LA BIENHEUREUSE

Anna - Maria Taigi

MÈRE DE FAMILLE

TERTIAIRE DE L’ORDRE

DE LA TRÈS SAINTE TRINITÉ

29 Mai 1769 - 9 Juin 1837

NIHIL OBSTAT 8 Gennaio 1950

S. natucci, Fidei Prom. Gen.

IMPRIMATUR 9 Gennaio 1950

+ MlCHAEL FONTEVECCHIA

E.pus Aquinaten., Soran. et Pontiscurvi

 

Nouveaux Lustres de l’Église *

Enfant à Sienne - Douloureuses vicissitudes de sa famille *

A Rome. La première éducation *

La Jeune Fille *

Le Mariage *

Dans la Basilique de Saint Pierre - L’appel divin *

À Saint Marcel du Corso - Les premiers pas dans la voie de Dieu *

La Tertiaire de l’Ordre Trinitaire *

Une Maison-Sanctuaire *

Épreuves et Tribulations dans la famille *

L’Education des ses enfants *

Le soleil mystérieux *

La femme charitable *

La divine Providence *

Extraordinaires dons de Dieu *

Les persécutions de l’Enfer *

Dévotion au très Saint Sacrement *

Extases et apparitions célestes *

Miracle de guérisons corporelles et spirituelles *

Infirmités et mort de la Bienheureuse *

Après la mort *

Priez pour nous, Bienheureuse Anna-Maria *

PRIERE *

Autre prière pour demander une grâce particulière *

Nouveaux Lustres de l’Église

Ces brèves récits sur la Bienheureuse Anna-Maria Taigi, gloire de la ville de Rome, sont tirés de la Vie, publiée en 1920 par les soins du bureau de Postulation de la Cause, à l’occasion de la Béatification.

Il s’agit d’une singulière figure de Bienheureuse ; c’est une femme élevée aux honneurs des Autels pour s’être simplement et totalement sanctifiée dans la vie matrimoniale. C’est une sainteté qui s’est déroulée dans le foyer familial, parmi les devoirs d’épouse et de mère.

Le 19 Juin 1837, lorsque Anna-Maria, âgée de 68 ans, mourut dans une humble demeure près du Corso (rue SS. Apostoli n. 7) après en avoir passé 48 dans l’état conjugal ; son époux et ses fils furent témoins de son saint passage à l’éternité, comme ils furent, plus tard, au nombre des témoins de ses vertus devant le Tribunal constitué en vue de recueillir les preuves juridiques de sa sainteté.

Jeune fille, ouvrière, femme de chambre, épouse, mère, tertiaire, elle se forgea une chaîne d’or de sainteté à laquelle Dieu voulut ajouter encore une couronne de lumière et de gloire par des privilèges extraordinaires et en la plaçant parmi le grandes et saintes femmes dominatrices de son temps.

Anna-Maria Taigi est l’honneur de Rome qui voit sur le front de sa fille l’auréole de Bienheureuse. A son tombeau accourent les familles de la Ville pour se renouveler elles-mêmes, en se retrempant dans cet exemple de saintes vertus domestiques, et pour s’armer de vigilance contre cette turbulente vie sociale qui est à la fois tourment et danger pour les familles actuelles.

En ces temps orageux, pleins de vices et de sang, Rome et toute la Chrétienté tirent réconfort et espoir de la glorification de la Bienheureuse Taigi.

 

Enfant à Sienne
Douloureuses vicissitudes de sa famille

Elle naquit à Sienne, Ville de la Vierge, de Sainte Catherine, de S. Bernardin, dans l’après midi du 29 Mai 1769.

Son père, Louis Giannetti, pharmacien, et sa mère Marie Masi, étaient des époux dotés de solides principes catholiques, charitables envers les pauvres. Ces pauvres félicitèrent beaucoup les heureux parents, le soir du 30 Mai, quand, à 22 heures, ils présentèrent leur fille aux fonts baptismaux, à l’église paroissiale de N. D. de l’Assomption.

On lui donna les prénoms chrétiens de Anna-Maria-Gesualda-Antonia.

Cinq ans s’étaient à peine écoulés depuis la naissance d’Anna-Maria quand la maison du bon Giannetti subit des épreuves douloureuses. Le sombre nuage de la Révolution qui s’épaississait sur la France, apporta, par contre-coup, effroi et panique même en Italie. Chacun cherchait à sauver son capital, à liquider ses intérêts. Pour cette raison, les fournisseurs de M. Louis insistaient pour obtenir de lui satisfaction. - M. Louis aurait pu, à son tour, agir sur ses propres débiteurs ; mais lui et sa femme, préférèrent tout perdre et tout supporter avec patience, plutôt que ruiner tant de familles.

Ils choisirent de tout donner : la dot de Marie, les petites économies en réserves, les bijoux et les meubles ; et les créanciers furent payés.

Mais il décidèrent, aussi, de quitter Sienne.

Ils préparèrent deux paquets contenant le minimum de linge ; M. Louis s’en chargea, la mère prit sa petite fille dans ses bras, et ces malheureux s’acheminèrent, à pied, vers la campagne, dans la direction de Rome.

Pénible, providentiel fut le long voyage de cette famille, allant de Sienne à Rome par petites étapes, en demandant l’hospitalité dans les pauvres maisons campagnardes. Mais, dans toutes ces vicissitudes, les deux époux, écrasés par le malheur, ne proférèrent pas une seule plainte contre la Divine Providence ; au contraire, ils se fortifièrent davantage par la prière, les Sacrements, la pensée de la Sainte Famille de Nazareth.

Dieu en disposait ainsi pour que s’épanouissent, au sein même de la Capitale du Monde Catholique, les vertus et les dons surnaturels de notre héroïne.

 

A Rome. La première éducation

Arrivés à Rome, comme Dieu le voulut, ils prirent un modeste logement dans le " Rione Monti ", rue delle Vergini, paroisse de S. Marie.

La première pensée des pieux époux fut l’éducation de leur fillette.

Anna-Maria fut acceptée comme écolière chez les Maestre Pie Filippini (de la rue Graziosa) qui, grâce à leurs moyens d’éducation, formaient les esprits à la vie chrétienne et familiale. Elle enseignaient la lecture, l’écriture, la calligraphie, l’arithmétique et les travaux féminins ; leurs élèves réussissaient très bien et n’avaient rien à envier aux pompeuses méthodes modernes.

Ces excellentes Religieuses préparèrent l’enfant aux Sacrements de Pénitence, de Confirmation et à la Communion.

Pendants ce temps, le père et la mère, après leur arrivée à Rome et à la suite de multiples démarches infructueuses, véritablement décourageantes, après tant de refus et de déchirements de coeur, avaient réussi à se placer, l’un comme domestique, l’autre comme femme de chambre dans une famille chrétienne aisée.

Ils trouvaient leur consolation quand la petite Anna-Maria, revenue de l’école, leur disait tant de paroles affectueuses pour les réconforter.

Quel jour solennel et de joie très pure fut celui de la Première Communion de cette âme innocente ! Les parents, laissant leur gène de côté, pour une fois, lui firent un joli habillement blanc et lui mirent sur la tête une couronne de rosés de laquelle descendait un grand voile.

Son père et sa mère lui tinrent compagnie dans cet acte céleste. Quiconque l’eût observée, recevant pour la première fois Jésus-Hostie, l’eût prise pour un ange sous l’apparence humaine.

De retour à la maison, Anna-Maria demanda à son père sa bénédiction. Comme elles furent émouvantes les paroles par lesquelles son père la bénit !

Ma bénédiction, — dit M.r Louis, — ma bénédiction ! Mais c’est toi qui devrais, maintenant, bénir ton père et ta mère ! ". Puis, faisant un signe de croix sur sa fille, agenouillée devant lui, il poursuivit : " Oui, que le Seigneur qui ratifie la bénédiction et les malédictions des parents te bénisse, ma chère Anna-Maria : qu’il te bénisse dans le temps et dans l’éternité ! Je suis pauvre, o ma -fille, maïs Dieu déposa dans l’autorité paternelle les trésors de ses grâces, que je te souhaite surabondantes aujourd’hui et toujours. Approche-toi, pour qu’avec un baiser je te marque du sceau de la maison Giannetti ".

Émue, l’enfant s’approche, et sur sont front candide, miroir de son âme belle et innocente, Louis imprime un chaleureux baiser et laisse tomber deux chaudes larmes.

A Sienne, il était d’usage, dans la famille Giannetti, d’assister tous ensemble à la première Messe de la paroisse : madame Marie y communiait et M. Louis s’approchait de la sainte Table, les dimanches et Fêtes de l’année. A Rome, ils gardèrent la même habitude, dès leur arrivée ; et maintenant, Anna Maria, s’associait, elle aussi, à cette coutume sainte et jamais assez recommandée.

 

La Jeune Fille

Anna-Maria avait terminé son éducation chez les " Maestre Pie Filippini " avec les louanges de tous ses supérieurs.

Rentrée dans sa famille, elle partageait son temps entre les oeuvres de piété chrétienne et les travaux du ménage.

Mais, pour aider sa mère, qui commençait à dépérir par suite de tant de malheurs et de fatigues, elle chercha un emploi de couturière dans la maison de deux dames de condition aisée et de moralité exemplaire.

Très vite, elle se fit aimer et estimer pour son caractère vif et gai, son intelligence éveillée, sa pitié, son assiduité au travail, son calme, son respect filial envers ses maîtresses.

Il n’y avait pas de travail, même difficile, qui, entre ses mains, ne fût exécuté à la perfection, et avec la plus grande aisance.

Le samedi soir, avec ingénuité et transport de joie, elle remettait intégralement à sa maman son modeste gain de semaine.

Pour améliorer sa situation économique, dans le but d’aider sa mère elle voulut changer de métier et alla filer la soie. Mais ce travail aussi était peu lucratif et, en plus, peu favorable à la santé. Pour ce motif, et aussi pour mieux veiller sur sa fille, fleur d’innocence et de grâce, le père, alors en service chez une noble dame au palais Maccarini, lui révéla ses angoisses au sujet de son enfant, la suppliant de la prendre à son service, afin de pouvoir la garder plus de près.

Ce fut ainsi qu’Anna-Maria entra dans cette maison en qualité de femme de chambre.

Là, également, elle s’attira aussitôt la bienveillance, l’estime de sa patronne par ses manières distinguées, nobles, par la beauté dont la nature l’avait dotée, par son élégant langage Siennois, par son

adresse dans l’expédition des affaires, par son bon sens.

Les adulateurs commencèrent à tourner autour d’elle.

Anna-Maria, selon les sages conseils de son directeur spirituel, auquel elle ouvrait chaque semaine son âme avec candeur, et d’après les avertissements de son père et de sa mère, gardait toujours les yeux ouverts, et se maintenait dans le droit sentier de la vertu chrétienne.

Ses parents lui conseillèrent de se marier.

Pour se décider, Anna-Maria redouble ses prières et fit prier à cette intention. Elle communie plus souvent, demandant à Dieu de lui faire connaître Sa volonté sur ce point.

Après avoir éclairée que la Divine Providence l’appelait bien à cet état, elle se décide à se marier.

 

Le Mariage

L’époux, promptement choisi, fut Dominique Taigi, domestique de la princière maison Chigi, déjà bien connu des parents d’Anna-Maria, comme pieux, calme, au coeur d’or, exemplaire et irrépréhensible à tous points de vue. .

Mais il lui manquait cette délicatesse et ces manières distinguées en rapport avec celles d’Anna-Maria. Il avait des manières rudes, grossières, peu courtoises.

Mais Anna-Maria l’accepta comme étant la volonté de Dieu.

Le mariage fut célébré solennellement le 7 janvier 1789, dans l’église de S. Marcel du Corso. La dot apportée par Anna-Maria à son époux était constituée par la richesse de ses vertus chrétiennes : chasteté, sobriété, prudence, souci du ménage, obéissance et amour pour son mari ; vertus qu’elle pratiqua jusqu’à sa mort.

 

Dans la Basilique de Saint Pierre - L’appel divin

Dominique aimait son épouse, et il en était fier.

Il désirait qu’en promenade et en visite, elle fût élégante. Docile envers son époux, elle s’habillait avec quelque élégance, sans toutefois dépasser jamais les limites de la pudeur et de l’honnête.

Cependant, une voix intérieure, la voix de Dieu, lui reprochait avec insistance cette recherche d’habillement.

Un dimanche, elle alla, avec Dominique, à S. Pierre et s’agenouilla devant l’autel de la Confession pour prier avec une grande ferveur.

Près d’elle se trouvait le Père Angelo des Serviteurs de Marie, qui entendit une voix intérieure lui dire : " Regarde bien cette femme qui t’est inconnue ; tu travailleras beaucoup pour l’encourager à la dévotion ; je l’ai appelée à la sainteté, et elle sera sainte ".

Revenue chez elle, Anna-Maria dit à Dominique : " Ecoute : je dois te demander une faveur ". " Laquelle ? "Permets-moi, de laisser désormais ces ha-, bits de fête, ces bijoux, ces bagues, pour des vêtements plus modestes ". Dominique la regarda, resta un moment silencieux, puis, ému, il répondit : " Fais comme tu crois ". " Oh, merci, Dominique : que le Ciel te bénisse ".

 

À Saint Marcel du Corso - Les premiers pas dans la voie de Dieu

Après ce dimanche à S. Pierre, Anna-Maria traversa des jours de ténèbres et d’angoisses spirituelles, sans négliger, cependant, le plus petit de ses devoirs d’épouse.

Dominique, avec ses manières brusques et peu aimables, son humeur chagrine, accroissait, sans le vouloir, les peines de son angélique épouse. Et elle devenait toujours plus prévenante, plus douce, plus patiente envers lui.

Un jour, une inspiration pressante la conduisit à S. Marcel du Corso. Elle vit un confessionnal entouré de pénitentes et, quand vint son tour, elle s’en approche. C’était le confessionnal du Père Angelo, qu’elle n’avait encore jamais vu.

À sa grande stupeur, Anna-Maria éprouva ce qui s’était passé dans son âme à lui, par une illumination divine, ce dimanche à S. Pierre, comme nous l’avons déjà rapporté. Elle comprit quelle était la volonté du ciel à son égard, c’est-à-dire qu’elle devienne sainte.

Cette âme belle et pure, avant de quitter l’Église, elle se prosterna devant l’autel du Saint Sacrement, et s’écria : " Voici, o Jésus, la pauvre pécheresse Anna-Maria. Vous l’appelez et elle Vous obéira jusqu’à son dernier souffle ". De retour à la maison, elle s’agenouilla devant le Crucifix, et avec une discipline, elle se flagella violemment — au point d’être inondée de sang — disant : " Paie, maintenant, à ton Dieu, les vanités dont tu as usé pour t’embellir et vouloir briller ".

Ce cruel traitement envers soi-même, elle le répéta plusieurs fois par jour, pendant plusieurs jours. Quand elle revint trouver le Père Angelo, celui-ci lui imposa des pénitences plus douces.

 

La Tertiaire de l’Ordre Trinitaire

Ah ! si je pouvais m’enfermer dans un cloître ! Croyez-moi, mon Père, je le ferais volontiers " disait-elle au Père Angelo.

Mais celui-ci répondait : " Le Seigneur vous veut dans l’état conjugal pour que vous vous y sanctifiez et soyez ainsi un exemple pour celles qui partagent ce même état dans ces temps troublés. Mais vous pouvez très bien appartenir à un Ordre religieux, comme tertiaire. Demandez à votre mari son consentement, choisissez l’Ordre que vous préférez, et alors je vous donnerai mon accord ".

Ce soir-là, Anna-Maria en parla à Dominique, qui selon habitude, après l’avoir rabrouée, lui demanda, radouci : " Et de quel Ordre prendrais-tu l’habit ? ". :

De celui de la Très Sainte Trinité ". " J’ai compris ; ce sont ces Frères blancs avec une croix rouge et bleue sur la poitrine, qui sont à S. Carlino, aux Quatre Fontaines ".

Dominique lui permit de prendre l’habit de cet Ordre, à condition que ce ne soit pas au détriment de ses devoirs familiaux.

L’émouvante cérémonie se déroula à S. Carlino des Quatre Fontaines, le 25 décembre 1808, en présence du Père Ferdinand de S. Louis, Trinitaire de ce Couvent, religieux prudent et savant qu’Anna-Maria choisit comme Directeur spirituel pendant l’absence de Rome du Père Angelo.

L’église était bondée de fidèles, accourus à une cérémonie qui ne s’était pas vue depuis longtemps, pour contempler une femme qui, avec un grand courage, jetait un défi à un monde qui, à cette époque, dédaignait tant la Religion et les Ordres Religieux.

 

Une Maison-Sanctuaire

Dieu bénit la maison d’Anna-Maria et Dominique Taigi, en leur donnant sept enfants : Camille, Alexandre, Louis, Pierre, Marguerite, Sophie et Marie.

Anna-Maria ne toléra jamais que le Saint Baptême fut reculé au-delà de 24 heures après la naissance.

Elle-même éleva et éduqua saintement ses enfants.

Il y avait à la maison un petit autel ; matin et soir ils s’y réunissaient tous pour prier, et, à ses moments de liberté, Anna-Maria s’y retirait pour de pieuses méditations et pour faire de son corps un instrument de pénitence par des flagellations prolongées.

Là, se faisait le mois de Marie, en Mai, le mois du Précieux Sang, en Juin, celui de Jésus Enfant en Décembre ; tant et si bien que Dominique disait que sa maison semblait un Paradis.

Quoique Dominique fût vif, grincheux, peu aimable, et eût des mouvements d’impatience, on ignorait toutefois, dans cette maison, les murmures, les discussions, les jalousies ; il y régnait la concorde, la paix, la charité, l’ordre, l’exactitude, l’économie, l’amour du travail.

Tous les matins Anna-Maria allait tôt à la Messe, à l’église de la Piété, place Colonna, et, avant le jour, elle était de retour chez elle. À l’heure où tous devaient se lever, elle disait Jésus-Christ soit loué, et tous obéissaient.

Après la récitation en commun des prières du matin, elle servait le petit-déjeuner ; puis l’un allait à l’école, l’autre au travail. Alors elle nettoyait la maison et préparait le déjeuner. À table, on ne s’asseyait ni ne se levait sans avoir récité l’Ave Maria et enfin cette belle prière :

Je vous remercie, o Seigneur, de la nourriture que Vous nous avez donnée ; et comme Vous nous en avez pourvus, donnez-en de même à toutes les créatures de la terre ; faites que nous ayons toujours présents à l’esprit et dans le coeur la Passion et la Mort de Jésus-Christ Notre Seigneur puisque ce fut à la dernière Cène qu’il se changes en nourriture et en Breuvage de nos âmes. Amen ".

Elle servait à table ; mangeait très peu, gardant presque tout pour les pauvres.

Il régnait dans cette maison une allégresse de bon aloi, car Anna-Maria, nullement scrupuleuse ni sévère pour les autres, aimait que la mélancolie se tînt éloignée de sa famille.

La Providence ne voulut pas que cette famille manquât d’un vrai et propre Chapelain, et tel que les plus méritantes familles Princières n’aurait pu en désirer de meilleur.

Ce si digne prêtre, homme de Dieu fut D. Raphaël Natali, originaire des Marches, venu s’installer à Rome avec la permission de son Supérieur, Mons. Vincent Strambi, Passioniste, Évêque de Macerata et Tolentino (actuellement élevé aux honneurs des Autels).

En lui donnant cette permission, Mons. Strambi voulut qu’il prît pension dans la famille Taigi, qu’il connaissait bien. Ce prêtre vénérable avait été à Rome, pendant de longues années, directeur de la Bienheureuse Anna-Maria Taigi ; et devenu Évêque il la consultait, comme tant d’autres grands personnages, dans ses doutes et ses besoins.

Don Raphaël, d’âge mûr, de grande prudence et de sûre doctrine, directeur spirituel éprouvé et éclairé, devint le Père spirituel de toute la famille Taigi, et, dans l’oratoire familial déjà arrangé par Anna-Maria, grâce à une bienveillante permission du Pape Grégoire XVI, il célébrait la Sainte Messe.

En cet oratoire, on faisait les neuvaines, les mois déjà indiqués ci-dessus, on y lisait la vie des Saints, on y chantait des cantiques, on y donnait la bénédiction avec le Très Saint Bois de la Croix ; et avant d’aller se reposer, le prêtre aspergeait tout le monde avec l’eau bénite.

 

Épreuves et Tribulations dans la famille

Le Seigneur voulut purifier cette famille par le feu des épreuves.

La Révolution Française avait éclaté et se répercutait dans toute l’Europe, et même à Rome, qui vit son Souverain, le Vicaire de Jésus-Christ, arraché à ses murs, traîné à Avignon en France où il devait mourir le 27 Août 1799.

Cette époque fut pour Rome, un temps de larmes, d’angoisses et de misères. Les choses allaient mal également pour les Princes. Même le Prince Chigi dut réduire ses dépenses et son personnel. Celui qui voulait rester devait se contenter d’un seul plat à table, sans salaire.

Dominique, (et en cela on reconnaît l’homme fidèle) dit à son maître : " Ecoutez, Excellence : seule la mort peut m’arracher à votre service. Partout où vous serez, Dominique sera trop honoré de servir votre famille, même sans être nourri ".

Quand Anna-Maria entendit de la bouche de Dominique cette réponse, elle lui dit : " Bravo, Dominique ! tu as fait ton devoir en chrétien et en homme de coeur. Dieu n’abandonne jamais personne ".

Cependant la gêne dans laquelle était tombée la famille d’Anna-Maria s’aggrava à cause de la triste situation des parents de la Bienheureuse.

M. Louis Giannetti était devenu taciturne, sombre, agité, bizarre, intraitable. Il ne voulut plus travailler, quitta son service et fut atteint d’une lèpre répugnante.

Dominique et sa femme, bien que réduits à tant de pauvreté, durent encore assumer la charge de l’entretien et des soins des parents de la Bienheureuse ; pesant fardeau, car M. Louis ne répondait qu’avec mauvaise grâce et irritation aux attentions de sa patiente fille.

Cependant, de la bouche de celle-ci, il ne sortit jamais une parole d’impatience ou de reproche envers son père très aimé, qui, dans la dernière phase de sa maladie, fut porté à l’hôpital S. Jacques, où sa fille le visitait le plus souvent possible et le préparait aux derniers Sacrements et à une mort chrétienne.

Plus tard, un malheur semblable frappa aussi la mère d’Anna-Maria, Maria Messi, épouse Giannetti. Vrai modèle de vertus chrétiennes et conjugales, tombée dans la pauvreté, plongée toute sa vie dans la douleur et l’amertume, courageuse et toujours résignée à la volonté de Dieu ; recueillie dans la maison d’Anna-Maria, aimée et servie avec beaucoup d’attention par sa fille, Dominique et ses petits-enfants ; pieuse et dévote, assidue à recevoir les Sacrements, douée d’une très grande charité, cette femme, cette mère illustre et fortunée, qui donna à l’Église une Bienheureuse telle qu’Anna-Maria Taigi, fut la même qui, pendant qu’elle demeurait chez sa fille — Rione dei Monti — se rendit à la maison de Francesco Zuccarelli, où était mort le 16 Avril 1783, le pauvre pèlerin, S. Benoit Joseph Labre. Elle eut la chance de laver et vêtir cette vénérable dépouille, affermant à tous qu’un jour ce Pauvre serait canonisé et déclaré Saint. Et il en fut ainsi.

Mais les, poids des ans transforma cette femme de telle sorte qu’elle devint, durant ses dernières années, source de tribulations infinies pour Anna-Maria, tout autant que le père.

Sa sainte fille ne se révolta jamais, ne proféra jamais une parole arrière jusqu’au moment où la mère, après avoir recouvré, dans sa dernière maladie tout ce trésor de bonté et de piété qui s’était assoupi en elle, reçut les Sacrements, se recommanda à S. Benoit-Joseph Labre, et expira paisiblement à 72 ans, en invoquant les doux noms de Jésus et Marie.

Tant pour son père que pour sa mère, Anna-Maria fit célébrer des Messes et récité de nombreuses prières pour le repos de leurs âmes.

Au malheur des parents, s’ajoute celui d’une des filles, Sophia, restée veuve et pauvre avec six enfants (on en parlera plus loin). Elle aussi fut recueillie dans la maison de sa mère avec les orphelins et la servante.

Cependant, comme les parents vivaient encore, pour subvenir aux besoins de sa famille et aux leurs, l’héroïque femme passait ses jours et ses nuits à confectionner des corsets et à tresser des sandales de corde ; ainsi elle pouvait les faire vivre.

C’était en 1799, et Rome subit une véritable famine. Pour avoir un peu de pain blanc et de goût douteux, il fallait payer cher, aller à la boulangerie dès minuit, faire la queue, et attendre parfois jusqu’à midi ou même davantage ! Cette dure et humiliante épreuve, Anna-Maria se la réserve toute pour elle, ne permettant ni à sa mère ni à ses enfants, de s’exposer de si longues heures aux intempéries, aux paroles indécentes et insensées de ce peuple affamé.

 

L’Education des ses enfants

Des sept enfants, Louis mourut à un an et demi, Pierre à 25 mois et Marguerite, elle aussi, en bas âge.

Camille et Alexandre répondirent aux soins maternels ; ils se tenaient à l’écart des mauvaises lectures ; ils s’approchaient des Sacrements tous les quinze jours. Leur mère les conduisait le dimanche, matin et soir, à l’église ; puis, soit au sermon dans celle de la Minerve, soit à la visite des quarante heures, soit dans l’une des Basiliques Patriarcales, ou au Chemin de Croix au Colisée où la Croix et quatorze Stations furent enlevées avec la venue des actuels Temps Nouveaux.

Camille se plaça dans une boutique de barbier ; Alexandre dans une fabrique de chapeaux. Anna-Maria aurait facilement pu leur procurer un emploi plus avantageux et moins modeste, parce que, comme nous le verrons, elle ne manquait pas de relations parmi les personnes distinguées ; mais elle voulait laisser sa famille au rang de sa condition.

Quand ses fils se marièrent, elle traita le plus rapidement possible les pourparlers. Elle était très affable avec ses brus. Aux grandes fêtes de l’année, elle les invitait à manger chez elle, et, au moment de leur départ elle disait à ses enfants en leur serrant la main : " Portez-vous bien ; recevez les Sacrements fréquemment, soyes de bons pères de famille, attentifs à vos devoirs, car, moi, je n’ai pas à me reprocher d’avoir négligé de vous donner une éducation chrétienne et de vous pousser toujours dans les voies du Seigneur ".

Ses filles, Marie et Sophie, reçurent, elles aussi, une sainte éducation. Leur mère leur infusa l’amour de leur foyer, de la netteté et simplicité dans l’habillement, de la pureté de l’âme, de la charité envers les pauvres, les déshérités, les malades. Elle donnait elle même l’exemple de la modestie et de la bonne tenue, car, même au plus fort des chaleurs estivales, à Rome, on ne la vit jamais décolletée, même dans la maison.

Elle tenait beaucoup à ce que ses filles l’imitent dans la déférence et le respect qu’elle témoignait à ses parents, et exigeait que, en sortant et revenant à la maison, et avant d’aller se coucher, ses filles lui baisent la main en lui demandant sa bénédiction.

Lorsqu’elles furent assez grandes, elle leur fit recevoir la confirmation ; elle les envoya à l’école, toujours accompagnées à l’église, à l’aller et au retour, par une vieille espagnole qui avait toute sa confiance. Elle ne leur permettait pas de rester oisives et leur confiait des travaux ménagers. Quand elles eurent douze ans, elle les conduisit au Monastère de l’Enfant Jésus pour y faire une retraite et leur Première Communion. I

Sophie alla dans le magasin d’une très honnête femme pour se perfectionner dans la confection des bas, puis à l’externat du Monastère de S. Denis, pour la couture et la broderie. Elle avait une très belle voix et on lui proposa de lui apprendre gratuitement le chant ; mais sa mère s’y opposa, disant que le chant expose une jeune à des dangers certains. Elle épousa ensuite Paul Micali, excellent catholique et, comme toute sa famille, dévoué au S. Père. Après quelques années de mariage, Sophie resta veuve avec six enfants et, dépourvue de fortune, elle fut recueillie, avec sa servante, dans la maison paternelle.

Marie, — peut-être parce qu’elle était plus vive —, resta auprès de sa mère qui fut, elle même, son professeur de couture.

Dans cette maison dirigée avec tant de sérieux et d’attention, la joie, honnête régnait en souveraine, parce que où se trouvent la grâce et la crainte-de Dieu, se trouvent aussi la paix et le vrai bonheur. Dominique avait donc raison d’affirmer que, dans sa demeure règne toujours une paix de Paradis.

Le soleil mystérieux

Quelques mois seulement s’étaient écoulés depuis le mariage d’Anna-Maria.

Elle avait décidé de servir Dieu, dans le mariage, non seulement de toutes ses forces, mais aussi en s’offrant comme victime expiatoire pour ses propres péchés et ceux de tout le genre humain.

Dieu accepta ce sacrifice.

Un jour, prosternée devant le Crucifix, après une oraison et une flagellation plus prolongée pour les pauvres pécheurs, Anna-Maria vit tout à coup devant ses yeux, à un hauteur d’environ deux mains au-dessus de son regard, un disque lumineux, semblable à celui du soleil dans le firmament, mais dont la splendeur semblait recouverte d’un voile.

Ce disque était entouré d’une couronne d’épines ; deux de ces épines très longues, pendaient de chaque côté et se réunissaient dans le bas.

Au milieu de cette lumière, Anna-Maria apercevait une femme assise, pleine de majesté ; vêtue somptueusement, aux regards levés vers le ciel dans une contemplation extatique, portant sur le front deux rayons semblables à ceux de Moïse, et dont les pieds reposaient sur le rebord du disque.

Ce disque ne pouvait être touché par les créatures et les formes qui s’élevaient vers lui des bas-fonds, en s’approchant, étaient impétueusement repoussées par des forces invisibles.

Ce soleil mystérieux lui fut toujours présent pendant quarante huit ans.

Peut-être ce soleil surnaturel représentait-il la Église, dans laquelle, siège et gouverne, la Divine Sagesse ; mais entouré d’épines de toutes sortes, parmi lès-quelles, deux, très longues, descendant de chaque côté pour se chercher et se rejoindre, à figurer les puissances du monde et certaines personnes consacrées à Dieu, qui s’unissent cependant et font cause commune avec les premières, contre les droits très saints et la dignité de l’épouse de Jésus-Christ.

Mais, tout en respectant le mystère de cette apparition, il est certain que la lumière de ce Disque, voilée tout d’abord, acquérait de jour en jour, un éclat plus grand à mesure que la Sainte femme s’avançait dans la perfection chrétienne ; et en peu de temps, il atteint une splendeur plus éblouissante que celle de sept soleils réunis.

Fait vraiment admirable : Anna-Maria pouvait fixer une si vive lumière susceptible de faire perdre la vue, par sa force excessive, avec le calme et la tranquillité la plus grande. Bien plus : quoiqu’elle eût un oeil malade, elle n’éprouvait aucune gène, niais en retirait une amélioration incontestable.

Un autre fait certain est qu’il suffisait à Anna-Maria de fixer ce soleil pour être au courant de tous les événements suvernant dans le monde et en connaître toutes les circonstances ; et non seulement en général, mais en particulier, pour chaque individu, et elle voyait jusqu’aux plus obscurs replis des consciences. Aucune distance ne pouvait s’opposer à elle. Elle voyait les besoins spirituels et temporels de chaque Etat, de chaque Nation, de chaque peuple ; elle connaissait leurs moeurs dépravés, leurs canailleries de toutes sortes, les turpitudes des idolâtres, les machinations sacrilèges des sectes contre l’Eglise, les révolutions politiques, les guerres entre Nations et quelle en était l’issue, les plus intimes secrets des Cabinets Diplomatiques. Elle voyait les tempêtes sur terre et sur mer, les tremblements de terre, les pestes et ceux qui en était victimes. Elle connaissait parfaitement l’état des âmes, même après leur mort.

L’humble femme, devant ces signes extraordinaires, afin de se préserver des illusions et des subterfuges de l’art diabolique, consulte scrupuleusement son confesseur, prie et demeure toujours docile et obéissante envers celui qui la dirigeait spirituellement, humble et soumise à son mari qu’elle consultait avec la plus simple franchise sur l’organisation de la maison. Elle était toujours attentive et vigilante à l’éducation de ses enfants, comme si rien d’important ne se passait entre elle et Dieu. Seulement, au sujet de ces manifestations du Ciel, elle restait ouverte et sincère avec son confesseur dont elle suivait scrupuleusement les conseils.

C’est ainsi que le Seigneur, au milieu de tant d’orgueil de la part des puissants, des savants et des riches, dévoilait ses dons les plus rares et ses grâces à une humble fille du peuple, faisant d’elle le distributrice de Ses miséricordes envers les hommes.

La femme charitable

Nous avons déjà vu combien était grande la charité d’Anna-Maria envers tous les membres de sa famille.

Mais Rome ne doit pas oublier l’oeuvre de charité accomplie entre ses murs par la Bienheureuse.

La Lumière Miséricordieuse lui indiquait où sa présence était nécessaire, où il lui fallait apporter conseils et réconfort, émouvoir les pécheurs, obtenir le pardon et rétablir la paix.

Avec sa fille Sophie, elle se portait aux hôpitaux de la Consolation, de S. Jean et dans d’autres, en particulier à celui des Incurables, pour laver, soigner, embrasser les malades, leur donner gâteaux, biscuits, bonbons et sucreries, en choisissant toujours les plus répugnants. Elle leur faisait réciter prières et oraisons jaculatoires, leur enseignait la doctrine chrétienne avec grande patience, charité et bonté, et les amenait à accueillir leurs souffrances d’une façon méritoire, par amour pour Jésus sur la Croix.

A toutes heures, elle allait visiter les malades dans leur demeure ; riches et pauvres étaient, pour elle, tous égaux. Elle tenait les malades dans ses bras, pendant qu’on refaisait leur lit ; peignait leurs enfants, balayait leur maison, leur apprenait les prières, les préparait à recevoir les Sacrements qui sont, — disait-elle —, le meilleur remède pour les infirmités.

Quoique pauvre, elle laissait toujours quelque aumône ; donnait le vin qu’on lui avait offert pour restaurer sa santé, déjà mauvaise. Elle rêvé tait les pauvresses, de ses propres habits et les mendiants, de ceux de son mari.

Dominique trouvait souvent sa garde-robe dévalisée, mais sachant comment cela était arrivé, il ne se laissait pas aller, alors, à ses habituels mouvements de mauvaise humeur ; il ne se plaignait pas, et même restait tout content parce que celle qui avait agi ainsi était son Anna-Maria.

Combien de fois la vit-on sortir de sa maison, après avoir fixé le soleil mystérieux, et aller même en mauvaise santé, dans une église ou sanctuaire pour prier de longues heures devant le Saint Sacrement, pour visiter le Vénérable Crucifix du Campo Vaccino, ou Sainte Cécile du Trastevere, ou Saint André délia Valle (où l’on conservait alors le Crucifix de S. Laurent de Damas) ou à S. Paul hors les murs !

La nuit, accompagnée de Sophie, elle montait la côte de l’Aracoeli et, parvenue au sommet, elle s’agenouillait devant la porte centrale de l’église et priait longuement.

A une heure, on la vit, avec Sophie, se déchausser et monter au Cimetière du S. Esprit de Sassia, prier longuement devant le Saint Sacrement et la image de Jésus de Nazareth, puis s’agenouiller devant les cent-trois sépultures de cet hôpital, ‘récitant à chacune trois Requiem et disant ensuite : " Très-Sainte Plaies de mon Jésus, imbibées de tant de sang et d’amour, ayez pitié et miséricorde des âmes du Purgatoire, quand vous arriverez devant Dieu, demandez grâce pour moi ".

Combien de fois, chaque semaine, ne gravissait-elle pas la Scala Santa ! Combien de fois ne faisait-elle pas la visite des sept églises !

Quand, par suite de maladie, elle ne pouvait se rendre elle-même à ses oeuvres de charité spirituelles et corporelles, auxquelles la poussait l’illumination du Soleil Lumineux, elle y envoyait l’homme de Dieu, Don Raphaël, pour préparer les malades à la mort, réconcilier les adversaires, arrêter les querelles, empêcher les scandales, protéger les jeunes filles en danger, retirer les mauvais sujets de la pente des précipices, et porter cent autres secours.

 

La divine Providence

Mais, dira-t-on, comment, pauvre comme elle était, Anna-Maria pouvait-elle suffire à tant d’oeuvres ?

Elle se confie à la Divine Providence, et la Divine Providence ne lui fit point défaut !

La reine de Toscane, Marie-Louise, contrainte par les Français à abandonner son Etat, avait été reléguée à Rome. Anna-Maria entra en relation avec l’Auguste Reine qui l’appelait grand-mère et connaissait les difficultés financières de la famille. Plusieurs fois la Reine ouvrit devant elle sa cassette pleine d’or, lui disant, en toute confiance et familiarité : " Prends, ma grand-mère, sers-toi à ton gré ". Mais la Bienheureuse remerciait toujours sans rien accepter. De plus, elle refusa carrément un emploi avantageux que la Reine offrait dans sa maison à Dominique, ne voulant pas sortir de cette situation sociale dans laquelle l’avait placée la Divine Providence.

Elle eut de même la faveur d’autres puissants et riches personnages. Des familles éminentes par le sang, l’esprit, la piété, lui offrirent de se retirer chez elles avec sa famille. Dominique souhaitait la voir profiter de ces offres et pour sa famille et pour autrui ; mais Anna-Maria lui répondit : " Oh ! Dominique ! confions en Dieu, espérons en Dieu, et le nécessaire ne nous manquera pas ".

Et il en fut ainsi.

Il lui arrivait souvent, de la Cour de la Reine Marie-Louise, des plats remplis de tous les biens du Ciel, tels que poulets, crèmes, gâteaux, fruits, liqueurs. Mais, à tout cela, ni elle ni sa famille ne touchait. Elle faisait les parts et les portait aux malades, aux mères en convalescence, aux pauvres, aux pères de famille, en les exhortant à prier pour les bienfaiteurs.

Ne pouvant sortir elle-même, elle envoyait ou le prêtre, Don Raphaël, ou sa fille Sophie, surtout à Noël, porter aux malades, ou à des besogneux, quelques aumônes, consistant en rouleaux de grossetti, monnaie pontificale en argent, d’une valeur de cinq baiocchi, environ 25 centimes de la monnaie italienne d’entre les deux guerres.

La Divine Providence envoyait au secours de Anna-Maria des personnes inconnues, venues de lointains pays, n’ayant jamais vécu à Rome ; et même leurs Eminences, les Cardinaux Pedicini et Fesh, se sentirent poussés de façon insistante à lui venir en aide.

Quand Sophie se préoccupait pour ses six enfants, sa mère lui disait : " Ecoute, Sophie : moi, je n’ai jamais compté sur les créatures. Dans mes peines les plus grandes, j’ai toujours espéré uniquement en Dieu. J’espère et j’ai ferme confiance que Lui, qui ne m’a pas abandonnée jusqu’à ce jour, ne le fera pas dans l’avenir ".

Un jour, où Sophie songeait à congédier sa servante, recueillie en même temps qu’elle et ses enfants dans la maison maternelle, — comme nous l’avons déjà dit, — voici ce qui arriva : " A peine avais-je formé ce projet, (dépose Sophie au Procès) que ma mère m’appela et me dit : A quoi vas-tu penser ? Sache que Dieu n’abandonne jamais personne ; aie confiance en Dieu et ne pense à rien d’autre : moi, je ne t’abandonnerai jamais ".

 

Extraordinaires dons de Dieu

Cette petite femme, si timide et effacée aux yeux du monde, était devant Dieu, une âme grande, choisie, pleine de foi vive ; elle fut, en ce temps, pour Rome et les Romains, pour l’Eglise, une preuve de la miséricorde de Dieu, un vrai réconfort.

En regardant le Soleil Mystérieux, elle eut des révélations extraordinaires ; par exemple, celle de l’assassinat du Général des Trinitaires : le Père Jean de la Trinité, et de son secrétaire, le Père André de Ste Thérèse, commis par les troupes françaises, le 4 Décembre 1808, lors de leur déplacement d’Alcalà à Madrid. Elle vit aussi que leur âme était sauvée.

Un jour, où elle envoyait Don Raphaël admonester un mari brutal, elle l’avertit qu’il serait accueilli par celui-ci le couteau à la main. Elle lui dit de ne pas s’épouvanter, mais de rester ferme, d’admonester l’homme qui céderait comme un agneau. Et il en fut ainsi.

Le Saint Mgr Strambi, le Passioniste déjà nommé, laissant, après 23 ans de gouvernement, l’évêché de Macerata et Tolentino, s’était retiré au Palais Apostolique du Quirinal. La Bienheureuse, qui tant d’années auparavant lui avait prédit l’Episcopat, lui annonce alors, très exactement, les circonstances et le jour de sa mort qui survint le 1er Janvier 1824.

Durant les désastreuses guerres de cette époque, elle voyait de loin l’issue des batailles, les nombre des généraux tués, et les pertes en soldats. Elle vit et décrivit la défaite de l’armée française en Russie, la Révolution de Bruxelles, les batailles en Pologne.

A l’Ambassadeur de France à Turin qui, pendant un séjour à Rome, avait voulut connaître Anna-Maria, celle-ci répondit d’abord à toutes ses questions exactement ; puis, elle lui décrivit toute sa vie, les événements de sa jeunesse, les personnes connues par lui au cours de la Révolution Française, les erreurs commises dans son emploi ; elle lui exposa toutes les négociations entre les Cours d’Europe et de toutes les autres parties du monde, la position de tous les Cabinets politiques, leurs intrigues et bien d’autres choses ; si bien que l’Ambassadeur, les larmes aux yeux, dit en sortant, après plus d’une heure de conversation avec la Sainte Femme : " Quelle merveille ! quel prodige ! Il faut reconnaître que cette femme est pleine de science divine. Elle a le monde entier sous les yeux, comme moi j’ai ma valise en main. Elle voit tout, cannait tout, pendant que nous, vieux diplomates, nous ne savons même pas ce qui se trame secrètement dans les Cours auprès desquelles nous sommes accrédités ".

 

Les persécutions de l’Enfer

Les vies des Saints sont pleines des fureurs avec lesquelles le démon cherche toujours à leur faire obstacle et à les éloigner des voies de la sainteté, leur apparaissant même sous les formes les plus épouvantables ou les plus séduisantes, les poursuivant avec un acharnement féroce.

La plume ne peut décrire les grappins dont l’esprit malin se servait pour martyriser Anna-Maria à tous les moments et en tous lieux, aujourd’hui et demain, à la maison et à l’église, partout.

Il lui parlait d’une façon sensible contre les vérités de la foi. Il lui apparaissait sous les traits de Religieux : prêtres, abbés, prélats, ou de jeunes séculiers propres et bien vêtus, qui se confondaient en révérences et lui conseillaient d’abandonner cette vie de misères et de pénitences, indigne d’une mère de famille. Avec une éloquence bien appropriée, ils lui suggéraient de se libérer des entrevues familiales, mari, enfants, maison ; de bien s’habiller, de se divertir et de se donner du bon temps comme les autres.

Les démons aiguisèrent contre elle les langues de la calomnie, de la façon la plus brutale, au point que, à son apparition en public, elle était tournée en ridicule, accablée de reproches, d’injures ; elle était traitée de folle, de simulatrice, de bigote, de hallucinée, de possédée ! Elle fut insultée jusqu’au pied de l’autel, et on lui arracha des mains la nappe de communion au moment où elle allait communier !

Quoi encore ? Les démons, à plusieurs reprises, la saisirent à la gorge pour l’étrangler. D’autres fois ils emplissaient l’escalier d’un vacarme formidable, de cris et hurlements épouvantables pour la terrifier. A d’autres moments, ils la torturèrent à l’aide de douleurs très vives et de maladies, transformant son corps en amas de souffrances.

Et tout cela, pour se venger de sa sainteté, de ce qu’elle conquérait à Dieu tant d’âmes perdues.

Mais les esprit infernaux perdaient leur temps. Anna-Maria, avec le Signe de la Croix, avec l’eau bénite, avec l’invocation des très saints Noms de Jésus et de Marie, de St Michel Archange, en s’humiliant et en priant, en redoublant jeûnes et prières et pénitences, en révélant tout à son confesseur, les confondait et les mettait en fuite, acquerrant toujours plus de victoires et de mérites.

Sublime et divin spectacle que cette pauvre mère de famille aux prises avec tout l’enfer, le mettant sous ses pieds et l’écrasant par la force de Dieu,

 

Dévotion au très Saint Sacrement

Dès sa plus tendre enfance, notre Bienheureuse eut une dévotion très ardente envers le Très Auguste Mystère de nos Autels.

Chaque jour elle s’approchait de la Sainte Table.

Elle passait des heures entières, immobile, et en quelque sorte anéantie, devant Jésus-Hostie.

Le Seigneur la doua d’un sens surnaturel pour distinguer si les Espèces étaient déjà consacrées ou non.

Un jour, dans l’église de S. Carlino des Quatre Fontaines, alors qu’un Père Franciscain, un Irlandais, allait lui donner la Sainte Communion, la Sainte Hostie se détacha des mains de celui-ci et alla directement se poser sur la langue de l’humble Servante de Dieu.

Que le Seigneur daigne allumer en chacun de nous une partie de ces flammes d’amour envers le trésor le plus grand dans lequel se concentre toute la force de l’église et la sainteté des âmes.

 

Extases et apparitions célestes

L’extase, dans son véritable et propre principe, n’est pas un phénomène naturel, mais une opération surnaturelle de Dieu dans les Ames Saintes, par laquelle elles sont suavement et sans aucune violence, absorbées en Dieu avec toute leur intelligence et leur volonté, et demeurant totalement privées de leur sens.

La Bienheureuse fut ornée de ce don à un degré éminent.

Il lui suffisait d’un simple regard vers le ciel, de la vue d’une fleur, d’un chant d’oiseau, pour être élevée à cette mystique union avec Dieu, qu’est l’extase.

Mère de famille, obligée à exécuter les travaux ménagers, elle se trouvait en instant arrachée aux occupations les plus ordinaires, telles que balayage et service de table.

Combien de fois la vit-on dans la Basilique Saint-Paul, au cimetière du Saint-Esprit, à Sainte-Cécile du Trastevere et en d’autres églises, prosternée devant Jésus-Crucifié, entendant la Messe, et, après avoir reçu la Sainte Communion, demeurer, les yeux pleins de larmes, en extase, privée de sens et comme morte, ne percevant même pas les plus fortes secousses, les bruits les plus stridents.

Les apparitions célestes dont elle fut honorée furent nombreuses. Notre Seigneur lui apparut dans la Ste Hostie, exposée pour les Quarante-Heures à Saint-André della Valle, et une autre fois, dans l’église Sainte Marie de la Consolation. Plusieurs fois il se montra à elle sous les traits du Nazaréen, la délivra de très graves maladies, rebelles à tous les remèdes, et lui accorda le don de guérir les maladies par le seul contact de la main droite. D’autres fois encore, (ainsi la nuit du 21 Mars 1812) Jésus-Crucifié lui apparut, ayant Marie à sa gauche qui priait pour le salut et la sauvegarde du peuple Romain, à l’époque où le Saint-Père Pie VII était prisonnier des Français à Fenestrelle en Piémont.

Anna-Maria eut aussi de nombreuses visions de la Très Sainte Vierge, des Anges, des Saints et même des Ames du Purgatoire : visions tantôt de miséricorde, tantôt de menace, tantôt de protection contre les complots ourdis, ou les catastrophes et les malheurs imminents.

Voici donc comment, une très humble fille du peuple, au milieu des multiples soins de sa maison et de sa famille, peut être élevée par Dieu à des degrés éminents de perfection et à des dons extraordinaires.

 

Miracle de guérisons corporelles et spirituelles

Jésus-Christ daigne concéder à la Bienheureuse le don de guérison.

Elle guérit Sa Majesté Marie-Louise, Reine de Toscane, prisonnière des Français à Rome, au Couvent des Dominicains de Saint-Dominique et Saint-Xiste de Magnanapoli. La Reine, à la suite des mauvais traitements subis, était attente du terrible mal de l’épilepsie. Anna-Maria oignit au front l’auguste Dame avec l’huile de la lampe brûlant devant la Madone, et la délivra aussitôt.

En la bénissant avec l’image de N.D. des Douleurs, elle guérit une Religieuse du Monastère de l’Enfant Jésus, d’une tumeur au sein dont elle devait être opérée.

Par ses prières elle arraché à la morte la fille de la Duchesse Douairière de Lucques ; et celle qu’elle avait guérie devint, quelques années plus tard, la Duchesse de Saxe.

De même au Monastère St. Dominique et St. Xiste, par une application de l’huile brûlant devant la Madone, elle délivra d’une tumeur cancéreuse à la poitrine, la Princesse Doria, religieuse Dominicaine.

Le Cardinal Pedicini déclara dans sa déposition : " Il me serait impossible de citer toutes les guérisons que j’ai vues, et dont j’ai moi-même pris note. C’est pourquoi, j’en laisse PLUSIEURS CENTAINES. Mais de celles dont je n’ai pas moi-même pris note, j’en laisse PLUS D’UN MILLIER ".

La Servante de Dieu, en opérant ces guérisons, avait coutume de bénir les malades, soit avec la main droite, soit avec une image de la Très Sainte Vierge Marie, soit avec l’huile qui brûlait dans son oratoire familial, ou en signant les malades avec le pouce de la main droite et en disant : " Que la Puissance du Père, la Sages’se du Fils, la Vertu du Saint-Esprit te libèrent de tout mal. Amen ".

Plus admirables encore sont les guérisons spirituelles. Très nombreuses furent les âmes qu’elle guérit du péché et réconcilia avec Dieu sur leur lit de mort : malheureux ensevelis depuis tant d’années dans la fétide pourriture de leurs fautes, femmes disgraciées, sectaires chargés de tous les délits et de toutes les infamies.

Telle était la Bienheureuse Taigi, qui répétait toujours : " Je ne suis qu’une misérable créature, une pauvre pécheresse ! ".

Dieu abaisse les superbes et exalte les humbles.

 

Infirmités et mort de la Bienheureuse

Fatigues, pèlerinages, disciplines, jeûnes, souffrances de toutes sortes épuisèrent cette victime de charité, qui fut finalement terrassée par un affreux ensemble de maux et de douleurs.

Toujours aimable et gracieuse avec tous, elle ne dit jamais un mot de sa cruelle souffrance ; au contraire, dans un saint élan de joie, elle offrait tout avec amour au Seigneur.

Sa famille dut prendre une domestique ; mais celle-ci tomba malade elle aussi, et Anna-Maria en eut plus de soucis que d’elle-même.

Mais le 24 Octobre 1836, elle dut s’aliter pour ne plus se relever.

Huit mois d’affilée, elle endura cette espèce de martyre, que la plume ne peut décrire, sans proférer le moindre gémissement.

Elle reçut publiquement le Saint Viatique, l’Extrême Onction et l’Indulgence Plénière de l’Ordre Trinitaire. La veille de sa mort, le 8 Juin 1837, elle parla ainsi à ses filles Sophie et Marie : " Mes chères filles : soyez dévotes envers la Très Sainte Vierge que je vous laisse pour mère à ma place. Demain, vendredi, j’aurai cessé de vivre. Je vous donne Ste Philomène comme protectrice de la famille. Ayez toujours Jésus-Christ présente à vos yeux, et gardez une grande dévotion envers Son Précieux Sang. Si vous agissez ainsi, le Seigneur ne vous abandonnera jamais, et il ne vous manquera rien. Vous aurez à supporter des persécutions, les mauvaises langues ; on vous fera du tort, mais n’en doutez jamais, le Seigneur vous consolera ".

Ensuite, elle demanda pardon à tous, et bénit chacun au nom de Dieu.

On s’imagine le déchirement éprouvé par Dominique et ses filles.

Une aggravation imprévue enleva Anna-Maria à la terre le vendredi matin, 9 Juin 1837, à quatre heures et demi ; son mari et ses filles étaient agenouillés autour de son lit et Mgr. Natali l’assistait avec Don Louis Antonini, premier Vicaire de la Paroisse de la Bienheureuse.

Elle expira au moment où le premier Vicaire récitait ces paroles des prières des agonisants : " Ouvrez-lui, Seigneur, les portes de la Vie Eternelle et faites quelle jouisse du bonheur avec tous les Saints dans la Gloire éternelle ".

Après la mort

La vénérable dépouille fut revêtue d’abord des habits du Tiers-Ordre des Trinitaires ; puis fut ensuite ensevelie avec des vêtements ordinaires.

La Bienheureuse avait prédit autrefois que, durant sa vie, le choléra ne désolerait pas la ville de Rome. Et voici que le jour même de sa mort, ce fléau fit sa première apparition dans le Borgo S. Angelo.

Cette si grave nouvelle bouleversa tout le monde ; et, dans ce trouble général, la mort de la Sainte Femme passa inaperçue. Une quinzaine de personnes, seulement, vinrent saluer son corps à sa maison.

Celui-ci resta exposé dans sa demeure jusqu’au samedi soir. Mgr. Natali en fit prendre le masque. Le samedi soir, enfermé dans un cercueil de bois, il fut transporté dans l’église de Santa Maria in via Lata, où furent célébrés les funérailles le dimanche matin.

Par ordre du Vicariat, la dépouille fut déposée dans un cercueil de plomb, dûment scellé (était alors Cardinal-Vicaire, ce saint homme que fut Charles Odescalchi qui, l’année suivante, en 1838, déposa la pourpre cardinalise pour devenir Jésuite). Le dimanche soir, le corps fur transporté au Campo Verano, et, sur l’ordre du Pape Grégoire XVI, fut enterré dans un lieu privé, hors de la chapelle du Cimetière.

Mais si le moment de sa mort et de son enterrement fut presque ignoré, le nom d’Anna-Maria ne tarda pas à courir sur toutes les lèvres.

Prélats, Evêques, Cardinaux, Hommes distingués, tous voulaient connaître sa vie en détails ; on visitait sa maison, son tombeau, et l’on répétait : " La Sainte est morte, la Sainte est morte ".

Parmi ses dévots qui l’invoquaient souvent, on compte le Saint Gaspard del Bufalo, le Bienheureux Vincent Pallotti, le Vénérable P. Bernard Clausi, de l’Ordre des Minimes ; de même, pendant sa vie, l’avaient tenue en odeur de sainteté, le Saint Vincent Strambi, Passioniste, les Vénérables Mgr. Barthélémy Manocchio, Augustin, Elisabeth Canori-Mora, et les Papes Pie VII et Léon XII.

On écrivit sa vie ; on la traduisit dans toutes les langues et on la divulgua dans le monde entier.

Dieu accorda beaucoup de guérisons et de conversions par l’intercession de Sa Servante, qui apparut aussi elle-même à de nombreuses personnes pour les secourir dans leurs besoins.

Dix-huit ans après sa mort, en 1855, le corps de la Servante de Dieu, exhumé intact et sans corruption, fut transporté du Campo Verano à Sainte Marie de la Paix, à travers les rues bondées de personnes de toutes conditions : prêtres, Religieux, nobles, militaires, gens du peuple.

Mais, pour exaucer les derniers désirs d’Anna-Maria Taigi de reposer auprès de ses Frères Trinitaires, le cercueil fut transporté, le 18 Août 1865, à Saint Chrysogone et inhumé dans le haut de la nef de droite, près de l’autel de la Sainte Croix.

En Août 1868, à cause de la restauration du précieux pavement de mosaïque, on démolit le sarcophage, on ouvrit le cercueil, et le corps, retrouvé encore intact, fut recouvert de nouveaux vêtements. Le cercueil fut changé contre un autre de cyprès, en présence du nonagénaire Mgr. Natali, déjà nommé dans cette biographie. On peut dire que Rome entière, pendant huit jours, se rendit, alors, à S. Chrysogone pour rendre visite à ces restes sacrés.

Cependant, se déroulait régulièrement la procédure de la Cause de Béatification.

Le 8 Janvier 1863, Pie IX signa le Décret d’introduction de la Cause. Le 4 Mars 1908, en présence de Pie X, on lut solennellement le Décret d’approbation des vertus d’Anna-Maria Taigi à un degré héroïque.

Le 6 Janvier 1919, sous le Pontificat de Benoit XV, on publie le Décret dit del Tuto de procéder avec certitude à la Béatification.

Le 8 Avril 1920, la dépouille fut exhumée pour la dernière fois. On ne la retrouva plus intacte, mais chaque partie put être reconstituée et déposée dans une riche urne provisoire, faite de bois doré, qui, (après la Béatification, proclamée le 30 Mai 1920) fut déposée dans la Chapelle dite de Léon XIII, dédiée à la Madone, dans l’église de S. Chrysogone. Sur la crâne est fixée une reproduction en cire du masque authentique, pris après la mort et conservé par les Pères Trinitaires dans cette église. Les habits sont ceux de l’époque avec le Scapulaire Trinitaire et, sur la tête, la coiffe, comme la Bienheureuse avait l’habitude d’en porter.

Priez pour nous, Bienheureuse Anna-Maria

Ces récits donnent brièvement la vie de la Bienheureuse, ses vertus et ses miracles, l’oeuvre de bénédiction accomplie par Elle au profit de la ville de Rome, devenue sa seconde Patrie.

Devant ce modèle magnifique de fille, d’épouse, de mère chrétienne, que se regardent et se forment, en particulier, les femmes d’aujourd’hui.

Comme fille, la Bienheureuse Anna-Maria assiste jusqu’à la fin, avec une affection et une patience héroïque, ses vieux parents, en se sacrifiant pour eux et supportant leurs brusqueries.

Comme épouse, elle fut totalement fidèle à son mari, le considère comme son supérieur ; en supporte, et même en excuse, les défauts ; le couvrit de tendresses, n’entreprit rien sans le consulter, l’encouragea dans ses peines, le soigna avec assiduité dans ses maladies, ne manque, enfin, à aucun de ses devoirs d’épouse chrétienne.

Comme mère, elle donne une sainte éducation à ses enfants ; forme leur caractère et leur coeur à la piété, au recueillement, au travail, à l’ordre, à la pureté ; elle infuse à ses deux filles qui survécurent, les solides principes de morale chrétienne qui en firent les véritables anges de toutes les vertus des familles dans lesquelles elles entrèrent.

Enfin, cette grande âme s’était offerte pour tous en victime devant Dieu, et elle a obtenu grâces et miséricordes pour Rome et pour l’Eglise.

Continuons tous, laïcs et Religieux, à demander son patronage auprès du Seigneur. Que Rome confie à cette Bienheureuse ses destinées en ces temps où l’abomination est entrée pour profaner et paganiser, si cela était possible, la ville de Jésus-Christ et des Papes.

Que le Seigneur daigne glorifier encore Sa Servante pour que le Vatican puisse l’élever aux honneurs suprêmes de la Canonisation.

PRIERE

O Bienheureuse Anna-Maria Taîgi qui, dans votre humble demeure et au milieu des occupations du siècle, avez pratiqué jusqu’à l’héroïsme toutes les vertus chrétiennes, obtenez-nous de Dieu la grâce de conformer notre vie aux exemples que vous nous avez laissés, afin de participer un jour à votre félicité dans le ciel. Amen.

 

Autre prière pour demander une grâce particulière

Louange éternelle à la Très Auguste Trinité qui vous a élevée à une si grande gloire dans le ciel, ô Bienheureuse Anna-Maria. Au milieu de votre bonheur. souvenez-vous de moi, votre serviteur.

Demandez au Seigneur pour mon âme, ô ma céleste avocate, le don d’une foi vive, qui soit la règle de toutes mes oeuvres ; une ferme espérance, qui me soutienne dans le combat spirituel et dans toutes les difficultés de la vie ; une ardente charité, qui m’unisse toujours plus à Dieu et m’inspire une grande horreur pour l’ombre même du péché. Obtenez-moi encore la grâce particulière que je vous demande... si elle est conforme à la volonté de Dieu et favorable ; à mon salut éternel. Amen.

Pour toute information, communication de grâces reçues, demande de biographie, reliques, etc. s’addresser à : R. P. Postulateur des Trinitaires Via del Quirinale, 23 00187 ROMA (Italia)

Imprimatur Tlp. Paullllo Via Foria. 18 - Napoll • Tel. 456863

Résumé : La Bienheureuse ANNA-MARIA TAIGI

Mère de Famille Tertiaire de l’Ordre de la T.S. Trinité

La Bienheureuse Anna Maria (Giannetti) Taîgi naquit à Sienne le 29 mai 1769 d’une famille honorable et aisée. Par suite de revers de fortune, ses parents vinrent s’établir à Rome où ils devinrent gens de service pour assurer la subsistance de la famille. Leur sollicitude pour Anna Maria leur fit confier celle-ci, âgée de 5 ans, aux soins attentifs des soeurs Philippines, qui lui donnèrent une instruction et une éducation convenables à son état. A 13 ans, Anna Maria fit sa première communion dans l’église de St-François-de-Paule aux Monts avec une ferveur qui laissait prévoir sa future sainteté. Peu de temps après, elle entra au service d’une dame romaine. Après avoir imploré les lumières divines, elle épousa Dominique Taîgi, le 7 janvier 1790, dans l’église de St-Marcel in Corso.

Dominique était milanais, descendant de la très noble famille des Taeggi. Déchu, lui aussi, de l’ancienne fortune de famille, il servait comme domestique au palais des princes Chigi.

Peu après son mariage, à la suite d’une pieuse lecture sur le jugement universel, Anna-Maria s’adonna entièrement au travail de la perfection. Avec le consentement de son mari, elle renonça dès lors à toute parure mondaine. Elle prit l’habit du Tiers-Ordre de la T. S. Trinité dans l’église St-Charles aux quatre fontaines, le 26 décembre 1808, comme Notre Seigneur le lui avait ordonné expressément dans une céleste apparition. Elle eut plusieurs enfants qu’elle éleva soigneusement dans la crainte de Dieu. Toute sa vie fut un continuel exercice des plus héroïques vertus. Dieu l’enrichit de dons extraordinaires. Elle voyait dan " un soleil mystique ce qui arrivait dans les régions les plus lointaines, de même qu’elle y découvrait le fond des conscience !, le passé et le futur. Anna-Maria eut aussi le don des miracles. Elle guérissait les malades par le seul attouchement de sa main, que Dieu avait bénie. Elle joignait à l’accomplissement le plus exact des devoirs domestiques une vie de constante mortification. Sa pauvre demeure était visitée quotidiennement par des cardinaux, des évê-ques, des princes et des princesses qui, dans leurs besoins spirituels et temporels avaient recours aux conseils de la Bienheureuse. Les Souverains Pontifes eux-mêmes eurent pour elle une vénération particulière et recommandaient à ses prières les grands intérêts de l’Eglise dont elle était sans cesse préoccupée devant Dieu. Exemple parfait de la femme chrétienne et de la mère de famille, Anna Maria vécut plus de 47 ans avec l’époux que le Seigneur lui avait donné. Elle fut toujours pour lui joie et appui, comme elle fut aussi amour et consolation pour ses enfants et pour tous ceux qui eurent le bonheur de l’approcher. Elle mourut à Rome le 9 juin 1837. Dieu opéra des prodiges par son intercession. C’st pourquoi Benoit XV la béatifia le 30 mai 1920. On vénère- son corps dans la basilique de s. Chrysogone au Transtévère, desservie par les religieux de l’Ordre de la T. S Trinité.