PRÉFACE AUX SEPT LIVRES *

Livre I *

 

 

 

PRÉFACE AUX SEPT LIVRES

DE SAINT CASSIEN LE ROMAIN

 

Puisque j'ai fini maintenant les livres des Conférences spirituelles, dont le mérite consiste dans les pensées exprimées plutôt que dans le langage utilisé (puisque mes expressions grossières étaient incapables de rendre les pensées profondes des saints), je méditais déjà et ai presque décidé de me réfugier dans le silence (tant j'ai eu honte d'avoir exposé mon ignorance) afin de pouvoir, autant que possible, remédier à mon audace de parler, en tenant désormais ma langue avec modestie.

Mais tu as prévenu ma décision et mon projet par ton louable zèle et ton affection pressante, mon cher Léon, mon ami estimé et hautement considéré, ornement que tu es de l'Église romaine et du ministère sacré, comme tu me fais sortir de l'obscurité du silence, où j'étais déterminé de rester, dans une cour publique que je peux bien craindre, et m'obliges à entreprendre de nouveaux travaux pendant que je rougis encore de ceux du passé. Et tandis que j'étais incapable de tâches inférieures, tu me forces à me mesurer à de plus grandes. Car même dans ces travaux négligeables, dans lesquels de notre faible capacité nous avons offert quelque infime oblation au Seigneur, je n'aurais jamais essayé de faire ou de m'appliquer à rien sans y avoir été encouragé par un ordre de l'évêque. Et par toi, il y eut un surcroît d'importance autant de notre sujet que de notre langage. Car tandis qu'avant, nous parlions, quand on nous en priait, des affaires du Seigneur, tu nous demandes maintenant de parler de l'Incarnation et de la Gloire de Dieu Lui-même. Ainsi nous qui étions autrefois amenés pour ainsi dire au lieu sacré de l'église par des mains cléricales, nous pénétrons maintenant sous ton commandement et ta protection, pour ainsi dire, dans le Saint des saints. Grand est l'honneur, mais périlleuse l'entreprise, car le prix du sanctuaire sacré et la récompense divine ne peuvent être remportés que par une victoire sur notre ennemi. Ainsi donc, tu nous demandes et nous charge de lever nos faibles mains contre une hérésie récente et un nouvel ennemi de notre foi, et de faire face, pour ainsi dire, aux horribles menaces de la gueule béante du serpent mortel pour qu'à mon discours la puissance prophétique et la Force divine de la parole évangélique puissent détruire le dragon qui se lève maintenant dans un mouvement tortueux contre les Églises de Dieu. J'obéis à ta requête; je cède à ton ordre, car j'ai davantage confiance, concernant mes propres affaires, en toi qu'en moi-même, surtout que l'amour de notre Seigneur Jésus Christ me le commande en même temps que toi, car c'est Lui-même qui me donne cette charge en ta personne. Car en cette matière, tu es plus impliqué que moi, car c'est ton jugement qui est menacé plutôt que mon devoir. Car dans mon cas, que je sois capable de ce que tu m'as ordonné ou non, le fait même de mon obéissance et de mon humilité sera, dans une certaine mesure, une justification pour moi; puisque, en effet, je ne pourrais pas faire valoir mon obéissance s'il y a moins à faire que ce qui est dans mon pouvoir. Car nous nous plions facilement aux ordres des autres quand nous sommes capables, mais c'est celui dont les désirs excèdent ses capacités, qui fait une ¦uvre grande et merveilleux. À toi donc ce travail et cette affaire et à toi d'en être fier ou confus. Prie et supplie pour que ton choix ne soit pas discrédité par ma maladresse; et que, à supposer que nous ne répondons pas aux espérances que tu as formées à notre sujet, tu ne sembles pas t'être trompé en commandant par décision mal considérée, tandis que j'aie eu raison, moi, de céder, en raison des exigences de l'obéissance.

Nous avons commencé de traduire ce texte de l'anglais, il y a quelques années. Entre-temps l'édition du Cerf a publié ce livre dans la collection "sagesse chrétienne" (1999). Nous ne continuerons donc pas notre traduction, mais terminons juste ce qui est commencé, c'est-à-dire le deuxième livre.

 

Livre I

 

Chapitre I

L'hérésie est comparée à l'hydre des poètes

 

Les fables des poètes nous disent qu'autrefois l'hydre, quand ses têtes étaient coupées, se retrouvait plus fort par leurs blessures, et se relevait plus vigoureuse : de sorte que, en vertu d'un miracle étrange et inouï, leur perte s'avérait une sorte de gain au monstre qui fut ainsi renforcé par la mort, pendant que cette fécondité extraordinaire doublait tout ce que le couteau du bourreau avait coupé, jusqu'à ce que l'homme, qui cherchait ardemment à le détruire, travaillant à la sueur de son front, et trouvant ses efforts si souvent tournés en dérision par ses peines inutiles, ajouta au courage belliqueux les arts de la technique, et par l'application du feu, comme ils nous disent, coupa avec une épée flamboyante les multiples rejetons de ce corps monstrueux; de sorte que, quand les parties intérieures étaient ainsi brûlées, en cautérisant les excroissances rebelles de cette épouvantable fécondité, ces naissances prodigieuses étaient finalement jugulées. C'est ainsi que les hérésies dans les Églises offrent quelque ressemblance à cette hydre que l'imagination des poètes inventa; car elles aussi sifflent contre nous avec leurs langues mortelles; et elles aussi projettent leur poison mortel, et résurgissent quand leurs têtes sont coupées. Mais parce que la médecine ne doit pas manquer quand la maladie revit, et parce que le remède doit être d'autant plus rapide que la maladie est plus dangereuse, notre Seigneur Dieu est capable de faire en sorte que cela même que les fictions des gentils imaginèrent de la mort de l'hydre puisse être une vérité de la lutte de l'Église, et que l'épée flamboyante du saint Esprit puisse cautériser les parties intérieures de cette naissance si dangereuse, dans la nouvelle hérésie à abattre, de sorte qu'enfin sa monstrueuse fécondité puisse cesser de suppléer à ses excroissances mourantes.

 

Chapitre II

Description des différents monstres hérétiques qui surgissent l'un de l'autre

 

Car ces germes d'une semence contre-nature ne sont pas chose nouvelle dans les Églises. La moisson du champ du Seigneur a toujours eu à supporter des chardons et des ronces, et en lui les germes de l'ivraie étouffante n'avaient jamais cessé de se manifester. Car c'est de là que surgirent les Ébionites, les Sabelliens, les Ariens, ainsi que les Eunomiens et les Macédoniens, les Photiniens et les Appollinariens, et toutes les autres ivraies des Églises, et les ronces qui détruisent les fruits de la foi droite. De ceux-là, le plus ancien était Ébion qui, étant trop soucieux d'affirmer l'Humanité du Seigneur, la vola de son Union avec la Divinité. Mais après lui, le schisme de Sabellius éclata par réaction contre l'hérésie sus-mentionnée et comme celui-ci déclara qu'il n'y avait pas de distinction entre le Père, le Fils et le saint Esprit, il confondit, dans son impiété, autant que possible, les Personnes et négligea de distinguer la sainte et ineffable Trinité. Après celui que nous venons de mentionner, suivit le blasphème de la perversité arienne, qui, afin d'éviter l'apparence de confondre les Personnes sacrées, déclara qu'il y avait des substances différentes et dissemblables dans la Trinité. En ordre chronologique après lui, mais égal à lui en méchanceté, vint Eunome, qui, bien que concédant que les Personnes de la sainte Trinité soient divines et semblables les unes aux autres, il insista cependant à dire qu'elles étaient séparées les unes des autres; admettant de la sorte leur Ressemblance tout en niant leur Égalité. Macédonius blasphémant également contre le saint Esprit avec une méchanceté impardonnable, tout en concédant que le Père et le Fils sont d'une même substance, qualifia le saint Esprit de créature, péchant ainsi contre la Divinité entière, puisqu'il ne peut pas y avoir d'offense faite à quoi que ce soit dans la Trinité, sans affecter toute la Trinité. Mais Photinus, bien que concédant que Jésus né de la Vierge est Dieu, se trompa en pensant que sa Divinité commença avec le début de son Humanité; tandis que Appollinarius, en concevant de façon inexacte l'union de Dieu et de l'homme croyait à tort qu'Il était sans âme humaine. Car c'est une erreur aussi mauvaise d'ajouter à notre Seigneur Jésus Christ ce qui ne Lui appartient pas que de Lui voler ce qui est sien.

Car lorsqu'on parle de Lui autrement qu'Il n'est &emdash; même si cela semble ajouter à sa Gloire &emdash; c'est pourtant une offense. Ainsi donc, l'un après l'autre, par réaction contre des hérésies, ils suscitèrent des hérésies, et chacun enseigne des choses différentes de l'autre, mais également opposées à la foi. Et aussi tout récemment, c'est-à-dire, de nos propres jours, nous vîmes surgir une hérésie très infecte de la plus grande cité des Belges, et bien que son erreur fût indubitable, il y avait cependant un doute concernant son nom, car elle surgit avec une tête nouvelle de la vieille souche des Ébionites, il est donc discutable encore si elle est ancienne ou nouvelle. Car elle était nouvelle quant à ses adeptes; mais ancienne quant au caractère de ses erreurs.

En effet, elle enseigna de façon blasphématoire que notre Seigneur Jésus Christ était né comme un homme, et soutenait que le fait qu'Il obtint par la suite la Gloire et la Puissance de la Divinité, résulta de ses mérites humains et non pas de sa Nature divine; et par là elle enseigna qu'Il n'avait pas toujours sa Divinité par droit de sa Nature divine réelle qui Lui appartenait en propre, mais qu'Il l'obtint par la suite comme récompense de ses labeurs et souffrances. Donc, pendant qu'elle enseignait de façon blasphématoire que notre Seigneur et Sauveur n'était pas Dieu à sa Naissance, mais fut subséquemment incorporé dans la Divinité, elle frôlait en effet cette nouvelle hérésie qui vient d'émerger, et est, pour ainsi dire sa cousine germaine et apparentée à elle, et, harmonisant à la fois avec l'Ébionisme et ces nouvelles hérésies, surgit entre les deux dans le temps, et était liée à tous les deux dans la méchanceté. Et bien qu'il y en ait quelques autres, comme celles que nous avons mentionnées il serait cependant très long de les décrire toutes. Notre propos n'est pas non plus d'énumérer celles qui sont mortes et passées, mais de réfuter celles qui sont nouvelles.

 

Chapitre III

Il décrit l'erreur pestilentielle des pélagiens

 

En tous les cas, nous croyons que ce fait ne doit pas être omis, celui qui était particulier à l'hérésie sus-mentionnée et dont surgit l'erreur de Pélage; c'est-à-dire qu'en disant que Jésus Christ a vécu simplement comme un homme sans aucune tache de péché, ils allèrent jusqu'à déclarer que les hommes pouvaient être aussi sans péché s'ils le voulaient. Car ils imaginèrent que si Jésus Christ étant un simple homme était sans péché, tout homme pouvait être aussi, sans l'Aide de Dieu, tout ce qu'Il pouvait être comme un simple homme sans la participation de la Divinité. C'est ainsi qu'ils inventèrent qu'il n'y avait pas de différence entre un homme quelconque et notre Seigneur Jésus Christ, puisque n'importe quel homme pouvait obtenir, par ses efforts et sa volonté, exactement ce que le Christ avait obtenu par son zèle et ses efforts. D'où il résulta qu'ils embrassèrent une folie encore plus grave et contre nature et dirent que notre Seigneur Jésus Christ était venu sur terre non pas pour apporter la rédemption au genre humain, mais pour donner un exemple de bonnes ¦uvres, c'est-à-dire que les hommes, suivant son Enseignement et le même chemin de vertu, pouvaient arriver à la même récompense de vertu : détruisant ainsi, autant que possible, tout le bien de son saint Avènement et toute la grâce de la divine Rédemption, puisqu'ils déclarèrent que les hommes pouvaient obtenir, par leur propre vie, ce que Dieu procura en mourant pour le salut de l'homme. Ils ajoutèrent aussi que notre Seigneur et Sauveur devint le Christ après son Baptême et Dieu après sa Résurrection, attribuant le premier au mystère de son onction, le second aux mérites de sa Passion. D'où ce nouvel auteur d'une hérésie qui n'est pas nouvelle, qui déclare que notre Seigneur Jésus Christ était né un simple homme, observe qu'il dit exactement la même chose que ce que les pélagiens disaient avant lui, et admet qu'il s'ensuit de son erreur que, comme il soutient que notre Seigneur Jésus Christ a vécu comme un simple homme entièrement sans péché, il doit de la même façon maintenir son blasphème que tout homme peut être sans péché tout seul et il n'admet pas non plus que la Rédemption de notre Seigneur fût une chose nécessaire à son exemple, puisque les hommes peuvent (comme ils le disent) atteindre le royaume des cieux de leurs propres efforts. Il n'y a non plus aucun doute à ce sujet, comme nous le montre la chose elle-même. Car c'est de là que vient qu'il encourage les complaintes des pélagiens par son intervention et introduit leur cas dans ses écrits, car il les défend avec habileté (ou plus exactement :) avec malice et par sa vilaine inclination pour eux, il recommande leur doctrine discordante qui est similaire à la sienne propre, car il est bien conscient d'être de la même opinion et du même esprit, et par conséquent il est navré qu'une hérésie semblable à la sienne ait été exclue de l'Église, puisqu'il sait qu'elle est entièrement égale à la sienne en méchanceté.

 

Chapitre IV

Leporius, ensemble avec quelques autres, raconte le pélagianisme irlandais

 

Mais comme ceux qui étaient les ressortissants de cette souche de ronces pestilentielles ont déjà été guéris par le Secours et la Bonté divins, nous devrions aussi prier maintenant notre Seigneur Dieu afin que, comme cette hérésie plus ancienne et cette nouvelle sont proches à certains égards l'une de l'autre, Il accorde également à celles qui avaient un mauvais début similaire une fin heureuse similaire. Car Leporius, alors moine et maintenant prêtre, qui suivit l'enseignement ou plutôt les ¦uvres mauvaises de Pélage, comme nous l'avons dit plus haut, et qui était parmi les premiers et les plus ardents champions de l'hérésie sus-mentionnée, fut admonesté par nous et corrigé par Dieu, et il a si noblement condamné sa conviction erronée du passé que son amendement était presque aussi digne d'éloges que la foi inébranlable de beaucoup. Car c'est la meilleure des choses que de ne jamais tomber dans l'erreur, mais la deuxième meilleure chose est de bien repousser son erreur. Leporius donc, revenu à lui, confessa sa faute avec affliction, mais sans honte, non seulement en Afrique où il était alors et où il est maintenant, mais il envoya aussi à toutes les villes des Gaules des lettres pénitentielles contenant sa confession et son chagrin; afin que son retour à la foi fût connu là même où son éloignement d'elle fut publiée pour la première fois, et que ceux qui avaient été auparavant les témoins de son erreur pussent être aussi par la suite les témoins de sa réparation.

 

Chapitre V

Par le cas de Leporius il établit le fait qu'un péché connu doit être expié par une confession publique; et il enseigne aussi, par ses paroles, quelle est la vision droite qu'il faut tenir concernant l'Incarnation.

 

Et de sa confession ou plutôt sa lamentation, nous avons jugé bon de citer une partie, pour deux raisons : que leur rappel fût un témoignage pour nous et un exemple à ceux qui sont faibles, et que les hommes qui n'avaient pas honte de le suivre dans l'erreur ne fussent pas honteux de le suivre dans l'amendement; et qu'ils pussent être guéris par un remède semblable, eux qui souffraient d'un mal semblable. Lui donc, reconnaissant la perversité de ses opinions et voyant la lumière de la foi, écrivit aux évêques gallicans en commençant ainsi : "Je sais à peine, ô mes seigneurs et prêtres très vénérables et bienheureux, de quoi m'accuser et de quoi m'excuser premièrement. Maladresse, orgueil et folle ignorance conjointement avec des notions erronées, zèle mêlé d'indiscrétion et (pour dire la vérité) une foi faible qui petit à petit venait à manquer, tout cela, je l'ai accueilli et nourri à tel point que j'ai honte d'avoir succombé à de tels péchés et aussi nombreux, pendant que, en même temps, je suis profondément reconnaissant d'avoir été capable de les rejeter de mon âme." Et un peu plus loin, il ajoute : "Si donc, ne comprenant pas cette Puissance de Dieu et sages en notre orgueil et nos opinions, de peur que Dieu ne semble remplir un rôle inférieur à Lui, nous supposons qu'un Homme fût né en conjonction avec Dieu, de telle manière que nous attribuons à Dieu seul ce qui appartient à Dieu séparément, et à l'Homme seul ce qui appartient à l'homme séparément, nous ajoutons clairement une quatrième personne à la Trinité et de l'unique Dieu le Fils nous nous mettons à faire non pas un seul mais deux Christs; ce dont notre Seigneur et Dieu Jésus Christ Lui-même nous préserve ! Nous confessons donc que notre Seigneur et Dieu Jésus Christ, le Fils unique de Dieu, qui pour Lui-même fut engendré du Père avant les siècles, lorsque, en son temps Il fut fait homme, pour nous, de l'Esprit saint et de la toujours-vierge Marie, Il était Dieu à sa naissance; et tandis que nous confessons les deux substances de la chair et du Verbe, nous reconnaissons toujours avec une pieuse croyance une et la même Personne comme indivisiblement Dieu et Homme; et nous disons que dès le moment où Il prit chair, tout ce qui appartenait à Dieu fut donné à l'homme , comme tout ce qui appartenait à l'homme fut uni à Dieu. Et c'est en ce sens que "le Verbe S'est fait chair" : non qu'Il Se mît, par quelque conversion ou changement, à devenir ce qu'Il n'était, mais que par divine `économie', le Verbe du Père, sans jamais quitter le Père, condescendit à Se faire véritablement Homme, et le Seul-Engendré S'incarna par ce mystère caché que Lui seul comprend (car c'est à nous de croire : à Lui de comprendre). Et ainsi, Dieu `le Verbe' Lui-même, recevant tout ce qui appartient à l'homme, Se fait Homme et l'humanité qui est assumée, recevant tout ce qui appartient à Dieu, ne peut qu'être Dieu; mais pendant qu'Il est dit d'être incarné et sans mélange, nous ne devons pas affirmer qu'il y a une quelconque diminution de sa Substance : car Dieu sait Se dispenser Lui-même sans souffrir aucune déchéance, tout en Se dispensant c véritablement. Il sait recevoir en Lui-même sans en être augmenté, comme Il sait aussi Se partager sans subir de perte. Nous ne devons donc pas, dans notre faible intellect, faire des suppositions, en accord avec des preuves et expériences visibles, à partir de cas de créatures qui sont égales et qui entrent mutuellement l'une dans l'autre, ni penser que Dieu et l'homme sont mélangés ensemble et que c'est d'une telle fusion de la chair et du Verbe (c'est-à-dire de l'humanité et de la Divinité) que se produit une sorte de corps. Dieu nous défende d'imaginer que les deux natures, mélangées ensemble de quelque sorte deviennent une seule substance. Car un mélange de cette sorte serait destructif des deux parties. Car Dieu qui contient et qui Lui-même n'est pas contenu, qui entre dans les choses et en qui on n'entre pas, qui remplit les choses et qui ne se remplit pas Lui-même, qui est partout à la fois dans sa Plénitude et est réparti partout, Se communique Lui-même gracieusement à la nature humaine par l'infusion de sa Puissance." Et un peu plus loin : "Donc le Dieu-Homme Jésus Christ, le Fils de Dieu, est réellement né pour nous du saint Esprit et de la toujours-vierge Marie. Et ainsi dans les deux natures, le Verbe et la Chair sont devenus un, de sorte que pendant que chaque substance continue naturellement parfaite en elle-même, ce qui est divin se dispense, sans souffrir aucune perte, à l'humanité, et ce qui est humain participe du divin; il y a non plus une personne Dieu et une autre personne Homme, mais la même personne est Dieu laquelle est aussi Homme : et l'Homme qui est également Dieu est appelé et est véritablement Jésus Christ, le Fils unique de Dieu; at ainsi nous devons toujours veiller à croire et à ne pas nier que notre Seigneur et Dieu Jésus Christ, le Fils de Dieu, vrai Dieu (que nous confessons comme existant depuis toujours avec le Père et égal au Père avant tous les siècles) devint, dès l'instant de son Incarnation, Dieu-Homme. Nous en devons pas imaginer non plus que graduellement Il devint Dieu avec le temps, et qu'Il était dans une condition avant la résurrection et dans l'autre après, mais qu'Il était toujours de la même plénitude et de la même Puissance." Et encore un peu plus loin : "Mais parce que le Verbe de Dieu descendit sur l'humanité en assumant l'humanité, et l'humanité fut élevée dans le Verbe en étant assumé par Dieu, Dieu le Verbe dans sa Plénitude devint Homme parfait. Car ce n'est pas Dieu le Père qui Se fit Homme, ni le saint Esprit, mais le Seul-Engendré du Père; et ainsi nous devons affirmer qu'il y a une Personne de la Chair et du Verbe : donc croire aussi fidèlement et sans aucun doute que le même Fils de Dieu qui ne peut jamais être divisé, existant en deux natures (dont on a parlé aussi comme d'un "géant") dans les jours de sa Chair prit vraimentsur Lui tout ce qui appartient à l'homme, et avait toujours eu comme sien tout ce qui appartient à Dieu : puisque bien qu'Il fût crucifié en faiblesse, Il vit cependant par la Puissance de Dieu.

 

Chapitre VI

La doctrine unie des catholiques est à recevoir comme la foi orthodoxe.

 

Cette confession de Leporius par conséquent, qui était la foi de tous les Catholiques, fut approuvée par tous les évêques d'Afrique, d'où il écrivit et par tous ceux des Gaules, à qui il écrivit.

Il n'y a jamais eu non plus personne qui contestât cette foi sans être coupable d'infidélité : car nier ce qui est correct est confirmé revient à confesser ce qui est incorrect. L'agrément de tous devrait donc être en lui-même suffisant déjà pour réfuter l'hérésie : car l'autorité de tous montre la vérité indubitable, et la raison parfaite résulte là où personne ne conteste : de sorte que si un homme entreprend à soutenir des opinions contraires à celles-ci, nous devrions plutôt en prmière instance condamner sa perversion que d'écouter ses assertions, car un qui combat le jugement de tous annonce d'avance sa propre condamnation, et un homme qui bouleverse ce qui fut arrêté par tous, ne doit même pas être écouté. Car lorsque la vérité fut établie une fois pour toutes par tous les hommes, tout ce qui surgit de contraire à elle doit être, par ce fait même, reconnu aussitôt comme mensonge, puisqu'il est opposé à la vérité. Ainsi il est convenu que cela seul est suffisant pour condamner un homme; c'est-à-dire le fait qu'il s'oppose au jugement de vérité. Mais comme l'explication d'un système ne nuit pas au système et qua la vérité brille encore plus clairement quand elle est ventiléeà fond, et comme il vut mieux que ceux qui ont tort soient redressés par la discussion plutôt que condamnés par de sévères censures, nous devons guérir, autant que possible avec le Secours divin, cette vieille hérésie apparaissant en les personnes de nouveaux hérétiques, afin que, quand par la Miséricorde de Dieu ils auront recouvré leur santé, leur guérison puisse porter témoignage de notre sainte foi au lieu d'être la preuve d'une instance de juste sévérité par leur condamnation. Seulement que la Vérité soit réellement présente à notre discussion et au discours qui la concerne, et qu'Elle assiste notre faiblesse humaine par cette Bonté par laquelle Dieu daigna condescendre aux hommes, car c'est surtout dans ce but qu'Il voulut naître sur terre et parmi les hommes; c'est-à-dire pour qu'il n'y ait plus de place pour le mensonge.