L'ENSEIGNEMENT
DE
JEAN-PAUL II
1978
PORTEZ LA JOIE ET L'ESPÉRANCE !
PRIORITÉ AUX VOCATIONS SACERDOTALES
L'UNIVERSALITÉ DE L'ÉGLISE DANS LA VARIÉTÉ DES RITES
« POUR L'ÉGLISE UNIVERSELLE DANS UNE ÉGLISE LOCALE
DÉTERMINÉE »
LA SOCIÉTÉ AU SERVICE DE L'HOMME
FOI ET AMOUR DANS LA COMMUNAUTÉ ECCLÉSIALE
LE CONCOURS DE LA FONDATION « LATINITAS »
L'ÉVANGÉLISATION, PLÉNITUDE DE LA PROMOTION HUMAINE
VOUS ÊTES LE RÉCONFORT ET LE FORCE DU PAPE
L'AMBASSADEUR DU SÉNÉGAL PRÉSENTE SES LETTRES DE CRÉANCE
L'AMBASSADEUR DE TURQUIE PRÉSENTE SES LETTRES DE CRÉANCE
PRÉPAREZ-VOUS A LA VIE AVEC SÉRIEUX
L'AMBASSADEUR DU NICARAGUA PRÉSENTE SES LETTRES DE CRÉANCE
L'ACCORD DE LA FOI ET DE LA SCIENCE
S'ENGAGER A FOND POUR QUE TOUS AIENT UN TRAVAIL
LA LUMIÈRE DE LA CHARITÉ FONDÉE SUR LA FOI
EXIGENCES SPIRITUELLES DANS LES COMPÉTITIONS SPORTIVES
L'AMBASSADEUR D'IRLANDE PRÉSENTE SES LETTRES DE CRÉANCE
SOYEZ LES INTRÉPIDES TÉMOINS DE LA FOI DANS LE MONDE
AU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE LA RÉPUBLIQUE
POPULAIRE DE BULGARIE
LETTRES DE CRÉANCE DU MINISTRE DE L'ORDRE DE MALTE
LE SYNODE, EXPRESSION DE LA COLLÉGIALITÉ ÉPISCOPALE
PORTER DANS LA SOCIÉTÉ LA DIMENSION DE L'AMQUR
HÉRITAGE ET AVENIR CHRÉTIENS DE L'EUROPE
TÉMOIGNER LA VRAIE JOIE QUI FLEURIT DANS LES CŒURS PURS
L'AMBASSADEUR DU PANAMA PRÉSENTE SES LETTRES DE CRÉANCE
L'ESPACE DE LA CHARITÉ SELON L'ÉVANGILE
SOYONS VIGILENTS, VOICI NOËL ! VOICI LE SEIGNEUR !
« SOYEZ LE SEL DE LA TERRE ET LA LUMIERE DU MONDE »
L'AMOUR ET LA COMPREHENSION POUR VAINCRE LA HAINE ET LA
VIOLENCE
« LES BERGERS SE MIRENT A LA RECHERCHE DE JESUS... »
LE FERMENT CHRETIEN DANS L'ACTIVITE EDUCATIVE
« AYEZ LE SOUCI DE LA VERITE, DE LA SAINTETE ET DE
L'AMITIE »
LE PREMIER MESSAGE DE JEAN PAUL II A L'ÉGLISE ET AU MONDE
SOYEZ FIDÈLES AU CHRIST, A SA CROIX, A L'ÉGLISE
RADIO ET TÉLÉVISION POUR LE PROGRÈS DE L'HOMME
POUR LE XXXe
ANNIVERSAIRE
DE LA DÉCLARATION UNIVERSELLE DES DROITS DE L'HOMME
« POUR PARVENIR A LA PAIX, ÉDUQUER A LA PAIX »
APPEL DU PAPE AUX PRÉSIDENTS D'ARGENTINE ET DU CHILI
MESSAGE DE NOËL DE JEAN PAUL II
18 novembre 1978
Le pape parle aux membres du secrétariat pour l'unité des chrétiens
Chers Frères dans l'épiscopat,
Chers Fils,
II me semble très significatif qu'à peine un mois après mon accession au siège de Rome, je puisse vous recevoir, vous qui êtes venus de cinq continents pour prendre part à la réunion plénière du Secrétariat pour la promotion de l'unité des chrétiens. En effet, la restauration de l'unité entre tous les chrétiens était l'un des buts principaux du deuxième Concile du Vatican (cf. Décret Unitatis Redintegratio, n. 1) et, dès mon élection, je me suis engagé formellement à promouvoir l'exécution de ses normes et de ses orientations, considérant que c'était là pour moi un devoir primordial. Votre présence ici aujourd’hui a donc une valeur symbolique. Elle manifeste que l'Église catholique, fidèle à l'orientation prise au Concile, non seulement veut continuer à avancer sur la voie qui mène vers la restauration de l'unité, mais désire, dans la mesure de ses moyens et en pleine docilité aux suggestions de l'Esprit-Saint (cf. Unitatis Redintegratio, n. 24), intensifier à tous les niveaux sa contribution à ce grand « mouvement » de tous les chrétiens (cf. Unitatis Redintegratio, n. 4).
Un mouvement ne s'arrête pas, ne doit pas s'arrêter avant d'avoir atteint son but. Or nous ne sommes pas encore arrivés même si nous devons remercier Dieu du chemin parcouru depuis le Concile. Vous êtes précisément réunis pour faire le point, pour voir où nous en sommes. Après ces années d'efforts multiples animés par une immense bonne volonté et une inlassable générosité, nourris de tant de prières et de sacrifices, il était bon de faire ce tour d'horizon pour évaluer les résultats obtenus et discerner les meilleures voies pour continuer à progresser. Car c'est de cela qu'il s'agit. Il faut, comme l'apôtre nous le conseille, être tout entier tendu en avant pour poursuivre notre course (cf. Ph 3, 13), avec une foi qui ignore la peur car elle sait en qui elle croit et sur qui elle compte. Mais notre hâte d'arriver, l'urgence de mettre un terme à l'intolérable scandale de la division des chrétiens, nous imposent d'éviter « toute légèreté, tout zèle imprudent qui pourraient nuire au progrès de l'unité » (Unitatis Redintegratio, 24). On ne guérit pas un mal en administrant des analgésiques mais en s'attaquant à ses causes. En particulier, je voudrais rappeler ici que le Concile était persuadé que l'Église se manifeste principalement dans le rassemblement de tous les siens pour la célébration d'une même eucharistie autour de l'autel unique où préside l'évêque entouré de son presbyterium et de ses ministres (cf. Constitution Sacrosanctum Concilium, n. 41). Même si une telle célébration eucharistique solennelle ne peut se réaliser que rarement dans notre monde moderne, il n'en reste pas moins vrai que dans chaque célébration eucharistique c'est toute la foi de l'Église qui entre en acte ; c'est la communion ecclésiale dans toutes ses dimensions qui se manifeste et se réalise. On ne peut en dissocier arbitrairement les composantes. Agir ainsi serait faire preuve de cette légèreté que le Concile nous demande d'éviter. Ce serait ne pas percevoir toutes les richesses, les exigences et les étroites relations de l'Eucharistie et de l'unité de l'Église. Je sais que, plus nous nous retrouvons comme frères dans la charité du Christ, plus il nous est pénible de ne pouvoir participer ensemble à ce grand mystère. N'ai-je pas dit que les divisions entre chrétiens deviennent intolérables ? Cette souffrance doit nous stimuler à surmonter les obstacles qui nous séparent encore de l'unanime profession de la même foi, de la réunification, par un même ministère sacramentel, de nos communautés divisées. On ne peut se dispenser de résoudre ensemble ces questions qui ont divisé les chrétiens. Ce serait une charité bien mal éclairée qui voudrait s'exprimer aux dépens de la vérité. Rechercher la vérité dans la charité était un principe qu'aimait répéter le premier Président du Secrétariat, le vénéré Cardinal Béa, dont vous avez célébré ces jours-ci le dixième anniversaire de la mort. Depuis treize ans déjà, en étroite et confiante collaboration avec nos frères des autres Églises, le Secrétariat se consacre à cette recherche d'un accord sur les points qui nous divisent encore, en même temps qu'il s'efforce de promouvoir, à l'intérieur de l'Église catholique, une mentalité, un esprit, une fidélité conformes aux désirs du Concile et sans lesquels les résultats positifs obtenus dans les divers dialogues ne pourraient être reçus par le peuple fidèle. Il faut rappeler ici que le Concile demandait qu'un effort particulier soit fait dans l'enseignement de la théologie et la formation de la mentalité des futurs prêtres (cf. Unitatis Redintegratio, n. 10). C'est particulièrement important de nos jours où cet enseignement ne peut pas ignorer les travaux des dialogues en cours. Comment, une fois engagés dans le ministère, ces prêtres pourraient-ils trouver, sous la direction de leur évêque, la manière pastoralement responsable et prudente d'informer le peuple fidèle sur les dialogues et leur progrès, si eux-mêmes n'y avaient pas été initiés durant leur période de formation ? En effet, il ne doit pas y avoir de décalage, et encore moins d'opposition, entre l'approfondissement de l'unité de l'Église par son renouveau et la recherche de la restauration de l'unité entre les chrétiens divisés. Il s'agit de cette même unité pour laquelle le Christ a prié et qui est réalisée par l'Esprit-Saint ; il doit donc y avoir une incessante interaction entre les deux aspects inséparables d'un même effort pastoral qui doit être celui de toute l'Église. Vous le savez, vous qui venez de vos diocèses pour nous aider à expliciter à la lumière de vos expériences, tout ce qu'impliqué le Concile dans le domaine de l'unité, et en vue de faire face aux exigences nées des circonstances nouvelles que le progrès même du mouvement œcuménique a créées. Je vous remercie de tout cœur d'être venus et de m'avoir donné ce temps dont je sais combien il est précieux.
A ceux qui achèvent leur service de l'unité comme membres du Secrétariat, je veux exprimer ma gratitude d'une manière toute particulière et espérer qu'ils seront dans leurs diocèses et leurs Conférences épiscopales des promoteurs avisés et ardents de l'engagement œcuménique au plan local et régional. Les constants efforts et la vigilance de tous sont requis pour promouvoir et approfondir sans cesse cette unité qui est au cœur du ministère de l'Église. L'Église n'est-elle pas « dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c'est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain ? » (Constitution Lumen Gentium, n. 1). Servir l'Église c'est servir le Christ dans son dessein de « réunir dans l'unité les enfants de Dieu dispersés » (Jn 11, 52), de tout renouveler et récapituler en lui afin qu'il puisse tout soumettre à son Père et que nous soyons tous, dans l'Esprit, éternellement à la louange de sa gloire. Ce service est grand ! Il mérite toutes nos énergies. Il dépasse vraiment nos propres forces. Il exige notre continuelle prière. Que le Seigneur vous inspire et vous fortifie. En son nom je vous bénis.
22 novembre 1978
Une
fois de plus, la foule était tellement nombreuse que le. Saint-Père a dû parler
successivement à deux auditoires, celui du grand hall des audiences, l'autre,
celui de la basilique Saint-Pierre où se pressaient 12 000 jeunes : des jeunes
qui ne cessaient de l'applaudir, de clamer leur enthousiasme. Et Jean Paul II
a dû leur
faire à plusieurs reprises cette singulière requête: «Accordez-moi la
parole ! »
Et, finalement, le pape a pu parler...
Mes très chers jeunes garçons et filles,
Cette rencontre hebdomadaire du Pape avec les jeunes et les adolescents — si enthousiasmante et si vive — est vraiment un signe de joie et d'espérance. Signe de joie, car là où il y a des jeunes, des adolescents, des enfants, il y a garantie de joie en ce sens qu'il s'y trouve la vie dans sa floraison la plus spontanée, la plus luxuriante. Vous possédez abondamment et vous donnez généreusement cette «joie de vivre» à un monde qui parfois est las, découragé, défiant, déçu. Notre rencontre est aussi un signe d'espérance parce que les adultes, non seulement vos parents, mais aussi vos instituteurs, vos professeurs et tous ceux qui collaborent à votre croissance et votre maturation physique et intellectuelle, voient en vous ceux qui réaliseront ce qu'ils n'ont pu — à la suite de diverses circonstances — eux-mêmes accomplir.
Aussi, un jeune sans joie et sans espérance est-il non pas un jeune authentique, mais un homme flétri et vieilli prématurément. C'est pourquoi le Pape vous dit : Portez, communiquez, faites rayonner la joie et l'espérance.
Le thème de l'Audience d'aujourd'hui est étroitement lié à tout ce que j'ai rappelé jusqu'à présent : les précédents mercredis, poursuivant le programme laissé presque comme testament par mon regretté Prédécesseur Jean Paul Ier, j'ai parlé des vertus cardinales : la prudence, la justice et la force. Aujourd'hui je vous parlerai brièvement de la quatrième vertu cardinale, la tempérance, la sobriété. Saint Paul écrivait à son disciple Tite, qu'il avait laissé dans l'île de Crête comme évêque : « exerce les jeunes à être sobres » (Tt 2, 6). Répondant, moi aussi, à l'invitation de l'Apôtre des Gentils, je voudrais déclarer d'abord que les attitudes de l'homme provenant des diverses vertus cardinales sont mutuellement interdépendantes et unies. On ne saurait être un homme vraiment prudent, ni authentiquement juste, ni réellement fort, si l'on ne possède pas la vertu de tempérance. Celle-ci conditionne indirectement toutes les autres vertus ; mais celles-ci sont également indispensables pour que l'homme puisse être « tempérant » ou « sobre ». Temperantia est commune omnium virtutum cognomen — écrivait au VIe siècle saint Jean Climaque (Échelle du paradis, 5) — ce que nous pourrions traduire par : « la tempérance est le dénominateur commun de toutes les autres vertus ».
Il peut sembler étranger de parler de la tempérance ou de la sobriété à des jeunes gens et à des adolescents. Pourtant, très chers fils, cette vertu cardinale vous est particulièrement nécessaire, à vous qui vous trouvez dans cette période merveilleuse et délicate où votre réalité biopsychique croît jusqu'à sa parfaite maturité ; nécessaire pour être capable, physiquement et spirituellement, d'affronter les hauts et les bas de la vie, dans ses exigences les plus variées.
Est tempérant celui qui n'abuse pas des aliments, des boissons, des plaisirs ; celui qui ne boit pas immodérément de l'alcool ; qui ne se prive pas de sa conscience en usant de stupéfiants et de drogues. Nous pouvons imaginer en nous un « ego inférieur » et un « ego supérieur ». Dans notre « ego inférieur » s'exprime notre « corps », avec ses besoins, ses désirs, ses passions de nature sensible. La vertu de tempérance assure à tout homme la domination de l'« ego supérieur » sur l’« ego inférieur ». S'agirait-il en ce cas d'une humiliation, d'une diminution de notre corps ? Au contraire ! Cette domination le valorise, l'exalte.
L'homme tempérant est celui qui a la maîtrise de soi-même ; celui chez qui les passions ne l'emportent pas sur la raison, sur la volonté et, également, sur le cœur. On comprend alors combien indispensable est la vertu de tempérance pour que l'homme soit pleinement homme, pour que le jeune soit authentiquement jeune. Le triste et avilissant spectacle d'un homme ivre ou d'un drogué nous fait clairement comprendre qu'être homme signifie, avant toute autre chose, respecter sa propre dignité, se faire guider par la vertu de tempérance. Se dominer soi-même, maîtriser ses propres passions, la sensualité, ne signifie nullement devenir insensible ou indifférent : la tempérance dont nous parlons est une vertu chrétienne, que nous apprenons de l'enseignement et de l'exemple de Jésus et non pas de. la morale dite « stoïque ».
La tempérance exige de chacun de nous une humilité spécifique à l'égard des dons que Dieu a placés dans notre nature humaine. Il y a « l'humilité du corps » et « l'humilité du cœur ». Cette humilité est une condition nécessaire de l'harmonie intérieure de l'homme, de sa beauté intérieure. Réfléchissez bien, vous les jeunes qui êtes précisément à l'âge où l'on tient tant à être beau ou belle pour plaire aux autres ! Un jeune homme, une jeune fille doivent être beaux, avant tout et surtout intérieurement. Sans une telle beauté intérieure, tous les autres efforts tournés seulement vers le corps ne feront — ni de lui ni d'elle — une personne vraiment belle.
Et moi je vous souhaite, très chers fils, d'être toujours resplendissants de beauté intérieure !
23 novembre 1978
Aux évêques du Honduras en visite « ad limina »
Vénérables Frères en l'épiscopat,
Après l'entrevue individuelle avec chacun de vous, j'ai le plaisir de recevoir collectivement tous les membres de l'épiscopat du Honduras à l'occasion de la visite « ad limina Apostolorum » que vous accomplissez ces jours-ci.
Si durant notre entrevue précédente, nous avons parlé des aspects particuliers de chacun de vos diocèses, maintenant je désire traiter quelques thèmes qui concernent la vie de l'Église du Honduras dans son ensemble.
Vos paroles et les rapports qui m'ont été présentés m'ont permis de constater avec joie que l'œuvre évangélisatrice en Honduras s'est intensifiée ces dernières années et que de ce fait la pratique de la religion s'est développée, en même temps que l'esprit religieux s'est amélioré, surtout dans certains secteurs. Ce sont des motifs d'espérance, mais ils font aussi penser à la principale des difficultés que l'Église rencontre en votre pays, et qui provient de la carence de prêtres.
Si bien que, grâce à Dieu, le laïcat catholique du Honduras a pris conscience de ses responsabilités au sein de l'Église et il contribue de manière positive à la tâche ecclésiale de diffusion du message évangélique. Cette contribution témoigne de la maturité de la conscience chrétienne et mérite les grands éloges.
Elle ne saurait toutefois faire oublier la fonction propre et irremplaçable qui, dans la sanctification du Peuple de Dieu, revient aux prêtres que le Seigneur a établis « pour que dans la communauté des chrétiens ils soient investis par l'Ordre du pouvoir sacré d'offrir le Sacrifice et de remettre les péchés et y exercent publiquement pour les hommes au nom du Christ la fonction sacerdotale » (Décret Presbyterorum Ordinis, n. 2).
Il s'agit d'une question d'importance vitale pour l'Église. C'est d'elle que découle le devoir précis de s'intéresser, de manière absolument prioritaire et avec la plus grande sollicitude, aux vocations du sacerdoce et, parallèlement, aux vocations à la vie consacrée. C'est une grande tâche à laquelle il faut se consacrer avec la plus grande diligence, éduquant ensuite ces vocations à un solide sens de la foi et du service à rendre au monde actuel.
Pour créer un milieu propice à l'éclosion des vocations, la communauté ecclésiale devra offrir un témoignage de vie conforme aux valeurs essentielles de l'Évangile afin de pouvoir ainsi sensibiliser les âmes généreuses pour les orienter vers l'oblation totale au Christ et au prochain. Avec confiance en le Seigneur et en la récompense qu'il a promise à ceux qui le servent avec fidélité.
En pensant à vos prêtres, je vous recommande tout spécialement d'accorder les soins les plus attentifs à vos collaborateurs pour qu'ils maintiennent toujours bien vives leur propre identité et la donation ecclésiale qu'ils ont faite. Aidez-les, par la parole et l'exemple, à être parfaitement conscients de la grandeur de leur fonction de continuateurs de la mission salvatrice du Christ, et de la nécessité de s'adapter de plus en plus à elle.
Cela demande un effort constant pour éviter de se modeler sur le monde (cf. Rm 12, 2), pour raviver en soi la grâce que Dieu y a déposée par l'imposition des mains (cf. 1 Tm 1, 6), pour vivre par le Christ qui vit en nous (cf. Ga 2, 20). Ce n'est que dans cet esprit de foi que les prêtres pourront être pleinement conscients de la sublime valeur de leur propre état et de leur mission.
Pour l'exercice du ministère sacré, pour donner sa pleine efficacité à l'effort d'évangélisation, il est essentiel de maintenir une très étroite communion entre l'évêque et les prêtres. Le premier, dans un esprit d'authentique charité et en exerçant son autorité dans une attitude de service (cf. Mt 20, 28) ; ces derniers, en se montrant fidèles aux directives données par leur Ordinaire, conscients de former « une seule famille dont le père est l'évêque » (Décret sur la charge pastorale des évêques dans l'Église, 28). C'est pourquoi, j'invite vos prêtres à penser qu'ils ne pourront réaliser rien de stable ou de constructif dans leur ministère s'ils prétendent le faire hors de la communion avec leur propre évêque ; et moins encore, s'ils le font contre elle. Sans parler des dommages et du trouble que de telles attitudes créent parmi les fidèles.
Chers frères, j'aimerais pouvoir traiter ici encore tant d'autres questions. Que suffise maintenant ma parole d'encouragement pour votre action pastorale. A votre retour au pays, transmettez vous-mêmes ces paroles d'encouragement du pape à vos prêtres et séminaristes, aux religieux — une part si importante de vos collaborateurs — aux religieuses et aux laïcs. Portez-leur le salut affectueux du pape qui les garde présents dans sa prière, les encourage à leur respectif engagement ecclésial et les bénit de tout cœur.
23 novembre 1978
Aux évêques américains de rite oriental en visite « ad limina »
Le 23 novembre, le Saint-Père a reçu un groupe d'évêques de la province byzantine Ruthène ainsi que l'évêque de Saint-Maron de Brooklyn pour les maronites, venus à Rome pour leur visite canonique « ad limina ».
Chers Frères qui participez au ministère épiscopal de l'Église du Christ,
Nous vous saluons avec profond respect et affection. Les fidèles chrétiens que vous servez sont des citoyens d'une nation encore jeune, mais aussi les héritiers de deux des anciennes traditions qui enrichissent l'unique Église du Christ. Aussi, en vous souhaitant la bienvenue, embrassons-nous également les Églises dont vous avez la charge, exprimant notre sincère vénération et notre amour pour elles.
L'Église, en effet, est enrichie par de telles traditions vénérables et serait bien plus pauvre si elles manquaient. Leur variété contribue, dans une large mesure, à sa splendeur. Elles conservent beaucoup de grandes valeurs artistiques et culturelles dont la perte serait douloureusement ressentie. Chacune d'elles est digne en soi de grande admiration.
Ces traditions, toutefois, ne sont pas une simple parure de l'Église. Dans une union fraternelle elles constituent un important moyen dont dispose l'Église pour manifester devant le monde l'universalité du salut dans le Christ et accomplir sa mission de faire de toutes les nations des disciples.
La variété au sein de la fraternité que l'on trouve dans l'Église catholique est loin de nuire à son unité ; au contraire, elle la manifeste plutôt en montrant comment tous peuples et cultures sont appelés à être organiquement unis dans l'Esprit-Saint, grâce à la même foi, aux mêmes sacrements, au même gouvernement.
Chaque tradition doit apprécier et chérir les autres. L'œil ne peut dire à la main « Je n'ai pas besoin de toi » ; en effet, si le tout était un seul membre, où serait le Corps ? (cf. 1 Co 12, 19-21). L'Église est le Corps du Christ et les différentes parties de ce Corps sont ordonnées pour concourir au bien de l'ensemble et collaborer à cet effet avec toutes les autres.
Il appartient à chaque tradition particulière d'apporter sa propre collaboration au bien de l'ensemble. La compréhension de la foi par chacune d'elle s'approfondit par la doctrine contenue dans les œuvres des Pères et des écrivains spirituels des autres, par les richesses théologiques trouvées dans les autres liturgies telles que, pendant des siècles, elles se sont développées sous l'inspiration du Saint-Esprit et la direction des légitimes autorités ecclésiastiques ainsi que les manières de vivre la foi que les autres ont reçues des Apôtres. Chaque tradition peut trouver un appui dans les exemples de zèle, de fidélité et de sainteté que fournit l'histoire des autres.
Le Concile Vatican II a déclaré que « tout le monde doit savoir qu'il est très important de connaître, vénérer, conserver, développer le si riche patrimoine liturgique et spirituel de l'Orient pour conserver fidèlement la plénitude de la tradition chrétienne » (Unitatis Redintegratio, 15). Le Concile a déclaré également que « tout le patrimoine spirituel et liturgique, disciplinaire et théologique, dans ses diverses traditions, fait partie pleinement de la catholicité et de l'apostolicité de l'Église » (ibid., n. 17).
Mes Frères les évêques, je respecte et apprécie grandement les vénérables traditions auxquelles vous appartenez et je désire les voir s'épanouir.
J'aimerais que chaque membre de l'Église catholique les chérisse comme ses propres traditions : « En effet, c'est la volonté de l'Église catholique de sauvegarder dans leur intégrité les traditions ou rites de chacune des Églises particulières et elle veut pareillement adapter sa manière de vivre aux nécessités diverses de temps et de lieu» (Orientalium Ecclesiarum, 2). Vous et les Églises auxquelles vous présidez, devrez en parfait accord protéger votre héritage et avoir soin de le transmettre dans toute son intégrité aux générations futures.
Je souhaite également que chaque membre de l'Église catholique reconnaisse aux autres rites une égale dignité dans le cadre de son unité. Chaque rite est appelé à assister les autres, travaillant tous ensemble en parfaite harmonie et en bon ordre pour le bien de l'ensemble et pas seulement pour leur bien-être particulier.
Je vous donne l'assurance de mes prières pour tous les membres de vos Églises dans les États-Unis d'Amérique." Je prie aussi pour vos concitoyens et pour vos frères dans les pays dont proviennent vos ancêtres. Pour beaucoup d'entre vous, ces pays sont proches de ma propre patrie. Pour l'un de vous, cela rappelle une des zones les plus cruellement éprouvées dans le monde d'aujourd'hui, je parle du Liban, un pays qui a tout spécialement besoin de nos prières pour que cessent l'hostilité et l'oppression, afin que ses habitants puissent y vivre dans la paix et dans l'entente.
Nous concluons en invoquant sur tout votre peuple les bénédictions du Dieu Tout-Puissant.
24 novembre 1978
Jean Paul II aux Supérieurs Généraux
Le 24 novembre dernier, le Saint-Père a reçu en audience le groupe des quatre-vingt dix Supérieurs Généraux participant à une rencontre à Rome et accompagnés du cardinal Eduardo Pironio, préfet de la Sacrée Congrégation pour les religieux et les instituts séculiers. Répondant à l'adresse d'hommage du cardinal Pironio et à celle du RJ*. Pedro Arrupe, préposé général de la Compagnie de Jésus, Jean Paul II a prononcé un discours en italien dont voici la traduction :
Très chers Fils,
1. Celle-ci est pour moi la première occasion de rencontre avec les Supérieurs Généraux des Ordres masculins, une rencontre à laquelle j'attribue une toute particulière importance. Quand je vous vois réunis ici, m'apparaissent devant les yeux de magnifiques figures de saints, des grands saints qui sont à l'origine de vos familles religieuses : Basile, Augustin, Benoît, Dominique, François, Ignace de Loyola, François de Sales, Vincent de Paul, Jean-Baptiste de la Salle, Paul de la Croix, Alphonse-Marie de Ligori ; et plus proche de nous, Joseph Benoît Cottolengo, Jean Bosco, Vincent Pallotti ; pour ne pas parler des très récents dont la sainteté attend encore le jugement définitif de l'Église, mais dont l'influence bénéfique est démontrée par la phalange d'âmes généreuses qui ont choisi de suivre leur exemple. Tous ces noms — et je n'en ai rappelé que quelques-uns — témoignent que les voies de la sainteté à laquelle sont appelés les membres du Peuple de Dieu passaient et passent, en grande partie, à travers la vie religieuse. Et il ne faut pas s'en étonner, étant donné que la vie religieuse est fondée sur la plus précise des « recettes » de sainteté, celle qui est constituée par l'amour réalisé selon les conseils évangéliques.
En outre, sous l'inspiration de l'Esprit-Saint que le Christ a promis à son Église, chacun de vos fondateurs était un homme qui possédait un charisme particulier. Le Christ a eu en lui un « instrument » exceptionnel pour son œuvre de salut qui s'est, spécialement par ce moyen, perpétuée dans l'histoire de la famille humaine. Peu à peu, l'Église a assumé ces charismes, les a évalués et, lorsqu'elle les a trouvés authentiques, elle en a remercié le Seigneur et a cherché à les « mettre en sûreté » dans la vie de la communauté, afin qu'ils puissent donner toujours des fruits. Le Concile Vatican II l'a rappelé, soulignant que la hiérarchie ecclésiastique dont c'est le rôle de paître le Peuple de Dieu et de le conduire vers de gras pâturages, « suivant docilement les inspirations du Saint-Esprit, reçoit les règles proposées par des hommes et des femmes éminents, et quand elles ont été bien mises au point, les approuve officiellement. Elle accorde aussi la protection de son autorité vigilante aux instituts érigés un peu partout pour l'édification du Corps du Christ, pour qu'ils croissent et fleurissent de toute façon selon l'esprit des fondateurs » (Constitution dogmatique Lumen Gentium, n. 45, 1).
C'est cela que je désire tout d'abord constater et exprimer durant notre première rencontre. Je n'entends pas faire ici un rappel « au passé » compris comme période historique conclue en elle-même ; j'entends me référer à la « vie » de l'Église dans sa plus profonde dynamique. A la vie, telle qu'elle se présente devant nous, aujourd'hui, apportant avec elle la richesse des traditions du passé, pour nous donner la possibilité d'en bénéficier aujourd'hui.
2. La vocation religieuse est un des grands problèmes de l'Église de notre époque. C'est précisément pour cette raison qu'il est nécessaire avant tout de réaffirmer avec force que la vocation appartient à cette plénitude spirituelle que l'Esprit lui-même — esprit du Christ — suscite et façonne dans le Peuple de Dieu. Sans les Ordres religieux, sans la vie « consacrée » et les vœux de chasteté, de pauvreté et d'obéissance, l'Église ne serait pas pleinement elle-même. En effet, les religieux, « par leur être le plus profond se situent dans le dynamisme de l'Église, assoiffée de l'Absolu de Dieu, appelée à la sainteté. C'est de cette sainteté qu'ils témoignent. Ils incarnent l'Église désireuse de se livrer au radicalisme des béatitudes. Ils sont par leur vie signes de totale disponibilité pour Dieu, pour l'Église, pour les frères » (Exhort. Apost. Evangelii Nuntiandi, n. 69). Acceptant cet axiome, nous devons, avec la plus grande perspicacité, nous demander comment il faut aider la vocation religieuse à prendre conscience d'elle-même et à mûrir, comment doit « fonctionner » la vie religieuse dans l'ensemble de la vie de l'Église contemporaine. Soyons toujours à rechercher — justement une réponse à cette demande. Nous la trouverons :
a) dans l'enseignement du Concile Vatican II ;
b) dans l'exhortation Evangelii Nuntiandi ;
c) dans les nombreux énoncés des pontifes, des synodes et des conférences épiscopales.
Cette réponse est fondamentale et multiforme. Il semble toutefois que s'y précise particulièrement un postulat : si toute la vie de l'Église a deux dimensions — horizontale et verticale — les Ordres religieux doivent tenir compte avant tout de la dimension verticale !
Il est notoire que les Ordres religieux ont toujours fait grand cas de la dimension verticale, entrant dans la vie avec l'Évangile et en donnant témoignage par leur propre exemple. Avec l'Évangile authentiquement relu : c'est-à-dire sur la base de l'enseignement de l'Église et de la fidélité à son Magistère. Il faut qu'il en soit encore de même aujourd'hui. Testificatio, sic — constestatio, non ! (Le témoignage, oui — la contestation, non !). Sur toute communauté, sur chaque religieux pèse une responsabilité particulière au sujet de l'authentique présence dans le monde actuel, de Jésus, qui est doux et humble de cœur, du Christ crucifié et ressuscité — le Christ parmi les frères. L'esprit de maximalisme évangélique se différencie de n'importe quel radicalisme socio-politique. Le « témoignage silencieux de pauvreté et de dépouillement, de pureté et de transparence, d'abandon dans l'obéissance » que les religieux sont appelés à donner « peut devenir, en même temps qu'un appel adressé au monde et à l'Église elle-même, une éloquente prédication capable de toucher même les non chrétiens de bonne volonté, sensibles à certaines valeurs » (Exhort. Apost. Evangelii Nuntiandi, n. 69,2).
3. Le document commun de la Sacrée Congrégation pour les religieux et les instituts séculiers et de la Sacrée Congrégation pour les évêques indique ce que devront être les rapports des congrégations religieuses avec le collège épiscopal, les évêques des divers diocèses et les conférences épiscopales. C'est un document de grande importance, auquel il faudra accorder une toute spéciale attention au cours des prochaines années, s'efforçant d'avoir une attitude intérieure de suprême disponibilité, en harmonie d'ailleurs avec cette docilité humble et prompte qui doit constituer un aspect distinctif du religieux catholique.
Où que vous soyez dans le monde, vous y êtes, en vertu de votre vocation, « pour l'Église universelle », tout en exerçant votre mission « dans une Église locale déterminée ». Votre vocation pour l'Église universelle se réalise donc dans le cadre de l'Église locale. Il ne faut rien négliger pour que « la vie consacrée » se développe dans les diverses Églises locales, de telle sorte qu'elle contribue à leur édification spirituelle et constitue leur force particulière. L'unité avec l'Église universelle dans le cadre de l'Église locale : voilà votre vie.
4. Permettez-moi, avant de conclure, de revenir sur un point que je considère comme fondamental dans la vie de tout religieux, quelle que soit-la famille à laquelle il appartient : j'entends me référer à la dimension contemplative, à l'engagement de la prière. Le religieux est un homme consacré à Dieu, par le Christ, dans la charité de l'Esprit. Ceci est une donnée ontologique qui doit émerger de la conscience et orienter la vie, non seulement au bénéfice de l'individu, mais aussi à l'avantage de la communauté tout entière qui expérimente dans les âmes consacrées et y savoure de manière toute particulière la présence vivifiante de l'Époux divin.
Aussi, très chers Fils, ne devez-vous pas avoir peur de rappeler fréquemment à vos confrères qu'une pause de véritable adoration a une plus grande valeur et produit plus de fruits spirituels que l'activité la plus intense, même si c'est une activité apostolique. Ceci est la « contestation » la plus urgente que les religieux doivent opposer à une société où l'efficience est devenue une idole sur l'autel de laquelle il n'est pas rare que l'on sacrifie sa propre dignité humaine.
Vos maisons doivent être avant tout des centres de prière, de recueillement, de dialogue — personnel et communautaire — avec celui qui est et doit rester le premier et principal interlocuteur dans la laborieuse succession de vos journées. Si vous savez alimenter ce « climat » d'intense et amoureuse communion avec Dieu, il vous sera possible de poursuivre, sans tensions traumatiques ou dangereuses dispersions, ce renouvellement de la vie et de la discipline auquel le Concile œcuménique Vatican II vous a invités. L'âme qui vit dans un contact habituel avec Dieu et agit sous le rayon plein de chaleur de son amour est parfaitement capable de se soustraire à la tentation des particularismes et des oppositions qui font courir le risque de douloureuses divisions ; elle sait interpréter, sous la vraie lumière évangélique, l'option en faveur des plus pauvres et de toutes les victimes de l'égoïsme humain, sans se laisser aller à des radicalisations socio-politiques qui, à la longue, se révèlent inopportunes, contre-productrices et génératrices elles-mêmes de nouvelles vexations ; elle sait se rapprocher des gens et se glisser au sein du peuple, sans mettre en question sa propre identité religieuse ni embrumer cette « originalité spécifique » de sa propre vocation qui dérive de sa particulière manière d'être à la suite du Christ, pauvre, chaste et obéissant.
Voilà, très chers Fils, les réflexions que j'avais hâte de soumettre à votre considération au cours de notre première rencontre. Je suis certain que vous ne manquerez pas de vous efforcer de la transmettre à vos confrères, en les enrichissant de votre expérience et de votre sagesse. Que la Vierge Sainte vous assiste dans votre délicate tâche ! Elle que, dans son exhortation apostolique Marialis Cultus, mon prédécesseur Paul VI, de vénérée mémoire, indiquait comme « la Vierge à l'écoute », la Vierge en prière, la Vierge qui engendra le Christ et l'offrit pour le salut du monde, la Vierge donc, reste le modèle irremplaçable de toute vie consacrée. Puisse-t-elle être votre guide dans la montée, laborieuse mais séduisante, vers l'idéal de la pleine assimilation au Christ, le Seigneur.
Que vous accompagnent mes vœux et ma bénédiction apostolique.
25 novembre 1978
Le pape aux Juristes catholiques italiens
Illustres Messieurs et très chers Fils,
C'est avec une profonde joie que je vous reçois aujourd'hui, Juristes catholiques italiens, venus à Rome pour le vingt-neuvième Congrès national de votre Union qui a, et nous pouvons le dire, anticipé, dès sa constitution, les directives du Concile œcuménique Vatican II au sujet de la mission du laïcat catholique. Des personnalités éminentes en raison de leur foi ardente, de leur profonde pensée philosophique et de leur indiscutable compétence technico-juridique ont voulu s'engager, dans le cadre de votre méritoire société « à collaborer à la réalisation des principes de l'éthique chrétienne dans la science juridique, dans l'activité législative, judiciaire et administrative et dans la vie publique et professionnelle » comme l'indiquent vos statuts à l'article II.
Je trouve extrêmement réconfortant pour moi, non seulement votre présence qualifiée à cette audience, mais aussi le fait de savoir que, durant ces trente années, l'Union s'est efforcée de donner une inspiration chrétienne à de nombreux domaines de la vie sociale. En sont un signe et une démonstration les actes des rencontres d'études et les publications que l'Union a créées, toutes caractérisées par l'esprit de service en faveur de la personne humaine, dans le but d'affirmer et promouvoir ses droits et ses valeurs inaliénables de liberté, d'inviolabilité, de développement.
Mais est surtout réconfortante la constante fidélité démontrée à l'égard de l'Église, du pape, des évêques dont votre Union a toujours accueilli, avec respect, amour et dévotion, les enseignements et les directives, sans jamais céder aux flatteries et aux tentations d'autonomie mal comprise en proposant et en défendant les principes de l'éthique naturelle et chrétienne qui régissent l'institution matrimoniale, et en affirmant, également dans les coutumes et dans la loi, le caractère inviolable et sacré de la vie humaine dès le moment de sa conception. Votre Union a considéré comme un honneur, avant même d'y voir un devoir, d'accueillir et suivre la parole du vicaire du Christ. Et cette parole, pleine d'autorité, ne vous a pas manqué dans le passé : Pie XI, Jean XXIII et Paul VI ont prononcé, à l'occasion des Congrès de l'Union, des discours de haute valeur doctrinale, éclairant les graves problèmes que la vie de la société soumet au juriste chrétien de la lumière des principes et des indications de valeur universelle. Il me plaît de rappeler le discours — toujours aussi actuel — que Paul VI, de vénérée mémoire, vous adressa le 9 décembre 1972 à l'occasion de votre Congrès consacré à la « Défense du droit à la naissance ».
Et la parole du pape ne saurait vous manquer aujourd'hui, à l'occasion de votre Congrès qui a pour thème : « La liberté de l'assistance ».
Un tel sujet — si délicat et si vif — doit, sans aucun doute, être examiné par le juriste dans l'ensemble complexe des problèmes juridiques qu'il soulève (constitutionnel, technico-législatifs, philosophiez juridiques), mais il ne saurait être approfondi de manière appropriée sans mettre en cause le projet de société qu'on veut réaliser et, encore en premier lieu, la vision de la personne humaine — de ses droits et de ses libertés — qui qualifie le projet de société lui-même.
La société est faite pour l'homme « hominis causa omne jus constitutum est ». La société avec ses lois est mise au service de l'homme. Et c'est pour le salut de l'homme que Jésus a fondé l'Église (cf. Const. Dogm. Lumen Gentium. n. 48 ; Const. Past. Gaudium et Spes, 45). C'est pour ces raisons que l'Église, elle aussi, a son mot à dire à ce sujet.
Et elle doit, avant tout, dire que le problème de « la liberté d'assistance » dans un État moderne qui veut être démocratique s'insère dans le plus ample discours des droits de l'homme, des libertés civiles et de la liberté religieuse elle-même.
. L'homme est un être intelligent et libre, ordonné, par destination 'naturelle, à réaliser dans la société toute la potentialité de sa personne. Les manifestations de sa socialité innée sont la société naturelle fondée sur le mariage un et indissoluble telle qu'est la famille, les libres formations intermédiaires, la communauté politique dont l'État dans ses diverses subdivisions institutionnelles est la forme juridique. Celui-ci doit garantir à tous ses membres la possibilité d'un plein développement de leur personne. D'où découle l'exigence que soient offerts à toute personne en état de nécessité ou de besoin causé par la maladie, la pauvreté ou n'importe quelle infirmité, les services et l'assistance que requiert leur situation particulière. Avant même d'être un devoir de justice de l'État, c'est un devoir de solidarité de chaque citoyen.
Puis, pour le chrétien, c'est un devoir inéluctable de sa for en Dieu le Père qui appelle tous les hommes à constituer une communauté de frères en Jésus-Christ (cf. Mt 23, 8-9) ; c'est une joyeuse obéissance au commandement biblique : « Deus mandavit Mis unicuique de proximo suo » (cf. Sir. 17, 12) ; c'est la pleine réalisation du désir de découvrir, de rencontrer le Christ dans le prochain qui souffre : «... dans la mesure où vous l'avez fait à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait » (Mt 25,34-40).
C'est sur tout cela que se fonde le devoir de l'assistance, mais aussi sa liberté inaliénable. Le citoyen — individuellement ou associé — doit être libre d'offrir ses services d'assistance de manière correspondant à ses propres capacités et à l'idéal qui l'inspire.
L'Église doit être libre, elle qui en ses débuts, en joignant « l'agapè » à la Cène eucharistique, se manifestait tout entière réunie autour du Christ par le lien de la charité. Ainsi, en tout temps elle se fait reconnaître à ce signe d'amour. Tout en se réjouissant des initiatives d'autrui, elle revendique les œuvres charitables « comme une partie de sa ,mission et comme un droit inaliénable » (Décret Apostolicam actuositatem, 8).
Cette liberté ne serait respectée ni dans la lettre ni dans l'esprit, si devait prévaloir la tendance à attribuer à l'État ou à d'autres expressions territoriales du pouvoir public une fonction centralisatrice et exclusive d'organisation et de gestion directe des services ou de contrôle rigide qui finirait pas dénaturer leur propre et légitime fonction de promotion, de propulsion, d'intégration et aussi — en cas de nécessité — de substitution de l'initiative des libres formations sociales, en vertu du principe de suppléance subsidiaire.
Comme on le sait, l'épiscopat italien, a fait connaître, récemment encore, ses préoccupations devant le danger réel que soient restreints les espaces effectifs de liberté, que soit réduite et toujours plus limitée l'action libre des personnes, des familles, des corps intermédiaires, des associations civiles et religieuses elles-mêmes, en faveur des pouvoirs publics avec comme résultat de diluer les responsabilités et de préparer dangereusement le terrain à une collectivité qui ruine l'homme en supprimant ses droits fondamentaux et ses libres facultés d'expression (cf. Communiqué de la Conférence épiscopale italienne de janvier 1978).
De même, l'épiscopat italien a exprimé sa crainte de voir supprimées ou insuffisamment garanties des œuvres méritoires. Pendant des siècles, sous l'impulsion de la charité chrétienne, elles ont pris soin des orphelins, des aveugles, des sourds-muets, des vieillards, de tous genres de nécessiteux, grâce à la générosité des bienfaiteurs et au sacrifice personnel, parfois héroïque, de religieux et religieuses et qui, en vertu de dispositions législatives ont dû, bon gré, mal gré, assumer la figure juridique d'Instituts publics d'Assistance et de Bienfaisance, avec toutefois une certaine garantie pour leurs fins institutionnelles.
Le pape ne saurait demeurer étranger à ces préoccupations. Elles concernent la possibilité même pour l'Église d'accomplir sa mission de charité et, tout autant, la liberté des catholiques et de tous les citoyens, individuellement ou associés, de donner la vie à des œuvres répondant à leur idéal, dans le respect des lois justes et au service du prochain indigent.
C'est pourquoi je forme des vœux pour que votre Congrès connaisse un heureux succès dans l'étude d'un thème qui implique la nature même de l'Église dans son engagement originaire de donation à autrui ; pour que votre très méritante Union continue à offrir à la société italienne un fécond apport d'idées, de propositions, mais surtout un témoignage d'inspiration et de vie chrétienne, spécialement dans le domaine professionnel.
Avec ces vœux, bien volontiers et de grand cœur, je vous donne la bénédiction apostolique que je désire étendre à tous les juristes catholiques et aux personnes qui vous sont chères.
25 novembre 1978
Jean Paul II aux pèlerins de Seregno
Le
Saint-Père a reçu le 25 novembre un groupe nombreux de pèlerins de Seregno,
venus lui rendre la visite qu'il leur fit en décembre 1963.
A l'adresse d'hommage de Mgr Citterio, auxiliaire de Milan et jadis curé de Saint-Joseph de Seregno, Jean Paul II a répondu par un discours en italien dont voici la traduction :
Très chers Fils de Seregno,
Je vous salue tous avec une cordialité particulièrement chaleureuse, à commencer par mon bien-aimé frère Monseigneur Bernardo Citterio, évêque auxiliaire de Milan et ancien curé de votre paroisse, Monseigneur Luigi Gandini, l'actuel curé, les autorités municipales puis chacun de vous, sans exclure personne.
Je suis heureux de votre présence et je vous en remercie. Le lien qui m'unit à vous remonte à cette année déjà lointaine de 1963, lors de ma première visite à Seregno où j'ai célébré la sainte messe en votre collégiale. Ce fut le début d'une série de rencontres personnelles ou épistolaires qui ont constellé ces quinze années.
Tout commença par la requête que le curé de Saint-Florient à Cracovie et puis moi-même avions adressée au cardinal Montini, à l'époque archevêque de Milan, d'avoir pour cette église trois cloches nouvelles en remplacement des précédentes perdues pendant la guerre. C'est précisément vous, de Seregno, qui, avec la grâce de Dieu et votre concrète générosité chrétienne avez traduit ce désir en réalité, manifestant également ainsi votre communion ecclésiale désintéressée. Aujourd'hui les cloches qui sonnent à Cracovie en l'église Saint-Florient, patron de cet archevêché bien-aimé, chantent également votre sollicitude fraternelle et sont un témoignage de ce lien d'amour mutuel qui doit toujours caractériser l'Église du Christ.
Jusqu'à présent, il m'était resté dans l'âme un sincère regret : lors-qu'en août 1973 vous êtes venus en pèlerinage à Cracovie, je n'ai pu vous recevoir, étant absent à cause de mes engagements pastoraux. C'est pourquoi je suis particulièrement" joyeux de pouvoir remédier aujourd'hui à cette rencontre manquée en vous accueillant ici de grand cœur et avec une profonde bienveillance. Cette fois, dans mon humble personne vous ne rencontrez plus l'évêque de Cracovie, mais l'évêque de Rome qui, pour cette raison même est le successeur de Pierre et, donc, signe d'unité de toute l'Église fondée par le Christ. Ceci ne diminue nullement et même accroît la reconnaissance que je nourris à votre égard.
Voici à quoi je veux vous exhorter ; poursuivez également avec d'autres initiatives édifiantes, votre engagement de communion avec la grande communauté catholique éparse dans le monde. Alors, comme déjà saint Paul l'assurait aux chrétiens de la Grèce qui s'intéressaient, même matériellement, à ceux de Jérusalem, Dieu « vous fournira la semence, en abondance, et il fera croître les fruits de votre justice » (2 Co 9, 10).
L'objet de mes vœux pour votre communauté paroissiale et pour chacun de vous est précisément ceci : qu'avec l'aide du Seigneur, vous puissiez croître de plus en plus dans l'intensité d'une vie chrétienne qui soit fondée sur une foi solide et fleurisse dans la beauté de l'amour. C'est seulement ainsi que la lumière luit au-dessus du boisseau, témoin efficace de l'Évangile devant les hommes qui « voyant vos bonnes œuvres, en rendront gloire à votre Père qui est dans les cieux » (Mt 5, 16).
Avec ces vœux et l'assurance d'une prière spéciale, je vous donne bien volontiers la plus ample bénédiction apostolique que j'étends également à vos familles et aux autres membres de votre paroisse restés chez eux , qu'elle soit le gage de la durable et toujours féconde protection céleste.
27 novembre 1978
A l'occasion du vingt et unième « Concours du Vatican » organisé
par la fondation « Latinitas », le cardinal Felici, le président de la
fondation, l'abbé Carlo Egger, ainsi que les participants à ce concours ont été
reçus en audience par le pape le 27 novembre.
Voici la traduction du discours du pape, en réponse à l'adresse d'hommage du cardinal et prononcé en latin :
Vénérable Frère et chers Fils,
Nous vous saluons volontiers, vous qui vous adonnez à la culture et à la diffusion de la langue latine, et vous en particulier notre vénérable frère Péricle cardinal Felici qui êtes reconnu comme un très grand expert de la langue de Rome, ainsi que les administrateurs et les membres de cette fondation, appelée Latinitas, que, dans sa sagesse prévoyante, Paul VI notre prédécesseur de pieuse mémoire, a fondée. Parmi vous, nous saluons également ceux qui travaillent à la composition des documents latins dans notre Secrétairerie d'État, ainsi que les vingt premiers lauréats du concours du Vatican.
Ce concours institué autrefois avec l'approbation bienveillante de Pie XII, est l'objet de nos vives félicitations puisqu'il encourage les experts de la langue latine à intensifier leur connaissance et leur utilisation de cette langue.
Personne n'ignore que, de nos jours, les études latines jouissent d'une moins grande faveur car les hommes sont plus portés aux sciences techniques et préfèrent les langues vulgaires. Cependant, nous ne voulons pas nous écarter des importants documents de nos prédécesseurs qui ont souvent mis en lumière l'importance de la langue latine, même de notre temps, surtout pour l'Église. En effet, la langue latine est en quelque sorte universelle, elle traverse les frontières des nations à tel point que le Saint-Siège l'utilise beaucoup dans les lettres et les actes qui concernent la famille catholique universelle.
Il faut aussi remarquer que les sources des disciplines ecclésiastiques sont, pour une très grande part, écrites en langue latine. Que dire, en effet, des illustres ouvrages des Pères et d'autres écrivains de renom qui ont employé cette langue ? Ainsi, on ne peut pas penser qu'il possède une véritable science celui qui ne comprend pas la langue d'écrits de ce genre et qui doit s'appuyer sur des versions, quand elles existent : ces versions rendent rarement le sens plein du texte original. C'est pour cette raison que le Concile Vatican II avertit à ce sujet ceux qui étudient les sciences sacrées : « qu'ils acquièrent la connaissance de la langue latine qui leur permettra de comprendre les sources de tant de sciences et les documents de l'Église » (Décret Optatam totius, 13).
Nous nous adressons donc d'abord aux jeunes qui, de nos jours, en de nombreux endroits, comme on le sait, étudient les lettres latines et les sciences humaines : qu'ils accueillent avec joie ce patrimoine, pour ainsi dire, de la latinité, que l'Église tient en haute estime et que leur activité porte des fruits. Qu'ils sachent que ce mot de Cicéron s'adresse en quelque sorte à eux aussi : « II n'est pas tellement glorieux de savoir le latin qu'il n'est honteux de l'ignorer » (Brutus, 37, 140).
Par conséquent, nous vous exhortons, vous tous, ici présents, et les membres de la fondation qui vous soutiennent à poursuivre vos nobles travaux et à porter haut le flambeau de la latinité qui est ainsi, bien qu'elle soit circonscrite dans des frontières plus étroites, un certain lien entre les hommes de langue différente. Sachez que le successeur de Pierre dans le ministère apostolique suprême prie pour le bon résultat de votre entreprise, qu'il est à vos côtés et qu'il vous confirme. Qu'en soit le gage la bénédiction apostolique que nous vous accordons volontiers dans le Seigneur à tous et à chacun.
28 novembre 1978
Chers Amis de Cor Unum,
Je suis très heureux de vous accueillir ici, à l'issue de votre septième assemblée plénière. Plusieurs d'entre vous font partie de conférences épiscopales, de celles qui sont en mesure de proposer une aide matérielle ou de celles qui ont des besoins à faire connaître ; la plupart représentent des organismes caritatifs qui émanent directement de ces conférences ou qui se sont constitués pour mettre en œuvre l'entraide et le partage, dans un esprit chrétien et selon un objectif particulier, au plan national ou international.
Puisque vous avez été appelés à travailler dans un conseil « pontifical », il me revient de vous dire la vive gratitude du Saint-Siège, d'autant plus grande que je vous sais déjà très accaparés par les multiples tâches de vos institutions particulières, tâches qui ne souffrent guère de délai d'exécution. Et pourtant, vous saisissez la nécessité de venir avec assiduité aux assemblées et réunions de ce conseil. Le pape personnellement, le Saint-Siège, l'Église universelle comptent sur ces rencontres, au sommet, de chrétiens éminemment engagés au service de la promotion humaine et de la charité, d'hommes et de femmes qui peuvent les faire bénéficier de leur connaissance et de leur zèle au plan pastoral et aussi de leur compétence d'experts dans les aspects techniques de l'entraide toujours envisagée selon le souci de charité de l'Église. Oui, je vous encourage vivement à cette participation active et régulière aux travaux du conseil pontifical.
Les rapports sur les activités de Cor Unum montrent clairement comment progresse et mûrit l'esprit de coordination qui a motivé la fondation de cette institution et qui en demeure la raison d'être. Il semble que ce résultat ait été largement favorisé par les groupes de travail que le conseil a organisés entre les différents membres, consul-leurs ou autres experts, sur des thèmes ou objectifs précis. Cette formule permet d'espérer des résultats toujours plus fructueux. Certes, les Églises locales sont les premières concernées au stade du don et de l'accueil, de la préparation ou de l'exécution, et leur participation est nécessaire. Mais il apparaît non moins nécessaire que tous les artisans du partage se concertent et se soutiennent mutuellement, au-delà d'échanges bilatéraux, dans le contexte de l'Église universelle, car il y va d'une responsabilité et d'une mission vraiment universelles de l'Église. Et le conseil pontifical Cor Unum est précisément le terrain normal et efficace de rencontre et de coordination pour tous les efforts d'assistance et de promotion dans l'Église. C'est dire la confiance que mes prédécesseurs ont mise dans cette œuvre, confiance que j'aime aujourd'hui vous renouveler.
Je ne peux pas, au cours de ce bref entretien, aborder les nombreux aspects que vous avez vous-mêmes examinés et qui doivent vous tenir à cœur. Nous sommes tous bien convaincus que c'est la charité selon le Christ qui doit motiver nos actions de promotion humaine : l'Évangile lu cette année pour la fête du Christ-Roi en demeure la charte. Il nous faut veiller également à bien situer la promotion dans le contexte de l'évangélisation, laquelle est la plénitude de la promotion humaine, puisqu'elle annonce et offre le salut plénier de l'homme.
Par ailleurs, un aspect particulier, mais capital de votre action consiste à maintenir l'élan de générosité. Vous connaissez les situations d'urgence qui se présentent, qu'il s'agisse de catastrophes naturelles ou de catastrophes provoquées par les hommes, par leurs violences ou par leurs égoïsmes obstinés. De telles situations provoquent souvent, Dieu merci, des sursauts immédiats de générosité dans la conscience des hommes épris de solidarité, d'autant plus que les organes d'information donnent alors largement écho au caractère sensationnel des faits. Mais s'il est des catastrophes dont les effets peuvent être éliminés par une action décisive de brève durée, il n'en est généralement pas ainsi : les besoins se prolongent souvent durant de longues périodes. Et l'une de vos tâches est alors de maintenir en éveil ou de ressaisir la générosité et le souci d'informer autant que durent les besoins de nos frères.
Que l'Esprit-Saint vous éclaire et vous' fortifie dans l'œuvre magnifique qui vous est confiée ! Vous contribuez à donner le témoignage qui caractérise le mieux les disciples du Christ : la charité, la charité universelle, celle qui ne connaît pas de frontière ni d'ennemi. De tout cœur, je vous bénis, avec tous ceux qui collaborent avec vous.
29 novembre 1978
Le pape s'adresse à des jeunes
Le 29
novembre, avant de se rendre à la grande salle des audiences où l'attendaient
plus de seize mille personnes, le pape est venu à Saint-Pierre parler aux
jeunes et il leur a dit :
Chers jeunes garçons et filles,
Merci pour l'enthousiasme que vous avez manifesté lorsque j'ai traversé cette splendide basilique vaticane au milieu de vos groupes vibrant de juvénile allégresse et de sincère attachement à la personne du successeur de Pierre sur la tombe duquel nous nous trouvons réunis pour recevoir de lui inspiration et soutien.
Vous venez des écoles, des paroisses, des oratoires, des institutions et associations catholiques pour manifester au pape vos idéaux chrétiens et la bonne volonté de vous préparer à votre avenir et à vos futures responsabilités de chrétiens et de citoyens, avec sérieux et généreux dévouement. Pour ceci également et même surtout pour ceci, je vous répète mon « merci » cordial que je désire étendre à vos parents, à vos éducateurs, à vos instituteurs et au clergé de vos paroisses qui vous ont conduits à cette rencontre.
Avant de vous parler du thème général de ce mercredi, centré sur l'Avent, (c'est en effet, comme vous le savez, dimanche prochain que commence le temps liturgique de l'Avent), je désire adresser, avec paternelle bienveillance, un salut particulier à deux groupes de jeunes : les paralytiques du « Centro spastici villa Margherita » de Montefiascone, dirigé par les religieuses de la congrégation des Filles de l'Immaculée Conception ; puis le groupe des sourds-muets hospitalisés à l'institut Gualandi de Rome : soyez les bienvenus, très chers fils ! Votre présence et vos conditions particulières vous méritent une place spéciale dans le cœur du pape qui vous embrasse et vous bénit avec une prédilection émue. Que soient pour vous un motif de soulagement et de sérénité, même au milieu des peines inévitables de la vie quotidienne, les soins affectueux de tous ceux qui se dévouent à votre assistance et à votre instruction et qui, aujourd'hui, d'un geste digne d'être noté, vous ont accompagnés ici dans un esprit d'activé solidarité à l'égard des frères les plus nécessiteux.
Aujourd'hui, presque à la veille de l'Avent, comme nous l'avons dit, nous voulons nous interroger sur la signification de l'Avent ; nous avons tellement l'habitude de ce terme que nous risquons de ne plus éprouver le besoin de rechercher de nouveau sa profonde signification.
Il veut dire « venue ». Et ceci, vous le savez mieux encore, vous les plus petits qui m'écoutez et vous rappelez bien la venue de Jésus, la nuit de Noël, dans une grotte qui servait d'étable. Quant à vous, les plus grands, qui faites déjà des études supérieures, vous vous posez des questions pour approfondir toujours plus cette merveilleuse réalité du christianisme, l'Avent. Résumant en quelques mots, ce que je développerai plus largement au cours de la seconde audience de cette matinée, l'Avent est l'histoire des premiers rapports entre Dieu et l'homme. Le chrétien, dès qu'il prend conscience de sa vocation surnaturelle, accueille le mystère de la venue de Dieu dans sa propre âme et cette réalité fait palpiter et battre constamment son cœur, cette venue n'étant autre que la vie du christianisme.
Pour mieux comprendre le rôle de Dieu et de l'homme dans le mystère de l'Avent, nous devons revenir à la première page de la Sainte Écriture, c'est-à-dire à la Genèse où nous lisons les mots : « Beresit bara ! Au commencement, Dieu créa... ». Lui, Dieu, créa, c'est-à-dire « donna naissance » à tout ce qui n'est pas Dieu, c'est-à-dire au monde visible et invisible (selon la Genèse : le ciel et la terre). Dans ce contexte, le verbe « créa » manifeste la plénitude de l'être de Dieu, et cette plénitude se révèle comme Toute-Puissance qui est ensemble Sagesse et Amour.
Mais cette même page de la Bible nous présente aussi l'autre protagoniste de l'Avent : l'homme. Nous y lisons en effet que Dieu le créa à son image et à sa ressemblance : « Dieu dit : faisons l'homme à notre image, à notre ressemblance» (Gn 1, 26). De ce second protagoniste de l'Avent, c'est-à-dire l'homme, je parlerai mercredi prochain ; mais dès à présent, je désire vous indiquer cette relation particulière, à laquelle s'intéresse la théologie de l'Avent, entre Dieu et l'image de Dieu, c'est-à-dire l'homme.
Et comme premier engagement du nouveau temps liturgique qui va commencer bientôt, tâchez, en vous basant sur les brèves considérations bibliques que nous venons de faire ensemble, de donner votre réponse personnelle aux deux interrogations qui émergent implicitement du discours : que signifie l'Avent ? Et pourquoi l'Avent est-il partie essentielle du christianisme ?
Rentrés dans vos foyers, dans vos écoles, dans vos associations, dites à tous que le pape compte beaucoup sur les jeunes. Dites que les jeunes sont le réconfort et la force du pape, qu'il désire les voir tous pour leur faire entendre ses paroles d'encouragement au milieu de toutes les difficultés que comporte l'intégration dans la société. Dites-leur enfin, de réfléchir, tant individuellement que dans leurs rencontres, sur la signification de la nouvelle période liturgique et sur les implications qui en découlent dans l'effort quotidien du nécessaire renouvellement spirituel.
Que vous aide et vous stimule dans la réalisation de vos propos, la bénédiction apostolique que de tout cœur je vous donne maintenant à vous et à tous ceux qui vous sont chers.
1er décembre 1978
Le 1er décembre, Jean Paul II a reçu en audience les membres du Conseil général, les Supérieurs provinciaux et les directeurs des instituts italiens ; de la congrégation Saint-Joseph réunis à Rome en congrès à l'occasion du cent cinquantième anniversaire de la naissance de leur fondateur, saint Léonard Murialdo.
Très chers Fils !
Réunis à Rome pour votre annuel congrès administratif qui coïncide avec le cent cinquantième anniversaire de la naissance du fondateur de votre institut, saint Léonard Murialdo, vous avez exprimé le désir d'être reçus par le nouveau pape pour manifester votre fidélité au vicaire du Christ et écouter sa parole.
Je vous exprime ma reconnaissance pour ce geste aimable et prévenant et vous adresse avant tout, à chacun de vous, mon salut le plus cordial ; je m'associe bien volontiers à vous dans cette célébration, souhaitant qu'elle vous incite à un engagement renouvelé dans votre vie spirituelle et dans votre zèle apostolique.
Puis, je désire profiter de l'occasion de cette rencontre pour vous exhorter à vous maintenir fidèles aux trois consignes données par votre fondateur :
1. La recherche de la sainteté. «Devenez des saints et faites-le vite », était une constante exhortation de Murialdo. Il faut qu'elle constitue notre préoccupation primordiale et notre effort fondamental.
La sainteté consiste avant tout à vivre avec conviction la réalité de l'amour de Dieu, en dépit des difficultés de l'histoire et de celles de notre propre vie.
Dans son « testament spirituel », Murialdo a écrit : « J'aimerais que la congrégation de Saint-Joseph vise surtout à répandre autour d'elle et spécialement en son sein, la connaissance de l'amour infini, actuel et individuel, que Dieu a pour toutes les âmes et de manière toute particulière pour ses élus et privilégiés — les prêtres et les religieux — de la connaissance de l'amour personnel qu'il a pour chacun, on lit dans les livres de piété et l'on prêche du haut des chaires de vérité que Dieu a tant aimé les hommes, mais on ne pense pas que c'est maintenant, actuellement, à cette heure même que Dieu nous aime vraiment et infiniment. »
Et moi aussi je veux vous dire ceci : dans vos difficultés quotidiennes, aux moments de l'épreuve et du découragement, quand il semble que chaque effort s'est pour ainsi dire vidé d'intérêt et de valeur, rappelez-vous que Dieu connaît nos angoisses ! Dieu vous aime un par un, vous est proche, vous comprend ! Ayez confiance en lui et, dans cette certitude, vous trouverez le courage et la joie d'accomplir votre devoir avec amour et sérénité.
La « sainteté » consiste en outre dans une vie d'effacement et d'humilité : savoir se plonger dans le travail quotidien des hommes, mais en silence, sans défrayer la chronique, sans échos mondains. « Agissons et taisons-nous ! » C'était la devise-programme de votre fondateur. Agir et se taire ! Comme il est encore actuel aujourd'hui ce programme de vie et d'apostolat !
Mettez à profit, très chers Fils, ces enseignements de votre saint ! Ils indiquent la voie même de l'Avent du royaume de Dieu !
2. Une deuxième caractéristique de saint Léonard Murialdo est sa préoccupation pédagogique. Il fut incontestablement un grand éducateur, comme don Bosco, et il engagea toute sa vie dans l'éducation des enfants et des jeunes, convaincu de la valeur de la méthode préventive et de l'orientation christocentrique.
Méditons ensemble ce qu'il écrivit à ses confrères, recueillis dans les Exercices Spirituels de 1898 : « L'amour de Dieu engendre le zèle pour le salut des jeunes : ne perdantur, disait saint Jean Chrysostome, « afin qu'ils ne se perdent pas », qu'ils ne se damnent pas, et donc... le véritable zélé pour les sauver, les instruire convenablement dans la religion, leur inspirer l'amour de Dieu, de Jésus-Christ, de Marie et le zèle pour se sauver. Mais tout cela ne peut être obtenu que si l'on a l'humilité du cœur. »
C'est une exhortation dont le pape veut se faire l'écho ce matin. Que ceci soit votre hantise : éduquez pour sauver !
La pédagogie du salut éternel contient logiquement la « pédagogie de l'amour ». Engagez totalement votre vie pour éduquer, pour former les enfants et les jeunes, vous comportant de manière que votre vie soit pour eux un constant exemple de vertu : il faut se faire petit avec les petits et être tout à tous pour les gagner tous au Christ !
La bonté du cœur, l'affabilité, la patience, la courtoisie, la joie, sont des éléments nécessaires pour « accrocher », pour former, pour conduire au Christ, pour sauver, et bien souvent ils exigent des efforts et des sacrifices. En dépit des difficultés, vous devez poursuivre votre labeur avec amour et dévouement, car l'œuvre de l'éducateur a une valeur éternelle !
3. Enfin, je voudrais relever une dernière caractéristique qui me semble importante pour définir plus complètement la physionomie de Léonard Murialdo : il s'agit de sa profonde fidélité à l'Église et au pape. Il vécut à une époque assez difficile pour l'Église, particulièrement en Italie ; homme intelligent et clairvoyant comme il l'était, il avait parfaitement compris que les temps commençaient à changer rapidement et qu'il valait mieux pour l'Église de ne plus avoir les soucis du « pouvoir temporel ». En font foi ses lettres si profondes et si équilibrées. Il avait confiance en la Providence, suivant l'exemple de saint Joseph dont votre congrégation porte le nom.
Agissez ainsi, vous également ! Aimez l'Église ! Aimez le pape ! Soyez dociles à ses enseignements et à ses directives, bien convaincus que le Seigneur veut l'unité dans la vérité et dans la charité et que le Saint-Esprit assiste le vicaire du Christ dans son œuvre indispensable et salvifique. Et priez, et faites prier vos jeunes et vos fidèles pour le pape et pour l'Église.
Nous ne pouvons conclure qu'en nous adressant à la Très Sainte Vierge Marie que Murialdo aimait et vénérait tant, à qui il recourait comme médiatrice universelle de toute grâce. Dans ses lettres revenait constamment la pensée de Marie : il y incitait à la récitation du Rosaire et confiait à ses fils la diffusion de la dévotion à la Vierge Très Sainte ; il affirmait « Si l'on veut faire un peu de bien parmi les jeunes, il faut leur inspirer l'amour envers Marie ». L'œuvre bénéfique accomplie par votre fondateur en est la meilleure démonstration. Suivez donc également en ceci son exemple.
Avec ces vœux et tandis que je pense avec admiration à l'énorme travail que vous avez accompli dans différentes parties du monde, particulièrement au bénéfice de la jeunesse, j'implore du Seigneur l'abondance de ses grâces, de ses faveurs sur votre apostolat et avec une toute particulière bienveillance je vous donne, très chers Fils, à vous et tous vos jeunes et à vos paroisses, la bénédiction apostolique propitiatoire.
2 décembre 1978
Le pape a reçu en audience solennelle, le samedi 2 décembre, S. Exc. M. Paul Ndiaye, nouvel ambassadeur du Sénégal près le Saint-Siège, venu lui présenter ses lettres de créance. Il était accompagné de M. Casimir Sambou, conseiller.
Monsieur l'Ambassadeur,
Je suis très heureux de vous accueillir aujourd'hui. Le Sénégal, que vous représentez désormais comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, est un pays avec lequel le Saint-Siège entretient depuis longtemps des rapports d'amitié et votre Président, Son Excellence Monsieur Léopold Sédar Senghor, qui vous a chargé de me transmettre ses vœux, est un homme d'État dont mon vénéré prédécesseur le pape Paul VI a plusieurs fois reçu avec plaisir la visite et apprécié les interventions. Veuillez vous faire auprès de lui l'interprète de mes sentiments de haute considération et de profonde estime.
Ma pensée se tourne spontanément vers l'Église qui est au Sénégal, et particulièrement vers le cher cardinal Hyacinthe Thiandoum et mes autres frères dans l'épiscopat. Mais en cette circonstance, c'est pour tous vos compatriotes que je formule des souhaits fervents de bonheur, de paix et de progrès.
Une condition essentielle de ce progrès — Votre Excellence l'a souligné à ma vive satisfaction — c'est le respect et la promotion des valeurs spirituelles. Certes l'amplification des connaissances, la lutte pour de meilleures conditions de santé, le développement économique sont bien nécessaires et méritent tous nos efforts : je pense au drame de la sécheresse, auquel il faut remédier grâce à une large solidarité ; je pense aux réalisations courageuses de votre Gouvernement dans le domaine culturel. Mais si ces progrès devaient s'accompagner d'une conception matérialiste de la vie, ce serait en fait une régression. L'homme serait mutilé et il aurait tôt fait de perdre sa dignité, son caractère sacré, en même temps que le sens ultime de son existence qui est de vivre en présence de Dieu et en relation fraternelle avec le prochain. Toute civilisation doit se garder de perdre son âme.
C'est l'honneur de votre pays, c'est l'honneur de la tradition africaine, de garder l'intuition du sacré. La civilisation de la négritude, que le Président Senghor lui-même a analysée d'une façon pénétrante, comporte ce sens religieux très enraciné et le favorise. Encore faut-il qu'il soit approfondi et éduqué, pour être en mesure d'affronter sans réduction toute la culture moderne, avec ses philosophies, son esprit scientifique et technique.
La tolérance et la paix entre les disciples des grandes confessions religieuses sont facilitées par les institutions de votre pays, sous la sage conduite de votre Président. L'État garde vis-à-vis de ces confessions religieuses la distance qui permet l'impartialité nécessaire à leur égard et la distinction normale entre les intérêts politiques et les affaires religieuses. Mais cette distance n'est pas indifférence : l'État sait marquer son estime pour les valeurs spirituelles et encourager, avec justice, les services que les communautés religieuses rendent aux populations, dans le domaine de l'enseignement ou de l'aide sanitaire.
Enfin la paix entre les pays, et notamment sur le continent africain, préoccupe aussi, à bon droit, le gouvernement et le peuple sénégalais. Conscient de l'interdépendance des nations et soucieux des droits humains de vos proches, votre pays désire aider ses partenaires africains à juguler la violence, toujours renaissante, à surmonter les discriminations raciales dont ils souffrent, à régler leurs conflits de façon raisonnable, à établir entre eux, et si possible sans ingérence étrangère, une paix juste et durable.
L'enjeu est immense et redoutable pour le bonheur et le développement des peuples de l'Afrique. Puisse Dieu favoriser la contribution sage et généreuse que le Sénégal est susceptible de lui apporter ! Vous savez la sollicitude constante du Saint-Siège en ce domaine. Je suis touché de la façon dont Votre Excellence lui a rendu hommage.
A vous-même, Monsieur l'Ambassadeur, je souhaite une heureuse et fructueuse mission et j'invoque sur votre personne, sur vos compatriotes et vos gouvernants, l'assistance du Très-Haut.
4 décembre 1978
Le lundi 4 décembre, le pape a reçu en audience solennelle S. Exc. M. Vecdi Turel, nouvel ambassadeur de Turquie près le Saint-Siège, venu lui présenter ses lettres de créance. Il était accompagné du conseiller de l'ambassade, M. Verkin Adayilmaz. L'échange des discours a eu lieu en français. Il a été suivi d'un entretien privé. Au terme de sa visite au Saint-Père, le nouvel ambassadeur s'est rendu auprès du cardinal Jean Villot, secrétaire d'État.
Monsieur l'Ambassadeur,
Vous inaugurez aujourd'hui votre mission d'ambassadeur que je souhaite heureuse et paisible pour vous, fructueuse pour votre pays et pour le Saint-Siège. Les souvenirs de mes prédécesseurs que vous avez évoqués avec délicatesse, les vœux que vous avez formulés pour mon pontificat, en écho à ceux de votre Président et de votre Gouvernement, constituent un hommage qui m'a beaucoup touché. Par ailleurs, vos propos soulignent des principes auxquels l'Église catholique accorde une grande importance. Je vous en remercie vivement.
A l'égard du peuple turc que vous représentez désormais auprès du Saint-Siège, je reprendrai volontiers les vœux que vous avez vous-même cités : paix à l'intérieur, entre tous ceux qui vivent sur le sol de la République, cherchent dans ses lois la protection de leurs droits et apportent leur part originale au patrimoine national ; paix à l'extérieur, avec les pays voisins, si divers soient-ils, et avec l'ensemble de la Communauté internationale, dans un esprit de compréhension mutuelle. L'établissement ou le renforcement de la paix doit apparaître d'autant plus urgent à la Turquie que celle-ci se trouve placée à la charnière de deux continents, à la porte du Moyen-Orient encore si instable, au croisement des grandes civilisations. Le Saint-Siège lui souhaite, non seulement de bénéficier de la paix, condition de bonheur et de prospérité, mais de pouvoir y apporter elle-même sa contribution positive et spécifique. Le Saint-Siège pense en particulier au problème de Chypre, pour lequel il espère, avec toutes les populations de l'île, que l'on arrive le plus tôt possible à une juste solution.
Pour sa part, le .Saint-Siège désire servir — selon les critères que Votre Excellence a heureusement rappelés — l'entente et la coopération internationales. Il importe en effet que les rapports de force ou d'intérêts économiques ne prévalent pas au détriment des minorités ou des faibles, mais que la justice inspire toujours le respect, l'estime et l'entraide auxquels chacun a droit L'Église catholique s'emploie spécialement à ce que les valeurs morales et spirituelles imprègnent toutes les relations entre les peuples : c'est un aspect de sa mission, et elle est persuadée qu'il y va du bonheur, du progrès de l'humanité. C'est cet esprit qui anime le Saint-Siège dans ses rapports bilatéraux ou ses activités internationales. Pour cela, il compte sur la compréhension et le soutien des hommes de bonne volonté, particulièrement des pays qui reconnaissent son rôle en échangeant avec lui des représentants diplomatiques.
En votre pays, les chrétiens — qui se relient aux communautés et aux hauts-lieux spirituels des tout premiers siècles de notre ère — ont montré leur vouloir et leur capacité de participer, en citoyens responsables, au progrès culturel et social de leur patrie. Comment ne désireraient-ils pas entretenir des relations harmonieuses avec tous leurs compatriotes musulmans, dans le respect reconnu et effectif de la liberté religieuse, dont Votre Excellence a souligné l'importance et qui est, de fait, quand elle est bien comprise, la pierre de touche de toutes les autres libertés et le signe d'un véritable progrès et, disons-le, d'un État moderne ? Je ne doute pas non plus que les institutions catholiques, d'éducation ou d'assistance, trouvent, auprès de votre Gouvernement et de l'opinion publique, l'estime, la protection et les encouragements que mérite leur service, dans l'intérêt de tous.
Je vous prie de remercier S. Exc. M. Fahri S. Koruturk de ses aimables vœux et de l'assurer de ceux que je forme de tout cœur, dans la prière, pour sa personne et pour tout le peuple au destin duquel il préside. Que le Tout-Puissant l'assiste, qu'ils inspire ceux qui partagent avec lui la lourde charge du bien commun, qu'il veille sur tous vos compatriotes et qu'il vous aide vous-même, Monsieur l'Ambassadeur, à accomplir ici votre noble mission !
6 décembre 1978
Cette fois encore, il a fallu scinder l'audience générale en deux actes et une fois déplus l'enthousiasme des jeunes s'est déchaîné. Une seule nouveauté, mais combien sympathique, même si peu protocolaire. Les jeunes ont franchi la balustrade qui borde le couloir central de la basilique pour permettre au pape de gagner, sans trop de difficultés, l'autel d'où il parlera à son auditoire. Et, l'appelant par son nom, ils lui ont... demandé des autographes.
Chers Jeunes, garçons et filles,
Je vous trouve nombreux et exubérants comme toujours. Je suis heureux de me trouver avec vous aujourd'hui, tant pour ressentir votre chaleureuse communion avec le pape, qui est le successeur de saint Pierre, que pour vous dire qu'à votre égard je nourris une affection toute particulière, parce que je vois en vous les prometteuses espérances de l'Église et -du monde de demain. Rappelez-vous toujours que vous ne pourrez édifier quelque chose de vraiment grand et durable que si vous vous appuyez comme le dit saint Paul sur le seul fondement qu'est Jésus-Christ (l Co 3, 11).
Préparez-vous à la vie avec sérieux, avec cœur. En ce moment de la jeunesse, si importante pour mûrir votre personnalité, sachez donner toujours sa juste place à l'élément religieux de votre formation, celle qui permet à l'homme d'atteindre sa pleine dignité, celle d'être fils de Dieu.
Comme vous le savez bien, les chrétiens vivent ces jours-ci la période liturgique de l'Avent qui est la préparation immédiate à Noël. Déjà mercredi dernier j'ai parlé à de nombreux autres jeunes comme vous, leur expliquant que l'Avent signifie « venue », c'est-à-dire la venue de Dieu parmi les hommes pour partager leurs souffrances et promouvoir la joie dans leur vie. Aujourd'hui je voudrais vous dire de manière générale qui est l'homme, celui qui est appelé à la rencontre et à l'amitié du Seigneur.
Les premières pages de la Bible, que vous avez déjà lues, je pense, nous disent que « Dieu créa l'homme à son image » (Gn 1, 27). Ce qui veut dire que l'homme, que tout être humain et donc également chacun de vous, a une parenté particulière avec Dieu. Tout en appartenant à la création visible, à la nature et au monde animal, chacun de nous diffère d'une certaine manière de toutes les autres créatures. Vous savez que quelques savants affirment la dépendance de l'homme de l'évolution de la nature et l'insèrent dans le devenir changeant, dans la mutation des espèces diverses. Dans la mesure où elles sont véritablement prouvées, ces affirmations sont très importantes parce qu'elles nous disent que nous devons respecter le monde naturel dont nous faisons partie. Mais, si nous pénétrons au plus intime de l'homme, nous constatons qu'il se différencie de la nature plus qu'il n'y ressemble. L'homme possède l'esprit, l'intelligence, la liberté, la conscience ; aussi ressemble-t-il plus à Dieu qu'au monde créé. C'est encore le premier livre de la Bible, la Genèse, qui nous dit qu'Adam donna un nom à toutes les bêtes du ciel et de la terre, démontrant ainsi sa propre supériorité sur elles ; mais parmi tous ces êtres « l'homme ne trouva jamais une aide qui lui fût semblable » (Gn 2, 20). Il se rendit compte d'être différent de toute créature vivante, même si celles-ci étaient dotées comme lui de vie végétative et sensitive. On pourrait dire que ce premier homme fait ce que fait tout homme de n'importe quelle époque, c'est-à-dire réfléchir sur sa propre identité et se demander qui il est, lui. II résulte de cette attitude la constatation d'une différence fondamentale : je suis différent de tout le reste, je suis plus différent que semblable.
Tout ceci nous aide à mieux comprendre le mystère de l'Avent que nous sommes en train de vivre. Si, comme nous l'avons dit, Dieu « vient » à l'homme, il le fait parce que dans l'être humain il y a une faculté d'attente et une faculté d'accueil qui n'existent telles, en aucune autre créature. Dieu vient pour l'homme, mieux il vient dans l'homme et il établit avec lui une communion très particulière.
C'est pourquoi je vous invite, vous aussi, très chers jeunes, à lui faire place en vue de la Noël, à vous préparer à la rencontre avec lui, pour qu'en chacun il retrouve son image vraie, pure et fidèle.
Avec ces vœux, je vous bénis de tout cœur et, avec vous, je bénis vos parents, vos professeurs et tous ceux qui vous ont accompagnés ici.
7 décembre 1978
Le Saint-Père a reçu en audience officielle le 7 décembre S. Exc. M. Alberto Salinas Muñoz, le nouvel ambassadeur du Nicaragua près le Saint-Siège venu lui présenter ses lettres de créance. Il était accompagné de M. José Gago de Medeiros, conseiller. Après l'échange des discours et l'entretien privé entre le pape et M. Salinas Munoz, le nouvel ambassadeur a été reçu par le cardinal Jean Villot, secrétaire d'État. Puis il s'est rendu à la basilique Saint-Pierre pour y adorer le Saint-Sacrement et prier à la chapelle de la Vierge Marie et au tombeau de saint Pierre.
Monsieur l'Ambassadeur,
C'est avec la plus vive satisfaction que je souhaite la bienvenue à Votre Excellence au moment où elle présente les Lettres qui l'accréditent comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Nicaragua près le Saint-Siège.
Je sais parfaitement — et les paroles que Votre Excellence vient de prononcer en sont le témoignage — que le peuple du Nicaragua est cordialement uni à ce Siège Apostolique par de profonds liens de proximité spirituelle découlant d'une présence déjà séculaire de l'Église dans ces terres, toujours solidaire de ses populations et de leur histoire. C'est pourquoi je désire exprimer ici mon estime et ma confiance envers votre noble pays dont je suis de prés, et non sans soucis, la marche quotidienne vers le développement.
Avec sa continuelle présence évangélisatrice l'Église, « sacrement de salut », ne fait rien d'autre qu'accomplir sa mission de service aux hommes pour édifier parmi eux le royaume de Dieu qui n'est pas seulement un royaume de paix, de justice et d'amour. De là, naissent sa sollicitude constante et ses sacrifices pour ranimer également dans les consciences le souci de perfectionner cette terre où croît la famille humaine (cf. Gaudium et Spes, 39). Des biens aussi précieux que la dignité humaine, la communion fraternelle, la liberté, tous ces fruits excellents de notre nature et de l'industrie humaine, sont à propager sur la terre selon le commandement du Seigneur et dans son Esprit (cf.ibid).
Promouvoir ces biens inaliénables de la personne, créer autour de celle-ci les conditions de vie spirituelle, sociale et culturelle, sans la moindre discrimination, afin que chacun assume d'une manière responsable les exigences multiformes de la coexistence humaine, et prenne part à l'édification toujours plus positive de la communauté : c'est tout cela qui constitue le moule indispensable d'une société ordonnée et pacifique.
De manière désintéressée, et avec les moyens qui lui sont propres, l'Église du Nicaragua entend poursuivre sa participation à cette recherche active du bien commun. Elle veut offrir sa collaboration pour le développement de tous, surtout sur le plan moral, conformément à sa vocation chrétienne, rendant chacun capable de satisfaire ses légitimes aspirations, non seulement individuelles mais également familiales et communautaires.
Monsieur l'Ambassadeur, priant le Seigneur, dispensateur de tout bien, pour qu'il aide à réaliser ces intentions afin qu'elles soient une source quotidienne de concorde et d'effective collaboration pacifique, j'invoque également l'abondance des faveurs divines sur la population du Nicaragua, sur ses dirigeants et, aujourd'hui de manière particulière, sur Votre Excellence, pour assurer le succès de votre haute et noble mission.
8 décembre 1978
Jean Paul II à l'Université catholique du Sacré-Cœur
Le 8 décembre, le Saint-Père a reçu en audience les dirigeants, les professeurs et les élèves — quelque sept mille personnes — de l'Université catholique du Sacré-Cœur qui célèbre actuellement le centième anniversaire de la naissance de son fondateur, le R. P. Agostino Gemelli, franciscain. Aux assistants qu'accompagnait le cardinal Colombo, archevêque de Milan et Grand Chancelier de l'Université, Jean Paul II a adressé un discours en italien dont voici la traduction :
Monsieur le Recteur,
1. Les nobles expressions par lesquelles vous avez bien voulu, à l'occasion de cette première rencontre avec le nouveau successeur de Pierre, confirmer la fidèle adhésion au Christ en la personne de son vicaire et le zèle généreux au service de la vérité dans la charité qui anime les membres de la grande famille de l'Université catholique du Sacré-Cœur ont suscité dans mon âme des sentiments de vive émotion et de sincère appréciation. A vous donc, Monsieur le Recteur, aux représentants du Corps académique, aux chers étudiants, au personnel administratif et auxiliaire et à tous ceux qui se sont réunis ici, l'attestation de ma gratitude paternelle et de ma spéciale bienveillance.
Je suis heureux, très chers fils, de vous souhaiter cordialement la bienvenue et de saluer en vous les représentants qualifiés d'une institution qui, désormais depuis de nombreuses années, joue en Italie un rôle de première importance pour l'animation chrétienne du monde de la culture. Par cette rencontre, que vous avez sollicitée et que j'ai accordée avec joie, vous avez voulu conclure de manière significative la célébration du centenaire de la naissance du Père Agostino Gemelli, l'illustre franciscain qui avec sagesse clairvoyante, charité apostolique et courage indomptable, a donné vie à ce splendide complexe de personnes et d'œuvres, de vie et de pensée, d'étude et d'action qu'est votre Université.
Au cours de cette année, vous vous êtes astreints à réfléchir, avec une nouvelle intensité d'affection, sur la figure, sur la pensée et sur l'œuvre de l'insigne religieux auquel sont si redevables la communauté des catholiques italiens et le monde lui-même de la culture et de la recherche scientifique. En effet, il vous a semblé évident qu'il ne saurait y avoir meilleur tribut de reconnaissance à lui offrir que de faire place à sa voix dont beaucoup parmi vous conservent encore l'écho dans le cœur, afin que « le Père » puisse aux actuels continuateurs de son œuvre, parler à nouveau d'objectifs idéaux et de concrets projets d'action, d'engageantes perspectives et d'insidieux dangers, de craintes toujours pressantes et d'espérances jamais déçues.
2. Et en ce moment, notre pensée se tourne également vers lui, pour recueillir quelque aspect significatif de son message et en tirer réconfort et stimulant dans les graves difficultés de l'heure présente. Or, il y a une « constante » — à mon avis, tout au moins — qui oriente et soutient tout au long de son existence l'action du Père Gemelli : cette constante est son intérêt pour l'homme : l'homme concret, doté de certaines facultés physiques et psychiques, conditionné par certains facteurs ambiants, affaibli par certaines maladies, tendu vers la conquête de certains idéaux.
N'est-ce pas cet idéal qui a poussé le jeune étudiant vers la faculté de Médecine, c'est-à-dire vers cette science qui, du service à rendre à la vie humaine fait son propre programme et son propre étendard ? Et n'est-ce pas ce même intérêt qui lui a suggéré — désormais religieux — de se spécialiser en psychologie expérimentale, l'orientant ainsi vers la science qui, pour tout le reste de sa vie, va concentrer son attention et ses efforts de chercheur génial et inlassable ? Son intérêt pour l'homme le poussa à se consacrer, avec la passion la plus vive, aux situations les plus pénibles, les plus difficiles : celles du travail ouvrier pour étudier « le facteur humain du travail » et parvenir, après des expériences faites directement dans les soufrières de Sicile et dans les usines du Nord, à la conclusion — à l'époque celle d'un pionnier — que ce n'est pas l'homme qui doit être adapté à la machine, mais la machine qui doit être construite à la mesure de l'homme ; les situations des soldats exposés aux expériences bouleversantes de la violence belliqueuse, ou des aviateurs aux prises avec des appareils rudimentaires et pleins de risques, afin de mettre au point des remèdes spécifiques contre les traumatismes psychologiques toujours plus fréquents parmi les militaires des premières lignes ; les situations enfin, des forçats à un groupe desquels il offrit l'hospitalité dans les locaux du laboratoire de psychologie de l'Université catholique, afin d'étudier leurs réactions et en déduire les normes d'une efficace intervention rééducative.
3. Ces quelques notes biographiques nous montrent le genre d'intérêt que le Père Gemelli nourrissait pour l'homme ; non pas l'intérêt du savant éloigné de la réalité et qui considère l'homme comme pur objet d'analyse, mais la passion tourmentée de quelqu'un qui se sent intimement impliqué dans les problèmes dont sont victimes ses propres semblables. L'intérêt pour l'homme signifiait pour le Père Gemelli la volonté de servir l'homme.
Comment ? L'expérience apprit à l'audacieux religieux que le service le plus nécessaire et le plus urgent à offrir au prochain était celui de l'aider « à bien penser », pour le dire comme Pascal (Pensées, n. 347), car « la pensée fait la grandeur de l'homme » (ibid, n. 346). Le « bien penser » est la condition nécessaire du « bien agir » ; et dans le « bien agir » se situe l'espérance de la solution durable des maux qui troublent l'humanité.
« C'est des idées que le monde a le plus besoin » : telle était sa conviction (cf. A. Gemelli, L'Université pour la paix sociale, dans Vita et Pensiero, janvier 1950). Et comme les idées s'élaborent et se communiquent à l'école, voici l'audacieux projet d'un Institut qui réunit des savants de valeur, soutenus par l'idéal de la recherche scientifique sérieuse et désintéressée, et des jeunes de bonne volonté, animés du désir de marcher avec les enseignants à la recherche de la vérité, pour y adhérer avec passion et en transmettre ensuite généreusement à d'autres les richesses devenues désormais Substance de leur propre vie (cf. A. Gemelli, Le progrès des études scientifiques parmi les catholiques italiens, dans Studium, juin 1907).
Mais la raison humaine est-elle capable, à elle seule, de réussir une approche satisfaisante de la vérité ? Les douloureux tourments des années de jeunesse, qui n'ont pris fin qu'avec la pacificatrice expérience de la conversion, avaient fait toucher du doigt au Père Gemelli la nécessité de la foi pour donner une réponse pleinement satisfaisante aux problèmes fondamentaux de l'existence humaine. Il ne craignit donc pas de déclarer : « La solution de ces problèmes, nous ne devons pas la demander aux sciences, ni pures ni appliquées, nous devons la demander non pas à la philosophie, mais à la religion. » Et avec la clarté d'un programme, il affirmera : « Nous devons remonter à Dieu, non pas un Dieu présenté par une religion naturelle, mais à un Dieu vivant, à Jésus-Christ, notre suprême raison de vivre, suprême beauté à admirer, suprême beauté à contempler, suprême bonté à imiter, suprême récompense à conquérir » (A. Gemelli, La fonction religieuse de la culture, dans yita e Pensiero, avril 1919).
4. L'Université catholique est née pour répondre à ces exigences. C'était l'intention de son fondateur qui voulait en faire « un véritable et efficace foyer de culture catholique », comme il le déclara lorsque le grand projet fut sur le point d'être réalisé (cf. A. Gemelli, Pourquoi les catholiques italiens doivent avoir leur université, dans Vita e Pensiero, juillet 1919), et comme il le confirma immédiatement après son envol officiel : « L'Université catholique, rappela-t-il, est née du rêve audacieux de faire connaître, aimer, suivre le catholicisme en Italie » (Bollettino degli Amici, n. 1, janvier 1922).
Il ne s'agissait en aucune manière de remettre en cause la méthode et la liberté qui reviennent aux diverses disciplines scientifiques : le Père Gemelli en décrivit la nature et en assura la défense en diverses occasions. Il s'agissait plutôt de réaliser, au niveau universitaire, « l'accord de la foi et de la science » auquel faisait allusion dans une lettre adressée au Père Gemelli le Nonce Apostolique en Pologne, à l'époque Mgr Achille Ratti (cf. Lettre au Père Gemelli du 28 mars 1921) et que le Magistère officiel, en particulier celui du Concile Vatican II, a déclaré à de nombreuses reprises possible, souhaitable et fécond (cf. Déclaration Gravissimum Educationis, n. 8 et 10 elles précédents documents du Magistère qui y sont cités).
En effet, dans la foi comprise et vécue, le progrès trouve, au lieu d'un obstacle, une aide incomparable pour résoudre et surmonter les antinomies auxquelles il est aujourd'hui dramatiquement exposé : que l'on pense, par exemple, à l'impérieuse nécessité de promouvoir le dynamisme et l'expansion de la culture sans risques pour la sagesse ancestrale des peuples ; que l'on pense également au pressant besoin de sauvegarder la nécessaire synthèse malgré le fractionnement des diverses disciplines ; que l'on pense enfin au problème de reconnaître, d'une part, la légitime autonomie de la culture, en évitant toutefois, d'autre part, le risque d'un humanisme clos, circonscrit par un horizon purement terrestre et, en conséquence, exposé à des développements nettement inhumains (cf. H. de Lubac, Le drame de l'humanisme athée, Paris 1945).
Le Père Gemelli voyait dans l'Université catholique le lien privilégié où il serait possible de jeter un pont entre le passé et le futur, entre l'ancienne culture catholique et la nouvelle culture scientifique, entre les valeurs de la culture moderne et le message éternel de l'Evangile.
Il espérait ajuste titre que de ces fécondes synthèses découlerait une très efficace impulsion vers la réalisation d'un humanisme plein, dynamiquement ouvert sur les horizons sans limites de la divinisation auquel l'homme historique est appelé. Et ainsi allait se réaliser de la meilleure manière cette fin vers laquelle — comme je l'ai déjà dit — le Père Gemelli tendit sa vie tout entière, la fin donc, de servir l'homme. « J'estime — affirmait-il dans son discours d'inauguration de l'année académique 1957-1958, au terme de sa laborieuse existence —j'estime que l'Université contemporaine, si elle a le devoir de collaborer au progrès des sciences et de suivre la méthodologie requise pour chacune d'elles — ne doit cependant jamais mettre au deuxième plan ce qui exige d'être reconnu comme prioritaire, c'est-à-dire l'homme, la personne humaine, le monde de la spiritualité » (A. Gemelli, Les conquêtes de la science et les droits de l'esprit dans Vita e Pensiero, janvier 1958).
5. Ce furent là les convictions qui guidèrent et soutinrent le père Gemelli pour entreprendre et, au milieu de difficultés de tous genres, mener à bonne fin le gigantesque projet d'une Université libre et catholique en Italie. Ce sont là les convictions qui, encore aujourd'hui, doivent orienter l'effort de ceux qui ont librement choisi de faire partie, comme dirigeants, professeurs ou élèves, de l'Université catholique du Sacré-Cœur.
Je suis certain d'interpréter les sentiments du Père Gemelli en vous disant aujourd'hui : soyez fiers de la qualification de « catholique » qui caractérise votre université. Qu'elle n'affaiblisse pas votre zèle dévoué en faveur de la promotion de chaque valeur humaine authentique. S'il est vrai que « l'homme passe infiniment l'homme » comme Pascal en a eu l'intuition (cf. Pensées, n. 434), alors il est nécessaire de dire que la personne humaine ne saurait trouver sa pleine réalisation que par rapport avec celui qui constitue la raison fondamentale de tous nos jugements sur l'être, sur le bien, sur la vérité et sur la beauté.
Et comme la transcendance infinie de ce Dieu, que quelqu'un a indiqué comme le « totalement Autre », s'est rapprochée de nous en le Christ Jésus qui s'est fait chair pour participer totalement à notre histoire, il faut conclure alors que la foi chrétienne nous habilite, nous chrétiens, à interpréter mieux que tous autres les exigences les plus profondes de l'être humain et à indiquer, avec sereine et tranquille sécurité, les voies et moyens d'une pleine satisfaction. Ceci est donc le témoignage que la communauté chrétienne et le monde de la culture lui-même attendent de vous, professeurs et élèves de l'Université qui tient son origine de la foi intrépide du Père Gemelli : montrer par les faits que l'intelligence, non seulement n'est pas débilitée, mais au contraire stimulée et fortifiée par cette incomparable source de compréhension de la réalité humaine qu'est la Parole de Dieu, montrer par les faits que sur cette Parole il est possible d'édifier une communauté d'hommes et de femmes (l'universitas personarum des origines) qui poursuivent leurs recherches dans tous les domaines, sans perdre contact avec les points de référence essentiels d'une vision chrétienne de la vie ; une communauté d'hommes et de femmes qui cherchent des réponses particulières à des problèmes particuliers mais sont soutenus par la joyeuse certitude de posséder, tous ensemble la réponse aux problèmes ultimes ; une communauté d'hommes et de femmes, surtout, qui s'efforcent d'incarner dans leur propre existence et dans leur milieu social l'annonce du salut qu'ils ont reçue de celui qui est « la vraie lumière qui illumine chaque homme » (Jn l, 9) ; une communauté d'hommes et de femmes qui — tout en respectant l'autonomie légitime des réalités terrestres, créées par Dieu, dépendantes de lui et ordonnées à lui — se sentent engagés à « inscrire la loi divine dans la vie de la cité terrestre » (Gaudium et Spes, 43).
La fierté d'être qualifiée de « catholique » contient également en soi, pour l'Université, l'engagement d'une totale fidélité à l'Église, au pape et aux évêques auxquels elle fut et est toujours très chère, ainsi qu'à la communauté ecclésiale italienne qui la soutient avec de grands sacrifices et la considère avec affection mais aussi avec une exigeante espérance. Cette fidélité — que le Père Gemelli a inculquée à tous avec insistance et qu'il a vécue avec tant de cohérence — est la garantie de cette unité et de cette charité fraternelle qui caractérisent votre institution comme toutes les autres, destinées au service du Peuple de Dieu.
Voilà votre tâche, très chers fils, voilà la consigne que vous donne le pape et voilà aussi son vœu. Un vœu qu'il adresse de manière toute particulière aux jeunes qui tiennent entre leurs mains non seulement les destinées futures de la glorieuse Université catholique, mais encore et surtout les espérances d'animation chrétienne de la société de demain. Qu'ils écoutent de la bouche du pape, un avertissement que le recteur Magnifique leur lançait à une heure difficile de l'histoire italienne et mondiale : « Ce n'est pas le moment des vains bavardages et des attitudes épouvantées, disait-il. C'est le moment des grandes tâches. Vous êtes, vous spécialement ô jeunes, ceux à qui incombe la construction du futur, la construction de la nouvelle époque de l'histoire. Ou que vous soyez, montrez-vous conscients de cette mission qui est la vôtre. Soyez des flammes ardentes, qui illuminent, qui guident, qui réconfortent. La noblesse du sentiment, la pureté de la vie, la haine pour tout ce qui est vulgaire, pour tout ce qui abaisse, sont aujourd'hui plus que jamais un devoir » (10 octobre 1940).
Et maintenant, au moment de me séparer de vous, très chers fils, ma pensée s'élève, implorante, vers celle que nous vénérons aujourd'hui dans le privilège de son Immaculée Conception. Le Père Gemelli aimait la Vierge avec filiale dévotion et il la défendit contre ceux qui la dénigraient, avec une passion si ardente qu'il mérita, prés de ses amis, le titre de « Chevalier de la Vierge ». Daigne Marie réserver un regard de maternelle prédilection à l'Université catholique du Sacré-Cœur pour laquelle son généreux fils a tant travaillé, souffert et prié. Qu'elle daigne, elle que l'Église invoque comme la Sedes Sapientiae, accorder généreusement lumière et réconfort à ceux qui poursuivent aujourd'hui une œuvre que le Saint-Siège et toute l'Église italienne considèrent avec une immuable affection, une constante confiance et une espérance toujours vive.
Avec ces vœux, je suis heureux de vous donner à vous tous, à vos familles et à tous les amis de l'Université catholique ma paternelle bénédiction apostolique propitiatoire.
Je sais qu'à cette rencontre sont également présents les membres de l'Association des Parents des écoles catholiques qui tient actuellement à Rome le premier congrès de ses délégués régionaux.
A eux aussi, j'élargis mon salut et ma bénédiction, souhaitant que le Seigneur les assiste dans leur généreux engagement en faveur d'une convenable formation culturelle, morale et religieuse de la jeunesse.
9 décembre 1978
Jean Paul II à un groupe de travailleurs chrétiens
Le 9 décembre, le Saint-Père a reçu en audience les travailleurs chrétiens de diverses grandes organisations industrielles italiennes, appartenant aux « Groupes d'engagement et de présence chrétienne ». Aux deux mille travailleurs rassemblés dans la grande salle des Bénédictions, le Saint-Père a adressé un discours dont voici la traduction :
Chers Frères et Sœurs, ouvriers et ouvrières de la Montedison, de la Société Alfa Romeo, de la Pirelli, du Carrière délia Sera et d'autres sociétés encore, appartenant aux « Gruppi di impegno e presenza cristiana », soyez les bienvenus dans la maison du Père commun !
1. Je sais que depuis pas mal de temps vous attendez cette audience du pape. Vous aviez déjà voulu être reçus par le pape Jean Paul Ier, de vénérée mémoire, qui d'après ce qu'on m'a dit était un peu chez lui dans le grand établissement de Porto Marghera. Le Seigneur l'a appelé près de lui, après un pontificat si bref, mais tellement intense qu'il a produit une immense émotion dans le monde. Et voici à vous le nouveau pape qui est particulièrement heureux de recevoir aujourd'hui cette nombreuse représentation de l'industrie italienne qualifiée et bien connue dans le monde entier. Je vous salue de grand cœur et vous remercie pour la joie que vous me donnez avec votre visite.
2. Comme vous le savez, moi aussi j'ai été ouvrier : pendant une brève période de ma vie, durant le dernier conflit mondial, j'ai fait moi aussi l'expérience directe du travail en usine. Je sais donc ce que signifie l'engagement de l'effort quotidien sous les ordres d'autrui, j'en connais la pesanteur et la monotonie ; je connais les besoins des travailleurs et leurs justes exigences, leurs légitimes aspirations. Et je sais combien il est nécessaire que le travail ne soit jamais cause d'aliénation ou de frustration, mais toujours respectueux de la suprême dignité spirituelle de l'homme.
3. Vous savez également que l'Église, suivant l'exemple du Divin Maître, a toujours estimé, protégé et défendu l'homme et son travail contre la condamnation de l'esclavage pour en arriver à l'exposé systématique de la « Doctrine sociale chrétienne », depuis l'enseignement de la charité évangélique comme précepte suprême jusqu'aux grandes encycliques sociales, comme Rerum Novarum de Léon XIII, Quadragesimo Anno de Pie XI, Mater et Magistra de Jean XXIII, Populorum Progressio de Paul VI. Au milieu des troubles et des tribulations de l'histoire humaine, dans le dramatique processus de l'organisation sociale et politique des peuples, l'Église a toujours défendu le travailleur, luttant pour la promotion urgente d'une authentique justice sociale, unie à la charité chrétienne, dans un climat de liberté, de respect réciproque, de fraternité. A ce propos, je voudrais simplement rappeler le radio-message du pape Jean XXIII aux travailleurs polonais le 26 mai 1963, quelques jours avant de mourir : « Nous n'épargnerons aucun effort, aussi longtemps que nous vivrons, pour que vous trouviez sollicitude et soins. Ayez confiance dans l'amour de l'Église et confiez-vous tranquillement à elle, dans la certitude que ses pensées sont des pensées de paix et non d'affliction. »
4. Et maintenant, chers travailleurs chrétiens, que vais-je vous dire, que vais-je dire, en particulier, qui puisse vous servir comme souvenir de notre rencontre ?
Avant tout, je souhaite vivement que le travail soit un droit réel pouf chaque personne humaine. La situation nationale et internationale est aujourd'hui tellement difficile et compliquée que l'on ne peut se contenter d'être simpliste. Mais comme nous savons que le travail est vie, sérénité, engagement, intérêt, signification, nous devons le souhaiter à tous.
Celui qui a un travail a le sentiment d'être utile, valide, engagé dans quelque chose qui donne de la valeur à sa propre vie. Le manque de travail est psychologiquement négatif et dangereux et, d'autant plus, pour les jeunes et pour ceux qui ont une famille à entretenir. C'est pourquoi, tandis que nous devons remercier le Seigneur si nous avons un travail, nous devons aussi ressentir la peine et l'angoisse des chômeurs et nous demander comment venir le plus possible en aide à ces douloureuses situations. Mais les paroles ne suffisent pas ! Il faut les aider de manière concrète, chrétiennement ! Et tandis que je fais appel aux responsables de la société, je m'adresse également à chacun de vous : engagez-vous à fond, vous aussi, pour que tout le monde puisse avoir un travail !
En second lieu, j'exhorte à la réalisation de la justice sociale. Ici également les problèmes sont nombreux et ils sont énormes ; mais je fais appel à la conscience de tous, aux employeurs et aux travailleurs. Chacune de ces deux catégories a des droits et des devoirs et, pour que la société puisse se maintenir dans l'équilibre de la paix et du bien-être commun, l'engagement de tous est nécessaire pour combattre et vaincre l’égoïsme. Une entreprise certainement difficile, mais le chrétien doit se faire un devoir d'être juste en tout et avec tous, tant en rémunérant et protégeant le travail qu'en dépensant ses propres forces. Il doit, en effet, être partout un témoin du Christ et donc, également au travail.
Enfin, je vous invite à la sanctification du travail. Le travail n'est pas toujours facile, agréable, satisfaisant ; parfois il peut être très lourd, peu apprécié, pas bien rémunéré, et même dangereux. Il faut alors se rappeler que tout travail constitue une collaboration avec Dieu pour perfectionner la nature que, lui, a créée et que c'est un service rendu à nos frères. Il faut donc travailler avec amour et par amour ! Alors, on sera toujours content et serein et, même si le travail fatigue, on prend la croix avec le Christ Jésus et l'on supporte la fatigue avec courage.
Très chers ouvriers et ouvrières, sachez que le pape vous aime, qu'il vous suit dans vos usines et dans vos ateliers, qu'il vous porte dans son cœur ! Tenez bien haut, sur les lieux de votre travail, votre nom de « chrétien » en même temps que celui de votre, ou mieux, de notre Italie !
Avec ma bénédiction apostolique !
9 décembre 1978
Le Saint-Père au Mouvement apostolique des aveugles
Le 9 décembre, le Saint-Père a reçu en audience les dirigeants, assistants et membres du « Mouvement apostolique des Aveugles » qui célèbre le cinquantième anniversaire de sa fondation.
Jean Paul II a adressé à ses visiteurs un discours dont voici la traduction :
Très chers Fils,
J'exprime
avant tout ma joie sincère pour cette rencontre avec vous, consulteurs
ecclésiastiques, conseillers nationaux, délégués missionnaires des quelque
soixante groupes diocésains du « Movimento Apostolico Ciechi » qui célèbre
actuellement le cinquantième anniversaire de sa fondation.
A ma joie s'ajoute une vive satisfaction pour les mérites que le Mouvement s'est acquis durant ces longues années, rythmées par le sacrifice silencieux, par l'engagement sérieux, par le dévouement constant pour encourager et aider nos frères privés de la vue — enfants, jeunes, vieillards — à s'insérer d'une manière personnelle et responsable dans la vie de l'Église et de la société civile, à mûrir intérieurement leur propre itinéraire avec le Christ, à offrir un témoignage externe, cohérent et limpide, de leur propre profession de foi dans le message évangélique.
Et la bonté et la fécondité de votre activité multiforme ont été confirmées par l'impérieuse et inéluctable nécessité d'élargir et développer vos initiatives en faveur des non-voyants du Tiers Monde. Votre Mouvement, en effet, a implanté, pouvons-nous dire, depuis quelque dix ans, de petites stations missionnaires au Brésil, en Guinée-Bissau, dans l'Empire Centrafricain, au Kenya, au Soudan, en Tanzanie, en Ouganda, c'est-à-dire particulièrement dans la grande Afrique. Bien ! C'est très bien, vraiment ! C'est avec une profonde émotion que j'ai lu les rapports contenus dans votre belle revue.
Ce coup d'œil que vous et moi jetons sur le passé est certainement un motif de grande satisfaction ; mais il faut aussi, et surtout, regarder vers l'avenir : des millions de frères et de sœurs non-voyants du monde entier attendent de nous, sinon le prodige de la guérison, au moins la compréhension, la solidarité, l'affection, l'aide : en un mot notre authentique charité, fondée sur la foi. Et c'est précisément cette foi qui doit opérer en nous par la charité, comme nous en prévient saint Paul. Tenez bien compte de la recommandation de Jésus : « Votre lumière doit briller aux yeux des hommes pour que, voyant vos bonnes œuvres, ils en rendent gloire à votre Père qui est dans les cieux » (Mt5, 16).
Poursuivez avec enthousiasme, avec dévouement votre travail apostolique. Ne vous laissez pas abattre par les difficultés ou par le découragement. Il me plaît de vous rappeler les paroles, si actuelles, que saint Ignace, évêque d'Antioche, martyrisé à Rome vers l'an 107 adressait aux chrétiens d'Éphèse : « Comme l'arbre se reconnaît à ses fruits de même ceux qui se disent disciples du Christ se reconnaissent à leurs œuvres. Aujourd'hui, il n'est pas question de professer la foi avec des mots, mais ce qui est nécessaire, c'est la force intime de là foi vive et .active pour être trouvés fidèles jusqu'à la fin » (Lettre aux Éphésiens, 14, 2).
Sur vous, sur tous les membres du mouvement, sur tous les non-voyants, j'invoque la grâce, la force et le réconfort du Christ « lumière du monde », (cf. Jn 1, 5, 9 ; 3, 19 ; 8, 12 ; 9, 5 ; 12, 46), et vous donne de grand cœur une spéciale bénédiction apostolique.
9 décembre 1978
Le pape à une équipe de football
Le 9 décembre, le Saint-Père a reçu les membres d'une équipe de football, démontrant ainsi le constant et affectueux intérêt de l'Église pour les milieux sportifs et pour le sport qui unit et anime une grande partie des jeunes du monde entier, Jean Paul II leur a dit :
Chers Amis sportifs !
Je suis particulièrement heureux de vous accueillir et de vous souhaiter cordialement la bienvenue, à vous, membres de l'équipe de football de Bologne, à vous les dirigeants et à vos familles qui ont désiré participer à cette agréable rencontre.
Je vous remercie pour votre présence qui ravive dans mon âme d'impérissables souvenirs des années passées aux côtés de la jeunesse sportive avec qui j'ai vécu des moments pleins de joie humaine et spirituelle.
Vous savez que les jeunes sont l'objet de la prédilection de l'Église et du pape et que celui-ci aime les rencontrer pour donner et recevoir enthousiasme et force, mais vous, les sportifs, vous occupez une place particulière parce que vous Offrez de manière éminente, un spectacle de force, de loyauté, de maîtrise de soi, et encore parce que vous avez, de manière très nette, le sens de l'honneur, de l'amitié et de la solidarité fraternelle : des vertus que l'Église encourage et exalte.
Continuez, chers jeunes gens, à donner le meilleur de vous-mêmes dans les compétitions sportives, vous rappelant toujours que l'esprit de compétition, si noble qu'il soit ne doit pas être sa propre fin, mais qu'il doit être subordonné aux exigences bien plus nobles de l'esprit.
C'est pourquoi, tandis que je vous répète : soyez de valeureux sportifs, je vous dis aussi : soyez de bons citoyens dans la vie familiale et sociale et, plus encore, soyez de bons chrétiens qui sachent donner un sens supérieur à la vie, afin de pouvoir mettre en pratique ce que l'apôtre Paul disait des athlètes aux chrétiens de son époque : « Ne savez-vous pas que dans les courses du stade, tous courent mais un seul remporte le prix ? Courez donc de manière à le remporter ! Mais tandis qu'eux (les athlètes) le font pour obtenir une couronne périssable, nous le faisons par contre pour une couronne impérissable » (1 Co 9, 24-25).
Avec ces sentiments, je vous exprime à vous tous mon salut et mes encouragements que je désire valoriser par une bénédiction spéciale.
12 décembre 1978
Le mardi 12 décembre, le Saint-Père a reçu en audience solennelle S. Exc. Mr. John Gerald Molloy, nouvel ambassadeur d'Irlande près le Saint-Siège qui venait lui présenter ses lettres de créance. Il était accompagné de Mr. Colm O'Floinn, secrétaire de l'ambassade. Après l'échange des discours, prononcés en anglais, le nouvel ambassadeur a eu un entretien privé avec le Souverain Pontife. Au terme de cet entretien, il s'est rendu auprès de S. Em. le cardinal Jean Villot, secrétaire d'État. Mr. J.G. Molloy est allé à la basilique Saint-Pierre pour s'y recueillir à l'autel du Saint-Sacrement et prier successivement à la chapelle de la Vierge Marie et sur le tombeau de Pierre.
Monsieur l'Ambassadeur,
Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Votre Excellence en sa qualité d'ambassadeur d'Irlande près le Saint-Siège et, en acceptant les lettres de créance que vous m'apportez de la part de Son Excellence le Président Hillery. Je voudrais vous demander de lui transmettre mes cordiales salutations et de lui renouveler mes vœux les plus chaleureux, tels que je les lui ai exprimés à l'occasion de notre récente rencontre.
C'est donc avec le plus grand plaisir que je reçois maintenant le représentant d'un pays ayant une si longue et glorieuse tradition d'attachement à la foi chrétienne. Saint Patrick, de qui les Irlandais ont reçu cette foi est à juste titre considéré leur Abraham ou Moïse, car c'est lui qui en a fait un peuple chrétien et les a engagés sur la voie que depuis lors ils se sont efforcés de suivre fidèlement. Le continent européen avec lequel votre pays est en train de nouer des liens très étroits, garde le vif souvenir des grandes personnalités irlandaises qui ont laissé une profonde impression par leur sagesse et leur sainteté à une époque où la lumière de l'Évangile et de son enseignement couraient le risque d'être offusqués. Aujourd'hui, chaque continent bénéficie de l'influence de vos missionnaires et des hommes et des femmes qui ont établi leurs foyers dans d'autres pays ou qui apportent à d'autres peuples leur aide fraternelle.
Je me réjouis grandement devant ces manifestations des profondes convictions chrétiennes de vos compatriotes. J'ai le sentiment que ceci est une assurance que l'entente et la coopération prendront la place de la haine et des conflits. Le message de l'Évangile, que l'Église a pour mission de faire pénétrer de plus en plus dans la manière de penser et de vivre des peuples, prescrit de faire preuve de sincère respect et amour à l'égard de ceux qui ont d'autres vues sociales et politiques. 11 nous enseigne que tout être humain est pour nous un frère ou une sœur. Il faut en conséquence resserrer les liens familiaux entre les enfants de la même patrie et encourager la collaboration et le mutuel respect pour les droits des autres et pour les valeurs spirituelles qui sont les fondements d'une société harmonieuse et de son progrès moral et social.
Je vous assure, Monsieur l'Ambassadeur, du grand intérêt que je porte au bien-être de votre pays ainsi que de mes prières pour que chacun puisse être heureux dans un climat de paix et de justice. J'apprécie chaleureusement la contribution au bien des gens que les autorités irlandaises apportent partout dans le monde, tant par leur aide spirituelle et matérielle que par leurs efforts pour maintenir et renforcer la paix et pour défendre les droits humains.
Je veux garantir à Votre Excellence toute assistance de la part du Saint-Siège pour l'accomplissement de vos devoirs comme ambassadeur, et j'exprime l'espoir que votre mission vous donnera satisfaction et sera féconde pour tous.
13 décembre 1978
Jean Paul II et les jeunes
Très chers Jeunes, garçons et filles,
C'est une vraie joie de vous voir ici devant moi, de vous saluer avec toute l'effusion du cœur et de m'entretenir avec vous dans un dialogue simple et affectueux. Je voudrais presque que le temps ne passe pas, pour vous exhorter à vivre avec application ces années de votre jeunesse et pour vous inviter à être d'intrépides témoins de votre foi dans le monde d'aujourd'hui. D'une certaine façon, je participe ainsi à la joie de vos parents quand, à la maison, ils vous voient autour de la table, vous parlent et vous donnent des conseils et leurs suggestions, vous préparant ainsi à la vie. En vous, les jeunes, il y a toujours quelque chose d'attirant qui provient de votre instinctive bonté non contaminée par le mal et votre particulière disposition à accueillir la vérité et à la pratiquer. Et puisque Dieu est vérité, en aimant et accueillant la vérité, vous êtes les plus proches du ciel.
Vous savez qu'actuellement, nous nous trouvons dans la période de l'A vent. « Avent » signifie — comme je l'ai dit la semaine dernière — « venue » : c'est le temps pendant lequel nous nous préparons à la venue du Rédempteur. En fait, Jésus est né une seule fois ; mais l'Église qui, dans la vie surnaturelle est notre mère ; nous fait souvenir chaque année de la naissance de Jésus, non seulement pour l'adorer et le remercier, mais aussi pour recevoir les mêmes dons que ceux qu'il a portés aux bergers et aux rois mages ; c'est-à-dire la grâce, l'amour envers Dieu, la bonté à l'égard du prochain, l'humilité envers tout le monde.
L'« Avent » est donc la venue de Jésus et l'attente de cette venue. Il se peut que certains des plus petits parmi vous attendent Noël pour les cadeaux que les parents leur préparent. Ce n'est pas un mal. Mais vous devez l'attendre spécialement pour les dons de la grâce qui est la chose la plus importante dans la vie.
Préparez-vous bien à la fête de Noël. Comment ? Comme l'Église nous le montre dans les lectures de sa liturgie. Écoutez-moi :
Vous savez que Dieu a créé toute chose, l'homme y compris. Il a, en outre, soumis au pouvoir de l'homme les champs, les fruits, le soleil, la pluie, les animaux et tout ce qui lui est nécessaire. Si bien que tout ce que. l'homme était et avait, était don de l'amour de Dieu : c'est exactement comme cela se passe dans vos familles où non seulement, collaborant avec Dieu, vos parents vous donnent la vie, mais vous donnent également tout ce qui sert à votre vie. Adam et Eve n'auraient-ils pas dû être fidèles à Dieu ? Certainement ! Mais au contraire, ils désobéirent et ils perdirent son amitié. Et, alors, Dieu les chassa du Paradis terrestre, comme vous l'avez appris dans l'Histoire Sainte.
Pauvres hommes, chassés du Paradis, sans Dieu et condamnés à l'Enfer!
Mais le Seigneur les aimait comme vos parents aiment chacun de vous. Alors il pensa à les sauver en leur envoyant un Rédempteur, c'est-à-dire Jésus-Christ, son Fils. Et Jésus allait venir, il allait nous enseigner la voie de la vérité et il allait mourir pour racheter le péché des hommes. Voyez alors la bonté de Dieu : il a puni Adam et Eve et leurs descendants, mais il a promis aussitôt le salut grâce au Rédempteur.
Toutefois le Seigneur n'envoya pas tout de suite le Sauveur. Et durant cette longue période les hommes ont vécu, attendant et désirant le Rédempteur ! Et les prophètes, spécialement Isaïe, comme ils surent tenir bien vive cette espérance ! Comme ils ont prié pour que le Rédempteur vienne sans tarder !
Eh bien, c'est cela que chacun de vous doit faire durant ce temps de l'A vent : désirer la venue de Jésus à Noël ; désirer qu'il nous donne sa grâce, qu'il nous aime toujours, qu'il nous aide à triompher du péché. Mais, en même temps, vous devez être meilleurs et vous rendre dignes de Dieu qui vient. Vous devez donc durant cette période vous efforcer d'être plus pieux, plus obéissants, plus studieux, plus appliqués, plus purs.
Dès maintenant, je vous souhaite à tous un bon Noël et vous prie de porter mes vœux à vos parents et à tous ceux qui vous sont chers. Et tout en étendant mon salut à ceux qui vous ont accompagnés ici, je vous donne de tout cœur ma bénédiction.
13 décembre 1978
Le 13 décembre, dans l'après-midi, le Saint-Père a reçu en audience S. Exc. M. Petar Mladenov, ministre des Affaires Étrangères de la République populaire de Bulgarie, avec sa femme et sa suite. Au cours de cette audience, le pape s'est adressé à M. Mladenov, en français, en ces termes :
Monsieur le Ministre,
Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Votre Excellence, à son épouse et aux honorables membres de votre suite. Je désire vous accueillir dans l'esprit de la promesse que fit, il y a déjà bon nombre d'années, mon prédécesseur de vénérée mémoire, le pape Jean XXIII, au terme de sa mission de représentant pontifical en Bulgarie, lorsqu'il déclara que partout où il se trouverait, les portes de sa maison seraient toujours ouvertes pour recevoir un Bulgare.
Je suis aussi le successeur du pape Paul VI, et en tant que tel il m'est agréable de rappeler la visite que lui fit il y a trois ans S. Exc. M. Todor Jivkov, président du Conseil d'État de la République populaire de Bulgarie. Cette visite marqua le début d'un échange de vues ouvert et jeta pour ainsi dire les bases d'une recherche commune et non stérile de solutions pour divers problèmes concernant les rapports entre l'Église et l'État en Bulgarie.
C'est avec attention, Monsieur le Ministre, que je suis le progrès social, culturel et spirituel du noble peuple bulgare, justement attaché à son histoire et à ses traditions, qui déterminent son identité et sont à la base de sa souveraineté nationale. Comme pasteur universel de l'Église catholique, il ne m'échappe pas que le nombre de ses fils — de rites latin et byzantin — se trouvant en Bulgarie est assez réduit.
Toutefois, je suis heureux de savoir non seulement qu'ils restent fidèles à leur Église, mais aussi qu'ils donnent l'exemple dans l'accomplissement de leurs devoirs de citoyens et qu'ils apportent leur contribution efficace au développement de la nation à laquelle ils sont fiers d'appartenir. Ceci est à mes yeux une conséquence naturelle du riche héritage spirituel et culturel transmis au peuple bulgare par les saints Cyrille et Méthode. Grâce aux fondements établis par ces deux apôtres, et aussi à l'admirable témoignage de tant d'autres évêques et prêtres, il a été possible de montrer que la foi chrétienne et la culture, loin d'être étrangères l'une à l'autre ou de s'opposer, s'enrichissent mutuellement. C'est pour cette raison que je regarde avec intérêt les diverses initiatives prises conjointement par les organismes de Bulgarie et du Vatican désignés à cet effet, en vue de favoriser des actes de collaboration concrète dans le domaine culturel.
Je me réjouis, Monsieur le Ministre, des progrès déjà réalisés pour donner à l'Église catholique en Bulgarie la possibilité d'accomplir les tâches qui lui sont confiées et je souhaite vivement que puissent être résolues avec satisfaction les questions encore en cours d'examen. Vous savez que l'Église catholique — même en Bulgarie — ne cherche pas à obtenir des privilèges ; mais elle a besoin, comme partout ailleurs, d'espace vital pour remplir sa mission religieuse et aussi pour pouvoir travailler — selon sa nature spécifique et avec les moyens qui lui sont propres — au développement intégral et pacifique de tout l'homme et de tous les hommes.
Notre pensée va aussi aux pasteurs et aux fidèles de la vénérable Église orthodoxe bulgare dont j'évoque avec plaisir et reconnaissance la participation, par l'envoi d'une délégation spéciale, à la cérémonie d'inauguration de mon pontificat.
Vous voudrez bien, Monsieur le Ministre, transmettre mes vœux sincères à M. le Président de la République de Bulgarie. Je suis heureux de vous exprimer aussi, à l'intention de tout le peuple bulgare qui m'est si cher, mes souhaits de paix et de prospérité matérielle et spirituelle, dans la justice et dans l'amour fraternel.
14 décembre 1978
Le pape a reçu en audience solennelle, le jeudi 14 décembre, S. Exc. M. Christophe de Kallay, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de l'Ordre souverain militaire de Malte venu lui présenter ses lettres de créance. Après l'échange des discours qui eurent lieu en français, M, de Kallay s'est rendu en visite près du cardinal Jean Villot, secrétaire d'État, puis ensuite à la basilique Saint-Pierre pour y adorer le Saint-Sacrement et prier à l'autel de la Vierge et sur le tombeau de Pierre.
Monsieur le Ministre,
Assez souvent, mes prédécesseurs ont eu l'occasion de recevoir une délégation de l'Ordre souverain et militaire de Malte et de lui exprimer leur satisfaction et leurs encouragements. Mais il y a longtemps qu'un nouvel envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire auprès du Saint-Siège n'avait présenté ici ses lettres de créance. Je suis donc particulièrement heureux de souhaiter la bienvenue à Votre Excellence et de lui offrir mes vœux les meilleurs pour l'accomplissement de la mission qu'elle inaugure aujourd'hui.
Vos paroles, pleines de noblesse, viennent d'évoquer l'histoire presque millénaire d'une fidélité sans faille à l'égard du Siège apostolique, dans le souci d'assurer inséparablement la défense de la foi et le service du prochain.
Bien des éléments du passé ont disparu, vous l'avez souligné. Mais la charité, comme le dit magnifiquement saint Paul, demeure pour toujours, elle qui unit indissolublement ici-bas l'amour de Dieu et celui de nos frères et particulièrement celui des membres souffrants de Jésus-Christ. Tel est le fondement de votre action, inspirée de l'Évangile, et qui exige des chevaliers de Malte les qualités de vie spirituelle qui lui donnent tout son sens et sa fécondité.
En recevant votre prédécesseur au milieu de la dernière guerre mondiale, le grand pape Pie XII soulignait l'aide apportée par l'Ordre à tant de victimes innocentes du conflit. Sont-elles moins nombreuses maintenant ? Vous savez que les misères à soulager n'ont pas diminué. Comment donc ne pas encourager encore solennellement aujourd'hui tous ceux que vous représentez ici désormais à chercher à se donner sans cesse davantage, voyant toujours dans les hôpitaux, les léproseries et les multiples lieux où leur dévouement trouve à se prodiguer, un service du Christ lui-même, lui qui, Pie Xll vous le rappelait aussi, « de riche qu'il était s'est fait pauvre, afin de nous enrichir par son indigence » (2 Co 8, 9).
Cette leçon doit nous être particulièrement chère en ces jours qui nous rendent toute proche la célébration de la Nativité. C'est pourquoi je forme les vœux les meilleurs pour que l'Ordre souverain militaire et hospitalier de Malte continue de remplir sa haute mission, et je demande au Seigneur de combler de ses grâces le Prince et Grand Maître, les Chevaliers et les Dames de l'Ordre, et particulièrement Votre Excellence, en accordant de grand cœur à tous la bénédiction apostolique.
16 décembre 1978
Le pape au Conseil du Synode
Le pape a reçu le samedi 16 décembre les membres du Conseil du secrétariat du Synode qui venaient de terminer une session de travail. Voici la traduction du discours prononcé en latin par Jean Paul II :
Qu'il me soit donné de m'entretenir aujourd'hui avec vous me remplit d'une très grande joie. En effet, le Conseil du secrétariat général du Synode des évêques est une assemblée qui m'est chère et familière ; c'est un milieu dans lequel j'ai moi-même grandi, si je puis dire. Qu'il me soit permis de rappeler qu'après la dernière session du mois d'octobre 1977 du Synode des évêques, j'ai été de nouveau élu membre de ce même Conseil pour une période de trois ans.
Si, du fait d'une autre décision, prise par le Collège des cardinaux le 16 octobre de cette année, mon mandat a expiré, je me sens pourtant intimement lié à ce Conseil ; c'est pourquoi — on aime à répéter une chose agréable — je me réjouis d'une façon particulière de vous voir. Ce que vous représentez fait partie — et c'est sans doute une part qui n'est pas des moindres — de mon expérience personnelle.
Cette expérience est, en effet, la manifestation véritable de la doctrine du Concile Vatican II sur la collégialité des évêques. Cette collégialité qui est réclamée, toujours davantage, par la vie même de l'Église de ce temps.
C'est ce que dans son premier discours, Jean Paul Ier a répété quand il a dit ces paroles : « nous saluons tous les évêques de l'Église de Dieu qui "chacun... représentent leur Église, mais tous, avec le pape, représentent l'Église tout entière en un lien de paix, d'amour et d'unité" (Lumen Gentium, 23) et nous voulons fortement renforcer leur collégialité » (AAS, 70, 1978, p. 696-697) ; ceci, quelques semaines après, a été confirmé par son successeur dans sa première allocution, et précisément pour que soit considéré plus hautement ce que comporte le lien de la collégialité. Par ce lien, les évêques sont intimement liés au successeur du bienheureux Pierre et ils sont associés entre eux pour l'accomplissement des nobles tâches qui leur sont confiées : éclairer par la lumière de l'Évangile, sanctifier par les instruments de la grâce, gouverner par leur conduite pastorale tout le peuple de Dieu. Cette collégialité touche sans aucun doute au progrès convenable des institutions, en partie anciennes, en partie conformes aux nécessités actuelles, par lesquelles s'obtient la plus grande unité possible des cœurs, des projets, des initiatives pour opérer la construction du corps du Christ. Et à ce propos, nous faisons mention en tout premier lieu du Synode des évêques » (AAS, 70, 1978, p. 922).
Le principe, énoncé à propos de la collégialité par le Concile peut, sans aucun doute, être exposé et être réalisé de multiples façons. Mon illustre prédécesseur Paul VI a traité de ce sujet avec les Pères réunis en 1969 pour un Synode extraordinaire et il leur a dit : « Nous avons montré pensons-nous, à quel point nous désirions que cette collégialité soit effectivement réalisée dans la vie active soit par l'institution du Synode des évêques, soit par l'approbation des Conférences épiscopales, soit en choisissant pour les charges spécifiques de notre Curie romaine certains de nos frères dans l'épiscopat et certains pasteurs, résidant dans les territoires de leurs diocèses. Si la grâce d'en haut nous vient en aide et si notre entente fraternelle rend nos difficultés mutuelles plus faciles, l'exercice de cette collégialité pourra être prorogé sous d'autres formes canoniques... Le Synode... servira à mettre en lumière, en accord avec les formes canoniques, ce qu'est et comment s'accroît la collégialité des évêques et, en même temps, il pourra également corroborer les institutions du Concile Vatican I et du Concile Vatican II au sujet du pouvoir du successeur de saint Pierre et de ce même Collège des évêques avec le Souverain Pontife à sa tête » (AAS, 61, 1969, p. 717-718).
Toutes les sessions passées ont mis en œuvre ces réalités, car elles possèdent une force extrême pour réaliser dans l'activité même de la vie le projet de renouvellement de l'Église qui est inclus dans la doctrine du Concile Vatican II.
C'est ce qu'enseignent clairement les sujets dont il a été traité au cours des deux dernières sessions ordinaires du Synode des évêques : la question principale qui est pour ainsi dire la charnière de tout l'ensemble est, nous semble-t-il, l’évangélisation, immédiatement suivie par la catéchèse, celle-ci conduisant celle-là à sa réalisation. Le fruit du Synode, célébré en 1974, a été l'exhortation apostolique de Paul VI Evangelii nuntiandi. Quant au résultat du Synode de Tannée 1977, il n'a pas encore été divulgué par une publication. J'espère toutefois que ceci sera fait au cours de la première partie de Tannée prochaine. Certes nous avons de l'ouvrage avec des documents de ce genre qui naissent de l'activité féconde mais parfois difficile de la vie de l'Église et qui à leur tour apportent à cette même vie une sorte de ferment nouveau.
Vous êtes certainement persuadés de la grande importance du sujet qui est proposé au Synode de Tannée 1980 et qui est défini ainsi : « Les fonctions de la famille chrétienne dans le monde contemporain ». Assurément ce thème n'est pas séparé de ceux qui l'ont précédé, au contraire il s'engage pour ainsi dire dans le même sillon. Il faut cependant être attentif au fait que la famille n'est pas seulement « l'objet » de l’évangélisation et de la catéchèse, mais qu'elle en est elle même et très puissamment le « sujet fondamental ». Ceci ressort de toute la doctrine du Concile Vatican II sur le peuple de Dieu et sur l'apostolat des laïcs. Elle est vraiment comme le lieu principal où cette doctrine se transforme en action pratique et où, par conséquent, s'exerce le renouveau de l'Église selon l'esprit de ce Concile.
Vous avez donc, vénérables Frères, un grand labeur à entreprendre et à poursuivre. Je vous remercie beaucoup de votre zèle ; en tout premier lieu, je remercie le secrétaire général du Synodes des évêques, Ladislas Rubin, évêque titulaire de Sertensis, et ensuite chacun des excellents membres du Conseil du secrétariat général. Et je ne veux pas oublier les experts et les fonctionnaires qui remplissent leur charge dans ce même secrétariat. Je vous confirme tous et je vous exhorte à poursuivre votre noble tâche qui dans ce temps doit contribuer à donner à l'Église une nouvelle vigueur et un plus grand accroissement.
Enfin, je vous embrasse dans un sentiment d'amour tout spécial et je vous accorde volontiers la bénédiction apostolique comme gage de l'aide de Dieu.
17 décembre 1978
Le discours du pape pour l'inauguration de l'école Saint-Paul
A vous tous ici présents, très chers fils, j'adresse un salut particulièrement cordial pour le chaleureux accueil que vous m'avez réservé !
Je suis heureux, et en même temps honoré, de me trouver au milieu de vous pour inaugurer cette « école professionnelle Saint-Paul » qui a été conçue et voulue par mon grand prédécesseur Paul VI. C'est lui — et non moi — qui aurait dû venir ici, à ma place, pour couronner un vif intérêt personnel à l'égard de cette œuvre de haute valeur sociale, projetée en 1974 et aujourd'hui heureusement terminée.
Ceci est un des monuments les plus vivants et les plus significatifs érigés par Paul VI à l'égard de la promotion humaine, entendue comme conséquence nécessaire d'une adhésion à l'Évangile vécue, dans toute sa plénitude. Avec un réel esprit d'amour concret aux effets durables, Paul VI a pensé aux besoins du populeux quartier Ostiense et surtout à ses nombreux jeunes. D'accord avec les autorités compétentes du Latium, le choix porta sur un type particulier d'école et de construction, puis il fut procédé à l'érection d'un institut qui, avec sa capacité d'accueil de cinq cents élèves, est parfaitement en mesure de satisfaire aux besoins locaux d'enseignement professionnel pour mécaniciens, électriciens et électro-techniciens. Comme vous le savez, c'est Paul VI lui-même qui a pris à sa charge le coût de réalisation de ce complexe, vaste et fonctionnel. L'édifice comme l'équipement de choix sont un don magnifique de ce pape insigne qui savait bien, comme nous l'enseigne l'apôtre Paul que « la foi opère par la charité » (Ga 5, 6). De leur côté, les très méritants pères joséphites de Murialdo qui dirigent déjà l'Oratoire Saint-Paul voisin y apportent leur appréciable gestion en qualité d'experts éducateurs de la jeunesse.
Je suis ici aujourd'hui pour rappeler et reconnaître tout cela, pour honorer et louer celui qui a vraiment fait briller ses bonnes œuvres aux yeux des hommes (cf. Mt 5, 16) et pour inviter les Familles du quartier et spécialement les élèves de l'école à bénir la mémoire du Saint-Père Paul VI qui, comme Jésus, « passa en faisant le bien » (Ac 10, 38). Je suis ici également pour vous dire que je partage entièrement ces bonnes intentions. Sachez donc que, même si Paul VI n'est plus parmi nous, le nouveau pape fait proprement sienne son initiative et prie le Seigneur pour qu'il veuille bien l'aider à poursuivre avec le même zèle inlassable la même œuvre de charité efficace, principalement en faveur des plus nécessiteux.
Il ne me reste plus maintenant qu'à formuler des vœux fervents pour tous les jeunes qui viennent ici apprendre un métier pour la vie. Je sais que l'année scolaire s'est ouverte déjà en octobre dernier. Mais il est encore temps pour vous recommander d'apprendre ici non seulement un travail spécialisé, utile à vous-mêmes et à votre subsistance, mais encore et surtout d'y apprendre la dimension de l'amour chrétien fraternel qui sait donner et se donner, de manière à apporter à la société de notre temps une contribution non seulement matérielle, mais aussi d'édification spirituelle et intérieure, sans quoi tout serait défectueux et passager.
En particulier, je vous recommande, en cette période aussi précieuse de votre jeunesse, si décisive aussi pour la maturation de votre personnalité, de vous consacrer généreusement à votre formation religieuse autant qu'à votre formation humaine et professionnelle.
Que ma plus cordiale bénédiction apostolique vous accompagne tous : étudiants, enseignants et tous ceux qui prêtent ici leur œuvre et ont collaboré à la réalisation de ce centre, afin que cette école se développe et porte des fruits dignes de son vénéré fondateur, moyennant l'apport de tous et la nécessaire grâce de Dieu.
19 décembre 1978
Le pape aux évêques de l'Europe
Le Saint-Père a reçu en audience le mardi 19 décembre les membres du Conseil de la Conférence épiscopale d'Europe, réunis en session à Rome sous la présidence de Mgr Roger Etchegaray, archevêque de Marseille. Après avoir écouté le message que lui a adressé ce dernier, le pape a parlé à ses auditeurs dans les termes suivants :
Chers Frères,
Je suis très heureux de vous recevoir, car j'attribue une grande importance à ces réunions plénières de votre Conseil, auxquelles participent des évêques délégués par chacune des Conférences épiscopales de l'ensemble du continent européen.
1. Cette collaboration s'effectue conformément aux statuts qui ont été canoniquement approuvés par le Saint-Siège, le 10 janvier 1977. Elle consiste à échanger régulièrement des informations, des expériences et des points de vue sur les principaux problèmes pastoraux qui se posent dans vos pays. Elle vous amène aussi à assumer ensemble des devoirs qui prennent une dimension européenne.
C'est l'une des façons d'incarner la collégialité dans le cadre de laquelle l'enseignement du Concile Vatican II peut porter tous ses fruits. La collégialité signifie ouverture réciproque et coopération fraternelle des évêques au service de l’évangélisation, de la mission de l'Église. Une ouverture et une coopération de ce genre sont nécessaires, non seulement au niveau des Églises locales et de l'Église universelle, mais aussi au niveau des continents, comme en témoignent la vitalité d'autres organismes régionaux — même si les statuts sont un peu différents — tels que le Conseil Episcopal Latino-Américain (C.E.L.A.M.), le Symposium des Conférences Episcopales d'Afrique et de Madagascar (S.C.E.A.M.) ou la Fédération des Conférences des Evêques d'Asie (F.A.B.C.), pour ne citer que ces grandes Assemblées. Le pape ;et le Saint-Siège se font un devoir de promouvoir de tels organismes, aux divers échelons de coopération collégiale, étant; entendu que les instances régionales ou continentales ne se substituent pas à l'autorité de chaque évêque ni de chacune des Conférences épiscopales pour ce qui est des décisions et qu'elles situent leur recherche dans le cadre des orientations plus générales du Saint-Siège, en liaison étroite avec le successeur de Pierre. Et dans le cas présent, la dimension européenne apparaît au pape très importante et même nécessaire.
2. Le Conseil des Conférences Episcopales d'Europe (C.C.E.E.), parmi ses nombreux échanges et activités, a pris une initiative importante : il organise, tous les trois ans un symposium des évêques d'Europe. Le symposium prévu pour cette année n'a pu avoir lieu à cause de la mort de mes deux prédécesseurs et des conclaves qui ont suivi ; la préparation se poursuit sur le thème : la jeunesse et la foi. C'est un thème très important : il faut l'aborder avec beaucoup d'objectivité et avec l'espérance des apôtres qui savent que le message du Christ peut et doit toucher les jeunes de chaque génération.
J'ai eu la chance de participer au symposium de 1975 et d'y prononcer une conférence. Je désire rappeler au moins quelques-unes des pensées qu'avait alors exprimées Paul VI en nous recevant. Il s'agissait de pensées regardant l'Europe, son héritage chrétien et son avenir chrétien. Il nous invitait à « réveiller l'âme chrétienne de l'Europe où s'enracine son unité » ; à purifier et à ramener à leur source les valeurs évangéliques encore présentes mais comme désarticulées, axées sur des objectifs purement terrestres ; à réveiller et fortifier les consciences à la lumière de la foi prêchée à temps et à contre-temps ; à faire converger leur flamme par-dessus toutes les barrières... (cf. AAS, 67, 1975, p. 588-589).
Paul VI, dans la ligne de ces pensées, a établi saint Benoît comme patron de l'Europe, et désormais, le quinzième centenaire de la naissance de ce grand saint se fait proche.
3. L'Europe n'est pas le premier berceau du christianisme. Même Rome a reçu l'Évangile grâce au ministère des apôtres Pierre et Paul, qui sont venus ici de la patrie de Jésus-Christ Mais, de toute façon, il est vrai que l'Europe est devenue, durant deux millénaires, comme le lit d'un grand fleuve où le christianisme s'est répandu, rendant fertile la terre de la vie spirituelle des peuples et des nations de ce continent. Et sur cette lancée, l'Europe est devenue un centre de mission qui a rayonné vers les autres continents.
Le Conseil des Conférences épiscopales d'Europe constitue une représentation particulière des épiscopats catholiques de l'Europe. Nous devons souhaiter que tous les épiscopats soient pleinement représentés dans cette organisation, avec la possibilité d'y participer effectivement. C'est seulement dans ces conditions que l'analyse des problèmes essentiels de l'Église et du christianisme peut être complète. Il s'agit bien des problèmes de l'Église et du christianisme, abordés aussi dans une perspective œcuménique. Car s'il est vrai que toute l'Europe n'est pas catholique, elle est presque toute chrétienne. Votre Conseil doit devenir en quelque sorte la pépinière où s'exprime, se développe et mûrit, non seulement la conscience de ce que le christianisme était hier, mais la responsabilité de ce qu'il doit être demain.
C'est dans ces sentiments que je vous présente mes vœux de Noël et du nouvel An, à l'intention de chacun d'entre vous, de votre Conseil, de tous les épiscopats que vous représentez et de toutes les nations de ce continent, auquel la Providence a lié l'histoire du christianisme d'une façon aussi éloquente.
20 décembre 1978
Jean Paul II et les jeunes
La présence des fidèles à l'audience du 20 décembre a été, une fois de plus, si nombreuse qu 'il a fallu de nouveau grouper dans la Basilique vaticane les quelque dix mille jeunes et dans l'« Aula del Nervi » les douze mille visiteurs provenant de divers pays du monde. Et une fois de plus, à Saint-Pierre, l'enthousiasme des jeunes a explosé de la manière la plus sonore: « Basta con il chiasso ! » a dû dire Jean Paul II, « Cela suffit pour le vacarme ». Et quand, enfin, un silence tout relatif a régné, le Saint-Père a prononcé le discours suivant :
Chers garçons et filles, chers jeunes,
Ce mercredi, également, a lieu l'habituelle mais cordiale et significative rencontre, dans cette Basilique vaticane, entre le pape et vous tous, si nombreux, joyeux et éloquents avec vos visages pleins de vie et vos hommages affectueux.
Le pape, qui représente la jeunesse de Jésus et de l'Église, est toujours heureux de rencontrer ceux qui sont l'expression de la jeunesse de la vie et de l'humanité !
II existe donc entre nous une affinité d'esprit ; il s'affirme comme Une exigence de nous entretenir comme de vrais amis ; il se révèle un goût de communiquer joie, espérance, idéal : émerge vif et spontané le désir du dialogue qui, de la part du pape se concrétise en enseignement de la vérité et de la bonté, en exhortations et encouragements, en bienveillance et en bénédiction ; tandis que de votre part, enfants et jeunes, il se manifeste dans l'accueil libre et volontaire de ces enseignements paternels ; il s'exprime dans la promesse de réaliser ce qui vous est demandé ; il se concrétise dans l'engagement d'être parmi ceux de vôtre âge les témoins de la vraie joie qui fleurit dans les cœurs bons, purs, riches de la grâce du Seigneur.
Aujourd'hui, nous désirons attirer votre attention sur cette grâce qui, d'une manière toute particulière et émouvante, se manifeste dans l'Incarnation du Verbe de Dieu, c'est-à-dire dans la naissance temporelle de Jésus ; nous le faisons pour que vous aussi, contemplant le grand mystère d'amour et de lumière qui rayonne de l'Enfant céleste, vous puissiez, comme les bergers de Bethléem, retourner chez vous remplis de joie, rendant grâce à Dieu, là-haut dans les cieux, pour le don ineffable de son Fils Unique fait aux hommes, et communiquant cette même joie également aux autres.
« La venue du Seigneur est proche. » La liturgie nous le répète ces jours-ci, avec des accents toujours plus vibrants et émus. Nous devons dire, sincèrement, que si le cœur se réjouit à cette annonce, l'esprit se pose cette question : « Pourquoi le Seigneur vient-il à nous ? » Je réponds à cette question en reprenant et en complétant le discours sur l'Avent, commencé la semaine dernière. Dans ce discours, j'ai traité trois grandes vérités fondamentales : Dieu qui crée et, en même temps, dans cette création se révèle lui-même ; l’homme créé à l'image et à la ressemblance de Dieu « reflète » Dieu dans le monde visible créé ; Dieu accorde sa grâce, c'est-à-dire veut que « tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité ». Il veut que tout homme participe à sa vérité, à son amour, à son mystère, afin qu'il puisse prendre part à sa vie divine elle-même.
Quel merveilleux destin ! Toujours vivre de Dieu et avec Dieu pour être heureux avec lui dans l'éternité.
Mais Dieu ne nous veut pas sauvés et heureux, de manière inconsciente ou forcée ; il exige notre collaboration libre et consciente, nous mettant en face de l’« arbre de la science du bien et du mal », c'est-à-dire qu'il nous propose un choix, qu'il exige de nous une preuve de fidélité.
Nous n'ignorons pas qu'Adam et Eve d'abord, puis leurs descendants, suivant leur néfaste exemple, ont connu plus « la science du mal » que celle du bien. Et ainsi fit son apparition dans le monde le péché originel, commencement et symbole de tant de péchés, de ruine immense, de mort physique et spirituelle. Le péché ! Le catéchisme nous dit qu'il est une transgression au commandement de Dieu. Nous savons bien qu'avec le péché on offense le Seigneur, on brise l'amitié avec lui, on perd sa grâce, on s'écarte du bon chemin, on marche vers la ruine. Avec ses commandements, Dieu nous enseigne pratiquement comment il faut se comporter pour vivre de manière digne, humaine, sereine ; ses commandements nous inculquent le respect des parents et des supérieurs (le quatrième), le respect de la vie dans toutes ses manifestations (le cinquième), le respect du corps et de l'amour (le sixième), le respect des biens d'autrui (le septième), le respect de la vérité (le huitième). Le péché est d'ignorer, de fouler aux pieds, de transgresser ces règles utiles et sages que le Seigneur nous a données : voilà pourquoi il est désordre et ruine ! En effet, avec tant de « voix » en nous et hors de nous, il nous tente, c'est-à-dire qu'il nous pousse à ne pas croire en Dieu, à ne pas écouter ses paternelles invitations, à préférer nos caprices à son amitié. En commettant le péché, nous sommes loin de Dieu, contre Dieu, sans Dieu !
L'Avent nous dit que le Seigneur vient « pour nous et pour notre salut », c'est-à-dire pour nous libérer du péché, pour nous rendre son amitié, pour éclairer notre esprit de sa lumière et réchauffer notre cœur avec son amour.
La venue de Jésus est toute proche ; la nuit de Noël, allons à sa rencontre pour lui dire un « merci » sincère et ému, et lui demander la force de nous tenir toujours à distance du péché et de demeurer constamment fidèles à son amour infini.
Nous ne saurions vous quitter sans vous adresser un cordial souhait paternel : que l'Enfant de Bethléem et sa — et notre — très douce Mère, vous sourient et vous comblent, vous et ceux qui vous sont chers, des dons de joie, de paix et de prospérité, et vous accordent enfin sa céleste bénédiction dont la mienne est le prélude et le signe.
21 décembre 1978
Le 21 décembre, le Saint-Père a reçu en audience officielle S. Exc. M. José Manuel Watson Diez, nouvel ambassadeur du Panama près le Saint-Siège venu lui présenter les lettres qui l'accréditent dans ses hautes fonctions. Il était accompagné de M. Porfirio Castillo Melendez.
Après l'échange des discours et l'entretien privé entre le pape et le nouvel ambassadeur, celui-ci a été reçu par le cardinal-secrétaire d'État Jean Villot. Puis il s'est rendu à la basilique Saint-Pierre pour se recueillir à l'autel du Saint-Sacrement et prier, successivement, à la chapelle de la Vierge Marie et sur le tombeau de saint Pierre. Voici, en traduction, le discours prononcé par Jean Paul II :
Monsieur l'Ambassadeur,
Au moment de
recevoir les lettres qui vous accréditent comme ambassadeur extraordinaire et
plénipotentiaire du Panama près le Saint-Siège, je veux avant tout souhaiter de
la manière la plus cordiale à Votre Excellence la bienvenue en ce centre du
catholicisme où commence aujourd'hui la mission que vous a confiée M. le
Président de votre pays à qui je désire adresser mon déférent salut.
Sachez dès à présent, Monsieur l'Ambassadeur, que dans la haute fonction que vous avez assumée, vous pourrez compter sur ma cordiale bienveillance et ma ferme volonté de favoriser autant qu'il est possible votre tâche pour qu'elle soit profitable et contribue efficacement à resserrer les liens solides de mutuelle estime et collaboration qui unissent le Panama au Saint-Siège.
Dans cette perspective, la présence ici de Votre Excellence me fait entrevoir, au-delà de votre digne personne, le pays que vous représentez, avec sa position géographique privilégiée, son immense trésor de culture, d'histoire et de riches traditions ; et me rend présent, surtout, un peuple noble et généreux dans lequel l'Église a enfoui des racines profondes et dont la bienfaisante influence a largement contribué à former sa propre identité, comme peuple et comme nation.
Je vous remercie, Monsieur l'Ambassadeur, d'avoir témoigné publiquement votre reconnaissance pour l'œuvre que l'Église a menée à bien en faveur de votre pays et d'avoir bien voulu l'évoquer avec d'éloquentes paroles. C'est une reconnaissance que l'Église et le Saint-Siège traduisent en intentions de service continu et désintéressé pour que la société panaméenne s'imprègne toujours plus de ces valeurs supérieures qui rendent la vie communautaire plus féconde, plus solidaire et fraternelle. Avec des horizons de croissante dignité humaine toujours ouverte aux espérances et aux aspirations les plus élevées de l'homme. Car on ne pourra réaliser une organisation temporelle plus parfaite si ce progrès ne s'accompagne d'un égal essor spirituel (cf. Gaudium et Spes, 4).
Monsieur l'Ambassadeur, je recommande au Très-Haut ces intentions de même que les vôtres personnelles et familiales. En même temps, j'envoie à tous les chers fils de Panama mon affectueux souvenir auquel je joins les meilleurs vœux de paix, de bien-être, de progrès chrétien, dans un climat de sereine entente et d'activé collaboration avec les pays voisins et ceux du monde entier.
21 décembre 1978
Le pape à la commission de Bienfaisance du Crédit Artisanal Italien
Très chers Fils,
Je vous exprime très cordialement ma satisfaction pour cette rencontre qui se rattache d'une manière idéale à celles qu'a eues avec vous mon prédécesseur Paul VI, de vénérée mémoire ; déjà comme archevêque de Milan, il avait eu la chance de connaître votre institution, ses objectifs, ses réalisations.
1. Votre œuvre, qui existe désormais depuis trente-deux ans, fut créée dans un but non uniquement et exclusivement économique, mais bien bénéfique : les fruits des diverses initiatives étaient destinées au développement des œuvres catholiques. L'aspect intéressant et, pourrait-on dire, exemplaire de votre action est que celle-ci, même dans le jeu des lois économiques, veut et doit, en tout premier lieu et de manière absolument cohérente, respecter l'éthique professionnelle et la loi de Dieu, particulièrement en ce qui concerne la justice dans sa signification la plus globale.
Mais vos initiatives vont au-delà. Vous inspirant de la conception chrétienne de la vie et des relations entre les hommes, vous refusez de vous laisser enchaîner par la simple logique individualiste du gain et du profit, mais prétendez donner une application concrète à l'enseignement du Concile Vatican II qui a synthétisé la tradition chrétienne et l'enseignement du Magistère : « Dieu a destiné la terre et tout ce qu'elle contient à l'usage de tous les peuples et de tous les hommes, en sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon la règle de la justice, inséparable de la charité » (Const. Gaudium et Spes, n. 69).
2. A mes éloges sincères, je joins un souhait cordial. Malgré de grands et réels progrès, le monde d'aujourd'hui a tant besoin encore de solidarité, de coparticipation parce qu'il s'y trouve encore tant de pauvreté et de misère : nombreux sont ceux de nos frères et sœurs qui endurent la faim, la soif, les maladies de tout genre ; qui n'ont pas encore d'habitation décente, conforme à la dignité de la personne humaine. Il reste donc encore beaucoup d'espace pour la charité, pour la « bienfaisance », considérée et vécue non comme le geste orgueilleux de celui qui, satisfait de sa propre richesse, fait tomber ostensiblement une poignée de monnaies dans le trésor du temple, mais comme le don discret et humble de la «pauvre veuve» de l'Évangile donnant les deux piécettes qui étaient tout son avoir (cf. Mc 12, 41-44 ; Lc 21, 1-4). La charité, dit saint Paul « ne manque pas de respect, ne cherche pas son intérêt » (1 Co 13, 5).
3. Très chers Fils, allez de l'avant sur cette voie qui est celle de l'Évangile : celui-ci doit demeurer toujours la base solide et sûre de votre comportement individuel et social. Que votre profession soit toujours éclairée et guidée par la lumière de la foi, qu'elle s'exprime et se traduise en cohérent témoignage de vie chrétienne.
Avec ces vœux, je vous donne bien volontiers, à vous, à tous les membres du Crédit Artisanal et à leurs familles, une spéciale bénédiction apostolique.
22 décembre 1978
Discours au Sacré Collège
Le 22 décembre dernier le Saint-Père a reçu, pour la traditionnelle présentation des vœux de Noël, le Sacré Collège des Cardinaux, la Famille Pontificale, la Curie et la Prélature Romaine. Voici la traduction du discours prononcé par le Saint-Père, en réponse à l'adresse d'hommage lue par le Cardinal Secrétaire d'Etat Jean Villot et préparée par le Cardinal Doyen Carlo Confalonieri, retenu chez lui par une légère indisposition :
Chers Frères du Sacré Collège et vous, Fils de l’Eglise Romaine !
1. Aux paroles qui viennent de m'être adressées en votre nom à tous ici présents je ne puis répondre qu'en ternies très brefs, mais chargés d'intense affection : un très vif merci. Oui, merci parce que votre visite à la veille de la sainte fête de Noël, n'est pas un simple geste protocolaire inspiré par une traditionnelle coutume, si gentille soit-elle, mais un acte riche d'une telle chaleur de sentiment qu'il constituerait pour moi une nouvelle preuve si c'était nécessaire — mais ce n'est pas nécessaire — du fait que, élu Pape il y a deux mois à peine, quittant ma bien-aimée terre de Pologne et mon diocèse de Cracovie, j'ai eu en échange une autre terre ici à Rome et une Eglise aussi vaste que le monde.
Noël est la fête des affections domestiques ; auprès de l'Enfant Jésus venu comme notre frère, il est un retour à notre naissance même et, par un itinéraire intérieur, aux racines primordiales de notre existence, entourée des chères figures de nos parents, de nos familles et de nos compatriotes. C'est pourquoi Noël est une invitation à penser à notre naissance, dans le caractère concret des circonstances particulières à chacun. Il est naturel pour moi de retourner par la pensée, sur les ondes de suggestifs souvenirs, à ma maison et à ma ville de Wadowice, comme il est naturel pour chacun de vous de retourner à la chaleur du foyer.
Mais voilà que votre présence prévenante et dévouée ici ce matin vient s'entrelacer avec mes pensées personnelles et privées et, étouffant .presque l'irrépressible émotion, me ramène à une autre réalité, bien, plus élevée : je parle de la nouvelle réalité survenue en moi à la suite du choix que, précisément vous, Messieurs les Cardinaux et les autres confrères épars dans le monde avez fait le 16 octobre, ce jour pour moi fatidique. « Vos estis corona mea », vous dirai-je après l'Apôtre (cf. Ph 4, 1) : vous avez élargi le cercle de ma famille et vous êtes devenus pour moi, à un titre tout à fait spécial, des « parents » selon cette communion transcendante — mais très réelle et créatrice de liens aussi solides que ceux de la famille humaine — qui s'appelle et qui est la vie ecclésiale.
Merci donc pour cette présentation chorale de vœux et souhaits que vous m'offrez, non seulement vous mais aussi tous ceux que vous représentez. Je les échange « toto corde », souhaitant pour chacun de vous et pour tous ceux qui vous sont unis une abondante effusion de la grâce surnaturelle et de la bienveillance très humaine de notre Sauveur Jésus Christ (cf. Tt 2, 11).
2. Je sais que mon Prédécesseur Paul VI de vénérée mémoire, au cours des rencontres semblables qu'il eut dans cette même Salle durant les quinze années, laborieuses et lumineuses, de son Pontificat, a toujours préféré porter le regard sur les devoirs de sa mission pastorale. Il avait l'habitude de rappeler les faits saillants de l'Église et du monde, non seulement pour alimenter d'éléments précis son entretien avec ses collaborateurs les plus qualifiés, mais aussi « pour faire le point » sur la situation par un examen attentif des événements les plus récents.
Une telle occasion s'offre à moi aujourd'hui, d'une façon en même temps semblable et différente, mais probablement plus facile... Que s'est-il passé cette année ? Et plus exactement : que s'est-il passé depuis cette nuit du 6 août où un insigne Pontife a fermé les yeux sur la scène du monde pour les ouvrir à la lumière du ciel, où il est entré pour recevoir la récompense du bon et fidèle Serviteur (cf. Mt 25, 21) ? Les événements sont bien connus et il n'est certainement pas nécessaire de les rappeler, et moins encore devant vous, qui en avez été non seulement les spectateurs, mais aussi les acteurs et, dans une large mesure, les protagonistes. Aucun de nous — dirais-je avec le disciple d'Emmaûs — « est étranger à Rome au point d'en ignorer ce qui s'y est passé ces jours derniers » (Lc 24,18).
En termes journalistiques ou bureaucratiques, on a parlé d'une relève ou plutôt d'une double relève au sommet de l'Eglise, si bien qu'en un an — comme on l'a observé — il y a eu trois Papes ! Objectivement, c'est vrai, mais ceci n'épuise pas en tout cas le discours sur la succession au Siège Apostolique survenue ni sur ce que cette succession contient de plus substantiel et déterminant : je parle du formidable héritage du ministère même de Pierre tel qu'il s'est présenté concrètement sous l'étreinte de ces années cruciales sous le Pontificat de Paul VI, et tel qu'il s'est en même temps enrichi, durant les assises conciliaires de germes et de substances de requêtes rénovatrices et d'orientations programmatrices.
II importe d'ajouter que le bref mais intense service du Pape Jean Paul 1er a également marqué cet héritage déjà complexe, lui apportant une note pastorale plus définie. Si bien que moi qui ai été appelé à le recueillir, je ressens chaque jour le poids vraiment énorme de si grandes responsabilités.
Est-ce alors le cas de parler de sommets et de pouvoirs ? Oh non, Frères : le service de Pierre — comme je l’ai dit en la Chapelle Sixtine le lendemain de mon élection — est essentiellement un engagement de dévouement et d'amour. Tel veut être en effet mon humble ministère.
Et pour ceci je trouve la force surtout dans la certitude, ou mieux dans ma foi inébranlable dans la puissance de Jésus-Seigneur qui a promis à son Eglise une indéfectible assistance (cf. Mt 28, 20), et à son Vicaire murmure doucement, comme et plus qu'à tous les autres Pasteurs : « Modificaefidei, quare dubitasti ? » (Mt 14, 31). Mais je suis aussi soutenu par la coopération que vous m'offrez, vous et dont j'ai déjà eu confirmation en tant d'occasions et d'une manière si efficace et quotidienne durant cette première période de mon pontificat. Et c'est ici que je reprends le discours des souhaits pour conclure par une invitation renouvelée à élever vos prières pour moi. Que la communion dans la prière et dans la charité soit, intentionnellement aussi, la première forme de votre précieuse collaboration.
3. Après le regard sur l'Eglise, ma pensée se tourne naturellement — comme le faisait aussi d'habitude Paul VI — vers le monde qui l'entoure. En cette année qui désormais touche à sa fin, comment la société humaine a-t-elle vécu ? Et comment vit-elle ces jours derniers ? Plus que les faits, que chacun connaît, il faut considérer leurs relations pour en découvrir, autant que possible, le sens et la direction. On peut se demander par exemple : la cause de la paix progresse t-elle ou recule-t-elle parmi les hommes ? Et la réponse se fait tremblante et incertaine quand on découvre, dans certains pays, la persistance de virulentes tensions qui ne manquent souvent pas de provoquer de rageuses explosions de violence.
Malheureusement la paix demeure assez précaire, tandis qu'il est facile d'entrevoir les raisons de base qui existent et la menacent. Où il n'y a pas de justice — qui l'ignore ? — il ne peut y avoir de paix parce que déjà l'injustice est un désordre ; et toujours reste vraie la parole du prophète : Opus justitiae pax (Is 32, 17). De même, la. où manque le respect pour les droits humains — je parle des droits inaliénables, inhérents à l'homme en tant qu'homme — il ne saurait y avoir de paix, parce que toute violation de la dignité personnelle favorise la rancœur et l'esprit de vengeance. Et encore, là où fait défaut la formation morale qui favorise le bien, il ne saurait y avoir de paix, parce qu'il est toujours nécessaire de surveiller et de contenir les basses tendances qui couvent dans le cœur.
Je ne veux pas, Frères, insister sur ces pensées mais je tiens, à tirer de tout ceci une indication : l'étude de ces thèmes fait paraître toujours plus nécessaire l'affermissement des bases spirituelles de la paix, en poursuivant, avec courage et persévérance, cette pédagogie de la paix, dont Paul VI a été un maître si influent. Dans le Message pour la Journée Mondiale de la Paix, publié hier j'ai repris son thème de l'éducation à la paix et j'adresse également à vous comme à tous les hommes mes frères l'invitation à l'approfondir et à l'assimiler.
Les tristes nouvelles qui nous sont récemment parvenues du Continent Sud-Américain sont une nouvelle preuve qu'il faut s'engager d'urgence en faveur de la paix.
Le désaccord entre l'Argentine et le Chili qui, malgré le vibrant appel adressé aux dirigeants par l'Episcopat des deux pays, vivement appuyé et fait sien par mon Prédécesseur le Pape Jean-Paul Ier, s'est dangereusement aggravé ces derniers temps et constitue un motif de profonde douleur et d'intime préoccupation.
Animé par l'affection paternelle que je porte à ces deux chères nations, moi aussi, à la veille de la rencontre de Buenos Aires le 12 décembre dernier, des Ministres des Affaires Etrangères — rencontre qui a suscité tant d'espoirs — dis-je moi aussi, j'ai exprimé aux deux Présidents mes préoccupations, mes vœux et mes encouragements à rechercher dans l'examen serein et responsable les moyens de sauvegarder la paix si vivement désirée par les deux peuples.
Les réponses reçues sont pleines de respect et d'expression de bonne volonté. Toutefois, et bien qu'en principe les deux adversaires aient accepté de recourir à l'intervention médiatrice du Saint-Siège, cette intention commune n'a pas. eu de suite à cause de difficultés concrètes survenues ultérieurement. Le Saint-Siège ne se serait pas soustrait à l'appel, tout en étant parfaitement conscient du caractère délicat et complexe de la question : il considère en effet que les intérêts supérieurs de la paix l'emportent sur les aspects politiques et techniques du différend.
Et hier, devant les nouvelles toujours plus alarmantes qui nous parviennent sur la continuelle aggravation de la situation qui rend possible — et même imminent comme beaucoup le craignent — qu'elle se précipite, j'ai fait savoir aux parties en cause que j'étais disposé et même désireux d'envoyer dans les deux Capitales mon représentant spécial pour avoir de plus directes et concrètes informations sur les positions respectives et pour examiner et rechercher les possibilités d'un honorable accommodement du litige.
Dans le courant de la soirée m'est parvenue la nouvelle que les deux gouvernements acceptaient ma proposition, exprimant leur gratitude et leur confiance ce qui, tout en me réconfortant, me fait ressentir plus intensément la responsabilité que comporte une semblable intervention, à laquelle toutefois le Saint-Siège estime qu'il ne saurait se soustraire. Et comme les deux parties sont d'accord pour souligner le caractère urgent d'une telle intervention, le Saint-Siège procédera avec toute la sollicitude possible.
Entre-temps je désire renouveler mon appel affligé aux responsables pour que soit évitée toute initiative qui pourrait entraîner des conséquences imprévisibles — ou, aussi, trop prévisibles— de dommages et de souffrances pour les populations de deux pays frères. Et je vous invite tous à élever vers le Seigneur une fervente prière pour que la violence des armes ne l'emporte pas sur la paix.
4. Et maintenant je désire vous confier, en prémices, quelques bonnes nouvelles au sujet d'initiatives et d'événements, tous différents mais démontrant la présence et l'activité multiforme de la Sainte Église.
a- La première nouvelle est que vers la fin du prochain mois de janvier;-je compte, s'il plaît à Dieu, me rendre au Mexique pour participer à la IIIe Assemblée Générale de l'Episcopat Latino-Américain qui aura lieu — comme vous le savez — à Puebla de Los Angeles. Il s'agit là d'un événement de très grande importance ecclésiale, non seulement parce que dans le vaste Continent de l’Amérique Latine, appelé le Continent de l'Espérance, les fidèles catholiques sont la grande majorité, mais également en raison de l'intérêt tout spécial et, plus encore, les grandes expectatives qui se concentrent dans ces assises ; et ce sera un authentique et historique mérite pour les Evoques qui gouvernent ces Eglises, anciennes et nouvelles, de les transformer en consolante réalité. Mais avant de gagner le siège de la Conférence, je ferai une halte au célèbre sanctuaire de Notre-Dame de Guadalupe. C'est là, en effet, que je désire puiser le plus grand réconfort et le nécessaire encouragement — comme de bons présages — pour ma mission de Pasteur de l'Eglise Universelle et, en particulier, pour mon premier contact avec l'Eglise d'Amérique Latine. Le point essentiel de ma rencontre si désirée avec cette Eglise, sera précisément ce pèlerinage religieux aux pieds de la Sainte Vierge pour la vénérer, pour l'implorer, pour lui demander inspiration et conseils pour les Confrères de tout le Continent.
C'est une joie pour moi d'affirmer tout ceci à la veille de Noël, au moment où tous — pasteurs et fidèles — nous nous réunissons autour de la Mère qui, de même qu'un jour, dans la grotte de Bethléem, elle a donné au monde le Sauveur Jésus, continue à nous le donner dans la fécondité inépuisable de sa virginale et spirituelle maternité. Puisse ma présence en son beau Sanctuaire en terre mexicaine contribuer à obtenir de nouveau le Christ d'Elle, par Elle comme Mère, non seulement pour le peuple de cette terre, mais pour tous les pays de l'Amérique Latine.
Quant au thème assigné au Congrès de Puebla, vous le connaissez déjà, comme également les indications offertes par le document préparatoire élaboré par le CELAM (Conférence Episcopale Latino-Américaine) : « L'évangélisation dans le présent et dans le futur de l'Amérique Latine ». Eh bien, l'importance de ce sujet, ses implications théologiques, ecclésiologiques et pastorales, doctrinales et pratiques, l'immense étendue de l'aire où devra être appliquée toute résolution concrète sont tellement évidentes qu'il n'est pas nécessaire d'expliquer le pourquoi de ma décision. De même que Paul VI a voulu être présent à la IIe Assemblée réunie durant le Congrès Eucharistique International de Bogota, moi-même je me trouverai là, parmi les frères réunis pour la nouvelle Assemblée afin de leur témoigner, à eux et à leurs prêtres et fidèles, l'estime, la confiance, l'espérance de l'Église Universelle et de renforcer leur courage dans l'engagement pastoral commun. Quelqu'un a dit que l'avenir de l'Eglise «se joue» en Amérique Latine. Même si, sur le plan général, cet avenir est caché en Dieu suivant son propre dessein qui va au-delà des projets humains et des conditionnements historiques et sociaux (cf. Rm 11, 33 ; Ac 16, 6-9), il y a dans cette phrase une part de vérité, car elle indique combien sont solidaires le sort de l'Eglise dans le Continent centre et sud-américain et celui de l'unique et indivisible Eglise du Christ. J'adresse donc, dès à présent mon salut et mes meilleurs vœux à cette assemblée de choix.
b- La seconde nouvelle concerne la décision d'ouvrir aux chercheurs les Archives Secrètes du Vatican jusqu'à la fin du Pontificat de Léon XIII. Cette décision, depuis longtemps souhaitée par le monde de l'a culture, tombe opportunément en cette année 1978 où — comme vous le savez — a été célébré un double centenaire : celui de la mort du Serviteur de Dieu Pie IX et celui de la successive élévation à la Chaire de Pierre de Gioacchino Pecci, dont le ministère qui dura vingt-cinq ans « usque ad summam senectutem », se prolongea jusqu'aux premières années de notre siècle. Et voilà alors que le Saint-Siège, permettant la libre consultation des papiers et documents concernant cette ample et non secondaire période qui, de 1878 à 1903, marque le passage au XXe siècle, ouvre à l'enquête un panorama de grande amplitude, au service de la vérité historique et, également, comme témoignage de la présence toujours active de l'Eglise dans le monde de la culture.
c- Dans le même ordre d'idées s'inscrit également l'initiative d'honorer la mémoire de mon grand prédécesseur Paul VI. D'une part, pour perpétuer son souvenir, la grande Salle des audiences, voulue par lui et confiée au talent de l'architecte Pier Luigi Nervi sera dorénavant appelée « Salle Paul VI » ; d'autre part, pour mettre en valeur un patrimoine qui s'est constitué au cours de sa dernière année de pontificat, seront rendus accessibles les « autographes » que d'insignes et très nombreuses personnalités lui ont offerts lors de la célébration de son quatre-vingtième anniversaire. Je considère en effet comme un devoir précis de continuer et de développer l'intérêt que Paul VI ne cessa de démontrer pour les causes de la culture et de Fart ; ce qui n'est pas un de ses moindres titres de gloire et a valu un grand prestige à l'Eglise.
C'est ainsi, très chers Frères et Fils que j'ai répondu à vos souhaits ; je vous ai donné officiellement, en prémices, la nouvelle de quelques initiatives ; je vous ai recommandé de prier pour moi. Les contacts que, jusqu'à présent, j'ai eus avec vous m'entraînent à relever la signification de cette communion. Grâce à Dieu il m'a déjà été possible de connaître personnellement une partie de mes plus proches collaborateurs, ceux de la Secrétairerie d'Etat, et j'ai l'intention de poursuivre, dès que possible, les visites aux autres dicastères de la Curie Romaine, convaincu comme je le suis que la connaissance réciproque favorise la meilleure coordination de nos efforts tendus — selon les fonctions respectives assignées à chacun — vers un même centre de référence : la croissance du Peuple de Dieu dans la foi et dans la charité !
Noël est proche et vient le Seigneur Jésus : puisse-t-il nous trouver tous — comme le souhaite la préface de l'Avent — vigilants dans l'attente, exultants dans la louange, ardents dans la charité, toujours sous le regard suavement rassurant de Celle qui, comme Mère de Jésus, a été et demeure aussi notre Mère. Qu'il en soit ainsi, avec ma bénédiction apostolique.
23 décembre 1978
Aux représentants de l'Action Catholique Italienne
Le 23 décembre dernier Jean Paul II a accordé une audience à un groupe de représentants de l'Action Catholique Italienne des jeunes, accompagné par Mgr Marco Ce, Assistant Général de l'A.CJ., récemment nommé par le Pape Patriarche de Venise. Le Saint-Père leur a adressé un discours dont voici la traduction :
Chers jeunes,
C'est pour moi un motif de grande joie et d'intime consolation de vous accueillir ce matin, vous les représentants régionaux de l'Action Catholique des jeunes, venus avec vos zélés dirigeants présenter au pape vos vœux de Noël.
Je salue de tout cœur et avant tout le cher Monseigneur Cè qui laisse la charge d'Assistant général de l'Action Catholique pour le nouveau ministère pastoral qui lui est confié, ainsi que le Président de l'Action Catholique, M. Mario Agnès.
Je voudrais avoir plus de temps à ma disposition afin de pouvoir exprimer plus complètement la quantité de choses que j'ai le devoir de vous dire, mais, comme en ce moment ce n'est pas possible, je renvoie à une autre occasion le discours plus long qui répondra mieux à l'affection que je nourris pour vous, les jeunes.
En ce moment je me contenterai de vous remercier pour cette belle visite et d'échanger avec vous les bons vœux de Noël et d'heureuse Nouvelle Année. Je sais que pour 1979 vous avez choisi le slogan : « Eh, nous sommes là, nous aussi ! ». Ce mot d'ordre, même sous sa forme aimable et quelque peu railleuse, synthétise parfaitement la raison de votre activité dont vous voulez avant tout et surtout qu'elle soit une présence chrétienne et un témoignage évangélique dans le milieu où vous vivez.
Rappelez-vous toutefois, si vous voulez que cette présence soit efficace et féconde, que vous devez vous efforcer de connaître Jésus-Christ toujours mieux et puiser en lui, qui est le grand ami des enfants, la force d'être en réalité et non simplement en pensée le sel de la terre et la lumière du monde (cf. Mt 5, 13-14).
Revenus dans ces belles régions d'Italie que vous représentez ici, dites à vos amis d'Action Catholique que le pape vous aime particulièrement et vous suit dans l'heureux choix que vous avez fait du Christ et que, ces jours-ci, vous vénérez sous la forme d'un petit enfant. Dites-leur que le pape est avec tous les jeunes : par une pensée continuelle, par sa bienveillance paternelle, par une prière incessante et avec la bénédiction apostolique qu'il donne maintenant de grand cœur à vous ici présents, à tous les jeunes que vous y représentez et à vos chères familles, en gage des grâces choisies de l'Enfant-Jésus.
23 décembre 1978
Au Maire et au Conseil Municipal de Rome
Le Maire de Rome et une délégation du Conseil Municipal de Rome ont rendu visite au Saint-Père le 23. décembre pour lui offrir, en leur nom et au nom de la population romaine leurs vœux et souhaits à l'occasion de la fête de Noël. A l'adresse d'hommage de M. Argon, Maire, Jean Paul II a répondu par un discours dont voici la traduction :
Monsieur le Maire,
Je regrette de ne pouvoir donner une réponse adéquate aux problèmes que vous avez exposés. Ma brève expérience à Rome ne me permet pas de le faire.
Je vous remercie de tout cœur pour les salutations et les vœux qu'à l'occasion de la prochaine fête de Noël vous êtes venu me présenter personnellement, accompagné des dirigeants du Conseil Municipal : un geste de courtoisie que j'apprécie hautement. Et je suis vraiment heureux d'échanger avec vous ces nobles souhaits de prospérité, de paix et de progrès, non seulement pour vous-même et pour vos collaborateurs, mais aussi et surtout pour toute la chère population de cette extraordinaire ville de Rome.
C'est précisément cette population citadine que votre présence, Monsieur le Maire, me rappelle parce que je sens, de manière très vive, que j'en partage la responsabilité avec vous : non pas la responsabilité civile qui revient de droit à votre administration communale, mais la responsabilité religieuse et chrétienne qui, par la grâce de Dieu, lorsque j'ai été élu Evêque de Rome par Messieurs les Cardinaux qui, bien que répandus dans le monde entier, forment cependant, par droit canonique une partie éminente du Clergé de ce diocèse.
Lorsque vers le milieu du premier siècle Pierre de Galilée arriva dans cette ville, il y trouva une capitale impériale où, comme l'historien Tacite n'hésitait pas à le reconnaître « se rencontraient toutes les atrocités et turpitudes » (Ann. 15, 44). Mais ce n'est plus cette ville-là qui se présente à mes yeux aujourd'hui. Grâce à la bonté divine et le zèle de nombreuses générations d'hommes illustres, Rome est devenue toujours plus civile et laborieuse : un point de confluence et de rayonnement de multiples valeurs chrétiennes et humaines.
Toutefois, je ne cache pas les problèmes réels et les besoins urgents qui planent sur la ville, tant au niveau de l'urbanisme que sur les plans social et assistentiel. Il faut surtout souhaiter, avec l'affirmation de la justice — et plus encore — que s'améliore la qualité de la vie morale et spirituelle des citadins pour que s'instaure ainsi un climat de réciproques rapports de compréhension mutuelle, éloignés de toute forme de haine et de violence. Le christianisme est fermement persuadé que les valeurs humaines peuvent triompher seulement lorsque s'instaure un climat d'amour ; en sont nécessairement l'expression le respect des droits de tous (tant des citadins individuellement que des différentes catégories sociales), la tolérance, la concorde, et la justice même.
C'est à cela surtout que l'Eglise entend contribuer par l'œuvre d'apostolat, d'éducation et de charité accomplie par les paroisses, les communautés religieuses et les libres institutions nées de la généreuse initiative des catholiques au service du prochain. Et je suis heureux que cette œuvre a toujours été et est de plus en plus appréciée, requise et soutenue par la population.
Il est pour moi très encourageant de savoir qu'il sera toujours dûment tenu compte de la caractéristique toute particulière de cette ville qui ne représente pas seulement une commune coexistence humaine et qui n'est pas seulement la capitale de la chère nation italienne, mais qui se présente également comme centre visible de l'Eglise Catholique et point de référence pour toute la chrétienté tant parce qu'il s'y trouve le siège épiscopal de Pierre que parce que son sol est trempé du sang des nombreux martyrs des premières générations chrétiennes.
A ceci je désire ajouter que durant mes vingt années de ministère épiscopal je me suis toujours prodigué, avec zèle et sollicitude, pour que soit reconnu et garanti le droit de toute famille, à une maison. Cette question, je l'ai toujours eue à cœur et même la brièveté de mon expérience d'Evêque de Rome ne m'empêche pas de ressentir tout ce que ce problème a d'important pour la dignité de la vie humaine. Ce sont toutes ces raisons qui donnent signification et substance à notre présente rencontre. C'est pourquoi je renouvelle ici mes vœux les plus sincères. Je vous renouvelle, à vous, Monsieur le Maire et aux membres du Conseil Municipal mes meilleurs vœux pour un travail fécond et désintéressé se proposant vraiment comme objectif le bien-être de l'homme et de tout l'homme. En outre mes vœux de tout bien s'adressent également à ceux que vous représentez, c'est-à-dire à vos familles et, mieux, à tous les Romains sans distinction. Ils occupent la première place dans mon cœur de Pasteur universel et pour eux j'invoque du Seigneur les plus abondantes et fécondes bénédictions.
27 décembre 1978
Jean Paul II et les jeunes
Chers garçons et filles, chers jeunes !
Aujourd'hui encore vous êtes venus nombreux rendre visite au Pape. Et moi je vous remercie de tout cœur pour cette rencontre joyeuse et affectueuse qui apporte le bonheur et l'espérance, prolongeant le climat de sérénité de la fête de Noël, si douce et si belle.
Je désire, particulièrement, adresser un cordial salut aux pèlerins venus de Caserte en compagnie de leur cher Evêque. Soyez les bienvenus ! Je suis très heureux de vous accueillir !
1. Nous sommes dans la semaine de Noël et le sentiment le plus profond que nous continuons à éprouver est celui de la joie. Qui sait quelle magnifique journée de Noël vous avez vécue avec vos chers parents, avec vos frères, avec la famille, avec les amis !
Vous avez préparé la crèche et vous avez participé à la Messe de Minuit, et peut-être certains parmi vous auront chanté les suggestifs cantiques de Noël dans le chœur de leur paroisse. Surtout, en grand nombre — en très grand nombre, j'espère — vous aurez reçu Jésus dans la Sainte Eucharistie, rencontrant ainsi, personnellement, le Divin Maître, né sur cette terre il y a environ deux mille ans. Bravo ! Que cette joie intime ne disparaisse jamais de vos âmes !
Mais d'où vient toute cette joie si pure, si douce, si mystérieuse ? Elle naît du fait que Jésus est venu sur cette terre, que Dieu lui-même s'est fait homme et a voulu s'insérer dans notre pauvre et grande histoire humaine. Jésus est le don le plus grand et le plus précieux que le Père ait fait aux hommes et c'est pourquoi nos cœurs exultent de joie.
Nous savons bien que même durant les fêtes de Noël il y eut et il reste encore des larmes et des amertumes ; peut-être de nombreux enfants l’ont-ils passé dans le froid, dans la faim, dans les larmes, dans la solitude... Et cependant malgré la douleur qui parfois envahit notre vie, Noël est pour tous un rayon de lumière, car il nous révèle l'amour de Dieu et nous fait sentir que Jésus est présent avec tous, spécialement avec ceux qui souffrent. C'est précisément pour ce motif que Jésus a voulu naître dans la pauvreté et dans l'abandon d'une grotte, et être déposé dans une crèche.
Dans mon esprit revient spontanément le souvenir de mes sentiments et de mes vicissitudes, à commencer par les années de mon enfance au foyer paternel, puis les années difficiles de ma jeunesse, la période de la seconde guerre, la guerre mondiale. Puisse-t-elle ne plus jamais se répéter dans l'histoire de l'Europe et du monde ! Et pourtant, même durant les pires années, Noël a toujours apporté avec soi quelque rayon. Et ce rayon pénétrait également dans les plus dures expériences de mépris de l'homme, d'anéantissement de sa dignité, de cruauté. Il suffit, pour s'en rendre compte, de prendre en main les «mémoires» des hommes qui sont passés par les prisons ou les camps dé concentration, par les fronts de guerre, ou par les interrogatoires et les procès.
2. Le second sentiment qui jaillit spontanément de ces journées de Noël est, pour cette raison, la reconnaissance.
Qui est l'Enfant-Jésus ? Qui est ce petit enfant, pauvre et fragile, né dans une grotte et couché dans une crèche ? Nous savons qu'il est le Fils de Dieu fait homme ! « Et le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous »(Jn 1,14).
La doctrine chrétienne nous enseigne que la Seconde Personne de la Sainte Trinité, c'est-à-dire l'Intelligence Infinie du Père (le Verbe) a, dans le sein de Marie et par l'opération du Saint-Esprit, assumé la «nature humaine» prenant comme nous un corps et une âme.
Voilà notre certitude : nous savons que Jésus est homme comme nous, mais en même temps il est le « Verbe Incarné », il est la Seconde Personne de la Très Sainte Trinité devenue homme ; c'est pour cela qu'en Jésus la nature humaine — et donc toute l'humanité — est rachetée, sauvée, ennoblie au point de participer de la « vie divine », par le moyen de la grâce.
En Jésus, nous y sommes tous ; notre noblesse et dignité véritables ont leur source dans le grand et sublime événement de Noël.
C'est pourquoi est logique et spontané un sentiment de profonde et joyeuse reconnaissance envers Jésus qui est né pour chacun de nous, par amour pour nous, pour notre salut. Relisez et méditez personnellement les pages de l'Evangile de Matthieu et de celui de Luc ; méditez le mystère de Bethléem pour comprendre toujours plus la vraie valeur de Noël et ne jamais laisser déchoir celui-ci en une fête strictement profane, ou seulement extérieure.
3. Enfin, je veux souligner également un troisième sentiment que fait naître l'épisode des bergers. L'Ange avertit les bergers, qui ne s'en doutaient pas, qu'un grand événement avait eu lieu à Bethléem : le Sauveur était né, et ils le trouveraient enveloppé de langes et couché dans une crèche. Que firent les bergers ? « Ils allèrent et trouvèrent Marie, Joseph et le Nouveau-né couché dans une crèche » (Le 2, 16).
Avez-vous compris la leçon des bergers ? Ils écoutent la voix de l'Ange, se mettent aussitôt à la recherche de Jésus et finalement ils le trouvent. C'est un fait historique extrêmement éloquent et significatif': il symbolisé la recherche que l'homme doit accomplir pour trouver Dieu. L'homme est l'être qui cherche Dieu parce qu'il cherche le bonheur.
Nous devons tous chercher Dieu.
Bien souvent il faut le chercher parce qu'on ne le connaît pas encore ; d'autre fois parce qu'on l'a perdu ; d'autre fois, par contre, on le cherche pour mieux le connaître, pour l'aimer plus et le faire aimer.
On peut dire que toute la vie de l'homme et toute l'histoire humaine sont une grande recherche de Dieu.
Parfois la recherche peut être entravée par des difficultés intellectuelles ; par des motifs essentiels, à la vue de tant de douleur, de tant de mal autour de nous et au-dedans de nous ; et aussi par des problèmes moraux, devant alors changer de mentalité et de façon de vivre.
Il ne faut pas se laisser arrêter par les difficultés ; mais, comme les bergers de Bethléem, on doit, avec courage partir et se mettre à la recherche. Il faut que tous les hommes aient le droit et la liberté de chercher Jésus ! Il faut que tous les hommes soient respectés dans leur recherche, peu importe le point du chemin où ils se trouvent. Et tous doivent avoir la volonté, non pas d'errer ci et là sans s'engager à fond, mais de pointer avec décision sur Bethléem. Certains ont raconté l'histoire et l'itinéraire de leur démarche et de leur rencontre avec Jésus : des livres intéressants qui méritent d'être lus. La plupart gardent le secret de leur merveilleuse aventure spirituelle intime. L'essentiel est de chercher pour trouver, se rappelant la célèbre phrase que le grand philosophe et mathématicien français Blaise Pascal, fait dire à Jésus : « En fait tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais déjà trouvé » (Pascal, Pensées, 553 : Le mystère de Jésus).
Chers garçons et filles, les bergers trouvèrent Jésus et « s'en retournèrent, glorifiant et louant Dieu pour tout ce qu'ils avaient vu et entendu, en accord avec ce qui leur avait été annoncé » (Lc 2, 16-20).
Comme nous sommes heureux, nous qui avons cherché et trouvé Jésus !
Ne perdons pas Jésus ! Ne perdez pas Jésus ! Mieux, comme les bergers, soyez des témoins de son amour ! Voilà le souhait de Noël que je vous exprime du fond du cœur.
Je demande à la Très Sainte Vierge Marie, Mère de Jésus et notre mère à nous, que dans vos âmes, dans vos familles, dans vos écoles, dans vos yeux, ce soit toujours Noël, avec la joie de votre foi, avec l'engagement de votre bonté, avec la splendeur de votre innocence.
Que vous aide et vous soutienne également ma bénédiction qu'avec paternelle affection je vous donne à vous, à ceux qui vous sont chers et à tous ceux qui se sont joints à vous dans cette audience.
28 décembre 1978
Aux médecins catholiques italiens
Le 28 décembre dernier, Jean Paul II a reçu en audience un groupe nombreux de membres de l'Association des Médecins Catholiques Italiens. Il leur a adressé un important discours dont voici la traduction :
Chers Fils de l'Association des Médecins Catholiques Italiens,
En vous souhaitant cordialement la bienvenue dans cette maison devenue désormais la mienne, je désire avant tout vous exprimer ma joie pour cette rencontre qui me permet de connaître tant de personnes éminentes pour leurs mérites scientifiques, admirables pour leur sens élevé du devoir, exemplaires pour leur courageuse profession de la foi chrétienne. Je vous suis profondément reconnaissant pour la courtoisie et l'affection dont votre présente visite est un signe manifeste et consolant ; pour cela je suis heureux d'adresser mes salutations à votre très zélé Assistant Ecclésiastique, mon vénéré Frère Mgr Fiorenzo Angelini, à votre illustre Président, le Professeur Pietro de Franciscis, validement assisté par trois Vice-Présidents, à l'infatigable Secrétaire général, le Professeur Domenico Di Virgilio, aux membres du Conseil national, aux délégués régionaux et aux présidents des sections diocésaines, aux représentants des membres de l'Association, ainsi qu'au groupe des infirmiers qui, par leur présence, veulent témoigner de l'étroite collaboration qu'ils entendent vous prêter, à vous médecins, dans le service des malades.
Je saisis volontiers l'occasion pour manifester publiquement la grande estime que je nourris à l'égard d'une profession comme la vôtre, depuis toujours et par tous les hommes, considérée davantage comme une mission que comme un travail courant. La dignité et la responsabilité d'une telle mission ne pourront jamais être assez comprises ni jamais convenablement exprimées. Assister, soigner, réconforter, guérir la douleur humaine, est une fonction qui, en vertu de sa noblesse, de son utilité, de son idéal est très proche de la vocation même du prêtre. Dans l'un et l'autre cas, trouve, en effet, sa manifestation la plus immédiate et évidente le suprême commandement de l'amour du prochain, un commandement appelé bien souvent à être réalisé d'une manière qui exige un véritable et propre héroïsme. Le solennel avertissement de la Sainte Ecriture n'a donc rien d'étonnant. « Honore le médecin comme il se doit, car lui aussi a été créé par le Seigneur. Du Très-Haut, en effet, vient la guérison » (Si 38, 1-2).
Votre Association est née pour favoriser la réalisation des nobles objectifs de la profession et les enrichir de l'apport spécifique des valeurs chrétiennes. Pour évaluer l'importance de ce qu'elle entend apporter à votre activité de médecins chrétiens il suffit de rappeler les données de l'article 2 des Statuts qui indique que les buts de l'Association sont de qualifier la formation morale, scientifique et professionnelle des membres, de promouvoir les études médico-morales à la lumière des principes de la doctrine chrétienne, d'animer l'esprit d'authentique service humain et chrétien des médecins dans leurs rapports avec le malade, d'agir pour la sécurité de l'exercice le plus digne de la profession et pour la défense des légitimes intérêts de la classe médicale, d'éduquer les membres à la juste coresponsabilité ecclésiale et à la généreuse disponibilité à l'égard de toute activité charitable en relation avec l'exercice de la profession.
Ce ne sont pas des projets restés seulement sur papier. Je prends volontiers acte de l'action de sensibilisation et d'orientation exercée durant ces dernières années par l'Association au sein de la classe médicale italienne, grâce à une production éditoriale qualifiée et variée, et notamment celle du périodique très apprécié Orizzonte Medico, soit dans les Corsi di Studio (les Actes du récent cours sur l’Homme du Suaire de Turin m'ont été aimablement offerts en hommage) ; à ces cours, en quelque onze années, d'éminents spécialistes des diverses disciplines, ont développé des thèmes anthropologiques d'un intérêt fondamental, en recherche d'une réponse satisfaisante pour l'homme et pour le chrétien. Je ne puis qu'exprimer toute mon estime et applaudir ; le but formatif poursuivi par ces moyens mérite d'être cordialement approuvé, et tout effort accompli en ce sens doit être chaleureusement encouragé.
Ceci est surtout valable aujourd'hui, alors que de puissants courants d'opinion, efficacement soutenus par les grands moyens de la communication de masse, tentent, de multiples façons, d'influencer la conscience des médecins pour les induire à prêter leur concours à des pratiques contraires à l'éthique, non seulement chrétienne, mais aussi simplement naturelle, en contradiction flagrante avec la déontologie professionnelle exprimée dans le célèbre serment de l'antique médecin païen.
Dans le Message pour la Journée Mondiale de la Paix du 1er janvier dernier, mon grand Prédécesseur Paul VI, de vénérée mémoire, s'adressant particulièrement aux médecins, ces « sages et généreux défenseurs de la vie humaine », exprima sa confiance qu'« au ministère religieux » puisse s'associer « le ministère du médecin » dans « l'affirmation et la défense de la vie humaine, dans ces circonstances singulières où la vie de l'homme peut être compromise par une décision positive et injuste de la volonté humaine ». Je suis certain que cet appel angoissé et prophétique aura trouvé et trouvera toujours un ample écho d'adhésion non seulement chez les médecins catholiques mais aussi parmi ceux qui, sans être soutenus par la foi, sont toutefois profondément conscients des impératifs supérieurs de leur profession.
Comme ministre de ce Dieu que la Sainte Ecriture présente comme « amant de la vie » (Sap 11,26), je désire exprimer, moi aussi, ma sincère admiration pour tous les membres du corps sanitaire qui, se conformant à ce que dicte toute conscience droite, savent résister quotidiennement aux flatteries, aux pressions, aux menaces, et parfois même aux violences physiques, pour ne pas se souiller dans des attitudes qui puissent de quelque manière, porter atteinte à ce bien sacré qu'est la vie humaine : leur témoignage courageux et cohérent constitue une très importante contribution à l'édification d'une société qui, pour être à la mesure de l'homme, doit absolument avoir comme pivot le respect et la défense de ce qui constitue la condition primordiale nécessaire de tout autre droit humain, c'est-à-dire le droit à la vie.
Le Pape unit volontiers sa voix à celle de tous les médecins à la conscience droite, et il fait siennes leurs requêtes fondamentales : celle, avant tout, que soit reconnue la nature la plus profonde de leur noble profession qui exige qu'ils soient des ministres de la vie et jamais des instruments de mort ; puis, la requête d'un respect plein et total, dans la législation et dans les faits, de la liberté de conscience entendue comme droit fondamental de la personne à ne pas être contrainte d'agir contre sa propre conscience ou d'être empêchée d'agir conformément à celle-ci ; enfin, en plus de la requête d'une indispensable et ferme protection juridique de la vie humaine à tous ses stades, également celle de structures pratiques appropriées, qui favorisent l'accueil joyeux de la vie naissante, et sa promotion efficace durant le développement et la maturité, sa protection prévenante et délicate à l'heure où commence le déclin jusqu'à l'heure où elle s'éteint.
Servir la vie avec généreux enthousiasme s'impose tout particulièrement aux médecins catholiques qui trouvent dans leur foi en un Dieu Créateur dont l'homme est l'image, et dans le mystère du Verbe éternel descendu du ciel dans la chair fragile d'un enfant sans défense, une raison nouvelle et plus élevée pour se dévouer aux soins affectueux et à la protection désintéressée de tout frère, tout spécialement s'il est petit, pauvre, faible, menacé.
Il est pour moi très réconfortant de savoir que ces convictions sont profondément enracinées dans vos âmes : votre vie professionnelle quotidienne en tire son inspiration et son orientation ; et, quand c'est nécessaire, elles sont capables de vous suggérer, publiquement, des prises de position, même claires et sans équivoque.
Comment pourrais-je ne pas mentionner à ce propos le témoignage exemplaire que, par votre adhésion immédiate et massive vous avez rendu aux indications de l'Episcopat, lors de la récente et douloureuse législation de l'avortement. Ce fut un témoignage dans lequel — je le souligne avec fierté en qualité d'Evêque de Rome — cette ville s'est tout particulièrement distinguée ; il est, même pour les médecins non catholiques, un rappel et une incitation de providentielle efficacité.
Les objectifs de ce geste responsable, c'est-à-dire l'affirmation du droit à la liberté de conscience du personnel médical et paramédical sanctionné par une clause appropriée de la loi, la cohérence personnelle, la défense du droit à la vie, la dénonciation sociale d'une situation légale qui lèse la justice, seront plus facilement atteints, si ce geste est adopté avec l'authenticité de ses motivations et confirmé par une générosité désintéressée, ouverte à tous les engagements, à toutes les initiatives au service de la vie humaine.
Je ne me cache pas le fait que la cohérence avec les principes chrétiens peut comporter pour vous la nécessité de courir le risque d'incompréhension, de malentendus et même de pesantes discriminations. Dans l'hypothèse bien triste d'une telle éventualité, vous trouverez grand secours dans l'énoncé du programme dont s'inspira votre grand collègue, le Bienheureux Joseph Moscati : « Aime la vérité — écrivait-il dans une note personnelle du 17 octobre 1922 — montre-toi tel que tu es, sans feintes, sans peur et sans ménagements ; et si la vérité te coûte la persécution, accepte-la ; si elle te tourmente, supporte-le. Et si pour la vérité tu devais te sacrifier toi-même et ta vie, sois fort dans le sacrifice » (cf. Positio super virtutibus, Rome 1972). N'est-il pas normal d'ailleurs que, dans la vie du chrétien, s'accomplisse la prédiction du Christ : « S'ils m'ont persécuté, moi, ils vous persécuteront vous aussi » (Jn 15,20) ? Ce sera, alors, le cas de rappeler que le Divin Maître a réservé une béatitude spéciale à ceux qui sont insultés et persécutés « à cause de lui » (cf. Mt 5, 11-12).
Je vous confirme donc, en même temps que mon estime, mes encouragements très cordiaux à poursuivre sur la voie du témoignage courageux et du service exemplaire en faveur de la vie humaine. Et j'implore, pour vos bonnes intentions, l'aide de la Très Sainte Vierge, que vous aimez invoquer comme « Salus Infirmorum et Mater Scientiae » ; j'implore la protection de Saint Luc « le cher médecin » (Col. 4, 14), que vous honorez comme Patron et, pensant avec paternelle affection à vos Collègues de l'Association, disséminés en Italie, à vos familles respectives, comme également à tous les malades que vous entourez chaque jour de votre sollicitude, sur vous et sur eux tous j'élève les mains pour donner, avec effusion de cœur, une spéciale bénédiction apostolique, propitiatoire de tout céleste réconfort désiré.
29 décembre 1978
Aux délégués de la Fédération des Instituts d'Activité Educative
Chers délégués de la Fédération des Instituts d'activité éducative,
Vous sachant à Rome à l'occasion de votre traditionnelle assemblée de fin d'année, j'ai voulu vous réserver et me réserver une rencontre particulière avec vous en raison non seulement de votre grand nombre, mais aussi et surtout du témoignage qualifié que vous rendez ici comme représentants de l'école catholique en Italie. On m'a dit que mon vénéré Prédécesseur Paul VI n'a jamais manqué, dans des circonstances analogues, de vous adresser sa parole éclairée ; alors j'ai pensé qu'il m'était possible d'en faire autant et de répondre avant tout à la déférence, à la dévotion, à la ferveur de votre visite.
Oui, Frères et Fils bien-aimés, je désire vous remercier pour vos sentiments affectueux et plus encore pour le travail intelligent, inlassable, et rendu plus précieux par tant de sacrifices — petits et grands — que l'activité scolaire éducative requiert de nos jours. Je ne parle pas seulement du travail de coordination et d'organisation nécessaire pour que votre Fédération qua talis puisse fonctionner convenablement en diffusant, dans l'intérêt commun des informations, des directives, des propositions et des initiatives parmi les nombreux instituts qu'elle réunit ; je parle spécialement du travail que chacun des Instituts, et, dans le cadre de ceux-ci, chacun des dirigeants et des enseignants, accomplit quotidiennement, affrontant et surmontant des problèmes souvent difficiles afin de rendre toujours plus incisive, profitable, originale, exemplaire la fonction des écoles qui, dans le contexte de l'instruction publique, ont été créées par les autorités ecclésiastiques ou qui dépendent d'elles.
La parole que je vous adresse est une parole de reconnaissance et en même temps d'encouragement. Le terme « reconnaissance », étymologiquement parlant a, en italien, le double sens de reconnaître ou admettre, et de remercier. Eh bien, cette « reconnaissance-remerciement » qui vous est venue de la Conférence Epi se opale Italienne est entièrement partagée par le Pape qui, il vous l'assure, vous suit avec sympathie et confiance dans votre très méritante activité. A une époque comme la nôtre, il est plus urgent que jamais de conserver l’image — la typologie, dirais-je — d'une école chrétienne qui, observant toujours loyalement les normes générales imposées par la législation scolaire des pays respectifs, assume comme ligne de départ et, tout autant, comme ligne d'arrivée l'idéal d'une éducation intégrale — humaine, morale et religieuse — selon l'Evangile de Nôtre-Seigneur. Est et reste essentielle pour une école authentique-ment catholique, cette inéluctable référence à la supérieure et transcendante pédagogie du Christ-Maître qui doit conditionner l'établissement des programmes d'étude et la désignation du contenu des différents cours d'enseignements ; vous le savez d'ailleurs parfaitement. Sans cela il lui manquerait la source même de l'inspiration ; il lui manquerait son axe central ; il lui manquerait cet élément spécifique qui la définit et la fait reconnaître parmi les autres structures didactiques ou les autres centres de promotion culturelle. Il est donc juste que ceci soit requis des divers instituts qui font partie de votre association, et, de même, de tous ceux qui, de manière responsable, y opèrent aux différents niveaux.
En voulant interpréter votre sigle : FIDAE, j'ai remarqué que vous avez récemment adopté une lecture en partie nouvelle, pour mettre l'accent sur les « activités éducatives ». Cette finalité pédagogique et formative plus lucide est tout à votre honneur, car elle signifie précisément que pour vous l'enseignement des disciplines scolaires et l'emploi des instruments didactiques nécessaires à l'instruction s'inscrivent dans le programme plus vaste de la « paideia » chrétienne qui, à son tour, s'inscrit dans la mission évangélisatrice confiée à l'Eglise par son Divin Fondateur.
Je me réjouis de cette orientation et apprécie énormément cette collaboration. Je vous exhorte donc à rester toujours cohérents et fidèles à l'une et à l'autre, soutenus par la pensée ou, mieux, par la conviction que vous accomplissez ainsi un précieux service ecclésial, en plus du service culturel et civil.
Avec ma cordiale bénédiction.
30 décembre 1978
A l'Action Catholique Italienne
Très chers Sœurs et Frères,
Une grande joie paternelle envahit mon cœur en vous recevant aujourd'hui pour la première fois dans le climat si suggestif et touchant de Noël.
Vous, les membres de l'Action Catholique Italienne, vous avez demandé de « voir Pierre » et vous êtes venus en nombre extraordinairement élevé, au comble de la ferveur et de la joie, pour apporter le témoignage de votre foi et de votre amour, et pour écouter la parole du Vicaire du Christ ; je vous remercie très sincèrement et j'adresse à chacun de vous, personnellement, mon salut plein d'affection. En particulier, je remercie votre Président pour les nobles paroles par lesquelles il a voulu interpréter vos sentiments.
1. Je désire, avant tout, exprimer ma vive satisfaction pour ce que vous représentez dans l'Eglise Italienne. Depuis plus de cent ans, en effet, l'Action Catholique vit et opère dans cette chère nation où sa présence s'est révélée une source efficace de formation pour de très nombreux fidèles de tout âge et de toutes catégories, des enfants aux adultes, des étudiants aux ouvriers, des maîtres aux lauréats ; une pépinière de vocations pour la vie sacerdotale et religieuse ; une école d'apostolat concret et direct dans les divers lieux d'activité et de travail ; tant d'évêques et tant de prêtres proviennent des rangs de l'Action Catholique ! Tant de vocations religieuses sont nées au sein de l'Action Catholique ! Et combien de papas et de mamans ont été, et sont toujours, de vrais éducateurs et formateurs de la conscience de leurs enfants grâce à la formation reçue dans les réunions de IV Association » et grâce à l'apostolat exercé avec amour et enthousiasme dans leur propre paroisse et dans leur propre diocèse !
En vous, je puis et dois, donc, mettre toute ma confiance.
Vous avez compris ce que dit l'article 2 de vos Statuts selon lequel l'objectif de l'Action Catholique Italienne est « l'évangélisation, la sanctification des hommes, la formation chrétienne de leur conscience de manière qu'ils puissent, avec succès, imprégner d'esprit évangélique les communautés et les différents milieux » ; vous connaissez les directives données par la Conférence Episcopale Italienne dans une lettre du 2 février 1976 selon lesquelles l'Action Catholique opère dans trois directions : l'œuvre de formation , le service pastoral effectif au sein des structures ecclésiales et dans les situations de la vie, et la recomposition pratique dans tous les milieux de la synthèse entre la foi et la vie ; et enfin, vous vous rappelez certainement les paroles éclairantes du grand Pape Paul VI, de vénérée mémoire, qui, le 25 avril 1977, disait aux participants à l'Assemblée Nationale : « L'Action Catholique doit redécouvrir la passion pour l'annonce de l'Evangile, seul salut d'un monde, autrement, désespéré. Certes, l'Action Catholique aime le monde, mais d'un amour qui tire son inspiration de l'exemple du Christ. Sa manière de servir le monde et de promouvoir les valeurs de l'homme consiste avant tout à évangéliser, en harmonie logique avec la conviction que l'Evangile contient la force la plus bouleversante, capable de rendre vraiment neuves toutes les choses ».
J'ai confiance en vous parce qu'en raison de sa nature intime l'Action Catholique a des rapports tout particuliers avec le Pape et donc avec les Evêques et avec les Prêtres : c'est sa caractéristique essentielle. Tout groupe « ecclésial » est une manière et un moyen de vivre plus intensément le Baptême et la Confirmation ; mais l'Action Catholique doit le faire d'une façon toute spéciale parce qu'elle se présente comme aide directe de la hiérarchie, participant à ses sollicitudes apostoliques. C'est pourquoi moi, Vicaire du Christ, serrant en pensée la main aux 650.000 membres, je leur dis à chacun : « Courage ! Sois fort et généreux ! Je compte sur toi ! Fais honneur au Christ, à l'Eglise, au Pape ».
2. A l'occasion de cette extraordinaire rencontre, que puis-je vous dire qui vous accompagne et vous serve de soutien en ces moments non faciles où la Providence nous fait vivre ?
On a déjà dit beaucoup de choses et l'on en dira encore beaucoup au sujet de cette seconde moitié du XXe siècle si agité et inquiet, tel que le montre une analyse des différents phénomènes économiques, sociaux, politiques qui en caractérisent la physionomie. Mais peut-être la caractéristique qui parmi les autres se révèle de plus en plus comme fondamentale est-elle le «pluralisme idéologique ».
Ce concept mérite incontestablement un examen approfondi de ses éléments théoriques et de ses implications pratiques. Mais si au niveau pratique, nous voulons que le pluralisme n'implique pas uniquement la radicale opposition des valeurs, l'inquiétante déroute culturelle, le «laïcisme» unilatéral dans les structures de l'Etat, la crise des institutions et également une dramatique inquiétude des consciences, comme nous en faisons chaque jour l'expérience dans les relations tant publiques que privées, devient alors indispensable cette mûre conscience de l'Eglise à laquelle, de façon prévoyante, Paul VI s'est référé dans l'Encyclique Ecclesiam suam.
C'est précisément à cette conscience de l'Eglise, renouvelée, c'est-à-dire à une foi approfondie, mûre, sensible à tous les « signes des temps » que le Concile Vatican II nous a préparés.
Aussi, l'Action Catholique a-t-elle une grande et importante tâche à notre époque « sur cette terre douloureuse, dramatique et magnifique » comme mon Prédécesseur Paul VI l'a qualifiée dans son testament.
a- Avant tout ayez le culte de la vérité.
Pour pouvoir employer vraiment son temps et ses propres capacités pour le salut, et la sanctification des âmes, première et principale mission de l'Eglise, il faut posséder avant tout certitude et clarté au sujet des vérités qu'il faut croire et pratiquer. Quand on est peu sûr, incertain, confus, prêt à contredire, on ne peut pas construire. Aujourd'hui tout particulièrement, il faut posséder une foi éclairée et convaincue, pour pouvoir soi-même éclairer et convaincre. Le phénomène de promotion culturelle des masses exige une foi approfondie, éclairée, sûre. C'est pour ce motif que je vous exhorte à suivre fidèlement l'enseignement du Magistère. Comment ne pas rappeler à ce propos les paroles de mon Prédécesseur Jean Paul Ier ? Dans son premier et unique radiomessage du 27 août dernier il disait :
« Surmontant les tensions internes qui ont pu surgir ça et là, triomphant des tentations qui poussent à se conformer aux goûts et aux usages du monde, tout comme aux chatoiements des applaudissements faciles, unis par l'unique lien de la charité qui doit animer la vie intime de l'Eglise ainsi que les formes extérieures de sa discipline, les fidèles doivent être prêts à rendre témoignage de leur propre foi face au monde ; « toujours prêts à la défense contre quiconque vous demande raison de l'espérance qui est en vous » (l p 3, 15). »
Aujourd'hui plus que jamais sont nécessaires une grande prudence et un grand équilibre parce que, comme déjà Saint Paul l'écrivait à Timothée, les hommes ne supportent plus la saine doctrine et sont au contraire tentés de « se tourner vers les fables » (2 Tm 4, 3-4).
Ne vous laissez pas intimider ou distraire ou confondre par des doctrines partiales ou erronées qui, ensuite, vous laissent déçus et vidés de toute ferveur de vie chrétienne.
b- En second lieu, ayez le souci de la sainteté.
Seul peut donner, celui qui a ; le militant de l'Action Catholique est tel, précisément pour donner, pour aimer, pour éclairer, pour sauver, pour porter la paix et la joie. L'Action Catholique doit, avec décision, pointer sur la sainteté.
Dans tout engagement, même de genre social ou philanthropique, il importé de ne jamais oublier que dans le christianisme, l'essentiel est la Rédemption, et donc que le Christ doit être connu, aimé, suivi.
L'engagement dans la sainteté implique donc l'austérité de la vie, un sérieux contrôle de ses propres goûts et de ses propres choix, un engagement constant dans la prière, une attitude d'obéissance et de docilité aux directives de l'Eglise, tant dans le domaine doctrinal moral et pédagogique que dans le domaine liturgique.
Ce que Saint Paul écrivait aux Romains a gardé toute sa valeur pour nous, hommes du XXe siècle, soit : « Ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait » (Rm 12, 2).
Aujourd'hui le monde a besoin d'exemples, d'édification, de prédication concrète et visible. Ceci doit être le souci de l'Action Catholique !
c- Enfin, ressentez toujours plus la joie de l'amitié !
Aujourd'hui les hommes ont tout particulièrement besoin de sourires, de bonté, d'amitié. Les grandes conquêtes techniques et sociales, la diffusion du bien-être et de la mentalité permissive, avide de consommer, n'ont pas apporté le bonheur. Les divisions sur le plan politique, le danger et la réalité de nouvelles guerres, les incessantes catastrophes, les maladies implacables, le danger de pollution écologique, la haine et la violence et les multiples cas de désespérance, ont malheureusement créé une situation de continuelle tension et de névroses.
Que doit faire l'Action Catholique ? Porter de toutes parts et à tous le sourire et l'amitié et de la bonté.
L'erreur et le mal doivent toujours être condamnés et combattus ; mais l'homme qui tombe ou se trompe doit être compris et aimé.
Les récriminations, les critiques amères, les polémiques, les lamentations servent à bien peu ; nous devons aimer notre temps et les hommes de notre temps !
Un souci d'amour doit jaillir sans cesse du cœur de l'Action Catholique qui, devant la crèche de Bethléem, médite l'immense mystère du Dieu qui s'est fait homme proprement par amour pour l'homme.
Dans son épître aux Romains, Saint Paul a encore écrit : « Que l'amour fraternel vous lie d'affection entre vous, chacun regardant les autres comme plus méritants... Bénissez ceux qui vous persécutent ; bénissez, ne maudissez pas. Réjouissez-vous avec qui est dans la joie, pleurez avec qui pleure... Ne rendez à personne le mal pour le mal... » (Rm 12, 9-17).
3. Voilà les consignes que je vous laisse en souvenir de cette première rencontre, tout en vous exhortant à invoquer l'aide et la protection de Marie Très Sainte, Reine de l'Action Catholique. — Elle, qui est la Vierge de la Tendresse, qu'elle vous fasse toujours ressentir son amour et sa consolation ! — Elle, qui est le « Temple de la Sagesse » qu'elle vous éclaire afin que vous soyez toujours fidèles à la vérité, tout en sachant que « ceux qui veulent vivre pleinement dans le Christ Jésus seront persécutés » (2 Tm 3, 12) ! — Elle, qui est notre espérance, qu'elle soit à vos côtés, dans vos paroisses et dans vos diocèses, afin que vous soyez toujours cohérents avec le grand devoir qui découle de votre appartenance à l'Action Catholique !
Et que vous accompagne et vous
aide, la bénédiction apostolique que, en gage des grâces célestes les plus
choisies, je vous donne de grand cœur, à vous, à vos assistants
ecclésiastiques, à vos dirigeants, à tous les membres de l'Action catholique et
à leurs familles respectives.
17 octobre 1978
A l'issue de la messe en la chapelle Sixtine, le 17 octobre, qui concluait le Conclave, le pape Jean Paul II a tenu à adresser un message à l'Église et au monde. Il s'est exprimé en latin devant les cardinaux. Voici notre traduction et nous avons ajouté les sous-titres.
Messieurs les Cardinaux et vous, fils de la Sainte Église, et vous tous hommes de bonne volonté, qui nous écoutez.
Une parole seulement, parmi tant d'autres, nous vient tout de suite sur les lèvres au moment de nous présenter à vous après l'élection au siège de l'apôtre Pierre. C'est une parole qui fait ressortir, par l'évident contraste avec nos limites humaines et personnelles, l'immense responsabilité qui nous est confiée : « Oh profondeur de la sagesse et de la science de Dieu : que ses jugements sont insondables et ses voies impénétrables !» (Rm 11, 33). Et, en effet, qui aurait pu prévoir, après la mort de l'inoubliable Paul VI, la disparition prématurée de son aimable successeur Jean Paul 1er ? Et comment aurions-nous pu prévoir que leur formidable héritage serait passé sur nos épaules ? C'est pour cette raison que nous devons méditer sur le mystérieux dessein du Dieu de providence et de bonté, non pas pour comprendre, mais plutôt pour adorer et prier. Nous avons conscience de devoir répéter l'invocation du psalmiste qui, tournant son regard vers les cieux s'exclamait : « D'où me viendra le secours ? Mon secours vient du Seigneur » (Ps 120, 1-2).
Les mêmes événements imprévisibles qui se sont succédés en si peu de temps et la réponse inadéquate qui pourrait venir de notre part, nous conduisent non seulement à nous tourner vers le Seigneur et à mettre en lui toute notre confiance, mais également nous empêchent de tracer un programme qui soit le fruit d'une longue réflexion et d'une élaboration détaillée. Mais, pour remédier à cette carence, une sorte de compensation est prête, qui constitue en elle-même un signe de la présence réconfortante de Dieu.
II y a un peu plus d'un mois, nous avons tous écouté, à l'intérieur et à l'extérieur des voûtes historiques de cette chapelle, l'allocution prononcée, à l’aube de son ministère prometteur, par le pape Jean Paul. Nous ne pensons pas pouvoir nous en écarter, tant en raison du souvenir que chacun d'entre nous en conserve qu'en raison des sages indications et conseils qu'elle contenait.
La même allocution, prononcée en cette circonstance, en y ajoutant quelques éléments, semble toujours valable au début de ce nouveau ministère pontifical qui nous engage de manière directe et désormais inéluctable devant Dieu et l'Église.
Nous aimerions donc tracer quelques lignes directrices que nous estimons d'importance capitale et qui pour cette raison — comme c'est notre propos et comme nous l'espérons avec l'aide de Dieu — recevront de notre part attention et consentement mais également une impulsion cohérente, afin qu'elles soient accueillies dans la réalité ecclésiale.
Tout d'abord, nous désirons
insister sur l'importance permanente du Concile oecuménique Vatican II et ceci signifie pour nous l'engagement formel de lui
donner l'exécution voulue. Le Concile n'est-il pas la pierre militaire au sein
de l'histoire bi-millénaire de l'Église et, par conséquent dans l'histoire
religieuse et culturelle du monde ? Mais celui-ci, pas plus qu'il n'existe
seulement dans des documents, ne se termine par les applications qui en ont été
faites pendant ces dernières années qu'on appelle la période post-conciliaire.
Nous considérons donc comme un devoir primordial de promouvoir l'exécution des
normes et des orientations du Concile, grâce à une action prudente et en même
temps stimulante, favorisant surtout l'acquisition d'une mentalité adéquate.
Nous voulons dire qu'il faut d'abord nous mettre en syntonie avec le Concile
pour en actualiser dans la vie ce qu'il énonce, et afin que ce qu'il implique —
ou ce qui est habituellement appelé « implicite » — soit explicité, également à
la lumière d'expériences successives et en relation aux exigences nées de
nouvelles circonstances. Il faut, en somme, porter à maturité, dans le sens qui
est propre au mouvement et à la vie, les semences que les Pères du Synode
œcuménique, inspirés par la Parole de Dieu ont semé dans la bonne terre (cf. Mt
13, 8, 23), c'est-à-dire leurs enseignements chargés d'autorité ainsi que leurs
délibérations pastorales.
Ce critère général de fidélité envers le Concile Vatican II et de son explicitation de notre part pour sa complète application, comprend divers aspects : le domaine missionnaire et œcuménique, la discipline et l'organisation ; mais il y a un aspect auquel des soins particuliers devront être consacrés, c'est celui du domaine ecclésiologique. Il est nécessaire, vénérés Frères et chers Fils du monde catholique, de reprendre en main la « magna carta » conciliaire qu'est la constitution Lumen Gentium, en vue d'une méditation renouvelée et affermie sur la nature et sur la fonction, sur la manière d'être et d'agir de l'Église, non seulement pour réaliser toujours mieux cette communion vitale, en Christ, de tous ceux qui croient et espèrent en lui, mais également en vue de contribuer à une plus ample et plus intime unité de la famille humaine tout entière. Ecclesia Christi lumen gentium : c'est ce qu'aimait répéter le pape Jean XXIII. L'Église — lui a répondu en écho le Concile — est sacrement universel de salut et d'unité pour le genre humain (cf. Constitution Lumen Gentium, n. 1, 48 ; Décret Ad Géntes, N° 1).
Le mystère du salut, qui est centré sur l'Église et s'actualise par l'Église, le dynamisme qui, en vertu de ce mystère lui-même, invite le Peuple de Dieu, la cohésion particulière, ou collégialité qui « cum Petro et sub Petro » unit les pasteurs entre eux, tenant compte des besoins tant permanents que contingents de l'humanité, afin de trouver les modes de présence et d'action de l'Église actuelle. C'est pour cela que l'adhésion qui doit être donnée à ce texte conciliaire, considéré à la lumière de la tradition et en lien d'intégration avec les formulations dogmatiques qui ont été élaborées, il y a un siècle, au Concile Vatican I, sera pour nous tous, pasteurs et fidèles, l'indication sûre de la voie à suivre ainsi qu'une constante stimulation pour marcher — nous le rappelons à nouveau — dans le sens de la vie et de l'histoire.
Nous recommandons en particulier d'approfondir, en vue d'une prise de conscience de plus en plus lucide et d'une responsabilité plus vigilante, ce que comporte le lien collégial. Il associe intimement les évêques au successeur de Pierre et entre eux tous pour l'accomplissement de ces hautes fonctions qui sont d'éclairer tout le Peuple de Dieu, à la lumière de l'Évangile, de sanctifier par les instruments de la grâce et de guider à l'aide de l'art pastoral. La collégialité signifiera également, bien sûr, le développement adéquat des organismes, en partie nouveaux et en partie mis à jour, qui peuvent garantir une meilleure unité des esprits, des intentions, des initiatives dans le travail d'édification du Corps du Christ, qu'est l'Église (cf. Ep 4, 12; Col 1, 24). A ce propos, nous mentionnons tout d'abord le Synode des évêques, constitué dans le grand esprit de Paul VI avant même que se termine le Concile (cf. Motu proprio Apostolica sollicitudo : AAS L VII, 1965, p. 775-780), et nous repensons aux contributions qualifiées et précieuses que cette institution a déjà offertes.
Outre cette référence au Concile, reste le devoir de fidélité global à la mission que nous avons reçue et qui vaut avant tout autre pour nous-même. Appelé à la responsabilité suprême dans l'Église, nous sommes le premier à devoir en témoigner par l'exemple de volonté et d'action, en manifestant de toutes nos forces ce qu'est cette fidélité, en conservant intact le dépôt de la foi et en observant pleinement les consignes particulières du Christ à Pierre, qu'il a constitué rocher de l'Église et lui a confié les clés du Règne des cieux (Mt 16,18-19), lui a commandé de confirmer ses frères (cf. Le 22, 32), et de paître les agneaux et les brebis de son troupeau, comme signe d'amour pour lui. Nous sommes profondément convaincus que toute enquête moderne concernant ce qu'on appelle le « misterium Pétri », faite pour préciser de mieux en mieux ce que ce ministère comprend de particulier et de spécifique, ne devra et ne pourra jamais faire abstraction de ces trois pôles évangéliques.
Il s'agit, en effet, de prestations typiques connexes à la nature même de l'Église pour la sauvegarde de son unité intérieure et pour garantir sa mission spirituelle, et confiée par conséquent à Pierre et après lui, également à ses successeurs légitimes. Et nous sommes convaincus, d'autre part, que ce ministère aussi particulier devra toujours trouver en l'amour — selon l'indéfinissable réponse au « m'aimes-tu » de Jésus — la source qui l'alimente et en même temps, le climat où il se développe. Nous répéterons donc avec saint Paul : « La charité du Christ nous presse » (2 Co 5, 14), car notre ministère veut être avant tout un service d'amour dans toutes ses manifestations et expressions.
En cela, nous nous efforcerons de suivre la grande école de nos prédécesseurs immédiats. Qui ne se rappelle les paroles de Paul VI, prédicateur de la « civilisation de l'amour », qui affirmait, le cœur animé de pressentiment, environ un mois avant sa mort, « Fidem servavi » (cf. Homélie pour la fête des saints Pierre et Paul, in AAS LXX, 1978, p. 395) non pas, certes, pour louer sa propre personne, mais comme résultat d'un examen rigoureux auquel il soumettait sa conscience profondément sensible, après quinze années de ministère ?
Et que dire de Jean Paul Ier ? Il semble être sorti hier même de nos rangs pour revêtir le poids du manteau papal : mais quelle chaleur, une véritable « vague d'amour » qu'il a répandue pendant les quelques jours de son ministère ! telle qu'il la souhaitait au monde à l'occasion de son dernier adieu à l'Angélus du dimanche. Nous en trouvons la confirmation dans les enseignements de sage catéchèse sur la foi, l'espérance et la charité, donnés pendant les audiences publiques.
Vénérables Frères et très chers Fils, il est évident que la fidélité signifie aussi l'adhésion convaincue au Magistère de Pierre, spécialement dans le domaine doctrinal, dont l'importance objective doit non seulement être présente à l'esprit mais, en outre, protégée en raison des périls qui se lèvent aujourd'hui de divers côtés contre certaines vérités de la foi catholique. La fidélité comprend aussi le respect des normes liturgiques qui émanent de l'autorité ecclésiastique et exclut donc, tant les innovations arbitraires et incontrôlées que le rejet obstiné de ce qui a été légitimement prévu et introduit dans les rites sacrés. La fidélité signifie encore le culte de la grande discipline de l'Église et cela aussi — vous vous le rappelez — a été indiqué par notre prédécesseur. La discipline, en effet, ne cherche pas à mortifier mais à garantir l'ordre voulu, propre au Corps mystique, comme pour assurer entré tous les membres qui le constituent, une articulation régulière et physiologique. La fidélité signifie, encore, la réponse généreuse aux exigences de la vocation sacerdotale et religieuse, de manière à maintenir et à développer, dans une perspective surnaturelle constante, ce qui a été librement promis devant Dieu.
Pour les fidèles enfin, comme la parole l'exprime, la fidélité doit être un devoir connaturel à leur être même de chrétien. Qu'ils la professent dans un esprit de disponibilité et de loyauté et la manifestent soit par l'obéissance envers les pasteurs que l’Esprit-Saint a établis pour paître l'Église (cf. Ac 20,28), soit par la collaboration à ces initiatives et ces œuvres, auxquelles ils sont appelés.
A ce point, nous ne pouvons oublier les Frères des autres Églises et confessions chrétiennes. La cause œcuménique est, en effet, trop élevée et trop délicate pour pouvoir la priver de notre parole. Combien de fois avons-nous médité ensemble le testament du Christ qui demanda au Père le don de l'unité pour ses disciples (cf. Jn 17, 21-23) ? Et qui ne se rappelle l'insistance de saint Paul au sujet de la « communion de l'esprit », qui suscite « une même charité, une seule âme, une seule et même pensée », en imitation du Christ Seigneur (cf. Ph 2, 2, 5-8) ? Il ne semble donc pas possible que demeure encore —cause de perplexité et peut-être même de scandale —le drame de la division entre les chrétiens. Nous entendons pour autant poursuivre le chemin déjà bien engagé pour favoriser les étapes capables de surmonter les obstacles, avec l'espoir que, grâce à un effort commun, on puisse arriver finalement à la pleine communion.
Nous désirons encore nous adresser à tous les hommes qui, comme fils de l'unique Dieu tout-puissant, sont nos frères et qu'il faut aimer, pour leur dire sans présomption, mais avec humble sincérité, notre volonté de donner une contribution effective aux causes permanentes et prédominantes de la paix, du développement, de la justice internationale. Nous ne sommes animés d'aucune intention d'interférence politique ou de participation à la gestion des affaires temporelles : tout comme l'Église exclut d'être encadrée par des catégories terrestres. Ainsi notre engagement — en nous penchant sur ces problèmes brûlants des hommes et des peuples — est déterminé uniquement par des motivations religieuses et morales. Disciple de celui qui a donné aux siens la perspective de l'idéal « d'être le sel de la terre » et « lumière du monde » (Mt 5, 13-16), nous voulons nous consacrer à consolider les bases spirituelles sur lesquelles la société humaine doit être fondée. Cela est d'autant plus urgent, et nous semble un tel devoir que nous sommes en présence des inégalités et des incompréhensions qui persistent et qui à leur tour deviennent cause de tension et de conflits dans de nombreuses parties du monde, avec la menace ultérieure des catastrophes les plus terribles. Notre sollicitude sera donc constante à l'égard de ces problèmes et en vue d'une action opportune, désintéressée et inspirée de l'Évangile.
Qu'il nous soit permis à ce point de prendre à cœur le très grave problème que le collège des Cardinaux a mis en relief, durant la « sede vacante » et qui concerne la terre bien-aimée du Liban, ainsi que son peuple, auquel nous souhaitons tous avec ardeur la paix dans la liberté. En même temps, nous aimerions tendre les mains et ouvrir le cœur, en ce moment, à tous les peuples et tous ceux qui sont opprimés par n'importe quelle injustice ou discrimination, tant en ce qui concerne l'économie et la vie sociale ou la vie politique, que la liberté de conscience et la juste liberté religieuse. Nous devons tendre, par tous les moyens, à cette fin : que toutes les formes d'injustice qui se manifestent à notre époque soient soumises à la considération commune et qu'on y porte véritablement remède , afin que tous puissent mener une vie digne de l'homme. Ceci appartient à la mission de l'Église qui a été mise en lumière par le Concile Vatican II et non seulement dans la constitution dogmatique Lumen Gentium, mais aussi dans la constitution pastorale Gaudium et Spes.
Très chers Frères et Fils, les récents événements de l'Église et du monde sont pour nous tous un avertissement salutaire : comment sera notre pontificat ? Et quel est le sort que le Seigneur réserve à son Église au cours des années qui viennent ? Et quel sera le chemin que l'humanité parcourra en ce laps de temps actuel qui nous rapproche de Tan 2000 ? Ce sont des questions hardies auxquelles on ne peut répondre que ce qui suit : « Deus scit » (cf. 2 Co 12, 2-3). Oh, bien sûr, notre cas personnel, qui nous a porté inopinément à la responsabilité la plus haute du service apostolique, présente peu d'intérêt. Notre personne — dirions-nous — doit disparaître devant la fonction onéreuse que nous devons remplir. Le discours, alors, se transforme nécessairement en un appel : après notre prière au Seigneur, nous ressentons le besoin de demander également votre prière, pour obtenir ce réconfort indispensable et supérieur, qui nous consent à reprendre l'œuvre de nos prédécesseurs bien-aimés, au point où ils l'ont laissée.
Au souvenir plein d'émotion que nous vous portons, nous aimerions joindre un salut particulier de reconnaissance à chacun d'entre vous, Messieurs les Cardinaux, qui nous avez désigné pour cette tâche. Et ensuite, un salut de confiance et d'encouragement à tous nos Frères dans l’épiscopat qui, dans les diverses régions du monde, président à la charge pastorale de chaque Église, portions élues du peuple de Dieu (cf. Décret Christus Dominus, n. 11) et sont, par ailleurs, solidaires à l'égard de l'œuvre universelle du salut. Après eux, nous portons notre regard vers l'ordre des prêtres, la multitude des missionnaires, les foules de religieux et religieuses. Alors que nous souhaitons vivement que leur nombre augmente, les paroles du Seigneur résonnent dans notre esprit : « la moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux » (Mt 9, 37-38 ; Lc 10, 2). Nous nous tournons encore vers les familles et les communautés chrétiennes; les associations multiformes d'apostolat des fidèles qui, même si nous ne les connaissons pas individuellement, ne sont pas pour autant anonymes mais ni étrangers ni marginaux — cela jamais ! — ils feront partie de l'ensemble magnifique qu'est l'Église du Christ. Parmi eux nous apercevons, avec une attention préférentielle, les plus faibles, les pauvres, les malades, les affligés. C'est à eux que nous voulons spécialement ouvrir notre cœur — au premier instant de notre ministère pastoral. N'êtes-vous pas en effet — frères et sœurs — ceux qui participez par vos souffrances à la passion du Rédempteur lui-même, à laquelle vous donnez en quelque sorte plein accomplissement ? L'indigne successeur de Pierre qui se propose de scruter les insondables richesses du Christ (Ep 3, 8), a le plus grand besoin de votre aide, de votre prière, de votre sacrifice et c'est à cette intention qu'il s'adresse humblement à vous.
Et permettez-nous d'ajouter, Frères et Fils qui nous écoutez, en raison de l'amour indestructible que nous portons à notre pays d'origine, un salut tout particulier à notre Pologne « semper fidelis », tant à nos prêtres qu'à nos fidèles de l'Église de Cracovie : c'est un salut où s'entrecroisent indissolublement les souvenirs et les affections, la nostalgie et l'espérance.
En cette heure, pour nous grave et angoissante, nous ne pouvons nous empêcher de tourner notre esprit avec dévotion filiale vers la Vierge Marie, qui vit toujours et agit comme Mère au sein du mystère du Christ et de l'Église, en répétant les douces paroles « totus tuus » que nous avons gravées il y a vingt ans dans notre cœur et dans nos armoiries, au moment de la consécration épiscopale. Et nous ne manquerons pas d'invoquer les saints apôtres Pierre et Paul, ainsi que, avec eux, tous les saints et les bienheureux de l'Église universelle. C'est ainsi que nous voulons vous saluer tous : les personnes âgées, les adultes, les jeunes, les enfants, les nouveaux-nés, sur l'onde de ce vif sentiment de paternité qui surgit de notre cœur.
A tous, nous adressons le souhait sincère pour une telle croissance « dans la grâce et dans la connaissance de n'être Seigneur et Sauveur Jésus-Christ » que le prince des Apôtres invoquait (2 P 3, 18).
A vous tous, nous donnons notre première bénédiction apostolique qui ne répandra pas seulement sur eux, mais sur l'humanité entière, une effusion abondante des dons du Père qui est dans les Cieux ! Ainsi soit-il.
23 octobre 1978
Jean Paul II aux pèlerins polonais
Les quelques milliers de Polonais venus de la mère-patrie, mais aussi de divers pays d'Europe et des États-Unis pour assister à la prise officielle de sa charge par le pape Jean Paul II ont été reçus en audience par celui qui fut un des plus valeureux pasteurs de leur Église. Jean Paul II avait rédigé deux messages, l'un à l'adresse de toute la Pologne, l'autre pour le diocèse de Cracovie. Il les a confiés, le premier au cardinal Wyszynski, le second aux évêques polonais, leur demandant qu'ils soient lus, le premier dans toutes les églises de Pologne et dans celles où il y a, répandus dans le monde, des fidèles polonais ; le second dans toutes les églises du diocèse de Cracovie ; nous en publions la traduction ci-après.
Mes chers compatriotes,
Je vous écris ces mots le jour où il est échu à un des fils de notre patrie d'assumer le ministère d'évêque sur la chaire de saint Pierre. Je ne puis manquer de m'adresser à vous tous, frères et sœurs, fils de la Pologne bien-aimée, précisément ce jour où, selon les desseins impénétrables de la Providence je me trouve, moi, jusqu'à présent archevêque métropolitain de Cracovie, obligé de quitter l'antique chaire de saint Stanislas pour assumer la chaire romaine de saint Pierre et avec elle, la sollicitude pour l'Église universelle tout entière. Il est difficile de penser et de parler de ceci sans éprouver une profonde émotion. Il semble que le cœur humain — et en particulier le cœur polonais — ne saurait suffire pour contenir une telle émotion. Manquent également les mots pour exprimer toutes les pensées qui, en cette circonstance, se pressent dans l'esprit. Mais ces pensées et ces sentiments ne se mêlent-ils pas à toute notre histoire ? N'embrassent-ils pas le millénaire durant lequel nous, fils de la Pologne, nous avons gardé la fidélité au Christ et à son Église, au Siège apostolique, au patrimoine des saints Pierre et Paul ?
Mais ces pensées et ces sentiments s'adressent de manière plus particulière à la dernière période de notre histoire : histoire de la patrie et histoire de l'Église. Comme ce fut difficile ! Et combien dur ! Symbole de cette période de coup de barre, l'est sans conteste la figure du bienheureux Maximilien Marie Kolbe qui a été, il y a quelques années, élevé à la gloire des autels par l'inoubliable Saint-Père Paul VI.
Et voici : un fait significatif, difficile à comprendre humainement parlant. C'est précisément au cours de ces dernières décennies que l'Église de Pologne a acquis une signification particulière dans le contexte de l'Église universelle et de la chrétienté. L'Église de Pologne est devenue l'objet d'un grand intérêt à cause de son système spécifique de rapports, système qui a tant d'importance dans les recherches que l'humanité d'aujourd'hui, les différents peuples et États entreprennent dans les domaines social, économique et culturel. L'Église de Pologne a acquis une voix nouvelle, elle est devenue l'Église d'un témoignage particulier vers lequel le monde entier tourne le regard. Dans cette Église vit et s'exprime notre peuple, la génération actuelle.
Si l'on n'accepte pas ce fait, on ne saurait même pas comprendre qu'aujourd'hui vous parle un pape « polonais » : il est difficile de comprendre comment un Conclave qui avait, le 26 août, fête de la Vierge de Czestochowa, fait à l'Église un don magnifique en la personne du Saint-Père Jean Paul Ier ait pu, après sa mort inoubliable intervenue après à peine trente-trois jours de pontificat, appeler à la chaire de Pierre un cardinal polonais. Il est difficile de comprendre que ce choix ait rencontré, non pas des oppositions, mais de la compréhension et même une bienveillante acceptation.
Vénérable et bien-aimé Cardinal Primat, permets que je te dise simplement ce que je pense. Il n'y aurait pas aujourd'hui sur la chaire de Pierre ce pape polonais qui, rempli de la crainte de Dieu mais également de confiance, commence aujourd'hui un nouveau pontificat s'il n'y avait pas eu ta foi qui n'a pas reculé devant la prison et la souffrance ; s'il n'y avait pas eu ton espérance héroïque, ta confiance sans limite en la Mère de l'Église ; s'il n'y avait pas eu Jasna Gora et toute la période de l'histoire de l'Église dans notre Patrie, unie à ton ministère d'évêque et de primat. En te le disant à toi, je le dis également à tous mes frères dans l'épiscopat : à eux tous ensemble et à chacun d'eux. A tous les prêtres, les religieux et les religieuses et à chacun en particulier. Et de même à tous et à chacun de mes compatriotes bien-aimés, frères et sœurs dans la patrie et hors de la patrie. Je le dis également à toi, cher cardinal de Philadelphie aux États-Unis et à tous les évêques d'origine polonaise de partout dans le monde. Je le dis à tous mes compatriotes sans exception, en respectant leur credo et leurs convictions. L'amour de la patrie nous unit et doit nous unir au-delà de toute divergence. Ceci n'a rien de commun avec un étroit nationalisme ou chauvinisme, mais jaillit de la loi naturelle du cœur humain. C'est la mesure de la noblesse de l'homme. Mesure mise à l'épreuve de nombreuses fois au cours de notre peu facile histoire.
Chers compatriotes, il n'est pas facile de renoncer au retour dans sa patrie « à ces champs riches des fleurs les plus variées, argentés de froment et dorés de seigle » comme l'a écrit Mickiewicz. A ces monts et vallées aux lacs et aux rivières, aux hommes tant aimés, à cette ville royale. Mais si telle est la volonté du Christ, il faut l'accepter et c'est pourquoi je l'accepte. Je prie seulement que cet éloignement nous unisse plus encore et nous consolide dans la véritable charité réciproque. Ne m'oubliez pas dans la prière à Jasna Gora et dans tout le pays afin que ce pape qui est sang de votre sang et cœur de vos cœurs serve bien l'Église et le monde dans les temps difficiles qui précèdent la fin de ce second millénaire. Je vous prie encore.; gardez votre fidélité au Christ, à sa Croix, à l'Église et à ses pasteurs. Et encore : opposez-vous de toutes vos forces à tout ce qui est en contradiction avec la dignité humaine et qui dégrade les mœurs d'une société saine, qui peut même parfois menacer jusqu'à son existence et le bien commun, qui peut réduire notre contribution au patrimoine commun de l'humanité, des nations chrétiennes, de l'Église du Christ. Permettez-moi de vous citer les paroles de saint Paul : « Au cas où je vienne vous voir... » (cf. Ph 1, 27). J'aimerais tant venir chez vous pour le neuf centième anniversaire de saint Stanislas auquel nous nous sommes préparés avec tant de ferveur dans l'archidiocèse métropolitain de Cracovie et dans toute la Pologne, parce que ce jubilé est celui de son plus ancien Patron. J'espère que ce jubilé apportera le renouveau de notre foi et de notre morale chrétienne, car en saint Stanislas nous voyons un patron de l'ordre moral comme en saint Adalbert nous voyons depuis près de mille ans le patron de l'ordre hiérarchique.
Je désire vous bénir et je le fais non seulement en vertu de ma mission d'évêque et de pape mais aussi pour répondre à un profond besoin du cœur. Et vous, chers compatriotes, aujourd'hui, comme toutes les fois que vous accueillerez la bénédiction du pape Jean Paul II, rappelez-vous qu'il est venu de chez vous et qu'il a un droit tout particulier à votre affection et à votre estime.
Au bien-aimé archidiocèse de Cracovie, à tout le peuple de Dieu, à mes frères en l'épiscopat, aux prêtres, aux familles religieuses masculines et féminines, à tous !
Je vous écris ces mots, très chers frères et sœurs, en ce moment exceptionnel et inattendu où, par la volonté de Nôtre-Seigneur Jésus-Christ, exprimée par le Conclave des cardinaux, après la mort du pape Jean Paul Ier, d'inoubliable mémoire — je quitte l'Église de Cracovie, la chaire épiscopale de saint Stanislas, pour assumer la chaire de saint Pierre à Rome. Je ne puis m'empêcher, en cette circonstance, de penser à vous et de m'adresser à vous, à qui pendant vingt ans m'a uni mon ministère pastoral et, avant cela, également le travail pastoral et celui de professeur, puis les expériences de l'activité physique et, enfui, toute ma vie depuis ma naissance. Croyez-moi, en venant à Rome pour le Conclave, je n'avais d'autre désir que de retourner parmi vous, à mon très cher archidiocèse et dans ma patrie. Mais la volonté du Christ était autre ; c'est pourquoi je reste ici et entreprends la nouvelle mission qu'il m'a confiée. Mission si élevée, mais aussi si difficile et de très grande responsabilité. Si nous pensons et raisonnons avec notre esprit, cette mission dépasse les forces humaines. Saint Pierre n'a-t-il pas eu, lui le premier, peur de cette mission quand il a dit au Christ : « Seigneur, éloigne-toi de moi qui suis un pécheur »? (Le 5, 8). Et de même après la résurrection, quand, indiquant l'apôtre Jean, il demanda « Seigneur, et lui ? » Mais le Christ lui avait déjà répété : « Que t'importe ? Toi, suis-moi » (Jn 21, 21-22).
Mes très chers frères et sœurs, permettez-moi de vous remercier pour toutes les années de ma vie, années d'études, années de sacerdoce, années d'épiscopat. Comment pouvais-je savoir que toutes ces années allaient me préparer pour l'appel qui me fut adressé par le Christ le 16 octobre dernier en la chapelle Sixtine ? Mais dans la perspective de cette journée, je me dois de regarder vers tous ceux qui, sans le savoir, m'ont préparé à cette journée. C'est-à-dire mes très chers parents qui ne vivent plus depuis bien longtemps ; ma paroisse de Wadowice, dédiée à la Présentation au Temple delà Vierge Marie ; les écoles élémentaires et moyennes ; l'Université Jaghellonica, la faculté de Théologie, le séminaire ecclésiastique. Que devrais-je dire de mon prédécesseur sur la chaire de saint Stanislas, le cardinal Adam Stefan Sapieha et du grand exilé Eugeniusz Baziak, des évêques, des prêtres et de tous ces fervents pasteurs, ces profonds et excellents professeurs, ces religieux et religieuses exemplaires, et tous les laïcs de milieux divers que j'ai rencontrés dans ma vie ? Que dire aussi de mes anciens compagnons d'école, d'université, de séminaire ; des ouvriers de « Solway » ; des intellectuels, écrivains, artistes, gens de professions diverses ; et encore de tant d'époux, d'universitaires, de groupes apostoliques, d'oasis, de garçons et filles en recherche du sens de la vie, l'Évangile en main, et qui parfois trouvent la voie de la vocation sacerdotale ou religieuse ?
Tout ceci je le porte dans mon cœur et de certaine manière je le tiens avec moi : toute mon Église bien-aimée de Cracovie, remarquable partie de l'Église du Christ en Pologne et remarquable partie de l'histoire de notre patrie. La Cracovie ancienne et nouvelle, les nouveaux quartiers, les hommes nouveaux, les nouvelles bourgades, Nowa Huta ; la sollicitude à l'égard de l'urgent besoin de nouvelles églises et de nouvelles paroisses ; les besoins nouveaux pour l'évangélisation, la catéchèse et la pastorale. Tout ceci me suit sur la chaire de Pierre. Tout ceci constitue une part de mon âme que je ne saurais laisser : le terreau qui a nourri mon expérience et ma foi, mon amour qui s'élargit et embrasse tous les lieux qui me sont chers, tous les sanctuaires du Christ et de sa Mère, comme Mogila, Ludzmierz, Mysleni-ce, Staniatki ou Ryehwald, et particulièrement Kalwaria Zebrzydowka avec ses sentiers que je parcourais avec tant de plaisir. Je garde dans les yeux et dans le cœur le panorama de la terre de Cracovie, de Zywiec, de Slask, de Podhale, de Beskidy et de Tatra. J'offre au Seigneur cette terre tant aimée et le paysage tout entier de Pologne, mais surtout tous les hommes.
Encore une fois, je remercie les évêques : Julien, Jean, Stanislas, Albin, le Chapitre métropolitain, les attachés à la Curie, le Conseil presbytéral, les doyens, les curés et les vicaires, parce que la plus grande partie d'entre vous, chers Frères, a reçu l'ordination de mon ministère épiscopal.
En écrivant ces mots, je désire vous assurer de mon fidèle souvenir et de mes prières constantes.
Je désire que vous acceptiez, comme adressées à vous-mêmes, les pensées que j'ai exprimées dans ma lettre à tous mes compatriotes.
J'ai dû quitter Cracovie la veille des préparatifs au grand Jubilé de saint Stanislas. Peut-être Dieu me permettra-t-il d'y prendre part. J'espère que le travail de sept années en l'honneur de saint Stanislas, ce travail que nous avions commencé ensemble en 1972, mûrira et s'exprimera par les décisions du Synode pastoral et par tout ce qui tend au renouvellement de l'Église de Cracovie selon l'esprit du Concile Vatican II.
Que Dieu vous bénisse tous dans cette œuvre. Qu'il bénisse le nouveau métropolitain de Cracovie, celui à qui sera assignée, après moi, la chaire de saint Stanislas ; qu'il bénisse tout le peuple de Dieu de cette Église.
Encore une fois, je vous confie au Christ, par les mains et le cœur de la Mère de Dieu.
25 octobre 1978
Message du pape à l'UNDA
L'Association catholique internationale pour la radio et la télévision (UNDA) vient de célébrer à Cologne, avec la participation des délégués de cent neuf pays, le cinquantième anniversaire de sa fondation. A cette occasion, le Saint-Père Jean Paul II a adressé à ses dirigeants un message en langue anglaise. En voici la traduction :
Au Révérend Père Agnellus Andrew, ofm, Président de l'UNDA,
En ces premiers jours de notre ministère comme successeur de saint Pierre, nous sommes heureux d'adresser un message de félicitations et de bénédiction à l'Association catholique internationale pour la radio et la télévision et à ses représentants, réunis pour célébrer le cinquantième anniversaire de la fondation de l'œuvre.
C'est une tâche agréable que nous accomplissons avec le plus grand empressement. Nous avons suivi de près les événements qui au cours des deux derniers mois ont intéressé le Saint-Siège et nous sommes parfaitement conscient du rôle que la radio et la télévision jouent dans la vie du monde et dans la vie de l'Église, ainsi que de leur capacité d'unir les peuples dans la célébration d'événements qui touchent profondément leur vie. Nous nous rendons compte de la bonté du Seigneur qui a daigné mettre à notre disposition ces moyens extraordinaires. En outre — et nous saisissons cette occasion avec joie pour vous le dire — nous sommes profondément reconnaissant envers les différents réseaux radio-télévisuels qui, au cours de ces journées, ont permis aux fils et aux filles de l'Église de connaître le visage de leur nouveau père, serviteur et pasteur, d'entendre sa voix et de faire immédiatement connaissance de sa personne, tel que ce fut le cas. Nous adressons de sincères remerciements à chacun des producteurs et des techniciens qui, de quelque manière, ont rendu possible que nous parlions directement à l'Église et au monde et que, de cette façon, nous donnions personnellement l'assurance de notre amour et de notre ferme engagement dans le service pastoral.
De manière tout spécialement affectueuse et reconnaissante, nous adressons nos félicitations à l'UNDA à l'occasion de son jubilé et nous désirons vivement que les représentants des cent neuf pays réunis à Cologne, hôtes de nos bien-aimés frères, le cardinal Joseph Höffner et les cardinaux de la Conférence épiscopale allemande sachent que le pape s'associe à eux dans leur joyeuse célébration. Avec eux, nous remercions le Seigneur pour ses grâces et ses dons durant les cinquante années écoulées et nous partageons leurs sentiments de gratitude envers les évêques allemands pour l'aide généreuse et l'appui qu'ils ont toujours accordés à l'UNDA depuis 1928, année de sa fondation à Cologne, jusqu'à ce jour.
Comme dans le livre de la Révélation, « Je connais vos œuvres, votre amour et votre foi, vos services et votre patiente endurance et je sais que vos dernières œuvres dépassent les premières » (Rév. 2, 19).
Et nous savons que la mention de « patiente endurance » vous fera penser avec émotion à tous ceux qui, associés à votre œuvre, continuent, avec grand courage et abnégation, à travailler dans des conditions hérissées d'incertitudes, de souffrances et de difficultés. Soyez assurés que le pape s'unit à vous dans vos soucis pour eux, dans vos prières et dans votre fierté, dans votre admiration pour eux. Puissent-ils retremper leur courage dans la pensée que la Croix fournit l'indication la meilleure possible, que leur travail ne sera pas infructueux.
On ne saurait oublier la loyauté et
le dévouement fidèle que l'UNDA a démontrés à l'égard du siège de Pierre au
cours du demi-siècle écoulé : en fait, nos prédécesseurs y ont trouvé un réel
support et un grand réconfort. Faisant preuve de confiance à l'égard de
l'Association, nos prédécesseurs n'hésitèrent pas à faire appel à la compétence
de ses membres pour élaborer les décrets et les règles qui guident actuellement
les artisans de la communication sociale de l'Église dans les divers mass
média.
Dans la partie des statuts où sont indiqués les buts de l'UNDA, figurent deux termes qui peuvent servir de point de départ pour l'activité future de votre Association. Ces ternies sont « apostolique » et « professionnel ». Votre jubilé ne constitue pas seulement l'occasion de célébrer les réalisations du passé ; il est aussi — et vous le comprenez certainement — une occasion favorable au réexamen de votre disponibilité et de votre enthousiasme comme membres de cette association internationale. Il est aussi le moment qui permet d'approfondir ses motivations. Et la raison de base de votre travail est l’évangélisation du genre humain, ce qui exige une claire et explicite proclamation du salut en Jésus-Christ, la proclamation de son enseignement, de sa vie, de ses promesses, de son royaume et de son ministère comme Fils du Dieu vivant et Fils de Marie (cf. Evangelii nuntiandi 22, 27). Cette évangélisation doit se faire par un recours compétent et professionnel à la radio, à la télévision et aux moyens audio-visuels. Et à l'évangélisation est nécessairement uni le progrès de toute la race humaine, le développement intégral de tous les hommes et femmes du monde. Ceci est un noble but, profondément chrétien et le pape partage votre conviction que ce but ne peut être atteint que par un professionnalisme qui n'admet ni superficialité ni improvisation. Cette exigence jaillit du respect dû à Dieu et de la considération due au public.
Si vous vous efforcez de promouvoir ce respect et cette considération parmi tous vos membres et d'encourager cette attitude chez tous ceux qui, sur le plan professionnel, vous sont liés, tant à l'intérieur qu'en dehors de votre Association, vous aurez travaillé pour réaliser un autre but important de l'UNDA, c'est-à-dire pour garantir un véritable esprit humain et chrétien dans toutes les activités rattachées aux moyens de la communication sociale.
Il est indubitable que vos activités et vos efforts sont nécessaires dans notre monde actuel. L'Église a besoin de vous, elle vous apprécie, elle vous fait confiance et elle compte sur votre apport spécifique au service de la foi catholique.
Et, à l'occasion de ce jubilé, le nouveau pasteur de l'Église vous embrasse, vous remercie pour tout ce que vous avez fait et vous renouvelle pour l'avenir sa confiance et ses espérances. Il vous bénit au nom du Père, du Fils et de l'Esprit-Saint.
31 octobre 1978
A M. l'abbé Lucien Labelle, Président de l'Organisation Catholique Internationale du Cinéma
Au début de notre pontificat, nous sommes heureux de nous associer au jubilé d'or de l'Organisation Catholique Internationale du Cinéma, célébré à La Haye. La présence ecclésiale que cette institution essaie d'assurer au cœur de la vaste production cinématographique mérite en effet d'être encouragée, pour aider nos contemporains et toute la société à bénéficier vraiment, aux plans humain et spirituel, du développement de ce secteur important et à surmonter les risques qu'il comporte. Vous pouvez également aider l'Église à mieux comprendre et utiliser les ressources de ce « septième art » pour sa mission de salut.
C'est le mérite de vos devanciers d'en avoir compris l'enjeu et d'avoir su éveiller l'attention particulière des chrétiens sur la créativité cinématographique. Cette action ne tarda pas à recevoir les encouragements du Saint-Siège pour la situer au plan de l'Église universelle : Nous pensons notamment au pape Pie XII qui manifesta une grande sollicitude en ce domaine (cf. Discours aux représentants de l'industrie cinématographique italienne, 21 juin 1955, AAS 47,1955, p. 501-512). Et le Concile Vatican II est venu éclairer et stimuler cet apostolat des communications sociales, en posant les bases de l'instruction pastorale Communion et Progrès. Vous avez raison d'en tirer sans cesse le dynamisme et les orientations que requièrent vos responsabilités.
Certes, l'OCIC n'a pas une tâche facile pour être pleinement fidèle à sa vocation et les modalités de son action peuvent être parfois diversement appréciées, la sensibilité personnelle s'attachant à tel ou tel aspect. Or cette institution ecclésiale doit accueillir et promouvoir les essais du cinéma moderne avec la lucidité et la compréhension que demande cet art spécifique et en même temps témoigner librement des valeurs humaines et spirituelles exigées par l'éthique chrétienne, souvent rappelée par le Magistère. Nous tenons à vous exprimer la reconnaissance de l'Église pour le travail qui a été accompli en ce sens. Mais le jubilé de votre Organisation doit surtout provoquer un élan vers les tâches à venir. Nous espérons d'une part, que les différentes instances amélioreront encore la compétence et la qualité apostolique de leur service. Et nous souhaitons, d'autre part, qu'elles trouvent toujours davantage, entre elles et avec le Saint-Siège, précisément dans l'OCIC, la concertation qui donnera à leur action la force d'un engagement catholique de plus large envergure. Nous jugeons bon de confier à votre méditation quelques points fondamentaux.
Parler de cinéma, c'est d'abord évoquer le secteur très complexe de la créativité et de la production des films. C'est un vrai dialogue qui doit s'établir ici entre l'Église et le monde du cinéma : vous en êtes déjà et vous pourrez en être toujours davantage les artisans qualifiés et efficaces. Puissiez-vous contribuer à susciter une mentalité nouvelle qui accepte que les priorités soient posées sans ambiguïté ! Voici quelques thèmes qui pourraient faire l'objet d'une réflexion approfondie avec les réalisateurs et acteurs : cherchent-ils la promotion des authentiques valeurs humaines ? Donnent-ils la place qui convient aux valeurs religieuses et spécifiquement chrétiennes ? Vous pouvez au moins insister pour que celles-ci ne soient ni omises ni sous-estimées. Quelle responsabilité pour l'Église et aussi quelle espérance, d'encourager sans cesse le retour à une production cinématographique humainement digne de ce nom !
Une autre série de réflexions s'imposerait aujourd'hui, bien qu'elle touche un problème délicat, régi par la loi du commerce : les organes de distribution de films tiennent-ils compte suffisamment de la dignité et des convictions des destinataires ? En effet, des pays techniquement avancés diffusent trop souvent — et de jeunes nations semblent accueillir trop facilement — nombre de réalisations cinématographiques discutables, sans se soucier des diversités culturelles, ethniques et historiques des spectateurs.
Mais la pastorale de l'OCIC doit viser plus encore la formation des éducateurs et des usagers, pour leur permettre de bénéficier avec discernement des séquences qui leur sont proposées et d'intervenir à bon escient auprès des responsables.
Enfin, le défi de l'évangélisation, si bien mis en relief par les deux récents synodes d'évêques, devrait aussi susciter des initiatives plus nombreuses en ce domaine cinématographique. Il s'agit de créer des films, même modestes et de courte durée, pour témoigner directement de la foi de l'Église. Beaucoup de réalisations intéressantes ont déjà vu le jour — et nous en félicitons les auteurs — mais les communautés chrétiennes malgré la pauvreté de leurs moyens, ne devraient pas hésiter à investir davantage dans ce secteur si important, à l'heure de la « civilisation de l'image ». Dans le passé, nos sanctuaires se remplissaient de mosaïques, de peintures, de sculptures religieuses, pour enseigner la foi. Aurons-nous assez de vigueur spirituelle et de génie pour créer des « images mouvantes » et de grande qualité, aussi bien adaptées à la culture d'aujourd'hui ? Il y va, non seulement de la première annonce de la foi dans un monde souvent très sécularisé, ou de la catéchèse pour approfondir cette foi, mais de l’inculturation du message évangélique au niveau de chaque peuple, de chaque tradition culturelle.
Une réflexion particulière nous est suggérée par le thème que les instances internationales ont choisi pour l'année qui vient : la promotion de l'enfant. Les enfants et les jeunes sont bien en effet les usagers privilégiés, et aussi les plus exposés, face aux méfaits de la production cinématographique. Le récent synode les a aussi considérés comme destinataires de la catéchèse, à un titre particulier. Vous saurez leur accorder une place spéciale dans votre sollicitude.
En ce cinquantième anniversaire, nous souhaitons à l’OCIC une fructueuse activité, en communion profonde avec les évêques et l'ensemble de l'Église. Et nous donnons de tout cœur, aux membres de cette Organisation et à tous ceux qui œuvrent avec eux pour que le cinéma serve le progrès humain et spirituel de leurs frères, notre bénédiction apostolique.
2 décembre 1978
Message du pape au Secrétaire général des Nations Unies
A S. Exc. le Dr Kurt Waldheim,
Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies,
L'événement que représente le trentième anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme offre au Saint-Siège une occasion opportune pour proclamer, une fois encore, à l'intention des peuples et des nations, son intérêt constant et sa fervente sollicitude pour les droits fondamentaux de l'homme dont nous trouvons l'expression dans ce qui est clairement enseigné par le message évangélique lui-même.
C'est dans cette pensée que je désire vous saluer, Monsieur le Secrétaire général, et, par votre intermédiaire, le président et les membres de l'Assemblée générale des Nations Unies qui se sont rassemblés pour commémorer cet anniversaire. Je voudrais vous exprimer à tous mon ferme assentiment en ce qui concerne « l'engagement permanent de l'Organisation des Nations Unies en vue de promouvoir, d'une façon toujours plus évidente, plus autorisée et plus effective, le respect pour les droits fondamentaux de l'homme » (Paul VI, Message pour le XXVe anniversaire de la Déclaration des droits de l'homme, 10 décembre 1973, AAS 65, 1973, p. 674).
Au cours de ces trente années écoulées, des étapes significatives ont été parcourues et des efforts remarquables ont été faits pour créer et soutenir les moyens juridiques prévus pour protéger les idéaux exprimés dans cette Déclaration.
Il y a deux ans, la Convention internationale sur les Droits économiques, sociaux et culturels et la Convention internationale sur les Droits civils et politiques ont été mises en œuvre. De ce fait, les Nations Unies ont fait un sensible pas en avant et ont rendu effectif l'un des principes de base qu'elles avaient adopté en propre comme véritable base de l'Organisation : à savoir l'institution juridique de moyens ayant force de loi pour promouvoir les droits des individus et pour protéger leurs libertés fondamentales.
Assurément, un objectif désirable serait qu'un nombre croissant d'États adoptent ces Conventions de manière à ce ce que le contenu de la Déclaration Universelle puisse devenir toujours plus opérationnel dans le monde. Ainsi la Déclaration trouverait un plus grand écho comme l'expression répandue partout de la ferme volonté des peuples de promouvoir, avec des garanties légales, les droits des hommes et des femmes sans discrimination de race, de sexe, de langue ou de religion.
Il serait à remarquer que le Saint-Siège — selon la logique de son identité propre et à différents niveaux — a toujours cherché à être un fidèle collaborateur des Nations Unies dans toutes ces initiatives susceptibles de faire progresser cette tâche noble mais difficile. Le Saint-Siège a toujours apprécié, loué et soutenu les efforts déployés par les Nations Unies pour garantir d'une façon toujours plus effective la pleine et juste protection des droits fondamentaux et des libertés de la personne humaine.
Si la considération des trente années écoulées nous donne tout lieu de nous montrer vraiment satisfait des nombreux progrès réalisés en ce domaine, nous ne pouvons cependant pas ignorer que le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui présente de trop nombreux exemples de situation d'injustice et d'oppression. Force nous est de constater qu'il existe apparemment une croissante divergence entre les déclarations significatives des Nations Unies et l'accroissement parfois massif des violations des droits de l'homme dans toutes les parties de la société et du monde. Ceci ne peut que nous attrister et nous laisser dans un sentiment d'insatisfaction quant au déroulement actuel des événements.
Qui pourrait nier qu'aujourd'hui des personnes individuelles et des pouvoirs civils violent impunément les droits fondamentaux de la personne humaine : droits tels que le droit à la naissance, le droit à la vie, le droit à une procréation responsable, le droit au travail, à la paix, à la liberté et à la justice sociale, le droit de participer aux décisions qui concernent les peuples et les nations ?
Et que dire des différentes formes de violence collective comme la discrimination raciale dirigée contre des individus et des groupes, l'usage de la torture physique et psychologique perpétrée contre des prisonniers ou des opposants politiques ? Cette liste s'allonge si nous tournons notre regard vers les exemples de séquestration de personnes pour des raisons politiques et si nous considérons les actes d'enlèvements pour un profit matériel, actes qui frappent si dramatiquement la vie familiale et les structures sociales.
Dans le monde tel que nous le découvrons aujourd'hui, quels critères pouvons-nous utiliser pour voir protéger les droits de toutes les personnes ? Quelle base pouvons-nous offrir comme terrain sur lequel les droits individuels et sociaux puissent croître ? Indiscutablement cette base est la dignité de la personne humaine. Le pape Jean XXIII expliquait cela dans Pacem in Terris : « Toute association bien ordonnée et féconde des hommes dans la société exige l'acceptation d'un principe fondamental : à savoir que chaque individu est vraiment une personne. Comme tel il a des droits et des devoirs qui découlent ensemble de sa nature comme une conséquence directe. Ces droits et ces devoirs sont universels et inviolables et par conséquent absolument inaliénables » (n. 9).
Le préambule de la Déclaration Universelle elle-même est tout à fait semblable quand il dit : « La reconnaissance de la dignité personnelle et de l'égalité des droits inaliénables de tous les membres de la famille humaine est le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. »
C'est dans cette dignité de la personne que les droits de l'homme trouvent leur source immédiate. Et c'est le respect de cette dignité qui donne naissance à la protection de ces droits. La personne humaine, même quand elle se trompe, conserve toujours sa dignité intrinsèque et ne perd jamais cette dignité personnelle (Pacem in Terris, 158).
Pour les croyants, permettre à Dieu ,de parler à l'homme est le moyen de mieux contribuer en vérité au renforcement de la conscience que tout être humain, homme ou femme, a de sa destinée, et à la prise de conscience du fait que tous les droits dérivent de la dignité de la personne qui est solidement enracinée en Dieu.
Je voudrais maintenant parler de ces droits eux-mêmes tels qu'ils sont sanctionnés par la Déclaration et en particulier de l'un d'entre eux qui occupe sans aucun doute une place centrale : le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (cf. Art 18).
Permettez-moi d'attirer l'attention de l'Assemblée sur l'importance et sur la gravité d'une question qui, aujourd'hui encore, est vivement et douloureusement ressentie. Je veux parler de la question de la liberté religieuse qui est la base de toutes les autres libertés et qui est inséparablement liée à elles toutes en raison précisément de cette dignité qu'est la personne humaine.
La véritable liberté est la caractéristique prédominante de l'humanité : c'est la source d'où découle la dignité humaine ; c'est « le signe exceptionnel de l'image de Dieu dans l'homme » (Gaudium et Spes, 17). Elle nous est offerte et nous est conférée comme notre mission propre.
Les hommes et les femmes d'aujourd'hui ont une conscience accrue de la dimension sociale de la vie et il en résulte qu'ils sont devenus toujours plus sensibles au principe de la liberté de pensée, de conscience et de religion. Cependant, avec tristesse et un regret profondément ressenti, nous avons aussi à admettre que, malheureusement, selon les termes du Concile Vatican II, dans la Déclaration sur la liberté religieuse, « il existe des régimes où, bien que la liberté de culte religieux soit reconnue dans la Constitution, les pouvoirs publics eux-mêmes s'efforcent de détourner les citoyens de professer la religion et de rendre la vie des communautés religieuses difficile et précaire » (Dignitatis Humanae, 15).
L'Église s'efforce d'être l'interprète de la soif de dignité des hommes et des femmes modernes. Aussi voudrais-je demander solennellement que, partout et de la part de tous, la liberté religieuse soit respectée pour chaque personne et pour tous les peuples. Je suis poussé à faire cet appel solennel par la conviction profonde que, même indépendamment du désir de servir Dieu, le bien commun de la société elle-même « pourrait profiter des biens de la justice et de la paix qui découlent de la fidélité des hommes envers Dieu et sa sainte volonté » (ibid. 6). La libre pratique de la religion est à l'avantage aussi bien des individus que des gouvernements. Par conséquent, l'obligation de respecter la liberté religieuse incombe à tous, à la fois aux citoyens privés et à l'autorité civile légitime.
Pourquoi alors y a-t-il des actes de répression et de discrimination exercés contre de grands nombres de citoyens qui ont eu à souffrir toute sorte d'oppression, et même la mort, pour sauvegarder leurs valeurs spirituelles, alors qu'en dépit de tout cela ils n'avaient jamais cessé de coopérer en tout ce qui pouvait servir le véritable progrès civil et social de leurs pays ? Ne devraient-ils pas être des sujets d'admiration et de louange au lieu d'être considérés comme des suspects et des criminels ?
Mon prédécesseur Paul VI a soulevé cette question : « Un État peut-il demander avec fruit une entière confiance et une pleine collaboration alors qu'en une espèce de "confessionnalisme négatif" il se proclame athée et que tout en déclarant qu'il respecte, dans un certain cadre, les croyances individuelles, il prend des positions qui vont à l'encontre de la foi d'une partie de ses citoyens ? » (Paul VI, discours au Corps Diplomatique, 14 janvier 1978. AAS 70,1978, p. 170).
La justice, la sagesse et le réalisme demandent tous que les opinions destructrices du sécularisme soient dépassées, en particulier la réduction erronée du fait religieux à une sphère purement privée. Chaque personne doit avoir la possibilité dans le contexte de notre vie commune de professer sa foi et sa croyance, seule ou avec d'autres, en privé et en public.
Un dernier point mérite attention. En même temps que l'on insiste — et à bon droit — sur la revendication des droits de l'homme on ne devrait pas perdre de vue les obligations et les devoirs qui sont associés à ces droits. Chaque individu a l'obligation d'exercer ces droits fondamentaux d'une manière responsable et moralement justifiée. Chaque homme et chaque femme a le devoir de respecter chez les autres les droits qu'il ou elle réclame pour soi. En outre, nous devons tous contribuer pour notre part à la construction d'une société qui rende possible et praticable la jouissance des droits et l'accomplissement des devoirs inhérents à ces droits.
Pour conclure ce message, je désire étendre à vous-même, Monsieur le Secrétaire général, et à tous ceux qui, à quelque degré que ce soit, sont au service de votre Organisation, mes souhaits très cordiaux dans l'espoir que les Nations Unies puissent poursuivre sans relâche la promotion, en tout lieu, de la défense de la personne humaine et de sa dignité dans l'esprit de la Déclaration Universelle.
8 décembre 1978
Message de Jean Paul II pour la « Journée de la Paix »
A vous tous qui désirez la paix !
La grande cause de la paix entre les peuples a besoin de toutes les énergies de paix présentes au cœur de l'homme. C'est à les libérer et à les cultiver — à les éduquer — que mon prédécesseur Paul VI a voulu, peu avant sa mort, que soit consacrée la Journée mondiale 1979 : Pour parvenir à la paix, éduquer à la paix.
Tout au long de son pontificat, Paul VI a marché avec tous sur les chemins difficiles de la paix. Il partageait vos angoisses quand elle était menacée. Il souffrait avec ceux que submergeaient les malheurs de la guerre. Il encourageait tous les efforts pour restaurer la paix. Il entretenait en toutes circonstances l'espérance, avec une indomptable énergie.
Convaincu que la paix est l'œuvre de tous, il avait lancé en'1967 l'idée d'une Journée mondiale de la Paix, en souhaitant que vous vous en empariez comme d'une initiative qui vous serait propre. Chaque année, depuis lors, son Message offrait aux responsables des nations et des organisations internationales l'occasion de renouveler et d'exprimer publiquement ce qui légitime leur autorité : faire progresser et cohabiter dans la paix des hommes libres, justes et fraternels. Les communautés les plus diverses se rencontraient pour fêter le bien inestimable de la paix et pour affirmer leur volonté de la défendre et de la servir.
Je recueille des mains de mon vénéré prédécesseur le bâton de pèlerin de la paix. Je suis sur la route, à vos côtés, avec l'Évangile de la paix. « Bienheureux les artisans de paix. » Je vous invite à célébrer au début de l'année 1979 la Journée mondiale en la plaçant, selon les ultimes désirs de Paul VI, sous le signe de l'éducation à la paix.
Parvenir à
la paix : c'est le résumé et le couronnement de toutes nos aspirations. La
paix, nous le pressentons, est plénitude et elle est joie. Pour la réaliser
entre les pays, on multiplie les tentatives dans les échanges bilatéraux, ou
multilatéraux, dans les conférences internationales; et certains prennent
personnellement de courageuses initiatives pour établir la paix ou écarter la
menace d'une nouvelle guerre.
Mais en même temps, on observe que les personnes comme les groupes n'en finissent pas de régler leurs conflits secrets ou publics. La paix serait-elle donc un idéal hors de nos prises ? Le spectacle quotidien des guerres, des tensions, des divisions sème le doute et le découragement. Des foyers de discorde et de haine semblent même attisés artificiellement par certains qui n'en font pas les frais. Et trop souvent les gestes de paix sont dérisoirement impuissants à changer le cours des choses, quand ils ne sont pas emportés et finalement récupérés par la logique dominante de l'exploitation et de la violence.
Ici, la timidité et la difficulté des réformes nécessaires empoisonnent les relations entre les groupes humains pourtant unis par une longue ou exemplaire histoire commune; de nouvelles volontés de puissance inclinent à recourir à la contrainte du nombre ou à la force brutale pour dénouer la situation, sous le regard impuissant, parfois intéressé et complice d'autres pays, proches ou lointains ; les plus forts comme les plus faibles ne font plus confiance aux patientes procédures de la paix.
Ailleurs, la crainte d'une paix mal assurée, des impératifs militaires et politiques, des intérêts économiques et commerciaux entraînent la constitution d'arsenaux ou la vente d'armes d'une capacité effrayante de destruction : la course aux armements prévaut alors sur les grandes tâches pacifiques qui devraient unir les peuples dans une solidarité nouvelle, nourrit des conflits sporadiques mais meurtriers et accumule les menaces les plus graves. C'est vrai : à première vue, la cause de la paix souffre d'un handicap désespérant
Et pourtant, dans presque tous les discours publics, au niveau des nations ou des instances internationales, on a rarement parlé de paix, de détente, d'entente, de solutions raisonnables des conflits, conformes à la justice. La paix est devenue le slogan qui rassure ou veut séduire. C'est, en un sens, un fait positif: l'opinion publique des nations ne souffrirait plus que l'on fasse l'apologie de la guerre ni même que l'on prenne le risque d'une guerre offensive.
Mais pour relever le défi qui s'impose à toute l'humanité, face à la rude tâche de la paix, il faut plus que des paroles, sincères ou démagogiques. Notamment au niveau des hommes politiques, des milieux ou des centres dont dépendent plus ou moins directement, plus ou moins secrètement, les pas décisifs pour la paix ou au contraire le prolongement des guerres ou des situations de violence, il faut que pénètre le véritable esprit de paix. Il faut, au minimum, que l'on consente à s'appuyer sur quelques principes élémentaires mais fermes, tels que ceux-ci. Les affaires des hommes doivent être traitées avec humanité, et non par la violence. Les tensions, les contentieux et les conflits doivent être réglés par des négociations raisonnables et non par la force. Les .oppositions idéologiques doivent se confronter dans un climat de dialogue et de libre discussion. Les intérêts légitimes de groupes déterminés doivent aussi tenir compte des intérêts légitimes des autres groupes concernés et des exigences du bien commun supérieur. Le recours aux armes ne saurait être considéré comme l'instrument propre à solutionner les conflits. Les droits humains imprescriptibles doivent être sauvegardés en toute circonstance. Il n'est pas permis de tuer pour imposer une solution.
Ces principes d'humanité, chaque homme de bonne volonté peut les retrouver dans sa propre conscience. Ils correspondent à la volonté de Dieu sur les hommes. Pour qu'ils deviennent des convictions chez les puissants et chez les faibles et qu'ils imprègnent toute l'action, il faut leur redonner toute leur force. Il y faut, à tous les niveaux, une patiente et longue éducation.
Pour vaincre
ce sentiment spontané d'impuissance, la tâche et le bienfait premier d'une
éducation digne de ce nom est de porter le regard au-delà des tristes évidences
immédiates, ou plutôt, d'apprendre à reconnaître, au cœur même des déferlements
de la violence qui tue, le cheminement discret de la paix qui jamais ne
renonce, qui inlassablement guérit les blessures, qui maintient et fait
progresser la vie. La marche vers la paix apparaîtra dès lors possible et
désirable, forte et déjà victorieuse.
Apprenons d'abord à relire l'histoire des peuples et de l'humanité selon des schémas plus vrais que ceux de l'enchaînement des guerres et des révolutions. Assurément le bruit des batailles domine l'histoire. Mais ce sont les répits de la violence qui ont permis de réaliser ces œuvres culturelles durables dont s'honore l'humanité. Bien plus, si l'on a pu trouver, dans les guerres et les révolutions elles-mêmes, des facteurs de vie et de progrès, ceux-ci venaient d'aspirations d'un autre ordre que la violence : des aspirations de nature spirituelle, telles que la volonté de voir reconnue une dignité commune à toute l'humanité de sauver l'âme et la liberté d'un peuple. Là où de telles aspirations étaient présentes, elles opéraient comme un régulateur au sein même des conflits, elles empêchaient des cassures irrémédiables, elles maintenaient une espérance, elles préparaient une chance nouvelle pour la paix. Là où elles faisaient défaut ou s'altéraient dans l'exaltation de la violence, elles laissaient le champ à la logique de la destruction qui a conduit à des régressions économiques et culturelles durables et à la mort de civilisations entières. Responsables des peuples, sachez vous éduquer vous-mêmes à l'amour de la paix, en discernant et en faisant ressortir dans les grandes pages de l'histoire nationale l'exemple de vos prédécesseurs dont la gloire a été de faire germer des fruits de paix. « Bienheureux les artisans de paix... »
Aujourd'hui, vous contribuerez à l'éducation de la paix en donnant le plus de relief possible aux grandes tâches pacifiques qui s'imposent à la famille humaine. Dans vos efforts pour parvenir à une gestion raisonnable et solidaire de l'environnement et du patrimoine communs de l'humanité, à l’éradication de la misère qui écrase des millions d'hommes, à l'affermissement d'institutions susceptibles d'exprimer et de faire grandir l'unité de la famille humaine au niveau régional et mondial, les hommes découvriront l'appel fascinant de la paix qui est réconciliation entre eux et réconciliation avec leur univers naturel. En encourageant contre toutes les démagogies ambiantes la recherche de modes de vie plus simples, moins livrés aux poussées tyranniques des instincts de possession, de consommation, de domination, plus accueillants aux rythmes profonds de la créativité personnelle et de l'amitié, vous ouvrirez pour vous-mêmes et pour tous un espace immense aux possibilités insoupçonnées de la paix.
Autant est inhibant pour l'individu le sentiment que les efforts modestes en faveur de la paix, dans la zone restreinte des responsabilités de chacun, sont rendus vains par les grands débats politiques mondiaux prisonniers d'une logique de simples rapports de forces et de course aux armements, autant est libérateur le spectacle d'instances internationales convaincues des possibilités de la paix et attachées passionnément à construire la paix. L'éducation à la paix peut alors bénéficier aussi d'un intérêt renouvelé pour les exemples quotidiens des simples artisans de paix à tous les niveaux : ces individus et ces foyers qui, par la maîtrise de leurs passions, par l'acceptation et le respect mutuels, conquièrent leur propre paix intérieure et la rayonnent ; ces peuples, souvent pauvres et éprouvés, dont la sagesse millénaire s'est forgée autour du bien suprême de la paix, qui ont pu résister souvent aux séductions trompeuses de progrès rapides acquis par la violence, convaincus que de tels gains porteraient les germes empoisonnés de nouveaux conflits.
Oui, sans ignorer le drame des violences, remplissons nos regards et ceux des jeunes générations de ces visions de paix : elles exerceront une attraction décisive. Surtout, elles libéreront l'aspiration à la paix qui est constitutive de l'homme. Ces énergies neuves feront inventer un nouveau langage de paix et de nouveaux gestes de paix.
Le langage est fait pour exprimer les pensées du cœur et pour unir. Mais quand il est prisonnier de schémas préfabriqués, il entraîne à son tour le cœur sur ses propres pentes. Il faut donc agir sur le langage pour agir sur le cœur et déjouer les pièges du langage.
Il est facile de relever à quel point l'ironie acerbe et la dureté dans les jugements, dans la crique des autres et surtout de l’« étranger », la contestation et la revendication systématiques envahissent les relations parlées et étouffent avec la charité sociale la justice elle-même. A force de tout exprimer en termes de rapports de forces, de luttes de groupes et de classes, d'amis et d'ennemis, on crée le terrain propice aux barrières sociales, au mépris, voire à la haine et au terrorisme et à leur apologie sournoise ou ouverte. D'un cœur acquis à la valeur supérieure de la paix surgissent au contraire le souci d'écouter et de comprendre, le respect de l'autre, la douceur qui est force véritable, la confiance. Un tel langage met sur la voie de l'objectivité, de la vérité, de la paix. Grande est sur ce point la tâche éducative des moyens de communication sociale. Et influente aussi la façon dont on s'exprime dans les échanges et les débats des confrontations politiques, nationales et internationales. Responsables des nations et responsables des organisations internationales, sachez trouver un langage neuf, un langage de paix : il ouvre par lui-même un nouvel espace à la paix.
Ce que libèrent des visions de paix, ce que sert un langage de paix doit s'exprimer dans des gestes de paix. Faute de quoi les convictions naissantes s'évaporent et le langage de paix devient une rhétorique vite discréditée. Très nombreux peuvent être les artisans de paix s'ils prennent conscience de leurs possibilités et de leurs responsabilités.
C'est la pratique de la paix qui entraîne à la paix. Elle apprend à ceux qui cherchent le trésor de la paix que le trésor se révèle et s'offre à ceux qui réalisent modestement, au jour le jour, toutes les paix dont ils sont capables.
Parents et éducateurs, aidez les enfants et les jeunes à faire l'expérience de la paix dans les mille actions quotidiennes qui sont à leur portée, en famille, à l'école, dans le jeu, la camaraderie, le travail en équipé, la compétition sportive, les multiples conciliations et réconciliations nécessaires.
L'Année internationale de l'Enfant, que les Nations Unies ont proclamée pour 1979, devrait attirer l'attention de tous sur la contribution originale des enfants eux-mêmes à la paix.
Jeunes, soyez des bâtisseurs de paix. Vous êtes des artisans à part entière de cette grande œuvre commune. Résistez aux facilités qui endorment dans la médiocrité triste, et aux violences stériles où veulent vous utiliser parfois des adultes qui ne sont pas en paix avec eux-mêmes. Suivez les voies où vous pousse votre sens de la gratuité, de la joie de vivre, du partage. Vous aimez investir vos énergies neuves — qui échappent aux a priori discriminatoires — dans des rencontres fraternelles par-delà les frontières, dans l'apprentissage des langues étrangères qui facilitent la communication, dans le service désintéressé des pays les plus démunis. Vous êtes les premières victimes de la guerre qui brise votre élan. Vous êtes la chance de la paix.
Partenaires de la vie professionnelle et sociale, la paix est souvent pour vous laborieuse à réaliser. Il n'y a pas de paix sans justice et sans liberté, sans un engagement courageux pour promouvoir l'une et l'autre. La force alors exigée doit être patiente sans résignation ni démission, ferme sans provocation, prudente pour préparer activement les progrès souhaitables sans dissiper les énergies en flambées d'indignation violente vite retombées. Contre les injustices et les oppressions, la paix est amenée à se frayer un chemin dans l'adoption d'une action résolue. Mais cette action doit déjà porter la marque du but qu'elle vise, à savoir une meilleure acceptation mutuelle des personnes et des groupes. Elle trouvera une régulation dans la volonté de paix qui vient du plus profond de l'homme, dans les aspirations et la législation des peuples. C'est cette capacité de paix, cultivée, disciplinée, qui rend lucide pour trouver aux tensions et aux conflits eux-mêmes les répits nécessaires pour développer sa logique féconde et constructive. Ce qui se passe dans la vie sociale interne des pays a une répercussion considérable — pour le meilleur et pour le pire — sur la paix entre les nations.
Mais, il faut y insister à nouveau, ces multiples gestes de paix risquent d'être découragés et en partie annihilés par une politique internationale qui ne trouverait pas, à son niveau, la même dynamique de paix. Hommes politiques, responsables des peuples et des organisations internationales, je vous exprime mon estime sincère et j'apporte mon entier soutien à vos efforts souvent harassants pour maintenir ou établir la paix. Bien plus, conscient qu'il y va du bonheur et même de la survie de l'humanité, et persuadé de la grave responsabilité qui m'incombe de donner l'écho à l'appel capital du Christ : « Bienheureux les artisans de paix », j'ose vous encourager à aller plus loin. Ouvrez de nouvelles portes à la paix. Faites tout ce qui est en votre pouvoir pour faire prévaloir la voie du dialogue sur celle de la force. Que cela trouve d'abord une application au plan intérieur : comment des peuples peuvent-ils promouvoir vraiment la paix internationale s'ils sont eux-mêmes prisonniers d'idéologies selon lesquelles la justice et la paix ne s'obtiennent qu'en réduisant à l'impuissance ceux qui, déjà d'avance, sont considérés comme indignes d'être des artisans de leur propre sort ou des coopérateurs valables du bien commun ? Dans les pourparlers avec les parties adverses, soyez persuadés que l'honneur et l'efficience ne se mesurent pas au degré d'inflexibilité dans la défense des intérêts, mais à la capacité de respect, de vérité, de bienveillance et de fraternité des partenaires, disons, à leur humanité. Posez des gestes de paix, même audacieux, qui rompent avec les enchaînements fatals et avec le poids des passions héritées de l'histoire ; puis tissez patiemment la trame politique, économique et culturelle de la paix. Créez — l'heure est propice et le temps presse — des zones toujours plus larges de désarmement. Ayez le courage de réexaminer en profondeur la troublante question du commerce des armes. Sachez détecter à temps et régler dans la sérénité les conflits latents avant qu'ils ne réveillent les passions. Donnez des cadres institutionnels appropriés aux solidarités régionales et mondiales. Renoncez à utiliser, au service des conflits d'intérêts, des valeurs légitimes, voire spirituelles, qui s'y dégradent en les durcissant Veillez à ce que la légitime passion communicative des idées s'exerce par la voie de la persuasion et non sous la pression des menaces et des armes.
En posant
des gestes résolus de paix, vous libérerez les aspirations vraies des peuples
et vous trouverez en elles des alliés puissants pour travailler au
développement pacifique de tous. Vous vous éduquerez vous-mêmes à la paix, vous
éveillerez en vous des convictions fermes et une nouvelle capacité d'initiative
au service de la grande cause de la paix.
Toute cette éducation à la paix — entre les peuples, dans son propre pays, dans son milieu, en soi-même — est proposée à tous les hommes de bonne volonté, comme le rappelle l'encyclique Pacem in terris du pape Jean XXIII. Elle est, à des degrés divers, à leur portée. Et comme « la paix sur la terre... ne peut se fonder ni s'affermir que dans le respect absolu de l'ordre établi par Dieu » (encyclique citée, AAS 55, 1963, p. 257), les croyants trouvent dans leur religion des lumières, des appels, des forces, pour œuvrer à l'éducation de la paix. Le véritable sentiment religieux ne peut que promouvoir la vraie paix. Les pouvoirs publics, en reconnaissant comme il se doit la liberté religieuse, favorisent l'épanouissement de l'esprit de paix, au plus profond des cœurs et dans les institutions éducatives promues par les croyants. Les chrétiens, pour leur part, sont spécialement éduqués par le Christ et entraînés par lui à être des artisans de paix : « Bienheureux ceux qui font la paix, car ils seront appelés fils de Dieu » (Mt 5, 9 ; cf. Lc 10, 5, etc.). Au terme de ce message, on comprendra que je porte une attention particulière aux fils de l'Église, pour encourager leur contribution à la paix et la situer dans le grand dessein de paix, révélé par Dieu en Jésus-Christ. L'apport spécifique des chrétiens et de l'Église à l'œuvre commune sera d'autant plus assuré qu'il se nourrira à ses sources propres, à son espérance propre.
Chers Frères et Sœurs dans le Christ, l'aspiration à la paix que vous partagez avec tous les hommes correspond à un appel initial de Dieu à former une même famille de frères, créés à l'image du même Père. La Révélation insiste sur notre liberté et notre solidarité, Les difficultés que nous rencontrons dans la marche vers la paix sont liées en partie à notre faiblesse de créatures, dont les pas sont nécessaire-, ment lents et progressifs ; elles sont aggravées par nos égoïsmes, par nos péchés de toute sorte, depuis ce péché des origines qui a marqué une rupture avec Dieu, entraînant une rupture entre frères. L'image de la tour de Babel décrit bien la situation. Mais nous croyons que Jésus-Christ, par le don de sa vie sur la croix, est devenu notre Paix : il a renversé le mur de haine qui séparait les frères ennemis (Ep 2, 14). Ressuscité et entré dans la gloire du Père, il nous associe mystérieusement à sa vie : nous réconciliant avec Dieu, il répare les blessures du péché et de la division et nous rend capables d'inscrire dans nos sociétés une ébauche de l'unité qu'il rétablit en nous. Les plus fidèles disciples du Christ ont été des artisans de paix, jusqu'à pardonner à leurs ennemis, jusqu'à offrir parfois leur propre vie pour eux. Leur exemple trace la voie à une humanité nouvelle qui ne se contente plus de compromis provisoires, mais réalise la plus profonde des fraternités. Nous savons que notre marche vers la paix sur terre, sans perdre sa consistance naturelle ni ses propres difficultés, est englobée à l'intérieur d'une autre marche, celle du salut, qui s'achève dans une plénitude éternelle de paix, dans une communion totale avec Dieu. Ainsi le royaume de Dieu, royaume de paix, avec sa propre source, ses moyens et sa fin, pénètre déjà toute l'activité terrestre sans s'y diluer. Cette vision de foi a un impact profond sur l'action quotidienne des chrétiens.
Certes, nous avançons sur les chemins de la paix avec les faiblesses et les recherches tâtonnantes de tous nos compagnons de route. Nous souffrons avec eux des tragiques carences de paix. Nous nous sentons pressés d'y remédier plus résolument encore, pour l'honneur de Dieu et pour l'honneur de l'homme. Nous ne prétendons pas trouver dans la lecture de l'Évangile des formules toutes faites pour réaliser aujourd'hui tel ou tel progrès dans la paix. Mais nous trouvons, presque à chaque page de l'Évangile et de l'histoire de l'Église, un esprit, celui de l'amour fraternel, qui éduque puissamment à la paix. Nous trouvons, dans les dons de l'Esprit-Saint et dans les sacrements, une force alimentée à la source divine. Nous trouvons, dans le Christ, une espérance. Les échecs ne sauraient rendre vaine l'œuvre de la paix, même si les résultats immédiats s'avèrent fragiles, même si nous sommes persécutés .pour notre, témoignage en faveur de la paix. Le Christ Sauveur associe à son destin tous ceux qui travaillent avec amour pour la paix.
La paix est notre œuvre : elle demande notre action courageuse et solidaire. Mais elle est inséparablement et d'abord un don de Dieu : elle requiert notre prière. Les chrétiens doivent être au premier rang de ceux qui prient chaque jour pour la paix ; ils doivent aussi éduquer à prier pour la paix. Ils aimeront prier avec Marie, Reine de la paix.
A tous, chrétiens, croyants et hommes de bonne volonté, je dis : n'ayez pas peur de miser sur la paix, d'éduquer à la paix. L'aspiration à la paix ne sera pas à jamais déçue. Le travail pour la paix, inspiré par la charité qui ne passe pas, produira ses fruits. La paix sera le dernier mot de l'Histoire.
12 décembre 1978
En vue de la rencontre prévue entre les ministres des Affaires étrangères d'Argentine et du Chili pour tenter de résoudre le différend concernant la zone du canal de Beagle, le Saint-Père a fait parvenir au Président de chacun des pays en cause un message.
Monsieur le Président,
Je désire porter mon attention sur l'imminente rencontre entre les ministres des Affaires étrangères d'Argentine et du Chili avec le vif espoir de voir surmonté le litige qui divise vos pays et fait naître une grande angoisse dans mon cœur.
Puisse le
colloque ouvrir la voie à une ultérieure réflexion qui, évitant toute mesure
susceptible d'avoir des conséquences imprévisibles, permette la poursuite d'un
examen serein et responsable du litige. Les exigences de la justice, de l'équité
et de la prudence pourront ainsi prévaloir comme fondement solide et stable de
la coexistence fraternelle de vos populations conformément à leurs profondes
aspirations à la paix intérieure et extérieure, sur laquelle édifier un avenir
meilleur.
Le dialogue ne préjuge pas des droits mais il élargit le champ des possibilités raisonnables ; il honore ceux qui ont le talent et le courage de le poursuivre inlassablement en dépit de tous les obstacles.
Ce sera une entreprise bénie par Dieu et soutenue par le consentement de votre peuple et les applaudissements de toute la communauté internationale.
Mon appel m'est inspiré par l'affection paternelle que je ressens pour les deux pays qui me sont très chers, et par la confiance que me donne le sentiment de responsabilité que vous avez démontré jusqu'à présent et dont j'attends un nouveau témoignage.
Avec mes meilleurs vœux et ma bénédiction.
25 décembre 1978
1. Ce
message, je l'adresse à chaque homme, à l'homme dans son humanité. Noël est la
fête de l'homme. C'est la naissance de l'Homme. L'un des milliards d'hommes qui
sont nés, qui naissent et qui naîtront sur la terre. Un homme, un élément de
cette immense statistique. Ce n'est pas par hasard que Jésus est venu au monde
à l'époque du recensement quand un empereur romain voulait savoir combien son
pays comptait de sujets. L'homme, objet de calcul, qui entre dans la catégorie
de la quantité ; un parmi des milliards. Et en même temps un être unique,
absolument singulier. Si nous célébrons aujourd'hui de manière aussi solennelle
la naissance de Jésus, nous le faisons pour rendre témoignage au fait que
chaque homme est unique, absolument singulier. Si nos statistiques humaines,
nos catégories humaines, nos systèmes politiques, économiques et sociaux
humains, les simples capacités humaines ne réussissent pas à assurer à l'homme
la possibilité de naître, d'exister et d'agir en tant qu'être unique et
absolument singulier, tout cela lui est assuré par Dieu. Pour lui, et en face
de lui, l'homme est toujours quelqu'un d'unique, d'absolument singulier ;
quelqu'un éternellement pensé et éternellement choisi, quelqu'un appelé et
nommé par son propre nom.
Il en fut ainsi pour le premier homme, Adam ; et il en est ainsi pour le nouvel Adam qui naît de la Vierge Marie dans la grotte de Bethléem : « Tu l'appelleras Jésus » (Lc 1, 31).
2. Ce message est adressé à chaque homme, précisément en tant qu'il est homme, à son humanité. C'est en effet l'humanité qui se trouve élevée dans la naissance terrestre de Dieu. L'humanité, la « nature » humaine, se trouve assumée dans l'unité de la Personne divine du Fils, dans l'unité du Verbe éternel, dans lequel Dieu s'exprime éternellement lui-même : cette divinité, Dieu l'exprime en Dieu : Dieu véritable dans le Dieu véritable ; le Père s'exprime dans le Fils et tous les deux dans l'Esprit-Saint.
Dans la solennité de ce jour, nous nous élevons aussi vers le mystère insondable de cette naissance divine.
En même temps, la naissance de Jésus à Bethléem témoigne que Dieu a exprimé cette Parole éternelle, son Fils unique, dans le temps, dans l'histoire. De cette « expression », il a fait et il continue à faire la structure de l'histoire de l'homme. La naissance du Verbe incarné est le commencement d'une force nouvelle pour l'humanité elle-même : la force offerte à tout homme, selon les paroles de saint Jean : « II a donné le pouvoir de devenir enfant de Dieu » (Jn 1, 12). Au nom de cette valeur absolument unique de tout homme, et au nom de cette force que le Fils de Dieu offre à tout homme en se faisant homme, je m'adresse dans ce message d'abord à l'homme :
— à tout homme ;
— partout où il travaille, crée, souffre, lutte, pèche, aime, hait et doute ; . v
— partout où il vit et où il meurt ; je m'adresse à lui aujourd'hui avec toute la vérité de la naissance de Dieu, avec son message.
3. L'homme vit, travaille, crée, souffre, lutte, aime, hait, doute, tombe et se relève en communion avec les autres.
Je m'adresse donc à toutes les communautés dans leur diversité. Aux peuples, aux nations, aux régimes, aux systèmes politiques, économiques, sociaux et culturels, et je leur dis :
— Acceptez la grande vérité sur l'homme !
— Acceptez la vérité entière sur l'homme, qui a été dite dans la nuit de Noël !
— Acceptez cette dimension de l'homme, qui s'est ouverte, à tous les hommes, en cette sainte Nuit !
— Acceptez le mystère dans lequel vit tout homme, depuis que le Christ est né !
— Respectez ce mystère !
— Permettez à ce mystère d'agir en tout homme !
— Permettez-lui de se développer dans les conditions extérieures de son être terrestre.
Dans ce mystère se trouve la force de l'humanité. La force qui irradie sur tout ce qui est humain. Ne rendez pas cette irradiation difficile. Ne la détruisez pas. Car tout ce qui est humain grandit grâce à cette force, sans elle» tout dépérit, sans elle, tout va en ruine.
Et c'est pourquoi je vous remercie tous — familles, nations; États, Organisations internationales, systèmes politiques, économiques, sociaux et culturels — pour tout ce que vous faites afin que la vie des hommes puisse devenir, sous ses divers aspects, toujours plus humaine, c'est-à-dire toujours plus digne de l'homme.
Je vous souhaite de tout cœur et je vous supplie de ne pas vous lasser d'accomplir un tel effort, un tel engagement.
4. « Gloire à Dieu au plus haut des cieux » (cf. Lc 2, 14). Dieu s'est approché. Il est au milieu de nous. Il est l'Homme. Il est né à Bethléem. Il est couché dans une mangeoire parce qu'il n'y avait pas de place pour lui dans l'hôtellerie (cf. Lc 2, 7).
Son nom : Jésus !
Sa mission : c'est le Christ !
Il est le Messager du Grand Conseil, « Conseiller admirable » (Is 9, 5) ; et nous, nous sommes si souvent indécis, et nos conseils ne portent pas les fruits désirés !
Il est « Père à jamais », « Père du siècle à venir », « Prince de la Paix » (Is 9, 5) ; et, bien que deux mille ans nous séparent de sa naissance, il est toujours devant nous et toujours il nous précède. Nous devons « courir à sa suite » et chercher « à le rejoindre ».
Il est notre Paix !
La Paix des hommes !
La Paix pour les hommes qu'il aime (Lc 2, 14).
Dieu a trouvé ses complaisances dans l'homme par le Christ. On ne peut plus détruire l'homme ; il n'est pas permis de l'humilier, il n'est pas permis de le haïr !
Paix aux hommes de bonne volonté !
A tous, j'adresse une invitation pressante à prier ensemble avec le pape pour la paix, tout particulièrement aujourd'hui, et dans une semaine, lorsque nous célébrerons dans le monde entier la « Journée de la Paix ».
5. Bon Noël à tout homme et à chaque homme !
Ma pensée et mes vœux, pleins d'affection cordiale et de respect sincère, s'adressent à vous, sœurs et frères, qui êtes présents sur cette place ; à vous tous aussi qui, grâce aux moyens de communication sociale, avez la possibilité de vous mettre à l'unisson de cette brève cérémonie ; à vous tous qui cherchez sincèrement la vérité, qui avez faim et soif et justice ; qui désirez ardemment la bonté et la joie. A vous, pères et mères de famille ; à vous les jeunes, les adolescents et les enfants, à vous, les pauvres, les malades ; à vous les personnes âgées ; à vous qui êtes en prison ; et à vous tous, qui êtes dans l'impossibilité de passer la sainte fête de Noël en famille, parmi ceux qui vous sont chers.
Bon Noël, dans la paix et la joie du Christ.