Catéchisme de la

Somme théologique

Suite

 

Troisième partie : Jésus-Christ (La voie du retour de l’homme à Dieu) 2

1. Le mystère de Jésus-Christ ou du Verbe fait chair pour ramener l’homme à Dieu_ 2

2. Convenance, nécessité, harmonie de l’incarnation_ 2

3. Ce que le Fils de Dieu a pris et s’est uni de nous dans son incarnation_ 3

4. Des privilèges ou des prérogatives dont le Fils de Dieu a voulu que fût gratifiée la nature humaine qu’il s’est unie dans son incarnation ; grâce habituelle ou sanctifiante ; vertus ; dons du Saint-Esprit ; grâces gratuitement données 4

5. La plénitude de la grâce qui fut dans la nature humaine du Fils de Dieu incarné 5

6. La grâce capitale propre au Fils de Dieu incarné, dans sa nature humaine 6

7. La science prise par le Fils de Dieu dans la nature humaine qu’il s’est unie : science béatifique ; science infuse ; science expérimentale  8

8. La puissance prise par le Fils de Dieu dans la nature humaine qu’il s’est unie hypostatiquement 9

9. Défectuosités prises par le Fils de Dieu dans la nature humaine qu’il s’est unie hypostatiquement : du côté du corps ; du côté de l’âme  9

10. Des conséquences de l’incarnation du Fils de Dieu, selon que nous le considérons en lui-même, sous sa raison de Verbe incarné ; comment nous pouvons et devons nous exprimer à son sujet 10

11. De l’unité ou de la multiplicité qui est en lui : quant à son être ; quant à sa volonté ; quant à son opération_ 10

12. Des conséquences de l’incarnation du Fils de Dieu dans ses rapports avec son Père : sa sujétion à l’endroit du Père ; sa prière ; son sacerdoce 11

13. Sa filiation divine : sa prédestination_ 12

14. Des conséquences de l’incarnation du Fils de Dieu dans ses rapports avec nous : que nous devons l’adorer ; qu’il est le médiateur de Dieu et des hommes 13

15. Comment s’est déroulé parmi nous le mystère du Verbe incarné 13

16. De l’entrée du Fils de Dieu en ce monde lors de son incarnation : sa naissance de la bienheureuse Vierge Marie 14

18. Du baptême de Jésus-Christ 15

19. Suite de la vie de Jésus-Christ parmi nous : sa tentation ; sa prédication ; ses miracles ; la transfiguration_ 15

20. La sortie de Jésus-Christ de ce monde : sa passion et sa mort ; sa sépulture 16

21. La descente aux enfers 17

22. La glorification de Jésus-Christ : sa résurrection_ 18

23. Son ascension ; et son pouvoir d’autorité à la droite du Père 18

24. Des sacrements de Jésus-Christ qui assurent aux hommes, formant son corps mystique, l’Église, les fruits des mystères du salut accomplis dans la personne du Sauveur : nature de ces sacrements ; nombre et harmonie ; nécessité ; efficacité 19

25. Du sacrement de baptême : nature ; ministre de ce sacrement 20

26. De ceux qui peuvent recevoir ce sacrement ; de sa nécessité pour tous 21

27. Des effets de ce sacrement 22

28. Dignité et devoirs de ceux qui ont reçu le baptême 22

29. Nécessité, nature, effets du sacrement de confirmation ; devoirs qu’il impose ; Instruction religieuse qu’il requiert 23

30. Lequel des deux sacrements requiert une grande instruction : de la confirmation ou de l’eucharistie ? 24

31. Du sacrement de l’eucharistie 25

32. La matière et la forme du sacrement de l’eucharistie ; la transsubstantiation ; la présence réelle ; les accidents eucharistiques  25

33. Les effets du sacrement de l’eucharistie 27

34. La réception du sacrement de l’eucharistie 28

35. Le ministre du sacrement de l’eucharistie 30

36. La célébration du sacrement de l’eucharistie ou le saint sacrifice de la messe 30

37. Le sacrement de pénitence : sa nature ; vertu qu’il implique 32

38. Effets du sacrement de pénitence 33

39. De la part du pénitent dans le sacrement de pénitence : contrition, confession et satisfaction_ 35

40. Du ministre du sacrement de pénitence et du pouvoir des clefs : absolution ; indulgences ; communion des saints ; excommunication  37

41. Du sacrement de l’extrême-onction_ 39

42. Du sacrement de l’Ordre : prêtres, évêques, souverain pontife ; l’Église, mère des âmes 39

43. Du sacrement de mariage : nature ; empêchements ; devoirs ; divorce ; secondes noces ; fiançailles 41

44. État intermédiaire des âmes après la mort, en attendant le jour de la résurrection finale : le purgatoire 44

45. Le ciel 45

46. L’enfer 47

47. De l’acte qui fait le départ entre le purgatoire, le ciel et l’enfer ; ou du jugement 48

48. Du lieu de ceux qui ne sont pas jugés : le limbe des enfants 49

49. De la fin du monde et de ce qui doit la suivre 50

50. La résurrection_ 51

51. Le jugement dernier 53

52. Le supplice éternel 55

53. La vie éternelle 56

 

 

Troisième partie

Jésus-Christ

(La voie du retour de l’homme à Dieu)

 

1. Le mystère de Jésus-Christ ou du Verbe fait chair pour ramener l’homme à Dieu

 

— Qu’entendez-vous par le mystère de Jésus-Christ ou du Verbe fait chair ?

— J’entends le fait, absolument incompréhensible pour nous sur cette terre, de la seconde personne de la très Sainte Trinité, le Verbe ou le Fils unique de Dieu qui, étant de toute éternité, avec son Père et l’Esprit-Saint, le même seul et unique vrai Dieu, par qui toutes choses ont été créées, et qui les gouverne en souverain maître, est venu, dans le temps, sur notre terre, par son incarnation dans le sein de la Vierge Marie, de laquelle il est né ; a vécu de notre vie mortelle ; a évangélisé le peuple juif de la Palestine auquel il était personnellement envoyé par son Père ; a été méconnu par ce peuple, trahi et livré au gouverneur romain Ponce-Pilate, condamné et mis à mort sur une croix ; a été enseveli ; est descendu aux enfers ; est ressuscité d’entre les morts, le troisième jour ; est monté au ciel, quarante jours après ; est assis à la droite de Dieu le Père, d’où il gouverne son Église, établie par lui sur la terre, à laquelle il a envoyé son Esprit, qui est aussi l’Esprit du Père, sanctifiant cette Église par les sacrements de sa grâce et la préparant ainsi à sa seconde venue de la fin des temps, où il jugera les vivants et les morts, ayant fait sortir ceux-ci de leurs tombeaux, pour établir la séparation définitive des bons, qu’il prendra avec lui dans le royaume de son Père, – où il leur assurera une vie éternelle, – d’avec les méchants, qu’il chassera, maudits par lui et condamnés aux supplices d’un feu éternel.

 

2. Convenance, nécessité, harmonie de l’incarnation

 

— Cette venue du Fils de Dieu sur notre terre, par son incarnation, est-elle en harmonie avec ce que nous savons de Dieu ?

— Oui ; rien ne pouvait être plus en harmonie avec ce que nous savons de Dieu que cette venue du Fils de Dieu sur notre terre par son incarnation. Car nous savons de Dieu qu’il est la bonté même ou le bien souverain. D’autre part, le propre du bien ou de la bonté est de se communiquer. Et Dieu ne pouvait se communiquer à la créature d’une façon plus merveilleuse que par le mystère de son incarnation (q. 1, a. 1).

 

— Cette incarnation du Fils de Dieu était-elle chose nécessaire ?

— Non ; considérée en elle-même, cette incarnation du Fils de Dieu n’était aucunement nécessaire ; mais, étant donnée la chute du genre humain par le premier péché du premier homme, si Dieu voulait relever le genre humain de la manière la plus parfaite et la plus harmonieuse, et surtout s’il voulait que satisfaction pleine et entière fût donnée pour ce péché, il fallait de toute nécessité qu’un Dieu-homme se chargeât de ce péché et fît réparation (q. 1, a. 2).

 

— C’est donc en raison du péché de l’homme et pour le réparer, que le Fils de Dieu s’est incarné ?

— Oui, c’est en raison du péché de l’homme et pour le réparer, que le Fils de Dieu s’est incarné (q. 1, a. 3, 4).

 

— Mais alors pourquoi le Fils de Dieu ne s’est-il pas incarné tout de suite après la chute du premier homme ?

— Parce qu’il fallait que le genre humain prît conscience de sa misère et du besoin qu’il avait d’un Dieu-Sauveur ; et aussi pour que ce Dieu-Sauveur pût être précédé d’une longue suite de prophètes annonçant et préparant sa venue (q. 1, a. 5, 6).

 

— En quoi consiste cette incarnation du Fils de Dieu considérée en elle-même ?

— Elle consiste en ce que la nature divine et la nature humaine, gardant chacune tout ce qui leur appartient en propre, ont été substantiellement et indissolublement unies dans l’unité d’une seule et même personne divine, qui est la personne du Fils de Dieu (q. 2, a. 1-6).

 

— Pourquoi est-ce dans la personne du Fils, plutôt que dans celle du Père ou de l’Esprit-Saint, que s’est accomplie l’union de l’incarnation ?

— Parce que les propriétés du Fils, en Dieu, qui a la raison de Verbe, et à qui convient par appropriation tout ce qui se rapporte à la sagesse, par qui Dieu avait créé toutes choses, faisaient qu’il était en particulière harmonie avec le mystère de la restauration du genre humain déchu ; et aussi parce que, venant du Père, il pouvait être envoyé par lui, et, ensuite, à son tour, nous envoyer son Esprit, comme fruit de sa rédemption (q. 3, a. 8).

 

3. Ce que le Fils de Dieu a pris et s’est uni de nous dans son incarnation

 

— Quand nous disons que le Fils de Dieu s’est incarné, ou que le Verbe s’est fait chair, ou qu’il s’est fait homme, que signifient ces divers termes, en ce qui touche à ce que le Verbe ou le Fils de Dieu a pris de nous pour se l’unir dans sa personne ?

— Toutes ces expressions signifient que le Verbe ou le Fils de Dieu a pris, pour se l’unir dans sa personne, notre nature humaine, telle qu’elle se trouve réalisée dans son être individuel parmi les descendants du premier homme après son péché (q. 4, a. 1-6).

 

— S’ensuit-il qu’il y ait dans le Verbe incarné ou le Fils de Dieu fait homme, un individu humain ?

— Nullement. Il y a en lui une nature humaine individuée, mais non un individu humain ou une personne humaine, car cette nature est individuée en la seule et unique personne du Verbe ou du Fils de Dieu (q. 4, a. 3).

 

— Cette nature humaine que s’est unie, dans sa propre personne, le Fils de Dieu, est-elle, dans ses deux parties essentielles, exactement ce qu’est la nature humaine en chacun de nous ?

— Oui ; la nature humaine que s’est unie, dans sa propre personne, le Fils de Dieu, est, dans ses deux parties essentielles, exactement ce qu’est la nature humaine en chacun de nous (q. 5, a. 1-4).

 

— Le Fils de Dieu incarné a donc un corps semblable au nôtre, en chair et en os comme le nôtre, avec les mêmes membres, les mêmes sens, les mêmes organes ?

— Oui, le Fils de Dieu incarné a un corps semblable au nôtre, en chair et en os comme le nôtre, avec les mêmes membres, les mêmes sens, les mêmes organes (q. 5, a. 1, 2).

 

— A-t-il aussi une âme comme la nôtre, avec ses mêmes parties, ses mêmes facultés, y compris notre intelligence et notre volonté ?

— Oui, il a aussi une âme comme la nôtre, avec ses mêmes parties, ses mêmes facultés, y compris notre intelligence et notre volonté, telle en un mot que nous l’avons décrite, quand nous avons étudié notre nature, œuvre de Dieu (q. 5, a. 3, 4).

 

— Est-ce en même temps que le Fils de Dieu s’est uni toutes les parties qui constituent la nature humaine individuée, dans son essence et dans son intégrité ?

— Oui, c’est en même temps que le Fils de Dieu s’est uni toutes les parties qui constituent la nature humaine individuée, dans son essence et dans son intégrité ; mais il se les est unies dans un certain ordre (q. 6, a. 1-6).

 

— Quel est cet ordre dans lequel le Fils de Dieu s’est uni la nature humaine et ses parties ?

— Il consiste en ce que le Fils de Dieu a pris le corps et toutes ses parties en raison de l’âme ; l’âme et ses autres puissances, en raison de l’esprit ; et le corps, l’âme et l’esprit, en raison de la nature humaine que tout cela constitue dans son essence et dans son intégrité (q. 6, a. 1-5).

 

— L’union de la nature humaine et de toutes ses parties à la personne du Fils de Dieu a-t-elle été faite directement et immédiatement, sans qu’il y ait aucune réalité créée qui s’interpose entre cette nature et ses parties et la personne du Fils de Dieu ?

— Oui, c’est directement et immédiatement qu’a été faite l’union de la nature humaine et de toutes ses parties à la personne du Fils de Dieu, sans qu’il y ait aucune réalité créée, non pas même d’ordre gratuit, qui s’interpose entre cette nature et ses parties et la personne du Fils de Dieu, précisément parce que cette union a pour terme l’être même de la personne du Fils de Dieu communiqué à cette nature humaine et à toutes ses parties (q. 6, a. 6).

 

4. Des privilèges ou des prérogatives dont le Fils de Dieu a voulu que fût gratifiée la nature humaine qu’il s’est unie dans son incarnation ; grâce habituelle ou sanctifiante ; vertus ; dons du Saint-Esprit ; grâces gratuitement données

 

— N’y a-t-il pas cependant, dans la nature humaine unie à la personne du Fils de Dieu, et dans les facultés de son âme, des réalités créées d’ordre gratuit qui l’unissent à Dieu ?

— Oui, ces réalités créées d’ordre gratuit se trouvent dans la nature humaine unie à la personne du Fils de Dieu et dans les facultés de son âme ; mais ce n’est point pour l’unir à la personne du Fils de Dieu ; elles sont, au contraire, une suite de cette union et comme exigées par son excellence absolument transcendante (q. 6, a. 6).

 

— Quelles sont ces réalités créées d’ordre gratuit qui se trouvent ou se sont trouvées dans la nature humaine unie à la personne du Fils de Dieu, étant une suite de cette union et comme exigées par son excellence absolument transcendante ?

— Ce sont : d’abord, dans l’essence de son âme, la grâce habituelle ; puis, dans ses facultés : toutes les vertus, sauf la foi et l’espérance ; tous les dons du Saint-Esprit ; toutes les grâces gratuitement données, qui ont pour but ou pour objet la manifestation de la vérité divine au monde, sans en excepter la prophétie en ce qu’elle implique d’état prophétique proprement dit (q. 7, a. 1-8).

 

— Quel était et quel est le rôle de la grâce habituelle se trouvant dans l’essence de l’âme unie au Fils de Dieu dans sa personne ?

— Ce rôle était, et continuera d’être pendant toute l’éternité, de rendre cette âme par participation, ce qu’est, en elle-même, la nature divine par essence ; et de permettre cette âme d’avoir, dérivant dans ses facultés, ces principes d’action divine que sont les vertus et les dons (q. 7, a. 1).

 

— Pourquoi dites-vous que l’âme humaine, unie au Fils de Dieu dans sa personne, dut avoir toutes les vertus, sauf la foi et l’espérance ?

— Parce que ces deux vertus ont quelque chose d’imparfait qui était incompatible avec la perfection de l’âme humaine unie au Fils de Dieu dans sa personne (q. 7, a. 3, 4).

 

— En quoi consiste cette imperfection ?

— En ce que la foi suppose qu’on ne voit pas ce que l’on croit, et que l’espérance porte sur Dieu, non encore possédé par la claire vision béatifique (ibid.).

 

— Qu’entendez-vous par les grâces gratuitement données, qui ont pour but ou pour objet la manifestation de la vérité divine au monde, et qui durent être dans la nature humaine unie au Fils de Dieu dans sa personne ?

— J’entends ces privilèges, marqués par saint Paul dans la première épître aux Corinthiens, chapitre 12, verset 8 et sq., et qui sont : la foi, la sagesse, la science, la grâce des guérisons, l’accomplissement des prodiges, la prophétie, le discernement des esprits, la diversité des langues, l’interprétation des discours (q. 7, a. 7).

 

— La foi, grâce gratuitement donnée, est-elle autre chose que la vertu de foi ?

— Oui ; il s’agit là d’une certaine certitude suréminente en ce qui touche aux vérités divines, qui rend quelqu’un apte à instruire les autres de ces vérités (I-II, q. 111, a. 4, ad 2).

 

— Et la sagesse et la science, marquées au nombre de grâces gratuitement données, sont-elles autre chose que les vertus intellectuelles ou les dons du Saint-Esprit qu’on appelle des mêmes noms ?

— Oui, elles désignent une certaine abondance de science et de sagesse qui fait que le sujet qui les reçoit peut non seulement en lui-même avoir des pensées justes sur les choses divines, mais aussi instruire les autres et réfuter les adversaires (I-II, q. 111, a. 4, ad 4).

 

— Le Fils de Dieu vivant sur cette terre a-t-il usé de la grâce gratuitement donnée qui s’appelle la diversité des langues ?

— Le Fils de Dieu vivant sur cette terre n’eut pas à user de cette grâce gratuitement donnée, n’ayant exercé son ministère d’apostolat que parmi les juifs ou parmi ceux qui avaient la même langue ; mais il possédait excellemment cette grâce comme toutes les autres et aurait pu en user s’il avait eu l’occasion de le faire (q. 7, a. 7, ad 3).

 

— Qu’entendez-vous quand vous dites que le Fils de Dieu incarné eut dans sa nature humaine la grâce de la prophétie même en ce qu’elle implique d’état prophétique proprement dit ?

— J’entends signifier par là que le Fils de Dieu, pendant sa vie sur cette terre, vivait de notre vie à nous, et, à ce titre, était éloigné des choses du ciel dont il nous parlait ; bien que, par la partie supérieure de son âme, il vécût au sein des mystères de Dieu dont il avait la pleine vue et la possession actuelle. C’est qu’en effet le propre du prophète est de parler de choses qui sont éloignées et non à la portée de la vue de ceux à qui il les annonce et au milieu desquels il vit (q. 7, a. 8).

 

— Dans quels rapports se trouvent les grâces gratuitement données, avec la grâce habituelle ou sanctifiante et les vertus et les dons qui l’accompagnent ?

— La grâce habituelle ou sanctifiante et les vertus et les dons qui l’accompagnent, ont pour objet de sanctifier le sujet en qui elles se trouvent ; tandis que les grâces gratuitement données, sont en vue de l’apostolat à exercer auprès des autres (I-II, q. 111, a. 1 et 4).

 

— Ces deux sortes de grâces peuvent-elles être séparées ?

— Oui ; puisque toutes les âmes justes ou saintes ont la grâce habituelle ou sanctifiante avec les vertus et les dons qui l’accompagnent ; et que les grâces gratuitement données ne sont le partage que de ceux qui ont un ministère à remplir auprès des autres. De plus, bien que, pour ces derniers, les deux sortes de grâces soient ordinairement jointes, elles peuvent être séparées, comme c’était le cas de Judas, qui était un démon, et qui cependant avait les grâces gratuitement données conférées aux apôtres.

 

— Dans la nature humaine que le Fils de Dieu s’était unie dans sa propre personne, toutes ces sortes de grâces étaient-elles jointes ensemble et portées à leur plus haut degré de perfection ?

— Oui ; dans la nature humaine que le Fils de Dieu s’était unie dans sa propre personne, toutes ces sortes de grâces étaient jointes ensemble et portées à leur plus haut degré de perfection (q. 7, a. 1, 8).

 

— Pourquoi en fut-il ainsi chez lui ?

— Parce qu’il était d’une dignité personnelle infinie ; et qu’il devait être le Docteur par excellence des choses de la foi (q. 7, a. 7).

 

5. La plénitude de la grâce qui fut dans la nature humaine du Fils de Dieu incarné

 

— Devenons-nous dire que, dans la nature humaine que le Fils de Dieu s’est unie dans sa propre personne, la grâce s’est trouvée selon toute sa plénitude ?

— Oui, dans la nature humaine que le Fils de Dieu s’est unie dans sa propre personne, la grâce s’est trouvée dans toute sa plénitude : en ce sens qu’il n’est rien qui se rapporte à l’ordre de la grâce qui ne s’y soit trouvé ; et que tout cela s’y est trouvé au plus haut degré qui fût possible, dans l’ordre actuel de la grâce (q. 7, a. 9).

 

— Cette plénitude de grâce est-elle tout à fait propre à la nature humaine dans la personne du Fils de Dieu ?

— Oui ; elle lui est tout à fait propre : car elle vient de la proximité de cette nature à la nature divine, source de la grâce, dans la même personne du Fils de Dieu, et du rôle que devait avoir le Fils de Dieu vivant dans cette nature humaine, rôle qui consisterait à répandre lui-même, en tous les hommes, le trop-plein de la grâce existant en lui (q. 7, a. 10).

 

— Pouvons-nous dire que la grâce conférée à la nature humaine unie au Fils de Dieu dans sa propre personne, fut une grâce infinie ?

— Oui ; on peut le dire en un certain sens. Car s’il s’agit de la grâce d’union, elle est infinie au sens pur et simple, n’étant pas autre chose que le fait, pour cette nature humaine, d’être unie à la nature divine elle-même dans l’unique personne du Fils de Dieu. Et s’il s’agit de la grâce habituelle avec tout ce qui l’accompagne, elle n’a pas de limite dans l’ordre actuel de la grâce, ou par rapport à tous les autres qui la participent, bien qu’en elle-même elle soit quelque chose de créé, et, par suite, quelque chose de fini (q. 7, a. 11).

 

— Cette grâce, ainsi entendue, peut-elle être augmentée dans la nature humaine que le Fils de Dieu s’est unie dans sa propre personne ?

— Cette grâce pourrait être augmentée, à ne considérer que la puissance de Dieu qui est infinie ; mais, à considérer l’ordre actuel de la grâce tel que Dieu l’a établi, cette grâce ne peut pas être augmentée (q. 7, a. 12).

 

— Quels sont les rapports de cette grâce à la grâce d’union ?

— Cette grâce, dans la nature humaine que le Fils de Dieu s’est unie dans sa propre personne, est une suite de la grâce d’union, et se proportionne à cette grâce d’union (q. 7, a. 13).

 

— De quel nom s’appelle la grâce d’union, cause et principe de toute autre grâce dans la nature humaine que le Fils de Dieu s’est unie dans sa propre personne ?

— On l’appelle grâce d’union hypostatique, d’un mot grec, qui signifie personne, car elle est, nous l’avons dit, le fait unique et incompréhensible pour nous, dû à l’action gratuite de la personne du Fils de Dieu, de concert avec le Père et l’Esprit-Saint, amenant, pour cette nature humaine qu’il s’est unie ainsi, cet excès de dignité et d’honneur qu’elle est unie immédiatement à la nature divine dans la même et unique Personne du Fils de Dieu.

 

6. La grâce capitale propre au Fils de Dieu incarné, dans sa nature humaine

 

— Outre cette grâce dont il vient d’être parlé, selon le double genre qui a été dit, de grâce habituelle ou sanctifiante avec tout ce qui l’accompagne, et de grâces gratuitement données, dérivant, dans la nature humaine que le Fils de Dieu s’est unie dans sa propre personne, en raison de la grâce d’union hypostatique, et du rôle que le Fils de Dieu devait avoir, vivant au milieu de nous dans cette nature, – grâce qui convenait au Fils de Dieu incarné selon qu’il était, lui-même, personnellement, tel homme déterminé, distinct de tous les autres hommes, – n’y a-t-il pas à parler encore, au sujet du Fils de Dieu incarné, de ce qu’on a appelé la grâce capitale, qui lui convient selon qu’il est le chef ou la tête de son corps mystique, l’Église ?

— Oui, nous devons encore parler, au sujet du Fils de Dieu incarné, de la grâce capitale, qui lui convient sous sa raison de chef ou de tête de son corps mystique, l’Église (q. 8).

 

— Qu’entendez-vous signifier quand vous dites que le Fils de Dieu incarné est la tête ou le chef de son corps mystique, l’Église ?

— J’entends signifier que le Fils de Dieu vivant dans la nature humaine qu’il s’est unie dans sa propre personne, occupe, dans l’ordre de la proximité à Dieu, la première place, possède la perfection absolue et la plénitude de tout ce qui touche à l’ordre de la grâce, et a la vertu de communiquer tout ce qui appartient à cet ordre à tous ceux qui, à un titre quelconque, participent les biens de cet ordre (q. 8, a. 1).

 

— N’est-ce que par rapport à l’âme, ou est-ce encore par rapport au corps que le Fils de Dieu incarné est dit la tête ou le chef des hommes qui font partie de son Église ?

— C’est aussi par rapport au corps, que le Fils de Dieu incarné est dit la tête ou le chef des hommes qui font partie de son Église ; et cela veut dire que l’humanité du Fils de Dieu incarné, non seulement dans son âme, mais aussi dans son corps, est l’instrument de la divinité, pour répandre les biens de l’ordre surnaturel dans l’âme des hommes d’abord, mais aussi dans leur corps : ici-bas, pour que le corps aide l’âme dans la pratique des œuvres de justice ; et, plus tard, dans la résurrection glorieuse, pour que le corps reçoive du trop-plein de l’âme glorifiée sa part d’immortalité et de gloire (q. 8, a. 2).

 

— Est-ce de tous les hommes que le Fils de Dieu incarné doit être dit la tête ou le chef, dans le sens qui vient d’être précisé ?

— Oui ; à prendre les hommes dans l’universalité du cours de leur histoire ; mais ceux qui ayant déjà vécu sur cette terre sont morts dans l’impénitence finale ne lui appartiennent plus et sont séparés de lui à tout jamais. Ceux, au contraire, qui, ayant vécu sur cette terre de la vie de la grâce, se trouvent maintenant dans la gloire, ceux-là lui appartiennent excellemment, et il est leur chef ou leur tête à un titre tout spécial. Il est ensuite le chef ou la tête de tous ceux qui lui sont unis par la grâce et se trouvent au purgatoire ou sur cette terre ; de tous ceux qui lui sont unis actuellement, même par la foi seule, sans la charité ; de tous ceux qui ne lui sont pas encore unis, non pas même par la foi, mais qui doivent l’être un jour, selon les décrets de la prédestination divine ; enfin, de ceux-là même qui, vivant encore sur cette terre, sont dans la possibilité de lui être unis, bien qu’ils ne doivent jamais lui être unis en effet (q. 8, a. 3).

 

— Peut-on dire que le Fils de Dieu incarné soit aussi le chef ou la tête des anges ?

— Oui, le Fils de Dieu incarné est aussi le chef ou la tête des anges ; car c’est par rapport à toute la multitude de ceux qui sont ordonnés à la même fin de la fruition de la gloire, que le Fils de Dieu occupe la première place, et possède dans toute leur plénitude les biens de cet ordre surnaturel, et communique à tous du trop-plein dont il déborde (q. 8, a. 4).

 

— La grâce capitale, qui convient au Fils de Dieu incarné selon que vivant dans la nature humaine qu’il s’est unie dans sa personne, il est le chef ou la tête de l’Église dans l’universalité qui vient d’être dite, est-elle la même grâce que celle qui lui convient ou qui est en lui selon qu’il est lui-même personnellement tel homme déterminé, distinct de tous les autres hommes et à plus forte raison des anges ?

— Oui : c’est la même grâce dans son fond ou dans son essence ; mais on l’appelle de ces deux noms, grâce capitale ou grâce personnelle, en raison du double rôle qu’elle joue ou selon lequel on la considère : en tant qu’elle orne la nature humaine propre au Fils de Dieu incarné ; ou en tant qu’elle se communique à tous ceux qui dépendent de lui (q. 8, a. 5).

 

— Le fait d’être chef ou tête de l’Église est-il absolument propre au Fils de Dieu incarné ?

— Oui ; en ce qui est de communiquer les biens intérieurs de l’ordre de la grâce, seule l’humanité du Fils de Dieu incarné ayant la vertu de justifier l’homme intérieurement, en raison de son union à la divinité dans la personne du Verbe. Mais, s’il s’agit du gouvernement extérieur dans l’Église, d’autres hommes peuvent être appelés et sont appelés, en effet, à des degrés et à des titres divers, chefs ou têtes, soit de telle portion de l’Église, comme sont les évêques dans leurs diocèses, soit de l’Église dans son ensemble pour ceux qui sont encore dans l’état de la voie sur la terre, comme est le Souverain Pontife pendant que dure son pontificat ; avec ceci, d’ailleurs, que ces autres chefs ne font que tenir la place du seul vrai chef de qui tout dépend, Jésus-Christ lui-même, dont ils ne sont à des titres ou à des degrés divers, que les vicaires, n’agissant jamais qu’en son nom (q. 8, a. 6).

 

— C’est donc à Jésus-Christ seul ou au Fils de Dieu incarné que tout se rapporte et que tout revient, en dernière analyse, dans l’action salutaire ou dans l’action qui a trait au bien surnaturel de tous ceux qui, à un titre quelconque, participent ce bien-là ?

— Oui, très exactement, c’est à Jésus-Christ seul ou au Fils de Dieu incarné que tout se rapporte et que tout revient en dernière analyse, dans l’action salutaire ou dans l’action qui a trait au bien surnaturel de tous ceux qui, à un titre quelconque, participent ce bien-là.

 

— Y a-t-il, dans le sens opposé et pour ce qui est de l’action néfaste détournant les hommes de Dieu et les conduisant à leur perte, un chef ou une tête, qui est, dans l’ordre du mal, ce qu’est Jésus-Christ ou le Fils de Dieu incarné, dans l’ordre du bien ?

— Oui ; et ce chef ou cette tête des méchants n’est autre que Satan, le chef des démons révoltés (q. 8, a. 7).

 

— De quelle manière ou en quel sens, le chef des démons révoltés, Satan, est-il, dans l’ordre du mal, le chef ou la tête des méchants, comme Jésus-Christ est le chef ou la tête de tous ceux qui font partie de son Église ?

— Il ne l’est pas en ce sens qu’il puisse communiquer intérieurement le mal comme Jésus-Christ communique le bien ; mais il l’est en ce sens que dans l’ordre du gouvernement extérieur, il tend à détourner les hommes de Dieu, comme Jésus-Christ tend à les ordonner à lui ; et que tous ceux qui pèchent imitent sa rébellion et son orgueil, comme les bons imitent la soumission et l’obéissance de Jésus-Christ (q. 8, a. 7).

 

— Serait-il donc vrai qu’en raison se cette opposition radicale et foncière, il y aurait comme une sorte de lutte personnelle entre Jésus-Christ, chef et tête des bons, et Satan, chef et tête des méchants, qui expliquerait en dernier ressort ce qu’il y a de continu et d’irréductible dans la lutte des bons et des méchants à travers les événements de l’histoire ?

— Assurément ; et l’on n’aura jamais le dernier mot de cette lutte, tant qu’on ne la ramènera pas à la lutte personnelle et irréductible à tout jamais entre Satan et Jésus-Christ.

 

— Cette lutte doit-elle un jour revêtir un caractère particulier d’acuité, de telle sorte que Satan semblera avoir concentré toute sa malice et sa vertu de nuire en la personne d’un individu humain, comme le Fils de Dieu a mis sa vertu salutaire en la nature humaine qu’il s’est unie dans sa propre personne ?

— Oui ; et ce sera lors du règne de l’Antéchrist.

 

— L’Antéchrist sera donc à un titre spécial le chef et la tête des méchants ?

— Oui ; l’Antéchrist sera, à un titre spécial, le chef et la tête des méchants. Car il aura plus de malice qu’aucun homme en ait eu avant lui ; et il sera au degré suprême le suppôt de Satan s’efforçant de perdre les hommes et de ruiner le règne de Jésus-Christ avec une méchanceté et des moyens d’action qui seront dignes du chef des démons (q. 8, a. 8).

 

— Quel devoir s’impose à tout homme en présence de cette lutte foncière et irréductible des deux chefs opposés de l’humanité ?

— C’est de ne pactiser jamais en quoi que ce soit avec ce qui est de Satan ou de ses satellites ; et de se ranger, pour y demeurer toujours et y combattre vaillamment, sous l’étendard de Jésus-Christ.

 

7. La science prise par le Fils de Dieu dans la nature humaine qu’il s’est unie : science béatifique ; science infuse ; science expérimentale

 

— Outre la grâce dont nous avons parlé et qui est propre à la nature humaine que le Fils de Dieu s’est unie dans sa propre personne, n’y a-t-il pas encore d’autres prérogatives qui sont l’apanage de cette nature ?

— Oui ; et ce sont d’abord les prérogatives qui ont trait à la science (III, q. 9-12).

 

— Quelle sorte de science fut prise par le Fils de Dieu incarné dans la nature humaine qu’il s’unissait de l’union hypostatique ?

— Trois sortes de sciences furent prises par le Fils de Dieu incarné dans la nature humaine qu’il s’unissait hypostatiquement ; savoir : la science, qui fait les bienheureux dans le ciel, par la vision de l’essence divine ; la science infuse ou innée, qui donne à l’âme, d’un seul coup, et par une effusion directe du Verbe, toutes les notions ou toutes les idées qui la mettent à même de tout connaître par mode de science connaturelle ; enfin, la science expérimentale, ou acquise, qui est due au jeu normal et ordinaire de nos facultés humaines puisant dans le monde extérieur à l’aide des sens (q. 9, a. 2, 3, 4).

 

— La science qui fait les bienheureux dans le ciel par la vision de l’essence divine, fut-elle prise par le Fils de Dieu incarné dans la nature humaine qu’il s’unissait hypostatiquement, avec un degré particulier de perfection ?

— Oui ; elle fut prise avec un degré de perfection qui dépasse, sans proportion aucune, celle de tous les autres esprits bienheureux, anges et hommes, à quelque degré de perfection qu’ils soient élevés dans cette science ; et, dès le premier instant, le Fils de Dieu incarné, put voir, par sa nature humaine, dans le Verbe divin qu’il était lui-même, tout et tout, de telle sorte qu’il n’est rien, de quelque manière que cela soit dans le présent, ou ait été dans le passé, ou doive être un jour dans l’avenir, qu’il s’agisse d’actions, de paroles, de pensées, se rapportant à n’importe qui et dans n’importe quel temps, que le Fils de Dieu incarné n’ait connu, dès le premier instant de son incarnation, par la nature humaine qu’il s’était unie hypostatiquement, dans le Verbe divin qu’il était lui-même (q. 10, a. 2-4).

 

— Et la science infuse ou innée, fut-elle prise par le Fils de Dieu incarné, dans la nature humaine qu’il s’unissait hypostatiquement, avec un degré particulier de perfection ?

— Oui ; car il connaît, par sa nature humaine, dans l’ordre de cette science, tout ce à quoi peut arriver l’intelligence humaine en utilisant la lumière native qui est en elle, et tout ce que la révélation divine peut faire connaître à une intelligence humaine ou créée, qu’il s’agisse de ce qui touche au don de sagesse, ou au don de prophétie, ou à n’importe quel autre don de l’Esprit-Saint, dans un degré de perfection et d’abondance absolument transcendant, non seulement par rapport à tous les autres hommes, mais même par rapport à la science des esprits angéliques (q. 11, a. 1, 3, 4).

 

Et la science acquise qui fut dans l’âme humaine du Fils de Dieu incarné, selon quelles conditions s’y trouva-t-elle ?

— Elle s’y trouva de telle sorte que, par elle, il connut tout ce à quoi l’intelligence humaine peut parvenir en travaillant sur les données des sens ; qu’un certain progrès dans la science fut possible pour lui, à mesure que son entendement humain avait l’occasion de s’exercer en travaillant sur de nouvelles données des sens ; mais que cependant il n’eut jamais rien à apprendre d’aucun maître humain, ayant toujours déjà acquis par lui-même, au contact des œuvres de Dieu, ce qu’un maître humain eût été à même d’enseigner, pour lui, à mesure que sa vie progressait (q. 12, a. 1-3).

 

— Doit-on dire aussi qu’en aucune manière le Fils de Dieu incarné n’eut jamais rien à recevoir des anges, en fait de science, dans sa nature humaine ?

— Non, jamais en aucune manière, le Fils de Dieu incarné n’eut rien à recevoir des anges, en fait de science, dans sa nature humaine ; mais tout ce qu’il eut, comme science, lui vint, dans sa nature humaine, ou immédiatement du Verbe qu’il était personnellement, ou de la lumière naturelle de l’entendement propre à la nature humaine, en travaillant selon qu’il a été dit, sur les données immédiates des sens ; car tout autre mode de recevoir eût été indigne de lui (q. 12, a. 4).

 

8. La puissance prise par le Fils de Dieu dans la nature humaine qu’il s’est unie hypostatiquement

 

— Outre ces prérogatives de science, le Fils de Dieu incarné prit-il encore d’autres prérogatives dans la nature humaine qu’il s’unissait hypostatiquement ?

— Oui ; il prit encore ce qui a trait à la puissance (q. 13).

 

— Quelle fut la puissance de l’âme humaine du Fils de Dieu incarné ?

— Ce fut toute la puissance connaturelle à l’âme humaine, forme substantielle d’un corps qu’il voulut prendre mortel, comme nous le verrons ; et, en plus, la puissance propre à cette âme humaine, dans l’ordre de la grâce, en tant qu’elle devait, de sa plénitude, communiquer à tous ceux qui seraient sous sa dépendance. Il y eut encore, dans la nature humaine du Fils de Dieu incarné, à un titre unique, cette participation instrumentale de la vertu divine, qui devait faire que, par elle, le Verbe de Dieu accomplirait désormais toutes les merveilles de transformation en harmonie avec la fin de l’incarnation, qui est de restaurer toutes choses, au ciel et sur la terre, selon le plan de rénovation fixé par Dieu (q. 13, a. 1-4).

 

9. Défectuosités prises par le Fils de Dieu dans la nature humaine qu’il s’est unie hypostatiquement : du côté du corps ; du côté de l’âme

 

— Était-il à propos qu’à côté de ces prérogatives de grâce, de science ou de puissance, le Fils de Dieu incarné prît aussi, dans la nature humaine qu’il s’unissait hypostatiquement, certaines défectuosités affectant son corps et son âme ?

— Oui ; cela était nécessaire en vue de la fin de l’incarnation, qui était que, par elle, le Fils de Dieu pût satisfaire pour nos péchés ; apparaître sur cette terre comme l’un de nous, laissant ainsi à la foi tout son mérite ; enfin nous servir d’exemple, par la pratique des plus hautes vertus de patience et d’immolation (q. 14, 15).

 

— Quelles furent les défectuosités du corps que le Fils de Dieu incarné dut prendre dans la nature humaine qu’il s’unissait hypostatiquement ?

— Ce furent les défectuosités ou les misères et infirmités qui sont, dans toute la nature humaine, la suite et l’effet du premier péché du premier homme ; telles que la faim, la soif, la mort et autres choses de ce genre ; mais non les infirmités ou défauts qui sont la suite des péchés personnels ou d’hérédité, ou encore l’effet d’une mauvaise conception (q. 14, a. 1).

 

— Le corps du Fils de Dieu incarné fut-il donc, en deçà des défectuosités qui ont été dites, d’une souveraine perfection et d’une souveraine beauté ?

— Oui ; le corps du Fils de Dieu incarné fut, en deçà des défectuosités qui ont été dites, d’une souveraine perfection et d’une souveraine beauté, car cela convenait à la dignité du Verbe de Dieu uni hypostatiquement à ce corps et à l’action de l’Esprit-Saint par qui ce corps fut formé directement dans le sein de la Vierge Marie, comme nous le dirons bientôt.

 

— Et, du côté de l’âme, quelles furent les défectuosités prises par le Fils de Dieu incarné dans la nature humaine qu’il s’unissait hypostatiquement ?

— Ce furent : d’abord, la possibilité de sentir la douleur causée par ce qui affecte péniblement le corps, notamment par les lésions corporelles telles qu’il devait les souffrir au cours de sa passion ; ensuite les mouvements intérieurs d’ordre affectif sensible, ou encore les mouvements d’ordre affectif intellectuel qui supposent un mal présent ou qui menace, tels que les mouvements de tristesse, de crainte, de colère ; avec ceci pourtant que de tels mouvements dans l’âme humaine du Fils de Dieu incarné, n’avaient jamais rien qui ne fût de tout point en parfaite harmonie avec la raison, à laquelle ils demeuraient en tout complètement soumis (q. 15, a. 1-9).

 

— Peut-on dire du Fils de Dieu incarné, qu’il fut, en raison de la nature humaine qu’il s’était unie hypostatiquement, pendant qu’il vivait sur notre terre, tout ensemble au terme et dans la voie de la béatitude ?

— Oui ; car, pour ce qui est propre à l’âme dans la béatitude, il jouissait pleinement de cette béatitude par la vision de l’essence divine ; et, pour ce qui est du rejaillissement de la béatitude de l’âme dans la partie sensible et dans le corps, par une sorte de suspension miraculeuse, en vue de notre rédemption, il ne devait en jouir qu’après sa résurrection et son ascension, l’attendant, au cours de sa vie mortelle, comme une récompense qu’il devait mériter et conquérir (q. 15, a. 10).

 

10. Des conséquences de l’incarnation du Fils de Dieu, selon que nous le considérons en lui-même, sous sa raison de Verbe incarné ; comment nous pouvons et devons nous exprimer à son sujet

 

— Que s’ensuit-il pour le Fils de Dieu incarné, considéré en lui-même et selon que nous pouvons et devons parler de lui, en raison de son incarnation ?

— Il s’ensuit que nous pouvons et devons dire en toute vérité, que Dieu est homme, car une personne qui est Dieu est homme aussi ; que l’homme est Dieu, car une personne qui est vraiment homme est une personne qui est Dieu ; que tout ce qui est propre à la nature humaine et lui convient peut être dit de Dieu, car tout cela convient à une personne qui est Dieu et tout ce qui est propre à la nature divine peut être dit de l’homme qu’est le Fils de Dieu incarné, car cet homme est une personne qui est Dieu ; mais nous ne pouvons pas dire de la divinité ce qui se dit de l’humanité, ou inversement, dans la personne du Fils de Dieu incarné, parce que les deux natures demeurent distinctes et gardent chacune leurs propriétés (q. 16, a. 1, 2).

 

— Peut-on dire que Dieu a été fait homme ?

— Oui, on peut dire que Dieu a été fait homme ; parce qu’une personne qui est Dieu a commencé d’être vraiment homme dans le temps, alors qu’auparavant elle ne l’était pas (q. 16, a. 6).

 

— Peut-on dire également que l’homme a été fait Dieu ?

— Non, on ne peut dire que l’homme a été fait Dieu ; car cela supposerait qu’une personne étant homme d’abord sans être Dieu, est ensuite devenue Dieu (q. 16, a. 7).

 

— Peut-on dire du Fils de Dieu incarné qu’il est une créature ?

— On ne peut pas le dire d’une façon pure et simple ; mais il faut avoir soin d’ajouter : en raison de la nature humaine qu’il s’est unie hypostatiquement, car il est vrai qu’en effet cette nature humaine est quelque chose de créé (q. 16, a. 8).

 

— Peut-on dire : cet homme, en montrant Jésus-Christ ou le Fils de Dieu incarné, a commencé d’être ?

— Non, on ne doit pas dire : cet homme, en montrant Jésus-Christ ou le Fils de Dieu incarné, a commencé d’être ; parce que cela s’entendrait de la personne du Fils de Dieu, qui n’a pas commencé d’être. On ne pourrait le dire qu’en ajoutant : selon qu’il est homme, ou en raison de sa nature humaine (q. 16, a. 9).

 

11. De l’unité ou de la multiplicité qui est en lui : quant à son être ; quant à sa volonté ; quant à son opération

 

— Jésus-Christ, ou le Fils de Dieu incarné, constitue-t-il un seul être, ou est-il plusieurs ?

— Il ne constitue qu’un seul être, Dieu et homme tout ensemble, en raison de l’unité de personne qui subsiste en l’une et l’autre des deux natures divine et humaine (q. 17, a. 1, 2).

 

— Pouvons-nous parler de multiplicité de volontés en Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné ?

— Oui ; car il y a en lui la volonté divine, comme Dieu ; et la volonté humaine, comme homme (q. 18, a. 1).

 

— Y a-t-il aussi, en lui, multiplicité de volontés, comme homme ?

— Oui ; à prendre le mot volonté dans un sens large et selon qu’il désigne la faculté affective sensible en même temps que la faculté affective intellectuelle ; ou encore selon qu’il désigne parfois divers actes de ces mêmes facultés (q. 18, a. 2, 3).

 

— Jésus-Christ ou le Fils de Dieu incarné eut-il et a-t-il dans sa nature humaine le libre arbitre ?

— Assurément, et d’une manière souverainement excellente ; bien que d’ailleurs il fût dans l’absolue impossibilité de pécher, sa volonté délibérée étant toujours et de tout point conforme à la volonté divine, même quand la partie affective sensible ou le mouvement naturel de sa volonté, en ce qui était de leur domaine propre, pouvaient se porter ailleurs qu’à ce que voulait sa volonté délibérée en conformité avec le vouloir positif divin (q. 18, a. 4).

 

— Pouvons-nous aussi et devons-nous parler de multiplicité d’opérations en Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné ?

— Oui, nous devons parler de multiplicité d’opérations en Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné ; parce que si, du côté de la personne ou du principe à qui sont attribuées les opérations, il y avait en Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné, unité parfaite et absolue, du côté des principes propres d’opérations, il y avait autant d’opérations diverses qu’il y avait de diversité de principes ou de facultés d’agir dans sa nature humaine ; et, en plus, la grande diversité des opérations propres à la nature divine distinctement des opérations propres à la nature humaine (q. 19, a. 1, 2).

 

— Mais alors en quel sens parle-t-on d’opération théandrique en Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné ; et que signifie cette expression ?

— Cette expression signifie que Jésus-Christ étant Dieu et homme tout ensemble, une sorte de subordination existait en lui, entre tous ses principes d’opérations, notamment entre les principes d’opération propres à la nature humaine, et la nature divine, principe de l’opération formellement divine ; si bien que l’opération humaine, en lui, se trouvait divinement perfectionnée et surélevée par le voisinage et l’influence de la nature divine, et que l’opération propre à la nature divine s’humanisait en quelque sorte en se communiquant au dehors par l’entremise ou avec le concours de l’opération humaine (q. 19, a. 1, ad 1).

 

— Jésus-Christ ou le Fils de Dieu incarné, par son opération humaine, a-t-il pu mériter quelque chose pour lui-même ?

— Oui, il a pu mériter et il convenait qu’il méritât pour lui-même tout ce dont l’absence temporaire n’était pas contraire à l’excellence et à la dignité qui était la sienne ; comme la gloire du corps et tout ce qui devait toucher à son exaltation extérieure au ciel ou sur la terre (q. 19, a. 3).

 

— A-t-il pu aussi mériter pour les autres ?

— Oui ; et d’un mérite parfait ou condigne, en raison de l’unité mystique que forment avec lui tous les membres de son Église dont il est la tête ; si bien que toutes ses actions valaient non seulement pour lui personnellement, mais encore pour tous ceux qui, parmi les hommes, font partie de son Église, au sens de l’universalité marquée plus haut, quand il s’est agi de la grâce capitale du Fils de Dieu incarné, dans la nature humaine qu’il s’est unie hypostatiquement (q. 19, a. 4).

 

— Que faut-il pour que le mérite des actions du Fils de Dieu incarné atteigne les autres hommes ?

— Il faut qu’ils lui soient unis par la grâce du baptême, qui est la grâce d’incorporation à Jésus-Christ ; comme nous aurons à le dire plus tard (q. 19, a. 4, ad 3).

 

12. Des conséquences de l’incarnation du Fils de Dieu dans ses rapports avec son Père : sa sujétion à l’endroit du Père ; sa prière ; son sacerdoce

 

— Que s’en est-il suivi de l’incarnation du Fils de Dieu, dans ses rapports avec son Père ou dans les rapports du Père avec lui ?

Il s’en est suivi que le Fils de Dieu incarné a été soumis au Père ; qu’il l’a prié ; qu’il l’a servi par son sacerdoce ; et que tout en restant le Fils par nature, non par adoption, il a pu cependant et dû être prédestiné par le Père (q. 20-24).

 

— Qu’entendez-vous quand vous dites que Jésus-Christ ou le Fils de Dieu incarné a été soumis au Père ?

— J’entends qu’en raison de sa nature humaine, le Fils de Dieu incarné n’avait qu’une bonté participée, tandis que le Père est la bonté par essence ; que tout ce qui regardait sa vie humaine était réglé, disposé, ordonné par son Père ; enfin, que dans sa nature humaine, il s’est, en toutes choses, montré d’une obéissance parfaite et absolue à l’endroit du Père (q. 20, a. 1).

 

— Ces mêmes titres ne faisaient-ils pas que le Fils de Dieu incarné était également soumis à lui-même en tant que Dieu ou en raison de sa nature divine ?

— Assurément ; car la nature divine, en raison de laquelle le Père était supérieur au Fils dans son incarnation, est commune au Père et au Fils (q. 20, a. 2).

 

— En quel sens peut-on dire que Jésus-Christ ou le Fils de Dieu incarné pouvait ou peut encore prier ?

— En ce sens que sa volonté humaine n’ayant point, par elle-même et indépendamment de la volonté divine, le pouvoir de réaliser ce qu’elle souhaite ; en raison de cette volonté, le Fils de Dieu incarné peut s’adresser au Père, afin qu’il accomplisse, par sa volonté toute-puissante, qui est aussi la sienne, comme Dieu, ce que sa volonté humaine ne pourrait réaliser par elle-même (q. 21, a. 1).

 

— Est-ce que Jésus-Christ ou le Fils de Dieu incarné pouvait prier pour lui-même ?

— Oui ; même en ce sens qu’il pouvait demander au Père les biens du corps ou sa glorification extérieure qu’il n’avait pas encore tant qu’il vivait sur notre terre ; mais, à tout le moins, pour remercier le Père et lui rendre grâces de tous les dons et privilèges accordés à lui dans sa nature humaine ; et, sous cette forme, sa prière durera pendant toute l’éternité (q. 21, a. 3).

 

— Peut-on dire que la prière de Jésus-Christ ou du Fils de Dieu incarné a toujours été exaucée, quand il était sur notre terre ?

— Oui ; à prendre la prière dans son sens parfait, qui est la demande ferme d’une chose qu’on veut de volonté délibérée ; car le Fils de Dieu incarné, qui connaissait excellemment la volonté du Père, n’a jamais voulu, d’une volonté délibérée, que ce qu’il savait être de tout point conforme à la volonté du Père, qui était aussi la sienne comme Dieu (q. 21, a. 4).

 

— Quand on parle du sacerdoce de Jésus-Christ, le Fils de Dieu incarné, que veut-on dire ?

— On veut dire que c’est à lui qu’il a appartenu et qu’il appartient, par excellence, d’apporter aux hommes les dons de Dieu ; et de se présenter devant Dieu, au nom des hommes, pour offrir à Dieu leurs prières, et pour apaiser Dieu à leur endroit, les réconciliant tous avec lui (q. 22, a. 1).

 

— Peut-on dire que Jésus-Christ fut tout ensemble prêtre et victime ?

— Oui ; car c’est en acceptant d’être mis à mort pour nous, qu’il a réalisé dans sa propre personne, en raison de sa nature humaine ainsi immolée, la triple raison du sacrifice imposée dans l’ancienne loi, savoir : la victime pour le péché ; la victime pacifique ; et l’holocauste. Il a, en effet, satisfait pour nos péchés et les a effacés ; il nous a valu la grâce de Dieu, qui est notre paix et notre salut ; et il nous a ouvert la porte de la gloire, où nous devons être unis à Dieu totalement et définitivement dans l’éternité (q. 22, a. 2).

 

— Est-ce aussi pour lui-même, dans sa nature humaine, que Jésus-Christ ou le Fils de Dieu incarné a été prêtre ?

— Non ; ce n’est point pour lui-même ; car lui-même pouvait immédiatement approcher de Dieu, sans qu’il eût besoin d’un médiateur ; et, de plus, n’ayant en lui que la similitude du péché, non le péché lui-même, il n’avait pas à offrir pour lui de victime expiatrice, mais seulement pour nous (q. 22, a. 4).

 

— Doit-on dire que le sacerdoce de Jésus-Christ demeure éternellement ?

— Oui ; en ce sens que l’effet de son sacerdoce, c’est-à-dire la consommation, dans la gloire, des saints, purifiés par la vertu de son sacrifice, sera éternellement son œuvre, au ciel (q. 22, a. 5).

 

— Pourquoi dit-on que Jésus-Christ est prêtre selon l’ordre de Melchisédech ?

— Pour marquer la supériorité du sacerdoce de Jésus-Christ sur le sacerdoce lévitique de l’ancienne loi, qui n’en était que la figure (q. 22, a. 6).

 

13. Sa filiation divine : sa prédestination

 

— Quand on parle d’adoption de la part de Dieu, que veut-on dire ?

— On veut dire que Dieu, dans la Trinité de ses personnes, a daigné, par un mouvement d’infinie bonté, admettre ses créatures raisonnables à participer [à] son héritage ou [à] ses propres richesses, qui ne sont pas autre chose que la gloire de sa propre béatitude ; de telle sorte que, ne pouvant être ses fils par nature, – car ceci n’appartient qu’au seul fils unique –, les anges et les hommes admis à cette gloire deviennent ses fils ou ses enfants d’adoption (q. 23, a. 1).

 

— Le Fils de Dieu incarné peut-il, en raison de sa nature humaine, être dit Fils de Dieu par adoption ?

— Non, il ne le peut pas, en aucune manière ; car, la filiation étant une propriété personnelle, où se trouve la filiation naturelle il n’y a plus place pour la filiation d’adoption qui n’en est qu’une similitude (q. 23, a. 4).

 

— Peut-on parler de prédestination, au sujet de Jésus-Christ ou du Fils de Dieu incarné ?

— Oui ; car la prédestination n’est pas autre chose que la préordination fixée par Dieu de toute éternité de ce qu’il devait accomplir dans le temps dans l’ordre de la grâce. Or, le fait d’un être humain étant Dieu en personne, et de Dieu étant homme, a été réalisé dans le temps par Dieu, et appartient au plus haut point à l’ordre de la grâce, dont il constitue le sommet. Il s’ensuit que c’est au plus haut point qu’on peut et qu’on doit parler de prédestination, au sujet du Fils de Dieu incarné (q. 24, a. 1).

 

Cette prédestination, portant sur le fait qu’en raison de la nature humaine qui serait unie, dans le temps, d’une union hypostatique, au Fils unique de Dieu, un jour existerait un être humain qui serait le Fils de Dieu lui-même et que Dieu serait homme, est-elle le modèle ou l’exemplaire et la cause de notre propre prédestination ?

— Oui ; car la prédestination portant sur nous devait ordonner que nous serions par adoption ce que le Fils de Dieu incarné est par nature ; et elle devait ordonner aussi que notre salut s’accomplirait par Jésus-Christ lui-même qui en serait l’auteur (q. 24, a. 3, 4).

 

14. Des conséquences de l’incarnation du Fils de Dieu dans ses rapports avec nous : que nous devons l’adorer ; qu’il est le médiateur de Dieu et des hommes

 

— Que s’en est-il suivi, de l'incarnation du Fils de Dieu, dans ses rapports avec nous ?

— Il s’en est suivi que nous devons l’adorer, et qu’il est notre médiateur (q. 25, 26).

 

— Qu’est-ce à dire, que nous devons adorer Jésus-Christ ou le Fils de Dieu incarné ?

— Cela veut dire que nous devons rendre à la personne du Fils de Dieu, où qu’elle se trouve et sous quelle forme qu’elle nous apparaisse, soit comme étant Dieu, soit comme étant homme, le culte de latrie qui est le culte propre à Dieu ; bien que si nous considérions la nature humaine de Jésus-Christ, comme raison ou motif du culte que nous lui rendons à lui, elle ne motivât que le seul culte de dulie (q. 25, a. 1, 2).

 

— Est-ce pour la même raison que nous rendons au Cœur sacré de Jésus ou du Verbe incarné le culte de latrie ?

— Oui ; car le Cœur de Jésus fait partie de sa personne adorable ; et, de tout ce qui appartient à la personne adorable de Jésus-Christ dans sa nature humaine, le Cœur était de nature à recevoir plus spécialement ce culte de latrie, parce qu’il est le symbole par excellence de l’œuvre d’amour infini accomplie, pour notre salut, par le Verbe fait chair, dans les mystères de l’incarnation et de la rédemption : au point que le culte du Sacré-Cœur n’est rien de moins que le culte même de Jésus-Christ dans son amour.

 

Faut-il adorer ou honorer du culte de latrie l’image de Jésus-Christ ?

Oui ; parce que le mouvement dont on se porte vers l’image d’une chose en tant qu’image de cette chose est le même que celui dont on se porte vers la chose elle-même (q. 25, a. 3).

 

— Et la croix de Jésus-Christ, doit-elle être adorée ou honorée du culte de latrie ?

— Oui ; car elle nous représente Jésus-Christ étendu sur elle et mourant pour nous ; et, s’il s’agit de la croix même où Jésus-Christ fut attaché, nous l’adorons encore pour cette autre raison qu’elle a touché les membres de Jésus-Christ et qu’elle a été imprégnée de son sang (q. 25, a. 4).

 

— Devons-nous aussi l’adoration et le culte de latrie à la très sainte Vierge Marie, Mère de Jésus-Christ ?

— Non ; parce que ce n’est pas seulement en raison de Jésus-Christ que nous rendons un culte à sa Mère, mais aussi en raison d’elle-même : et, parce qu’elle n’est qu’une pure créature, nous ne l’honorons pas du culte de latrie, qui est exclusivement propre à Dieu. Nous lui rendons cependant un culte suréminent, dans l’ordre du culte de dulie appartenant aux créatures unies à Dieu ; car nulle autre ne lui a été unie comme elle : et c’est pourquoi nous l’honorons du culte d’hyperdulie (q. 25, a. 5).

 

— Devons-nous aussi, en raison de Jésus-Christ, rendre un culte aux reliques des saints, notamment à leurs corps ?

— Oui ; parce que les saints ont été et demeurent les membres de Jésus-Christ, les amis de Dieu et nos intercesseurs auprès de lui ; et que, par suite, tout ce qui a été en rapport avec eux mérite que nous l’honorions en raison d’eux-mêmes ; mais surtout leurs corps qui ont été les temples du Saint-Esprit, et qui doivent être configurés au corps de Jésus-Christ par la résurrection glorieuse (q. 25, a. 6).

 

— Quand nous disons que le Fils de Dieu incarné est le médiateur de Dieu et des hommes, que voulons-nous dire ?

— Nous voulons dire qu’en raison de la nature humaine qu’il s’est unie hypostatiquement, le Fils de Dieu incarné se trouve au milieu, entre Dieu, dont il est distant par cette nature humaine, et les hommes, dont il est distant par l’excellence de sa dignité ou des dons de grâce et de gloire qu’il possède en cette même nature humaine ; et qu’étant ainsi au milieu entre Dieu et les hommes, c’est à lui qu’il appartient en propre de communiquer aux hommes les préceptes et les dons de Dieu, et de se présenter devant Dieu, au nom des hommes, satisfaisant pour eux et intercédant pour eux (q. 26, a. 1, 2).

 

15. Comment s’est déroulé parmi nous le mystère du Verbe incarné

 

— Ce fait, si mystérieux et si merveilleux, du Fils unique de Dieu se revêtant de notre nature humaine et devenant homme comme nous au sens et avec toutes les conséquences qui ont été marquées, comment s’est-il réalisé ou déroulé sur notre terre et dans le domaine de l’histoire ?

— Nous répondrons à cette question en considérant quatre choses : d’abord, la venue ou l’entrée du Fils de Dieu incarné en ce monde ; secondement, la suite de sa vie en ce monde ; troisièmement, sa sortie de ce monde ; quatrièmement, son exaltation après cette vie durant laquelle il avait vécu parmi nous (III, q. 27, prologue).

 

16. De l’entrée du Fils de Dieu en ce monde lors de son incarnation : sa naissance de la bienheureuse Vierge Marie

 

— Comment le Fils de Dieu dans son incarnation est-il venu et a-t-il fait son entrée en ce monde ?

— Le Fils de Dieu, dans son incarnation, est venu et a fait son entrée en ce monde, en naissant de la glorieuse Vierge Marie, sa Mère, de laquelle il avait été conçu par l’action toute surnaturelle de l’Esprit-Saint.

 

— La glorieuse Vierge Marie, que le Fils de Dieu, en vue de son incarnation, s’était choisie pour Mère, avait-elle été gratifiée de privilèges spéciaux en raison de cette maternité ?

— Oui ; et le plus merveilleux de tous ces privilèges fut celui de l’Immaculée Conception (q. 27).

 

— Qu’entendez-vous par ce privilège de l’Immaculée Conception ?

— J’entends le fait, qu’eu égard à sa dignité de créature unique choisie pour être la Mère du Fils de Dieu incarné, la très sainte Vierge Marie a été, par une grâce unique lui appliquant par avance les mérites de la rédemption, préservée de la souillure du péché originel qu’elle aurait dû contracter en raison de sa venue d’Adam pécheur par voie de conception naturelle ; et que, dès le premier instant de sa création, son âme a été revêtue et ornée de toute la plénitude des dons surnaturels de la grâce (Pie IX. – Définition du dogme de l’Immaculée Conception).

 

— Qu’entendez-vous quand vous dites que le Fils de Dieu incarné est né de la Vierge Marie ?

— J’entends que la Mère du Fils de Dieu, bien loin de perdre sa virginité en raison de sa maternité, a vu, au contraire, consacrer divinement cette virginité par sa maternité, de telle sorte que, vierge avant la conception du Fils de Dieu, elle est demeurée vierge dans cette conception, vierge quand elle lui a donné naissance, et vierge à tout jamais après cette naissance (q. 28, a. 1, 2, 3).

 

— Ce fut donc d’une manière toute surnaturelle et miraculeuse que la glorieuse Vierge Marie conçut en elle sous l’action de l’Esprit-Saint le Fils de Dieu se revêtant de notre nature humaine dans son sein virginal ?

— Oui ; ce fut d’une manière toute surnaturelle et miraculeuse que la glorieuse Vierge Marie conçut en elle, sous l’action de l’Esprit-Saint, le Fils de Dieu se revêtant de notre nature humaine dans son sein virginal ; avec ceci toutefois que dans cette conception la très sainte Vierge eut toute la part qu’ont les autres mères dans la conception naturelle de leur enfant (q. 31, a. 5 ; q. 31).

 

— Fut-ce tout de suite et instantanément que le Fils de Dieu se trouva ainsi revêtu de notre nature humaine dans le sein virginal de Marie, avec toutes les prérogatives de grâce que nous avons vu qu’il prit dans cette nature humaine en se l’unissant hypostatiquement ?

— Oui ; ce fut instantanément et tout de suite, dès que la Vierge Marie eut prononcé le fiat de son consentement au jour de l’Annonciation, que se trouvèrent accomplies par l’action toute-puissante de l’Esprit-Saint, dans son sein virginal, toutes les merveilles qui constituent le mystère de l’incarnation (q. 33, 34).

 

— Doit-on dire que dès ce premier moment, le Fils de Dieu incarné eut, dans sa nature humaine, l’usage du libre arbitre et qu’il put commencer à mériter ?

— Oui ; dès ce premier moment, le Fils de Dieu incarné eut, dans sa nature humaine, toutes les splendeurs de science béatifique et infuse dont nous avons parlé plus haut, jouit pleinement de l’usage du libre arbitre, et commença à mériter d’un mérite parfait (q. 34, a. 1-3).

 

— Quand nous disons que le Fils de Dieu est né de la Vierge Marie, est-ce d’une vraie naissance affectant la personne du Fils de Dieu que nous parlons ; et comment se distingue-t-elle de la naissance par laquelle nous disons que le Fils est né du Père ?

— Quand nous disons que le Fils de Dieu est né de la Vierge Marie, c’est d’une vraie naissance affectant la personne du Fils de Dieu que nous parlons ; mais cette naissance se dit en raison de la nature humaine ; tandis que lorsque nous parlons de la naissance du Fils de Dieu par rapport à son Père, nous parlons de naissance en raison de la nature divine que le Fils reçoit du Père de toute éternité (q. 35, a. 1, 2).

 

— En raison de sa naissance de la Vierge Marie, le Fils de Dieu peut-il être dit Fils de la Vierge Marie et la Vierge Marie peut-elle être dite sa mère ?

— Absolument ; car tout ce que donne une mère à l’enfant qui est son fils, tout cela la Vierge Marie l’a donné au Fils de Dieu (q. 35, a. 3).

 

— S’ensuit-il que la Vierge Marie soit Mère de Dieu ?

— Sans aucun doute, puisqu’elle est vraiment la mère, selon la nature humaine prise par lui, du Fils de Dieu, qui est Dieu (q. 35, a. 4).

17. Du nom de Jésus-Christ donné au Verbe incarné

 

— Quand le nom de Jésus a-t-il été donné au Fils de Dieu incarné, après sa naissance de la glorieuse Vierge Marie ?

— C’est le huitième jour après sa naissance, dans la cérémonie de la circoncision, que le nom de Jésus fut donné au Fils de Dieu incarné, conformément à l’ordre porté du ciel à Marie et à Joseph par l’ange du Seigneur (q. 37, a. 2).

 

— Que signifie le nom de Jésus, donné par choix et par ordre du ciel au Fils de Dieu incarné ?

— Ce nom désigne la qualité foncière qui devait être celle du Fils de Dieu incarné, dans l’ordre de la grâce, savoir qu’il serait le Sauveur de tous les hommes.

 

— Pourquoi ajoute-t-on, au nom de Jésus, le mot Christ, pour désigner le Fils de Dieu incarné ?

— Parce que le mot Christ signifie Oint, et désigne excellemment l’onction divine qui fait de lui, à un titre exceptionnel, le saint, le prêtre, et le roi, qui domine tout dans l’ordre du salut (q. 22, a. 1, ad 3).

 

— C’est donc tout cela qu’on désigne quand on dit : Jésus-Christ ?

— Oui ; quand on dit : Jésus-Christ, on désigne le Fils unique de Dieu, qui, étant de toute éternité, avec son Père et l’Esprit-Saint, le même seul et unique vrai Dieu, par qui toutes choses ont été créées et qui les conserve et les gouverne en souverain maître, s’est revêtu, dans le temps, de notre nature humaine, en raison de laquelle il est vraiment homme comme nous en continuant d’être avec le Père et l’Esprit-Saint le même Dieu qu’il est de toute éternité, ce qui entraîne, dans sa nature humaine, et lui assure, en tant qu’il est homme comme nous, des privilèges de grâce en quelque sorte infinis, au premier rang desquels brille sa qualité de Sauveur des hommes, et qui le constituent, en tant qu’homme, médiateur unique de Dieu et des hommes, prêtre souverain, roi suprême, prophète sans égal, et chef ou tête de toute l’assemblée des élus, anges et hommes, formant tous son véritable corps mystique.

 

18. Du baptême de Jésus-Christ

 

— D’où vient que Jésus-Christ étant ce que nous venons de préciser, il ait voulu, au début de sa vie publique, être baptisé du baptême de Jean ?

— Précisément pour commencer sa mission, qui était d’opérer l’œuvre de notre salut, laquelle devait consister dans la rémission des péchés qui se ferait par le baptême qu’il allait promulguer et inaugurer. Or, ce baptême, qui serait le sien, devait se donner dans l’eau, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ; et tous les hommes sans exception devraient le recevoir, étant tous pécheurs. C’est pourquoi, voulant montrer cette nécessité pour tous, il demanda lui-même, qui pourtant n’avait que la similitude de notre chair de péché, à recevoir le baptême de Jean, simple figure de l’autre baptême. Et il reçut ce baptême dans l’eau, afin de sanctifier l’eau par son contact et de la préparer ainsi à être la matière du sacrement. Et, dans son baptême, toute la Trinité se manifesta, lui dans sa nature humaine, l’Esprit-Saint sous la forme d’une colombe, et le Père dans la voix qui se fit entendre, afin de déclarer ce qui serait la forme même du sacrement. Il en montre aussi l’effet, en ce que les cieux s’ouvrirent au-dessus de sa tête ; car ce devait être par son baptême que le ciel nous serait rouvert à nous-mêmes, en vertu du baptême de sang où il laverait dans sa propre personne le péché du monde (q. 39, a. 1-8).

 

19. Suite de la vie de Jésus-Christ parmi nous : sa tentation ; sa prédication ; ses miracles ; la transfiguration

 

— Cette entrée de Jésus-Christ au monde par sa naissance, et, dans sa vie publique, par son baptême, fut-elle suivie du cours qui convenait à sa dignité et à sa mission ?

— Oui ; car il vécut au milieu des hommes d’une vie toute de simplicité, mais de pauvreté parfaite, et en achevant l’ancienne loi dans sa propre personne pour préparer les voies à la loi nouvelle qui devait être la sienne (q. 40, a. 1-4).

 

— Pourquoi Jésus-Christ voulut-il être tenté après son baptême et au début de sa vie publique ?

— Pour notre instruction, afin de nous montrer comment nous devions nous-mêmes résister à notre ennemi ; et aussi pour répondre, par sa victoire sur le démon, à la défaite qui avait été celle de nos premiers parents, lors de la tentation au paradis terrestre (q. 41, a. 1).

 

— Son enseignement et sa prédication furent-ils ce qu’ils devaient être au cours de sa vie publique ?

— Oui ; car il parcourut lui-même personnellement tout le territoire du peuple de Dieu auquel il avait été envoyé par son Père ; et ne cessa, durant les trois années de sa vie publique, de faire entendre sa voix pour communiquer aux hommes, selon qu’ils pouvaient les porter, les mystères du royaume des cieux (q. 42, a. 1-4).

 

— Les miracles accomplis par lui furent-ils ce qu’ils devaient être ?

— Oui ; car par la manière dont il les faisait et en montrant sa toute-puissance à l’endroit des créatures spirituelles, à l’endroit des corps célestes, à l’endroit des misères des hommes, à l’endroit des créatures inanimées elles-mêmes, il prouvait excellemment qui il était et donnait aux hommes le moyen infaillible de le reconnaître (q. 43, 44).

 

— Parmi ces miracles, en est-il qui soit d’une importance toute spéciale en raison de son caractère et des circonstances dans lesquelles il se produisit ?

— Oui ; c’est celui de la transfiguration (q. 45).

 

— En quoi consiste ce que le miracle de la transfiguration a eu de particulièrement remarquable ?

— En ceci, qu’après avoir annoncé à ses disciples les mystères de sa passion et de sa mort ignominieuse sur la croix, leur disant qu’il faudrait que tous les siens le suivent dans ce chemin de douleur, Jésus-Christ voulut montrer aux trois privilégiés, dans sa propre personne, le terme glorieux où ce chemin doit conduire tous ceux qui auront le courage d’y marcher. Et comme cet enseignement est le point culminant de l’enseignement de Jésus-Christ, son autorité exceptionnelle et unique parmi tous les maîtres devait être proclamée en cette circonstance particulièrement solennelle, d’une part en ce que la loi, personnifiée dans Moïse, et les prophètes, personnifiés dans Élie, venaient lui rendre hommage et s’éclipser devant lui, et de l’autre, en ce que la voix du Père lui-même le déclarait son Fils bien-aimé, celui qu’il fallait qu’on écoute (q. 45, a. 1-4).

 

— Pourquoi la voix du Père, proclamant la filiation divine de Jésus-Christ, s’est-elle fait entendre au baptême et à la transfiguration de Jésus ?

— Parce que cette filiation divine de Jésus-Christ est le modèle auquel doit nous conformer notre filiation adoptive, commençant par la grâce du baptême et s’achevant dans la gloire de la patrie (q. 45, a. 4, ad 2).

 

— N’est-ce point précisément du grand mystère de la passion et de la mort de Jésus-Christ que Moïse et Élie, apparaissant dans la gloire, s’entretenaient avec Jésus sur le Thabor ?

— Oui ; et c’est ce que saint Luc appelle d’un mot si bien choisi, la sortie de Jésus, qu’il devait accomplir à Jérusalem (q. 45, a. 3).

 

20. La sortie de Jésus-Christ de ce monde : sa passion et sa mort ; sa sépulture

 

— Que comprend cette « sortie de Jésus » de ce monde, qu’il devait accomplir à Jérusalem ?

— Elle comprend quatre choses : la passion, la mort, la sépulture et la descente aux enfers (q. 46-52).

 

— Pourquoi Jésus-Christ a-t-il voulu souffrir tout ce qu’il a souffert au cours de sa passion devant aboutir jusqu’à la mort sur la croix ?

— Jésus-Christ a voulu souffrir tout cela, d’abord pour obéir à son Père qui l’avait ainsi déterminé dans ses conseils éternels ; et parce que, pleinement instruit de ces divins conseils, il savait que cette passion devait être le chef-d’œuvre de la sagesse et de l’amour de Dieu, réalisant par ce moyen le salut du monde de façon à confondre son mortel ennemi, le démon, et à donner aux hommes le témoignage suprême de son amour (q. 46, a. 1).

 

— Ce que Jésus-Christ a ainsi souffert au cours de sa passion dépasse-t-il tout ce qu’il sera jamais possible de trouver comme somme de souffrance ?

— Oui ; parce que, d’une part, la sensibilité de Jésus-Christ était la plus parfaite qui fut jamais, soumise à un ensemble de causes de souffrance qui ne se retrouvera jamais semblable, sans que des sommets de son âme jouissant de la parfaite vision béatifique, aucun rayon de consolation descende pour venir adoucir les souffrances de sa partie sensible ; et que, d’autre part, Jésus-Christ, portant en lui la responsabilité de tous les péchés du monde qu’il venait effacer par sa passion, a voulu prendre une somme de souffrance qui fût proportionnée à une telle fin (q. 46, a. 5, 6).

 

— En quel mode la passion de Jésus-Christ a-t-elle réalisé l’œuvre de notre salut ?

— La passion de Jésus-Christ, considérée dans son rapport d’action avec la divinité et selon qu’elle en était l’instrument, a opéré notre salut par mode de cause efficiente, accomplissant elle-même cette œuvre de notre salut ; considérée comme acceptée par sa volonté humaine, elle a réalisé notre salut par mode de mérite ; considérée sous sa raison propre de passion et de souffrance dans la chair de Jésus-Christ ou dans sa partie sensible, elle a réalisé l’œuvre de notre salut : par mode de satisfaction, en tant qu’elle nous a délivrés de l’obligation à la peine qu’avaient méritée nos péchés ; par mode de rédemption, ou de rachat, en tant qu’elle nous a délivrés de l’esclavage du péché et du démon ; par mode de sacrifice, en tant que par elle nous rentrons en grâce auprès de Dieu, réconciliés avec lui (q. 48, a. 1-4).

 

— Faut-il dire que d’être rédempteur du genre humain est le propre de Jésus-Christ ?

— Oui ; car le prix de cette rédemption ou de ce rachat n’est pas autre que le sang et la vie de Jésus-Christ que lui-même a offerts à Dieu son Père et à toute l’auguste Trinité, pour que fût brisée la chaîne qui nous liait au péché et au démon. Toutefois, comme c’est de l’auguste Trinité que l’humanité du Sauveur tenait son sang et sa vie, et que le mouvement par lequel le Fils de Dieu incarné se portait, dans son humanité, à offrir ainsi le prix de notre rédemption venait, dans cette humanité, en première origine, de la divinité, cause première de tout bien, il s’ensuit que l’œuvre de la rédemption s’attribue principalement à l’auguste Trinité tout entière comme à la cause première, bien qu’elle soit le propre du Fils de Dieu comme homme, en tant que cause immédiate (q. 48, a. 5).

 

— Est-ce à un titre spécial que la passion de Jésus-Christ nous a délivrés de l’esclavage du démon en nous arrachant à sa puissance ?

— Oui ; car elle a détruit le péché, par lequel l’homme cédant à la suggestion du démon, avait mérité de tomber sous sa puissance ; elle nous a réconciliés avec Dieu que nous avions offensé et dont la justice avait livré l’homme à la puissance du démon ; enfin, elle a usé le pouvoir tyrannique du démon, en lui permettant de se livrer sur le Fils de Dieu à l’abus de pouvoir qu’il a commis, le faisant mettre à mort, alors qu’il était innocent (q. 49, a. 1-4).

 

— Doit-on dire que l’effet très spécial de la passion de Jésus-Christ a été de nous ouvrir la porte du ciel ?

— Oui ; car ce qui fermait pour tout le genre humain la porte du ciel était le double obstacle des péchés personnels à chaque homme et du péché de nature commun à tous les hommes, en vertu de leur naissance d’Adam pécheur. Or, ce double obstacle a été entièrement enlevé par la passion de Jésus-Christ (q. 49, a. 5).

 

— Fallait-il que dans sa passion Jésus-Christ allât jusqu’à mourir comme il l’a fait ?

— Oui ; rien n’était plus en harmonie avec la sagesse des conseils divins et son amour. Car, de la sorte, nous étions nous-mêmes libérés de la mort spirituelle du péché et de la mort qui nous est infligée comme peine du péché. C’est, en effet, en mourant pour nous que Jésus-Christ a vaincu la mort dans sa personne et qu’il nous a valu de pouvoir en triompher nous-mêmes, soit en ne la craignant plus, sachant que nous ne mourons pas pour toujours, soit en nous assurant notre victoire sur elle par notre incorporation à sa propre mort (q. 50, a. 1).

 

21. La descente aux enfers

 

— Et pourquoi Jésus-Christ voulut-il descendre aux enfers ?

— Pour nous libérer nous-mêmes de l’obligation d’y descendre ; pour y triompher du démon, en libérant ceux qui s’y trouvaient détenus ; pour montrer sa puissance jusque dans les enfers en les visitant et en y répandant sa lumière (q. 52, a. 1).

 

— Mais quels sont ces enfers où Jésus-Christ est descendu après sa mort ?

— Jésus-Christ, après sa mort, est descendu à cette partie des enfers qui était le séjour des justes n’ayant plus aucune peine à subir pour leurs péchés, mais retenus seulement par la dette commune du péché originel. C’est là seulement qu’il se rendit pour s’y montrer et donner aux saints patriarches la joie de sa présence. Mais de là, il fit sentir les effets de sa descente, même à l’enfer des damnés, les confondant pour leur incrédulité et leur malice ; et, plus spécialement, au purgatoire, consolant les âmes qui s’y trouvaient détenues, par l’espoir d’être admises dans la gloire aussitôt après leur expiation (q. 52, a. 2).

 

— Jésus-Christ est-il demeuré quelque temps aux enfers où il était descendu ?

— Il y est resté autant de temps que son corps est resté dans le tombeau (q. 52, a. 4).

 

— Est-ce qu’en remontant des enfers, Jésus-Christ en a ramené les âmes des justes ?

— Oui ; car dès son arrivée parmi eux, il leur communiqua tout de suite la vision béatifique du ciel, dont ils continuèrent de jouir avec lui tout le temps qu’il passa au milieu d’eux. Et quand son âme sortit des enfers pour s’unir de nouveau à son corps au moment de la résurrection, il fit sortir avec lui des enfers toutes les âmes des justes qui ne devaient plus se séparer de lui (q. 52, a. 5).

 

22. La glorification de Jésus-Christ : sa résurrection

 

— Était-il nécessaire que Jésus-Christ ressuscitât après sa mort, d’une résurrection glorieuse ?

— Oui ; c’était chose nécessaire. Car Dieu se devait à lui-même de manifester sa justice en exaltant celui qui s’était humilié jusqu’à la mort de la croix. Il fallait aussi ce témoignage suprême donné à la divinité de Jésus-Christ, pour confirmer notre foi. Il le fallait pour affermir notre espérance ; pour fixer notre nouvelle vie, transformée après notre résurrection spirituelle, à l’image de Jésus ressuscité ; enfin, pour faire éclater dans sa propre personne les merveilles de vie glorieuse qu’il nous destine et que sa résurrection commence déjà (q. 53, a. 1).

 

— Quelles furent les conditions du corps de Jésus-Christ ressuscité ?

— Le corps de Jésus-Christ ressuscité fut absolument le même que celui qui avait été déposé de la croix et mis au tombeau ; mais dans l’état de la gloire, avec toutes les qualités d’impassibilité, de subtilité, d’agilité et de clarté, qui dérivèrent en lui du trop-plein de la perfection de l’âme, libre désormais de communiquer au corps sa perfection dans toute sa plénitude (q. 54, a. 1-3).

 

— Le corps de Jésus-Christ ressuscité a-t-il gardé pour toujours les cicatrices de son crucifiement, quant aux plaies des pieds, des mains et du côté ?

— Oui ; car il le fallait : pour la gloire de Jésus-Christ et en signe de sa victoire sur la mort ; pour convaincre les disciples de la vérité de sa résurrection ; pour être continuellement devant son Père une intercession vivante en notre faveur ; pour confondre ses ennemis au jour du jugement (q. 54, a. 4).

 

23. Son ascension ; et son pouvoir d’autorité à la droite du Père

 

— Où se trouve maintenant le corps de Jésus-Christ ressuscité ?

— Le corps de Jésus-Christ ressuscité se trouve maintenant au ciel, où Jésus-Christ fit son ascension, quarante jours après sa résurrection, en présence de ses disciples, se séparant d’eux sur le mont des Oliviers (q. 57, a. 1).

 

— Pourquoi et en quel sens dit-on que Jésus-Christ ressuscité est monté au ciel et est assis à la droite du Père ?

— En ce sens qu’il demeure à tout jamais et sans aucun trouble possible dans l’éternel repos de la béatitude du Père à un degré d’excellence tout à fait à part, et qu’il a avec le Père un même pouvoir royal et judiciaire sur toutes choses ; privilège qui appartient à Jésus-Christ absolument en propre (q. 57, 58).

 

— Pourquoi, et en quel sens, la puissance judiciaire est-elle spécialement attribuée à Jésus-Christ ?

— Parce que Jésus-Christ, comme Dieu, est la sagesse du Père, et que l’acte de juger est, par excellence, un acte de sagesse et de vérité ; mais aussi, parce que, comme homme, Jésus-Christ est une personne divine ; qu’il a, dans sa nature humaine, la dignité de chef de toute l’Église, par conséquent de tous les hommes qui doivent être jugés ; qu’il a, dans toute sa plénitude, la grâce habituelle, qui rend l’homme spirituel et capable de juger ; enfin, qu’il était juste que celui qui a été jugé d’une manière injuste et parce qu’il vengeait les droits de la justice divine, soit lui-même constitué juge selon cette même justice (q. 59, a. 1-4).

 

— Ce pouvoir suprême de juger qui appartient à Jésus-Christ et qui est la prérogative par excellence de sa royauté, l’exerce-t-il dès maintenant, et toujours, depuis son ascension au ciel et sa prise de possession du trône qui est le sien à la droite du Père ?

— Oui ; et il n’est rien de ce qui se passe dans le monde, depuis le jour de son triomphe, qui ne soit l’effet du gouvernement royal de Notre-Seigneur Jésus-Christ assis à la droite du Père. C’est lui, non seulement comme Dieu et en raison de la Providence et du gouvernement divin, mais encore comme homme et en raison du pouvoir royal qui lui appartient parce qu’il est le Fils de Dieu en personne et parce qu’il l’a conquis par les mérites de sa passion et de sa mort, qui dispose tout, qui ordonne tout et à qui tout est soumis dans la marche de l’univers, qu’il s’agisse des choses humaines dans leur évolution totale, qu’il s’agisse même des créatures inanimées, ou encore du rôle que les anges bons ou mauvais peuvent avoir dans cette marche de l’univers (q. 49, a. 5).

 

— Ce jugement de tous les jours que Jésus-Christ exerce sur tous et sur tout depuis le jour de son Ascension, est-il sans préjudice du jugement final et suprême qui s’exercera au dernier jour ?

— Oui ; car ce n’est qu’alors que pourra s’exercer dans toute sa plénitude et dans toute sa perfection, le pouvoir suprême qui appartient à Jésus-Christ. Ce n’est qu’alors, en effet, que pourront être appréciées, dans toute leur suite, les actions des créatures soumises au pouvoir royal et judiciaire de Jésus-Christ ; et qu’il pourra être rendu pleinement, à chacun, selon ses mérites (q. 59, a. 5).

 

— Est-ce d’une même manière que Jésus-Christ exerce son pouvoir d’autorité sur les hommes et sur les anges ?

— Non ; ce n’est pas d’une même manière que Jésus-Christ exerce son pouvoir d’autorité sur les anges et sur les hommes. Car, si les anges, bons ou mauvais, tiennent du Fils de Dieu, selon qu’il est Dieu, la récompense essentielle de la béatitude éternelle ou la peine esentielle de la damnation éternelle, ni les uns ni les autres ne tiennent cette récompense ou cette peine du Fils de Dieu selon qu’il est homme. Tous les hommes, au contraire, ont reçu de lui, selon qu’il est homme, de parvenir à la béatitude éternelle du ciel ; et c’est aussi par le Fils de Dieu, selon qu’il est homme, que sera prononcée, au jugement dernier, la sentence définitive et complète envoyant les damnés aux supplices éternels. Mais les anges, bons ou mauvais, récompensés ou punis depuis le commencement, demeurent soumis à l’autorité souveraine du Fils de Dieu incarné, même selon qu’il est homme, depuis le jour de son incarnation et plus encore depuis le jour de son ascension et de son triomphe. Tout ce qu’ils font pour aider les hommes ou les tenter, demeure subordonné au pouvoir royal et judiciaire de Jésus-Christ ; et les bons anges tiendront de lui, même selon qu’il est homme, le supplément de récompense que méritent leurs bons offices, comme les mauvais anges, le supplément de châtiment dû à leur méchanceté (q. 59, a. 6).

 

24. Des sacrements de Jésus-Christ qui assurent aux hommes, formant son corps mystique, l’Église, les fruits des mystères du salut accomplis dans la personne du Sauveur : nature de ces sacrements ; nombre et harmonie ; nécessité ; efficacité

 

— Comment est-ce que Jésus-Christ ou le Fils de Dieu fait homme pour notre salut, depuis les mystères accomplis en sa personne pour le salut des hommes, assure aux hommes le fruit de ces mystères en vue de leur salut ?

— C’est par les sacrements qu’il a lui-même institués et qui tiennent de lui leur vertu (q. 60, prologue).

 

— Qu’entendez-vous par ces sacrements ?

— J’entends certaines choses ou certains actes d’ordre sensible, accompagnés de certaines paroles qui en précisent le sens, dont le propre est de signifier et de produire dans l’âme des grâces déterminées, ordonnées à refaire sa vie en Jésus-Christ (q. 60-63).

 

— Combien y a-t-il de ces sortes de sacrements ?

— Il y en a sept, qui sont : le baptême ; la confirmation ; l’eucharistie ; la pénitence ; l’extrême-onction ; l’ordre ; et le mariage (q. 65, a. 1).

 

— Pouvons-nous assigner quelque raison qui nous fasse entrevoir le pourquoi de ces sept sacrements institués par Jésus-Christ ?

— Oui. Cette raison se tire de l’analogie qui existe entre notre vie spirituelle par la grâce de Jésus-Christ et notre vie naturelle corporelle.– Notre vie corporelle, en effet, comprend deux sortes de perfections, selon qu’il s’agit de la vie des individus, ou de la société dans laquelle et par laquelle ils vivent. – Pour ce qui est de l’individu, sa vie se perfectionne directement et indirectement. Elle se perfectionne directement, par le fait d’y venir, d’y grandir et de s’y nourrir. Elle se perfectionne indirectement, par le fait de recouvrer la santé, si on l’avait perdue, et par le fait d’un complet rétablissement, quand on a été malade. – Pareillement, dans l’ordre spirituel de la vie et de la grâce, il y a un sacrement qui nous la donne : c’est le baptême ; un autre sacrement, qui nous fait grandir : c’est la confirmation ; un troisième sacrement, qui nous nourrit dans cette vie : c’est l’eucharistie. Et quand on l’a perdue après le baptême, le sacrement de pénitence est destiné à nous la rendre ; comme le sacrement de l’extrême-onction est ordonné à faire disparaître les dernières traces du péché. – Pour ce qui est de la société où se conserve cette vie, deux sacrements en assurent le bien et la perpétuité : c’est le sacrement de l’ordre, pour le côté spirituel de cette société ; et le sacrement de mariage, pour son côté matériel ou corporel (q. 65, a. 1).

 

— De tous ces sacrements, quel est le plus grand et en un sens le plus important, ou celui auquel tous les autres sont ordonnés et dans lequel en quelque sorte tous les autres s’achèvent ?

— C’est le sacrement de l’eucharistie. En lui, en effet, comme nous le verrons, se trouve contenu substantiellement Jésus-Christ lui-même, tandis que dans tous les autres ne se trouve qu’une vertu dérivée de lui. Aussi bien tous les autres paraissent être ordonnés, ou à réaliser ce sacrement, comme l’ordre ; ou à rendre digne ou plus digne de le recevoir, comme le baptême, la confirmation, la pénitence, l’extrême-onction ; ou, du moins, à le signifier, comme le mariage. De même, c’est presque toujours par la réception de l’eucharistie, que se terminent les cérémonies relatives à la réception des autres sacrements ; même pour le baptême, quand il s’agit des adultes (q. 65, a. 3).

 

— Les sacrements institués par Notre-Seigneur Jésus-Christ, en vue de nous assurer le fruit des mystères accomplis dans sa personne pour notre salut, sont-ils de simple conseil et facultatifs, ou, au contraire, absolument nécessaires, chacun pour l’obtention de la grâce qui lui correspond ?

— Ces sacrements sont absolument nécessaires, en ce sens que si par sa faute on négligeait de les recevoir, on n’aurait pas la grâce qui leur correspond ; et il en est même trois dont un certain effet produit par eux n’est jamais produit si le sacrement n’est pas reçu (q. 65, a. 4).

 

— Quels sont ces trois sacrements et quel est l’effet qui en dépend à ce point ?

— Ce sont : le baptême, la confirmation et l’ordre ; et l’effet dont il s’agit est le caractère que ces sacrements impriment dans l’âme (q. 63, a. 6).

 

— Qu’entendez-vous par ce caractère ?

— J’entends une certaine qualité d’ordre spirituel, constituant, dans la partie supérieure et intellectuelle de l’âme, une sorte de puissance ou de faculté qui rend participants du sacerdoce de Jésus-Christ, à l’effet d’exercer les actes hiérarchiques qui relèvent de ce sacerdoce ou d’être admis à bénéficier des actes hiérarchiques accomplis dans la sphère de ce même sacerdoce (q. 63, a. 1-4).

 

— Ce caractère est-il ineffaçable dans l’âme ?

— Oui, ce caractère est ineffaçable dans l’âme et il demeurera éternellement en tous ceux qui l’ont une fois reçu, pour leur gloire, au ciel, s’ils en ont bien usé ou s’en sont montrés dignes, et pour leur confusion, dans l’enfer, s’ils n’y ont pas répondu comme ils le devaient (q. 63, a. 5).

 

— Quel est celui de ces caractères qui marque proprement les hommes à l’image de Jésus-Christ et les rend aptes purement et simplement à participer, dans l’Église, aux effets de son sacerdoce ?

— C’est le caractère du sacrement de baptême (q. 63, a. 6).

 

25. Du sacrement de baptême : nature ; ministre de ce sacrement

 

— Qu’entendez-vous par le sacrement de baptême ?

— J’entends ce rite institué par Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui consiste en une ablution, faite avec de l’eau naturelle, tandis que sont prononcées sur le sujet qui le reçoit, par la personne qui l’administre, ces paroles : Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit (q. 66, a. 1-5).

 

— Ce rite peut-il être renouvelé plusieurs fois sur un même sujet ?

— Non, le sacrement de baptême ne peut être reçu qu’une seule fois, en raison du caractère indélébile qu’il imprime dans l’âme (q. 66, a. 9).

 

— Le baptême d’eau peut-il être suppléé par le baptême de sang ou le baptême de désir ?

— Le baptême d’eau peut être suppléé par le baptême de sang, qui est le martyre, configurant à la passion de Jésus-Christ, ou par le baptême de désir, qui consiste dans le mouvement de la charité dû à l’action de l’Esprit-Saint ; en ce sens que la grâce du baptême peut être obtenue sans la réception du sacrement lui-même, quand cette réception est chose impossible ; mais non en ce sens que le caractère du sacrement puisse être reçu en dehors du sacrement lui-même (q. 66, a. 11).

 

— Quels sont ceux qui peuvent administrer le sacrement de baptême ?

— Le sacrement de baptême peut être administré validement par tout être humain ayant l’usage de la raison et accomplissant exactement le rite du sacrement avec l’intention de faire ce que fait l’Église catholique quand elle l’administre (q. 67).

 

— Pour que le sacrement de baptême soit administré licitement, que faut-il du côté de la personne qui l’administre ?

— Il faut que cette personne l’administre dans les conditions déterminées par l’Église catholique (q. 67).

 

— Quelles sont ces conditions ?

— Pour que le baptême puisse être administré licitement, en dehors des conditions ordinaires, où le prêtre l’administre lui-même en se conformant aux prescriptions du droit canonique et du rituel, ou le fait administrer extraordinairement par un diacre, il faut qu’il y ait urgente nécessité, c’est-à-dire péril de mort ; et, dans ce cas, la première personne disponible peut licitement administrer le baptême, qu’il s’agisse d’un prêtre, d’un clerc, d’un laïque, d’un homme, d’une femme ou même de quelqu’un qui ne serait point baptisé : toutefois on doit se conformer à l’ordre qui vient d’être indiqué ; et ce n’est qu’à défaut du précédent, que le suivant peut baptiser (q. 67, a. 1-5).

 

— Faut-il que dans le baptême qui s’administre à l’église, dans les conditions normales d’un baptême solennel, ou quand on y supplée les cérémonies du baptême, il y ait toujours un parrain ou une marraine pour le nouveau baptisé ?

— Oui, l’Église l’ordonne ainsi, en vertu d’un usage très ancien, et parce qu’il est tout à fait à propos que le nouveau baptisé ait quelqu’un qui soit spécialement et d’office chargé de veiller à son instruction dans les choses de la foi et à sa fidélité aux engagements pris par lui et en son nom dans le baptême (q. 67, a. 7).

 

— L’office de parrain ou de marraine n’est donc pas une simple formalité, mais, au contraire, quelque chose de grave et d’important ?

— Oui, assurément, et il y a obligation stricte pour le parrain et la marraine, de veiller soigneusement à ce que leur filleul ou leur filleule se montre durant toute sa vie fidèle à ce qu’ils ont promis qu’il serait ou qu’elle serait en effet (q. 67, a. 8).

 

26. De ceux qui peuvent recevoir ce sacrement ; de sa nécessité pour tous

 

— Est-ce que tous les hommes sont tenus de recevoir le baptême ?

— Oui, tous les hommes sont tenus, de la façon la plus absolue, à recevoir le baptême ; de telle sorte, quand il s’agit des adultes, que, si, pouvant le recevoir, on ne le reçoit pas en effet, il est impossible d’être sauvé. Et cela, parce que c’est par le baptême que nous sommes incorporés à Jésus-Christ : or, depuis le péché d’Adam, nul, parmi les hommes, ne peut être sauvé que s’il est incorporé à Jésus-Christ (q. 68, a. 1, 2).

 

— Mais ne suffit-il pas de la foi et de la charité pour être incorporé à Jésus-Christ par la grâce, et, par suite, être sauvé ?

— Sans doute ; seulement, la foi ne peut être sincère et la charité ou la grâce ne peut se trouver dans l’âme, si on les sépare, par sa faute, du baptême, qui est le sacrement de la foi, et qui est destiné à produire dans l’âme la première grâce qui nous unit à Jésus-Christ (q. 68, a. 2).

 

— On peut donc recevoir le baptême quand on est encore dans l’état de péché, qu’il s’agisse du péché originel pour tous, ou même de péchés graves actuels pour les adultes ?

— Oui ; et c’est pour cela que la baptême est appelé sacrement des morts, ne supposant pas déjà la grâce dans l’âme, comme les sacrements des vivants ; mais ayant pour effet propre de l’apporter à ceux qui ne l’ont pas encore. Toutefois, s’il s’agit d’adultes qui auraient commis des péchés mortels, il faut, pour recevoir le baptême avec fruit, qu’ils aient renoncé à l’affection au péché (q. 68, a. 4).

 

— Faut-il aussi, quand il s’agit des adultes, qu’ils aient l’intention de recevoir le baptême ?

— Assurément ; et, sans cela, le sacrement serait nul (q. 68, a. 7).

 

— Faut-il encore qu’ils aient la vraie foi ?

— Il le faut pour recevoir la grâce du sacrement, mais non pour recevoir le sacrement lui-même et le caractère qu’il imprime (q. 68, a. 8).

 

— Et les enfants, qui ne peuvent avoir ni l’intention, ni la foi, peuvent-ils être baptisés ?

— Oui ; ils le peuvent : car ils bénéficient de l’intention et de la foi de l’Église ou de ceux qui, dans l’Église, les présentent au baptême (q. 68, a. 9).

 

— Peut-on ainsi présenter au baptême, dans l’Église, les enfants en bas âge, ou avant qu’ils aient l’âge de raison, contre la volonté de leurs parents, quand leurs parents sont juifs ou infidèles, et n’appartiennent en rien eux-mêmes à l’Église ?

— Non, on ne le peut pas ; et si on le fait, on pèche ; car on va contre le droit naturel, en vertu duquel l’enfant, jusqu’à ce qu’il puisse disposer de lui-même, est confié, par la nature elle-même, à ses parents. Toutefois, si l’enfant est baptisé, le baptême est valide ; et l’Église a sur cet enfant tous les droits d’ordre surnaturel qui sont la conséquence du baptême (q. 68, a. 10).

 

— Peut-on, dans un péril de mort, baptiser les enfants qui sont dans le sein de leur mère ?

— Non, même dans un péril de mort, on ne peut pas baptiser les enfants qui sont dans le sein de leur mère ; car jusqu’à ce qu’ils soient venus au jour, ils n’appartiennent pas à la société des hommes, de telle sorte qu’ils soient soumis à leur action pour la réception des sacrements en vue du salut ; et l’on doit, dans ce cas, s’en remettre à Dieu et au privilège de son action, selon qu’il peut lui plaire de l’exercer (q. 68, a. 11, ad 1).

 

— Les enfants venus au jour et qui meurent sans recevoir le sacrement de baptême, peuvent-ils être sauvés ?

— Non, les enfants venus au jour et qui meurent sans recevoir le sacrement de baptême ne peuvent pas être sauvés : car il n’y a pour eux, selon l’ordre établi par Dieu dans la société des hommes, que ce moyen d’être incorporés à Jésus-Christ et de recevoir sa grâce, sans laquelle il n’y a point de salut parmi les enfants d’Adam* (q. 68, a. 3).

 

* Les petits enfants (avant l’âge de raison) morts sans baptême ne peuvent jouir de la gloire puisqu’ils n’ont pas reçu la grâce qui est le principe de la gloire. On enseigne traditionnellement qu’ils vont dans les limbes. NDLR.

 

— S’il s’agissait d’adultes qui sont privés de l’usage de la raison, comme sont les idiots ou les fous, pourraient-ils être baptisés ?

— S’ils n’ont jamais eu l’usage de la raison, ils doivent être assimilés à des enfants, et, par suite, peuvent être baptisés comme eux. Mais s’ils ont eu l’usage de la raison, ils ne peuvent être baptisés dans l’état de démence, qu’à condition qu’ils auront manifesté autrefois quelque désir ou quelque volonté de recevoir le baptême (q. 68, a. 12).

 

27. Des effets de ce sacrement

 

— Le baptême, quand il est reçu de telle sorte qu’aucun obstacle ne s’oppose à sa vertu, a-t-il de grands effets dans l’âme ?

— Oui ; car, incorporant l’homme à la passion de Jésus-Christ, il fait que cette passion porte tout son fruit dans l’homme. Et, dès lors, il n’y a plus de trace de péché dans celui qui est baptisé, ni aucune obligation de satisfaire pour les péchés passés. En droit, même, toutes les pénalités de la vie présente sont enlevées par le baptême ; mais Dieu les laisse jusqu’à la résurrection, afin que les baptisés puissent ressembler à Jésus-Christ, acquérir de nombreux mérites, et témoigner qu’ils viennent au baptême, non pour les commodités de la vie présente, mais en vue de la gloire future (q. 69, a. 1-3).

 

— Le baptême produit-il dans l’âme la grâce et les vertus ?

— Oui, parce qu’il unit à Jésus-Christ comme à la tête dont tous les membres participent la plénitude de grâce et de vertu ; avec ceci, d’ailleurs, qu’on y reçoit, d’une façon très spéciale, une grâce de lumière pour la connaissance de la vérité, et de divine fécondité, pour la production des bonnes œuvres propres à la vie chrétienne (q. 69, a. 4, 5).

 

— Est-ce que ces derniers effets sont produits par le baptême, même dans l’âme des enfants ?

— Oui ; sauf que tout cela n’est en eux qu’à l’état de germe, ou à l’état habituel, attendant pour se manifester d’une façon actuelle qu’ils soient à même de vivre de la vie de la grâce et des vertus (q. 69, a. 6).

 

— Doit-on dire que d’ouvrir la porte du royaume céleste est l’effet propre du baptême ?

— Oui ; parce qu’il ne laisse rien du péché, ou de la peine due au péché ; et que c’est là l’unique obstacle empêchant d’entrer au ciel, depuis que le ciel nous a été ouvert par la passion de Jésus-Christ (q. 69, a. 7).

 

— Un adulte qui recevrait le baptême dans de mauvaises dispositions recevrait-il tous les effets du baptême qui ont été marqués ?

— Non ; il ne recevrait que le caractère du sacrement ; mais en raison de ce caractère qui demeure, il peut recevoir tous les autres effets du baptême, quand il renonce, dans la suite, à ses mauvaises dispositions (q. 69, a. 9, 10).

 

— Outre ces effets qui sont propres au baptême, y a-t-il certains effets qui sont attachés aux cérémonies du baptême ?

— Oui ; mais ce sont des effets d’un autre ordre, et qui restent en deçà de la grâce proprement dite ; ils visent plutôt l’enlèvement des obstacles qui empêcheraient de recevoir le baptême avec tous ses fruits ou de recueillir ces fruits dans toute leur plénitude ; et c’est en raison de cela que ces sortes de cérémonies n’ont pas la raison de sacrement, mais seulement la raison qui convient aux sacramentaux (q. 71, a. 3).

 

28. Dignité et devoirs de ceux qui ont reçu le baptême

 

— Ceux qui ont reçu la grâce du baptême et qui en portent à jamais le caractère indélébile, ont-ils, de ce chef, une excellence particulière et aussi des obligations ou des devoirs en harmonie avec cette excellence ?

— Ceux qui ont reçu la grâce du baptême et qui en portent à jamais le caractère indélébile, dans la mesure où ils sont fidèles à la grâce de leur baptême dépassent en dignité et en excellence tout l’ensemble des créatures laissées à leur nature propre. Ils sont enfants de Dieu, frères de Jésus-Christ ; bien plus, comme la continuation de Jésus-Christ lui-même, qui revit en eux ainsi que dans ses membres, continuant par eux la vie d’infinis mérites qu’il avait quand il était personnellement sur la terre. Mais cette dignité si haute oblige à mener une vie qui lui corresponde, et quiconque a le bonheur d’avoir été baptisé, devrait n’avoir rien dans sa vie, qui ne fût digne de Jésus-Christ lui-même à qui le baptême incorpore.

 

29. Nécessité, nature, effets du sacrement de confirmation ; devoirs qu’il impose ; Instruction religieuse qu’il requiert

 

— Pour mener dans toute sa perfection cette vie digne de Jésus-Christ, la grâce du baptême est-elle suffisante ?

— Non ; car la grâce du baptême n’est qu’une grâce de commencement, si l’on peut ainsi dire ; elle a pour effet de nous donner la vie de Jésus-Christ, mais non de nous y faire grandir, ou de nous y perfectionner en la maintenant (q. 65, a. 1 ; q. 70, a. 7, ad 1).

 

— Quelles seront les autres grâces qui auront cet effet ?

— Ce sont : la grâce de la confirmation ; et la grâce de l’eucharistie (q. 65, a. 1).

 

— Qu’entendez-vous par la confirmation ?

— La confirmation est précisément ce sacrement de la loi nouvelle qui est ordonné à nous conférer la grâce qui fait grandir dans la vie de Jésus-Christ reçue par la grâce du baptême (q. 72, a. 1).

 

— En quoi consiste ce sacrement ?

— Il consiste en une onction faite en forme de croix sur le front de celui qu’on confirme, avec le saint chrême, tandis que sont prononcées ces paroles par le ministre du sacrement : Je te marque du signe de la croix et je te confirme du chrême du salut, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il (q. 72, a. 2, 4, 9).

 

— Que signifie le saint chrême dont on use comme matière dans ce sacrement ?

— Il signifie la plénitude de la grâce de l’Esprit-Saint qui conduit le chrétien à l’âge parfait et lui permet de faire rayonner autour de lui, par la grande pratique des vertus, la bonne odeur de Jésus-Christ : le saint chrême, en effet, est composé d’huile d’olive, symbolisant la grâce, et de la plante odoriférante par excellence qu’est le baume (q. 72, a. 2).

 

— Que comprennent les paroles prononcées par le ministre et qui sont la forme de ce sacrement ?

— Elles comprennent trois choses : la source ou la cause, d’où provient la force spirituelle qui est l’effet de ce sacrement ; cette cause ou cette source est l’auguste Trinité. Elles comprennent ensuite la force elle-même conférée par ce sacrement, quand il est dit : Je te confirme du chrême du salut. Enfin, elles comprennent l’insigne qui doit marquer le soldat de Jésus-Christ, armé pour les grands combats de la vie chrétienne ; et cet insigne ou ce signe et cette marque, est le signe de la croix, instrument du triomphe de notre chef et de notre roi Jésus-Christ (q. 72, a. 4).

 

— Le sacrement de confirmation est donc proprement le sacrement de la virilité chrétienne, faisant du chrétien-enfant un chrétien-homme capable de tenir contre tous les ennemis extérieurs de sa vie de chrétien ?

— Oui, le sacrement de confirmation est exactement cela ; et c’est pour ce motif qu’il a pour ministre ordinaire l’évêque à qui appartient d’office tout ce qui regarde la perfection dans l’Église de Dieu (q. 72, a. 11).

 

— Puisque le sacrement de confirmation est ce qui vient d’être dit, pourquoi donne-t-on aux confirmés un parrain ou une marraine, comme au baptême ?

— Parce que dans toute milice il est d’usage que les nouveaux enrôlés soient confiés à des instructeurs pour tout ce qui regarde les choses de la milice et de la guerre (q. 72, a. 10).

 

— Il y aurait donc, pour le parrain ou la marraine, dans la confirmation, une obligation stricte de s’occuper du nouveau confirmé et de l’initier aux choses de la perfection de la vie chrétienne et du combat spirituel ?

— Oui, très certainement ; et il serait à souhaiter que dans la pratique on se rendît un compte plus exact de cette obligation afin de la mieux remplir.

 

— Est-ce que le sacrement de confirmation imprime un caractère ?

— Oui ; et c’est pour cela qu’on ne peut le recevoir qu’une seule fois (q. 72, a. 5).

 

— Si, quand on l’a reçu, on n’était pas dans les dispositions requises pour en recevoir les fruits, peut-on, dans la suite, réparer ce dommage ?

— Oui ; car le caractère demeure et le fruit du sacrement sera perçu par son entremise dès qu’on aura fait disparaître l’obstacle qui s’y opposait. Pour la même raison, on ne saurait trop souvent se renouveler dans la grâce propre à ce sacrement, et qui est la grâce de la force spirituelle, nous mettant à même de combattre contre tous les ennemis extérieurs de notre foi chrétienne.

 

— Ce sacrement est-il d’une importance spéciale quand on vit dans une société ou parmi des hommes qui sont plus particulièrement hostiles à tout ce qui est de la vraie vie chrétienne catholique ?

— Oui ; car c’est alors surtout que les vrais enfants de l’Église doivent s’armer d’un courage viril pour rester eux-mêmes fidèles et pour défendre comme il convient autour d’eux ce que tant d’autres méprisent ou s’appliquent à ruiner.

 

— Que faudrait-il, en particulier, pour assurer ce grand bien, de la part des chrétiens confirmés ?

— Il faudrait que tous ceux qui ont eu l’honneur insigne de recevoir ce sacrement, et, par lui, l’Esprit-Saint avec la plénitude de ses dons, se souviennent toujours ou rappellent fréquemment à leur esprit, qu’ils portent au front, marqué dans leur âme d’un signe indélébile, le caractère si glorieux de soldats de Jésus-Christ ; et que s’il n’y a rien de plus noble qu’un soldat fidèle à son chef, il n’y a rien de plus vil ni de plus odieux qu’un homme vêtu d’un uniforme qu’il déshonore par sa lâcheté.

 

— En vue de ces obligations qui incombent au chrétien confirmé, est-il requis, pour la bonne réception du sacrement de confirmation, que le sujet qui s’y présente soit plus particulièrement instruit des choses de la foi et de la vie chrétienne ?

— Oui ; car il faut qu’il en soit instruit non seulement pour en vivre lui-même dans sa vie personnelle et individuelle, mais encore pour pouvoir s’en constituer le défenseur contre tous ceux qui, extérieurement, oseraient y porter atteinte (q. 72, a. 4, ad 3).

 

30. Lequel des deux sacrements requiert une grande instruction : de la confirmation ou de l’eucharistie ?

 

— N’y a-t-il pas un autre sacrement pour la bonne réception duquel il est aussi requis d’une façon spéciale que le sujet soit instruit des mystères chrétiens ?

— Oui ; c’est le sacrement de l’eucharistie. Et même, bien que pour ceux qui reçoivent le sacrement de baptême étant adultes, l’instruction religieuse catéchistique doive commencer par eux, cependant, en pratique, dans les pays chrétiens où les enfants sont baptisés tout de suite après leur naissance, l’instruction religieuse catéchistique n’est d’abord possible et obligatoire qu’en vue de la confirmation et de l’eucharistie, en y comprenant aussi la pénitence.

 

— Quel est celui de ces deux sacrements, de confirmation ou d’eucharistie, qui demande la plus grande instruction ?

— Elle sera égale pour tous les deux, si les sujets sont à même de recevoir la confirmation et la reçoivent, en effet, quand ils sont déjà tenus de recevoir l’eucharistie. Comme, cependant, il peut arriver, dans la pratique, et il arrive souvent que l’eucharistie est reçue avant la confirmation, dans ce cas nous devrons dire que l’eucharistie reçue avant la confirmation ne demande pas, de soi, une aussi grande instruction religieuse catéchistique : dans la confirmation, en effet, comme nous l’avons déjà noté, le sujet doit être instruit des choses religieuses non seulement pour ce qui suffit à sa vie individuelle, mais encore pour les pouvoir défendre contre ceux qui les attaquent : avec ceci d’ailleurs que, soit après la première réception de l’eucharistie, soit après la réception de la confirmation, on doit continuer à s’instruire des mystères chrétiens avec le plus grand soin.

 


31. Du sacrement de l’eucharistie

 

— Qu’entendez-vous par le sacrement de l’eucharistie ?

— J’entends le repas mystérieux, où, sous les espèces ou apparences et accidents du pain et du vin, le corps de Jésus-Christ est donné à manger, et son sang à boire, après la consécration qui a rendu Jésus-Christ réellement présent, dans le même état, sous forme sacramentelle, de victime immolée, qui fut le sien sur le calvaire (q. 73-83).

 

— Ce sacrement est-il nécessaire pour le salut ?

— Oui ; car il signifie et réalise l’unité de l’Église, corps mystique de Jésus-Christ, à laquelle doit nécessairement appartenir quiconque doit être sauvé. Toutefois, ce fruit du sacrement de l’eucharistie peut être aperçu du simple fait qu’un sujet donné est dans l’intention de recevoir le sacrement, qu’il ait lui-même personnellement cette intention, ou que l’Église la lui communique par la réception du sacrement de baptême, ainsi qu’il arrive pour les enfants (q. 73, a. 3).

 

— De quels noms s’appelle ce sacrement ?

— Eu égard à la passion de Jésus-Christ réalisée autrefois sur le calvaire, qui fut le sacrifice par excellence, et dont ce sacrement est le mémorial, on l’appelle du nom de sacrifice. Eu égard à l’unité de l’Église, corps mystique de Jésus-Christ, qu’il réalise présentement, on l’appelle du nom de communion. Eu égard à la gloire du bonheur futur qu’il préfigure, on l’appelle du nom de viatique. Et on l’appelle purement et simplement du nom d’eucharistie ou de bonne grâce, parce qu’il contient Jésus-Christ lui-même, qui est l’auteur de toute grâce sur la terre et au ciel (q. 73, a. 4).

 

— Quand est-ce que ce sacrement a été institué ?

— Ce sacrement a été institué le soir du Jeudi Saint, à la veille de la passion, pour dédommager et consoler les hommes du départ de Jésus-Christ, qui ne devait plus vivre de notre vie de la terre après la passion ; pour marquer le rapport de ce sacrement à la passion de Jésus-Christ, source unique de notre salut ; pour qu’en raison de ces circonstances si émouvantes, le culte de ce sacrement fût toujours exceptionnellement vivant parmi les hommes (q. 73, a. 5).

 

— Ce sacrement avait-il été spécialement figuré dans l’ancienne loi ?

— Oui ; car sous sa raison de pur signe extérieur, il avait été figuré par le pain et le vin qu’offrait Melchisédech. Sous sa raison de sacrement contenant le vrai corps de Jésus-Christ immolé, il avait été figuré par tous les sacrifices de l’ancien Testament, et surtout par le sacrifice d’expiation, qui était le plus solennel. Et sous sa raison d’aliment spirituel nourrissant nos âmes du pain le plus suave, il avait été figuré par la manne, qui avait en elle toute saveur et toute suavité. Mais, sous toutes ces raisons ensemble, il avait été figuré, à un titre exceptionnel, par l’agneau pascal, que l’on mangeait avec du pain azyme, après qu’il avait été immolé, et dont le sang détournait l’ange exterminateur (q. 73, a. 6).

 

32. La matière et la forme du sacrement de l’eucharistie ; la transsubstantiation ; la présence réelle ; les accidents eucharistiques

 

— Quelle est la matière du sacrement de l’eucharistie ?

— La matière du sacrement de l’eucharistie est le pain de froment et le vin de vigne (q. 74, a. 1, 2).

 

— Que se passe-t-il dans la matière de ce sacrement, quand le sacrement se produit ?

— Il se passe que le pain, dans sa substance de pain, cesse d’être du pain ; et que le vin, dans sa substance de vin, cesse d’être du vin (q. 75, a. 2).

 

— Que deviennent cette substance du pain et cette substance du vin, qui, dans ce pain et dans ce vin, cessent d’être du pain et du vin, quand le sacrement se produit ?

— La substance du pain est changée au corps de Jésus-Christ ; et la substance du vin est changée au sang de Jésus-Christ (q. 75, a. 3, 4).

 

— De quel nom s’appelle ce changement ?

— Il s’appelle du nom de transsubstantiation (q. 75, a. 4).

 

— Que signifie ce mot de transsubstantiation ?

— Il signifie précisément le passage ou le changement de toute la substance du pain à la substance du corps de Jésus-Christ, et de toute la substance du vin à la substance du sang de Jésus-Christ.

 

— Comment peut se faire ce passage ou cette transsubstantiation ?

— Par la seule toute-puissance de Dieu (q. 75, a. 4).

 

— N’y a-t-il que la substance du pain, et la substance du vin, qui soient ainsi changées au corps et au sang de Jésus-Christ ; ou bien est-ce tout le pain et tout le vin qui le sont ?

— Ce n’est que la substance du pain et la substance du vin ; et leurs accidents demeurent (q. 75, a. 2, ad 3).

 

— Qu’entendez-vous par ces accidents qui demeurent ?

— J’entends toutes ces réalités d’ordre extérieur qui permettaient à nos sens d’atteindre le pain et le vin qui étaient là précédemment ; savoir : l’étendue ou la quantité avec sa forme ou sa figure, la couleur, le goût, les propriétés de résistance et le reste du même ordre.

 

— Pourquoi les accidents du pain et du vin demeurent-ils ?

— Les accidents du pain et du vin demeurent pour nous assurer la présence sacramentelle du corps et du sang de Jésus-Christ (Somme contre les Gentils, liv. IV, chapitre 63).

 

— Qu’arriverait-il si les accidents du pain et du vin étaient, eux aussi, changés au corps et au sang de Jésus-Christ ?

— Il s’ensuivrait qu’il ne resterait plus rien ici, mais que ce qui était ici du pain et du vin aurait été changé au corps et au sang de Jésus-Christ (ibid.).

 

— Et que s’ensuit-il, au contraire, de ce que les accidents du pain et du vin demeurent, alors que leur substance a été changée au corps et au sang de Jésus-Christ ?

— Il s’ensuit que le rapport qu’avait, à ces accidents, leur substance, le corps et le sang de Jésus-Christ, moyennant leur substance, l’ont désormais ; de telle sorte que, comme avant la transsubstantiation, en ayant ces accidents, nous avions la substance du pain et la substance du vin, nous avons maintenant, selon le mode de leur substance, tout ce qui est du corps et du sang de Jésus-Christ (ibid.).

 

— Est-ce le corps et le sang de Jésus-Christ tels qu’ils sont en eux-mêmes et dans leur réalité identique que nous avons ici en vertu de la transsubstantiation ?

— Oui ; c’est le corps et le sang de Jésus-Christ tels qu’ils sont en eux-mêmes et dans leur réalité identique que nous avons ici en vertu de la transsubstantiation (q. 75, a. 1).

 

— Jésus-Christ tout entier est-il dans ce sacrement ?

— Oui, Jésus-Christ tout entier est dans ce sacrement ; avec ceci pourtant que sous l’espèce du pain, en vertu des paroles sacramentelles, ne se trouve que le corps ; et, sous l’espèce du vin, ne se trouve que le sang ; mais, par voie de concomitance et parce que maintenant le corps et le sang de Jésus-Christ ne sont plus ni ne peuvent plus être séparés, comme ils le furent sur la croix, où se trouve le corps se trouvent aussi le sang et l’âme, et où se trouve le sang se trouve aussi le corps uni à l’âme. Quant à la personne et à la divinité du Fils de Dieu, depuis l’incarnation, elles n’ont jamais été séparées d’aucune des parties de la nature humaine de Jésus-Christ, non pas même quand le corps et l’âme étaient séparés l’un de l’autre par la mort sur la croix (q. 76, a. 1, 2).

 

— Jésus-Christ est-il tout entier sous chaque partie de l’espèce du pain et sous chaque partie de l’espèce du vin ?

— Oui, Jésus-Christ est tout entier, tel qu’il est en lui-même, sous chaque partie de l’espèce du pain et sous chaque partie de l’espèce du vin ; avec ceci que l’espèce du pain ou l’espèce du vin demeurant indivise, Jésus-Christ n’est sous chacune d’elles qu’une fois, et qu’il est, au contraire, sous chacune de ces espèces, autant de fois qu’on en fait de parties quand on les sépare ou qu’on les divise (q. 76, a. 3).

 

— Peut-on atteindre le corps de Jésus-Christ selon qu’il est en lui-même quand on atteint les espèces ou accidents eucharistiques du pain et du vin ?

— Nullement ; parce que ces accidents ne sont pas les accidents du corps de Jésus-Christ, par lesquels seulement nous pourrions atteindre sa substance (q. 75, a. 4-8).

 

— Que s’ensuit-il de cette vérité ?

— Il s’ensuit que les accidents eucharistiques du pain et du vin sont tout ensemble ce qui nous livre le corps de Jésus-Christ et ce qui le met à l’abri ; de telle sorte que s’il est des méchants qui veuillent profaner le corps de Jésus-Christ dans son sacrement, c’est bien le sacrement qu’ils profanent, mais ils ne peuvent atteindre le corps de Jésus-Christ en lui-même.

 

— Ces accidents eucharistiques du pain et du vin demeurent-ils toujours à l’état d’accidents eucharistiques, après la consécration du pain et du vin ?

— Non ; car aussitôt après la communion, ou quand ils ont été absorbés pour servir de nourriture et de breuvage, ils commencent à s’altérer et finissent bientôt par passer à un autre état. Ils peuvent aussi s’altérer et se corrompre par le simple fait des conditions atmosphériques, quand ils demeurent trop longtemps sans être renouvelés (q. 77, a. 4).

 

— Qu’arrive-t-il quand les accidents eucharistiques du pain et du vin cessent d’être les accidents du pain et du vin qui ont été consacrés ?

— Il arrive que le corps et le sang de Jésus-Christ cessent immédiatement d’être présents de leur présence eucharistique, le rapport qu’ils avaient à ces accidents et, par ces accidents, au lieu où ces accidents étaient, cessant par le fait même (q. 76, a. 6, ad 3).

 

— C’est donc uniquement en raison de la consécration du pain et du vin et de la permanence des accidents du pain et du vin consacrés, que Jésus-Christ est présent de sa présence eucharistique ?

— Oui, c’est uniquement en raison de la consécration du pain et du vin et de la permanence des accidents du pain et du vin consacrés, que Jésus-Christ est présent de sa présence eucharistique, les changements opérés dans le pain et dans le vin étant toute la raison de cette présence, sans que le corps de Jésus-Christ ait lui-même changé en rien (q. 76, a. 6, ad 3).

 

— Comment se fait cette consécration du pain et du vin ?

— Elle se fait par la prononciation, dans les conditions voulues, des paroles qui sont la forme du sacrement de l’eucharistie (q. 78).

 

— Quelles sont ces paroles ?

— Pour l’espèce du pain : Ceci est mon corps. Pour l’espèce du vin : Ceci est le calice de mon sang, le sang du Testament nouveau et éternel, mystère de foi, répandu pour vous et pour un grand nombre en rémission des péchés.

 

33. Les effets du sacrement de l’eucharistie

 

— Le sacrement de l’eucharistie a-t-il des effets particuliers et qui lui appartiennent en propre ?

— Oui, le sacrement de l’eucharistie a pour effet propre de produire dans l’âme des trésors de grâces ordonnées au salut de l’homme, qu’aucun autre sacrement n’a de produire au même titre.

 

— D’où vient au sacrement de l’eucharistie cette efficacité qui lui est propre dans l’ordre de la grâce ?

— Elle lui vient surtout et principalement de ce qu’il contient dans la vérité et la réalité de sa présence Jésus-Christ lui-même, auteur de toute grâce dans l’ordre du salut. Elle lui vient aussi de ce qu’il est le sacrement de la passion de Jésus-Christ, par laquelle a été opéré notre salut, et qu’il rend présente au milieu de nous. Elle lui vient du mode spécial dont on y participe et qui consiste à s’y nourrir du corps de Jésus-Christ sous l’espèce du pain et à s’y abreuver de son sang sous l’espèce du vin. Enfin, elle lui vient du symbolisme spécial qui lui appartient et qui est celui de représenter l’unité du corps mystique de Jésus-Christ (q. 79, a. 1).

 

— Ces diverses causes font-elles que l’obtention de la gloire du ciel soit à un titre spécial l’effet de ce sacrement ?

— Oui ; car c’est à Jésus-Christ mort pour nous que nous devons l’obtention de la gloire ; et le repas eucharistique est la figure par excellence du festin du ciel (q. 79, a. 2).

 

— Le sacrement de l’eucharistie a-t-il pour effet de remettre le péché mortel ?

— Nul doute que le sacrement de l’eucharistie n’ait la vertu de remettre tous les péchés mortels, puisqu’il contient Jésus-Christ lui-même ; mais parce que Jésus-Christ est dans ce sacrement sous forme d’aliment spirituel et que l’aliment ne se donne qu’à ceux qui sont en vie, s’il en est qui sont en état de péché mortel, ils ne peuvent pas recevoir l’effet de ce sacrement. Toutefois, si quelqu’un approchait de ce sacrement, croyant de bonne foi être en état de grâce, alors que peut-être cependant il aurait encore quelque péché mortel non pardonné, la bonne foi dans laquelle il se trouverait ferait que le sacrement de l’eucharistie effacerait son péché (q. 79, a. 3).

 

— Le sacrement de l’eucharistie a-t-il pour effet de remettre les péchés véniels ?

— Oui, le sacrement de l’eucharistie a pour effet propre de remettre les péchés véniels : sa grâce étant proprement une grâce de réfection destinée à réparer les déperditions qui se produisent si facilement au cours de notre vie de chaque jour ; et aussi une grâce de ferveur dont le propre est de compenser le défaut d’acte de charité qu’implique tout péché véniel, incompatible avec cet acte (q. 79, a. 4).

 

— Le sacrement de l’eucharistie a-t-il pour effet de remettre toute la peine due au péché ?

— Pris comme sacrement, ou en tant que repas, le sacrement de l’eucharistie n’a point pour effet direct de remettre la peine due au péché, mais de refaire l’âme spirituellement par un renouveau de ferveur qui l’unit à Jésus-Christ et aux autres membres du corps mystique de Jésus-Christ. Toutefois, par mode de concomitance et en raison de cette ferveur de la charité qu’il produit, il contribue indirectement à remettre la peine due au péché, non dans sa totalité, mais selon le degré de ferveur ou de dévotion qui est causé dans le sujet. Comme sacrifice et en tant qu’on y offre à Dieu la victime du calvaire, ce sacrement a une vertu satisfactoire. Seulement, dans la satisfaction, ce n’est pas tant la valeur de ce que l’on offre que la dévotion avec laquelle on l’offre, qui compte. Et voilà pourquoi, même comme sacrifice, bien qu’il soit d’une valeur infinie, il n’a pas l’effet de remettre toute la peine due au péché, mais de la remettre selon le degré de ferveur ou de dévotion de ceux qui l’offrent, ou de ceux pour qui on l’offre (q. 79, a. 5).

 

— Le sacrement de l’eucharistie a-t-il pour effet de préserver l’homme des péchés à venir ?

— Oui ; et c’est là un des effets les plus directs et les plus admirables de ce sacrement. Car, comme sacrement de la nutrition spirituelle, ou en tant que repas de l’âme, il fortifie intérieurement l’homme contre ce qui tendrait à altérer ou à ruiner sa vie de chrétien. Et, comme sacrement de la passion de Jésus-Christ, il est un signe qui met en fuite les démons vaincus par cette passion de Jésus-Christ (q. 79, a. 6).

 

— Le sacrement de l’eucharistie a-t-il quelque effet en d’autres qu’en ceux qui le reçoivent ?

— Considéré comme sacrement ou comme repas destiné à refaire l’âme spirituellement, il n’a d’effet propre qu’en celui qui le reçoit ; car il n’y a que celui-là qui en soit nourri. Mais comme sacrement de la passion de Jésus-Christ et comme sacrifice, il peut aussi avoir son effet, et il l’a en réalité en tous ceux pour qui on l’offre, selon qu’ils sont en état d’en recueillir le fruit, unis par la foi et par la charité, à Jésus-Christ et aux autres membres de son corps mystique (q. 79, a. 7).

 

— Est-ce que les péchés véniels empêchent l’effet du sacrement de l’eucharistie ?

— Si les péchés véniels sont commis au moment même où l’on participe à ce sacrement, par exemple si on a l’esprit distrait et le cœur indûment occupé d’autre chose, il est un effet du sacrement de l’eucharistie qui se trouve nécessairement empêché : c’est celui de la réfection spirituelle causée actuellement par une suavité toute divine attachée à la réception de ce sacrement. Toutefois, même alors, un certain effet d’augmentation de grâce habituelle est produit dans l’âme. Que s’il s’agit des péchés véniels passés, ils n’empêchent en rien l’effet du sacrement de l’eucharistie, quand, au moment où l’on y participe, on y vient avec une grande ferveur (q. 79, a. 1).

 

34. La réception du sacrement de l’eucharistie

 

— Y a-t-il plusieurs manières de recevoir le sacrement de l’eucharistie ?

— Oui, on peut le recevoir spirituellement ou ne le recevoir que sacramentellement (q. 80, a. 1).

 

— Quelle différence y a-t-il entre ces deux manières de recevoir le sacrement de l’eucharistie ?

— Il y a cette différence, que ceux qui ne reçoivent que sacramentellement le sacrement de l’eucharistie n’en perçoivent pas les effets ; tandis que ceux qui le reçoivent spirituellement en perçoivent les effets*, soit en raison du désir qui les y ordonne, et c’est ce qu’on appelle proprement la communion spirituelle, soit en raison de la réception même du sacrement, laquelle porte toujours avec elle une plénitude d’effet que n’a pas le seul désir (q. 80, a. 1).

 

* Par l’expression : « communion spirituelle », saint Thomas entend la communion sacramentelle qui produit du fruit dans l’âme, par opposition à la simple « communion sacramentelle » qui est la réception matérielle, sans fruits, du Corps du Christ. Le sens donné actuellement à l’expression « communion spirituelle » est un peu différent : il s’agit de la communion de pensée et de désir que fait celui qui, absent de corps, ne peut pas communier réellement. Dans le premier cas, spirituelle s’oppose à indigne ou infructueuse ; dans le second cas, spirituelle s’oppose à réelle. (NDLR.)

 

— N’y a-t-il que l’homme sur cette terre qui puisse recevoir spirituellement le sacrement de l’eucharistie ?

— Oui, il n’y a que l’homme sur cette terre qui puisse recevoir spirituellement le sacrement de l’eucharistie ; parce qu’il n’y a que les hommes vivant sur cette terre qui puissent croire à Jésus-Christ avec le désir de le recevoir selon qu’il est dans ce sacrement (q. 80, a. 2).

 

— Ce sacrement peut-il être reçu sacramentellement, même par les pécheurs ?

— Oui, les pécheurs qui ont la foi ou tout au moins la connaissance de ce qu’est le sacrement de l’eucharistie dans l’Église catholique, peuvent recevoir sacramentellement ce sacrement, s’ils s’en approchent d’une manière consciente, quelque faute d’ailleurs qu’ils puissent avoir sur leur conscience (q. 80, a. 3).

 

— Le pécheur qui reçoit ce sacrement avec la conscience de son indignité commet-il une faute en recevant sacramentellement l’eucharistie ?

— Oui ; il commet un sacrilège : parce qu’en recevant ce sacrement qui contient Jésus-Christ lui-même et qui signifie l’unité du corps mystique de Jésus-Christ qui n’existe que par la foi et la charité, alors que lui-même n’a pas la charité qui unit à Jésus-Christ et à ses membres, il fait injure au sacrement et le viole, établissant un désaccord entre lui et le sacrement dont il fausse la signification (q. 80, a. 4).

 

— Ce péché est-il particulièrement grave ?

— Oui, ce péché est particulièrement grave, parce qu’il fait injure à l’humanité sainte de Jésus-Christ dans son sacrement d’amour (q. 80, a. 5).

 

— Est-il aussi grave que le serait celui de la profanation extérieure de ce sacrement ?

— Non ; car ce dernier péché implique l’intention formelle de faire injure à Jésus-Christ dans son sacrement, et ceci constitue un péché de beaucoup plus grave (q. 80, a. 5, ad 3).

 

— Que faut-il pour recevoir, comme il convient, sacramentellement, le sacrement de l’eucharistie ?

— Il faut d’abord l’usage de la raison ; et, ensuite, avec l’état de grâce, le désir de recueillir les fruits de vie attachés à la réception sacramentelle de ce sacrement (q. 80, a. 9, 10).

 

— Peut-on se dispenser totalement de recevoir sacramentellement le sacrement de l’eucharistie ?

— Non, à moins d’impossibilité de le recevoir ; et cela, parce que nul ne peut être sauvé s’il n’a la grâce de ce sacrement ; or, il ne peut avoir la grâce de ce sacrement que s’il a au moins le désir de le recevoir sacramentellement quand pourra se présenter l’occasion (q. 80, a. 11).

 

— Y a-t-il des époques ou des moments déterminés par l’Église où l’on soit tenu de recevoir sacramentellement le sacrement de l’eucharistie ?

— Oui ; et ces époques ou ces moments sont : pour tout homme, dès qu’il parvient à l’âge de raison et qu’il est suffisamment instruit de la nature de ce sacrement ; au cours de la vie, chaque année, une fois, durant le temps pascal ; et, enfin, quand on est en péril de mort, où l’on doit recevoir ce sacrement en forme de viatique (Code, can. 854, 859, 864).

 

— Peut-on recevoir fréquemment et même tous les jours, sacramentellement, le sacrement de l’eucharistie ?

— Oui, on le peut ; et c’est même chose souverainement excellente, pourvu seulement qu’on soit dans les conditions marquées pour le recevoir comme il convient (q. 80, a. 10).

 

— Est-on tenu de recevoir sacramentellement le sacrement de l’eucharistie sous l’une et l’autre espèce du pain et du vin ?

— Il n’y a que les prêtres à l’autel, dans la célébration du sacrement de l’eucharistie, qui soient tenus de recevoir sacramentellement ce sacrement sous les deux espèces du pain et du vin. Quant aux fidèles, ils doivent se conformer là-dessus à ce que l’Église détermine ; et, en fait, dans l’Église latine, on ne reçoit l’eucharistie que sous l’espèce du pain (q. 80, a. 12).

 

— Quel est le moment le plus opportun, en temps ordinaire et selon qu’il est possible, pour recevoir sacramentellement le sacrement de l’eucharistie ?

— Ce moment est celui de la célébration même du sacrement, quand le prêtre est à l’autel et vient de le recevoir lui-même ; parce que c’est le moment le plus en harmonie avec l’état de Jésus-Christ immolé sacramentellement dans cette célébration du sacrement de l’eucharistie, auquel nous participons en le recevant sacramentellement.

 

— Dans quelle disposition de corps faut-il être pour recevoir sacramentellement le sacrement de l’eucharistie ?

— Il faut être à jeun depuis minuit* (q. 80, a. 12).

 

* La discipline actuelle a réduit ce délai à une heure. Il est vivement recommandé, par respect pour le sacrement et pour en augmenter l’effet, de maintenir la discipline fixée par Pie XII obligeant les fidèles à être à jeun depuis trois heures pour les nourritures solides et l’alcool et une heure pour les boissons. (NDLR.)

 

— Ne peut-on jamais recevoir sacramentellement le sacrement de l’eucharistie sans être à jeun ?

— On le pourrait, même au cours de la vie, s’il y avait nécessité d’empêcher quelque irrévérence à l’endroit du sacrement. Hors ce cas, on ne le peut qu’en danger de mort et quand on le reçoit en forme de viatique. Toutefois, l’Église a déterminé que pour les malades qui gardent le lit depuis déjà un mois et pour lesquels il n’y a pas d’espoir certain qu’ils se rétablissent bientôt, sur le conseil prudent du confesseur, la sainte eucharistie peut leur être apportée une fois ou deux dans la semaine, quand bien même ils auraient pris auparavant quelque remède, ou quelque aliment, par mode de boisson (Code, can. 858).

 

35. Le ministre du sacrement de l’eucharistie

 

— A qui appartient-il en propre, et exclusivement, de consacrer le sacrement de l’eucharistie ?

— C’est au prêtre validement ordonné selon le rite de l’Église catholique, qu’il appartient en propre et exclusivement de consacrer le sacrement de l’eucharistie (q. 82, a. 1).

 

— Est-ce également au prêtre seul qu’il appartient de distribuer ce sacrement ?

— Oui ; avec ceci toutefois que le diacre a le pouvoir ordinaire de distribuer le précieux sang contenu dans le calice, là où l’Église permettrait de communier sous les deux espèces ; il pourrait aussi, par délégation du prêtre, en cas de besoin, et comme chose extraordinaire, distribuer la communion sous l’espèce du pain (q. 82, a. 3).

 

— Tout prêtre, même s’il est en état de péché mortel, peut-il consacrer et distribuer le sacrement de l’eucharistie ?

— Il le peut validement, en ce sens que cela ne nuit en rien à la vérité et à l’efficacité du sacrement pour les fidèles ; mais lui-même pèche gravement en le faisant (q. 82, a. 5).

 

— La messe d’un mauvais prêtre a-t-elle moins de valeur que celle d’un bon prêtre ?

— La valeur de la messe est absolument la même de part et d’autre, en ce qui est du sacrement de la passion de Jésus-Christ que réalise la consécration faite par le prêtre. Mais, pour ce qui est des prières qui se font durant la messe, les prières du bon prêtre ont une efficacité que n’ont pas celles du mauvais prêtre, en raison de la dévotion du sujet. Toutefois, même pour ces prières, l’efficacité est la même du côté de la dévotion de l’Église, au nom de laquelle ces prières sont dites par tous les prêtres (q. 82, a. 6).

 

— Un prêtre hérétique, schismatique, excommunié, peut-il consacrer le sacrement de l’eucharistie ?

— Il ne le peut pas licitement ; mais il le peut validement, s’il est vraiment prêtre, et s’il a l’intention de faire ce que fait l’Église catholique en célébrant ce sacrement (q. 82, a. 7).

 

— Un prêtre qui serait dégradé serait-il vraiment prêtre et pourrait-il consacrer validement ?

— Oui ; parce que la dégradation n’enlève pas le caractère du sacrement de l’Ordre, qui est de soi indélébile (q. 82, a. 8).

 

— Peut-on, sans péché, entendre la messe d’un prêtre hérétique, schismatique, excommunié, ou notoirement pécheur et indigne, et recevoir de lui la communion ?

— Il est absolument interdit, sous peine de péché grave, d’entendre la messe d’un prêtre hérétique, schismatique, excommunié ; ou même d’un prêtre notoirement pécheur et indigne, si son état est rendu public par une sentence de l’Église qui le prive du droit de célébrer : dans le cas contraire, on pourrait sans pécher entendre sa messe et recevoir de lui la communion* (q. 82, a. 9).

 

* Cette réponse fait comprendre, par analogie, qu’il faut s’abstenir d’assister à des messes qui conduisent à l’hérésie et font perdre la foi, comme c’est le cas de la nouvelle messe dont les cardinaux Ottaviani et Bacci, dans leur introduction du Bref examen critique, ont dit qu’« elle s’éloigne de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans le détail, de la théologie catholique de la sainte messe ». (NDLR.)

 

36. La célébration du sacrement de l’eucharistie ou le saint sacrifice de la messe

 

— Qu’entendez-vous par la célébration du sacrement de l’eucharistie ou le saint sacrifice de la messe ?

— Cela signifie que l’acte par lequel ce sacrement est produit constitue un véritable sacrifice, qui est même le seul vrai sacrifice, au sens d’immolation cultuelle ou rituelle, qui existe dans la religion catholique, seule vraie religion dont le culte peut être agréable à Dieu (q. 83, a. 1).

 

— En quoi cet acte par lequel le sacrement de l’eucharistie est produit constitue-t-il le sacrifice que vous venez de dire ?

— En ce qu’il est l’immolation de l’unique victime agréée de Dieu maintenant, savoir Jésus-Christ lui-même.

 

— Et comment cet acte est-il l’immolation de Jésus-Christ ?

— Parce qu’il est le sacrement de la passion où Jésus-Christ fut immolé sur le calvaire (q. 82, a. 1).

 

— Qu’entendez-vous, lorsque vous dites que cet acte est le sacrement de la passion où Jésus-Christ fut immolé sur le calvaire ?

— Cela veut dire que, comme sur le calvaire, au moment où Jésus-Christ donna sa vie pour nous en expiation de nos péchés, son corps et son sang furent séparés ; l’acte par lequel est produit le sacrement de l’eucharistie, fait que là où se célèbre ce sacrement, le corps de Jésus-Christ est sacramentellement séparé de son sang, par la consécration séparée des deux espèces du pain et du vin, et que cette séparation sacramentelle se produit dans un rapport direct à la séparation réelle qui eut lieu sur le calvaire.

 

— Que s’ensuit-il de ce fait et de ce rapport ?

— Il s’ensuit que le sacrifice de la messe est le même que le sacrifice de la croix.

 

— Doit-on dire qu’il en est la reproduction ?

— A proprement parler, non ; parce que le sacrifice de la croix a eu lieu une seule fois et n’a pas à être reproduit ; d’ailleurs, le sacrifice de la messe n’est pas une reproduction de ce sacrifice, mais ce sacrifice lui-même.

 

— Peut-on dire qu’il en est la représentation ?

— Oui, si l’on entend par là qu’il le rend présent pour nous ; mais ce serait inexact si l’on voulait dire qu’il n’en est qu’une image ; car il est ce sacrifice lui-même.

 

— Mais comment est-ce ce sacrifice lui-même, puisque ce sacrifice n’existe plus, et que d’ailleurs, dans ce sacrifice de la croix, Jésus-Christ reçut la mort, ayant son corps et son sang séparés l’un de l’autre, tandis que maintenant il ne meurt plus, et que son corps et son sang ne sont plus séparés ?

— Il en est du sacrifice de la croix, dans ce sacrement, comme de Jésus-Christ lui-même. Et de même que Jésus-Christ est ici présent tel qu’il est en lui-même, mais sous une autre forme extérieure, car il est ici sous la forme ou les espèces du sacrement ; de même la passion et l’immolation de Jésus-Christ qui eut lieu autrefois sur le calvaire est ici, non sous la forme sanglante d’autrefois, mais sous la forme du sacrement : en ce sens que, sous cette forme du sacrement, nous avons ici, à l’état séparé qui constitue l’immolation de la vicitme, le même corps et le même sang de Jésus-Christ qui furent réellement séparés sur le calvaire.

 

— Il est donc vrai que par l’acte qui produit ce sacrement, la passion ou l’immolation de Jésus-Christ qui eut lieu sur le calvaire se retrouve, réellement, quoique d’une façon sacramentelle, partout où se célèbre ce sacrement ?

— C’est très exactement cela : par l’acte qui produit ce sacrement, il se fait que la passion ou l’immolation de Jésus-Christ qui eut lieu sur le calvaire est rendue sacramentellement présente partout où se célèbre ce sacrement.

 

— Quand on assiste à la célébration de ce sacrement, c’est donc comme si on assistait à la passion ou à l’immolation de Jésus-Christ sur le calvaire ?

— Oui, quand on assiste à la célébration de ce sacrement ou au sacrifice de la messe, c’est comme si l’on assistait à la passion ou à l’immolation de Jésus-Christ qui eut lieu sur le calvaire, par laquelle fut opéré notre salut et qui est la source de toute grâce pour nous, en même temps qu’elle est, pour Dieu, l’acte de religion par excellence, qui l’honore et le glorifie au-dessus de tout.

 

— Est-ce pour cela que l’Église est si désireuse de voir tous ses fidèles assister le plus souvent possible au saint sacrifice de la messe ?

— Oui ; et c’est pour cela aussi qu’elle fait à tous un précepte d’y assister les jours de dimanche et les jours de fêtes (Code, can. 1248).

 

— Que faut-il pour qu’on ne pèche pas contre ce précepte en n’assistant pas à la messe ces jours-là ?

— Il faut une raison d’impossibilité ou d’empêchement grave.

 

— Et que faut-il pour qu’on s’acquitte du précepte d’assister à la messe ces jours-là ?

— Il faut être présent à l’endroit où elle se célèbre, ne faisant rien qui soit incompatible avec la participation à ce grand acte, et ne manquant aucune de ses parties principales.

 

— Quelles sont les parties principales de la messe qu’on ne peut pas manquer, sans être en défaut par rapport au précepte ?

— C’est tout ce qui va de l’offertoire à la communion inclusivement.

 

— Quel est le meilleur moyen de bien entendre la sainte messe ?

— C’est de s’unir au prêtre, en suivant, point par point, tout ce qui est dit et tout ce qui est fait pendant ce grand acte.

 

— Les livres liturgiques mis à la portée des fidèles, comme sont les missels ou les paroissiens, sont-ils d’un grand secours pour cela ?

— Ces livres sont du plus grand secours pour bien entendre la sainte messe, et ils sont d’autant meilleurs qu’ils se rapprochent davantage du missel même qui est celui du prêtre.

 

37. Le sacrement de pénitence : sa nature ; vertu qu’il implique

 

— Qu’entendez-vous par le sacrement de pénitence ?

— J’entends celui des sept rites sacrés que Jésus-Christ a institué pour rendre aux hommes la vie de sa grâce qu’il leur avait donnée par le baptême, en leur communiquant à nouveau le fruit de sa passion, quand ils ont eu le malheur de la perdre par le péché (q. 84, a. 1).

 

— En quoi consiste le sacrement de pénitence ?

— Le sacrement de pénitence consiste en des actes et des paroles qui montrent, d’une part, que le pécheur a laissé le péché, et, d’autre part, que Dieu remet ce péché par le ministère du prêtre (q. 84, a. 2, 3).

 

— Ce sacrement est-il chose particulièrement précieuse pour l’homme et dont l’homme doive avoir une reconnaissance spéciale à Jésus-Christ qui l’a institué ?

— Oui, certes ; car étant donné la fragilité de notre nature déchue, même après avoir, par la grâce du baptême, recouvré la vie surnaturelle, il demeurait possible à l’homme de la perdre ; et si Jésus-Christ n’avait pas institué le sacrement de pénitence, l’homme tombé n’aurait eu aucun moyen extérieur sacramentel de se relever. Aussi bien appelle-t-on ce sacrement la seconde planche de salut après le naufrage (q. 84, a. 6).

 

— Et si l’homme tombe encore après avoir reçu ce sacrement, peut-il y recourir de nouveau pour se relever ?

— Oui ; car Jésus-Christ, dans son infinie miséricorde à l’endroit du pécheur et de sa misère, n’a voulu mettre aucune limite au nombre de fois dont on peut recevoir ce sacrement, qui porte toujours avec lui son fruit de rémission et de pardon, à la seule condition que l’homme soit loyal avec lui-même et véritablement repentant (q. 84, a. 10).

 

— Est-ce qu’il y a une vertu spéciale qui corresponde à ce sacrement et dont l’acte s’impose quand on reçoit le sacrement lui-même ?

— Oui, c’est la vertu de pénitence (q. 85).

 

— En quoi consiste la vertu de pénitence ?

— La vertu de pénitence est une qualité d’ordre surnaturel qui porte la volonté de l’homme, quand il a eu le malheur d’offenser Dieu, à réparer cette offense, en s’employant lui-même, spontanément et de son plein gré, à satisfaire à la justice de Dieu pour obtenir de lui son pardon (q. 85, a. 1, 5).

 

— Cette vertu de pénitence est-elle isolée dans son acte, ou suppose-t-elle, au contraire, quand elle agit, le concours des autres vertus ?

— La vertu de pénitence a ceci de très spécial, qu’elle implique, lorsqu’elle agit, le concours de toutes les autres vertus. Elle implique, en effet, la foi à la passion de Jésus-Christ, qui est la cause de la rémission des péchés ; elle implique aussi l’espérance du pardon et la haine des vices ou des péchés en tant qu’ils s’opposent à l’amour de Dieu, ce qui suppose la charité. Étant elle-même une vertu morale, elle suppose la vertu de prudence, qui a pour rôle de diriger les vertus morales dans leurs actes. D’autre part, comme espèce de la vertu de justice, qui a pour objet d’obtenir le pardon de Dieu offensé en compensant l’offense par une satisfaction volontaire, elle utilise la tempérance quand elle s’abstient de ce qui plaît, et la force quand elle s’impose des choses dures et difficiles ou qu’elle les supporte (q. 85, a. 3, ad 4).

 

— A quoi vise la vertu de pénitence dans son acte de juste compensation ?

— Elle vise à apaiser le souverain Seigneur et maître justement irrité ; à rentrer en grâce auprès du meilleur des Pères gravement offensé ; à reconquérir le plus divin des Époux odieusement trompé (q. 85, a. 3).

 

— L’acte de la vertu de pénitence est donc quelque chose de bien grand et qu’on ne saurait trop renouveler, quand on a eu le malheur d’offenser Dieu ?

— L’acte de la vertu de pénitence devrait en quelque sorte être ininterrompu en ce qui est surtout de la douleur intérieure d’avoir offensé Dieu ; et, pour ce qui est des actes extérieurs satisfactoires, s’il est vrai qu’il y a une mesure au-delà de laquelle on n’est plus tenu de satisfaire, comme nous pouvons toujours craindre que notre satisfaction soit imparfaite, nous avons tout intérêt à ne nous tenir jamais pour entièrement quittes envers Dieu, afin que nous le soyons plus sûrement quand nous aurons à paraître devant lui ; avec ceci encore qu’en pratiquant la vertu de pénitence, nous pratiquons excellemment l’acte de toutes les vertus chrétiennes (q. 84, a. 8, 9).

 

38. Effets du sacrement de pénitence

 

— L’effet propre du sacrement de pénitence est-il de remettre les péchés ?

— Oui, l’effet propre du sacrement de pénitence est de remettre les péchés de tous ceux qui le reçoivent dans les sentiments d’une vraie pénitence (q. 86, a. 1).

 

— Quels sont les péchés que remet le sacrement de pénitence ?

— Le sacrement de pénitence remet tous les péchés qu’un homme peut avoir sur sa conscience et qui sont de nature à tomber sous le pouvoir des clefs comme ayant été commis après le baptême (q. 86, a. 1).

 

— Ces péchés peuvent-ils être remis sans le sacrement de pénitence ?

— S’il s’agit de péchés mortels, ils ne peuvent jamais être remis, sans que le pécheur ait la volonté, au moins implicite, de les soumettre au pouvoir des clefs par la réception du sacrement de pénitence, selon qu’il lui sera possible de la recevoir ; mais, pour les péchés véniels, quand le sujet est déjà en état de grâce, il suffit d’un acte fervent de charité, sans qu’il soit nécessaire de recourir au sacrement (q. 86, a. 2).

 

— S’ensuit-il qu’il n’y ait que ceux qui ont des péchés mortels sur la conscience qui aient à recevoir ce sacrement ?

— Non ; car, bien que le sacrement ne soit nécessaire que pour eux, il est d’un très grand prix et d’un très grand secours, même pour les justes : d’abord, à l’effet de les purifier toujours davantage de leurs péchés passés, s’ils en ont eu de mortels ; et ensuite, pour mieux les aider à se purifier des péchés véniels et à se prémunir contre eux, en augmentant en eux la grâce (q. 87, a. 2, ad 2, 3).

 

— Si, après avoir reçu, par le sacrement de pénitence, le pardon de ses anciennes fautes, l’homme retombe dans les mêmes fautes graves ou en d’autres fautes graves qui lui font perdre la grâce du sacrement, son péché et son état sont-ils chose plus grave en raison de cette rechute ?

— Oui, son péché et son état sont chose plus grave : non pas que les péchés passés qui furent remis soient de nouveau imputés par Dieu ; mais en raison de l’ingratitude et du mépris plus grand de la bonté de Dieu qu’implique le péché de rechute (q. 88, a. 1, 2).

 

— Ce mépris de la bonté de Dieu et cette ingratitude, sont-ils un nouveau péché spécial qui s’ajoute au péché de rechute ?

— Ils ne le seraient que si le pécheur se proposait directement ce mépris de la bonté divine et du bienfait reçu ; mais, dans le cas contraire, ils ne sont qu’une circonstance qui aggrave le nouveau péché (q. 88, a. 4).

 

— Il est donc certain que le mal détruit par le sacrement de pénitence, l’est, de soi, à tout jamais, et que Dieu ne l’impute plus en lui-même ou selon qu’il a été pardonné ?

— Oui ; c’est là chose tout à fait certaine, parce que les dons de Dieu sont sans repentance (q. 88, a. 1).

 

— Et par rapport au bien qui préexistait d’abord dans le juste, mais que le péché avait détruit, devons-nous attribuer au sacrement de pénitence quelque efficacité, de telle sorte que par lui ce bien puisse revivre ?

— Oui ; très certainement, le bien qui avait préexisté dans le juste, mais que le péché avait détruit, peut revivre par la vertu du sacrement de pénitence : de telle sorte que s’il s’agit du bien essentiel qu’était la grâce et le droit à la vision de Dieu, on retrouve son état premier dans la mesure où l’on reçoit le sacrement avec des dispositions excellentes. Si les dispositions restaient en deçà de la première ferveur, le bien essentiel serait dans un degré moindre ; mais toute la somme des anciens mérites revivrait dans l’ordre de la récompense accidentelle (q. 89, a. 1-4, 5, ad 3).

 

— Il est donc souverainement important de recevoir le sacrement de pénitence dans les meilleures dispositions possibles ?

— Oui, cela est souverainement important ; parce que l’effet du sacrement est proportionné aux dispositions de celui qui le reçoit.

 

39. De la part du pénitent dans le sacrement de pénitence : contrition, confession et satisfaction

 

— Est-ce à un titre tout spécial que celui qui reçoit le sacrement de pénitence a une part dans l’effet de ce sacrement ?

— Oui ; parce que les actes qu’il produit, font partie du sacrement lui-même (q. 90, a. 1).

 

— A quel titre, les actes du pénitent font-ils partie du sacrement de pénitence ?

— Les actes du pénitent font partie du sacrement de pénitence, parce que, dans ce sacrement, où les actes du ministre donnent la forme, ceux du pénitent constituent la matière (q. 90, a. 1).

 

— Quels sont ces actes du pénitent qui constituent la matière du sacrement ?

— Ce sont : la contrition, la confession et la satisfaction (q. 90, a. 2).

 

— Pourquoi ces trois actes sont-ils requis comme matière dans le sacrement de pénitence ?

— Parce que le sacrement de pénitence est le sacrement de la réconciliation entre le pécheur qui avait offensé Dieu, et Dieu qu’il avait offensé. Or, dans une réconciliation de cette nature, il faut que le pécheur apporte à Dieu une compensation que Dieu ait pour agréable, de telle sorte que l’offense soit oubliée et son effet détruit. Et, pour cela, trois choses sont requises : 1° que le pécheur ait la volonté d’offrir la compensation qu’il plaira à Dieu de déterminer ; 2° qu’il vienne recevoir auprès du prêtre qui tient la place de Dieu les conditions de cette compensation ; 3° qu’il l’offre en effet et qu’il s’en acquitte fidèlement. Ces trois choses se font par la contrition, la confession et la satisfaction (q. 90, a. 2).

 

— Le sacrement de pénitence pourrait-il exister sans l’une ou l’autre de ces parties ?

— Le sacrement de pénitence ne saurait exister sans une certaine manifestation extérieure de ces diverses parties ; mais il peut exister dans la réalité intérieure de la contrition ou sans l’accomplissement de la satisfaction ; toutefois, la vertu du sacrement en est empêchée ou paralysée (q. 90, a. 3).

 

— Qu’entendez-vous par la contrition ?

— J’entends cette douleur, d’ordre surnaturel, dont le pécheur s’afflige, au point que son ancienne volonté mauvaise s’en trouve broyée, en pensant aux péchés qu’il a commis et pour lesquels il se résout à se présenter au prêtre, ministre de Dieu, afin de les lui confesser, et d’en recevoir une peine satisfactoire qu’il se propose d’accomplir fidèlement (Supplément, q. 1, a. 1).

 

— Que faut-il pour que cette douleur soit d’ordre surnaturel ?

— Il faut qu’elle soit causée par un motif qui ait trait à l’ordre de la grâce, pouvant commencer par la crainte des châtiments de Dieu offensé, dont on sait par la foi qu’il menace le pécheur, avec l’espoir d’obtenir son pardon si l’on fait pénitence, d’où l’on vient à détester le péché en lui-même et selon qu’il donne la mort à l’âme ou que tout au moins il en contrarie le bien surnaturel et la vie parfaite, et, par-dessus tout, en raison de ce qu’il offense Dieu, objet suprême et souverain de notre amour (q. 1, a. 1, 2).

 

— Si on ne détestait le péché que pour le seul motif des châtiments ou des peines du sens qu’il attire sur nous de la part de Dieu irrité, soit dans cette vie, soit dans l’autre, aurait-on la contrition ?

— Non ; car pour la contrition, il faut que le péché soit détesté en raison du mal qu’il fait à l’âme, eu égard au bien infini qu’est Dieu lui-même, pouvant et devant être possédé pour nous, ici-bas par la grâce, et là-haut par la gloire (q. 1, a. 2).

 

— De quel nom s’appelle la première douleur, même surnaturelle, du péché ?

— On l’appelle du nom d’attrition (q. 1, a. 2, ad. 2).

 

— C’est donc du côté des motifs de la douleur qu’on a de ses péchés, que l’attrition et la contrition se distinguent l’une et l’autre ?

— Oui ; car, dans l’attrition, la douleur n’est causée que par un motif de crainte servile ; tandis que dans la contrition, il y a, au terme du mouvement, un motif de crainte filiale ou de pure charité (q. 1, a. 2).

 

— Suffit-il de l’attrition pour obtenir le pardon de ses fautes par le sacrement de pénitence ?

— L’attrition peut suffire pour s’approcher du sacrement ; mais, au moment où l’on reçoit la grâce du sacrement par l’absolution du prêtre, à la première attrition succède dans l’âme la véritable contrition (q. 1, a. 3 ; q. 10, a. 1 ; q. 18, a. 1).

 

— Faut-il que la contrition porte sur tous les péchés commis ?

— Oui, il faut que la contrition porte sur tous les péchés commis, notamment au début de son mouvement, et quand le pécheur conçoit de ces péchés la douleur que doit lui causer la malice propre de chacun d’eux, quand il s’agit plus spécialement des péchés mortels ; mais, à la fin de son mouvement, et lorsque cette douleur est déjà informée par la grâce, il suffit qu’elle porte sur tous en général, les détestant tous, sous leur raison commune d’offense faite à Dieu (q. 2, a. 3, 6).

 

— Pourriez-vous me donner une formule de l’acte de contrition ?

— Oui ; et la voici par mode d’hommage à Dieu : « Mon Dieu, j’ai le cœur broyé d’avoir commis tant de péchés qui m’ont rendu digne de vos justes châtiments, et qui m’ont fait perdre votre grâce ou qui en ont paralysé la vertu, parce qu’ils étaient de nature à vous causer de la peine, et qu’ils offensaient votre infinie bonté ; ayez pitié de moi, et daignez me les pardonner, et me fixant à nouveau dans votre grâce, dans laquelle je veux demeurer et croître, jusqu’au jour de ma mort, que j’accepte, par avance, de votre main, avec toutes les peines ou souffrances qui doivent m’y acheminer, en union avec les souffrances et la mort de Jésus-Christ, mon Sauveur, comme expiation de mes fautes, et comme heureuse délivrance de tout ce qui pourrait me séparer de vous par le péché. »

 

— Que doit faire le pécheur, après s’être excité à la douleur de ses péchés, dans le mouvement d’attrition ou de contrition, en vue d’en obtenir de Dieu le pardon ?

— Il doit se tenir prêt à confesser au prêtre ses péchés, quand cette confession s’impose à lui, soit en raison du précepte de l’Église, soit parce que les circonstances où il se trouve lui font un devoir de se confesser (q. 6, a. 1-5).

 

— Quand le précepte de l’Église oblige-t-il à se confesser ?

— C’est, pour tous les fidèles, une fois l’an ; et, de préférence, au temps pascal, en raison du précepte de la communion pascale, que nul n’a le droit de recevoir sans s’être confessé, lorsqu’il a quelque péché mortel sur la conscience (q. 6, a. 5 ; Code, can. 906).

 

— Pourquoi la confession est-elle nécessaire, à l’effet de recevoir le sacrement de pénitence ?

— Parce que c’est par la confession seule que le pénitent peut faire connaître au prêtre ses péchés et le mettre à même de se prononcer, soit sur l’aptitude du sujet à recevoir l’absolution, soit sur la peine satisfactoire qui doit être imposée pour ces péchés, de la part de Dieu, afin que soit offerte par le pécheur la juste compensation de sa rentrée en grâce (q. 6, a. 1).

 

— Que doit être la confession pour que le sacrement soit valide ?

— Il faut que, selon qu’il est possible, le pécheur fasse connaître, dans le détail de leur nombre et de leurs espèces, tous les péchés mortels qu’il a commis, et qu’il fasse cet acte en vue de l’absolution sacramentelle qu’il est venu demander au prêtre (q. 9, a. 2).

 

— Si, au moment où il les accuse, il n’avait pas la contrition ou l’attrition de ses péchés, ces péchés pourraient-ils être remis par l’absolution que le prêtre donnerait ?

— Non, ils ne le pourraient pas ; mais ils seraient confessés, si la confession avait été complète, et il n’y aurait pas à les confesser de nouveau pour qu’ils soient remis par la vertu du sacrement ; il suffirait que le pécheur supplée au manque de contrition, et qu’il accuse dans sa nouvelle confession ce manque de contrition, qui avait accompagné la confession précédente (q. 9, a. 1).

 

— Si on a oublié, sans qu’il y ait eu de sa faute, quelque péché grave en confession, et qu’ensuite on se le rappelle, est-on tenu de confesser ce péché à sa prochaine confession ?

— Oui ; parce que tout péché grave doit être soumis directement au pouvoir des clefs (q. 9, a. 2).

 

— A quel titre le prêtre reçoit-il la confession du pécheur ?

— Il la reçoit au nom et à la place de Dieu lui-même ; de telle sorte que dans sa vie, comme homme, ou en dehors de son ministère comme confesseur, il n’en doit rien connaître, et n’en doit faire absolument aucun usage (q. 11, a. 1-5).

 

— Que doit faire le pénitent après sa confession ?

— Il doit accomplir avec le plus grand soin la peine satisfactoire que le prêtre lui a imposée au nom de Dieu pour sa rentrée en grâce (q. 12, a. 1, 3).

 

— Peut-on assigner les grands genres d’œuvres auxquels se ramènent toutes les peines satisfactoires ?

— Oui ; elles se ramènent toutes à l’aumône, au jeûne et à la prière. C’est qu’en effet, dans la satisfaction, nous devons nous retrancher quelque chose pour l’offrir à Dieu en son honneur. Or, nous n’avons que trois sortes de biens que nous puissions ainsi offrir : les biens de la fortune, les biens du corps et les biens de l’âme. L’offrande des premiers est comprise sous le nom général d’aumône ; l’offrande des seconds, sous le nom général de jeûne ; l’offrande des troisièmes, sous le nom général de prière (q. 15, a. 3).

 

— Si l’on n’accomplissait pas la pénitence sacramentelle ou la peine satisfactoire imposée par le prêtre dans la réception du sacrement, perdrait-on la grâce du sacrement lui-même ?

— Non ; à moins qu’on ne fît cela par mépris du sacrement ; mais si ce n’est que par oubli, ou même par négligence, la grâce de la rémission reçue dans le sacrement demeure ; toutefois, on est passible, envers la justice de Dieu, de la peine due au péché et qu’il faut acquitter dans ce monde ou dans l’autre ; et la grâce elle-même du sacrement ne reçoit pas l’augmentation attachée à l’accomplissement de la satisfaction sacramentelle (III, q. 90, a. 2, ad 2).

 

40. Du ministre du sacrement de pénitence et du pouvoir des clefs : absolution ; indulgences ; communion des saints ; excommunication

 

— Que faut-il entendre par le pouvoir des clefs ?

— Le pouvoir des clefs n’est pas autre chose que le pouvoir d’ouvrir la porte du royaume des cieux en écartant l’obstacle qui ferme cette porte, savoir, le péché lui-même et la peine due au péché (q. 17, a. 1).

 

— Où se trouve ce pouvoir ?

— Il se trouve dans l’auguste Trinité comme dans sa première source ; puis, dans l’humanité sainte de Jésus-Christ, dont la passion a mérité que ce double obstacle fût enlevé ; et qui l’enlève elle-même par sa vertu. Et parce que l’efficacité de la passion de Jésus-Christ demeure dans les sacrements, qui sont comme les canaux de sa grâce, par lesquels il rend les hommes participants de tous ses mérites ; il suit de là que les ministres de l’Église, qui sont les dispensateurs des sacrements, sont dits, eux aussi, être les dépositaires du pouvoir des clefs, qu’ils ont reçu de Jésus-Christ lui-même (q. 17, a. 1).

 

— Comment s’exerce le pouvoir des clefs dans le sacrement de pénitence ?

— Le pouvoir des clefs, dans le sacrement de pénitence, s’exerce par l’acte du ministre jugeant l’état du pécheur, et lui donnant l’absolution, avec l’injonction de la pénitence, ou lui refusant cette absolution (q. 17, a. 2).

 

— Est-ce au moment de l’absolution que donne le prêtre, et par la vertu de cette absolution, que le sacrement de pénitence produit l’effet de délivrance attaché au pouvoir des clefs ?

— Oui ; et sans cette absolution le sacrement ne saurait exister, ni, par suite, produire son effet de libération ou de délivrance (q. 10, a. 1, 2 ; q. 18, a. 1).

 

— N’y a-t-il que les prêtres seuls qui aient ce pouvoir des clefs ?

— Seuls, les prêtres ordonnés validement, selon le rite de l’Église catholique, ont le pouvoir des clefs qui ouvrent directement la porte du ciel par la rémission des fautes mortelles dans le sacrement de pénitence (q. 19, a. 3).

 

— Suffit-il que le prêtre soit ordonné validement selon le rite de l’Église catholique pour qu’il ait ce pouvoir des clefs à l’endroit de tel ou tel baptisé qui veut recevoir le sacrement de pénitence ?

— Non ; il faut encore qu’il soit approuvé par l’Église pour entendre les confessions, et que le baptisé qu’il doit absoudre soit soumis à sa juridiction (q. 20, a. 1-3).

 

— Pratiquement, tout prêtre qui se trouve quelque part avec l’office ou le pouvoir d’entendre les confessions, a-t-il le pouvoir d’absoudre tous ceux qui se présentent à lui avec l’intention de recevoir le sacrement de pénitence ?

— Oui, à moins qu’ils n’accusent des fautes qui seraient réservées à un pouvoir supérieur ; chose dont il jugera lui-même en entendant la confession du sujet qui se présente.

 

— Y a-t-il, dans l’Église, se rattachant au pouvoir des clefs, un pouvoir qui libère l’homme de la peine due au péché, autrement que par l’absolution sacramentelle et l’injonction d’une compensation qui se fait par la pénitence sacramentelle ?

— Oui ; c’est l’admirable pouvoir des indulgences (q. 25, a. 1).

 

— En quoi consiste ce pouvoir ?

— Il consiste en ce que l’Église peut prendre du trésor infini, et inépuisable que constituent les mérites de Jésus-Christ, de la sainte Vierge et des saints, dans l’ordre de la satisfaction pour le péché, ce qui correspond, en tout ou en partie, à la satisfaction que devrait donner le pécheur à la justice de Dieu, après la rémission de son péché, soit dans ce monde, soit dans l’autre ; l’appliquer à tels sujets déterminés ; et, par l’effet de cette application, les libérer de leur dette envers la justice de Dieu (q. 25, a. 1).

 

— Que faut-il pour que cette application se fasse ?

— Il faut trois choses : l’autorité en celui qui la fait ; l’état de grâce ou de charité, en celui à qui elle est faite ; un motif de piété qui soit la raison pour laquelle on la fait, c’est-à-dire quelque chose qui tourne à l’honneur de Dieu ou à l’utilité de l’Église ; comme sont les pratiques pieuses, les œuvres de zèle ou d’apostolat, les aumônes, et le reste de même nature (q. 25, a. 2).

 

— Ces œuvres qui sont la raison ou le motif de l’indulgence, en sont-elles le prix ?

— Nullement ; car l’indulgence n’est pas une rémission de la peine que l’on achète ou dont on donne l’équivalent par d’autres peines satisfactoires : elle est essentiellement le transfert à tels sujets déterminés, pour l’une des raisons de piété qui viennent d’être marquées, de la peine ou de la satisfaction qui appartenait aux autres, et que ces autres consentent à voir transférer à autrui, en vertu de la communion des saints (q. 25, a. 2).

 

— N’y a-t-il que ceux qui accomplissent la condition marquée pour l’indulgence, qui puissent en bénéficier ?

— Ils peuvent eux-mêmes en céder le bénéfice à tel autre sujet, en les gagnant pour lui, s’il s’agit des âmes du purgatoire, quand celui qui concède l’indulgence leur en donne la faculté (q. 17, a. 3, ad 2 ; Code, can. 930).

 

— Et qui donc peut ainsi concéder les indulgences ?

— Celui-là seul à qui a été confié le trésor des mérites de Jésus-Christ et des saints, en raison du pouvoir qu’il a reçu de lier ou de délier, à l’endroit de tous ceux qui appartiennent au corps mystique de Jésus-Christ sur cette terre, c’est-à-dire au seul souverain pontife. Mais, parce que les évêques sont admis à partager sa sollicitude pastorale, préposés qu’ils sont, comme juges, aux diverses parties de l’Église, ils peuvent, eux aussi, dans les limites des concessions qui leur sont fixées par le souverain pontife, accorder des indulgences à ceux qui leur sont soumis (q. 27, a. 1-3).

 

— Que s’ensuit-il d’un pouvoir si merveilleux existant dans l’Église catholique et dans l’Église catholique seule, en raison de l’autorité suprême du souverain pontife ?

— De ce pouvoir merveilleux, joint, du reste, à tout ce qui a été dit du pouvoir des clefs dans le sacrement de pénitence, et d’une façon générale en tout ce qui touche à la communication, par voie d’action sociale et hiérarchique, des mérites de la passion de Jésus-Christ, il s’ensuit qu’il ne peut pas y avoir de bonheur plus grand pour l’homme sur cette terre que d’être incorporé, par le baptême, à l’Église catholique, et de pouvoir participer à tous les droits que ce baptême confère, en étant dans une communion parfaite avec tous les membres de l’Église catholique et avec son chef, le pontife romain, à qui seul ont été confiés tous les biens et tous les trésors de la vie surnaturelle à distribuer parmi les hommes.

 

— Se peut-il que quelqu’un qui est incorporé à l’Église catholique par le baptême, ne participe pas aux droits que ce baptême confère ?

— Oui, c’est le cas de tous ceux qui tombent sous le coup des censures de l’Église, notamment de la plus terrible de toutes qui est l’excommunication (q. 21, a. 1, 2).

 

— Les hérétiques et les schismatiques sont-ils excommuniés ?

— Assurément ; tous les hérétiques et tous les schismatiques sont excommuniés, par le fait même du schisme ou de l’hérésie, et n’ont plus aucune part à la communion des saints.

 

— Il n’y a donc que les seuls catholiques soumis au pontife romain et non frappés de censure, qui puissent pleinement jouir de leurs droits en ce qui est de la participation aux biens de Jésus-Christ dans l’Église ?

— Oui, il n’y a que ces catholiques seuls ; avec ceci, en plus, que pour participer à ces biens par voie d’indulgence, il faut être pleinement, par la grâce et la charité, dans la communion des saints.

 

— Que fait donc cette communion des saints, quand elle existe parfaite ?

— Elle fait que tantôt par le trait d’union vivant et personnel qu’est l’Esprit-Saint, et tantôt par l’action hiérarchique de l’Église visible dont l’Esprit-Saint est l’âme, tous les membres du corps mystique de Jésus-Christ, qui vivent encore sur cette terre, ou qui se trouvent au purgatoire, ou qui sont déjà au ciel, peuvent sans cesse communiquer ensemble, en vue de l’éternelle félicité qui doit leur être commune un jour dans la patrie.

 

41. Du sacrement de l’extrême-onction

 

— Parmi les sacrements de l’Église en est-il un qui ait pour objet spécial de préparer l’homme à entrer dans le ciel quand il est sur le point de mourir ?

— Oui ; c’est le sacrement de l’extrême-onction (q. 29, a. 1).

 

— Qu’entendez-vous par le sacrement de l’extrême-onction ?

— J’entends ce rite sacré, institué par Jésus-Christ, qui consiste à oindre, avec les saintes huiles, un infirme en péril de mort, en demandant à Dieu que tout ce qui peut rester de faiblesse spirituelle, en raison de ses péchés passés, lui soit remis, à l’effet de recouvrer la pleine et parfaite santé spirituelle, qui lui per­mettra d’entrer, en pleine vigueur d’âme, dans la vie de la gloire au ciel, pour y jouir de Dieu éternellement (q. 29-32).

 

— Est-ce que ce sacrement a pour effet de remettre les péchés ?

— Non ; car il n’est ordonné, ni contre le péché originel, comme le bap­tême, ni contre les péchés mortels, comme la pénitence, ou, en un sens, contre les péchés véniels, comme l’eucharistie ; mais à rétablir les forces quand a été enlevé le mal du péché. Toutefois, en raison de la grâce spéciale qu’il confère, laquelle grâce est incompatible avec le péché, il peut remettre, par voie de conséquence, les péchés qui se trouveraient dans l’âme, pourvu qu’il n’y ait pas d’obstacle du côté du sujet, c’est-à-dire qu’il soit de bonne foi, et qu’il ait déjà fait lui-même ce qui dépendait de lui pour que ses péchés fussent remis (q. 30, a. 1).

 

— Le sacrement de l’extrême-onction peut-il rendre aussi la santé du corps ?

— Oui ; et c’est même là un des effets propres de ce sacrement ; de telle sorte que toujours, si le sujet qui le reçoit ne met pas d’obstacle à la vertu de ce sacrement, par la vertu sacramentelle qui lui est propre, ce sacrement rend les forces physiques et la santé corporelle, dans les circonstances et dans la mesure où ce retour à la santé corporelle est utile à la parfaite santé spirituelle que le sa­crement a pour effet premier et principal de produire (q. 30, a. 2).

 

— Quand peut-on et doit-on recevoir ce sacrement ?

— On ne peut le recevoir que dans l’état d’infirmité ou de faiblesse corpo­relle qui met en péril de mort ; mais on doit faire tout le possible pour qu’il soit reçu en pleine connaissance et avec la plus grande ferveur (q. 32, a. 1, 2).

 

— Peut-on recevoir plusieurs fois le sacrement de l’extrême-onction ?

— On ne peut pas le recevoir plusieurs fois dans le même péril de mort. Mais si, après l’avoir reçu, on revient à la santé, ou tout au moins on cesse d’être dans le premier péril de mort, on peut de nouveau le recevoir et autant de fois que ces sortes de périls de mort, en raison de diverses maladies, ou dans la suite d’une même maladie qui se prolonge, pourraient se renouveler (q. 33, a. 1, 2).

 

— Le sacrement de l’extrême-onction est-il le dernier des sacrements que Jésus-Christ a institués pour assurer aux hommes le bienfait de la vie de sa grâce ?

— Oui, il est le dernier des sacrements ordonnés au bien de la vie de la grâce selon que l’individu en vit pour lui-même. Mais il y a encore deux autres sacrements, d’une importance souveraine, qui sont ordonnés à assurer le bien de cette vie de la grâce, selon que les hommes forment une société pouvant et de­vant s’étendre jusqu’aux extrémités du monde et jusqu’à la fin des temps.

 

— Quels sont ces deux autres sacrements ?

— Ce sont : l’Ordre et le mariage.

 

42. Du sacrement de l’Ordre : prêtres, évêques, souverain pontife ; l’Église, mère des âmes

 

— Qu’entendez-vous par le sacrement de l’Ordre ?

— J’entends ce rite sacré, que Jésus-Christ a institué pour conférer à cer­tains hommes un pouvoir spécial à l’effet de consacrer son corps réel en vue de son corps mystique (q. 37, a. 2).

 

— Ce pouvoir qui est conféré dans le sacrement de l’Ordre, est-il un ou mul­tiple ?

— Il est multiple ; mais sa multiplicité ne nuit pas à l’unité du sacrement de l’Ordre : parce que les ordres inférieurs n’y sont qu’une participation de l’ordre supérieur (q. 37, a. 2).

 

— Qu’entendez-vous par l’ordre supérieur ?

— J’entends l’ordre des prêtres, qui reçoivent dans leur consécration le pouvoir de consacrer l’eucharistie (q. 37, a. 2).

 

— Et les ordres inférieurs quels sont-ils ?

— Ce sont tous les ordres en deçà de la prêtrise ; lesquels ont pour office de servir le prêtre dans l’acte de la consécration. Là viennent d’abord les mi­nistres qui servent le prêtre à l’autel. Ce sont les diacres, les sous-diacres et les acolytes. Les premiers vont jusqu’à pouvoir distribuer l’eucharistie, au moins sous l’espèce du vin, quand on la distribue aussi sous cette espèce. Les seconds dispo­sent la matière du sacrement dans les vases sacrés. Les troisièmes présentent cette matière. Puis, viennent les ministres qui ont pour office de préparer ceux qui doivent recevoir le sacrement ; non par l’absolution sacramentelle que le prêtre seul est à même de donner, mais en écartant les indignes, ou en instruisant les catéchumènes, ou en libérant les possédés : offices qui avaient surtout leur raison d’être dans la primitive Église, quand elle se recrutait parmi les infidèles, mais que l’Église conserve toujours pour l’intégrité de sa hiérarchie (q. 37, a. 2).

 

— Des sept ordres qui viennent d’être marqués, quels sont ceux qu’on ap­pelle majeurs et quels sont ceux qu’on appelle mineurs ?

— Les ordres majeurs sont ceux de la prêtrise, du diaconat et du sous-dia­conat. Les ordres mineurs sont les quatre autres, savoir : les ordres des acolytes, des exorcistes, des lecteurs et des portiers (q. 37, a. 2, 3).

 

— Où se trouvent ordinairement les sujets des divers ordres, à l’exception de la prêtrise ?

— Ils se trouvent ordinairement dans les établissements ecclésiastiques où se forment les membres du clergé, et où ils se préparent à recevoir l’ordre su­prême de la prêtrise.

 

— C’est donc quand un sujet est prêtre, qu’il est, à vrai dire, mis en rapport avec le peuple fidèle pour travailler à sa sanctification ?

— Oui ; et c’est proprement avec les prêtres, que les fidèles ont à traiter.

 

— Le prêtre est-il revêtu d’un caractère spécial qui le distingue des autres hommes dans l’Église de Dieu ?

— Non seulement le prêtre, mais tout membre de la hiérarchie ecclésias­tique, depuis le premier des ordres mineurs, est revêtu d’un certain caractère spécial qui lui est imprimé quand il reçoit le sacrement de l’Ordre. Toutefois, ce caractère est plus particulièrement marqué dans les sujets des ordres majeurs, et, plus encore, dans ceux qui ont reçu la prêtrise, où est accordé le pouvoir de consacrer le corps et le sang de Jésus-Christ et de remettre les péchés.

 

— A vrai dire, c’est donc au prêtre que les fidèles doivent tout, dans l’ordre des biens de la grâce et du salut, attachés aux sacrements de la Rédemption opérée par Jésus-Christ ?

— Oui ; car, à l’exception du seul sacrement de la confirmation, qui est or­dinairement réservé à l’évêque, c’est au prêtre qu’il appartient d’office d’adminis­trer aux fidèles les sacrements dont nous avons dit qu’ils étaient ordonnés au bien de leur vie individuelle, savoir : le baptême, l’eucharistie, la pénitence, et l’extrême-onction. C’est aussi le prêtre qui a, ainsi qu’il a été dit, le pouvoir su­prême et divin entre tous, de rendre présent au milieu des hommes et d’offrir en sacrifice par la consécration sacramentelle le corps et le sang de Jésus-Christ.

 

— N’est-ce pas aussi au prêtre que les fidèles sont redevables du bienfait in­appréciable de la connaissance des mystères chrétiens et des vérités du salut ?

— Oui ; car c’est lui qui, par son ministère de tous les instants, est appliqué à les instruire de ces mystères et de ces vérités.

 

— Mais de qui le prêtre lui-même tient-il tous ses pouvoirs ?

— Il les tient de l’évêque (q. 38, a. 1 ; q. 40, a. 4).

 

— En quoi et comment l’évêque est-il supérieur au prêtre et peut-il donner à ce dernier ses pouvoirs ?

— L’évêque est supérieur au prêtre, non en ce qui touche à la consécration du corps réel de Jésus-Christ dans l’eucharistie, mais en ce qui touche au corps mystique de Jésus-Christ, que sont les fidèles constituant l’Église. C’est propre­ment et directement en vue de ce corps mystique de Jésus-Christ que le pouvoir épiscopal a été constitué par Jésus-Christ lui-même. Il comprend, de soi, tout ce qui est nécessaire pour la création et l’organisation du corps mystique, à l’effet de lui communiquer dans sa plénitude la vie de la grâce attachée aux sacrements de la Rédemption. Par conséquent, l’évêque a en lui, du fait de sa consécration épis­copale, la plénitude du sacerdoce, pouvant non seulement consacrer le corps réel de Jésus-Christ, comme tout prêtre, mais encore administrer, sans réserve, tous les autres sacrements, y compris la confirmation, et donner aux prêtres eux-mêmes ou aux ministres inférieurs, leur pouvoir d’ordre, en les consacrant ou en les ordonnant, et leur pouvoir de juridiction sur les fidèles, en leur confiant, dans la mesure qu’il lui plaira de déterminer, le soin de ces fidèles (q. 40, a. 4, 5).

 

— C’est donc en quelque sorte dans la personne de l’évêque qu’est concen­trée toute la vie de l’Église ?

— Oui, très exactement, c’est dans la personne de l’évêque qu’est concen­trée toute la vie de l’Église et rien ne peut appartenir à cette vie qui ne vienne de lui et ne reste dans sa pleine et parfaite dépendance.

 

— Que faut-il pour que l’évêque soit ce principe de vie pour son Église ?

— Il faut qu’il soit lui-même en pleine et parfaite communion avec l’évêque de Rome qui est la tête ou le chef de toutes les Églises de l’univers, réunies par lui et sous son autorité suprême ou son pouvoir souverain, en un seul tout, qui forme, au sens pur et simple, l’Église de Jésus-Christ (q. 40, a. 6).

 

— L’évêque de Rome ou le souverain pontife a-t-il des pouvoirs que les autres évêques n’aient pas ?

— S’il s’agit des actes hiérarchiques qui ont trait à l’administration des sa­crements en ce qui est des sacrements eux-mêmes, les pouvoirs du souverain pontife, évêque de Rome, sont les mêmes que ceux des autres évêques. Mais, s’il s’agit du pouvoir de juridiction, qui comprend tout ce qui a trait au gouverne­ment de la société que forme l’Église, et au droit d’administrer les sacrements à tels sujets déterminés, ce pouvoir est tout entier et comme dans sa source dans la personne du souverain pontife, s’appliquant de soi à toute la société de l’Église catholique dans l’univers entier : tandis qu’il n’est dans les autres évêques que par rapport à cette partie de l’Église universelle, que forme l’Église dont ils sont l’évêque ou que forment les Églises qui sont plus ou moins dépendantes de la leur dans l’organisation de la société de l’Église universelle : et, même par rap­port à cette partie déterminée qui leur est confiée à gouverner, leur pouvoir re­lève, dans sa nature et dans son exercice, du pouvoir suprême du souverain pontife, de qui ils le tiennent et en dépendance de qui ils l’exercent (q. 40, a. 6).

 

— Pourquoi ce pouvoir suprême, dans l’ordre de la juridiction ou du gou­vernement de l’Église, est-il assigné au souverain pontife ?

— Parce que la parfaite unité de l’Église demandait qu’il en fût ainsi. Et c’est pour cela que Jésus-Christ chargea de paître tout son troupeau, agneaux et brebis, le seul Simon Pierre, dont le Pontife romain demeure le seul légitime suc­cesseur jusqu’à la fin des temps (q. 40, a. 6).

 

— C’est donc du seul souverain pontife, évêque de Rome, que dépend, dans tout l’univers, et que dépendra jusqu’à la fin du monde, pour tout homme vivant sur la terre, son union à Jésus-Christ par les sacrements, et, par suite, sa vie surna­turelle et son salut éternel ?

— Oui ; car s’il est vrai que la grâce de Jésus-Christ n’est pas, d’une façon absolue, attachée à la réception des sacrements eux-mêmes, quand il est impos­sible de les recevoir, du moins pour les adultes, et que l’action intérieure de l’Esprit-Saint peut y suppléer, pourvu qu’il n’y ait pas de mauvaise foi dans le sujet ; il est, d’autre part, absolument certain qu’aucun être humain qui se sépare sciemment de la communion du souverain pontife, ne peut être participant de la grâce de Jésus-Christ, et que, par suite, s’il meurt dans cet état, il est irrémédia­blement perdu.

 

— Est-ce dans ce sens qu’on dit que nul ne peut être sauvé hors de l’Église ?

— Oui, c’est très exactement dans ce sens qu’on dit que nul ne peut être sauvé hors de l’Église, ou encore, que celui-là ne saurait avoir Dieu pour Père, qui n’a point l’Église pour mère.

 

43. Du sacrement de mariage : nature ; empêchements ; devoirs ; divorce ; secondes noces ; fiançailles

 

— A côté du sacrement de l’Ordre, destiné à perfectionner l’homme en vue de la vie sociale surnaturelle, par le pouvoir qu’il lui confère à l’effet d’agir sur les autres hommes pour leur communiquer les biens de la grâce de Jésus-Christ, quel est l’autre sacrement institué par Jésus-Christ pour perfectionner aussi l’homme en vue de la vie sociale surnaturelle ?

— C’est le sacrement de mariage (q. 42).

 

— Comment le sacrement de mariage est-il ordonné au bien de la société surnaturelle ?

— Le sacrement de mariage est ordonné au bien de la société surnaturelle par cela même qu’il est ordonné essentiellement à la propagation de l’espèce humaine dont les membres sont appelés à faire partie de la société surnaturelle (q. 41, 42).

 

— Qu’entendez-vous par le sacrement de mariage ?

— J’entends l’union de l’homme et de la femme, indissoluble jusqu’à la mort de l’un des deux conjoints, et qui exclut de soi toute participation d’un tiers à cette union, laquelle union est contractée entre sujets baptisés par le consente­ment réciproque des deux sujets se donnant l’un à l’autre, en vue du droit qu’ils auront tous les deux de s’appeler à vaquer ensemble aux actes qui ont pour effet de donner à la patrie de la terre et à la patrie du ciel les dignes membres qui doivent les peupler (q. 41, 42).

 

— Pourquoi cette union, dans le moment où elle se contracte entre baptisés, a-t-elle la raison de sacrement ?

— Parce que Jésus-Christ l’a voulu ainsi, et qu’il l’a élevée à la dignité de signifier sa propre union avec l’Église, tirée en quelque sorte de son flanc sur la croix comme la première femme avait été tirée par Dieu, au début, du premier homme mystérieusement endormi (q. 42, a. 2).

 

— Que faut-il pour que deux sujets baptisés aient le droit de contracter cette union ?

— Il faut qu’ils puissent l’un et l’autre disposer d’eux-mêmes et qu’il n’y ait aucun obstacle qui s’oppose à leur union.

 

— Quels sont les obstacles qui peuvent s’opposer à l’union matrimoniale ?

— C’est ce qu’on appelle les empêchements du mariage.

 

— Tous les empêchements du mariage sont-ils de même nature ?

— Non, car il en est qui ne font que rendre le mariage illicite ; tandis qu’il en est d’autres qui le rendent nul.

 

— Comment appelle-t-on les empêchements qui rendent le mariage illicite ; et comment appelle-t-on ceux qui le rendent nul ?

— Les premiers s’appellent empêchements prohibants ; les seconds, empêchements dirimants (Code, can. 1036).

 

— Quels sont les empêchements prohibants ?

— Ce sont, d’abord, le vœu simple de virginité, ou de chasteté parfaite, ou de ne pas se marier, ou de recevoir les ordres sacrés, et d’embrasser l’état religieux ; puis, la parenté légale qui résulte de l’adoption, dans les pays où la loi civile en fait un empêchement prohibant ; enfin, ce qui donnerait un mariage mixte quand l’un des deux sujets baptisés se trouve enrôlé dans une secte hérétique ou schismatique (Code, can. 1058, 1059, 1060).

 

— Que faut-il pour que le mariage puisse se faire, quand existe l’un de ces empêchements ?

— Il faut que l’Église dispense de cet empêchement, chose qu’elle ne fait que pour des raisons graves, surtout dans le cas du mariage mixte, et dans ce cas elle exige l’engagement que la partie non-catholique écarte tout péril de perver­sion pour la partie catholique et que les deux parties veillent à ce que tous leurs enfants ne reçoivent que le baptême et l’éducation catholiques (Code, can. 1061).

 

— Si l’une des deux parties, sans appartenir à une secte hérétique ou schis­matique, était notoirement impie, ayant rejeté la foi catholique ou s’étant enrôlée dans des sociétés condamnées par l’Église, y aurait-il, dans ce cas, empêchement de mariage ?

— Non, de telle manière qu’il faille recourir à une dispense de l’Église ; mais l’Église veut que les fidèles redoutent au plus haut point de contracter de telles unions, en raison des périls de toutes sortes qui s’y trouvent attachés (Code, can. 1065).

 

— Pourriez-vous me dire quels sont les empêchements dirimants du mariage ?

— Les voici, tels qu’ils se trouvent précisés dans le Code du nouveau droit canonique : 1° le manque d’âge voulu, c’est-à-dire avant seize ans révolus pour l’homme, avant quatorze ans révolus pour la femme ; 2° l’impuissance antérieure au mariage et perpétuelle, du côté de l’homme ou du côté de la femme, connue ou non connue, absolue ou relative ; 3° le fait d’être déjà marié, même si le mariage n’a pas été consommé ; 4° la disparité du culte, quand l’une des deux par­ties n’est pas baptisée et que l’autre a été baptisée dans l’Église catholique, ou est revenue à l’Église en se convertissant du schisme ou de l’hérésie ; 5° le fait d’être dans les ordres sacrés ; 6° le fait d’avoir émis les vœux solennels de religion, ou aussi les vœux simples, auxquels serait jointe, par une prescription spéciale du Saint-Siège, la vertu de rendre le mariage nul ; 7° le rapt ou la violente détention en vue du mariage, jusqu’à ce que la partie enlevée ou détenue soit rendue à sa pleine liberté ; 8° le crime d’adultère avec promesse ou tentative civile de ma­riage, ou l’adultère suivi du crime d’assassinat, commis par l’un des deux à l’endroit d’une partie conjointe, ou la coopération, même sans adultère, soit physique, soit morale, dans l’assassinat de l’une des parties conjointes ; 9° la consan­guinité en ligne directe toujours, et, en ligne collatérale, jusqu’au 3e degré, lequel empêchement ne se multiplie que si chaque fois se multiplie la souche commune aux deux parties ; 10° l’affinité en ligne directe toujours, et en ligne collatérale jusqu’au 2e degré inclusivement, et cet empêchement se multiplie selon que se multiplie l’empêchement de consanguinité qui le cause, ou par le mariage subsé­quent avec un consanguin du conjoint défunt ; 11° l’honnêteté publique prove­nant, d’un mariage invalide, consommé ou non, et du concubinage public ou no­toire ; il dirime le mariage au premier et au second degré de la ligne droite entre l’homme et les consanguines de la femme, et vice versa ; 12° la parenté spirituelle, contractée entre le sujet baptisé et celui qui le baptise et son parrain ou sa marraine ; 13° la parenté légale provenant de l’adoption, si la loi civile la tient pour un obstacle à la validité du mariage, devient par la vertu du droit canonique un empêchement dirimant (Code, can. 1067-1080 ; 50-42).

 

— L’Église dispense-t-elle quelquefois de ces empêchements dirimants ?

— Elle ne dispense jamais ni ne peut dispenser des empêchements diri­mants qui sont de droit naturel strict ou de droit divin, comme sont l’impuis­sance, ou le mariage consommé, ou la consanguinité de ligne directe ou de ligne collatérale trop rapprochée. Mais les autres empêchements, qui relèvent plutôt d’elle-même, elle en peut dispenser ; ce qu’elle ne fait cependant que pour des raisons graves.

 

— N’y a-t-il pas encore un autre empêchement dirimant, qui ne regarde plus la condition des parties contractantes mais est quelque chose d’extrinsèque ?

— Oui ; c’est l’empêchement de clandestinité.

 

— Qu’entendez-vous par l’empêchement de clandestinité ?

— J’entends cette loi de l’Église qui déclare nul tout mariage contracté entre des baptisés catholiques, ou ayant appartenu à l’Église catholique ; et entre ces baptisés et des non-catholiques, baptisés ou non ; et entre latins et orientaux : s’il n’est contracté devant le curé de la paroisse ou devant l’Ordinaire du lieu où se fait le mariage, ou devant un prêtre délégué soit par l’un, soit par l’autre, dans les limites de leur territoire, avec, au moins, la présence de deux témoins. Si le curé ou l’Ordinaire ne pouvaient absolument pas ou sans de trop grosses difficultés être appelés, et qu’il y eût danger de mort, ou que les difficultés dussent rendre cet appel impossible durant un mois, le mariage pourrait être contracté valide­ment avec la seule présence de deux témoins (Code, can. 1094-1099).

 

— Quand se trouvent réunies, du côté des parties contractantes, en vue du sacrement de mariage à recevoir, toutes les conditions requises, que faut-il pour qu’elles reçoivent en effet ce sacrement ; et quel en est le ministre ?

— Il faut et il suffit que les deux parties se donnent l’une à l’autre, actuel­lement, par consentement libre ou sans violence et sans crainte grave et injuste venue du dehors, formel et réciproque, manifesté au dehors par des paroles ou des signes non équivoques ; et elles sont elles-mêmes les ministres du sacrement (Code, can. 1081-1087 ; q. 47, a. 1-6).

 

— Le consentement qui fait le mariage pourrait-il être infirmé et annulé, s’il y avait erreur du côté des personnes contractantes ?

— Si l’erreur portait sur la personne elle-même, le mariage serait nul ; il se­rait illicite, si l’erreur portait sur les qualités de la personne (Code, can. 1083).

 

Est-il bon qu’à l’occasion de la célébration de ce sacrement, les parties contractantes assistent à une messe spéciale, où leur union sera bénie par le prêtre ?

— Oui ; et l’Église souhaite aussi, vivement, que tous ses enfants, avant de recevoir ce grand sacrement où doit leur être accordée une grâce spéciale en vue des charges du mariage, se disposent à recevoir cette grâce dans toute sa pléni­tude par une bonne confession et une communion fervente (Code, can. 1101).

 

— Quelle est la grâce spéciale attachée au sacrement de mariage ?

— C’est la grâce d’une parfaite harmonie conjugale qui s’inspire d’une af­fection vraie, profonde, surnaturelle, de nature à résister à tout ce qui pourrait la compromettre jusqu’à la mort, et en même temps la grâce d’une générosité à toute épreuve en vue des futurs petits êtres dont leur union pourra être bénie de Dieu, à l’effet de ne pas entraver leur venue, de les voir se multiplier avec une sainte joie, et de veiller avec le soin le plus jaloux à tout ce qui pourra former leurs âmes et leurs corps, soit comme membres de la patrie de la terre, soit comme membres de la patrie du ciel (q. 49, a. 1-6).

 

— Est-ce que le mariage, une fois validement contracté, peut être dissous par le divorce civil ?

— Nullement ; car aucune loi humaine ne peut séparer ce que Dieu a uni. Aussi bien, même après le divorce civil, les deux parties demeurent unies par le lien du mariage, et si l’une ou l’autre passe à de nouvelles noces, la nouvelle union est purement concubinaire, aux yeux de Dieu et de l’Église.

 

— Après la mort de l’un des deux conjoints, est-il permis à la partie qui sur­vit de contracter un nouveau mariage ?

— Oui ; la chose est permise : bien que l’état de veuvage soit, pris en lui-même, plus honorable ; seulement, dans le cas de ces nouvelles noces, la femme qui a déjà reçu une première fois la bénédiction nuptiale solennelle, ne peut pas la recevoir de nouveau (q. 43 ; Code, can. 1142, 1143).

 

— Les fiançailles qui se célèbrent avant le mariage sont-elles chose bonne ?

— Oui : elles consistent essentiellement en la promesse que se font deux aspirants au mariage, en vue du mariage à contracter entre eux dans un temps à venir. Pour qu’elles soient [juridiquement] valides, soit au for intérieur, soit au for extérieur, il faut que la promesse soit faite par écrit et qu’elle soit signée des deux parties, du curé ou de l’Ordinaire du lieu, ou du moins de deux témoins. Si l’une des deux parties ne savait pas écrire, ou ne pouvait pas le faire, il faudrait le signaler dans l’acte et amener un nouveau témoin pour signer (q. 43, a. 1 ; Code, can. 1017).

 

— Les fiançailles donnent-elles le droit d’user du mariage avant que le ma­riage soit célébré ?

— Nullement ; et des fiancés qui en agiraient de la sorte, outre qu’ils com­mettraient une faute grave, se voueraient eux-mêmes à la justice de Dieu qui pourrait leur faire payer très cher, plus tard, dans le mariage, l’abus qu’ils auraient fait de l’honnêteté des fiançailles.

 

44. État intermédiaire des âmes après la mort, en attendant le jour de la résurrection finale : le purgatoire

 

— Par cette merveilleuse économie des sept sacrements qu’il a institués pour communiquer aux hommes l’effet de la rédemption, hors de laquelle il n’est point de salut, ni de vie morale parfaite, possible pour eux ; et dont les cinq premiers, qui sont le baptême, la confirmation, l’eucharistie, la pénitence et l’extrême-onction, perfectionnent l’homme en ce qui est de sa propre personne, tandis que les deux autres, qui sont l’Ordre et le mariage, le perfectionnent en vue du bien commun de toute la société dans laquelle il vit et qui devait avoir en elle, en effet, la vertu de se multiplier et de se continuer source de vie surnaturelle pour tous les hommes jusqu’à la fin des temps ; — à quelle foi, Jésus-Christ, — qui vit et qui règne au ciel depuis son ascension, et, de là, veille au bien de son Église par l’Esprit-Saint qu’il lui a envoyé et qui en est l’âme, — conduit-il le genre humain qu’il a conquis par son sang ?

— Il le conduit à la fin de la vie immortelle, qui doit s’épanouir dans la gloire, au ciel, pendant toute l’éternité.

 

— Est-ce tout de suite, et pour ainsi dire de plain-pied, que Jésus-Christ conduit ainsi, par l’action de son gouvernement rédempteur, les hommes à la gloire de l’immortelle vie ?

— Non pas ; car bien que les mystères accomplis dans son humanité sainte et les sacrements qui nous unissent à ces mystères, eussent la vertu de le faire, il convenait à la sagesse divine que la nature humaine, condamnée dans son fond, et comme nature pécheresse ou déchue, à porter la peine de ce péché de nature, ne fût restaurée comme nature, dans toute sa plénitude, en la personne de ses divers individus, qu’au terme du cours de son évolution parmi les hommes. Et voilà pourquoi, même les baptisés, ou tous ceux qui participent aux sacrements de Jésus-Christ, même après leur sanctification personnelle, demeurent soumis aux pénalités de la vie présente, et, notamment, à la plus redoutable de toutes, la mort (q. 69, a. 1).

 

— Ce ne sera donc qu’à la fin des générations humaines, que la mort elle-même sera définitivement vaincue, et que tous les rachetés de Jésus-Christ pourront ressusciter en vue d’une vie immortelle s’épanouissant pleinement dans leur âme et dans leur corps, au ciel, pour toute l’éternité ?

— Oui, ce ne sera qu’alors ; et, d’ici-là, quand ils meurent, ils restent dans un certain état intermédiaire, qui est un état d’attente.

 

— Qu’entendez-vous quand vous dites qu’ils restent dans un certain état intermédiare, qui est un état d’attente ?

— On veut dire, par là, que, ou bien ils n’obtiennent pas tout de suite la récompense de leur vie méritoire, ou bien, s’ils se trouvent placés au terme de la récompense pour leurs mérites ou du châtiment pour leurs démérites, ils n’auront pas, jusqu’au jour de la résurrection, leur récompense ou leur châtiment, avec toute la plénitude qu’ils auront éternellement à partir de ce jour-là (q. 69, a. 2).

 

— Comment appelez-vous le lieu intermédiaire où se trouvent, après leur mort, ceux qui n’obtiennent pas tout de suite la récompense de leur vie méritoire ?

— On l’appelle le purgatoire (q. 71, a. 6 ; Appendice, II).

 

— Quelles sont les âmes qui occupent, après la mort, ce lieu intermédiaire qui est le purgatoire ?

— Ce sont les âmes des justes qui meurent dans la grâce de Jésus-Christ, mais qui, au moment de leur mort, se trouvent n’avoir pas entièrement satisfait à la justice de Dieu, pour la peine temporelle due au péché (ibid.).

 

— Le purgatoire est donc un lieu d’expiation où l’on doit, par des peines proportionnées, satisfaire à la justice de Dieu, avant de pouvoir être admis à la récompense du ciel ?

— Exactement, le purgatoire est cela ; et rien ne pouvait être plus en harmonie, soit avec la miséricorde de Dieu, soit avec sa justice (ibid.).

 

— Comment ou en quoi la miséricorde de Dieu éclate-t-elle dans l’expiation du purgatoire ?

— Elle éclate en ceci que, même après leur mort, Dieu donne aux âmes des justes, le moyen de satisfaire à sa justice et de se préparer ainsi à entrer dans le ciel, libres de toute dette envers cette justice. Mais elle éclate aussi en ce que, par la communion de saints, Dieu permet aux vivants qui sont sur la terre d’offrir, en forme de suffrages, leurs propres satisfactions, ou d’appliquer, en gagnant des indulgences à leur intention, les satisfactions de Jésus-Christ, de la sainte Vierge et des saints, au lieu et place des satisfactions que les chères âmes du purgatoire devraient donner à la justice de Dieu, et, par là, de hâter leur entrée dans le ciel (q. 71, a. 6).

 

— Parmi tous les actes que peuvent faire ou procurer les justes qui vivent sur la terre à l’effet d’abréger l’expiation des âmes du purgatoire, en est-il un qui soit plus particulièrement excellent ?

— Oui ; c’est l’oblation du saint sacrifice de la messe.

 

— Est-il important, quand on fait ou que l’on procure cette oblation en vue des âmes du purgatoire, que l’on ait soi-même une plus grande ferveur ?

— Oui ; car, lorsqu’il s’agit de satisfaire à la justice de Dieu dans l’ordre de la rémission des péchés, Dieu regarde sans doute la valeur de ce qu’on lui offre – et, dans l’oblation du saint sacrifice de la messe, cette valeur est infinie ; – mais il regarde, plus encore, la ferveur de celui qui offre : qu’il offre par lui-même, comme le prêtre ; ou qu’il offre par l’entremise ou le ministère d’un autre, comme les fidèles qui demandent au prêtre d’offrir en leur nom et à leur intention le saint sacrifice de la messe (q. 71, a. 9 ; Troisième Partie, q. 79, a. 5).

 

— C’est donc sur la ferveur de ceux qui demandent au prêtre d’offrir à leur intention le saint sacrifice de la messe, que Dieu mesure plus spécialement l’application du fruit du sacrifice ?

— Oui, il en est ainsi ; et cela montre combien ils doivent eux-mêmes s’exciter à la ferveur en faisant cette demande.

 

— Les œuvres satisfactoires que les justes font sur cette terre en les offrant à Dieu par mode de suffrages avec l’intention de les appliquer, soit aux âmes du purgatoire en général, soit à tel groupe d’âmes, soit à telle âme en particulier, sont-elles appliquées conformément à leur intention ?

— Oui ; et avec le degré de valeur que leur donne la ferveur du sujet qui les accomplit et les offre ainsi en esprit de charité (q. 71, a. 6).

 

— Peut-on aussi appliquer, soit aux âmes du purgatoire en général, soit à tel groupe d’âmes, soit à telle âme en particulier, les indulgences que l’on gagne et qui sont applicables aux âmes du purgatoire ?

— Oui, on le peut également ; et tout dépend ici de l’intention de celui qui les gagne, réglée elle-même par l’intention de l’Église que manifeste la teneur des termes qui fixent la concession (q. 71, a. 6 ; Code, 930).

 

— Quand se trouve achevée ou complète la satisfaction qu’elles devaient offrir à Dieu pour leurs péchés passés, les âmes qui étaient détenues au purgatoire, sont-elles immédiatement introduites dans le ciel ?

— Oui ; c’est tout de suite après qu’elles ont complété leur satisfaction, que les âmes des justes détenues au purgatoire en sont retirées pour être introduites au ciel (q. 69, a. 2 ; Appendice, II, 6).

 

45. Le ciel

 

— Qu’entendez-vous par le ciel ?

— J’entends le lieu où se trouvent, depuis le commencement du monde les anges bienheureux, et où sont admis tous les justes, rachetés du sang de Jésus-Christ, depuis le jour où Jésus-Christ y a fait son ascension glorieuse.

 

— Que faut-il pour que les justes, rachetés du sang de Jésus-Christ, soient ainsi admis dans le ciel ?

— Il faut qu’ils soient arrivés au terme de leur vie mortelle, et qu’ils n’aient aucune dette à payer à la justice de Dieu (q. 69, a. 2).

 

— Y a-t-il des âmes justes qui sont admises au ciel, tout de suite après la mort ?

— Oui ; ce sont les âmes qui ont reçu, avec un plein effet, l’application des mérites de Jésus-Christ ; ou qui ont offert à Dieu, sur cette terre, en union avec la satisfaction de Jésus-Christ, toute la plénitude de satisfaction qu’elles pouvaient devoir à Dieu pour leurs péchés (q. 69, a. 2).

 

— Les enfants qui meurent après avoir reçu le baptême et avant d’être arrivés à l’âge de pouvoir pécher, sont-ils admis au ciel tout de suite après leur mort ?

— Oui ; parce qu’ils n’ont plus le péché originel, qui, seul, aurait pu les empêcher d’entrer au ciel.

 

— En serait-il de même pour les adultes qui, ayant déjà commis des péchés mortels, recevraient le baptême avec de bonnes dispositions et mourraient tout de suite après ou avant d’avoir commis d’autre péché ?

— Oui ; parce que le sacrement de baptême applique dans toute leur plénitude ou avec un plein effet les mérites de la passion de Jésus-Christ (Troisième Partie, q. 69, a. 1, 2, 7, 8).

 

— Et ceux qui, après avoir commis des péchés, même mortels, depuis leur baptême et qui n’en avaient pas encore fait suffisamment pénitence, au moins quant à la satisfaction de la peine, mais qui, au moment de leur mort, donneraient leur vie à Dieu dans un acte de charité parfaite, pourraient-ils être également reçus dans le ciel tout de suite après leur mort ?

— Oui ; surtout quand cet acte de charité parfaite est le martyre (Deuxième Partie : Section Deuxième, q. 124, a. 3).

 

— Que deviennent les âmes des justes, dès qu’elles ont fait leur entrée dans le ciel ?

— Elles sont tout de suite admises à la vision de Dieu, qui les comble d’un bonheur en quelque sorte infini (Première Partie, q. 12, a. 11).

 

— Est-ce par elles-mêmes qu’elles peuvent ainsi voir Dieu ; ou faut-il qu’elles reçoivent, à cet effet, une perfection toute nouvelle, en plus des perfections d’ordre surnaturel qu’elles pouvaient avoir déjà par la grâce, les vertus et les dons ?

— Il faut qu’elles reçoivent une perfection toute nouvelle et qui est le couronnement dernier de toutes les autres perfections surnaturelles qu’elles avaient déjà (ibid., q. 12, a. 5).

 

— Comment s’appelle cette perfection et ce couronnement ?

— On l’appelle la lumière de gloire (ibid.).

 

— Qu’entendez-vous par cette lumière de gloire ?

— J’entends une qualité que Dieu produit dans l’intelligence des bienheureux et qui lui donne de pouvoir recevoir en elle comme principe propre de son acte de vision l’essence divine dans toute la splendeur de son infinie lumière (ibid.).

 

— Que résulte-t-il, pour le bienheureux, de cette union de l’essence divine avec son intelligence perfectionnée par la lumière de gloire ?

— Il en résulte qu’il voit Dieu comme Dieu se voit lui-même (ibid.).

 

— Est-ce là ce qu’on appelle la vision face à face ?

— Oui ; c’est la vision face à face, qui nous est promise dans la sainte Écriture et qui, nous rendant semblables à Dieu autant qu’une créature puisse l’être, devait être le dernier mot de tout dans l’œuvre divine.

 

— Est-ce pour cette vision de lui-même à communiquer aux bienheureux et pour l’infini bonheur qui leur en revient, que Dieu a créé toutes choses et les gouverne au cours de toute l’évolution du monde depuis le commencement jusqu’à la fin ?

— Oui ; c’est exactement pour cela ; et quand toutes les places qu’il a marquées dans son ciel seront remplies ; lorsque, par l’action de son gouvernement divin, il aura achevé la préparation du dernier élu qu’il a résolu, dans le mystère de sa libre et souveraine prédestination, d’y introduire, alors la marche actuelle du monde finira, et Dieu fixera le monde dans un état nouveau qui sera celui de la résurrection.

 

— Pouvons-nous savoir quand aura lieu la fin du monde actuel et quand Dieu doit fixer le monde dans l’état nouveau de la résurrection ?

— Non ; car ceci dépend uniquement du conseil de Dieu en ce qu’il a de plus intime et qui est l’ordre de sa prédestination.

 

— Les élus bienheureux qui jouissent déjà de la vision de Dieu dans le ciel s’intéressent-ils aux choses de la terre et du monde humain dans lequel ils ne sont plus ?

— C’est au plus haut point que les élus bienheureux qui jouissent déjà de la vision de Dieu dans le ciel s’intéressent aux choses de la terre et du monde humain, bien qu’ils n’y soient plus ; parce que c’est dans ce monde humain que continue à se dérouler le grand mystère de la prédestination divine et que l’accomplissement parfait de ce mystère doit coïncider avec le dernier achèvement de leur propre béatitude au jour de la résurrection glorieuse.

 

— Les élus qui sont déjà au ciel voient-ils tout ce qui se passe sur la terre ?

— Ils voient, dans la vision même de Dieu, tout ce qui, des choses de la terre, se rapporte plus particulièrement à eux dans l’accomplissement du mystère de la prédestination dans le monde.

 

— Connaissent-ils les prières qu’on leur adresse ; et aussi les besoins spirituels ou temporels de ceux qui les touchent de plus près ?

— Oui, assurément ; et ils sont toujours disposés à répondre à ces prières ou à pourvoir à ces besoins, en intervenant auprès de Dieu par leur intercession toute-puissante (q. 72, a. 1).

 

— D’où vient donc que nous ne ressentons pas toujours l’effet de leur intervention ?

— Parce que cette intervention se produit dans la pleine lumière de Dieu, où ce qui peut nous paraître un bien à nous et pour nous, ne l’est peut-être pas selon la vérité ou dans l’ordre du plan divin (q. 72, a. 3).

 

— En réalité, il peut donc y avoir un commerce continuel entre nous qui vivons sur la terre et les saints qui sont déjà au ciel, y jouissant de la vision de Dieu ?

— Oui ; ce commerce peut être continuel ; car il ne tient qu’à nous d’évoquer le souvenir de ces âmes saintes pour nous réjouir avec elles de leur bonheur et les prier de nous aider par leur intercession à le conquérir nous-mêmes.

 

46. L’enfer

 

— A l’extrême opposé du lieu d’éternelle béatitude qu’est le ciel, y a-t-il un autre lieu qui soit le lieu de l’éternelle damnation ; et de quel nom l’appelle-t-on ?

— Oui ; ce lieu existe ; et on l’appelle l’enfer (q. 69, a. 2).

 

— Qu’est-ce donc que l’enfer ?

— L’enfer est un lieu de tourments auquel sont condamnés tous ceux qui par leurs crimes se sont révoltés contre l’ordre de la Providence ou de la prédestination et ont été fixés dans ces crimes de façon à ne s’en convertir jamais.

 

— Quels sont ceux qui se trouvent dans ce cas ?

— Parmi les anges, ce sont tous les anges qui ont péché ; et, parmi les hommes, tous ceux qui sont morts dans l’impénitence finale (q. 69, a. 2).

 

— De ce que les damnés sont fixés dans le mal de façon à ne pouvoir plus revenir de leur obstination, que s’ensuit-il ?

— Il s’ensuit que les peines et les tourments qu’ils méritent en raison de leurs crimes dureront toujours et ne finiront jamais.

 

— Mais Dieu ne pourrait-il pas mettre un terme à ces peines ou à ces tourments ?

— Il le pourrait, de puissance absolue, puisque rien n’est impossible à sa toute puissance ; mais, dans l’ordre de sa sagesse, il ne saurait le faire : car, selon cet ordre, désormais immuable, les créatures raisonnables arrivées au terme de leur vie morale, se trouvent fixées pour toujours dans le bien ou dans le mal : et le mal durant toujours, il faut bien que le châtiment de ce mal dure de même (q. 99, a. 1, 2).

 

— C’est donc éternellement que les damnés devront subir les peines de l’enfer ?

— Oui ; c’est éternellement que les damnés devront subir les peines de l’enfer (ibid.).

 

— Et quelles sont ces peines que les damnés devront subir éternellement ?

— Ces peines sont de deux sortes ; savoir : la peine du dam, et la peine du sens (q. 97, a. 1, 2).

 

— Qu’entend-on par la peine du dam ?

— La peine du dam est constituée par la privation du bien infini qu’on possède au ciel dans la vision béatifique.

 

— Cette peine est-elle bien sensible aux réprouvés dans l’enfer ?

— Cette peine est et sera éternellement le tourment indicible des réprouvés de l’enfer.

 

— D’où vient que cette peine sera si cruellement ressentie par les réprouvés dans l’enfer ?

— Cela vient d’abord de ce qu’étant arrivés au terme, ils auront vu le néant de tous les autres biens qu’ils avaient recherchés au préjudice de celui-là et qu’ils auront alors la notion exacte de la grandeur du bien qu’ils ont perdu ; et ensuite de la conscience très nette qu’ils auront de l’avoir perdu uniquement par leur faute.

 

— Cette vue de leur conscience et de leur propre responsabilité dans la perte du bien infini, est-elle proprement ce que désigne l’Évangile sous le nom du ver rongeur qui ne meurt pas ?

— Oui ; car ce ver rongeur est ce qu’il y a de plus horrible pour un être conscient et il n’est autre que le remords dont la morsure devrait le tuer mille fois s’il pouvait mourir (q. 97, a. 2).

 

— Faut-il entendre aussi dans un sens métaphorique ou purement spirituel l’autre peine dont parle l’Évangile, et qu’il appelle le feu qui ne s’éteint pas ?

— Non ; ce feu doit s’entendre au sens d’un feu matériel ; car il désigne proprement la peine du sens (q. 97, a. 5).

 

— Mais comment un feu matériel peut-il agir sur des esprits ou sur des âmes séparées de leur corps ?

— Par un ordre spécial de la justice de Dieu qui communique à ce feu matériel, en raison de son action propre et de ce que cette action signifie, la vertu préternaturelle de servir d’instrument à cette justice (q. 70, a. 3).

 

— Est-ce de la même manière que tous les damnés seront tourmentés par le feu de l’enfer ?

— Non ; car étant l’instrument de la justice de Dieu, l’action de ce feu sera proportionnée à la nature, au nombre et à la gravité des péchés qui auront été commis par chacun (q. 97, a. 5, ad 3).

 

— Le supplice des damnés sera-t-il accru de l’affreuse compagnie que constituera cette horrible société où se trouveront tous les malfaiteurs et tous les criminels du genre humain, mélangés aux démons qui auront pour office de les tourmenter sous l’empire du premier d’entre eux, chef suprême du royaume du mal ?

— Oui ; très certainement, et c’est ce que paraît signifier l’Évangile quand il parle des ténèbres extérieures où sont les pleurs et les grincements de dents (q. 97, a. 3, 4).

 

47. De l’acte qui fait le départ entre le purgatoire, le ciel et l’enfer ; ou du jugement

 

— Par quel acte se fait le départ entre ceux qui vont immédiatement au ciel ou au purgatoire ou en enfer ?

— C’est par l’acte du jugement que ce départ se fait.

 

— Qu’entendez-vous par le jugement ?

— J’entends cet acte de la justice de Dieu qui prononce définitivement sur l’état d’un sujet donné en vue de la récompense ou du châtiment à recevoir.

 

— Quand est-ce que se fait cet acte souverain de la justice de Dieu ?

— Il se fait immédiatement après la mort, au moment où l’âme se trouve séparée du corps.

 

— Et où se fait cet acte du jugement ?

— Là même où a eu lieu cette séparation de l’âme et du corps qui constitue la mort.

 

— Par qui se fait l’acte du jugement ?

— L’acte du jugement se fait par Dieu lui-même, dont la vertu passe par l’humanité sainte du Verbe fait chair, depuis l’ascension de Jésus-Christ au ciel.

 

— Est-ce que l’âme qui est jugée voit Dieu ou l’humanité sainte de Jésus-Christ ?

— Il n’y a, à voir Dieu dans son essence ou même l’humanité sainte de Jésus-Christ qui est au ciel, que les âmes dont le jugement porte une sentence d’entrée immédiate dans le paradis.

 

— Et le jugement des autres âmes, comment se fait-il ?

— Il se fait par un coup de lumière qui met sous leurs yeux instantanément toute la suite de leur vie et leur montre que la place qu’elles reçoivent immédiatement, ou dans l’enfer, ou dans le purgatoire, est tout ce qu’il y a de plus juste et de plus mérité.

 

— C’est donc quasi par un même acte et comme dans le même instant que les âmes, aussitôt séparées de leur corps, se trouvent jugées et placées, en raison de ce jugement, dans l’enfer, ou au purgatoire, ou au ciel ?

— Oui ; c’est quasi par un même acte, et comme dans le même instant, tout cela se faisant par la toute-puissance de Dieu, qui agit instantanément.

 

— Et sur quoi porte ce grand acte du jugement ou que montre-t-il à l’âme qui est ainsi jugée ?

— Cet acte porte sur toute la suite de la vie morale et consciente, depuis le premier moment où l’on a eu l’usage de la raison, jusqu’au dernier acte qui a précédé la séparation même de l’âme d’avec le corps.

 

— Ce dernier acte qui aura précédé la séparation de l’âme d’avec le corps, aura-t-il pu, à lui tout seul, quelquefois, décider du sort d’une âme pour toute l’éternité, et lui valoir l’obtention du ciel ?

— Oui ; mais il ne le fait jamais qu’en raison d’une miséricorde très spéciale de Dieu et parce que, le plus souvent, d’autres actes dans la vie du sujet auront en quelque sorte préparé cette grâce, ou en raison de prières d’âmes saintes qui auront incliné Dieu à cet acte de suprême miséricorde.

 

— Et que verra l’âme qui est ainsi jugée, dans cette lumière qui met sous ses yeux instantanément toute la suite de sa vie et lui montre que la place qu’elle reçoit à l’instant même, ou dans l’enfer, ou au purgatoire, ou dans le ciel, est tout ce qu’il y a de plus juste et de plus mérité ?

— Elle verra, jusque dans leur plus menu détail, tous les actes accomplis par elle et dont elle a pu être responsable au cours de toute sa vie, quelque longue qu’elle ait pu être, et pour chacune des journées qui ont composé le cours de cette vie, et pour chacun des instants qui ont composé ces journées : ses pensées les plus intimes et les plus changeantes ; ses affections, quel qu’ait été leur objet, ou leur caractère, ou leur mouvement intérieur et extérieur ; ses paroles graves ou légères, mûries ou inconsidérées, et vaines ou oiseuses ; ses actes et la part qu’y auront eue ses sens ou les organes et les membres de son corps ; – dans l’ordre de chaque vertu et de chaque vice, depuis la vertu de tempérance avec tout ce qui s’y rattache, en passant par la vertu de force et ses annexes, la vertu de justice et ses infinies ramifications, la vertu de prudence et ses applications de chaque instant dans la pratique des vertus morales, qu’il s’agît de la pratique de ces vertus sous leur raison de vertus naturelles, ou sous leur raison de vertus surnaturelles et infuses ; mais plus encore et par-dessus tout, en ce qui est des grandes vertus théologales de foi, d’espérance et de charité, qui devaient tout commander dans sa vie. Elle verra ce qu’elle aura fait du sang de Jésus-Christ et de tous les mystères du salut attachés à ce sang rédempteur par l’usage des sacrements de la grâce dispensés dans l’Église catholique : comment elle aura négligé ou utilisé la grande vertu de pénitence avec les satisfactions qu’elle lui offrait par l’entremise du pouvoir souverain des clefs. Et ce sera cette vue instantanée qui lui fera dire, ou avec la joie reconnaissante des élus dans le ciel, ou avec la résignation aimante des justes dans le purgatoire, ou avec la rage désespérée des damnés dans l’enfer : votre jugement, ô Dieu, et votre sentence, sont la justice même.

 

48. Du lieu de ceux qui ne sont pas jugés : le limbe des enfants

 

— Y a-t-il des êtres humains qui, au moment de leur mort, ne soient pas soumis au jugement ?

— Oui, ce sont tous les enfants qui meurent avant l’âge de raison, ou ceux qui, même adultes, meurent sans avoir eu l’usage de la raison (q. 69, a. 6).

 

— N’y a-t-il pas cependant un départ qui se fait entre ces enfants ou ceux qui meurent ainsi sans avoir eu l’usage de raison ?

— Oui ; mais ce n’est pas en raison de leurs mérites et de leurs démérites ; et il ne se fait point par mode de jugement.

 

— Comment donc se fait ce départ ?

— Il se fait par cela seul que les uns ont reçu le sacrement de baptême et que les autres ne l’ont pas reçu.

 

— Où vont ceux qui ont reçu le sacrement de baptême ?

— Ils vont immédiatement au ciel.

 

— Et ceux qui n’ont pas reçu le sacrement de baptême, où vont-ils ?

— Ils vont dans un lieu spécial qui leur est réservé et qu’on appelle du nom de limbe.

 

— Le limbe des enfants morts sans baptême, est-il un lieu qui se distingue de l’enfer et du purgatoire ?

— Oui ; le limbe des enfants morts sans baptême est un lieu distinct, autre que l’enfer et le purgatoire, parce que, à la différence de l’enfer et du purgatoire, ce n’est pas un lieu où l’on souffre de la peine du sens pour des péchés personnels (q. 69, a. 6).

 

— Est-ce que, dans ce limbe, les enfants morts sans baptême subissent la peine du dam ?

— Oui ; car ils se savent privés éternellement du bien infini qu’est la vision de Dieu ; mais cette peine n’a point pour eux le caractère de suprême torture qu’elle a pour les damnés qui sont dans l’enfer (Appendice, q. 1, a. 2).

 

— D’où vient cette différence dans le caractère de la peine du dam pour les enfants morts sans baptême ?

— Elle vient de ce que, s’ils se savent privés de la vision de Dieu, ils savent aussi que cette peine les atteint, non en raison d’une faute personnelle commise par eux, mais seulement en raison de leur naissance d’Adam pécheur, ou en raison du péché de nature qu’ils ont personnellement contracté du seul fait de leur naissance (ibid.).

 

— Il n’y donc pas chez eux l’horrible ver rongeur qui tourmente les damnés qui sont dans l’enfer ?

— Nullement ; mais une sorte d’état qui, sans impliquer la souffrance ou la tristesse, fait cependant qu’ils auront conscience du bonheur qu’ils auraient pu avoir si les mérites de la rédemption leur eussent été appliqués et qu’ils n’auront jamais, sans qu’il y ait eu de leur faute, mais par un juste décret des insondables conseils de Dieu (ibid.).

 

— Est-ce que les âmes de ces enfants morts sans baptême, connaissent les mystères de la rédemption ?

— Assurément ; mais ils les connaissent d’une connaissance tout extérieure, si l’on peut ainsi dire (ibid.).

 

— Peut-on dire de ces âmes qu’elles aient la lumière de la foi ?

— Non ; on ne peut pas dire de ces âmes qu’elles aient la lumière de la foi, au sens de cette lumière intérieure surnaturelle qui perfectionne l’intelligence et lui permet de pénétrer d’une certaine manière l’intime des mystères révélés avec un certain goût d’ordre surnaturel qui porte à les désirer d’un désir efficace : ils ne les connaissent que du dehors, un peu comme tous ceux qui ne peuvent pas ne pas s’avouer la vérité des mystères divins affirmés par Dieu, mais qui ne sont point portés, par un mouvement de la grâce, à adhérer surnaturellement à ces mystères, et qui sont dans l’impuissance radicale d’en pénétrer le sens intime.

 

— C’est donc une sorte de lumière tout extérieure et froide, que celle qui leur fait connaître les mystères de la foi ?

— Oui ; très exactement, c’est une lumière qui n’est ni une lumière de révolte comme dans les damnés de l’enfer, ni une lumière d’adhésion ardente engendrant l’espérance et la charité, comme l’était celle des justes sur la terre, ni encore moins une lumière de vision enivrante comme pour les élus qui sont au ciel ; mais une lumière en quelque sorte éteinte dans l’ordre surnaturel, qui n’est ni une lumière de vie, ni une lumière de mort, au sens où elle l’est pour les damnés : c’est une lumière sans espérance qui n’engendre point le remords, ni même le regret, et qui seulement leur fait prendre conscience d’un bonheur infini qu’ils n’auront jamais, sans qu’il y ait cependant pour eux ni pleurs, ni grincements de dents, comme pour les damnés dans l’enfer : bien plus, il y aura pour eux une très grande joie à la pensée de biens d’ordre naturel qu’ils ont déjà reçus de Dieu ou qu’ils recevront plus tard et pour toujours au moment de la résurrection (ibid., ad 5).

 

— A côté du limbe où sont les âmes des enfants morts sans baptême, n’y a-t-il pas aussi un autre limbe dont il est fait mention, dans la langue de l’Église ?

— Oui ; c’est le limbe où étaient autrefois les justes qui n’avaient plus aucun empêchement personnel à recevoir la récompense du ciel, mais qui devaient attendre pour la recevoir la venue du rédempteur (q. 69, a. 7).

 

— Dans ce limbe des anciens justes, n’y a-t-il plus personne maintenant ?

— Depuis le jour où Jésus-Christ qui était descendu dans ce limbe au moment de sa mort, en remonta au jour de sa résurrection, emmenant avec lui toutes les âmes des justes qui y étaient détenues, ce lieu n’a plus ni ne peut plus avoir sa première destination ; mais il se peut qu’il soit affecté depuis lors à recevoir les âmes des enfants morts sans baptême, ne faisant plus qu’un avec le limbe des enfants.

 

49. De la fin du monde et de ce qui doit la suivre

 

— Il a été dit que lorsque le dernier élu marqué par Dieu dans le mystère de la prédestination pour occuper une place dans le ciel, aura atteint le degré de préparation et de mérite que Dieu veut lui faire atteindre, aussitôt la marche du monde sera arrêtée et le monde finira ; mais en quoi consistera cette fin du monde, et qu’est-ce qui la suivra : tout se ramènera-t-il à la réception du dernier élu dans le ciel et à l’assignation simultanée de la place que motiveront pour les autres, leurs mérites ou leur état, soit dans l’enfer, soit au limbe des enfants ?

— Nullement ; car cette fin du monde sera immédiatement suivie des deux plus grands événements qui furent jamais, et qui mettront le sceau à tout dans l’œuvre de Dieu, savoir : la résurrection et le jugement.

 

— Et la fin du monde, en quoi consistera-t-elle, et comment se fera-t-elle ?

— L’apôtre saint Pierre nous enseigne que ce sera par le feu, au moment même où Jésus-Christ devra revenir dans sa gloire pour juger les vivants et les morts (q. 74, a. 1, 2).

 

— Sera-ce comme préparation au jugement que se fera cette conflagration universelle qui mettra fin au monde actuel ?

— Oui ; ce sera comme préparation au jugement, afin de purifier toutes choses et de les rendre dignes de l’état nouveau qui devra les mettre en harmonie avec la gloire des élus (q. 74, a. 1).

 

— Ce feu de la conflagration finale agira-t-il par sa seule vertu, ou aussi comme instrument de la vertu divine ?

— Il agira aussi comme instrument de la vertu divine, notamment pour l’expiation des âmes qui auraient dû peut-être demeurer un temps plus ou moins long dans les flammes du purgatoire (q. 74, a. 3-8).

 

— C’est donc quasi instantanément que ces âmes se trouveront purifiées et rendues dignes d’être admises parmi les élus ?

— Oui ; ce sera quasi instantanément, la vertu de ce feu purificateur étant graduée par Dieu selon le degré de l’expiation à subir.

 

— Savons-nous quand aura lieu cette conflagration finale ?

— Non ; nous ne le savons pas ; mais cependant elle sera précédée de certains signes qui avertiront de la prochaine venue du souverain juge.

 

— Quels seront ces signes ?

— Ce seront des troubles insolites dans toute la nature, qui feront, selon le mot de l’Évangile, que les hommes sécheront de frayeur.

 

— Pouvons-nous les déterminer d’une façon précise ?

— Non ; mais ils seront tels, que lorsqu’ils se produiront, les âmes saintes ou simplement sincères et non obstinées dans le mal par un volontaire aveuglement, pourront reconnaître la prochaine venue du juge, de façon à se préparer à sa venue.

 

50. La résurrection

 

— Aussitôt après la conflagration finale, ou en même temps, que se passera-t-il ?

— Aussitôt après la conflagration finale, ou en même temps, et peut-être comme cause qui l’amènera, retentira l’ordre, la voix, le son de trompette dont parle saint Paul, dans sa première épître aux Thessaloniciens, qui éveillera les morts de leurs tombeaux et convoquera tous les hommes à comparaître devant le juge des vivants et des morts, descendant du ciel dans tout l’éclat de sa majesté et de sa gloire (q. 75, a. 1).

 

— Quels sont ceux qui ressusciteront à ce moment ?

— Ce seront d’abord tous ceux qui étaient morts depuis le commencement ; mais aussi ceux-là mêmes qui auront été trouvés vivants quand Jésus-Christ aura apparu dans les nuées du ciel et que le son de la trompette aura retenti.

 

— Ces derniers ressusciteront-ils, eux aussi, comme retournant de la mort à la vie ?

— Oui ; car même si tout se passe quasi instantanément, comme semble le marquer saint Paul dans sa première épître aux Corinthiens (ch. 15, v. 51), la vertu de Dieu qui agira par les créatures en ce moment sera telle que les hommes trouvés vivants passeront par une mort instantanée et seront reconstitués tout de suite dans l’état définitif qui devra être le leur, selon leurs mérites, pour toute l’éternité (q. 78, a. 1, 2).

 

— C’est donc dans l’état et avec toutes les qualités des corps glorieux que ressusciteront ou que seront instantanément transformés les corps de toutes les âmes qui viendront du ciel ou sortiront du purgatoire et de tous les justes trouvés vivants en ce moment sur la terre ?

— Oui ; et tous ensemble, se trouveront aussitôt rangés au-devant du corps glorieux de Jésus-Christ, dont la venue aura été la cause même de leur résurrection.

 

— Mais ces corps glorieux ressuscités qui seront ceux de tous les élus, seront-ils vraiment les mêmes corps qu’ils avaient autrefois quand ils vivaient sur la terre ?

— Assurément, ce seront leurs mêmes corps, avec cette seule différence, qu’ils n’auront aucune des imperfections ou des misères qu’ils avaient alors, et qu’ils auront, au contraire, des propriétés et des perfections qui les rendront, en quelque sorte, spirituels (q. 79-81).

 

— Comment tout cela pourra-t-il se faire ?

— Par la toute-puissance de Dieu, qui, ayant une première fois créé toutes choses, peut les mouvoir et les transformer comme il lui plaît.

 

— Quelles seront ces propriétés nouvelles des corps ressuscités qui les rendront en quelque sorte spirituels ?

— Ce seront : l’impassibilité ; la subtilité ; l’agilité ; la clarté.

 

— Que sera l’impassibilité des corps glorieux ?

— Ce sera le parfait domaine et l’absolue maîtrise de l’âme sur le corps, qui ne permettra pas que le corps puisse en rien être soustrait à l’action de l’âme sur lui et se trouver en défaut ou en souffrance (q. 82, a. 1).

 

— Cette impassibilité sera-t-elle la même chez tous ?

— Oui, en ce sens qu’aucun d’eux ne pourra jamais être en défaut ou souffrir en échappant au domaine de l’âme ; mais la vertu de ce domaine ou sa puissance sera proportionnée à la gloire de l’âme, qui sera diverse selon le degré même de la vision béatifique pour chaque élu (q. 82, a. 2).

 

— S’ensuivra-t-il, de cette impassibilité, que les corps glorieux seront insensibles ?

— Nullement ; ils seront, au contraire, d’une sensibilité exquise et portée à sa plus haute puissance ; mais sans aucun mélange de trouble ou d’imperfection. C’est ainsi que l’œil du corps glorieux verra d’une vue infiniment plus perçante ; que son oreille entendra d’une ouïe sans comparaison plus fine ; que tous ses autres sens percevront, chacun, leur objet propre, et, tous ensemble, leurs divers objets sensibles, comme avec une intensité de perfection qu’il nous est impossible de soupçonner, sans que jamais l’objet qui agira sur eux fasse autre chose que leur fournir matière aux perceptions les plus exquises (q. 82, a. 3, 4).

 

— Et la subtilité des corps glorieux, que sera-t-elle ?

— La subtilité des corps glorieux consistera en un fini de perfection dans leur nature, dû à l’action souveraine de leur forme substantielle, l’âme glorifiée, qui, tout en leur laissant leur nature propre de corps véritables, non fantastiques ou aériens, leur donnera quelque chose de si pur ou de si éthéré, qu’ils n’auront plus rien de ce qui maintenant les rend grossiers ou épais (q. 83, a. 1).

 

— Cette subtilité fera-t-elle qu’ils pourront naturellement se trouver dans le même lieu occupé déjà par un autre corps, ou indépendants eux-mêmes de tout lieu et n’occupant aucun espace ?

— Nullement ; ils garderont tous et toujours leurs dimensions propres et n’occuperont jamais qu’un seul lieu, qui sera le leur et non simultanément celui des autres corps (q. 83, a. 2).

 

— Ce n’était donc point en vertu ou en raison de la qualité de subtilité qui sera celle des corps glorieux, que le corps de Jésus-Christ ressuscité pénétrait dans le cénacle à travers les portes closes ?

— Non ; c’était par la vertu divine qui était en Jésus-Christ ; de même que cela avait été par la vertu divine, que le corps de Jésus enfant était venu au monde sans nuire en rien à la virginité de Marie, sa Mère (q. 83, a. 2, ad 1).

 

— Que faut-il entendre par l’agilité qui sera la propriété des corps glorieux ?

— L’agilité des corps glorieux sera une certaine perfection qui découlera de l’âme glorifiée sur le corps, le soumettant pleinement à l’âme selon qu’elle en est le principe moteur, et, par suite, le rendant apte et merveilleusement prompt à obéir à l’esprit dans tous les mouvements et dans toutes les actions de l’âme (q. 84, a. 1).

 

— Les saints useront-ils de cette dot de leurs corps glorieux ?

— Ils en useront très certainement pour se ranger autour de Jésus-Christ au moment du jugement ; et pour remonter avec lui dans le ciel. Mais, même une fois au ciel, il est vraisemblable qu’ils se mouvront parfois au gré de leur volonté, pour faire éclater la sagesse divine dans l’usage même de cette dot de l’agilité qu’elle leur aura départie ; et aussi pour rassasier leur vue de la beauté des diverses créatures, dans tout l’univers, dans lesquelles reluira de façon suréminente la sagesse de Dieu (q. 84, a. 2).

 

— Est-ce instantanément que les corps des saints seront mus en vertu de leur agilité ?

— Non ; car il faudra que ce mouvement se fasse dans une durée de temps ; seulement, cette durée sera imperceptible, tant elle sera brève et le mouvement rapide (q. 84, a. 3).

 

— Que faudra-t-il entendre par la quatrième propriété des corps glorieux qui s’appelle la clarté ?

— On doit entendre, par là, que de la splendeur de l’âme glorifiée rejaillira sur le corps un merveilleux éclat, qui fera que tout ensemble ces corps glorieux seront lumineux et transparents : transparents comme le cristal le plus pur ; lumineux et éblouissants, d’un éclat semblable à celui du soleil ; sans que toutefois cet éclat nuise en rien à leur couleur naturelle ou à celle de leurs parties, mais qui s’harmonisera, au contraire, à leur variété, pour la rehausser, et donner aux corps glorieux dans leur ensemble une beauté plus divine qu’humaine (q. 85, a. 1).

 

— Cette clarté des corps glorieux sera-t-elle la même pour tous ?

— Non pas ; car elle ne sera que le rejaillissement sur le corps de la clarté spirituelle de l’âme glorifiée ; et, par suite, elle sera proportionnée au degré de gloire qui sera celui de l’âme. Et c’est pourquoi saint Paul, voulant nous faire entendre quelque chose de cette variété des corps glorieux, dans l’éclat de la résurrection, nous dit qu’il en sera de ces corps glorieux, comme des corps célestes, où autre est l’éclat du soleil, autre l’éclat de la lune, et autre l’éclat des étoiles ; même une étoile diffère en éclat d’une autre étoile (1 Co 15, 41).

 

— La diversité des corps glorieux formera donc un ensemble d’incomparable beauté ?

— Assurément ; et toutes les splendeurs du monde matériel, en ce qu’il a de plus magnifique, sans en excepter celles des corps célestes, ne sauraient nous en donner qu’une idée très imparfaite et très lointaine.

 

— Est-ce que cette clarté des corps glorieux, pourra être vue de l’œil des corps non glorieux ?

— Oui ; et même les corps des damnés l’apercevront dans toute sa splendeur (q. 85, a. 2).

 

— Sera-t-il cependant au pouvoir de l’âme de laisser voir ou non cette clarté de son corps glorifié ?

— Oui, il sera au pouvoir de l’âme de laisser voir ou non cette clarté de son corps glorifié ; car cette clarté viendra entièrement de l’âme, et lui demeurera totalement soumise (q. 85, a. 3).

 

— Dans quel état ou à quel âge ressusciteront les corps des bienheureux ?

— Ils ressusciteront tous à l’âge qui doit être celui de la nature dans son plus parfait développement (q. 81, a. 1).

 

— En sera-t-il de même pour les corps des damnés ?

— Oui ; avec cette différence que les corps des damnés n’auront aucune des quatre qualités des corps glorieux (q. 86, a. 1).

 

— S’ensuit-il que les corps des damnés seront corruptibles ?

— Nullement ; car le règne de la corruptibilité et de la mort sera à tout jamais fini (q. 86, a. 2).

 

— Ils seront donc tout ensemble passibles et immortels ?

— Oui, Dieu disposant ainsi toutes choses, dans sa justice et sa puissance, qu’aucun agent extérieur ne pourra agir sur les corps des damnés pour les altérer et les détruire et que cependant tout sera pour eux, notamment le feu de l’enfer, une cause de douleur et de torture (q. 86, a. 2, 3).

 

— Et les enfants morts sans baptême, dans quel état retrouveront-ils leur corps, au moment de la résurrection ?

— Ils le retrouveront dans un état d’entière perfection naturelle, mais sans aucune des qualités des corps glorieux, avec ceci toutefois qu’ils n’éprouveront aucune douleur, à la différence des corps des damnés (voir Appendice, 1, 2).

 

51. Le jugement dernier

 

— Est-ce que tous les hommes, aussitôt après qu’ils seront ressuscités, se trouveront en présence du souverain juge ?

— Oui, tous les hommes, aussitôt après qu’ils seront ressuscités, se trouveront en présence du souverain juge (q. 89, a. 5).

 

— Sous quelle forme apparaîtra le souverain juge au moment du jugement ?

— Il apparaîtra sous la forme de son humanité sainte, dans toute la gloire qui lui revient en vertu de son union à la personne du Verbe et de son triomphe sur toutes les puissances du mal (q. 90, a. 1, 2).

 

— Est-ce que tous les hommes verront cette gloire du souverain juge apparaissant dans tout son éclat ?

— Oui ; tous les hommes verront cette gloire du souverain juge apparaissant dans tout son éclat (ibid.).

 

— Tous le verront-ils aussi dans la gloire de sa nature divine ?

— Non ; il n’y aura à le voir ainsi dans la gloire de sa nature divine, que les seuls élus, dont l’âme jouira de la vision béatifique (q. 90, a. 3).

 

— Est-ce que tous les hommes qui paraîtront devant le souverain juge seront compris dans le jugement ?

— Non ; il n’y aura, à être compris dans le jugement, que ceux qui auront eu l’usage de la raison, quand ils vivaient sur la terre.

 

— Les autres ne seront-ils pas jugés ?

— Non ; les autres ne seront pas jugés, mais ils seront présents, pour qu’à leurs yeux éclate, comme aux yeux de tous, la souveraine justice des jugements de Dieu, et la gloire de Jésus-Christ dans toute la suite des mystères de la rédemption (q. 89, a. 5, ad 3).

 

— Est-ce que tous les hommes qui auront eu l’usage de la raison, quand ils vivaient sur la terre, seront jugés au jour du jugement ?

— Ils seront tous jugés, quant au départ ou au partage qui en sera fait ; les uns, prenant place à la droite du juge, pour entendre la sentence de bénédiction ; et les autres, à sa gauche, pour entendre la sentence de malédiction. Mais il s’agit du procès de leurs actes et du fait d’être convaincus de la méchanceté de ces actes, à la face du ciel et de la terre, il n’y aura à être jugés que les seuls réprouvés (q. 89, a. 6, 7).

 

— Cette conviction de la méchanceté de leurs actes à la face du ciel et de la terre, sera-t-elle d’une grande confusion pour les réprouvés ?

— Elle sera, pour eux, la confusion suprême et une torture indicible ; précisément, parce qu’au fond de tout péché, surtout de tout péché grave, se cache un insupportable orgueil, et qu’au jour du jugement il faudra confesser, dans la pleine lumière du souverain juge qui ne laissera plus rien de caché, les agissements et les menées les plus occultes de cet orgueil secret, père de tous les vices.

 

— Tout le mal qui aura été fait au cours de la vie, sera-t-il mis à nu, à la face de tous, au jour du jugement ?

— Oui ; tout le mal qui aura été fait au cours de la vie sera ainsi mis à nu, à la face de tous, au jour du jugement, de quelque nature d’ailleurs qu’ait pu être ce mal : soit dans l’ordre de la vie individuelle et privée ; soit dans l’ordre de la vie de famille ou de la vie de société parmi les hommes : avec tout ce que cette vie de société aura pu avoir de particulièrement néfaste, en raison de l’action publique qu’on aura pu y exercer ; soit dans l’ordre du pouvoir ; soit dans l’ordre de la parole ; soit dans l’ordre des écrits. Il y aura même cette particularité, que plus on aura été applaudi sur la terre, ou exalté et loué, par la faveur du monde ou par l’intrigue des ennemis de Dieu, de Jésus-Christ et de son Église, plus, en ce jour du jugement dernier, on se sentira accablé sous le poids de l’universelle réprobation (q. 87, a. 1, 2, 3).

 

— Comment se fera cette manifestation de la vie entière d’un chacun à la face du ciel et de la terre, sous les yeux du souverain juge ?

— Cette manifestation se fera par un coup de cette même lumière divine, qui, au moment du jugement particulier, montre à chacun, instantanément, toute la suite de sa vie morale ; avec ceci de très spécial, que toutes les consciences se trouveront instantanément mises à nu, aux regards de tous, dans cette assemblée unique où seront présents tous les hommes qui auront jamais existé depuis le commencement du monde jusqu’à la fin (ibid.).

 

— Est-ce que la conscience des justes, ou toute la suite de leur vie morale, sera également manifestée aux yeux de tous ?

— Assurément ; et c’est ce qui constituera la sublime et divine revanche de leur humilité ou de leur effacement sur cette terre ; c’est, en effet, ce jour-là, qu’aura sa réalisation parfaite la parole de Jésus-Christ dans l’Évangile : Celui qui s’élève sera abaissé ; et celui qui s’abaisse sera élevé (q. 89, a. 6).

 

— Peut-on dire que les justes ne seront pas jugés en ce qui est de la discussion de leurs actes ?

— On peut et on doit le dire pour les justes dont la vie a été entièrement sainte sans aucun mélange de mal notable, comme il arrive pour ceux qui, foulant aux pieds toutes les vanités du monde, mettent toute leur sollicitude à vivre des choses de Dieu ; mais s’il s’agit de ceux qui auront aimé les choses du siècle et se seront trouvés mêlés ou impliqués dans les affaires de la terre, sans pourtant les préférer à Jésus-Christ, au point de la perdre pour toujours ; qui, au contraire, se seront appliqués à réparer par l’aumône et la pénitence les torts qu’ils auront pu avoir : ceux-là auront la double part de leur vie exposée aux regards de tous, afin que la prééminence du bien sur le mal soit pleinement manifestée, à la gloire de la justice divine (ibid.).

 

— Toutes les fautes qu’on aura commises, au cours de sa vie, mais dont on aura fait pénitence, seront-elles manifestées au jour du jugement ?

— Oui ; pour la raison qui vient d’être dite ; mais cette manifestation tournera à la gloire des justes, en raison de la pénitence qu’ils auront faite de leurs fautes, et dans la mesure même où cette pénitence aura été plus généreuse et plus fervente (q. 87, a. 2, ad 3).

 

— Y aura-t-il des justes, qui, loin d’être jugés, au jour du jugement, auront eux-mêmes la qualité de juges, et assisteront, dans l’acte de son jugement, le souverain juge ?

— Oui ; ce seront tous ceux qui, à l’exemple des apôtres de Jésus-Christ, auront tout laissé pour se donner à Dieu et dont la vie n’aura été qu’une sorte de proclamation de l’Évangile dans toute sa perfection (q. 89, a. 1, 2).

 

— Est-ce que les anges auront eux aussi la qualité de juges, au jour du jugement ?

— Non ; les anges n’auront pas la qualité de juges au jour du jugement ; parce qu’il faut que les assesseurs du juge lui ressemblent : or, c’est comme homme, que le Verbe de Dieu exercera sa fonction de souverain juge ; il n’y aura donc que des hommes à l’assister dans ce jugement (q. 89, a. 7).

 

— Les anges pourront-ils être jugés au jour du jugement ?

— Non ; à proprement parler, les anges ne seront pas jugés au jour du jugement ; parce que ce jugement a été déjà fait pour eux au début quand les uns, demeurés fidèles à Dieu, furent admis dans le ciel, et quand les autres, rebelles, furent précipités dans l’enfer. Toutefois, en raison de la part que les bons anges auront eue dans les actions des justes, et les mauvais anges dans les actions des méchants, ils se trouveront indirectement mêlés au jugement pour recevoir eux-mêmes un surcroît de bonheur accidentel ou une augmentation de supplice et de torture (q. 89, a. 3).

 

— Comment se termineront ces solennelles assises du jugement dernier ?

— Elles se termineront par le prononcé de la sentence que formulera le souverain juge.

 

— Savons-nous quelle sera cette sentence ?

— Oui ; car celui-là même qui doit la prononcer, nous en a instruits dans son Évangile.

 

— Quelle sera cette sentence ?

— La voici, dans la teneur même où l’Évangile nous la révèle : « Alors, le roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, les bénis de mon Père, possédez le royaume qui a été préparé pour vous, dès la constitution du monde. — Il dira aussi à ceux qui seront à sa gauche : Partez d’auprès de moi, les maudits ! vers le feu éternel, le feu qui a été préparé pour le diable et ses anges. »

 

— Quelle sera la suite de cette double sentence ?

— Ce sera qu’« ils s’en iront : ceux-ci, au supplice éternel ; et les justes, à la vie éternelle ».

 

52. Le supplice éternel

 

— La sentence du souverain juge à l’endroit des damnés sera-t-elle exécutée par l’entremise des démons ?

— Oui ; à peine la sentence du souverain juge sera-t-elle prononcée, que, par la vertu même de cette sentence, les damnés seront abandonnés à l’action des démons, qui leur étant supérieurs par nature, et s’étant fait obéir d’eux, pour le mal, sur la terre, continueront, pendant toute l’éternité, à exercer sur eux, comme juste châtiment, l’affreux empire de leur méchanceté (q. 89, a. 4).

 

— Le fait d’avoir retrouvé leur corps et d’être désormais en enfer avec leur corps et leur âme, sera-t-il pour les damnés une nouvelle cause de tourments ?

— Oui ; assurément, car désormais, ils souffriront, non seulement dans leur âme, comme auparavant, mais aussi dans leur corps (q. 97).

 

— Cette torture qu’ils subiront dans leur corps sera-t-elle universelle et intense ?

— Oui ; car il ne sera rien, dans le lieu de tourment où ils seront, qui ne soit pour eux, dans la perception même de leurs sens, une cause d’atroce torture. Toutefois, ces tortures ne seront point les mêmes pour tous ; parce qu’elles seront porportionnées au nombre et à la gravité des fautes commises par chacun (q. 97, a. 1 ; a. 5, ad 3).

 

— N’y aura-t-il jamais aucun adoucissement à ces tortures des damnés ?

— Non, il n’y aura jamais aucun adoucissement à ces tortures des damnés ; parce que leur volonté étant obstinée dans le mal, ils se trouveront toujours dans le même état de perversité qui aura fixé leur sort au moment de leur mort et du jugement (q. 98, a. 1, 2 ; q. 99, a. 1).

 

— Cette volonté des damnés obstinés dans le mal, impliquera-t-elle une haine universelle de tous et de tout ?

— Oui, cette volonté des damnés, obstinés dans le mal, impliquera une haine universelle de tous et de tout : de telle sorte qu’ils ne penseront à rien, ni à personne, qu’il s’agisse des créatures, ou qu’il s’agisse de Dieu, sans éprouver aussitôt une haine affreuse qui leur fera souhaiter le mal de tous et de tout, au point que, s’il se pouvait, ils voudraient voir Dieu lui-même et tous ses bienheureux, dans l’enfer où ils se trouvent, et que, dans la rage de leur désespoir, ils n’auront d’autre ressource que d’aspirer à se voir anéantir, sans que d’ailleurs ils puissent jamais espérer que le néant leur réponde, sachant, à n’en pouvoir douter, qu’ils sont pour jamais chargés de la malédiction divine et condamnés sans possibilité de rémission, au supplice éternel (q. 98, a. 3, 4, 5).

 

53. La vie éternelle

 

— Tandis que les damnés seront livrés par la sentence du souverain juge à l’action des démons qui les emporteront avec eux au lieu de l’éternel supplice, quel sera l’effet de la sentence du souverain juge à l’endroit des élus ?

— Cette sentence fera qu’aussitôt s’ouvriront pour eux toutes grandes les portes du royaume des cieux qui leur a été préparé par le Père depuis la constitution du monde.

 

— Est-ce immédiatement que les élus feront tous leur entrée dans le ciel ?

— Oui, c’est immédiatement et aussitôt que seront levées les solennelles assises du jugement dernier, que les élus feront leur entrée dans le ciel, à la suite de leur Seigneur et Roi, le Christ Jésus qui les emmènera avec lui pour leur faire part de son bonheur et de sa gloire.

 

— Ce bonheur et cette gloire des élus se trouveront-ils accrus du fait que maintenant ils ont retrouvé leur corps ?

— C’est dans des proportions qu’il nous est impossible de soupçonner, que le bonheur et la gloire des élus se trouveront accrus du fait qu’ils ont maintenant retrouvé leur corps ; bien que, auparavant, ceux qui étaient déjà au ciel, goûtassent du seul fait de la vision béatifique, un bonheur en quelque sorte infini (q. 93, a. 1).

 

— Y aura-t-il, dans le ciel, des places distinctes et les élus y formeront-ils une assemblée particulièrement belle en raison de sa diversité et sa subordination harmonieuse ?

— Oui ; car c’est le degré de la charité ou de la grâce qui aura fixé le degré de la gloire : mais, en raison même de cette charité, dont le moindre degré suffit pour introduire au ciel, il s’ensuivra que tous les bienheureux se communiqueront, en quelque sorte, la joie de leur propre bonheur, et que tous y seront heureux du bonheur de tous, Dieu, dans son infini bonheur, étant tout en tous, bien qu’à des degrés divers (q. 93, a. 2, 3).

 

— Dans cette assemblée des élus, les hommes auront-ils quelque chose que les anges n’auront pas, du moins au même titre ?

— Oui ; car les hommes formeront, à un titre spécial, l’Église triomphante, qui, dans le ciel et pendant toute l’éternité, se comparera à Jésus-Christ comme une épouse à son époux, célébrant avec lui, au milieu d’ineffables délices, un éternel festin de noces spirituelles (q. 95, a. 1, 2).

 

— Les anges, pourtant, ne seront pas exclus de cette raison de festin de noces spirituelles ?

— Non, certes ; mais, tout en faisant partie de l’Église triomphante, ils n’auront pas avec le roi de cette Église qui sera Jésus-Christ, le même rapport qu’aura la partie de l’Église triomphante constituée par les hommes (q. 95, a. 4).

 

— En quoi consistera cette différence ?

— Elle consistera en ce que les élus ou les bienheureux appartenant à la race humaine, conviendront avec Jésus-Christ dans une même nature humaine ; ce qui ne sera jamais vrai des anges : et voilà pourquoi ces élus auront avec Jésus-Christ, le roi de tous les bienheureux, un certain rapport d’intimité et de suavité que les anges n’auront pas au même titre, bien que leurs rapports d’intimité et de suavité avec le Verbe de Dieu, dans l’acte même de la vision béatifique, doive être, comme dans tous les élus et tous les bienheureux, au même titre (q. 45, a. 1-4).

 

— Que s’ensuit-il de ce rapport particulier que l’Église triomphante, constituée par les élus de race humaine, aura avec Jésus-Christ ?

— Il s’ensuit qu’à l’image et à la ressemblance de ce qui se passe parmi nous sur cette terre, quand l’épouse est introduite dans la maison de l’époux, au jour de la célébration de leurs noces, l’auguste Trinité dotera cette Église, épouse de Jésus-Christ, au jour de son entrée dans le ciel, en la comblant des dons et des ornements les plus magnifiques, afin qu’elle soit digne de célébrer avec un tel époux, au milieu des plus ineffables délices, le festin éternel de leurs noces spirituelles (q. 95, a. 1).

 

— Cette dotation et ces dons ou ces ornements constituent-ils ce qu’on appelle les dots des bienheureux ?

— Oui ; c’est exactement ce qu’on appelle les dots des bienheureux.

 

— Quelles seront ces dots des bienheureux ?

— Elles seront au nombre de trois dans l’âme glorifiée, d’où elles rejailliront sur le corps même des bienheureux en la forme des quatre qualités glorieuses dont nous avons déjà parlé (q. 45, a. 5).

 

— Quelles seront les trois dots de l’âme bienheureuse ?

— Ce sera comme un vêtement de lumière et de divine sensibilité spirituelle qui les disposera à jouir du bien infini possédé par l’âme dans la vision intuitive qui se termine au Verbe de Dieu, en telle sorte qu’aucun bonheur de la terre ni aucune ivresse d’ici-bas ne saurait nous donner même la plus lointaine idée de ce que sera le bonheur des élus unis à Jésus-Christ par l’acte de cette vision, de cette possession, de cette fruition. Aussi bien ne peut-on que répéter ici le grand mot de l’apôtre saint Paul, qui lui-même avait été ravi jusqu’au troisième ciel, c’est-à-dire jusqu’au ciel même des bienheureux : — L’œil de l’homme n’a point vu ; son oreille n’a pas entendu ; son cœur n’a jamais goûté ce que Dieu tient en réserve et qu’il a préparé pour ceux qu’il aime (q. 95, a. 5).

 

— Cette assemblée des élus et le bonheur de la vie éternelle, qui sont comparés, surtout pour les élus de race humaine, ainsi qu’il vient d’être dit, à un éternel festin de noces spirituelles, ne sont-ils pas appelés aussi du nom de royaume des cieux ?

— Oui ; et c’est pour marquer que tous les élus constitueront une assemblée royale, non seulement pour y être sous la dépendance immédiate de Dieu, le roi des rois ; mais aussi, parce que chacun d’eux y participera la qualité de roi, étant lui-même revêtu de la dignité royale, au sens le plus haut et le plus magnifique de ce mot (q. 96, a. 1).

 

— Mais comment ou en quel sens peut-on dire que tous les élus seront, au ciel, revêtus de la dignité royale ?

— Parce que la vision béatifique qui les unit à Dieu et constitue au sens le plus formel la vie éternelle, rend tous les bienheureux participants de la divinité ; et, par suite, Dieu étant, au plus haut point, le roi immortel des siècles, à qui est due toute gloire, les bienheureux participent en tout à sa royauté souveraine et à sa gloire (q. 96, a. 1).

 

— Est-ce là ce qu’on doit entendre par la couronne qui sera l’apanage de tous les bienheureux dans le ciel ?

— Oui, très exactement ; la couronne de gloire qui leur sera donnée et qui les rendra semblables à Dieu lui-même sera leur couronne royale (q. 96, a. 1).

 

— Ne parle-t-on pas aussi d’auréoles pour les élus dans le ciel ?

— Oui ; mais tandis que la couronne est pour tous, les auréoles n’appartiennent qu’à quelques-uns (q. 96, a. 1).

 

— D’où vient cette différence ?

— Elle vient de ce que la couronne n’est rien autre que le rayonnement du bonheur essentiel qui consiste dans la vision de Dieu et qui se retrouve en tous à titre de récompense glorieuse ; tandis que les auréoles sont un rayonnement d’ordre accidentel causé par la joie qu’éprouvent certains élus de certaines œuvres méritoires spéciales qu’ils auront accomplies sur la terre (q. 96, a. 1).

 

— Il n’y aura donc que des élus d’ordre humain à avoir des auréoles ?

— Oui, les anges n’ayant pas eu à accomplir de ces œuvres méritoires (q. 96, a. 9).

 

— Et quelles seront les œuvres méritoires spéciales qui recevront l’auréole parmi les hommes ?

— Ce seront : le martyre ; la virginité ; et l’apostolat de la doctrine (q. 96, a. 5, 6, 7).

 

— Pourquoi ces trois sortes d’œuvres méritoires recevront-elles l’auréole ?

— Parce qu’elles font ressembler à un titre spécial à Jésus-Christ, dans sa victoire absolue et parfaite sur le triple ennemi de la chair, du monde et du démon (ibid.).

 

— Les auréoles seront donc un signe spécial de victoire dans l’assemblée des élus et au sein du royaume des cieux ?

— Oui ; et c’est dans ce sens qu’on peut appliquer, d’une manière spéciale, aux martyrs, aux vierges et aux apôtres de la doctrine, cette parole dite par Dieu, d’une façon générale, pour tous les élus : Celui qui vaincra possèdera ces choses ; je serai son Dieu et il sera mon fils (Ap 21, 7).

 

— Y a-t-il, dans l’Écriture sainte, un dernier mot, qui soit comme le résumé de tout, en ce qui concerne le bonheur des élus, au ciel, dans la vie éternelle ?

— Oui ; nous le trouvons dans l’Apocalypse de saint Jean, au chapitre 20, v. 5 ; et il est ainsi conçu : Le Seigneur Dieu sera la lumière qui tombera sur eux pour les éclairer ; et ils règneront dans les siècles des siècles.

 

Épilogue

 

— Pourriez-vous, au terme de cet exposé catéchistique des trois parties de la Somme Théologique de saint Thomas d’Aquin, me donner une formule de prière qui serait comme une mise à profit de sa lumineuse doctrine, destinée à nous en assurer le fruit ?

— Oui ; voici cette formule, par mode de prière adressée à Notre-Seigneur Jésus-Christ :

 

Prière à Notre-Seigneur Jésus-Christ

 

O Jésus, très doux fils de la glorieuse Vierge Marie et Fils unique du Dieu vivant, ensemble avec votre Père, qui vous engendre, au sein de son infinie nature, de toute éternité, et vous communique cette même nature infinie, et avec l’Esprit-Saint, qui procède du Père par vous, et qui est votre Esprit à tous deux, votre amour subsistant, recevant de vous la même infinie nature, je vous adore et je vous reconnais pour mon Dieu, le seul vrai Dieu, unique et infiniment parfait, qui a créé de rien tout ce qui est hors de lui, et qui le conserve et le gouverne avec une infinie sagesse, une souveraine bonté, une puissance suprême ; et je vous demande, au nom des mystères accomplis dans votre humanité sainte, de me purifier dans votre sang de tous mes péchés passés ; de répandre sur moi l’abondance de votre Esprit-Saint, avec sa grâce, ses vertus, ses dons ; de faire que je vous croie, que je vous espère, que je vous aime, que je travaille, par chacun de mes actes, à vous mériter ; et de vous donner un jour à moi, dans la splendeur de votre gloire, au milieu de l’assemblée de vos saints. Ainsi soit-il.

 

(Par un décret du Saint-Office en date du 22 janvier 1914, Sa Sainteté le pape Pie X, a daigné accorder in perpetuum 100 jours d’indulgences applicables aux âmes du purgatoire, et pouvant être gagnées une fois le jour par tous les fidèles, qui, d’un cœur contrit et avec dévotion, réciteront la prière ci-dessus).