses citoyens et dans cette unité exprimée par sa devise nationale. Pour cette raison, les États-Unis d'Amérique font réfléchir les hommes sur un esprit qui, bien appliqué, peut apporter des résultats bénéfiques en faveur de la paix dans la communauté mondiale.

 

J'espère sincèrement que vous ayez tous profité de ce voyage et qu'il vous a été accordé la possibilité de réfléchir à nouveau sur les valeurs que la civilisation de ce nouveau continent a reçues du christianisme. Mais est surtout motif d'espérance dans une communauté mondiale pacifique, l'exemple de personnes de toutes les races, de toutes les nationalités et de toutes les religions, qui vivent ensemble dans la paix et dans l'unité.

 

Tandis que nous sommes sur le point de partir, chers amis, je suis réconforté par le fait que vous allez continuer à informer et à former l'opinion publique mondiale avec une conscience profonde de votre responsabilité et sachant bien que tant de personnes comptent sur vous.

 

Pour terminer, je vous salue, vous et l'Amérique. Je vous remercie encore, et de tout cœur je demande à Dieu de vous bénir ainsi que vos familles.

 

 

 

7 octobre 1979

AUX CHEVALIERS DE COLOMB

 

Après avoir parlé aux journalistes, le pape s'est entretenu avec les chevaliers de Colomb qui ont suivi le pape dans son voyage et assuré le service d'accueil.

 

Chers chevaliers de Colomb,

 

J'éprouve un grand plaisir à me trouver parmi vous à l'occasion de ma visite aux États-Unis. Je vous remercie très sincèrement pour le respect et l'amour que vous m'avez manifestés comme successeur de Pierre, évêque de Rome et pasteur de l'Église universelle.

 

En la personne du Chevalier suprême et des membres de l'équipe suprême, je salue tous les chevaliers de Colomb : ils sont plus d'un million trois cent mille laïcs dans le monde entier qui répandent un esprit d'attachement à leur foi chrétienne et de loyauté à l'égard du Saint-Siège.

 

A plusieurs reprises dans le passé et aujourd'hui encore vous avez manifesté votre solidarité avec la mission du pape. Je vois dans votre aide une nouvelle preuve — si tant est qu'une nouvelle preuve soit jamais nécessaire — de votre conscience et de la haute valeur que les chevaliers de Colomb attribuent à leur vocation de participation à l'effort d'évangélisation de l'Église. Je suis heureux de rappeler ici ce que mon vénéré prédécesseur Paul VI disait de cette tâche dans son exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi en soulignant le rôle spécifique du laïcat : « Leur domaine propre d'évangélisation est le monde vaste et compliqué de la politique, de la société et de l'économie, mais aussi le monde de la culture, des sciences et des arts, de la vie internationale, des mass média. Il comprend aussi d'autres réalités qui sont ouvertes à l'évangélisation comme l'amour humain, la famille, l'éducation des enfants, le travail professionnel et la souffrance » (n. 70).

 

Ces mots de quelqu'un qui n'a jamais cessé de vous encourager indiquent clairement la route que votre association doit poursuivre. Je suis attentif aux efforts nombreux que vous faites pour promouvoir l'usage des mass média, pour la diffusion de l'Évangile et pour une plus large diffusion de mes messages personnels. Que le Seigneur vous récompense et que par vos efforts il fasse naître des fruits abondants d'évangélisation dans l'Église. Que votre activité de dévouement vous aide à son tour à réaliser en vous-mêmes ces attitudes intérieures sans lesquelles personne ne peut évangéliser en vérité : faites confiance à la puissance de l'Esprit-Saint, croyez en une véritable sainteté de vie, un grand souci de vérité et un amour toujours croissant pour les enfants de Dieu.

 

Que la bénédiction de Dieu soit sur vous, sur vos familles et sur tous les chevaliers de Colomb.

 

 

 

7 octobre 1979

HOMELIE AU CAPITOL MALL

 

Peu avant son départ, dimanche, le pape a présidé la concélébration eucharistique au Capital Mall. Il y a prononce l'importante homélie dont nous donnons ici la traduction.

 

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ,

 

1. Un jour qu'il s'entretenait avec ses auditeurs, Jésus eut à déjouer le piège que lui tendaient des pharisiens désireux de le voir approuver leurs opinions sur la nature du mariage. Jésus leur répondit en réaffirmant l'enseignement des Écritures : « Au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme : à cause de cela, l'homme quittera son père et sa mère et les deux ne feront plus qu'un. Ils ne seront plus deux mais une seule chair. Ce que Dieu a uni que l'homme ne le sépare donc pas » (Mc 10, 6-9).

 

L'évangile selon saint Marc enchaîne immédiatement par la description d'une scène qui nous est familière à tous. Cette scène nous montre l'indignation dé Jésus voyant ses propres disciples essayer d'empêcher les gens de lui amener leurs enfants. Et il leur dit : « Laissez les petits enfants venir à moi et ne les en empêchez pas. C'est à ceux qui leur ressemblent qu'appartient le Royaume de Dieu... Puis il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains. » (Mc 10, 14-16). Dans ses lectures, la liturgie de ce jour nous invite tous à réfléchir sur la nature du mariage, sur la famille et sur la valeur de la vie, trois thèmes si intimement liés.

 

2. Je suis très heureux de guider votre réflexion sur la Parole de Dieu proposée par l'Église aujourd'hui, car partout dans le monde, les évêques réfléchissent au sujet du mariage et de la vie de famille tels qu'ils se vivent dans tous les diocèses et dans tous les pays. Les évêques préparent ainsi le prochain synode mondial des évêques qui a pour thème : « les fonctions de la famille chrétienne dans le monde d'aujourd'hui ». Vos propres évêques ont décidé de faire de la prochaine année, one année d'étude, de planification et de renouveau de la pastorale en ce qui concerne la famille. Pour des motifs variés, un renouveau d'intérêt se manifeste partout dans le monde à l'égard du mariage, de la vie de famille et de la valeur de la vie humaine.

 

Ce dimanche-ci marque le début du programme annuel pour le respect de la vie, par lequel l'Église aux États-Unis entend réitérer sa conviction sur l’inviolabilité de la vie humaine dans toutes ses étapes. Ravivons donc ensemble notre estime pour la valeur de cette vie, en nous rappelant que, dans le Christ, toute vie humaine est rachetée.

 

(...) 3. Je n'hésite pas à proclamer en votre présence et à la face du monde, que toute vie humaine — dès le moment de sa conception et à toutes les phases qui la suivent — est sacrée, puisque la vie humaine est créée à l'image et à la ressemblance de Dieu. Rien ne surpasse la grandeur ou la dignité de la personne humaine. La vie humaine n'est pas seulement une abstraction, elle est la réalité concrète d'un être qui vit, agit, croît et s'épanouit. La vie humaine est la réalité concrète d'un être capable d'aimer et de servir le monde.

 

Laissez-moi vous répéter ce que je disais aux hommes et aux femmes lors de mon récent pèlerinage dans ma patrie : « Si le droit d'une personne à la vie est violé au moment de sa conception dans le sein de sa mère, c'est un coup porté indirectement à tout l'ordre moral, cet ordre qui constitue la garantie des biens inviolables de l'homme. Parmi ces biens, la vie occupe la première place. L'Église défend le droit à la vie, non seulement à cause de la majesté du Créateur, premier auteur de cette vie, mais aussi par respect d'un bien essentiel à la personne humaine » (8 juin 1979).

 

4. La vie humaine est précieuse parce qu'elle est le cadeau d'un Dieu dont l'amour est infini ; et quand Dieu donne la vie, c'est pour toujours. La vie est encore précieuse parce qu'elle est l'expression et le fruit de l'amour. C'est pour cela que la vie doit surgir dans le contexte du mariage, pour cela aussi que le mariage et l'amour mutuel des parents doivent avoir comme caractéristique la générosité et le don de soi. Le grand écueil des foyers, au milieu d'un monde dont les idoles sont le plaisir, le confort et l'indépendance, c'est la fermeture des cœurs engendrant l'égoïsme. La peur de s'engager peut transformer l'amour mutuel d'un homme et d'une femme en un égoïsme à deux, deux amours de soi qui se côtoient jusqu'à ce qu'ils aboutissent à une séparation.

 

Un homme et une femme, qui par leur baptême sont devenus membres du Christ et par le fait même doivent reproduire dans leur vie les attitudes du Christ, sont assurés, dans le sacrement du mariage, des secours nécessaires pour développer leur amour et en faire une union fidèle et indissoluble, pour accueillir généreusement le don qui fera d'eux des parents généreux et compétents. Comme l'a redit le Concile Vatican II : « Par ce sacrement, le Christ lui-même devient présent dans la vie des époux et les accompagne pour qu'ils s'aiment entre eux, comme le Christ a aimé son Église et s'est donné pour elle » (Gaudium et Spes, 48 ; Ep 5, 25).

 

5. Pour que le mariage chrétien puisse favoriser le bien et l'épanouissement total des époux, il doit s'inspirer de l'Évangile et dès lors, s'ouvrir à une vie nouvelle à donner et à accepter généreusement Le couple est aussi appelé à créer une atmosphère familiale dans laquelle les enfants puissent être heureux et mener une vie humaine et chrétienne en toute plénitude et dignité.

 

Le maintien d'une famille heureuse requiert beaucoup des parents comme des enfants. Chaque membre de la famille doit devenir, en un certain sens, le serviteur de l'autre et partager son fardeau (Ga 6, 2 ; Ph 2, 2). Chacun doit se préoccuper, non seulement de sa propre vie, mais aussi de celle des autres membres de la famille : de leurs besoins, de leurs espoirs, de leurs aspirations. Les décisions à prendre à l'égard du nombre des enfants et des sacrifices à faire pour eux, ne se prendront pas en seule considération d'un bien-être à accroître et d'une tranquillité à conserver. En y réfléchissant devant Dieu, avec les grâces du sacrement et guidés par les enseignements de l'Église, les parents se rappelleront qu'il est moins grave de priver leurs enfants de certains plaisirs ou avantages matériels que de la présence au foyer de frères et sœurs aptes à les aider à croître en humanité et à saisir la beauté de la vie à tous ses âges et dans sa diversité.

 

Si les parents se rendaient pleinement compte des ouvertures et des possibilités que leur offre ce grand sacrement ils ne manqueraient pas de se joindre au cantique de Marie à l'auteur de la vie, à Dieu, qui a fait d'eux des collaborateurs de choix.

 

6. Tout être humain doit considérer chaque personne comme une créature unique de Dieu, appelée à être frère ou sœur du Christ en vertu de l'Incarnation et de la Rédemption universelle. Pour nous, le caractère sacré de la vie s'appuie sur ces prémices qui fondent notre célébration de la vie humaine. C'est ce qui explique nos efforts pour la défendre contre toute influence ou action susceptibles de la menacer ou de l'affaiblir, comme pour la rendre plus humaine dans tous ses aspects.

 

Ainsi nous dresserons-nous chaque fois que la vie humaine sera menacée. Lorsque le caractère sacré de la vie dès avant la naissance est attaqué, nous nous dresserons et nous proclamerons que nul n'a autorité pour détruire une vie qui n'est pas née. Lorsqu'un enfant est présenté comme un fardeau ou n'est considéré que comme un moyen de satisfaire un besoin émotionnel, nous nous dresserons et nous affirmerons que chaque enfant est un don de Dieu, unique et original, qui a droit à être accueilli dans une famille aimante et unie. Lorsque l'institution du mariage est laissée à l'égoïsme des hommes ou réduite à un arrangement temporaire et conditionnel auquel on peut mettre fin sans difficulté, nous nous dresserons et nous réaffirmerons le lien indissoluble du mariage. Lorsque la valeur de la famille est menacée par des pressions sociales et économiques, nous nous dresserons et nous réaffirmerons que la famille « est nécessaire, non seulement pour le bien particulier de chacun mais aussi pour le bien commun de chaque société, nation et État » (Audience générale, 3 janvier 1979). Lorsque la liberté est utilisée pour opprimer le faible, pour gaspiller les ressources naturelles et l'énergie pour refuser au peuple les nécessités fondamentales, nous nous dresserons et nous réaffirmerons les exigences de la justice et de la charité sociale. Lorsque les malades, les vieillards et les mourants seront abandonnés à leur solitude, nous nous dresserons et nous proclamerons qu'il s ont droit à l'amour, à la sollicitude et au respect. (...)

 

7. Je fais miennes les paroles que Paul VI adressait l'an dernier aux évêques américains : « Nous sommes persuadé, de plus en plus, que tout effort accompli, pour la sauvegarde des droits humains profite à la vie elle-même. Tout ce qui contribue à bannir la discrimination — dans la loi ou dans les faits — qu'elle soit basée sur la race, l'origine, la couleur, la culture, le sexe ou la religion (cf. Octogesima Adveniens, 16) est un service à la vie. Lorsque les droits des minorités sont protégés, que mentalement ou physiquement, les handicapés sont assistés, que les marginaux trouvent une voix, en tous ces cas la dignité de la vie et son sens sacré sont en progrès... En particulier, chaque contribution visant à améliorer le climat moral de la société, à combattre la permissivité et l'hédonisme, comme toute assistance à la famille, source de nouvelle vie, rehausse effectivement la valeur de la vie » (26-5-1978).

 

8. Il reste encore beaucoup à faire pour soutenir ceux dont la vie est blessée et pour redonner l'espoir à ceux qui ont peur de la vie. Il faut du courage pour résister aux pressions et aux faux slogans, pour proclamer la suprême dignité de la vie et pour exiger que la société elle-même lui accorde protection. Un Américain distingué, Thomas Jefferson, déclarait un jour : « Le soin de la vie humaine, le bonheur et non la destruction, voilà le juste et unique objet légitime d'un bon gouvernement» (31-3-1809). C'est pourquoi je souhaite rendre hommage à tous les membres de l'Église catholique et des autres Églises chrétiennes, à tous les hommes et à toutes les femmes héritiers du judéo-christianisme, aussi bien qu'à tous les hommes de bonne volonté qui unissent leur commun dévouement pour défendre la vie dans sa plénitude et pour promouvoir les Droits de l'homme.

 

Notre célébration de la vie s'insère dans la célébration de l'Eucharistie. Notre Dieu et Sauveur, par sa mort et sa résurrection, s'est fait pour nous « pain de vie » et gage de vie éternelle. En lui, nous trouvons le courage, la persévérance et la créativité dont nous avons besoin pour promouvoir et défendre la vie au sein de nos familles et dans le monde.

 

Chers frères et sœurs, nous avons confiance que Marie, Mère de Dieu et Mère de la vie, nous assistera afin que nos comportements soient toujours le reflet de notre admiration et de notre gratitude pour ce don de l'amour de Dieu qu'est la vie. Nous savons qu'elle nous aidera à employer chaque jour qui nous est donné, comme autant d'occasions de défendre la vie de ceux qui ne sont pas encore nés, et de rendre plus humaine la vie de nos frères les hommes, où qu'ils soient.

 

Par l'intercession de Notre Dame du Rosaire dont nous célébrons aujourd'hui la fête, puissions-nous arriver un jour à la plénitude de la vie éternelle en Jésus-Christ Nôtre-Seigneur. Amen.

 

 

 

7 octobre 1979

DEPART

 

Avant de quitter l'Amérique, le pape a prononcé quelques paroles de salut au peuple américain.

 

Chers amis d'Amérique et frères et sœurs dans la foi en Nôtre-Seigneur Jésus-Christ,

 

En quittant la ville capitale de Washington, je voudrais exprimer ma gratitude au président des États-Unis et à toutes les autorités civiles et religieuses de ce pays.

 

Ma pensée se dirige également vers tous les Américains : tous les catholiques, les protestants et les juifs, tous les hommes et les femmes de bonne volonté, la population de chaque ethnie et en particulier les descendants des premiers habitants de ce pays, les Américains indiens et tous ceux d'entre vous que j'ai salués personnellement ; ceux qui ont été proches de moi grâce à la médiation providentielle de la presse, de la radio et de la télévision ; ceux qui m'ont ouvert leur cœur de tant de façons. Votre hospitalité a été chaude et pleine d'amour et je vous suis reconnaissant de votre amabilité.

 

Je crois fermement dans le message d'espérance que je vous ai apporté, dans la justice et dans l'amour et dans la vérité que j'ai exaltés ainsi que dans la paix que j'ai demandé à Dieu de vous accorder à tous.

 

Et maintenant je dois quitter les Etats-Unis et retourner à Rome. Mais je me souviendrai constamment de vous tous dans mes prières que je considère comme la meilleure expression de ma loyauté et de mon amitié.

 

Aussi, aujourd'hui, ma dernière prière est-elle celle-ci : que Dieu bénisse l'Amérique pour qu'elle puisse devenir toujours davantage — et être « Une seule nation, soumise à Dieu en vérité — et rester longtemps—indivisible. Avec la liberté et la justice pour tous. »

 

Que Dieu bénisse l'Amérique !

Que Dieu bénisse l'Amérique!

 

 

 

8 octobre 1979

ROME : A L'ARRIVEE

 

Dès son arrivée à Fiumicino l'aéroport de Rome, le lundi matin 8 octobre, le pape a prononcé un discours en italien dont voici la traduction.

 

Au moment où, après les inoubliables émotions de plus d'une semaine de célébrations liturgiques, de rencontres et d'entretiens, je remets les pieds sur le sol de la chère Italie, un sentiment de profonde gratitude, joyeuse et émue, s'élève de mon esprit vers le Seigneur, qui dans sa bonté providentielle m'a accordé encore une fois de pouvoir m'entretenir personnellement avec tant de frères et de fils, avec des personnes aussi représentatives et autorisées, avec des hommes de bonne volonté.

 

Les brèves journées de mon séjour en Irlande m'ont permis de connaître de près cette nation : j'ai pu admirer ses antiques traditions de foi, le témoignage de son attachement au Siège apostolique et apprécier ses précieuses valeurs morales. Je suis heureux d'avoir accepté l'invitation des évêques irlandais à célébrer avec tous, les fidèles le premier centenaire de l'apparition mariale de Knock. J'ai ainsi pu rendre un tribut de gratitude filiale à Marie qui dans tous les pays offre des signes évidents et tangibles de son patronage maternel, de son aide pleine d'amour : nous l'avons surtout invoquée pour la paix et la réconciliation dans cette île bien-aimée.

 

Puis ma rencontre avec l'Assemblée générale des Nations unies ; où sont représentés et pour ainsi dire réunis les peuples du monde, s'insère dans une continuité d'idées avec la visite accomplie il y a quatorze ans dans le cadre et sous le signe d'une persévérante mission de paix par mon inoubliable prédécesseur Paul VI. J'ai voulu moi aussi, en acceptant avec plaisir l'invitation du secrétaire générai de cette Organisation, assurer les nattons de la proximité de l'Église à l'égard des artisans de paix, de sa volonté d'inspirer et de soutenir leurs efforts dans le seul désir de rendre un service à l'humanité. L'Église, en effet, veut une paix qui résulte d'une vraie conception de l'homme, du respect de ses droits et de l'accomplissement de ses devoirs, finalement fondés sur la justice ; elle ne cessera jamais d'inviter à penser aux destinées futures de la coexistence humaine et du monde, selon une mentalité toujours renouvelée et convertie.

 

Enfin, répondant au désir du président des États-Unis et de très dignes membres de l'épiscopat, j'ai passé quelques jours sur le territoire de ce grand pays à qui revient certainement une tâche éminente et une grave responsabilité — précisément en raison du haut niveau de bien être et de progrès technique et social qu'il a atteint — en vue de la construction d'un monde juste et digne de l'homme. Il s'agissait avant tout d'un contact ecclésial avec les fidèles, avec les pasteurs, pour rafraîchir les esprits et accroître en eux le courage de penser et de vivre « selon Dieu et non selon les hommes » (Mc 8, 35).

 

L'accueil dévoué et exubérant des fidèles et du peuple tout entier des États-Unis a laissé dans mon cœur le désir d'un contact toujours plus direct et familier avec ces très chers fils.

 

Au terme de ces brèves réflexions, j'exprime surtout à M. le président du Conseil ma vive gratitude pour les paroles élevées et ferventes par lesquelles il a tenu à m'exprimer la bienvenue en territoire italien. Avec un profond respect j'adresse également de justes remerciements aux éminents cardinaux, aux personnalités de l'État et du gouvernement italien, aux membres distingués du Corps diplomatique avec à leur tête leur respectable doyen, aux personnalités de la Curie romaine et à tous ceux enfin qui ont bien voulu me réserver cet accueil de fête qui rend plus agréable l'heure de mon retour en leur aimable compagnie.

 

Je ressens aussi l'agréable devoir de manifester ma satisfaction reconnaissante aux dirigeants des sociétés aériennes, aux pilotes et aux équipages des avions, ainsi qu'à tous ceux qui ont coopéré, avec un dévouement généreux, à la pleine réussite de mon voyage.

 

Une fois encore je présente au Christ Seigneur, Prince de la Paix, les aspirations et les projets de coexistence paisible, de collaboration fraternelle et de solidarité humaine et chrétienne des peuples de la terre, et j'invoque avec ma bénédiction apostolique les effusions de la grâce et de la miséricorde de Dieu sur vous tous qui êtes ici présents, sur mes très chers fils de Rome et sur l'humanité tout entière.