L'ENSEIGNEMENT
DE
JEAN-PAUL Ier
I- ALLOCUTIONS DOMINICALES AVANT
L'ANGELUS
Angélus du 27
août 1978 : SERVIR L'ÉGLISE
Angélus du 3
septembre 1978 : DAVANTAGE DE PRIÈRES ET MOINS DE
BATAILLES
Angélus du 10
septembre 1978 : FAIM ET SOIF DE PAIX
Angélus du 17
septembre 1978 : VOEUX POUR LA RENTRÉE SCOLAIRE
Angélus du 24
septembre 1978 : « JE SUIS DOUX ET HUMBLE DE COEUR »
II- CATÉCHÈSE
DU PAPE DANS LES AUDIENCES GÉNÉRALES DU MERCREDI
6 septembre
1978 : LA GRANDE VERTU DE L'HUMILITÉ
6 septembre
1978 : PRIER POUR LA PAIX AU MOYEN ORIENT
13 septembre
1978 : VIVRE LA FOI EN SUIVANT LE CONCILE
20 septembre
1978 : ESPÉRER CONTRE TOUTE ESPÉRANCE
27 septembre
1978 : DIEU SERA NOTRE FÉLICITÉ ÉTERNELLE
III- DISCOURS
ET HOMÉLIES DU PAPE EN DIVERSES CIRCONSTANCES
27 août 1978
: L'ESQUISSE D'UN PROGRAMME
30 août 1978
: « AYEZ CONFIANCE, J'AI VAINCU LE MONDE »
31 août 1978
: « ... SANS CONFUSION DES COMPÉTENCES »
1° septembre
1978 : AUX JOURNALISTES
3 septembre
1978 : CÉLÉBRATION SOLENNELLE POUR LE DÉBUT
DU MINISTÈRE DU PAPE JEAN PAUL Ier
4 septembre
1978 : L'AUDIENCE DU PAPE AUX DÉLÉGATIONS
OFFICIELLES
7 septembre
1978 : AVEC LE COEUR PLEIN D'AMOUR »
21 septembre
1978 : LA FAMILLE, COMME COMMUNAUTÉ D'AMOUR
23 septembre
1978 : LE PAPE AU MAIRE DE ROME
23 septembre
1978 : « S'ATTACHER À L'EVÊQUE COMME
L'ÉGLISE À JÉSUS-CHRIST ... »
24 septembre
1978 : MESSAGE AUX ÉVÊQUES ET AUX FIDÈLES DE
L'EQUATEUR
28 septembre
1978 : PROCLAMER JÉSUS CHRIST
PRÉFACE
Le Pape Jean Paul Ier, élu au Siège Apostolique romain le 26 août 1978, rendait son âme à Dieu le 28 septembre, après trente trois jours de pontificat qui ont cependant laissé une marque indélébile dans l'Eglise et dans le monde. L'unanimité universelle et émouvante du Peuple de Dieu autour de ce Pape en témoigne. Jean Paul Ier a incarné d'une manière impressionnante la bonté et la douceur évangélique reflétées dan son sourire permanent.
Il est passé dans l'Eglise et
dans le monde comme une comète vertigineuse qui envoie un rayon de lumière
inextinguible, comme un éclair d'espérance qui irradie les cœurs, comme un
merveilleux arc-en-ciel chargé de promesses pour une humanité pauvre, lassée,
divisée, inquiète. Dans le bref passage de son ministère de Pasteur suprême, il
a parfaitement accompli la mission que le Seigneur a voulu lui confier quand il
lui remit le gouvernail de la barque de Pierre, le chargeant de la conduire
pour une étape de courte durée mais enthousiasmante et décisive pour l'avenir
de l'Eglise. Jean Paul Ier est apparu et a disparu comme un ange de la
Bible, traçant à l'Eglise un chemin de lumière et de sérénité. Il nous a laissé
un message prophétique que nous ne pouvons oublier, une doctrine évangélique à
assimiler et à mettre en pratique, un programme clair qu'il nous faut étudier
et approfondir.
Le livre que nous présentons contient ce message prophétique, cette doctrine évangélique, le programme pastoral et ecclésial de Jean Paul Ier. Il ne nous a pas laissé de testament proprement dit. Son testament — comme l'a indiqué Jean Paul II — est contenu dans ses catéchèses et discours, qui constituent son héritage doctrinal lié à un amour profond de l'Eglise.
Au lendemain de son élection à la Chaire de Pierre, au matin du 27 août, le nouveau Pape adressa son premier message à l'Eglise et au monde. Ensuite, à midi, avant de réciter la prière mariale de l'Angélus, il prononça sa première allocution dominicale au Peuple de Dieu, réuni Place Saint Pierre. Les quatre dimanches suivants, il se retrouva de nouveau avec ses fils à l'heure de midi, de l'Angélus, pour leur parler de façon cordiale et simple. Ces cinq allocutions dominicales constituent la première partie de ce livre.
Le 6 septembre, le Pape reprit la tradition des audiences générales dans la Salle Nervi et commença son allocution en rappelant le souvenir du Pape Paul VI qui « tous les mercredis venait ici et parlait à ses visiteurs ». Et il ajouta : « Au Synode de 1977, de nombreux évêques ont affirmé que les discours du mercredi prononcés par Paul VI constituent une catéchèse authentique, adaptée au monde moderne. J'essaierai de l'imiter dans l'espoir de pouvoir à mon tour aider les personnes à devenir meilleures ». Et c'est ainsi qu'il débuta la série de ses quatre catéchèses consacrées, la première à des orientations générales de caractère évangélique et les trois autres à exposer « les principes fondamentaux de la vie chrétienne, c'est à dire les trois vertus théologales ». Il pensait poursuivre en parlant des quatre vertus cardinales, mais il n'eut pas le temps de le faire. C'est son successeur, le Pape Jean Paul II, qui réalisa ce projet « portant à son terme, d'une certaine façon, le programme de Jean Paul Ier dans lequel nous pouvons voir comme le testament du Pape défunt » (cf. discours de Jean Paul II lors des audiences des 25 octobre et 22 novembre). Pendant toute sa vie de prêtre, d'évêque et de Pape, Jean Paul Ier fut un grand catéchiste et la finesse de son style d'évangélisation, calqué sur celui de Jésus, se reflète merveilleusement dans ces quatre catéchèses qui constituent la deuxième partie de ce livre.
Les autres discours de Jean Paul Ier en forment la troisième partie : son allocution programme adressée à l'Eglise et au monde le jour qui a suivi son élection, l'homélie prononcée à la Messe d'intronisation de son Pontificat, les entretiens qu'il eut, dès les premiers jours, avec les Cardinaux, les journalistes, le Corps Diplomatique accrédité près du Saint Siège et les Missions spéciales présentes à Rome pour l'inauguration officielle du Pontificat, l'allocution aux prêtres de Rome, l'homélie prononcée lors de la prise de possession de la Basilique Saint Jean de Latran avec le discours adressé au Maire de Rome, les deux discours aux groupes d'évêques — un des Etats Unis et l'autre des Philippines — qui sont venus à Rome au mois de septembre pour leur visite « ad limina », le Message aux évêques et aux fidèles de l'Equateur. Au total douze discours qui s'ajoutent aux quatre catéchèses et au cinq allocutions dominicales.
C'est en souvenir et en hommage à l'inoubliable Pape Luciani qu'est donc consacré cet ouvrage qui contient l'« Enseignement de Jean Paul Ier ». Il est de peu de pages, à l'image de ce bref pontificat mais son contenu possède la densité des messages de ce Pontife qui reste vivant dans l'Eglise, inondant les âmes de lumière et orientant les chemins du peuple de Dieu dans sa marche d'espérance vers les deux nouveaux et la terre nouvelle dont parle Saint Pierre.
Cité du Vatican 1978
I- ALLOCUTIONS DOMINICALES AVANT L'ANGELUS
Hier matin je me suis rendu à la Sixtine pour voter tranquillement. Jamais je n'aurais soupçonné ce qui allait arriver. A peine le danger s'est-il annoncé pour moi, que les deux collègues, mes voisins, m'ont murmuré des paroles de réconfort. L'un d'eux m'a dit : « Courage ! si le Seigneur charge d'un poids, il donne aussi l'aide pour le porter ». L'autre a poursuivi : « N'ayez pas peur, dans le monde entier il y a tant de personnes qui prient pour le nouveau Pape ». Le moment venu, j'ai accepté. Ensuite il s'est agi de choisir un nom. Car on demande même le nom qu'on veut prendre! Moi, j'y avais si peu pensé ! J'ai fait le raisonnement suivant : Le Pape Jean m'a consacré de ses mains, ici, dans la Basilique de Saint-Pierre, puis, bien qu'indignement, je lui ai succédé à Venise, sur le Siège de Saint Marc, en cette Venise qui est encore toute remplie de lui. Tous se le rappellent : les gondoliers, les sœurs, tous. Ensuite, non seulement le Pape Paul m'a nommé Cardinal, mais quelques mois auparavant, sur la passerelle de la Place St Marc, il m'a fait devenir tout rouge devant 20.000 personnes, car il a pris son étole et l'a déposée sur mes épaules, jamais je ne suis devenu aussi rouge! D'autre part, en 15 ans de pontificat, ce Pape a montré non seulement à moi, mais au monde entier, comment on aime, comment on sert, comment on travaille et on souffre pour l'Eglise du Christ. Pour cela j'ai dit : « Je m'appellerai Jean Paul ». Je n'ai ni la « sagesse du cœur » du Pape Jean, ni la préparation et la culture du Pape Paul. Cependant je suis à leur place, je dois tâcher de servir l'Eglise. J'espère que vous m'aiderez par vos prières.
Là-haut en Vénétie, j'entendais dire : tout bon larron a sa dévotion personnelle. Le pape, quant à lui, en a plusieurs et, entre autres, une dévotion à saint Grégoire le grand dont c'est aujourd'hui la fête. A Belluno, le séminaire est dit grégorien en l'honneur de Saint Grégoire le Grand. J'y ai passé sept ans comme étudiant et 20 comme enseignant. On suppose que c'est aujourd'hui, 3 septembre, qu'il a été élu pape et c'est aujourd'hui que je commence officiellement mon service de l'Eglise universelle. Il était romain, et était devenu premier magistrat de la ville. Puis il a donné tous ses biens aux pauvres, s'est fait moine et il est devenu le secrétaire du pape. A la mort du pape, il a été élu contre son gré. L'empereur s'en est mêlé ainsi que le peuple. Alors, finalement, il a accepté et il a écrit à son ami Léandre, évêque de Siviglia : « j'ai plus envie de pleurer que de parler ». Puis à la sœur de l'empereur : « l'empereur a voulu qu'un singe devienne lion » ; assurément, même en ce temps-là, il était difficile d'être le pape. Grégoire était tellement bon à l'égard des pauvres. C'est lui qui a converti l'Angleterre. Et surtout il a écrit de très beaux livres, dont l'un est la Règle pastorale : il y enseigne leur métier aux évêques, mais, dans la dernière partie, il ajoute ces mots : « j'ai fait la description du bon pasteur mais je ne le suis pas moi-même, j'ai montré le rivage de la perfection ou il faut atteindre, mais personnellement je me trouve encore dans la marée de mes défauts, de mes insuffisances et alors, je vous en prie — dit-il — pour que je ne fasse pas naufrage, lancez-moi une planche de salut par vos prières ». Je vous en dis autant, et ce n'est pas seulement le pape qui a besoin de prières mais aussi le monde. Un écrivain espagnol a écrit : « le monde va mal parce qu'il y a plus de batailles que de prières ». Tâchons de faire qu'il y ait davantage de prières et moins de batailles.
A Camp David, en Amérique, les Présidents Carter, Sadate et le Premier Ministre Begin travaillent pour la paix au Moyen-Orient. Tous les hommes ont faim et soif de paix, spécialement les pauvres qui dans les tumultes et dans les guerres paient le plus et souffrent le plus. C'est pour cela que nous regardons avec intérêt et grande espérance la réunion de Camp David. Même le Pape a prié, fait prier et prie afin que le Seigneur daigne appuyer les efforts de ces hommes politiques. J'ai été très bien impressionné du fait que les trois Présidents aient voulu exprimer publiquement leur espoir dans le Seigneur par la prière. Les frères de religion du Président Sadate ont l'habitude de dire : « dans une nuit noire, sur une pierre noire se trouve une petite fourmi ; mais Dieu la voit, il ne l'oublie pas ». Le Président Carter, qui est un fervent chrétien, lit dans l'Evangile : « Frappez et l'on vous ouvrira, demandez et l'on vous donnera. Pas un cheveu ne tombera de votre tête sans que votre Père qui est aux cieux ne le voie ». Et le Premier Ministre Begin rappelle que le peuple hébreu a vécu autrefois des moments difficiles et s'est adressé au Seigneur avec des plaintes en disant : « Tu nous a abandonnés, tu nous a oubliés ! » « Non ! — a-t-il répondu par le prophète Isaïe — une mère peut-elle oublier son propre enfant ? même si cela arrivait, jamais Dieu n'oubliera son peuple ». Nous aussi qui sommes ici, nous avons les mêmes sentiments. Nous sommes de la part de Dieu objet d'un amour sans faille. Nous le savons : Il a toujours les yeux ouverts sur nous même lorsqu'il nous semble qu'il fait nuit. Il est papa; plus encore, II est mère. Il ne veut pas nous faire du mal. Il veut seulement notre bien à tous. Si par hasard les enfants sont malades, ils ont un titre de plus à l'amour de la maman. Et nous aussi, s'il nous arrive d'être malades de méchanceté, d'avoir quitté la bonne route, nous avons un titre de plus pour être aimés du Seigneur.
Avec ces sentiments je vous invite à prier avec le Pape pour chacun de nous, pour le Moyen-Orient, pour l'Iran, pour le monde entier.
Mardi prochain douze millions d'enfants retourneront en classe en Italie. En présentant ses vœux les plus cordiaux aux professeurs comme aux élèves, le Pape entend bien ne pas se substituer au Ministre de l'Education Publique Pedini en interférant dans son domaine !
Le professeurs italiens ont eu dans le passé des modèles classiques d'attachement exemplaire et de dévouement à l'école... Giosué Carducci était professeur à l'Université de Bologne. Un jour il se rendit à Florence pour des réunions. Un soir, il prit congé du Ministre de l'Instruction publique. « Mais non, dit le Ministre, restez encore demain. » — « Excellence, je ne puis. Demain j'ai des cours à l'Université et les jeunes m'attendent. » — « Je vous accorde, moi, l'exemption. » — « Vous pouvez m'exempter, mais moi je ne me soustrais pas. » Le professeur Carducci possédait vraiment un sens très élevé de l'école comme des élèves. Il était de la race de ceux qui disent : « Pour enseigner le latin à John il ne suffit pas de savoir le latin, il faut aussi connaître et aimer John ». Et encore : « La leçon vaut ce qu'a valu la préparation ».
Aux élèves des écoles primaires je voudrais rappeler leur ami Pinocchio : pas celui qui un jour fit l'école buissonnière pour aller voir Guignol ; mais l'autre, le Pinocchio qui prit goût à l'école, si bien que durant tout l'année scolaire, tous les jours il fut le premier à arriver à l'école et le dernier à en sortir.
Mes vœux les plus affectueux, cependant vont aux élèves des écoles moyennes, spécialement des supérieures. Ceux-ci n'ont pas seulement les problèmes immédiats de l'école, mais à distance de temps, leur « après l'école ». En Italie, comme dans les autres Nations du monde, aujourd'hui : les portes sont grande ouvertes pour qui veut entrer aux écoles moyennes et aux universités ; mais lorsqu'ils ont le diplôme ou la licence et sortent de l'école, il n'y a que de tout petits débouchés, ils ne trouvent pas de travail, ils ne peuvent se marier. Ce sont des problèmes que la société d'aujourd'hui doit vraiment étudier et chercher à résoudre.
Le Pape aussi a été élève de ces écoles ; gymnase, lycée, université. Mais je pensais seulement à la jeunesse et à la paroisse. Personne n'est venu me dire : « Tu deviendras Pape ». Oh ! si on me l'avait dit ! Si on me l'avait dit, j'aurais étudié davantage, je me serais préparé. Maintenant au contraire je suis âgé, je n'ai plus le temps.
Mais vous, chers jeunes qui étudiez, vous êtes vraiment jeunes, vous avez le temps, vous avez la jeunesse, la santé, la mémoire, l'ingéniosité : tâchez de faire valoir toutes ces facultés. De vos écoles sortira la classe dirigeante de demain. Plusieurs d'entre vous deviendront ministres, députés, sénateurs, maires, adjoints ou même ingénieurs, docteurs, vous occuperez des places dans la société. Et aujourd'hui celui qui occupe une place doit avoir la compétence nécessaire, il faut se préparer. Le Général Wellington, celui qui a vaincu Napoléon, a voulu retourner en Angleterre, voir l'école militaire où il avait étudié, où il s'était préparé et s'adressant aux élèves officiers il leur dit : « Sachez que la bataille de Waterloo a été gagnée ici ».
Et je vous dis la même chose à vous, chers jeunes : vous aurez des batailles dans la vie à trente, quarante, cinquante ans, si vous voulez les gagner, il faut commencer maintenant, vous préparer maintenant, être, dès maintenant, assidus à l'étude et à l'école.
Prions le Seigneur afin qu'il aide les professeurs, les étudiants et aussi les familles à regarder l'école avec la même affection et la même préoccupation que le Pape.
Hier je suis allé à Saint Jean de Latran. Grâce aux Romains, à la complaisance du Maire et des autorités du Gouvernement italien, ce fut pour moi un heureux moment. Heureux certes, mais aussi douloureux parce que j'avais appris par les journaux quelques jours auparavant le meurtre d'un étudiant romain, tué de sang froid pour un motif futile. C'est l'un des cas si nombreux de violence qui marquent continuellement notre pauvre et inquiète société. Celui de Luca Locci, enfant enlevé il y a trois mois, se rappelle à nous ces jours derniers. Les gens disent parfois : « nous vivons dans une société toute corrompue, toute malhonnête ». Ceci n'est pas vrai. Il existe encore tant de bonnes personnes, tant de personnes honnêtes. Que faut-il donc faire pour améliorer la société ? Moi je dirai : que chacun de nous tâche d'être bon lui-même et d'entraîner les autres par une bonté toute pétrie de la douceur et de l'amour enseignés par le Christ. La règle d'or du Christ a été : « ne fais pas aux autres ce que tu ne veux pas qu'il te soit fait à toi. Fais aux autres ce que tu veux qu'ils te fassent à toi. Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur ». Et Lui a toujours donné. Mis en croix, non seulement il a pardonné à ses bourreaux, mais Il les a excusés. Il a dit : « Père pardonne leur car ils ne savent pas ce qu'ils font ». C'est cela le christianisme, ce sont là des sentiments qui, mis en pratique, aideraient tellement la société.
Cette année est celle du 30ème anniversaire de la mort de Georges Bernanos, grand écrivain catholique. Une de ses oeuvres les plus connues est Dialogue des Carmélites. Elle a été publiée une année après sa mort, écrite pour le théâtre d'après l'œuvre de Gertrude von Le Fort, écrivain allemand. Ce « Dialogue » a été joué au théâtre, puis mis en musique et projeté sur les écrans du monde entier. Très connu, le fait cependant était historique. Pie X, en 1906, ici à Rome, avait béatifié les seize Carmélites de Compiègne martyres pendant la révolution française. Au cours du procès on entendit la condamnation : « à mort pour fanatisme ». L'une d'elles dans sa simplicité demanda : « Monsieur le Juge, s'il vous plaît, qu'est-ce que cela veut dire fanatisme ? » Le juge répondit : « c'est votre sotte appartenance à la religion ». — « Oh, mes sœurs ! — dit encore la religieuse — vous avez entendu, on nous condamne pour notre attachement à la foi. Quelle félicité de mourir pour Jésus-Christ ! » On les fait sortir de la prison de la Conciergerie et monter sur la charrette fatale. Durant le parcours elles chantent des hymnes religieux. Arrivées sur l'estrade de la guillotine, l'une après l'autre elles s'agenouillent devant la Prieure, pour renouveler leur vœu d'obéissance. Ensuite elles entonnent le Veni Creator. Le chant cependant devient de plus en plus faible, à mesure que les têtes des pauvres sœurs tombent une à une sous la guillotine. Sœur Thérèse de Saint Augustin, la Prieure, reste la dernière et ses ultimes paroles furent celles-ci : « L'amour sera toujours victorieux, l'amour peut tout ». Voilà la parole juste, la violence ne peut pas tout, mais l'amour peut tout.
Demandons au Seigneur la grâce qu'une nouvelle vague d'amour envers le prochain envahisse ce pauvre monde.
II- CATÉCHÈSE DU PAPE DANS LES AUDIENCES GÉNÉRALES DU MERCREDI
Allocution prononcée par le Saint-Père au cours de l'audience générale
A ma droite et à ma gauche il y a des Cardinaux et des Evêques, mes frères dans l’épiscopat. Moi, je suis seulement leur frère aîné. A eux, et également à leurs diocèses, mon salut affectueux. Il y a tout juste un mois, à Castelgandolfo, mourait Paul VI, un grand Pontife, qui, en 15 années, a rendu d'immenses services à l'Eglise. Les effets s'en voient déjà aujourd'hui, partiellement, mais je crois qu'ils se verront tout particulièrement à l'avenir. Il venait ici chaque mercredi et parlait à la foule. Au Synode de 1977, de nombreux évêques ont dit : « Les discours du mercredi du Pape Paul sont une vraie catéchèse adaptée au monde moderne ». Je tâcherai de l'imiter, dans l'espoir de pouvoir, de quelque manière, aider, moi aussi les gens à devenir meilleurs. Mais pour être bon il faut être en règle avec Dieu, avec le prochain, avec soi-même. Devant Dieu, l'attitude juste est celle d'Abraham qui a dit : « Je ne suis que poussière et cendres devant Toi, ô Seigneur ! ». Nous devons nous sentir petits devant Dieu. Quand je dis : « Seigneur, je crois », je n'ai aucune honte à me sentir comme un enfant devant sa maman ; on croit en la maman ; je crois en le Seigneur, je crois ce qu'il m'a révélé. Les commandements sont un peu plus difficiles, et même parfois très difficiles à observer. Mais Dieu nous les a donnés, non pas par caprice, non pas dans son propre intérêt, mais bien et uniquement dans notre intérêt. Un jour quelqu'un est allé acheter une voiture chez le concessionnaire. Celui-ci lui fit un discours : voyez, cette voiture a de bonnes prestations, tâchez donc de la bien traiter. Essence « super » dans le réservoir, et pour les joints de l'huile, de la fine. Mais l'autre: Oh non! pour votre « gouverne » sachez que je ne puis supporter l'odeur de l'essence, ni celle de l'huile ; je mettrai dans le réservoir du vin mousseux qui me plaît tant et les joints, je vais les lubrifier avec de la marmelade. — « Faites comme vous croyez, mais ne venez pas vous plaindre si vous terminez dans un fossé avec votre voiture » ! Le Seigneur a fait quelque chose de pareil avec nous : il nous a donné ce corps, animé par une âme intelligente, une bonne volonté. Il a dit : cette machine a de la valeur, traitez-la bien.
Voici les commandements : Honore ton Père et ta Mère, ne tue pas, ne te mets pas en colère, sois délicat, ne mens pas, ne vole pas... Si nous étions capables d'observer les commandements, nous, nous irions mieux, et le monde irait mieux, lui aussi. Puis il y a le prochain... mais le prochain se trouve à trois niveaux: quelques-uns sont au-dessus de nous ; quelques autres se trouvent à notre niveau et d'autres encore sont en-dessous. Au-dessus, il y a nos parents. Le catéchisme disait : respecte-les, aime-les, obéis leur. Le Pape doit inculquer le respect et l'obéissance des fils à l'égard de leurs parents. On m'a dit que les petits enfants de chœur de Malte sont ici. Qu'il s'en avance un, de grâce... Pendant un mois les petits enfants de chœur de Malte ont été en service à Saint-Pierre. Alors, toi, comment t'appelles-tu ? — James ! — Ecoute, tu n'as jamais été malade, toi ? — non — Ah, jamais ? — non — Jamais été malade ? — Non — même pas un peu de fièvre ? — Non ! — Oh, quel chanceux ! Mais quand un enfant est malade, qui lui apporte un peu de bouillon, quelque médicament ? N'est-ce pas la maman ? Voilà. Après, tu deviendras grand et ta maman deviendra vieille ; toi, tu deviendras un grand monsieur et ta pauvre maman sera au lit, malade. Et alors ? Qui apportera à la maman un peu de lait et les médicaments ? — Moi et mes frères. — Bravo ! Lui et ses frères, a-t-il dit. Cela me plaît ! On a compris ?
Mais ce n'est pas toujours ainsi que cela se passe. Moi-même, Evêque de Venise je me rendais parfois dans les hospices. Un jour j'ai été voir une malade, une vieille personne : « Comment allez-vous, Madame ? » — Eh bien, pour manger, ça va ! Chaleur ? Chauffage ? Bien » — « Alors vous êtes contente, Madame ? » — « Non », et elle se mit à pleurer. — « Mais pourquoi pleurez-vous ? » — « Ma belle-fille, mon fils ne viennent jamais me trouver. Je voudrais voir mes petits-enfants ». Cela ne suffit pas, la chaleur, la nourriture, il y a le cœur ; il faut penser également au cœur de nos vieux. Le Seigneur a dit que les parents doivent être respectés et aimés, même quand ils sont vieux. En plus des parents, il y a l'Etat, il y a les Supérieurs. Le Pape peut-il recommander l'obéissance ? Bossuet, qui était un grand évêque a écrit : « Là où personne ne commande, tout le monde commande. Là où tout le monde commande, plus personne ne commande, c'est le chaos ». Egalement dans notre monde on voit quelque chose de semblable. Respectons donc les supérieurs.
Puis il y a nos égaux. Et ici, d'habitude, il y a deux vertus à observer : la justice et la charité. Mais la charité est l'âme de la justice. Il faut aimer son prochain, le Seigneur nous l'a tant recommandé. Quant à moi, je recommande toujours, non seulement les grandes charités, mais aussi les petites charités. J'ai lu dans un livre écrit par Carnegie, un Américain, et intitulé : « L'art de se faire des amis », ce petit épisode : une femme avait quatre hommes, à la maison : son mari, son frère, deux grands fils. Elle devait faire les achats, laver le linge et le repasser, faire la cuisine, faire tout, en somme. Un dimanche, ils arrivent à la maison. La table est dressée pour le repas, mais sur le plat il n'y a qu'une poignée de foin. Oh ! Les autres protestent et disent : quoi, du foin ! et la femme dit : « non, tout est prêt. Permettez que je vous dise : je varie les mets, je vous tiens propres, je fais tout. Et pas une fois, pas une seule fois, vous ne m'avez dit : Tu nous a préparé un bon petit repas. Mais dites au moins quelque chose ! Je ne suis pas de marbre », On travaille plus volontiers quand on est reconnu. C'est cela les petites charités. A la maison, nous avons tous quelqu'un, qui attend un compliment.
Il y a ceux qui sont plus petits que nous, il y a les enfants, les malades, et même les pécheurs. Comme évêque, j'ai été très proche même de ceux qui ne croient pas en Dieu. Je me suis fait l'idée que, bien souvent, ceux-ci combattent, non pas Dieu, mais la fausse idée qu'ils ont de Dieu. Que de miséricorde il faut avoir ! Et même ceux qui se trompent... Il faut vraiment que nous soyons en règle avec nous-mêmes. Je me limite à recommander une vertu, si chère-au Seigneur : Il a dit : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur ». Je risque de dire une sottise, mais je dis : Le Seigneur aime tellement l'humilité que, parfois, il permet des péchés graves. Pour qui ? parce que ceux qui les ont commis, ces péchés, après, lorsqu'ils se sont repentis, ils restent humbles. On n'a pas envie de se croire un demi-saint ou un demi-ange quand on sait qu'on a commis des fautes graves. Le Seigneur a tant recommandé : soyez humble. Même si vous avez accompli de grandes choses, dites : nous sommes des serviteurs inutiles. Nous avons une tendance toute contraire : nous voulons nous mettre en évidence. Humble, humble : c'est la vertu chrétienne qui nous concerne nous-mêmes.
Au cours de l'audience, le Saint-Père a invité les fidèles à unir leurs prières aux siennes pour le succès de la rencontre de Camp David.
Maintenant, si vous le permettez, je voudrais vous inviter à prier avec moi pour une intention qui m'est très chère. Vous avez eu connaissance, par la presse, la télévision, qu'aujourd'hui à Camp David, aux Etats Unis, commence une importante réunion entre les gouvernants d'Egypte, d'Israël et des Etats-Unis, pour trouver une solution au conflit du Moyen Orient. Ce conflit, qui, depuis plus de trente ans, se déroule sur la terre de Jésus, a déjà causé tant de victimes, tant de souffrances, chez les Arabes comme parmi les Israéliens. Telle une vilaine maladie, il s'est propagé dans les Pays voisins. Pensez au Liban, un Liban martyr, bouleversé par les répercussions de cette crise. Pour celui-ci, donc, je voudrais prier, en même temps que pour le succès de la réunion de Camp David : que ces conversations préparent la voie à une paix juste et complète. Juste, c'est-à-dire satisfaisante pour toutes les parties en conflit. Complète, sans laisser aucune question non résolue : le problème des Palestiniens, la sécurité d'Israël, la Ville Sainte de Jérusalem. Prions le Seigneur d'éclairer les responsables de tous les peuples intéressés, afin qu'ils soient clairvoyants et courageux en prenant les décisions qui doivent porter la sérénité et la paix en Terre Sainte et dans tous les pays d'Orient.
Allocution prononcée par le Saint-Père au cours de l'audience générale
J'adresse mon premier salut à mes confrères les évêques que je vois ici en grand nombre. Le Pape Jean a dit dans une de ses notes qui a d'ailleurs été imprimée : « J'ai fait cette fois ma retraite en méditant sur les sept lampes de la sanctification ». Les sept vertus voulait-il dire, soit donc : la foi, l'espérance, la charité, la prudence, la justice, la force, la tempérance. Qui sait si l'Esprit Saint aidera aujourd'hui le pauvre Pape à éclairer au moins une de ces lampes, la première : la foi. Il y a eu, ici à Rome, un poète, Trilussa, qui a cherché, lui aussi, à parler de la foi. Dans une de ses poésies, il a dit : « Cette petite vieille, aveugle, que je rencontrai le soir où je me perdis au milieu du bois, me dit : si tu ne sais pas la route, je t'accompagne, moi qui la connais. Si tu as la force de me suivre, je t'appellerai de temps à autre, jusque là au fond, où il y a le cyprès, jusque là au sommet, où il y a une croix. Je répondais : Soit... mais je trouve étrange que quelqu'un qui ne voit pas puisse me guider. L'aveugle, alors me prit la main et soupira : Marche ! — C'était la foi. » Comme poésie, c'est gracieux ; comme théologie, c'est défectueux. Défectueux, parce que lorsqu'il s'agit de la foi, le grand metteur en scène, c'est Dieu, car Jésus a dit : « nul ne vient à moi sans que mon Père ne l'ait attiré ». Saint Paul n'avait pas la foi et, même, il persécutait les fidèles. Dieu l'attendait sur le chemin de Damas : « Paul, lui dit-il, ne pense même pas à te cabrer, à ruer comme un cheval qui s'emballe ! Je suis ce Jésus que tu persécutes. J'ai des desseins sur toi. Il faut que tu changes ». Paul s'est rendu ; il a changé, bouleversant complètement sa vie. Quelques années plus tard, il écrira aux Philippiens : « Ce jour-là, sur le chemin de Damas, Dieu s'est saisi de moi ; depuis lors je ne fais que courir après lui pour voir si moi aussi je serai capable de le saisir, en l'imitant, en l'aimant toujours plus ». Voilà ce qu'est la foi : se rendre à Dieu, mais en transformant sa propre vie. Ce qui n'est pas toujours facile. Augustin nous a raconté l'itinéraire de sa foi ; spécialement au cours des dernières semaines ce fut terrible ; quand on le lit, on sent pour ainsi dire son âme trembler, se tordre en conflits intérieurs. Ici, Dieu qui l'appelle, qui insiste ; et là, les anciennes habitudes, les « vieilles amies » — écrit-il — et elles me disaient, me tirant doucement par mon vêtement de chair : « Augustin, comment ? Tu nous abandonnes ? Prends garde, tu ne pourras plus faire ceci, tu ne pourras plus faire cela, et pour toujours ! » Difficile ! « Je me trouvais — dit-il — dans la situation de quelqu'un qui est au lit, le matin. On lui dit : "Debout, Augustin, lève-toi !" Moi, par contre je disais : "Oui, mais plus tard, encore un petit moment !" Finalement, le Seigneur m'a vivement secoué, et j'en suis sorti. Voilà, il ne faut pas dire : Oui, mais ; oui, mais plus tard. Il faut dire : Oui, Seigneur, tout de suite ! C'est cela, la foi. Répondre généreusement au Seigneur. Mais qui est celui qui dit "oui" ? Celui qui est humble et se fie à Dieu complètement !
Ma mère me disait quand j'étais adolescent : « tu as été bien malade quand tu étais petit : j'ai dû te conduire d'un médecin à l'autre et veiller des nuits entières ; tu me crois ? ». Comment aurais-je pu dire : « Non, maman, je ne te crois pas ? ». Bien sûr que je crois, je crois à ce que tu me dis, mais je crois spécialement en toi. Il en est ainsi pour la foi. Il ne s'agit pas seulement de croire aux choses que Dieu a révélées, mais de croire en Lui, qui mérite notre foi, qui nous a tant aimés et a tant fait par amour pour nous. Il y a aussi quelque vérité peu facile à admettre, car les vérités de la foi sont de deux sortes : quelques-unes plaisent à notre esprit, d'autres le heurtent. Par exemple il est agréable d'entendre que Dieu a tant de tendresse pour nous, plus de tendresse encore que n'a une maman pour ses petits, comme le dit Isaïe. C'est une chose agréable et naturelle. Il y eut un grand évêque français, Mgr Dupanloup qui avait l'habitude de dire aux Recteurs des Séminaires : Avec les futurs prêtres, soyez des pères, soyez des mères. C'est agréable. Pour d'autres vérités, par contre, il en coûte ! Dieu doit châtier ; si vraiment je résiste, Dieu me court après, me supplie de me convertir et je dis : non ! c'est moi, pour ainsi dire, qui le force à me châtier. Ceci n'est pas agréable. Mais c'est une vérité de foi. Puis, il y a une dernière difficulté, l'Eglise. Saint Paul a demandé : « Qui es-tu, Seigneur ? — Je suis ce Jésus que tu persécutes ». Une lumière, un éclair a traversé son esprit. « Je ne persécute pas Jésus, je ne le connais même pas : mais je persécute les chrétiens ». On voit que Jésus et les chrétiens, Jésus et l'Eglise sont la même chose : inséparables.
Lisez Saint Paul : « Corpus Christi quod est Ecclesia ». Le Christ et l'Eglise sont une seule et même chose. Le Christ est la tête, nous, l'Eglise, nous sommes ses membres. Il n'est pas possible d'avoir la foi et de dire « Je crois en Jésus, j'accepte Jésus, mais je n'accepte pas l'Eglise ». Il faut accepter l'Eglise, ce qu'elle est ; et comment est cette Eglise ? Le Pape Jean l'a appelée « Mater et Magistra ». Oui également Magistra, chargée d'enseigner. Saint Paul a dit : « Que chacun nous accepte comme des aides du Christ, économes et dispensateurs de ses mystères ».
Quand le pauvre Pape, quand les évêques, les prêtres proposent la doctrine, ils ne font rien d'autre qu'aider le Christ. La doctrine, ce n'est pas la nôtre, mais celle du Christ ; nous devons seulement la garder et la présenter. J'étais présent le 11 octobre 1962, lorsque le Pape Jean a ouvert le Concile. A certain moment il a dit : « Nous espérons qu'avec le Concile l'Eglise fera un bond en avant ». Nous l'avons tous espéré; mais sur quelle voie, ce bond en avant ? Il l'a dit aussitôt : celle des vérités certaines et immuables. Le Pape Jean n'a même pas pensé un seul instant que c'étaient les vérités qui devaient cheminer, aller de l'avant et, peu à peu, changer. Les vérités restent telles quelles ; nous devons marcher sur la voie de ces vérités, les comprenant toujours mieux, nous mettant à jour, les proposant sous une forme adaptée aux temps nouveaux. Le Pape Paul avait lui aussi, la même pensée. La première chose que j'ai faite, à peine élu Pape, est d'entrer dans la Chapelle privée des appartements pontificaux ; là, au fond, le Pape Paul a fait placer deux mosaïques : Saint Pierre et Saint Paul : Saint Pierre qui meurt, Saint Paul qui meurt. Mais au bas de la première, celle de Saint Pierre, il y a les paroles de Jésus : « Je prierai pour toi, Pierre, pour que ta foi ne faiblisse jamais ». Sous celle de Saint Paul qui reçoit le coup d'épée, il est écrit : j'ai terminé ma course, j'ai conservé la foi. Vous savez que dans son tout dernier discours, celui du 29 juin, Paul VI a dit : « après quinze années de pontificat, je puis remercier le Seigneur : j'ai défendu, j'ai conservé la foi ».
Elle est mère également, l'Eglise. Si elle est la continuatrice du Christ et que le Christ est bon : l'Eglise aussi doit être bonne ; bonne envers tous ; et si par hasard, il y avait parfois des mauvais dans l'Eglise ? La maman, nous l'avons. Si la maman est malade, si par malheur ma maman devient boiteuse, je l'aime plus encore. Dans l'Eglise, c'est pareil ; s'il s'y trouve des défauts et des manquements — et il s'en trouve — notre affection à l'égard de l'Eglise ne doit jamais faiblir. Hier, — et je termine — on m'a envoyé un numéro de Città Nuova : j'ai vu qu'on avait reproduit un de mes brefs discours, l'enregistrant comme un épisode. Un certain prédicateur MacNabb, anglais, discourant à Hyde Park avait parlé de l'Eglise. Quand il eut fini quelqu'un demanda la parole et dit : « un beau discours, le vôtre. Toutefois, moi, je connais quelque prêtre catholique qui n'a pas été avec les pauvres et qui est devenu très riche. Je connais également des ménages catholiques où le mari a trompé sa femme : elle ne me plaît pas, cette Eglise faite de pécheurs. Le Père a dit : vous avez quelque peu raison, mais puis-je faire une objection ? — Je vous écoute... — Et le Père continua : Excusez-moi, mais je me trompe, ou le col de ta chemise est plutôt gras ? — II dit : Oui, je le reconnais. — Mais il est gras, parce que tu ne t'es pas servi de savon, ou parce que tu as employé du savon et que cela n'a servi à rien. Non, dit-il, je n'ai pas employé de savon. Voilà. L'Eglise aussi a un savon extraordinaire : l'Evangile, les sacrements, la prière. L'Evangile lu et vécu ; les sacrements célébrés de la manière voulue ; la prière bien utilisée, tout cela serait un savon merveilleux capable de faire des saints de nous tous. Nous ne sommes pas tous des saints, parce que nous n'avons pas assez fait recours à ce savon. Tâchons de répondre aux espérances des Papes qui ont décrété et appliqué le Concile, le Pape Jean, le Pape Paul. Essayons d'améliorer l'Eglise, en devenant meilleurs nous-mêmes. Chacun de nous et toute l'Eglise pourraient réciter la prière que j'ai l'habitude de réciter : Seigneur, prends-moi comme je suis, avec mes défauts, avec mes manquements, mais fais-moi devenir comme tu désires que je sois ».
Je dois dire encore un mot à nos chers malades que je vois ici. Vous le savez, Jésus a dit : Je me cache derrière eux et ce que vous leur ferez, c'est à moi que vous l'aurez fait. Nous vénérons donc dans leurs personnes le Seigneur lui-même et nous faisons des vœux pour que le Seigneur soit à leurs côtés, les aide et les soutienne.
A droite nous avons, d'autre part, de jeunes mariés. Ils ont reçu un grand sacrement : nous souhaitons que le sacrement qu'ils ont reçu ne leur apporte pas seulement les biens de ce monde, mais aussi les plus nombreuses grâces spirituelles.
Il y avait en France, au siècle dernier Frédéric Ozanam un grand professeur ; il enseignait en Sorbonne, était très éloquent et des plus braves. Comme ami ; il avait Lacordaire qui disait : Il est tellement brave, tellement bon, il se fera prêtre, deviendra un grand évêque, celui-là ! Non, il a rencontré une brave jeune fille et ils se sont mariés. Lacordaire s'en est affligé et a dit : « Pauvre Ozanam ! Il est tombé lui aussi dans la trappe ! ». Deux années plus tard, Lacordaire vint à Rome et fut reçu par le Pape Pie IX. « Venez, lui dit-il, venez, Père ! J'ai toujours entendu dire que Jésus a institué sept sacrements : et vous, maintenant vous venez changer les données du jeu ; vous prétendez que Jésus a institué six sacrements et une trappe ! Non, Père, le mariage n'est pas une trappe, c'est un grand sacrement ! ». Aussi adressons-nous de nouveau nos vœux à ces chers époux ; que Dieu les bénisse !
Avec notre bénédiction apostolique !
Allocution prononcée par le Saint-Père au cours de l'audience générale
Chers Fils et Filles,
Pour le Pape Jean, la seconde des sept « lampes de la sanctification » était l'espérance. Aujourd'hui, je vous parle de cette vertu qui est obligatoire pour tout chrétien.
Dans son Paradis (Chants 24, 25 et 26) Dante a imaginé qu'il se présentait à un examen de christianisme. Le jury était de qualité vraiment exceptionnelle. « As-tu la foi ? » lui demanda d'abord Saint Pierre. « As-tu l'espérance ? » poursuivit Saint Jacques. « As-tu la charité ? » termina Saint Jean. « Oui, — répondit Dante — j'ai la foi, j'ai l'espérance, j'ai la charité », il le démontre et est promu à l'unanimité. J'ai dit que l'espérance est obligatoire : ce n'est pas pour cette raison qu'elle devrait être laide ou dure; au contraire, celui qui la vit voyage dans un climat de confiance et d'abandon, disant avec le Psalmiste : « Seigneur tu es mon roc, mon bouclier, ma force, mon refuge, ma lampe, mon pasteur, mon salut. Même si contre moi se dressait une armée, mon cœur ne craindrait rien ; et si la bataille s'engage contre moi, même alors je serai confiant ».
Vous vous direz : « N'est-il pas exagérément enthousiaste, ce psalmiste ? Est-il possible que pour lui les choses soient toujours allées droitement ? » Non, les choses ne sont pas toujours allées droitement pour lui. Il sait lui aussi, et il le dit, que souvent les méchants ont de la chance, que les bons sont opprimés. Il s'en est parfois plaint au Seigneur et il lui est même arrivé de dire : « Pourquoi dors-tu Seigneur ? Pourquoi restes-tu silencieux ? Réveille-toi, Seigneur, écoute-moi ! » Mais son espérance est restée : ferme, inébranlable. On peut lui appliquer, à lui et à tous ceux qui espèrent, ce que St Paul a dit d'Abraham : « Il croyait, espérant contre toute espérance » (Rm 4, 18). Vous direz encore : « Mais comment est-ce possible que cela arrive ? » Cela arrive car c'est le fruit de trois vérités : Dieu est tout-puissant, Dieu m'aime infiniment, Dieu est fidèle à ses promesses. Et c'est Lui, le Dieu de miséricorde qui allume en moi la confiance ; c'est pourquoi je ne me sens jamais seul, ni inutile, ni abandonné, mais impliqué dans un destin de salut qui débouchera un jour au Paradis. J'ai fait allusion aux Psaumes. La même confiance pleine d'assurance vibre dans les livres des Saints. Je voudrais que vous lisiez une homélie que le jour de Pâques Saint Augustin a consacrée à l'Alléluia. Le véritable Alléluia — dit-il à peu près — nous le chanterons au Paradis. Ce sera l'Alléluia de l'amour comblé ; celui d'aujourd'hui est l'Alléluia de l'amour affamé, c'est-à-dire de l'espérance.
Quelqu'un dira : Mais si je suis un pauvre pécheur ? Je répondrai comme j'ai répondu à une inconnue qui était venue se confesser chez moi de nombreuses années auparavant. Elle était découragée parce que — disait-elle — elle avait eu une vie moralement orageuse. « Puis-je vous demander votre âge ? — lui dis-je — Trente cinq ans — Trente cinq ans ! Mais vous pouvez en vivre quarante ou cinquante autres et faire encore une masse de bien. Alors, repentante comme vous l'êtes, au lieu de penser au passé, projetez-vous vers l'avenir et, avec l'aide de Dieu, rénovez votre vie. A cette occasion, je citai Saint François de Sales qui parle de « nos chères imperfections ». J'expliquai : Dieu déteste les défauts, parce que ce sont des défauts. En un certain sens, toutefois, il aime les défauts parce qu'ils Lui donnent l'occasion de montrer sa miséricorde et à nous de demeurer humbles, de comprendre et d'excuser les défauts de notre prochain.
Ma sympathie pour l'espérance n'est pas partagée par tout le monde. Nietzsche, par exemple la nomme « vertu des faibles » ; elle ferait du chrétien un faible, un séparé, un résigné, un être étranger au progrès du monde. D'autres parlent d’aliénation, qui éloignerait le chrétien de la lutte pour la promotion humaine. Mais « le message chrétien — a dit le Concile — loin de détourner les hommes de la construction du monde... leur en fait au contraire un devoir des plus pressants » (Gaudium et Spes, n. 34 ; cf. n. 39 et 57 et Message au Monde des Pères Conciliaires, 20 octobre 1962). Au cours des siècles ont également émergé parfois des affirmations et des tendances de chrétiens trop pessimistes en ce qui concerne l'homme. Mais de telles affirmations ont été désapprouvées par l'Eglise et oubliées grâce à une phalange de saints heureux et actifs, à l'humanisme chrétien, aux maîtres-ascètes que Sainte-Beuve appelle « les doux » et une théologie compréhensive. Saint Thomas d'Aquin, par exemple, place parmi les vertus la jucunditas où la capacité de convertir en un sourire joyeux — en mesure et de manière convenable — les choses entendues et vues (cf. 2. 2ae, q. 168, a. 2). Joyeux de cette manière-là, expliquais-je à mes élèves, fut ce musicien irlandais qui tomba d'un échafaudage et se cassa une jambe. Transporté à l'hôpital, il vit accourir le médecin et la sœur infirmière : « Pauvre ami — dit cette dernière — vous vous êtes fait mal en tombant ». Mais le malade répliqua : « Ma Mère, ce n'est pas précisément en tombant que je me suis fait mal, mais en arrivant à terre ». En déclarant « vertu » plaisanter et faire sourire, Saint Thomas se trouvait d'accord avec la « joyeuse nouvelle » prêchée par le Christ, avec l’hilaritas recommandée par Saint Augustin. Il triomphait du pessimisme, revêtait de joie la vie chrétienne, nous invitait à prendre du courage également avec les joies saines et pures que nous rencontrons sur notre route. Tout jeune, j'ai lu quelque chose sur André Carnegie, un Ecossais émigré en Amérique avec ses parents et devenu, peu à peu un des hommes les plus riches du monde. Il n'était pas catholique, mais ce qui m'a frappé c'est le fait qu'il revenait avec insistance sur les joies pures et authentiques de sa vie: « Je suis né dans la misère — disait-il — mais je n'échangerais pas les souvenirs de mon enfance avec ceux des fils de millionnaires. Que savent-ils, eux, des joies familiales, de la douce figure d'une mère qui résume en elle les fonctions de nurse, de lavandière, de cuisinière, d'institutrice, d'ange et de sainte ? » Très jeune, il s'était engagé dans une filature de Pittsburg pour un misérable salaire mensuel de 56 lires. Un soir, au lieu de lui donner immédiatement le salaire, le caissier le pria d'attendre. Carnegie pensa en tremblant : « Maintenant, on va me licencier ». Au contraire, lorsque tout le monde eut été payé, le caissier lui dit : « André, j'ai observé attentivement votre travail et j'en ai conclu que vous méritez plus que les autres. Je porte votre salaire à 67 lires ». Carnegie retourna chez lui en courant et la maman pleura de joie pour la promotion de son fils. «Vous parlez de millionnaires — disait Carnegie beaucoup plus tard — mais tous mes millions mis ensemble ne m'ont jamais procuré la joie de ces 11 lires d'augmentation. Certes, ces joies, certainement bonnes et encourageantes, ne doivent pas être vues comme un absolu ; elles sont quelque chose, elles ne sont pas tout ; elles servent de moyen, mais ne constituent pas le but suprême ; elles ne durent pas toujours, seulement un bref moment. Et, comme l'a écrit Saint Paul : « Les chrétiens en usent, mais c'est comme s'ils n'en usaient pas véritablement, car elle passe la figure de ce monde » (cf. 1 Co 7, 31). Le Christ avait déjà dit : « Cherchez avant tout le royaume de Dieu » (Mt 6, 33).
Pour terminer j'aimerais faire allusion à une espérance que certains proclament chrétienne et, en fait, n'est chrétienne que jusqu'à un certain point. Je m'explique : Au Concile j'ai voté, moi aussi, le Message au Monde des Pères Conciliaires. Nous y disions : la tâche principale de diviniser ne dispense pas l'Eglise de sa tâche d'humaniser. J'ai voté la Constitution Gaudium et Spes ; j'ai été ému et plein d'enthousiasme quand a paru l'Encyclique Populorum Progressio. Je pense que le Magistère de l'Eglise n'insistera jamais assez en présentant et en recommandant la solution des grands problèmes de la liberté, de la justice, de la paix, du développement ; et les laïcs catholiques ne lutteront jamais assez pour résoudre ces problèmes. Il est faux, par contre, d'affirmer que la libération politique, économique et sociale coïncide avec le salut dans le Christ Jésus, que le Regnum Dei ne s'identifie jamais avec le Regnum hominis, que Ubi Lenin ibi Jérusalem.
A Fribourg, au cours du 85ème Katholikentag, on a traité récemment de ce thème : « Le futur de l'espérance ». On a parlé du monde à améliorer, et le mot « futur », s'y trouvait bien. Mais si, de l'espérance pour le monde, on passe à celle pour les âmes individuelles, alors il faut parler également d'« éternité ». A Ostie, sur le rivage de la mer, au cours d'un célèbre entretien, Augustin et Monique « oubliant le passé et tournés vers l'avenir, se demandaient ce que pourrait bien être la vie éternelle » (Confessions, IX, n. 10). Cela, c'est de l'espérance chrétienne ; c'est de celle-là que parlait le Pape Jean et c'est à elle que nous pensons quand, avec le catéchisme, nous prions : « Mon Dieu, de votre bonté j'espère la vie éternelle et les grâces nécessaires pour la mériter par les bonnes oeuvres que je dois et veux faire. Mon Dieu, que je ne demeure pas confus dans l'éternité... ». Avec la bénédiction apostolique.
Ajoutant quelques mots à son allocution et parlant des devoirs du chrétien pour la promotion d'un monde meilleur, le Saint-Père a attiré l'attention de l'assistance sur les accords de Camp David.
En ce moment — a-t-il dit — il nous vient un exemple de Camp David. Avant-hier, au Congrès Américain, les applaudissement ont éclaté — et nous mêmes nous en avons perçu l'écho — lorsque le Président Carter a rappelé les Paroles de Jésus : « Bienheureux les artisans de paix ! ». Je souhaite que ces applaudissements, que ces paroles pénètrent au fond du cœur de tous les chrétiens, de nous catholiques spécialement, et nous rendent authentiquement artisans de paix.
Allocution prononcée par le Saint-Père au cours de l'audience générale
« Mon Dieu, je vous aime de tout mon cœur, par-dessus toute chose, Vous, Bien infini, notre bonheur éternel ; et, par amour pour Vous, j'aime mon prochain comme moi-même et je pardonne les offenses reçues. O Seigneur, que je vous aime toujours plus ! »
C'est une prière très connue, entrelacée de phrases bibliques. C'est ma maman qui me l'a apprise. Encore maintenant, je la récite plusieurs fois par jour, et je vais tenter de vous l'expliquer, mot par mot, comme le ferait un catéchiste de paroisse. Nous en sommes à la troisième « lampe de sanctification » du Pape Jean XXIII : la charité. J'aime. A la Faculté de philosophie, le professeur me disait : Tu connais le campanile de St-Marc ? Oui ? Cela signifie qu'il a, de quelque manière, pénétré dans ton esprit : physiquement il est resté où il était, mais dans ton for intérieur il a imprimé comme son image intellectuelle. Toi, d'autre part, tu aimes le Campanile de Saint-Marc ? Cela signifie que, de l'intérieur, cette image te pousse, t'incline, pour ainsi dire te porte, te fait aller avec l’esprit vers le campanile qui est à l'extérieur. En somme : aimer signifie voyager, courir avec le cœur vers l'objet aimé. L'Imitation de Jésus-Christ nous dit : qui aime « currit, volat, laetatur », court, vole, jubile (I.III, c. V, n. 4). Aimer Dieu, c'est donc voyager vers Dieu, avec le cœur. Un voyage merveilleux. Enfant, je m'extasiais devant les voyages décrits par Jules Verne (Vingt mille lieues sous les mers ; De la terre à la lune; Le tour du monde en quatre-vingts jours, etc). Mais les voyages de l'amour envers Dieu sont infiniment plus intéressants. On les lit dans la vie des Saints. Par exemple, Saint Vincent de Paul, dont nous célébrons la fête aujourd'hui, est un géant de la charité : il a aimé Dieu mieux encore qu'un père et une mère ; il a été lui-même un père pour les prisonniers, les malades, les orphelins et les pauvres. Saint Pierre Claver, se consacrant tout à Dieu, signait comme suit : Pierre, esclave des nègres pour toujours. Le voyage comporte également des sacrifices, mais ceci ne doit pas nous arrêter. Jésus est en croix : tu veux l'embrasser ? tu ne peux faire moins que de te pencher sur la croix et te laisser piquer par quelqu'épine de la couronne qui se trouve sur la tête du Seigneur (cf. François de Sales, Oeuvres, Annecy T. XXI, p. 153). Tu ne peux pas faire piètre figure comme le bon Saint Pierre qui savait bien crier « Vive Jésus » sur le Mont Thabor, là où régnait la joie, mais qui ne s'est même pas laissé voir aux côtés de Jésus, sur le Mont-Calvaire, où il y avait le risque et la douleur (cf. Fr. de Sales, Oeuvres, T. XV, p. 140). L'amour pour Dieu est également un voyage mystérieux : c'est-à-dire que je ne me mets pas en route, si Dieu ne prend pas d'abord l'initiative. « Nul ne peut venir à moi — a dit Jésus — si le Père ne l'attire (]n 6, 44). Saint Augustin se demandait : mais alors, la liberté humaine ? c'est que Dieu, qui a voulu et édifié cette liberté, sait, Lui, comment la respecter, tout en amenant les cœurs au point qu'il a envisagé : parum est voluntate, etiam voluptate traheris ; Dieu ne t'attire pas seulement de la manière que tu voudrais, mais de la manière même que tu savoures d'être attiré (Augustinus, In Jo. Evang. Tr., 26, 4). De tout mon cœur je souligne ici le terme « tout ». Dans la politique le totalitarisme est déplorable. Mais dans la religion, par contre, notre totalitarisme à l'égard de Dieu va très bien. Il est écrit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces. Ces préceptes qu'aujourd’hui je te donne, tiens les fermes dans ton cœur ; tu les répéteras à tes fils ; tu en parleras quand tu seras assis chez toi, quand tu iras par les chemins, quand tu te coucheras et quand tu te lèveras. Tu les attacheras comme un signe sur ta main et ils serviront de fronteau entre tes yeux ; tu les inscriras sur le seuil de ta maison et sur les portes » (Dt 6, 5-9). Ce « tout » répété et soumis à la pratique avec tant d'insistance est vraiment l'étendard du christianisme maximum. Et c'est juste : Dieu est trop grand, il mérite trop de nous pour que nous puissions lui jeter, comme à un pauvre Lazare quelques miettes de notre temps et de notre cœur. Dieu est un bien infini et il sera notre félicité éternelle : l'argent, les plaisirs, les succès de ce monde, comparés à Lui, sont à peine, des fragments de bien, de fugaces moments de bonheur. Il ne serait pas sage de donner beaucoup de nous à ces choses et peu de nous à Jésus. Par-dessus toute chose. On en vient maintenant à une confrontation directe entre Dieu et l'homme, entre Dieu et le monde. Il ne serait pas juste de dire : « Ou Dieu ou l'homme ». On doit aimer et Dieu, et l'homme, ce dernier, toutefois, jamais plus que Dieu ou contre Dieu ou autant que Dieu. En d'autres mots : si l'amour de Dieu doit prévaloir, il n'est pas cependant, exclusif. La Bible déclare au sujet de Jacob qu'il est un saint (Dn 3) et qu'il est aimé de Dieu (Ma 1, 2 ; Rm 9, 13), elle le montre engagé dans sept années de labeur pour conquérir Rachel, pour en faire son épouse ; « et elles lui semblèrent seulement quelques journées, ces années, si grand était son amour pour elle » (Gn 29, 20). François de Sales nous offre quelque commentaire à cet égard : « Jacob, écrit-il, aimait Rachel de toutes ses forces, et de toutes ses forces, il aimait Dieu ; mais, pour autant, il n'aimait pas Rachel comme il aimait Dieu, ni Dieu comme il aimait Rachel. Il aimait Dieu comme son Dieu, par-dessus toute chose et plus que lui-même ; il aimait Rachel comme son épouse, par-dessus toutes les autres femmes et comme lui-même. Il aimait Dieu d'un amour absolument et souverainement suprême et Rachel d'un amour marital suprême ; de ces amours, il n'en est pas un qui soit contraire à l'autre parce que celui pour Rachel ne viole pas la suprématie de l'amour pour Dieu » (Oeuvr T. V, p. 175). Et par amour pour Vous, j’aime mon prochain. Nous sommes en présence ici de deux amours qui sont des « frères jumeaux » et inséparables. Certaines personnes, il est facile de les aimer ; pour d'autres, c'est difficile ; elles nous sont peu sympathiques, elles nous ont offensés, ou fait du mal ; ce n'est que si j'aime Dieu vraiment, sérieusement, que je parviendrai à les aimer en tant que fils de Dieu, et parce que Celui-ci me le demande. Jésus a également établi la manière d'aimer le prochain : pas seulement avec sentiment, mais avec les faits. Voici comment, a-t-il dit : Je vous demanderai : J'avais faim dans la personne de mes frères les plus humbles, m'avez-vous donné à manger ? M'avez-vous rendu visite, quand j'étais malade ? (cf. Mt 25, 34 et sv.).
Le catéchisme traduit ces paroles de la Bible et d'autres dans la double liste des sept oeuvres de miséricorde et des sept oeuvres spirituelles. La liste n'est pas complète, et elle a besoin d'être remise à jour. Par exemple, pour les affamés, il n'est plus seulement question aujourd'hui de tel ou tel individu ; il s'agit de peuples entiers.
Nous nous souvenons tous des nobles déclarations du Pape Paul VI : « Les peuples de la faim interpellent aujourd'hui, de manière dramatique les peuples de l'opulence. L'Eglise tressaille devant ce cri d'angoisse et appelle chacun à répondre avec amour à son propre frère (Populorum Progressio, n. 3). A ce point-là, à la charité vient s'ajouter la justice, car — disait encore Paul VI — « la propriété privée ne constitue pas un droit inconditionnel et absolu pour quiconque. Personne n'est autorisé à réserver à son usage exclusif ce qui dépasse ses besoins, alors que d'autres manquent du nécessaire » (Populorum Progressio, n. 22). Par conséquent, « toute course exténuante aux armements, devient un intolérable scandale » (Populorum Progressio, n. 53).
A la lumière de ces vigoureuses expressions on voit combien nous sommes, individus et peuples, encore bien loin d'aimer autrui « comme nous mêmes », ce qui est le commandement de Jésus.
Un autre commandement : « Je pardonne les offenses que j'ai reçues ». Il semble presque que le Seigneur donne la préséance au pardon sur le culte : « Quand donc tu présentes ton offrande à l'autel, si tu te souviens d'un grief que ton frère a contre toi, laisse-là ton offrande devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère ; puis reviens, et présente ton offrande » (Mt 5, 23).
Les dernières paroles de la prière sont : Seigneur, que je vous aime de plus en plus. Il s'agit ici également de l'obéissance à un commandement de Dieu qui, dans notre cœur, a mis la soif du progrès. Des palafittes, des cavernes et des premières cabanes, nous sommes passés aux maisons, aux palais, aux gratte-ciel ; des voyages à pied, à dos de mulet, ou de chameaux, aux caresses, aux trains, aux avions. Et l'on désire progresser encore, avoir des moyens toujours plus rapides, rejoindre des objectifs toujours plus éloignés. Mais — nous l'avons vu — aimer Dieu, cela aussi est un voyage : Dieu veut qu'il soit toujours plus intense, plus parfait. Il a dit à tous les siens : « Vous êtes la lumière du monde, le sel de la terre » (Mt 5, 8) ; « soyez parfaits comme est parfait votre Père céleste » (Mt 5, 48).
Cela signifie : aimer Dieu, non pas un peu, mais beaucoup; ne pas s'arrêter là où on est arrivé mais, avec Son aide, progresser dans l'amour.
Avec la bénédiction apostolique.
III- DISCOURS ET HOMÉLIES DU PAPE EN DIVERSES CIRCONSTANCES
Première allocution du Saint-Père
Au terme de la concélébration du dimanche 27 août, à 9.30, dans la Chapelle Sixtine, et à laquelle tous les cardinaux ont participé, le Pape a prononcé, en latin, l'allocution dont voici la traduction :
Vénérables Frères !
Chers Fils et Filles du monde catholique tout entier !
Appelé par la miséricordieuse et paternelle bonté de Dieu à la très grave responsabilité du Souverain Pontificat, Nous vous adressons à tous notre salutation et immédiatement Nous la présentons à tous les hommes du monde qui nous écoutent en ce moment et en qui, selon les enseignements de l'Evangile, il Nous plaît de voir uniquement des amis, des frères. A vous tous, santé, paix, miséricorde, amour : « La grâce du Seigneur Jésus Christ, l'amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec tous » (2 Co 13, 13).
Notre âme est encore accablée à la pensée du terrible ministère pour lequel nous avons été choisi : comme Pierre, il Nous semble d'avoir posé le pied sur l'eau périlleuse, et, secouée par un vent impétueux Nous avons crié avec lui vers le Seigneur : « Seigneur, sauve-moi » (Mt 14, 30). Mais Nous avons également senti que s'adressait à Nous la voix du Christ, encourageante et aimablement exhortatrice : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté » (Mt 14, 31). Si les forces humaines, à elles seules, ne sont pas adéquates à supporter un tel fardeau, l'aide de Dieu tout-puissant, qui guide son Eglise à travers les siècles au sein de tant de contradictions et de difficultés, ne Nous manquera certes pas moins, à Nous humble et dernier Serviteur des serviteurs de Dieu. Gardant Notre Main dans celle du Christ, Nous appuyant à Lui. Nous avons, Nous aussi accédé au timon de ce navire, qu'est l'Eglise ; Elle est stable et sûre, même au milieu des tempêtes, parce que la présence réconfortante et dominatrice du Fils de Dieu l'accompagne. Selon la parole de St Augustin, qui reprend une image chère à l'ancienne Patristique, la barque de l'Eglise ne doit pas craindre, parce qu'elle est guidée par le Christ et par son Vicaire : « parce que même si la barque ,est secouée elle reste cependant une barque. Elle seule porte les disciples et reçoit le Christ. Elle est mise en péril dans la mer, mais sans elle tous périssent immédiatement » ( Sermon 75, 3 ; PL 38, 475).
En Elle seule se trouve le salut : « sine illa peritur » !
C'est dans cette foi que Nous poursuivrons la route. L'aide de Dieu ne nous fera pas défaut, selon la promesse indéfectible : « Et moi je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde » (Mt 28, 20). Votre réponse unanime et la collaboration pleine de bonne volonté de votre part à tous, Nous rendra plus léger le poids de notre devoir quotidien. Nous Nous préparons à cette terrible tâche avec la conscience que l'Eglise catholique est irremplaçable, cette Eglise dont l'immense force spirituelle est une garantie de paix et d'ordre, et comme telle, elle est présente dans le monde, comme telle, elle est reconnue dans le monde. L'écho que sa vie suscite chaque jour est le témoignage que, malgré tout, elle est vivante dans le cœur des hommes, également de ceux qui ne partagent pas sa vérité et n'acceptent pas son message. Comme l'a dit le Concile Vatican II, selon les enseignements duquel nous voulons orienter tout Notre ministère de prêtre, de maître et de pasteur, « l'Eglise, qui doit s'étendre à toute la terre, entre dans l'histoire des hommes, mais transcende également les temps et les confins des peuples. Parmi les tentations et les tribulations de son cheminent, l'Eglise est soutenue par la force de la grâce de Dieu, qui lui a été promise par le Seigneur, afin que, à cause de la faiblesse humaine, elle ne manque pas à la parfaite fidélité, mais qu'elle reste la digne épouse de son Seigneur et ne cesse pas de se rénover sous l'action de l'Esprit Saint, jusqu'à ce que, par la Croix, elle arrive à la lumière sans déclin » (Lumen Gentium, 9). Selon le plan de Dieu, qui « a rassemblé tous ceux qui regardent avec foi vers Jésus, auteur du salut et principe d'unité et de paix, l'Eglise a été voulue par Lui « afin qu'elle soit pour tous et pour chacun sacrement visible de cette unité salvifique » (ib.).
Dans cette lumière, Nous Nous mettons entièrement, de toutes Nos forces physiques et spirituelles, au service de la mission universelle de l'Eglise, ce qui signifie pareillement : au service du monde, c'est-à-dire au service de la vérité, de la justice, de la paix, de la concorde, de la collaboration à l'intérieur des nations ainsi que dans les rapports entre les peuples.
Nous invitons avant tout les fils de l'Eglise à prendre de plus en plus conscience de leur responsabilité : « Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde » (Mt 5, 13 s.). Surmontant les tensions internes, qui ont pu surgir ça et là, triomphant des tentations qui poussent à se conformer aux goûts et aux usages du monde, tout comme aux chatoiements des applaudissements faciles, unis par l'unique lien de la charité qui doit animer la vie intime de l'Eglise ainsi que les formes extérieures de sa discipline, les fidèles doivent être prêts à rendre témoignage de leur propre foi face au monde : « toujours prêts à la défense contre quiconque vous demande raison de l'espérance qui est en vous » (1 Pr 3, 15).
L'Eglise, dans cet effort commun d'une prise de conscience active et de réponse aux problèmes lancinants du moment, est appelée à donner au monde ce « supplément d'âme » qu'on invoque de toute part et qui seul peut assurer le salut. C'est cela que le monde attend aujourd'hui : il sait bien que la sublime perfection qu'il a atteinte grâce à ses recherches et ses techniques — et dans laquelle il est certes juste de reconnaître l'accomplissement du premier commandement de Dieu : « emplissez la terre et soumettez-la » (Gn 1, 28) a gagné une ligne de faîte au delà de laquelle se trouve le vertige de l'abîme ; la tentation de se substituer à Dieu au moyen d'une décision autonome qui fait abstraction des lois morales, porte l'homme moderne au risque de réduire la terre à un désert, la personne à un automate, la communauté fraternelle à une collectivisation planifiée, introduisant souvent la mort là où, au contraire veut naître la vie.
L'Eglise, pleine d'admiration et tendrement penchée sur les conquêtes humaines, veut d'ailleurs sauvegarder le monde, assoiffé de vie et d'amour, des dangers qui le menacent ; l'Evangile appelle tous ses fils à mettre leurs propres forces, et leur vie elle-même, au service des frères, au nom de la charité du Christ : « Il n'est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15, 13). En ce moment solennel, Nous voulons consacrer tout ce que Nous sommes et tout ce dont Nous sommes capables à cet objectif suprême, jusqu'au dernier soupir, conscients de la tâche que le Christ nous a souvent confiée : « Confirme tes frères » (Lc 22, 32).
Pour animer Nos forces dans cette tâche ardue, le souvenir très cher de Nos Prédécesseurs viendra à Notre secours. Leur aimable douceur et leur force intrépide nous servira d'exemple dans Notre programme pontifical: rappelons en particulier les grandes leçons du gouvernement pastoral laissées par les Papes qui Nous sont les plus proches, tels que Pie XI, Pie XII, Jean XXIII, qui, grâce à leur sagesse, à leur dévouement, à leur bonté et leur amour envers l'Eglise et envers le monde, ont laissé un sillon indestructible dans Notre temps tourmenté et magnifique. Mais l'élan ému de cœur et de la vénération s'adresse surtout au regretté Pontife Paul VI, Notre prédécesseur immédiat. Sa mort rapide, qui a laissé le monde stupéfait selon le style des gestes prophétiques dont il a constellé son inoubliable pontificat, a mis en juste lumière l'envergure extraordinaire de cet homme humble et grand, auquel l'Eglise doit son rayonnement formidable, même parmi les contradictions et les hostilités, atteint au cours de ces quinze années, tout comme c'est à lui qu'elle doit l'œuvre énorme, infatigable, sans répit qu'il a accomplie dans la réalisation du Concile et pour assurer la paix au monde, « tranquillitas ordinis ».
Notre programme sera donc de continuer le sien, dans le sillage déjà tracé avec un tel consentement par le grand cœur de Jean XXIII :
— Nous voulons donc poursuivre en continuant l'héritage du Concile Vatican II, dont les normes pleines de sagesse doivent encore être conduites à pleine application, veillant à ce qu'une impulsion, peut-être généreuse mais imprévoyante, n'en déforme les contenus et les significations, et d'autre part que des forces freinantes et timides n'en ralentissent pas le magnifique élan de renouveau et de vie ;
— Nous voulons conserver intacte la grande discipline de l'Eglise, dans la vie des prêtres et des fidèles, telle que l'a assurée la richesse éprouvée de son histoire, au cours des siècles, par des exemples de sainteté et d'héroïsme, tant dans l'exercice des vertus évangéliques, que dans le service des pauvres, des humbles, des « sans défense » ; et à ce propres Nous poursuivrons la révision des deux Codes de droit canonique, tant de la tradition orientale que latine, pour assurer à la sève intérieure de la sainte liberté des enfants de Dieu, la solidité et la fermeté des structures hiérarchiques ;
— Nous voulons rappeler à l'Eglise entière que son premier devoir reste celui de l'évangélisation, dont les lignes maîtresses ont déjà été résumées par Notre Prédécesseur Paul VI dans un mémorable document, animée par la foi, nourrie par la parole de Dieu et soutenue par l'aliment céleste de l'Eucharistie ; l'évangélisation doit examiner chaque voie, rechercher chaque moyen, « à temps et à contre-temps » (2 Tm 4, 2), pour semer le Verbe, pour proclamer le message, pour annoncer le salut, qui suscite dans les âmes l'inquiétude de la recherche du vrai et l'y assiste grâce à l'aide d'en-haut. Si tous les fils de l'Eglise deviennent capables d'être d'infatigables missionnaires de l'Evangile, un nouvel épanouissement de sainteté et de renouveau surgira dans le monde, assoiffé d'amour et de vérité ;
— Nous voulons continuer l'effort oecuménique, que nous considérons être l'extrême recommandation de nos Prédécesseurs immédiats, veillant avec une foi inchangée, avec une espérance invincible et avec un amour indéfectible à la réalisation du grand commandement du Christ : « Que tous soient un » (Jn 17, 21), dans lequel vibre l'anxiété de son cœur à la veille de son immolation au Calvaire. Les relations mutuelles entre les Eglises de diverses dénominations ont connu des progrès constants et prodigieux, qui sont perçus par tout le monde ; mais la division ne cesse pas pour autant d'être occasion de perplexité, de contradiction et de scandale aux yeux des non-chrétiens et des non-croyants ; et pour cela Nous entendons consacrer notre attention réfléchie à tout ce qui peut favoriser l'unité, sans fléchissements doctrinaux mais également sans hésitations ;
— Nous voulons poursuivre avec patience et fermeté la voie du dialogue, sereine et constructive, dont Paul VI — qu'on ne pourrait assez regretter — avait fait le fondement et le programme de son action pastorale, alors qu'il en indiquait les lignes majeures dans sa grande encyclique « Ecclesiam Suam », en vue d'une connaissance réciproque, d'homme à homme, également à l'égard de ceux qui ne partagent pas notre foi, toujours disposés à leur rendre témoignage de la foi qui est en nous, et de la mission que le Christ Nous a confiée « afin que le monde croie » (Jn 17, 21 ) ;
— Nous voulons enfin favoriser toutes les initiatives louables et bonnes qui puissent garantir et consolider la paix dans ce monde troublé : invitant à la collaboration tous ceux qui sont bons, justes, honnêtes, au cœur droit, pour endiguer, à l'intérieur des nations la violence aveugle qui ne fait que détruire et sème ruines et deuils, et, au sein de la vie internationale, afin de porter les hommes à la compréhension mutuelle, à l'union des efforts pour favoriser le progrès social, pour combattre la faim du corps et l'ignorance de l'esprit, pour promouvoir le développement des peuples moins favorisés quant aux biens économiques mais riches d'énergies et de volonté.
Très chers frères et fils,
En cette heure angoissante pour Nous, mais réconforté par les promesses divines, Nous adressons Notre salutation à tous nos fils : Nous aimerions qu'ils soient tous ici présents, pour pouvoir les regarder, dans les yeux et pour les embrasser, en leur inspirant courage et confiance et en leur demandant compréhension et prières à Notre égard.
A tous Nos salutations :
— aux cardinaux du Sacré Collège, avec lesquels Nous avons partagé des heures décisives et sur lesquels nous comptons maintenant et à l'avenir, en les remerciant pour leur sage conseil et l'intense collaboration qu'ils voudront bien continuer à Nous offrir, comme conséquence de leur consentement qui Nous a conduit, par la volonté de Dieu, à ce sommet du Ministère apostolique ;
— à tous les évêques de l'Eglise de Dieu, « qui représentent leur propre Eglise, et tous ensemble avec le Pape représentent l'Eglise entière dans le lien de la paix, de l'amour et de l'unité » (Lumen Gentium, 23), et dont Nous voulons fortement confirmer la collégialité, recourant à leur contribution pour le gouvernement de l'Eglise universelle, tant au moyen de l'organe synodal, qu'à travers les structures de la Curie, auxquels ils participent de droit selon les normes établies ;
— à tous nos collaborateurs, appelés à une stricte application de Notre volonté, et à l'honneur d'une activité qui les engage à vivre saintement, à un esprit d'obéissance, à l'œuvre d'apostolat et d'amour exemplaire et radical envers l'Eglise. Nous les aimons un par un. En leur demandant de continuer, à Nous assurer, comme à Nos prédécesseurs, leur fidélité éprouvée, Nous sommes certains de pouvoir compter sur leur précieuse collaboration qui Nous sera toujours de grande utilité ;
— Nous saluons les prêtres et les fidèles du diocèse de Rome, auxquels Nous sommes lié par la succession de Pierre et par la charge unique et singulière de cette Chaire Romaine « qui préside à la charité universelle » ;
— Nous saluons ensuite, de manière particulière, les membres de Nos Diocèses de Venise et Belluno, et tous ceux qui Nous ont été confiés comme des fils très chers et très aimés, auxquels Nous pensons maintenant avec un sincère regret, en Nous rappelant leur magnifique oeuvre ecclésiale et leurs énergies consacrées à la bonne cause de l'Evangile ;
— et Nous embrassons encore tous les prêtres, spécialement les curés et tous ceux qui ont directement charge d'âmes, vivant souvent dans des conditions de gêne ou de vraie pauvreté, mais lumineusement soutenus par la grâce de la vocation et suivant héroïquement le Christ « pasteur de nos âmes » (1 Pr 2, 25) ;
— Nous saluons les religieux et les religieuses de vie tant contemplative qu'activé, qui continuent à faire rayonner sur le monde l'enchantement de l'adhésion intacte aux idéaux évangéliques, les suppliant de continuer à « prendre tous soins possibles afin que, grâce à eux, l'Eglise puisse, de jour en jour, mieux présenter le Christ aux fidèles et aux infidèles » (Lumen Gentium, 46) ;
— Nous saluons toute l'Eglise missionnaire et Nous envoyons aux hommes et aux femmes, qui se consacrent à leurs frères en occupant les avant-postes de l’évangélisation, Notre encouragement et Notre approbation la plus affectueuse. Qu'ils sachent que parmi tous ceux qui Nous sont chers, c'est à eux que Nous tenons le plus. Nous ne les oublierons jamais dans Nos prières et dans Nos sollicitudes, parce qu'ils ont une place privilégiée dans Notre cœur ;
— aux associations d'Action Catholique, ainsi qu'aux mouvements de diverses dénominations qui contribuent avec de nouvelles énergies à la vivification de la société et à la « consecratio mundi » comme le levain dans la pâte (cf. Mt 13, 33), Nous offrons tout soutien et Notre appui, pour qu'ils soient convaincus que leur oeuvre, en collaboration avec la Hiérarchie sacrée, est indispensable à l'Eglise aujourd'hui ;
— et Nous saluons les jeunes, espoir d'un demain plus clair, plus sain, plus constructif, afin qu'ils sachent distinguer le bien du mal, et accomplir le bien avec les énergies fraîches dont ils sont en possession, pour la vitalité de l'Eglise et l'avenir du monde ;
— Nous saluons les familles, qui sont « le sanctuaire domestique de l'Eglise » (Apostolicam Actuositatem, 11), et mieux encore, qui sont une véritable « Eglise domestique » (Lumen Gentium), dans laquelle s'épanouissent les vocations religieuses et les saintes décisions, et où se prépare l'avenir du monde ; puissent-elles opposer une barrière contre les idéologies destructrices de l'hédonisme qui éteint la vie, et puissent-elles former des énergies palpitantes de générosité, d'équilibre et de dévouement au bien commun.
— mais Nous voulons adresser une salutation particulière à ceux qui souffrent en ce moment, aux malades, aux prisonniers, aux exilés, aux persécutés ; à ceux qui ne trouvent pas de travail, ou qui s'épuisent dans la dure lutte pour la vie ; à ceux qui souffrent en raison de la contrainte où se trouve leur foi catholique, qu'ils ne peuvent plus librement professer, sinon au prix de leurs droits primordiaux d'hommes libres et de citoyens loyaux et animés de bonne volonté. Nous pensons en particulier à la terre martyrisée du Liban, à la situation de la Terre de Jésus, à la zone du Sahel, à l'Inde tant éprouvée, et à tous ces fils et ces frères qui subissent de douloureuses privations, soit en raison des conditions sociales et politiques, soit comme conséquence de désastres naturels.
Frères du monde entier !
Nous sommes tous engagés dans l'œuvre d'élever le monde vers une justice de plus en plus grande, vers une paix plus stable vers une plus sincère collaboration : et c'est pourquoi nous vous invitons et Nous vous supplions tous, depuis les couches sociales les plus humbles qui forment le tissu connectif des nations, jusqu'aux chefs responsables de chaque peuple, à vous faire les instruments efficaces et responsables d'un ordre nouveau, plus juste et plus sincère.
Une aube d'espérance s'élève sur le monde, même si un épais manteau de ténèbres, aux reflets sinistres de haine, de sang et de guerre, menace parfois de l'obscurcir : l'humble vicaire du Christ, qui, inquiet et confiant, commence sa mission, se met à la totale disposition de l'Eglise et de la société civile, sans distinction de race ou d'idéologie, afin d'assurer au monde l'aube d'un jour plus doux et plus serein. Le Christ seul pourra faire surgir la lumière sans déclin, parce qu'il est « le soleil de justice » (cf. Ma 4, 2) : mais Il attend aussi la collaboration de tous. La nôtre ne fera pas défaut.
Nous demandons à tous nos fils l'aide de leur prière, parce que Nous ne comptons que sur celle-ci ; et Nous Nous abandonnons avec confiance à l'aide du Seigneur, qui, Nous ayant appelé à la charge de Le représenter sur cette terre, ne Nous laissera pas manquer de sa grâce toute-puissante. La Très Sainte Vierge Marie, Reine des Apôtres, sera l'étoile resplendissante de Notre pontificat : Que St Pierre, Ecclesiae firmamentum (S. Ambroise, Exp. Ev. sec. Lucam, IV, 70 : CSEL 32, 4, p. 175), Nous soutienne par son intercession et par son exemple de foi invincible et de générosité humaine. Que St Paul nous guide dans l'élan apostolique, élargi à tous les peuples de la terre ; que nos saints Patrons Nous assistent.
Et au nom du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint Nous donnons au monde Notre première et très affectueuse bénédiction apostolique.
Au Sacré Collège
Mercredi matin, 30 août, à 11 heures, Jean Paul I a reçu dans la Salle du Consistoire du Palais Apostolique le Sacré Collège des cardinaux. Le Pape a prononcé un discours en italien dont voici la traduction :
Vénérables frères, c'est avec une grande joie que Nous vous voyons rassemblés autour de Nous, pour cette rencontre que Nous avons vivement désirée et dont il Nous est consenti à présent, grâce à Votre amabilité, de goûter la douceur et le réconfort. Nous avons en effet ressenti l'urgent besoin, non seulement de vous exprimer à nouveau Notre gratitude pour le choix — qui, en vérité, ne cesse de Nous surprendre et de Nous confondre — que vous avez fait de Notre humble personne, mais aussi de vous témoigner la confiance que Nous avons dans votre collaboration fraternelle et assidue. Le poids que le Seigneur, dans les desseins impénétrables de sa providence, a voulu poser sur Nos fragiles épaules, Nous apparaîtrait vraiment trop lourd si Nous ne savions pouvoir compter, non seulement sur la force toute-puissante de sa grâce, mais également sur la compréhension affectueuse et sur la solidarité opérante de frères d'une telle renommée quant à la doctrine et quant à la sagesse, d'une telle expérience dans le gouvernement pastoral, et aussi pénétrés des choses de Dieu et des choses des hommes.
Nous profitons donc de cette circonstance pour déclarer que Nous comptons surtout sur l'aide de ces cardinaux, qui resteront à Nos côtés, dans cette Cité bien-aimée, à la direction des divers dicastères, dont se compose la Curie romaine. Les charges pastorales, auxquelles la providence divine Nous a appelé jour après jour, au cours des années passées, ont toujours été exercées loin de ces organismes complexes, qui offrent au Vicaire du Christ la possibilité concrète d'accomplir le service apostolique, dont il est redevable à toute l'Eglise, et assure de cette manière l'articulation organique des autonomies légitimes, dans l'indispensable respect de cette unité essentielle non seulement de discipline mais aussi de foi, pour laquelle le Christ a prié à la veille même de sa passion (Jn 17, 11 ; 21-23). Nous n'avons aucune peine à reconnaître Notre inexpérience dans un secteur aussi délicat de la vie ecclésiale. Nous Nous proposons donc de faire trésor des suggestions qui Nous seront faites par des collaborateurs d'une telle valeur, en Nous faisant, si l'on peut dire, élève de ceux qui, en raison des mérites acquis dans un service d'une telle importance, ont droit à Notre pleine confiance et à Notre reconnaissante estime.
Nous pensons ensuite à ceux d'entre vous, vénérables frères, qui se préparent à retourner à leurs sièges épiscopaux, pour reprendre la charge pastorale des Eglises, que l'Esprit leur a confiée (cf. At 20, 28), et qui anticipent déjà dans leur âme la joie de la rencontre avec un grand nombre de leurs fils, qu'ils connaissent bien et aiment tendrement. C'est là une joie qui ne Nous sera pas concédée. Le Seigneur connaît le regret que ce renoncement suscite en Notre cœur. Mais, dans sa bonté, il peut tempérer l'amertume du détachement par la perspective d'une paternité plus vaste. En particulier, il Nous réconforte par le don inestimable de votre cordiale et sincère dévotion, dans laquelle il Nous semble que vibre la dévotion de tous les évêques du monde, unis à ce Siège apostolique par les liens fermes d'une communion, qui franchit les espaces, ignore la diversité de races, s'enrichit des valeurs authentiques présentes dans les diverses cultures, et fait des peuples distants l'un de l'autre en raison de leur situation géographique, linguistique ou de mentalité, une grande et unique famille. Comment ne pas se sentir envahis par une vague de confiance rassérénante face à ce spectacle merveilleux, qui est offert à l'absorbante contemplation de l'esprit, et qui, par votre présence, est destiné à s'étendre en direction des cinq continents, dont vous êtes les représentants particulièrement significatifs et dignes ?
Votre splendide assise évoque à Nos yeux une image éloquente de l'Eglise du Christ, dont l'unité catholique avait déjà ému le grand Augustin, et le poussait déjà à mettre en garde les « petits rameaux » de chaque Eglise particulière afin qu'ils ne se détachent pas de « ce grand arbre qui étend ses rameaux au monde entier » (lettre 185 ad Bonifacium n. 8, 32). Nous sommes conscients d'être constitués signe et instrument de cette unité (cf. Const. Dogm. Lumen Gentium, n. os 22, 2 ; 23, 1) ; et Nous voulons consacrer toute Notre énergie à lui assurer sa défense et son essor, encouragés par la conscience de pouvoir faire confiance à l'action éclairée et généreuse de chacun d'entre vous. Nous ne voulons pas rappeler ici les grandes lignes de Notre programme, que vous connaissez déjà. Nous aimerions seulement réaffirmer en ce moment, avec vous tous, l'engagement d'une disponibilité totale aux inspirations de l'Esprit pour le bien de l'Eglise, que chacun parmi nous, au moment de son élévation à la pourpre cardinalice, a promis de servir « jusqu'à l'effusion du sang ».
Vénérables frères, samedi dernier, quand Nous Nous sommes trouvés face au péril de la décision d'un « oui » qui aurait posé sur Nos épaules le poids formidable du ministère apostolique, un d'entre vous Nous a murmuré, à l'oreille des paroles qui invitaient à la confiance et au courage. Qu'il Nous soit permis, maintenant, constitué à présent Vicaire de Celui qui donna à Pierre le mot d'ordre « confirme tes frères » (Lc 22, 32), qu'il Nous soit permis de vous adresser, à vous qui vous préparez à reprendre vos charges ecclésiales respectives, l'encouragement de garder confiance avec une fermeté virile, même au milieu des troubles de l'heure présente, dans l'immanquable aide du Christ, qui Nous répète également aujourd'hui, les paroles prononcées quand les ténèbres de la Passion se concentraient déjà sur Lui et sur le premier noyau des croyants : « Ayez confiance, j'ai vaincu le monde » (Jn 16, 33).
Au nom du Christ et en gage de Notre paternelle bienveillance, Nous vous donnons avec une particulière émotion, à Vous, à vos collaborateurs et à toutes les âmes qui sont confiées à votre charge pastorale, les prémices de Notre bénédiction apostolique propitiatrice.
Au Corps diplomatique
Le jeudi 31 août, le Pape a reçu en audience les membres du Corps diplomatique accrédités près du Saint Siège. Répondant à l'adresse du Doyen, Jean Paul Ier a prononcé en français le discours suivant :
Excellences, Mesdames, Messieurs,
Nous remercions vivement votre digne interprète de ses paroles remplies de déférence, mieux encore, de bienveillance et de confiance. Notre premier mouvement serait de vous avouer notre confusion devant ces propos qui Nous honorent et ces sentiments qui Nous réconfortent. Mais Nous savons bien que cet hommage et cet appel s'adressent, à travers notre personne, au Saint-Siège, à sa mission hautement spirituelle et humaine, à l'Eglise catholique dont les fils sont particulièrement désireux d'édifier, avec leurs frères, un monde plus juste et plus harmonieux.
Nous n'avons pas encore eu l'honneur de vous connaître. Notre ministère était jusqu'ici circonscrit aux diocèses qui nous étaient confiés et aux devoirs pastoraux qu'il comportait, autour de Vittorio Veneto et de Venise. Il était déjà, cependant, participation à celui de l'Eglise universelle.
Mais désormais, en ce Siège de l'Apôtre Pierre, notre mission est devenue effectivement universelle, et elle Nous met en rapport, non seulement avec tous nos fils catholiques, mais avec tous les peuples, avec leurs représentants qualifiés, et notamment avec les diplomates des pays qui ont voulu établir des relations de cet ordre avec le Saint-Siège. A ce titre, Nous sommes très heureux de vous accueillir ici, de vous dire notre estime et notre confiance, la compréhension que Nous avons de votre noble fonction, heureux aussi de saluer, à travers vos personnes, chacune des nations que vous représentez et que Nous regardons avec respect, avec sympathie, en formant des souhaits fervents de progrès et de paix. Ces nations prendront pour Nous un visage encore plus concret au fur et à mesure que Nous en rencontrerons, non seulement les évêques et les fidèles, mais aussi les responsables civils.
Chacun sait tout ce que notre vénéré Prédécesseur a réalisé dans ce domaine des relations diplomatiques. Sous son pontificat, les Missions dont vous êtes les Chefs se sont multipliées. Nous souhaitons Nous aussi que de telles relations soient toujours plus cordiales et fructueuses, pour le bien de vos concitoyens, pour le bien de l'Eglise en vos pays, pour le bien de la concorde universelle. Par ailleurs, les rapports que vous pouvez avoir entre vous, autour du Saint-Siège, servent aussi la compréhension et la paix. Nous vous proposons notre sincère collaboration, selon les moyens qui nous sont propres.
Certes, dans l'éventail des postes de diplomates, la fonction qui est ici la vôtre est « sui generis », comme le sont la mission et la compétence du Saint-Siège. Nous n'avons évidemment aucun bien temporel à échanger, aucun intérêt économique à discuter, comme en ont vos Etats. Nos possibilités d'interventions diplomatiques sont limitées et particulières. Elle ne s'immiscent pas dans les affaires purement temporelles, techniques et politiques, qui relèvent de vos Gouvernements. En ce sens, nos Représentations diplomatiques auprès des plus hautes Autorités civiles, bien loin d'être une survivance du passé, témoignent à la fois de notre respect pour le pouvoir temporel légitime, et de l'intérêt très vif porté aux causes humaines que ce pouvoir est destiné à promouvoir. De même, vous êtes ici les porte-parole de vos Gouvernements et les témoins vigilants de l'œuvre spirituelle du Saint-Siège. Des deux côtés, il y a présence, respect, échange, collaboration, sans confusion des compétences.
Nos services, dès lors, sont de deux ordres. Ce peut être, si nous y sommes invités, une participation du Saint-Siège comme tel, au niveau de vos Gouvernements ou des instances internationales, à la recherche des meilleures solutions aux grands problèmes où sont en jeu la détente, le désarmement, la paix, la justice, les mesures ou les secours humanitaires, le développement... Nos représentants ou délégués y interviennent, vous le savez, avec une parole libre et désintéressée. C'est une forme appréciable de concours ou d'entraide que le Saint-Siège a la possibilité d'apporter, grâce à la reconnaissance internationale dont il jouit, et à la représentation de l'ensemble du monde catholique qu'il assure. Nous sommes prêt à poursuivre en ce domaine l'activité diplomatique et internationale déjà entreprise, dans la mesure où la participation du Saint-Siège s'avère désirée, fructueuse et correspond à nos moyens.
Mais notre action au service de la communauté internationale se situe aussi — et Nous dirions surtout — à un autre plan, qu'on pourrait qualifier plus spécifiquement de pastoral et qui est propre à l'Eglise. Il s'agit de contribuer, par les documents et engagements du Siège Apostolique et de nos collaborateurs dans toute l'Eglise, à éclairer, à former les consciences, des chrétiens d'abord, mais aussi des nommes de bonne volonté — et par eux, une plus large opinion publique — sur les principes fondamentaux qui garantissent une véritable civilisation et une réelle fraternité entre les peuples : respect du prochain, de sa vie, de sa dignité, souci de son progrès spirituel et social, patience et volonté de réconciliation dans l'édification si vulnérable de la paix, disons, en bref, tous les droits et devoirs de la vie en société et de la vie internationale, tels que les ont exposés la Constitution conciliaire « Gaudium et Spes » et tant de messages du regretté Pape Paul VI. De telles attitudes, que les fidèles chrétiens adoptent ou devraient adopter pour leur salut, dans la logique de l'amour évangélique, contribuent à transformer de proche en proche les rapports humains, le tissu social et les institutions ; elles aident les peuples et la communauté internationale à mieux assurer les conditions du bien commun et à trouver le sens ultime de leur marche en avant. Elles ont un impact civique et politique. Vos pays cherchent à construire une civilisation moderne, avec des efforts souvent ingénieux et généreux qui ont toute notre sympathie et nos encouragements, tant qu'ils se conforment aux lois morales inscrites par le Créateur dans le cœur humain.
Or cette civilisation n'a-t-elle pas besoin d'une énergie spirituelle nouvelle, d'un amour sans frontière, d'une espérance ferme ?
Voilà ce que, avec toute l'Eglise, et à la suite de notre Prédécesseur, Nous voulons contribuer à donner au monde. Certes, Nous sommes bien petit et bien faible pour cela. Mais Nous avons confiance en l'aide de Dieu. Le Saint-Siège s'y emploiera de toutes ses forces. Cela aussi mérite votre intérêt.
Dès aujourd'hui, nos vœux les plus cordiaux vous accompagnent dans la mission que vous allez poursuivre auprès de Nous, comme vous l'avez fait auprès du Pape Paul VI. Et Nous invoquons sur chacune de vos personnes, de vos familles, des pays que vous représentez, et sur tous les peuples du monde, les Bénédictions abondantes du Très-Haut.
Vendredi 1er septembre à 11h., dans la Salle des Bénédictions, Jean Paul I a reçu les journalistes accrédités auprès de la Salle de Presse du St Siège, ceux de l'Osservatore Romano et de Radio Vatican ainsi que les communicateurs audio-visuels qui ont suivi à Rome les grands événements de ces jours-ci. Après une brève présentation faite par S. Exc. Mgr Andrea Deskur, Président de la Commission pontificale pour les communications sociales, le Pape s'est adressé à eux en italien. Voici la traduction de son discours :
Messieurs et chers fils,
Nous sommes heureux de pouvoir accueillir déjà, au cours de cette première semaine de pontificat, une représentation aussi qualifiée et nombreuse du « monde » des communications sociales, réunie à Rome à l'occasion de deux événements qui, pour l'Eglise catholique et pour le monde entier, ont eu une profonde signification : la mort de notre regretté prédécesseur Paul VI, et le récent Conclave, au cours duquel le poids terrible du service et du ministère de Pasteur suprême a été posé sur nos humbles et fragiles épaules.
Cette heureuse rencontre nous permet de vous remercier pour les sacrifices et les fatigues que vous avez affrontés durant ce mois d'août, au service de l'opinion publique mondiale — car le vôtre est également un service, et d'une importance capitale — offrant à vos lecteurs, auditeurs et téléspectateurs, avec la rapidité et l'instantanéité requise par votre profession responsable et difficile, la possibilité de participer à ces événements historiques, à leur dimension religieuse, à leur lien profond avec les valeurs humaines et les attentes de la société d'aujourd'hui.
Nous tenons à vous remercier surtout pour avoir présenté de manière efficace et d'avoir mieux fait connaître à l'opinion publique la personnalité, l'enseignement, l'œuvre et l'exemple de Paul VI et d'avoir pu refléter dans vos innombrables dépêches et dans vos amples commentaires, ainsi que par la multitude des images et des clichés que vous avez transmis de Rome, l'attente de cette cité, de l'Eglise catholique et du monde entier pour un nouveau Pasteur qui assure la continuité de la mission de Pierre.
Le saint héritage laissé par l'inoubliable Concile Vatican II et par nos prédécesseurs Jean XXIII et Paul VI, de chère et sainte mémoire, contient la promesse d'une attention spéciale, d'un engagement pastoral, d'une franche, honnête et efficace collaboration avec les instruments de communication sociale que vous représentez ici en toute dignité. C'est une promesse que nous vous faisons bien volontiers, conscients que nous sommes du rôle toujours plus important que les moyens de communications sociales ont assumé dans la vie de l'homme moderne. Les risques de massification et de nivellement que ces moyens impliquent, ainsi que les menaces qui en découlent pour l'intériorité de l'individu, pour sa capacité de réflexion personnelle et pour son objectivité de jugement, ne nous échappent pas. Mais nous savons aussi quelles nouvelles et heureuses possibilités ces instruments offrent à l'homme d'aujourd'hui, de mieux connaître et approcher ses propres semblables, d'en capter de plus près le désir de justice, de paix, de fraternité, d'établir avec eux des liens plus profonds, de participation, d'entente, de solidarité en vue d'un monde plus juste et humain. Nous connaissons, en un mot, le but idéal vers lequel chacun d'entre vous, malgré les difficultés et les déceptions, oriente son propre effort, c'est-à-dire l'effort d'arriver, à travers la « communication », à une « communion » plus vraie et plus authentique. C'est le but vers lequel aspire également, comme vous pouvez le comprendre, le cœur du Vicaire de Celui qui nous a enseigné à invoquer Dieu comme Père unique et plein d'amour envers chaque être humain.
Avant de donner à chacun d'entre vous et à vos familles notre bénédiction spéciale, que nous aimerions étendre à tous les collaborateurs des organismes d'information que vous représentez, d'agences, de journaux, de radios et de télévisions, nous voulons une fois encore vous assurer de l'estime que nous avons pour votre profession et du soin que nous aurons afin de faciliter votre mission noble et difficile dans l'esprit des indications offertes par le décret conciliaire « Inter Mirifica » et par l'instruction pastorale « communio et progressio ».
A l'occasion de certains événements de grande résonance ou de la publication d'importants documents du Saint-Siège, vous devrez souvent présenter l'Eglise, parler de l'Eglise, vous devrez parfois commenter notre humble ministère. Nous sommes certains que vous le ferez, animés par l'amour de la vérité, avec respect envers la dignité humaine, parce que tel est l'objectif de toute communication sociale. Nous vous demandons de bien vouloir contribuer vous aussi à préserver dans la société d'aujourd'hui cette profonde considération pour les choses de Dieu et pour le rapport mystérieux entre Dieu et chacun d'entre nous, qui constitue la dimension sacrée de la réalité humaine. Nous vous invitons à comprendre les raisons profondes pour lesquelles le Pape, l'Eglise et ses pasteurs doivent parfois demander, dans l'accomplissement de leur service apostolique, un esprit de sacrifice, de générosité, de renoncement, pour édifier un monde de justice, d'amour et de paix.
Dans la certitude de pouvoir conserver également dans le futur le lien spirituel qui s'amorce à l'occasion de cette rencontre, nous vous donnons de grand cœur notre bénédiction apostolique.
Le dimanche 3 septembre, à 18 h., le Pape a présidé, sur le parvis de la Basilique Vaticane, la concélébration solennelle pour l'ouverture de son ministère de Pasteur suprême. Cent-quatre cardinaux ont concélébré. Plus de trois cent mille fidèles ainsi que les délégations officielles de multiples nations, arrivées des cinq continents, et des représentations d'autres Eglises et organisations chrétiennes ont assisté à la cérémonie. Celle-ci s'est tenue sur la place St Pierre par un temps magnifique et dans un très grand recueillement. Après l'Evangile, le Pape a prononcé l'homélie, dont certaines parties en latin, en italien et en français. Au terme de la Messe le chœur et l'assemblée ont chanté le « Te Deum ».
Vénérables Frères et chers fils,
Dans cette sainte célébration, qui marque solennellement le commencement du ministère de Pasteur suprême de l'Eglise qui a été placé sur nos épaules, Nous nous tournons d'abord dans l'adoration et la prière vers Dieu, infini et éternel, qui, par une décision humainement inexplicable et dans sa grande bienveillance, Nous a fait accéder à la Chaire de Pierre. Les paroles de l'apôtre saint Paul Nous viennent spontanément aux lèvres : « O profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu : combien ses jugements sont incompréhensibles, et indiscernables ses voies ! » (Rm 11, 33).
Notre pensée se tourne donc, avec un salut paternel et affectueux, vers toute l'Eglise du Christ : cette foule, d'abord, qui la représente en quelque sorte et qui est rassemblée ici, dans ce lieu chargé de piété, de religion et d'art, qui conserve religieusement la tombe du Prince des Apôtres ; Nous saluons ensuite l'Eglise qui, grâce aux moyens modernes de communication sociale, Nous regarde et Nous écoute actuellement.
Nous saluons tous les membres du peuple de Dieu : les cardinaux, les évêques, les prêtres, les religieux et religieuses, les missionnaires, les séminaristes, les laïcs qui se dévouent à l'apostolat et dans leurs diverses professions, ceux qui s'adonnent à la politique, à la culture, à l'art, à l'économie, les pères et les mères de famille, les ouvriers, les migrants, les adolescents, les enfants, les malades, ceux qui souffrent, les pauvres.
Nous voulons adresser aussi notre salut respectueux et cordial à tous les hommes du monde, que Nous considérons et aimons comme nos frères, parce que nous sommes tous fils du même Père céleste, et frères dans le Christ Jésus (cf. Mt 23, 8 sq.).
Nous avons voulu commencer notre homélie en latin parce que — vous le savez — c'est la langue officielle de l'Eglise dont elle exprime, d'une manière claire et efficace, l'universalité et l'unité.
La Parole de Dieu que nous venons d'entendre nous a présenté
avant tout, comme en un crescendo, l'Eglise, préfigurée et entrevue par le
prophète Isaïe (cf. Is 2, 2-5), comme
le nouveau Temple vers lequel affluent de toutes parts les peuples désireux de
connaître la Loi de Dieu et de l'observer fidèlement, tandis que les terribles
armes de guerre sont transformées en instruments de paix. Mais ce nouveau
Temple mystérieux, pôle d'attraction de la nouvelle humanité, comme le rappelle
saint Pierre, a une pierre angulaire vivante, choisie, précieuse (cf. 1 P 2, 4-9), qui est Jésus-Christ, et
celui-ci a fondé son Eglise sur ses apôtres et l'a bâtie sur le bienheureux
Pierre, leur chef (cf. Const. dogm. Lumen Gentium, n. 19).
« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise » (Mt 16, 18) : telles sont les paroles pleines de gravité, de grandeur et de solennité que Jésus, à Césarée de Philippe, adresse à Simon, fils de Jean, après sa profession de foi, qui n'était nullement le produit de la logique humaine du pêcheur de Bethsaïde, ou l'expression d'une perspicacité particulière de sa part, ou l'effet d'une motion psychologique, mais le fruit mystérieux et singulier d'une authentique révélation du Père céleste. Et Jésus change le nom de Simon en celui de Pierre, marquant ainsi la mission spéciale qu'il lui confère ; il lui promet de bâtir sur lui son Eglise, qui ne sera pas ébranlée par les forces du mal ou de la mort ; il lui remet les clefs du royaume de Dieu, le nommant ainsi responsable suprême de son Eglise, et il donne le pouvoir d'interpréter authentiquement la loi divine. Devant ces privilèges, ou pour mieux dire, devant ces tâches surhumaines confiées à Pierre, saint Augustin remarque : « Par nature, Pierre était simplement un homme ; par grâce, un chrétien ; par une grâce plus abondante encore, il était l'un et, en même temps, le premier des apôtres » (In Ioannis Evang. Tract., 124, 5 ; PL 35, 1973).
Rempli d'une stupéfaction et d'une anxiété bien compréhensibles, mais aussi avec une immense confiance dans la grâce puissante de Dieu et dans la prière ardente de l'Eglise, Nous avons accepté de devenir le Successeur de Pierre sur le siège de Rome, assumant le « joug » que le Christ a voulu poser sur nos épaules fragiles. Et il Nous semble entendre comme adressées à Nous-même, les paroles que saint Ephrem faisait dire par le Christ à Pierre : « Simon, mon apôtre, je t'ai constitué fondement de la sainte Eglise. Je t'ai appelé Pierre dès le début parce que tu soutiendras tout l'édifice ; tu es le surintendant de ceux qui bâtiront l'Eglise sur la terre... ; tu es la source où l'on puise ma doctrine ; tu es le chef de mes apôtres... ; je t'ai donné les clefs de mon royaume » (Sermones in hebdomadam sanctam, 4, 1 ; iamy T. J., S. Ephraem Syri hymni et sermones, 1, 412).
Dès notre élection, et les jours qui ont suivi immédiatement, Nous avons été profondément touché et encouragé par les manifestations d'affection de nos fils de Rome, et aussi de tous ceux qui, du monde entier, Nous font parvenir l'écho de l'allégresse irrésistible qu'ils éprouvent parce que Dieu, encore une fois, a donné à l'Eglise son Chef visible. Les paroles émues que notre grand et saint prédécesseur Léon le Grand adressait aux fidèles de Rome résonnent spontanément en notre âme : « Le bienheureux Pierre ne cesse jamais de présider à son siège, et il est lié au prêtre éternel dans une unité indéfectible... Cela explique toutes les démonstrations d'affection que par bienveillance fraternelle ou par piété filiale vous avez adressées à celui à la place duquel Nous sommes heureux moins de présider que de servir » (Sermo V, 4-5 : L 54, 155-156).
Oui, notre présidence dans la charité est un service et, en l'affirmant, Nous pensons non seulement à nos Frères et Fils catholiques, mais à tous ceux qui essaient aussi d'être disciples de Jésus-Christ, d'honorer Dieu, de travailler au bien de l'humanité.
En ce sens, Nous adressons un salut affectueux et reconnaissant aux Délégations des autres Eglises et Communautés ecclésiales qui sont ici présentes. Frères non encore en pleine communion, nous nous tournons ensemble vers le Christ Sauveur, progressant les uns et les autres dans la sainteté où il nous veut, et ensemble dans l'amour mutuel sans lequel il n'y a pas de christianisme, préparant les voies de l'unité dans la foi, dans le respect de sa Vérité et du Ministère qu'il a confié pour son Eglise, à ses Apôtres et à leurs successeurs.
Par ailleurs, Nous devons une salutation particulière aux Chefs d'Etat et aux membres des Missions Extraordinaires. Nous sommes très touché de votre présence, soit que vous présidiez vous-mêmes aux hautes destinées de votre pays, soit que vous représentiez vos Gouvernement ou des Organisations internationales que Nous remercions vivement. Nous voyons dans cette participation l'estime et la confiance que vous portez au Saint-Siège et à l'Eglise, humble messagère de l'Evangile à tous les peuples de la terre, pour aider à créer un climat de justice, de fraternité, de solidarité et d'espérance sans lequel le monde ne saurait vivre.
Que tous, ici, grands et petits, soient assurés de notre disponibilité à les servir selon l'Esprit du Seigneur !
Entouré de votre affection et soutenu par votre prière, Nous commençons notre service apostolique en invoquant comme l'étoile brillante qui éclairera notre chemin, la Mère de Dieu, Marie, « Salus Populi Romani » et « Mater Ecclesiae », que la liturgie vénère particulièrement en ce mois de septembre. Que la Vierge, qui a guidé avec une délicate tendresse notre vie d'enfant, de séminariste, de prêtre et d'évêque, continue à éclairer et à diriger nos pas afin que, devenu la voix de Pierre, Nous proclamions avec une joyeuse fermeté, les yeux et l'esprit fixés sur son Fils Jésus, notre profession de foi : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16). Amen.
Le lundi 4 septembre, le Pape Jean Paul Ier a reçu en audience les Membres des Délégations officielles présents à la cérémonie de dimanche.
Excellences, Mesdames, Messieurs,
Durant la célébration d'hier, Nous ne pouvons avoir à votre adresse qu'une brève salutation. Aujourd'hui, Nous tenons à vous dire la joie, l'émotion, l'honneur que Nous a procurés votre participation à l'ouverture de notre Pontificat. Nous vous devons une très vive gratitude, à vous-mêmes d'abord, et aux pays ou Organisations internationales que vous représentez.
Cet hommage de tant de nations est très beau et très encourageant. Non pas que notre personne l'ait mérité : Nous n'étions hier qu'un prêtre et un évêque d'une province d'Italie, consacrant toutes ses forces et ses talents à l'apostolat qui lui était confié. Et voilà qu'aujourd'hui, Nous sommes appelé au Siège de l'Apôtre Pierre. Nous héritons de sa grande mission à l'égard de toutes les nations, de celle qu'il a reçue par pure grâce des mains de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui, selon la foi chrétienne, est Fils de Dieu et Sauveur du monde. Nous pensons souvent à cette phrase de l'Apôtre Paul : « Ce trésor, nous le portons en des vases d'argile, pour qu'on voie bien que cette extraordinaire puissance appartient à Dieu et ne vient pas de nous » (2 Co 4, 7). Heureusement aussi, Nous ne sommes pas seul : Nous agissons en communion avec les Evêques de l'Eglise catholique à travers le monde.
Ce qui Nous réjouit donc, c'est que, au delà de la bienveillance témoignée à notre personne, votre hommage signifie à nos yeux l'attrait permanent et fascinant que gardent l'Evangile et les choses de Dieu dans notre univers ; il exprime l'estime et la confiance que presque tous les peuples réservent à l'Eglise et au Saint-Siège, à leurs activités multiformes, dans le domaine proprement spirituel comme au service de la justice, du développement et de la paix. Il faut ajouter que l'action des derniers Papes, en particulier de notre vénéré Prédécesseur Paul VI, a contribué largement à ce rayonnement international.
Pour Nous, Nous sommes prêt à poursuivre, selon nos possibilités, cette oeuvre désintéressée, et à soutenir nos collaborateurs qui s'y emploient. Même si Nous ne connaissons pas personnellement tous vos pays, et si Nous ne pouvons malheureusement pas vous parler dans chacune de vos langues maternelles, notre cœur est totalement ouvert à tous les peuples, à toutes les races, souhaitant que chacun trouve sa place dans le concert des nations, et développe les dons que Dieu lui a faits, dans la paix et grâce à la compréhension et à la solidarité des autres. Rien de ce qui est vraiment humain ne nous sera étranger. Nous n'avons certes pas pour les grands problèmes mondiaux des solutions-miracles. Nous pouvons cependant apporter quelque chose de très précieux: un esprit qui aide à dénouer ces problèmes et les situe dans l'axe qui est essentiel, celui de la charité universelle et de l'ouverture aux valeurs transcendantes, c'est-à-dire l'ouverture à Dieu. Nous essaierons d'accomplir ce service avec un langage simple, clair, confiant.
Permettez qu'à notre tour, Nous comptions sur votre bienveillante collaboration. Nous souhaitons d'abord que les communautés chrétiennes jouissent toujours, chez vous, du respect et de la liberté auxquels a droit toute conscience religieuse, et qu'une juste place soit faite à leur contribution dans la recherche du bien commun. Nous sommes sûr aussi que vous continuerez d'accueillir avec faveur les initiatives du Saint-Siège, lorsque celui-ci se propose de servir la communauté internationale, de rappeler les exigences d'une saine vie en société, de défendre les droits et la dignité de tous les hommes, notamment des petits et des minorités.
Merci encore de votre visite. De tout cœur. Nous invoquons l'assistance de Dieu sur vous-même, sur vos familles, sur tous et chacun de vos pays et des Organisations mondiales que vous représentez. Dans les plus grandes responsabilités, que Dieu garde nos esprits lucides et nos cœurs dans la paix !
Le Pape au clergé de Rome
C'est le jeudi 7 septembre que le Pape a reçu en audience, dans la Salle des Bénédictions, le clergé de Rome, son nouveau diocèse. Il a adressé aux deux mille prêtres présents le discours dont voici la traduction :
Je remercie vivement le Cardinal Vicaire pour les souhaits qu'il m'a adressés en votre nom à tous, vous qui êtes ici présents. Je sais la grande fidélité et l'aide efficace qu'il a apportées à mon inoubliable prédécesseur: j'espère qu'il voudra bien poursuivre à mon égard la même collaboration. Je salue affectueusement Mgr le Vice Régent, les Evêques auxiliaires, les fonctionnaires des différents centres et bureaux du Vicariat, ainsi que chacun des prêtres qui ont charge d'âmes dans les limites du diocèse et de son district : et en tout premier lieu les curés de paroisses, leurs collaborateurs, les religieux et, à travers eux, les familles chrétiennes et les fidèles.
Vous avez peut-être déjà remarqué que dans mon allocution aux Cardinaux, à la chapelle Sixtine, j'ai évoqué « la grande discipline de l'Eglise » qui est « à conserver dans la vie des prêtres et des fidèles ». Mon vénéré prédécesseur a souvent parlé de cette question. Je me permets de m'entretenir brièvement avec vous de ce sujet dans cette première rencontre : je le fais avec la confiance d'un frère.
Il existe une « petite » discipline, celle qui se limite à l'observance purement extérieure et formelle des normes juridiques. Mais je voudrais, par contre, parler de la « grande » discipline. Celle-ci n'existe que si l'observance extérieure est le fruit de convictions profondes et la projection libre et joyeuse d'une vie vécue dans l'intimité avec Dieu. Il s'agit — écrit l'abbé Chautard — de l'activité d'une âme qui réagit continuellement pour dominer ses mauvais penchants et pour acquérir petit à petit l'habitude de juger et de se comporter dans toutes les circonstances de la vie selon les maximes de l'Evangile et les exemples de Jésus. « Dominer ses penchants » est une discipline. L'expression « petit à petit » indique que cette discipline demande un effort continu, long, peu aisé. Même les anges que Jacob voyait dans son rêve ne volaient pas, mais ils montaient une marche à la fois : on imagine facilement ce qu'il en sera de nous, pauvres hommes sans ailes.
La « grande » discipline exige un climat approprié. Et, avant tout, le recueillement. Il m'est arrivé, un jour, de voir à la gare de Milan un porteur, la tête appuyée sur un sac de charbon contre un pilier, et qui dormait béatement... Les trains partaient en sifflant et arrivaient en grinçant sur leurs roues ; les haut-parleurs donnaient continuellement des avis assourdissants ; les voyageurs allaient et venaient avec bruit et tapage, mais lui — tout en dormant semblait dire : « Faites ce que vous voulez, mais quant à moi j'ai besoin de rester tranquille ». Nous devrions, nous prêtres, avoir une conduite semblable. Autour de nous il y a un mouvement continuel et un défilé de gens qui parlent, de journaux, de radio et de télévision. Avec la mesure et la discipline sacerdotale, nous devons dire : « Au-delà de certaines limites, pour moi qui suis prêtre du Seigneur, vous n'existez pas ; je dois me réserver un peu de silence pour mon âme ; je me détache de vous pour m'unir à mon Dieu ».
Aujourd'hui, c'est le désir de nombreux et bons fidèles de voir leur prêtre habituellement uni à Dieu. Ils raisonnent comme cet avocat de Lyon, au retour d'une visite au curé d'Ars. « Qu'avez-vous vu à Ars ? » lui demandait-on. Il répondit : « J'ai vu Dieu dans un homme ». Saint Grégoire le grand fait un raisonnement analogue. Il souhaite que le pasteur dialogue avec Dieu sans oublier les hommes et dialogue avec les hommes sans oublier Dieu. Et il continue : que le pasteur évite de désirer être aimé des fidèles plutôt que de Dieu ou d'être trop faible par crainte de perdre l'affection des hommes. Qu'il ne s'expose pas au reproche de Dieu : « Malheur à ceux qui disposent des coussins sous tous les coudes » (Ez 13, 18). Le pasteur — dit-il en conclusion — doit, certes, chercher à se faire écouter, et ne pas chercher cette affection pour son utilité personnelle » (cf. Regula Pastoralis, 1, II, c. VIII).
Les prêtres, dans une certaine mesure, sont des guides et des pasteurs, mais ont-ils tous aussi une juste notion de ce que comporte véritablement le fait d'être pasteur d'une Eglise particulière, c'est-à-dire évêque ? Jésus, le pasteur suprême a dit de lui-même, d'une part : « Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre » (Mt 28, 18) et d'autre part : « Je suis venu pour servir » (Mt 29, 28) et il a lavé les pieds de ses apôtres. En lui le pouvoir et le service allaient de pair. Il faut dire quelque chose de semblable des apôtres et des évêques. « Praesumus — disait Augustin — si prosumus » (« nous sommes à la tête si nous sommes au service ») (Miscellanea Augustiniana, Romae 1930, tome I, p. 565). Nous évêques, nous présidons si nous servons : notre présidence est justifiée si elle se réalise dans le service et si elle s'exerce dans un but de service, dans l'esprit et le style du service. Ce service épiscopal, cependant, manquerait si l'évêque ne voulait pas exercer les pouvoirs qu'ils a reçus. Augustin, disait encore : « L'évêque qui ne sert pas le Inonde (par la prédication, des directives) est seulement un « gardien de paille » (« Foenus custos »), un épouvantail à moineaux mis dans la vigne pour que les petits oiseaux ne becquètent pas le raisin (ibidem, p. 568). C'est pour cela qu'il est écrit dans Lumen Gentium : « Les évêques dirigent... par leurs conseils, leurs encouragements, leurs exemples, mais aussi par leur autorité et par l'exercice du pouvoir sacré... » (Lumen Gentium 27-351).
Une autre composante de la discipline sacerdotale est d'aimer la place que l'on occupe. Je le sais : il n'est pas facile d'aimer son poste et d'y rester quand les choses ne vont pas bien, quand on a l'impression de ne pas être compris, ou de ne pas être encouragé, quand d'inévitables comparaisons avec la place qui est donnée à d'autres pourraient nous attrister et nous décourager. Mais ne travaillons-nous pas pour le Seigneur ? L'ascèse nous enseigne : ne considère pas celui à qui tu obéis mais Celui pour qui tu obéis. Puis un peu de réflexion peut nous venir en aide. Je suis évêque depuis vingt ans : j'ai souvent souffert de ne pouvoir récompenser quelqu'un qui le méritait vraiment. En effet, ou bien le poste manquait ou bien je ne savais comment remplacer la personne ou encore des circonstances contraires survenaient. D'autre part Saint François de Sales a écrit : « Il n'y a aucune vocation qui n'ait ses ennuis, ses amertumes, ses dégoûts. Sauf ceux qui sont pleinement résignés à la volonté de Dieu, chacun voudrait échanger sa condition personnelle avec celle des autres. Ceux qui ne sont pas évêques voudraient l'être ; ceux qui sont mariés voudraient ne pas l'être et ceux qui ne le sont pas voudraient l'être. D'où vient donc cette inquiétude générale des esprits, sinon d'une certaine allergie que nous éprouvons pour la contrainte et d'un mauvais esprit qui nous fait supposer que la condition des autres est meilleure que la nôtre » (St François de Sales, Oeuvres, édition d'Annecy, tome XII, 348-349). Je vous ai parlé d'une façon détendue et je vous en demande pardon. Je puis cependant vous assurer que depuis que je suis devenu votre évêque, je vous aime beaucoup. Et c'est le cœur plein d'amour que je vous accorde la bénédiction apostolique.
« Il y a deux jours — dit le Pape en interrompant sa lecture — le Métropolite Nikodim de Leningrad est mort dans nos bras. J'étais en train de répondre aux paroles qu'il m'avait adressées. Je vous assure que jamais de ma vie je n'avais entendu d'aussi belles paroles sur l'Eglise que celles qu'il venait de prononcer. Je ne puis les répéter, elles resteront secrètes. J'ai vraiment été très touché. Un orthodoxe ! Admirons son grand amour de l'Eglise ! Et je crois qu'il a beaucoup souffert pour l'Eglise et qu'il a fait énormément pour l'union ».
Le Pape à des Evêques américains en visite « Ad limina »
Le Pape Jean Paul 1er a reçu en audience le 21 septembre les Archevêques et Evêques de la XIIème Région Pastorale des Etats-Unis, en visite « ad limina » et avec eux un groupe d'Archevêques et d'Evêques de divers diocèses des U.S.A. qui participaient à ce moment à Rame, à des cours d'« aggiornamento » théologique et pastoral.
A l'adresse d'hommage de Mgr C. M. Power, Archevêque de Portland en Oregon, le Saint-Père a répondu par un discours en langue anglaise. En voici la traduction:
Chers Frères dans le Christ,
C'est pour nous un réel plaisir de rencontrer pour la première fois un groupe d'Evêques américains accomplissant leur visite « ad limina ». De tout notre cœur, nous vous souhaitons la bienvenue ; nous voulons que vous vous sentiez chez vous, que vous éprouviez la joie de vous retrouver ensemble en famille. Et, en même temps, notre grand désir est de vous confirmer dans la foi et dans votre service en faveur du Peuple de Dieu ; nous voulons aviver le ministère de Pierre dans l'Eglise.
Depuis que nous sommes devenu Pape, nous avons étudié avec la plus grande attention les enseignements que notre bien-aimé prédécesseur Paul VI a donnés, au début de cette année aux Evêques des Etats-Unis et qui concernaient le ministère de Réconciliation de l'Eglise, la promotion de la vie et la bienfaisante dévotion à l'Eucharistie. Ses enseignements sont aussi les nôtres ; et nous vous réitérons les encouragements et les directives qu'il vous a donnés dans ses discours.
Bien que nous soyons nouveau dans le Pontificat — nous venons de commencer — nous désirons aussi choisir des sujets qui touchent profondément la vie de l'Eglise et qui sont de grande importance pour votre ministère épiscopal. Nous croyons que la famille chrétienne est un bon sujet pour prendre le départ. La famille chrétienne est si importante, et son rôle est si fondamental pour la transformation du monde et l'édification du royaume de Dieu, que l'Eglise l'a qualifiée d'« Eglise domestique » (Lumen Gentium, n. 11).
Ne nous lassons jamais de proclamer la famille comme une communauté d'amour : l'amour conjugal unit les couples et il rend possible la procréation de vies nouvelles. Il reflète l'amour divin, il le communique et, selon l'expression de Gaudium et Spes, il est participation de l'alliance d'amour qui unit le Christ et son Eglise (papr. 48). Il a été accordé, à nous tous, l'immense grâce d'être nés dans une telle communauté d'amour. Il nous sera facile de soutenir sa valeur.
Nous devons donc encourager les parents dans leur rôle d'éducateurs de leurs enfants — ils sont les premiers et meilleurs catéchistes. Quelle grande tâche, quel but élevé est le leur : enseigner aux enfants l'amour de Dieu et en faire quelque chose de réel pour eux. Et comme il est facile aussi pour certaines familles de remplir, avec la grâce de Dieu, le rôle d'être un primum seminarium (Optatam Totius, 2) : le germe d'une vocation au sacerdoce est nourri par la prière de la famille, l'exemple de sa foi et le support de son amour.
Quelle chose étonnante, quand une famille se rend compte du pouvoir qu'elle a pour la sanctification du mari et de la femme et de la réciproque influence entre les parents et les enfants. Et alors, par le témoignage d'amour de leurs vies, les familles peuvent porter l'Evangile du Christ à autrui. La ferme décision de faire participer le laïcat — et principalement la famille — à la mission salvifique de l'Eglise est un des legs les plus importants du Concile Vatican II. Nous ne pourrons jamais assez remercier Dieu pour ce don.
C'est à nous qu'il appartient de protéger vigoureusement cette réalisation en soutenant et en défendant la famille — chaque vraie famille. Notre propre ministère est tellement essentiel : prêcher la parole de Dieu et célébrer les Sacrements. C'est de lui que le peuple tire sa force et sa joie. Il est nôtre également le rôle d'encourager les familles à la fidélité à la loi de Dieu et de l'Eglise. Nous ne devons jamais avoir peur de proclamer toutes les exigences de la parole de Dieu, car le Christ est avec nous et il dit aujourd'hui comme jadis : « Qui vous hait, me hait » (Lc 10, 16). L'indissolubilité du mariage chrétien est particulièrement importante. Bien que ce soit une partie difficile de notre message nous devons fidèlement le proclamer comme faisant partie de la parole de Dieu, comme une part du mystère de la foi. En même temps, nous devons rester proches de notre peuple, dans ses problèmes et dans ses difficultés. Il doit savoir toujours que nous l'aimons.
Aujourd'hui, nous désirons exprimer notre admiration et notre satisfaction pour les efforts réalisés pour garder et préserver la famille telle que Dieu l'a faite, telle qu'il souhaite qu'elle soit. Partout dans le monde, les familles chrétiennes s'efforcent de remplir leur merveilleuse vocation et nous leur sommes à toutes très proche. Les prêtres, les religieux et religieuses s'efforcent de les soutenir, de les assister : tous ces efforts sont dignes des plus grands éloges. Nous donnons un appui tout particulier à ceux qui aident les couples à se préparer au mariage chrétien en leur présentant l'enseignement de l'Eglise dans toute sa plénitude et en les encourageant dans l'exercice des idéaux les plus élevés de la famille chrétienne. Nous désirons ajouter encore quelques mots d'éloge à l'adresse de tous ceux, spécialement des prêtres, qui travaillent si généreusement et avec tant de dévotion dans les tribunaux ecclésiastiques et s'efforcent, en toute fidélité à la doctrine de l'Eglise, de sauvegarder les liens du mariage, de donner témoignage de son indissolubilité conformément à l'enseignement du Christ, et d'assister les familles dans leurs besoins.
La sainteté de la famille chrétienne est donc un élément particulièrement capable de provoquer le serein renouvellement de l'Eglise que le Concile a si ardemment désiré. Par la prière familiale, l’ecclesia domestica devient une effective réalité et conduit à la transformation du monde. Et tous les efforts des parents pour imprégner leurs enfants de l'amour de Dieu et pour le soutenir par l'exemple de leur foi constitue un des apostolats plus importants du XX° siècle.
Chers Frères, nous désirons que vous sachiez où se trouvent nos priorités. Faisons tout ce que nous pouvons pour la famille chrétienne, afin que notre peuple puisse réaliser sa grande vocation avec une joie chrétienne et prendre part intimement et effectivement à la mission de l'Eglise — la mission du Christ — celle du salut. Soyez assurés que vous avez vous-mêmes tout notre soutien dans l'amour du Christ Jésus, et nous vous donnons à chacun notre bénédiction apostolique.
Sur le chemin qui, du Vatican le menait à la Basilique du Latran, le Saint-Père à fait halte au Campidoglio — la Mairie de Rome — où il a reçu l'hommage du Maire et des Autorités municipales au grand complet. Répondant au discours du Professeur Argan, Maire de Rome, le Saint-Père a prononcé un discours dont voici notre traduction :
Honorable Monsieur le Maire,
Je vous suis vivement reconnaissant pour les paroles déférentes et sincères que, vous faisant l'interprète de vos collègues de l'Administration publique et de tous les citoyens de Rome, vous avez bien voulu nous adresser durant l'itinéraire qui de la résidence vaticane me conduit à la Cathédrale de Saint-Jean-de-Latran.
Cette halte intermédiaire aux pieds des collines du Capitole a pour moi une toute particulière signification non seulement pour la masse de souvenirs historiques qui s'entrecroisent ici et intéressent, conjointement, la Rome civile et la Rome chrétienne, mais aussi parce qu'elle me permet d'avoir un premier et direct contact avec les responsables de la vie citadine et de son administration. C'est donc une occasion favorable pour leur adresser mes salutations cordiales et mes meilleurs vœux.
Les problèmes de l'Urbs auxquels vous avez fait allusion de manière justement préoccupée, me trouvent particulièrement attentif et sensible en raison de leur urgence, de leur gravité et surtout des malaises et des drames humains et familiaux dont ils sont bien souvent le signe manifeste. Comme Evêque de la Ville, qui est le siège premier du ministère pastoral qui m'a été confié, je ressens de la manière la plus vive se réfléchir dans mon cœur ces expériences pleines de souffrances qui sollicitent ma disponibilité à la collaboration, à cet apport moral et spirituel qui correspond à la nature spécifique de mon service, de manière à pouvoir tout au moins alléger ces souffrances. Ceci, je ne le dis pas seulement à titre personnel mais aussi au nom des fils de l'Eglise de Dieu, ici, à Rome : des évêques mes collaborateurs, des prêtres et des religieux, des membres des associations catholiques et de chacun des fidèles, engagés de manière diverse dans l'action pastorale, éducative, assistentielle, scolaire.
L'espérance, dont j'ai entendu, avec plaisir, l'écho dans votre aimable adresse est pour nous, chrétiens — comme je l'ai rappelé au cours de l'audience générale de mercredi dernier — une vertu obligatoire et un don choisi de Dieu. Puisse-t-elle redresser en chacun de nous et, comme je le crois avec confiance — en tous les concitoyens de bonne volonté, les énergies et les propos ; puisse-t-elle inspirer des initiatives et des programmes, afin que ces problèmes trouvent la solution qui leur convient et que Rome reste fidèle, dans les faits, à ces idéaux irréfutablement chrétiens qui s'appellent faim et soif de justice, contribution active à la paix, dignité supérieure du travail de l'homme, respect et amour pour les frères, solidarité à toute épreuve envers les plus faibles.
Le Pape à Saint Jean de Latran
Je remercie de tout cœur le Cardinal-Vicaire pour les délicates paroles par lesquelles — en son nom comme au nom du Chapitre du Latran, du clergé, des religieux, des religieuses et des fidèles — il a voulu exprimer sa dévotion et la leur ainsi que les propos d'activé collaboration dans le diocèse de Rome. Le premier témoignage de cette collaboration m'est donné par la très importante somme recueillie parmi les fidèles du diocèse et mise à la disposition pour donner une église et des structures paroissiales à une agglomération sise à la périphérie de la ville, encore démunie de ces éléments communautaires essentiels, si nécessaires pour la vie chrétienne. Oui, vraiment, merci de tout cœur.
Le Maître des Cérémonies a choisi les trois lectures bibliques pour cette liturgie solennelle. Il a estimé qu'elles étaient bien adaptées et, moi, je cherche à vous les expliquer.
La première lecture (Is 60, 1-6) peut être mise en relation avec Rome. Chacun sait que le Pape tient son autorité sur toute l'Eglise du fait qu'il est Evêque de Rome, successeur donc, en cette ville de l'Apôtre Pierre. Et grâce spécialement à Pierre, la Jérusalem, dont parlait Isaïe, peut être comparée à une image, comme une lointaine annonce de Rome. De Rome, aussi, en tant que siège de Pierre, lieu de son martyre et centre de l'Eglise Catholique, on peut dire : « au-dessus de toi, resplendira le Seigneur et sa gloire se manifestera... les peuples marcheront à ta lumière » (Is 60, 2). En évoquant les pèlerinages des Années Saintes et ceux qui, dans un constant afflux, continuent à se dérouler les années normales, on peut, avec le prophète, s'adresser ainsi à Rome : « Tourne les yeux autour de toi et regarde : ... les fils viennent à toi de loin... et en toi se déversera la multitude des nations de la mer et les légions des peuples viendront à toi » (Is 60, 4-5).
Ceci est un honneur pour l'Evêque de Rome et pour vous tous. Mais aussi une responsabilité. Les pèlerins trouveront-ils ici un modèle de véritable communauté chrétienne ? Serons-nous capables, avec l'aide de Dieu, nous, évêque et fidèles, de réaliser ici les paroles d'Isaïe qui suivent celles que nous venons de citer : « ... on n'entendra plus parler de violence dans la terre... ton peuple sera tout entier un peuple de justes » (Is 60, 18.21) ? Il y a quelques minutes le Professeur Argan, maire de Rome, m'a adressé courtoisement son salut et ses vœux. Quelques-unes de ses paroles m'on remis mémoire une des prières qu'enfant, je récitais avec ma maman. C'était à peu près ceci : « les péchés qui crient vengeance au ciel sont... opprimer les pauvres... frustrer les ouvriers de leur juste salaire ». A son tour, le curé m'interrogeait au cours de catéchisme : « Les péchés qui crient vengeance au ciel, pourquoi sont-ils des plus graves et des plus funestes ? » Et moi je répondais, avec le catéchisme de Pie X : «... parce qu'ils sont directement opposés au bien de l’humanité et tellement odieux que, plus que tous autres, ils provoquent les châtiments de Dieu » (Catéchisme de Pie X, n. 154). Rome sera une vraie communauté chrétienne si Dieu y est honoré non seulement par l’affluence des fidèles dans les églises, non seulement par la vie privée vécue moralement, mais encore par l'amour pour les pauvres. Comme le disait le diacre romain Laurent, ceux-ci sont les vrais trésors de l'Eglise ; ils doivent donc être aidés, par ceux qui le peuvent, à voir plus et à être plus, sans être humiliés ou offensés par des richesses étalées, par de l'argent gaspillé en choses futiles au lieu d'être investi, quand c'est possible, dans des entreprises d'intérêt commun.
La deuxième lecture (He 13, 7-8 ; 15-17 ; 20-21) s'adapte aux fidèles de Rome. Comme je l'ai dit, c'est le Maître de cérémonies qui l'a choisie. J'avoue que, parlant d'obéissance, elle me met quelque peu en embarras. Il est difficile, aujourd'hui, de convaincre quand on met dans la balance les droits de la personne humaine et les droits de l'autorité et de la loi ! Dans le livre de Job, on trouve la description d'un cheval en bataille : il bondit comme une sauterelle et s'ébroue ; creuse la terre du sabot puis s'élance avec ardeur; quand sonne la trompette, il hennit de joie ; il flaire de loin la lutte, le cri des chefs, la clameur des troupes (cf. Jb 39, 15-25). Symbole de la liberté. L'autorité, par contre, ressemble au cavalier prudent, qui monte le cheval et, tantôt d'une voix suave, tantôt travaillant habilement de l'éperon, du mors et du fouet, le stimule, ou bien modère sa course impétueuse, le freine, le retient. Mettre d'accord cheval et cavalier, liberté et autorité, est devenu un problème social. Et d'Eglise, également. Au Concile, on a tenté de le résoudre au quatrième chapitre de Lumen Gentium. Voici les indications conciliaires pour le cavalier : « Les Pasteurs savent parfaitement quelle contribution les laïcs apportent au bien de toute l'Eglise. Les Pasteurs savent qu'ils ont été institués par le Christ, non pour assumer à eux seuls toute la mission de salut que l'Eglise a reçue à l'égard du monde, mais que leur charge magnifique consiste à « paître » les fidèles et à reconnaître leurs services et leurs charismes de façon que tous à leur manière coopèrent unanimement à l'œuvre commune » (Lumen Gentium, 30). Et encore : les Pasteurs savent que « dans les batailles décisives, c'est parfois du front que partent les plus heureuses initiatives » (ibid. note 118). Voici, par contre, une indication du Concile pour le « généreux destrier », c'est-à-dire pour les laïcs : « les fidèles doivent s'attacher à leur évêque comme l'Eglise à Jésus-Christ et comme Jésus-Christ à son Père » (Lumen Gentium, 27). Prions pour que le Seigneur aide tant l'évêque que les fidèles, c'est-à-dire tant le cavalier que les chevaux. On m'a dit qu'il y a dans le diocèse de Rome de nombreuses personnes qui se prodiguent pour leurs frères et aussi de nombreux catéchistes ; beaucoup d'autres encore, attendent un signe pour intervenir et collaborer. Que le Seigneur nous aide tous à constituer à Rome une communauté chrétienne vive et active. Ce n'est pas sans raisons que j'ai cité le chapitre quatre de Lumen Gentium : c'est le chapitre de la « communion ecclésiale ». Toutefois ce qui a été dit regarde spécialement les laïcs. Les prêtres, les religieux et les religieuses ont une position particulière, liés comme ils le sont par le vœu ou la promesse d'obéissance. Je me souviens, comme de l'un des points essentiels de mon existence, du moment où, ayant mis mes mains dans celles de l'Evêque, j'ai dit : « Je promets ». Dès lors, je me suis senti engagé pour toute la vie et je n'ai jamais pensé qu'il s'était agi d'une cérémonie sans importance. J'espère que les prêtres de Rome le pensent également. A eux et aux religieux Saint François de Sales rappellerait l'exemple de Saint Jean Baptiste qui vécut dans la solitude, loin du Seigneur, bien qu'il eût un si grand désir de se trouver près de lui. Pourquoi ? Par obéissance ; « il savait, écrit le Saint, que trouver le Seigneur en dehors de l'obéissance signifiait le perdre » (F. de Sales, Oeuvres, Annecy, 1896, p. 16-20).
La troisième lecture (Mt 28, 16-20) rappelle ses devoirs à l'Evêque de Rome. Le premier est d'« enseigner », en proposant la parole du Seigneur, en toute fidélité soit à Dieu soit à ceux qui l'écoutent, avec humilité mais aussi avec une franchise sans timidité, Parmi mes saints prédécesseurs, évêques de Rome, figurent également deux Docteurs de l'Eglise : St Léon, le vainqueur d'Attila et Saint Grégoire le Grand. Dans les écrits du premier, il y a une pensée théologique très élevée et il y rayonne une langue latine merveilleusement orchestrée ; nous n'imaginons même pas de pouvoir jamais l'imiter, fut-ce de très loin. Quant au second, ses livres nous le montrent « comme un père qui instruit ses propres enfants et leur fait part de ses soucis pour leur salut éternel » (I. Schuster, Liber Sacramentorum, vol. I, Turin, 1929, p. 46). Je voudrais chercher à imiter le second qui consacre tout le tome III de sa Regula Pastoralis au thème « qualiter doceat » c'est-à-dire comment le Pasteur doit enseigner. Tout au long de quarante chapitres, Grégoire indique de manière concrète différentes formes d'instruction, adaptées aux diverses circonstances de condition sociale, d'âge, de santé et de tempérament moral des auditeurs. Pauvres et riches, joyeux et mélancoliques, supérieurs et sujets, savants et ignorants, audacieux et timides, et ainsi de suite, tous, ils sont tous dans ce livre qui est comme la vallée de Josaphat. Au Concile, il sembla nouveau qu'on appelât « pastorale », non plus ce qui était enseigné aux pasteurs, mais ce que les pasteurs faisaient pour rencontrer les besoins, les anxiétés, les espérances des hommes. Ce « nouveau », Grégoire l'avait déjà mis en oeuvre pas mal de siècles auparavant, tant dans ses écrits que dans le gouvernement de l'Eglise.
Le deuxième devoir de l'évêque, rendu par le mot « baptiser », se réfère aux sacrements et à toute la liturgie. Le diocèse de Rome a suivi le programme de la Conférence Episcopale Italienne « Evangélisation et Sacrements » ; il sait déjà qu'évangélisation, sacrement et vie sainte sont trois moments d'une démarche unique : l'évangélisation prépare au sacrement, le sacrement conduit celui qui l'a reçu à vivre chrétiennement. Je voudrais que ce grand concept soit appliqué de manière toujours plus ample. Je voudrais également que Rome donne le bon exemple en fait de liturgie célébrée pleinement et sans « créations » hors de propos. De tels abus en matière liturgique ont pu favoriser, par réaction, des attitudes qui ont entraîné des prises de position insoutenables en elles-mêmes et en contradiction avec l'Evangile. En faisant appel, avec affection et avec espoir, au sens de responsabilité de chacun devant Dieu et devant l'Eglise, je voudrais pouvoir assurer que toute irrégularité liturgique sera diligemment évitée.
Et me voici au dernier devoir épiscopal : « apprendre à observer » : c'est la diaconie, le service de guider et de gouverner. Bien que j'aie déjà été pendant 20 ans, évêque à Vittorio Veneto et à Venise, j'avoue que je n'ai pas encore bien « appris le métier ». A Rome, je me mettrai à l'école de Saint Grégoire le Grand qui a écrit « que le pasteur entoure chacun de ses sujets de sa compassion ; qu'oubliant son grade il se considère comme l'égal de ses bons sujets, mais qu'il ne craigne pas d'exercer contre les mauvais les droits de son autorité. Rappelle-toi : alors que tous les sujets portent aux nues ce qu'il a fait de bon, personne n'ose blâmer ce qu'il a fait de mal ; quand il réprime les vices, qu'il ne cesse de se reconnaître avec humilité pareil aux frères qu'il a corrompus ; et qu'il se sente d'autant plus débiteur devant Dieu que ses actions restent plus impunies devant les hommes » (Reg. Past. II° Partie.)
Ici prend fin l'explication des trois lectures bibliques. Qu'il me soit permis d'ajouter encore quelque chose : c'est la loi de Dieu que nul ne peut faire du bien à autrui sans que d'abord on l'aime. C'est pourquoi, devenant Patriarche à Venise, Saint Pie X s'était exclamé à St-Marc : « Qu'en serait-il de moi, Vénitiens, si je ne vous aimais pas ? » Aux Romains, je dirai quelque chose de semblable ; je puis vous assurer que je vous aime, que je désire seulement entrer à votre service et mettre à votre disposition, toutes mes pauvres forces, le peu que j'ai et le peu que je suis.
Le 24 septembre a été rendu public le message du Saint-Père aux Evêques et aux fidèles de l'Equateur. Il s'agit d'une lettre adressée au Cardinal Joseph ratzinger, archevêque de Munich et Freizing, délégué par le Pape pour présider, en son nom, aux fêtes de l'Année Mariale qui se déroulait dans la République de l'Equateur. Voici la traduction de cette lettre, écrite en latin.
A notre vénérable Frère Joseph, Cardinal ratzinger,
Archevêque de Munich et Freising
Le concert de louanges qui célèbre habituellement la très Sainte Vierge Marie, s'élèvera encore plus haut — on peut le prévoir — pendant ce mois de septembre en Equateur, et particulièrement à Guayaquil, où, pour accomplir et terminer l'année mariale qui a été organisée, un rassemblement de tout le pays aura lieu en l'honneur de la Mère de Dieu. Le souvenir d'une réunion semblable, tenue il y a vingt ans dans cette même ville, y demeure encore vivant. En effet, cette assemblée avait été remarquable par la beauté de ses cérémonies et par l'abondance de ses fruits spirituels.
En un très sage projet, ordonné aux exigences et aux besoins de ce temps, deux documents du magistère pontifical romain sont proposés à un examen plus approfondi au cours de ces célébrations : l'un s'intitule Marialis Cultus et l'autre Evangelii Nuntiandi. On espère ainsi obtenir un double fruit de ce Congrès : l'accroissement d'une authentique piété à l'égard de la Mère de Dieu et une ardeur plus empressée pour répandre partout l'annonce du salut du Christ.
Dans notre sincère charité à l'égard du peuple de l'Equateur, nous avons le désir de prendre part, d'une certaine manière, à ces solennités pour leur donner davantage d'importance et d'éclat.
C'est pourquoi, par cette lettre, nous vous choisissons, nous vous créons et nous vous proclamons notre envoyé extraordinaire, et nous vous confions la mission de présider à ces célébrations en notre nom et avec notre autorité. Vous vous recommandez par votre grande connaissance de la sainte doctrine et, comme on le sait, vous brûlez d'amour pour la Mère du Christ Sauveur et notre Mère. Sans aucun doute par conséquent, vous remplirez la fonction qui vous a été confiée avec intelligence, sagesse et succès.
Qu'à Guayaquil brille donc d'une nouvelle splendeur mariale le mystère dont Saint Augustin s'exclamait dans une admiration étonnée : « Quel esprit pourra méditer, quelle langue pourra exprimer non seulement que le Verbe était au commencement, sans aucun principe de naissance, mais aussi que le Verbe s'est fait chair, qu'il a choisi une vierge pour en faire sa mère, une mère restée vierge... Qu'est cela ? Qui parlera ? Qui se taira ? C'est étrange à dire : ce que nous ne pouvons exprimer, nous ne pouvons le taire; nous prêchons à haute voix ce que notre intelligence ne saisit pas » (Serm 215, 3 ; PL 38, 1073).
Nous souhaitons dans notre prière à Dieu que ces solennités retentissent salutairement dans la vie de chaque homme et dans la société. Et, comme gage des dons célestes, nous accordons volontiers notre bénédiction apostolique à vous-même, vénérable frère, à celui qui partage votre dignité, Paul, Cardinal Mufíoz Vega, archevêque de Quito et qui, avec ses collaborateurs, a dépensé beaucoup de peine pour la préparation de cette assemblée, ainsi qu'aux autres évêques, magistrats, prêtres, religieux et fidèles qui seront rassemblés autour de vous à cette occasion.
Fait à Rome à Saint-Pierre le 1er septembre de l'année 1978, première de notre pontificat.
JEAN PAUL Ier
Aux Evêques des Philippines en visite « Ad limina »
Le 28 septembre Jean Paul 1er a reçu, pour leur visite « ad limina », un groupe d'Archevêques et d'Evêques des Philippines entourant le Cardinal Julio Rosales, Archevêque de Cebu. Le Saint-Père leur a adressé, en langue anglaise, un discours dont voici la traduction :
Chers Frères dans le Christ,
En vous souhaitant la bienvenue avec une profonde affection, nous désirons vous rappeler un passage puisé dans le Bréviaire. Ce passage nous a vivement frappé. Il concerne le Christ, et Paul VI l'a cité lors de sa visite aux Philippines : « Je dois rendre témoignage à son nom : Jésus est le Christ, le Fils du Dieu vivant... Il est le roi du monde nouveau; il est le secret de l'histoire : il est la clé de notre destin» (Brév. : 13ème samedi de l'année. Homélie du 29 novembre 1970).
De notre côté, nous espérons vous aider, vous soutenir, vous encourager dans la grande mission de l'Episcopat : proclamer Jésus-Christ et évangéliser son peuple.
Parmi les droits de la foi, l'un des plus grands est celui de recevoir la parole dans toute sa plénitude, dans toute sa pureté, avec toutes ses exigences et toutes ses facultés. Un des grands devoirs de nos jours est la pleine évangélisation de tous ceux qui ont reçu le baptême. En ceci, les Evêques de l'Eglise sont les premiers responsables. Notre message doit être une claire proclamation du salut en Jésus-Christ. Avec Pierre, nous devons dire au Christ, en présence de notre peuple : « Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6, 68). Pour nous, l'évangélisation comporte un enseignement explicite au sujet du nom de Jésus, de son identité, de son enseignement, de son Royaume et de ses promesses. Et la principale de ses promesses est la vie éternelle. Jésus a vraiment des paroles qui nous conduisent à la vie éternelle.
Tout récemment, au cours d'une audience générale nous avons parlé aux fidèles de la vie éternelle. Nous sommes convaincu qu'il est nécessaire pour nous de mettre vigoureusement l'accent sur cet élément pour que notre message soit complet et pour modeler notre enseignement sur celui du Christ.
Depuis les jours de l'Evangile, et à l'imitation du Seigneur « qui a passé en faisant le bien » (Ac 10, 38), l'Eglise est irrévocablement mandatée pour contribuer au soulagement de la misère et des besoins physiques. Mais sa charité pastorale serait incomplète si elle n'attirait pas l'attention sur tous les « besoins supérieurs ». C'est cela précisément que Paul VI a fait aux Philippines. Au moment qu'il avait choisi pour parler des pauvres, de la justice et de la paix, des droits humains, de la libération économique et sociale — un moment où il avait, de manière si effective, engagé l'Eglise dans le soulagement des misères — il ne resta pas, et ne voulut pas rester silencieux au sujet du « bien supérieur », la plénitude de vie dans le Royaume des cieux.
Plus que jamais, nous devons aider notre peuple à comprendre exactement combien il a besoin de Jésus-Christ, le Fils de Dieu et Fils de Marie. Il est leur Sauveur, la clé de leur destinée et de celle de toute l'humanité.
Chers Frères, nous sommes spirituellement à vos côtés dans tous les efforts que vous faites au nom de l’évangélisation : quand vous vous efforcez de former des catéchistes, de promouvoir l'apostolat biblique, d'assister et encourager vos prêtres dans leur grande mission au service de la Parole de Dieu, de conduire vos fidèles à comprendre et à observer les impératifs de la justice et de l'amour chrétien. Nous apprécions vivement ces efforts-là, comme tous ceux que vous exercez au nom du Royaume de Dieu. Particulièrement, l'affirmation de la vocation missionnaire a notre plus total appui et nous espérons sérieusement qu'elle s'épanouira largement parmi vos jeunes.
Nous savons que les Philippines ont comme grande vocation celle d'être la lumière du Christ en Extrême-Orient : proclamer sa vérité, sa justice, son salut, par la parole et par l'exemple, face aux pays voisins et à tous les peuples d'Asie. Nous savons que vous possédez à cet effet un instrument privilégié : Radio Veritas.
Nous sommes convaincu que les Philippines sauront utiliser ce grand moyen et tous les autres possibles pour proclamer avec l'Eglise tout entière que Jésus-Christ est le Fils de Dieu et le Sauveur du monde.
Nous adressons nos salutations à toutes vos Eglises locales et, en particulier, à vos prêtres, à vos religieux et religieuses. Nous les encourageons à une toujours plus effective sainteté de vie, condition de la fécondité surnaturelle de leur apostolat. Nous aimons et bénissons les familles de vos Diocèses et tous les laïcs. Nous demandons aux malades et aux handicapés de comprendre la place importante qu'ils ont dans le plan divin et de réaliser combien l'évangélisation en dépend.
Et à vous tous, Frères, nous donnons notre spéciale bénédiction apostolique, invoquant sur vous la joie et la force en Jésus-Christ.