INSTRUCTION PASTORALE
"AETATIS NOVAE"
SUR LES COMMUNICATIONS SOCIALES
POUR LE 20ème ANNIVERSAIRE DE
COMMUNIO ET PROGRESSIO


INDEX

Introduction - UNE REVOLUTION DANS LA COMMUNICATION HUMAINE.
I. CONTEXTE DES COMMUNICATIONS SOCIALES.
A. Contexte culturel et social.
B. Contexte politique et économique.
II. TACHE DES MOYENS DE COMMUNICATION.
A. Les médias au service des personnes et des cultures.
B. Les médias au service du dialogue avec le monde actuel.
C. Les médias au service de la communauté humaine et du progrès social.
D. Les médias au service de la communion ecclésiale.
E. Les médias au service d'une nouvelle évangélisation.
III. DEFIS ACTUELS.
A. Nécessité d'une évaluation critique.
B. Solidarité et développement intégral.
C. Politiques et structures.
D. Défense du droit à l'information et à la communication.
IV. PRIORITES PASTORALES ET MOYENS D'Y REPONDRE.
A. Défense des cultures humaines.
B. Développement et promotion des moyens de communication de l'Eglise.
C. Formation des chrétiens chargés de la communication.
D. Pastorale des personnels de la communication.
V. NECESSITE D'UNE PROGRAMMATION PASTORALE.
A. Responsabilités des évêques.
B. Urgence d'un plan pastoral pour les communications sociales.
CONCLUSION
A N N E X E. ELEMENTS D'UN PLAN PASTORAL POUR LES COMMUNICATIONS SOCIALES.
Lignes directrices pour l'élaboration de plans pastoraux pour les communications sociales dans un diocèse, une Conférence épiscopale ou un Synode patriarcal.
Mode d'élaboration d'un plan pastoral pour les communications sociales.
Phase de recherche.
Phase de programmation.


Introduction

UNE REVOLUTION DANS LA COMMUNICATION HUMAINE.

1. A l'approche d'un nouvel âge, les communications sociales connaissent une expansion considérable qui influence profondément les cultures de l'ensemble du monde. Les révolutions technologiques ne représentent qu'un aspect de ce phénomène. Il n'existe pas de lieu où ne se fasse sentir l'impact des médias sur les attitudes religieuses et morales, les systèmes politiques et sociaux, l'éducation.

Nul n'ignore, par exemple, le rôle de la communication, que les frontières géographiques et politiques n'ont pu arrêter, dans les bouleversements qui se sont vérifiés au cours des années 1989-1990, et dont le Pape a souligné la portée historique. 1.

"Le premier aréopage des temps modernes est le monde de la communication, qui donne une unité à l'humanité en faisant d'elle, comme on dit, un "grand village". Les médias ont pris une telle importance qu'ils sont, pour beaucoup de gens, le moyen principal d'information et de formation; ils guident et inspirent les comportements individuels, familiaux et sociaux" 2.

Plus d'un quart de siècle après la promulgation du Décret du Concile Vatican II sur les communications sociales, Inter mirifica, et deux décennies après l'Instruction pastorale Communio et progressio, le Conseil pontifical pour les communications sociales souhaite réfléchir sur les conséquences pastorales de cette situation nouvelle. Il le fait dans l'esprit de la conclusion de Communio et progressio: "Le Peuple de Dieu, dans sa marche à travers les siècles... regarde l'avenir avec confiance, car il entrevoit les promesses d'un nouvel âge: celui des communications sociales" 3.

Estimant que les principes et les idées de ces documents conciliaires et postconciliaires ont une valeur durable, nous désirons les appliquer au nouveau contexte. Nous ne prétendons pas prononcer des paroles définitives sur une situation complexe, mouvante et en perpétuelle évolution mais seulement procurer un outil de travail et des encouragements à ceux et celles qui sont affrontés aux conséquences pastorales de ces réalités nouvelles.

2. Au cours des années qui ont suivi la parution d'Inter mirifica et de Communio et progressio, on s'est habitué à des expressions telles que "société d'information", "culture des médias" et "génération des médias". Ce type d'expression est à remarquer: il souligne que ce que les hommes et les femmes de notre temps savent et pensent de la vie est en partie conditionné par les médias; l'expérience humaine comme telle est devenue une expérience médiatique.

Les dernières décennies ont également été le théâtre de nouveautés spectaculaires en matière de technologie de communication. Ceci a autant comporté une évolution rapide des technologies anciennes que l'apparition de nouvelles technologies de communication, parmi lesquelles figurent les satellites, la télévision par câble, les fibres optiques, les vidéo-cassettes, les disques compact, la conception d'images par ordinateur et d'autres technologies digitales et informatiques. L'utilisation de médias nouveaux a donné naissance à ce que l'on a pu appeler de "nouveaux langages" et a suscité d'ultérieures possibilités pour la mission de l'Eglise ainsi que de nouveaux problèmes pastoraux.

3. Dans ce contexte, nous encourageons les pasteurs et le peuple de Dieu à approfondir le sens de tout ce qui touche à la communication et aux médias, et à le traduire dans des projets concrets et réalisables.

"Tandis que les Pères du Concile scrutaient l'avenir et cherchaient à discerner le contexte dans lequel l'Eglise serait appelée à réaliser sa mission, ils pouvaient voir combien le progrès de la technologie était en train, dès lors, de `transformer la face de la terre', alors que déjà commençait la conquête de l'espace. Ils reconnaissaient que les développements dans la technologie de communication, en particulier, étaient susceptibles de provoquer des réactions en chaîne aux conséquences imprévisibles" 4.

"Loin de suggérer que l'Eglise devrait rester à l'écart ou tenter de s'isoler du courant des événements, les Pères du Concile ont vu l'Eglise située au centre même du progrès humain, partageant les expériences de l'humanité, en cherchant à les comprendre et à les interpréter à la lumière de la foi. C'est aux fidèles du peuple de Dieu qu'il appartient de faire usage créatif de leurs découvertes et de leurs nouvelles technologies pour le bienfait de l'humanité et la réalisation du plan de Dieu sur le monde... pour que les potentialités de l' `ère informatique' soient utilisées au service de la vocation humaine et transcendante de chaque personne, afin de glorifier ainsi le Père, qui est à l'origine de tout bien" 5.

Nous tenons à exprimer notre reconnaissance envers tous ceux qui ont permis la constitution d'un réseau de communication créatif dans l'Eglise. En dépit des difficultés -- qui tiennent à des ressources limitées, aux obstacles parfois opposés à l'Eglise dans son accès aux médias, au remodelage constant de la culture, des valeurs et des attitudes que provoque l'omni-présence des médias -- beaucoup a déjà été fait et continue de l'être. Les évêques, les clercs, les religieux et les laïcs qui se consacrent à cet apostolat capital méritent la gratitude de tous.

Il nous faut également exprimer notre satisfaction à l'égard de tous ces efforts positifs de collaboration oecuménique dans le domaine des médias, où sont impliqués des catholiques et leurs frères et soeurs d'autres Eglises et communautés ecclésiales, ainsi qu'envers la collaboration inter-religieuse avec les membres des autres religions de l'humanité. Il est non seulement souhaitable mais nécessaire d'engager "les chrétiens à s'unir plus profondément dans leur action communicative et à se concerter plus directement avec les autres religions de l'humanité au sujet de leur présence commune au service des communications" 6.

I. CONTEXTE DES COMMUNICATIONS SOCIALES.

A. Contexte culturel et social.

4. Le bouleversement qui se produit aujourd'hui dans la communication suppose, plus qu'une simple révolution technologique, le remaniement complet de ce par quoi l'humanité appréhende le monde qui l'entoure, et en vérifie et exprime la perception. La mise à disposition constante des images et des idées ainsi que leur transmission rapide, fût-ce d'un continent à un autre, ont des conséquences, à la fois positives et négatives, sur le développement psychologique, moral et social des personnes, la structure et le fonctionnement des sociétés, les échanges d'une culture à une autre, la perception et la transmission des valeurs, les idées du monde, les idéologies et les convictions religieuses. La révolution des communications affecte également la perception que l'on peut avoir de l'Eglise et contribue à en façonner les propres structures et le fonctionnement.

Tout ceci a d'importantes conséquences pastorales. On peut aussi bien, en effet, recourir aux médias pour proclamer l'Evangile que pour le chasser du coeur des gens. L'imbrication de plus en plus étroite des médias dans la vie quotidienne influence la compréhension que l'on peut avoir du sens de la vie.

Les médias ont la capacité de peser non seulement sur les modes de pensée mais encore sur les contenus de la pensée. Pour beaucoup de personnes, la réalité correspond à ce que les médias définissent comme tel; ce que les médias ne reconnaissent pas explicitement paraît insignifiant. Le silence peut ainsi se trouver imposé de facto à des individus ou des groupes que les médias ignorent; la voix de l'Evangile peut, elle aussi, se trouver par là réduite au silence, sans être pour autant entièrement étouffée.

Il est donc important que les chrétiens soient capables de fournir des nouvelles qui "créent l'information", et de donner la parole à ceux qui en sont privés.

Le pouvoir qu'ont les médias de renforcer ou de détruire les références traditionnelles en matière de religion, de culture et de famille souligne bien la pertinente actualité des paroles du Concile: "Pour qu'il soit fait un usage correct de ces moyens, il est absolument nécessaire que tous ceux qui les utilisent connaissent les principes de l'ordre moral et les appliquent fidèlement" 7.

B. Contexte politique et économique.

5. Les structures économiques des nations sont fortement dépendantes des systèmes de communication contemporains. On considère généralement comme nécessaire au développement économique et politique que l'Etat investisse dans une infrastructure efficace de communication. La hausse du coût de cet investissement a d'ailleurs constitué un facteur de première importance qui a conduit les gouvernements de nombreux pays à adopter des politiques visant à accroître la concurrence. C'est notamment pour cette raison que, dans bien des cas, les systèmes publics de télécommunication et de diffusion ont été soumis à des politiques de déréglementation et de privatisation.

Tout comme le mauvais usage du service public peut mener à la manipulation idéologique et politique, également, la commercialisation non réglementée et la privatisation de la diffusion ont de profondes conséquences. En pratique, et souvent de façon officielle, la responsabilité publique de l'usage des ondes se trouve dévalorisée. C'est en fonction du profit, et non du service, que l'on tend à évaluer son succès. Les motifs de profit et les intérêts des annonceurs publicitaires exercent une influence anormale sur le contenu des médias: on préfère la popularité à la qualité et on s'aligne sur le plus petit dénominateur commun. Les annonceurs publicitaires outrepassent leur rôle légitime, consistant à identifier les besoins véritables et à leur répondre, et, poussés par des motifs mercantiles, ils s'efforcent de créer des besoins et des modèles artificiels de consommation.

Les pressions commerciales s'exercent également au-delà des frontières nationales, aux dépens de certains peuples et de leur culture. Face à l'accroissement de la concurrence et à la nécessité de trouver de nouveaux marchés, les entreprises de communication revêtent un caractère de plus en plus "multinational"; le manque de possibilités locales de production rend en même temps certains pays plus dépendants des nations étrangères. C'est ainsi que les réalisations de certains médias populaires, caractéristiques d'une culture, se répandent dans une autre culture, souvent au détriment des formes artistiques et médiatiques qui s'y trouvent et des valeurs qu'elles contiennent.

La solution des problèmes nés de cette commercialisation et de cette privatisation non réglementées ne réside pas toutefois dans un contrôle de l'Etat sur les médias, mais dans une plus ample réglementation, conforme aux normes du service public, ainsi que dans une responsabilité publique plus grande. Il faut remarquer à ce sujet que, si les cadres juridiques et politiques dans lesquels fonctionnent les médias de certains pays sont actuellement en nette amélioration, il est d'autres lieux où l'intervention gouvernementale demeure un instrument d'oppression et d'exclusion.

II. TACHE DES MOYENS DE COMMUNICATION.

6. Communio et progressio se fonde sur une présentation de la communication comme une voie vers la communion. Le texte déclare que "plus qu'exprimer des idées ou des sentiments", la communication est "le don de soi par amour". 8 La communication est, en ce sens, le reflet de la communion ecclésiale et peut y contribuer.

La communication de la vérité peut véritablement avoir une puissance rédemptrice qui émane de la personne du Christ. Il est le Verbe de Dieu fait chair et l'image du Dieu invisible. En lui et par lui, la vie de Dieu se communique à l'humanité par l'action de l'Esprit. "Ce qu'il y a d'invisible depuis la création du monde se laisse voir à l'intelligence à travers ses oeuvres, son éternelle puissance et sa divinité". 9 On peut également citer le verset suivant: "Et le Verbe s'est fait chair et il a demeuré parmi nous, et nous avons vu sa gloire, cette gloire qu'il tient de son Père, comme Fils unique, plein de grâce et de vérité". 10.

Dans le Verbe fait chair, Dieu se communique définitivement. Dans la prédication et l'action de Jésus, la Parole se fait libératrice et rédemptrice pour toute l'humanité. Cet acte d'amour par lequel Dieu se révèle, associé à la réponse de foi de l'humanité, engendre un dialogue profond.

L'histoire humaine et l'ensemble des relations entre les hommes se déroulent dans le cadre de cette communication de Dieu dans le Christ. L'histoire est elle-même destinée à devenir une sorte de parole de Dieu, et la vocation de l'homme est d'y contribuer en vivant, de façon créatrice, cette communication constante et illimitée de l'amour réconciliateur de Dieu. Nous sommes appelés à traduire cela en paroles d'espérance et en actes d'amour, c'est-à-dire à travers notre mode de vie. La communication doit, par conséquent, se situer au coeur de la communauté ecclésiale.

Le Christ est à la fois le contenu et la source de ce que communique l'Eglise lorsqu'elle proclame l'Evangile. L'Eglise n'est autre que "le corps mystique du Christ, la plénitude cachée du Christ glorifié qui `remplit toute la création'". 11Nous sommes par conséquent en marche, dans l'Eglise, par la Parole et les sacrements, vers l'espérance de l'unité définitive où "Dieu sera tout en tous". 12.

Les médias au service des personnes et des cultures.

7. Parallèlement à tout le bien qu'ils font et sont capables de faire, les médias "peuvent à la fois édifier l'unité et la compréhension mutuelle, et d'autre part transmettre une vision déformée de l'existence, de la famille, des valeurs religieuses et éthiques: c'est-à-dire une interprétation qui ne respecte pas l'authentique dignité et destinée de la personne humaine". 13 Il est impératif que les médias respectent et participent au développement intégral de la personne qui comporte "les dimensions culturelles, transcendantes et religieuses de l'homme et de la société". 14

La source de certains problèmes individuels et sociaux réside aussi dans la substitution d'un usage de plus en plus important des médias aux relations inter-personnelles et dans l'attachement considérable que l'on accorde aux personnages médiatiques de fiction. Les médias ne peuvent ni remplacer le contact personnel immédiat ni les relations entre les membres d'une famille ou entre des amis. Mais les médias peuvent aussi apporter une contribution à la solution de ces difficultés: à travers des groupes de discussion, des débats sur des films ou émissions, qui stimulent la communication interpersonnelle, plutôt que de se substituer à elle.

B. Les médias au service du dialogue avec le monde actuel.

8. Le Concile Vatican II a souligné que "la communauté des chrétiens se reconnaît réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire". 15 Ceux qui proclament la "Parole" de Dieu ont le devoir de prendre en compte et de chercher à comprendre les paroles des peuples et des cultures divers afin, non seulement de s'en instruire, mais de les aider à reconnaître et à accepter la Parole de Dieu. 16 L'Eglise doit donc entretenir une présence active et attentive au monde, de façon à nourrir la communauté et à soutenir ceux et celles qui recherchent des solutions acceptables aux problèmes personnels et sociaux.

De plus, si l'Eglise doit toujours communiquer son message d'une façon adaptée à chaque époque et aux cultures des nations et des peuples particuliers, elle doit le faire particulièrement aujourd'hui dans et pour la culture des nouveaux médias. 17 C'est là une condition fondamentale si l'on veut apporter une réponse à l'une des préoccupations essentielles du Concile Vatican II: l'apparition de "liens sociaux, techniques, culturels" qui unissent les hommes de plus en plus étroitement constitue pour l'Eglise "une nouvelle urgence": les rassembler tous dans la "pleine unité dans le Christ". 18 Considérant le rôle important que peuvent jouer les moyens de communication dans ses efforts pour favoriser cette unité, l'Eglise les regarde comme des moyens "du dessein providentiel de Dieu" pour le développement de la communication et de la communion entre les hommes pendant la durée de leur pèlerinage sur terre. 19.

L'Eglise, qui cherche à dialoguer avec le monde moderne, désire pouvoir mener un dialogue honnête et respectueux avec les responsables des médias. Ce dialogue implique que l'Eglise s'efforce de comprendre les médias -- leurs objectifs, leurs méthodes et les différents aspects de leurs règles de travail, leurs structures internes et leurs modalités -- et qu'elle soutienne et encourage ceux qui y travaillent. En se fondant sur cette compréhension et ce soutien, il devient possible de faire des propositions significatives en vue d'écarter les obstacles qui s'opposent au progrès humain et à la proclamation de l'Evangile.

Un tel dialogue nécessite que l'Eglise se préoccupe activement des médias profanes, et notamment de l'élaboration de la politique qui les concerne. Les chrétiens ont en effet le devoir de faire entendre leur voix au sein de tous les médias. Leur tâche ne se limite pas seulement à la transmission de nouvelles ecclésiastiques. Ce dialogue requiert en outre qu'elle soutienne les professionnels des médias, qu'elle élabore une anthropologie et une véritable théologie de la communication, ne serait-ce que pour que la théologie se fasse, elle-même, plus communicative, plus efficace pour révéler les valeurs évangéliques et les appliquer aux réalités contemporaines de la condition humaine; il nécessite encore que les responsables de l'Eglise et les agents pastoraux répondent avec bonne volonté et prudence aux demandes des médias, tout en cherchant à établir avec eux des relations de confiance et de respect mutuels, fondés sur des valeurs communes, avec ceux qui ne partagent pas notre foi.

C. Les médias au service de la communauté humaine et du progrès social.

9. La communication qui s'opère dans l'Eglise et par l'Eglise consiste essentiellement dans l'annonce de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ. C'est la proclamation de l'Evangile comme parole prophétique et libératrice adressée aux hommes et aux femmes de notre temps; c'est le témoignage rendu, face à une sécularisation radicale, à la vérité divine et à la destinée transcendante de la personne humaine; c'est, face aux conflits et aux divisions, le parti pris de la justice, en solidarité avec tous les croyants, au service de la communion entre les peuples, les nations et les cultures.

Le sens ainsi donné par l'Eglise à la communication éclaire de façon exceptionnelle les moyens de communication et le rôle qu'ils ont à jouer, selon le plan providentiel de Dieu, dans la promotion du développement intégral des personnes et des sociétés humaines.

D. Les médias au service de la communion ecclésiale.

10. A tout ce qui vient d'être dit, il convient d'ajouter le rappel important du droit fondamental au dialogue et à l'information au sein de l'Eglise, ainsi que l'affirme Communio et progressio, 20 et la nécessité de continuer à rechercher les moyens efficaces de favoriser et de protéger ce droit, notamment par une utilisation responsable des moyens de communication. Nous pensons ici, entre autres, aux affirmations du Code de Droit Canon selon lesquelles, tout en manifestant leur obéissance envers les pasteurs de l'Eglise, les fidèles "ont la liberté de [leur] faire connaître leurs besoins, surtout spirituels, et leurs souhaits"; 21 en outre, en fonction de leur connaissance, compétence et prestige, ces fidèles ont "le droit et parfois même le devoir" d'exprimer à leurs pasteurs leur opinion sur les questions concernant le bien de l'Eglise. 22.

Il y a là un moyen de maintenir et de renforcer la crédibilité et l'efficacité de l'Eglise. Plus fondamentalement encore, ce peut être un moyen de réaliser concrètement le caractère de communion de l'Eglise, qui trouve son fondement dans la communion intime de la Trinité et qui la reflète. Entre les membres de cette communauté qui constitue l'Eglise, il existe une égalité foncière de dignité et de mission qui provient du baptême et est à la base de la structure hiérarchique et de la diversité des charges et des fonctions. Cette égalité s'exprimera dans un partage honnête et respectueux de l'information et des opinions.

En cas de désaccord, cependant, il est important de savoir que "ce n'est pas en exerçant ainsi une pression sur l'opinion publique que l'on peut contribuer à la clarification des problèmes doctrinaux et servir la vérité". 23 En effet, "toutes les opinions des fidèles ne peuvent pas être purement et simplement identifiées au sensus fidei". 24.

Pourquoi l'Eglise tient-elle avec insistance au droit des gens à une information correcte? Pourquoi l'Eglise souligne-t-elle son propre droit à l'annonce authentique de la vérité évangélique? Pourquoi l'Eglise rappelle-t-elle la responsabilité qu'ont ses pasteurs de communiquer la vérité et de former les fidèles à en faire autant? C'est parce que l'entière compréhension de la communication dans l'Eglise se fonde sur le fait que le Verbe de Dieu se communique lui-même.

E. Les médias au service d'une nouvelle évangélisation.

11. En plus des moyens traditionnellement en vigueur, tels que le témoignage de vie, l'enseignement du catéchisme, le contact personnel, la piété populaire, la liturgie et d'autres célébrations similaires, l'utilisation des médias est devenue essentielle à l'évangélisation et à la catéchèse. En effet, "l'Eglise se sentirait coupable devant son Seigneur si elle ne mettait en oeuvre ces puissants moyens que l'intelligence humaine rend chaque jour plus perfectionnés". 25 Les moyens de communication sociale peuvent et doivent être des instruments au service du programme de ré-évangélisation et de nouvelle évangélisation de l'Eglise dans le monde contemporain. En vue de la nouvelle évangélisation, une attention particulière sera donnée à l'impact audiovisuel des moyens de communication, selon l'adage "voir, évaluer, agir".

Il est ainsi très important, pour l'attitude que l'Eglise doit adopter envers les médias et face à la culture qu'ils contribuent à élaborer, d'avoir toujours présent à l'esprit qu'"il ne suffit pas de les utiliser pour assurer la diffusion du message chrétien et de l'enseignement de l'Eglise, mais il faut intégrer le message dans cette `nouvelle culture' créée par les moyens de communication modernes... avec de nouveaux langages, de nouvelles techniques et de nouveaux comportements". 26 L'évangélisation actuelle devrait trouver des ressources dans la présence active et ouverte de l'Eglise au sein du monde des communications.

III. DEFIS ACTUELS.

A. Nécessité d'une évaluation critique.

12. Si l'Eglise adopte une attitude positive et ouverte envers les médias, en cherchant à pénétrer la culture nouvelle créée par les communications afin de l'évangéliser, il est nécessaire qu'elle propose aussi une évaluation critique des médias et de leur impact sur les cultures.

Comme cela a été dit bien des fois, la technologie des communications constitue une merveilleuse expression du génie humain et les médias profitent considérablement à la société. Mais, comme cela a été également souligné, l'application de la technologie des communications n'a été qu'un demi-bienfait, et son utilisation à bon escient nécessite des valeurs saines et des choix avisés de la part des individus, du secteur privé, des gouvernements et de l'ensemble de la société. L'Eglise ne prétend pas dicter ces décisions et ces choix mais elle cherche à fournir une aide véritable en indiquant les critères éthiques et moraux applicables à ce domaine, critères que l'on trouvera dans les valeurs à la fois humaines et chrétiennes.

B. Solidarité et développement intégral.

13. Dans la situation actuelle, il arrive que les médias exacerbent les obstacles individuels et sociaux qui empêchent la solidarité et le développement intégral de la personne humaine. Ces obstacles sont notamment le sécularisme, le consumérisme, le matérialisme, la déshumanisation et l'absence d'intérêt pour la condition des pauvres et des démunis. 27.

Dans cette situation, l'Eglise, qui reconnaît dans les instruments de communication sociale "la voie la plus favorable pour la création et la transmission de la culture", 28se fait un devoir de proposer une formation aux professionnels de la communication et au public pour qu'ils considèrent les médias avec un "sens critique, animé par la passion de la vérité"; elle reconnaît aussi son devoir d'engager "une action visant à défendre la liberté et le respect de la dignité de la personne, et à favoriser la culture authentique des peuples, par un refus ferme et courageux de toute forme de monopolisation et de manipulation". 29.

C. Politiques et structures.

14. Il est clair que certains problèmes à cet égard sont le fruit de politiques et de structures particulières des médias: citons à titre d'exemples le fait que certains groupes ou classes se voient refuser l'accès aux moyens de communication, la réduction systématique du droit fondamental à l'information en certains lieux, l'extension du contrôle que certains groupes économiques, sociaux et politiques exercent sur les médias.

Tout ceci est contraire aux objectifs fondamentaux et à la nature même des médias dont le rôle social particulier et nécessaire est de contribuer à garantir le droit de l'homme à l'information, à promouvoir la justice dans la recherche du bien commun, à assister les individus, les groupes et les peuples dans leur recherche de la vérité. Les médias exercent ces fonctions capitales lorsqu'ils favorisent l'échange d'idées et d'informations entre toutes les classes et secteurs de la société et offrent à toutes les opinions responsables l'occasion de se faire entendre.

D. Défense du droit à l'information et à la communication.

15. On ne peut accepter que l'exercice de la liberté de communication dépende de la fortune, de l'éducation ou du pouvoir politique. Le droit à communiquer est le droit de tous.

Ceci demande des initiatives spécifiques de type national et international, non seulement pour donner aux pauvres et aux moins puissants l'accès à l'information dont ils ont besoin pour leur développement individuel et social, mais aussi pour faire en sorte qu'ils jouent un rôle effectif et responsable dans la décision du contenu des médias et la détermination des structures et des politiques de leurs institutions nationales des communications sociales.

Là où des structures juridiques et politiques favorisent la domination des médias par des groupes de pression, l'Eglise doit insister sur le respect du droit à communiquer, et notamment sur son propre droit d'accès aux médias, tout en recherchant d'autres modèles de communication pour ses propres membres et pour l'ensemble de la population. Le droit à la communication fait d'ailleurs partie du droit à la liberté religieuse, lequel ne devrait pas être limité à la seule liberté de culte.

IV. PRIORITES PASTORALES ET MOYENS D'Y REPONDRE.

A. Défense des cultures humaines.

16. Etant donnée la situation qui existe en de nombreux lieux, la sensibilité aux droits et aux intérêts des individus peut souvent inciter l'Eglise à favoriser d'autres moyens de communication. Dans les domaines de l'évangélisation et de la catéchèse, l'Eglise devra souvent prendre des mesures visant à préserver et à favoriser les "médias populaires" et autres formes traditionnelles d'expression, en reconnaissant que, dans certaines sociétés, ils peuvent être plus efficaces pour la diffusion de l'Evangile que des médias plus récents parce qu'ils rendent possible une participation personnelle plus grande et atteignent des niveaux plus profonds de sensibilité humaine et de motivation.

L'omni-présence des médias dans le monde contemporain n'amoindrit en rien l'importance d'autres médias qui permettent aux personnes de s'engager et de prendre une part active à la production et même à la conception des communications. Les médias populaires et traditionnels ne représentent pas seulement, en effet, un carrefour important d'expression de la culture locale mais ils permettent aussi de développer une compétence pour la création et l'utilisation actives des médias.

Nous considérons également de façon positive le désir de nombreux peuples et groupes humains de disposer de systèmes de communication et d'information plus justes et plus équitables, pour se garantir de la domination et de la manipulation, que celles-ci viennent de l'étranger ou de leurs compatriotes. Les pays en voie de développement ont cette crainte à l'égard des pays développés; les minorités de certaines nations, développées ou en voie de développement, connaissent la même préoccupation. Quelle que soit la situation, il faudrait que les citoyens puissent prendre une part active, autonome et responsable aux processus de communication, qui influencent, de bien des manières, leurs conditions de vie.

B. Développement et promotion des moyens de communication de l'Eglise.

17. Tout en continuant de s'engager de diverses manières dans le domaine des communications et des médias, malgré les multiples difficultés rencontrées, l'Eglise doit développer, entretenir et favoriser ses propres instruments et programmes catholiques de communication. Ceux-ci comprennent la presse catholique et les éditeurs catholiques, la radio et la télévision catholiques, les bureaux d'information et de relations publiques, les instituts et les programmes de formation à la pratique et aux questions des médias, la recherche médiatique, les relations avec les organismes de professionnels des communications en lien avec l'Eglise -- notamment les organisations catholiques internationales de communication -- dont les membres sont des collaborateurs qualifiés et compétents des conférences épiscopales ainsi que des évêques pris individuellement.

Le travail des médias catholiques n'est pas seulement une activité supplémentaire venant s'ajouter à toutes celles de l'Eglise: les communications sociales ont, en effet, un rôle à jouer dans tous les aspects de la mission de l'Eglise. Aussi ne faut-il pas se contenter d'avoir un plan pastoral de communication mais faut-il que les communications fassent partie intégrante de tout plan pastoral puisqu'elles ont, de fait, une contribution à apporter à tout autre apostolat, ministère ou programme.

C. Formation des chrétiens chargés de la communication.

18. L'éducation et la formation aux communications doivent faire partie intégrante de la formation des agents pastoraux et des prêtres. 30 Plusieurs éléments et aspects distincts sont nécessaires à cette éducation et à cette formation.

Dans le monde d'aujourd'hui, si fortement influencé par les médias, il faut, par exemple, que le personnel de l'Eglise ait au moins une bonne vue d'ensemble de l'impact que les nouvelles technologies de l'information et des médias exercent sur les individus et la société. Ils doivent, également, être prêts à dispenser leur ministère aussi bien à ceux qui sont riches en information qu'à ceux qui sont pauvres en information. Il faut qu'ils sachent comment inviter au dialogue, en évitant un style de communication susceptible de suggérer la domination, la manipulation ou le profit personnel. Quant à ceux qui seront activement engagés dans le travail médiatique pour l'Eglise, il faut qu'ils acquièrent des compétences professionnelles en matière de médias, tout comme une formation doctrinale et spirituelle.

D. Pastorale des personnels de la communication.

19. Le travail médiatique suppose des pressions psychologiques et des dilemmes éthiques particuliers. Lorsqu'on considère l'importance du rôle joué par les médias dans la formation de la culture contemporaine et dans la structuration de la vie d'innombrables individus et sociétés, il apparaît essentiel que ceux qui sont engagés professionnellement dans les médias profanes et les industries des communications considèrent leurs responsabilités avec un profond idéal et la volonté de servir l'humanité.

Ceci entraîne pour l'Eglise une responsabilité correspondante: il lui faut élaborer et proposer des programmes pastoraux qui répondent précisément aux conditions particulières de travail et aux défis éthiques auxquels sont confrontés les professionnels de la communication. En fait, ces programmes pastoraux devraient comporter une formation permanente qui puisse aider ces hommes et femmes -- dont beaucoup souhaitent sincèrement savoir et pratiquer ce qui est juste aux plans éthique et moral -- à être de plus en plus pénétrés de critères moraux, aussi bien dans leur travail professionnel que sur le plan privé.

V. NECESSITE D'UNE PROGRAMMATION PASTORALE.

A. Responsabilités des évêques.

20. Reconnaissant la valeur, et même l'urgence, des exigences que suscite l'activité médiatique, les évêques et les personnes chargées de décider de la répartition des ressources de l'Eglise -- lesquelles sont limitées au plan tant humain que matériel -- devraient s'efforcer d'accorder une juste priorité à ce domaine, en tenant compte des situations particulières de leur nation, de leur région et de leur diocèse.

Il se peut que ce besoin se fasse sentir de façon plus aiguë à présent que par le passé, précisément parce que, pour une part au moins, le grand "aréopage" contemporain des médias a été plus ou moins négligé par l'Eglise jusqu'à maintenant. 31 Ainsi que le fait remarquer le Saint Père: "On privilégie généralement d'autres moyens d'annonce évangélique et de formation, tandis que les médias sont laissés à l'initiative des particuliers ou de petits groupes et n'entrent dans la programmation pastorale que de manière secondaire". 32 Cette situation appelle des corrections.

B. Urgence d'un plan pastoral pour les communications sociales.

21. Nous recommandons donc particulièrement que les diocèses et les conférences ou assemblées épiscopales veillent à ce que la question des médias soit abordée dans tous leurs plans pastoraux. Il leur revient en outre de rédiger des plans pastoraux particuliers concernant les communications sociales, ou de réviser et de mettre à jour les plans déjà existants, de façon à maintenir un processus de ré-examen et de mise à jour périodiques. Pour ce faire, les évêques devraient rechercher la collaboration de professionnels des médias -- qu'ils travaillent dans les médias profanes ou dans les organismes d'Eglise en lien avec le domaine des communications -- et spécialement des organisations nationales et internationales du cinéma, de la radio, de la télévision et de la presse.

Les conférences épiscopales de quelques régions ont déjà bien profité de certains plans pastoraux qui décrivent de façon concrète les besoins existants et les objectifs à atteindre, et qui encouragent la coordination des efforts. Les résultats de l'étude, ainsi que les estimations et consultations qui ont permis la rédaction de ces documents, pourraient et devraient circuler à tous les niveaux de l'Eglise, car ils fournissent des données utiles pour la pastorale. Des plans réalistes et pratiques de cette sorte peuvent aussi s'adapter aux besoins des Eglises locales. Ils devraient, bien entendu, faire l'objet de révisions et d'adaptations permanentes, en fonction de l'évolution des besoins.

Nous achevons ce document en fournissant des éléments de plan pastoral et en suggérant des questions que pourraient traiter des lettres pastorales ou des déclarations épiscopales, qu'elles soient nationales ou locales. Ces éléments sont tirés des propositions de conférences épiscopales et de professionnels des médias.

CONCLUSION.

22. Nous réaffirmons que "l'Eglise considère ces moyens de communication comme `des dons de Dieu'. Selon l'intention de la Providence, ils doivent engendrer entre les hommes des rapports fraternels susceptibles de favoriser son dessein de salut". 33 Tout comme l'Esprit a aidé les prophètes anciens à déchiffrer le plan de Dieu à travers les signes de leur temps, Il aide aujourd'hui l'Eglise à interpréter les signes de notre temps et à réaliser sa tâche prophétique qui comporte l'étude, l'évaluation et le bon usage, désormais fondamentaux, de la technologie et des moyens de communication sociale.


A N N E X E

ELEMENTS D'UN PLAN PASTORAL POUR LES COMMUNICATIONS SOCIALES.

23. La situation des médias et les possibilités offertes à l'Eglise dans le domaine des communications sociales diffèrent d'une nation à l'autre, et aussi d'un diocèse à l'autre au sein d'un même pays. En découleront naturellement des différences dans l'attitude que l'Eglise adoptera, selon les lieux, vis-à-vis des médias et de la culture qu'ils contribuent à forger, et des diversités de plans et de mode de participation en fonction des situations locales.

Chaque conférence épiscopale et chaque diocèse doivent donc élaborer un plan pastoral complet de communication, de préférence en consultant des représentants des organisations catholiques internationales et nationales de communication ainsi que des professionnels des médias locaux. Il faudrait, en outre, que les autres plans pastoraux, y compris ceux qui concernent le service social, l'éducation et l'évangélisation, tiennent compte, dans leur élaboration et leur mise en oeuvre, de ce qui concerne les communications. Un certain nombre de conférences épiscopales et de diocèses ont déjà élaboré des plans qui répertorient les besoins des communications, définissent des objectifs, font des prévisions réalistes de financement et coordonnent différents efforts effectués en ce domaine.

Nous proposons les lignes directrices suivantes pour aider ceux qui auront à élaborer ces plans pastoraux ou seront chargés de mettre à jour les plans existants.

Lignes directrices pour l'élaboration de plans pastoraux pour les communications sociales dans un diocèse, une Conférence épiscopale ou un Synode patriarcal.

24. Un plan pastoral pour les communications sociales devrait comporter les éléments suivants:

a) une présentation d'ensemble, faite à partir d'une consultation étendue et décrivant, pour tous les ministères de l'Eglise, des stratégies de communication qui répondent aux questions et aux conditions actuelles;

b) un inventaire ou une évaluation de l'environnement médiatique existant sur le territoire: les différents types de public, les producteurs et directeurs des médias publics et commerciaux, les ressources financières et techniques, les systèmes de distribution, les ressources oecuméniques et éducatives, le personnel des organismes catholiques de communication, y compris celui qui provient de communautés religieuses;

c) une proposition de structure des moyens de communication ecclésiaux destinés à aider l'évangélisation, la catéchèse et l'éducation, le service social et la coopération oecuménique; celle-ci devra traiter, autant que possible, des relations publiques, de la presse, de la radio, de la télévision, du cinéma, des cassettes, des réseaux informatiques, des services réprographiques et des formes analogues de télécommunication;

d) une éducation aux médias, qui insiste tout particulièrement sur la relation entre médias et valeurs;

e) une ouverture pastorale de dialogue avec les professionnels des médias, qui insiste sur le développement de leur foi et leur croissance spirituelle;

f) une indication des possibilités d'obtenir des ressources et de garantir le mode de financement nécessaires pour la réalisation de ce plan pastoral.

Mode d'élaboration d'un plan pastoral pour les communications sociales.

25. Le plan devrait proposer des lignes directrices et des suggestions aux responsables des communications dans l'Eglìse et leur fournir des objectifs et des priorités réalistes pour leur travail. Nous recommandons qu'une équipe comprenant du personnel ecclésial et des professionnels des médias soit associée à ce travail d'élaboration qui se déroulera en deux phases: 1º Recherche; 2º Programmation.

Phase de recherche.

26. Entrent dans la phase de recherche l'évaluation des besoins, la collecte de l'information et la recherche de divers modèles de plans pastoraux. Ceci implique une analyse du contexte dans lequel se situent les communications, notamment des forces et des faiblesses que comportent les structures et les programmes ecclésiaux de communication existants, ainsi que des possibilités qui s'offrent à eux et des défis auxquels ils sont confrontés.

Trois types d'études peuvent aider à la collecte des informations nécessaires: une évaluation des besoins, une expertise des moyens de communication, et un inventaire des ressources. La première étude consistera à répertorier les zones de ministère qui nécessitent une attention particulière de la part de la conférence épiscopale ou du diocèse. La seconde s'attachera aux méthodes en vigueur -- et à une estimation de leur efficacité -- de façon à répertorier les forces et les faiblesses des structures et procédures de communication déjà existantes. La troisième devra décrire les ressources, les technologies et le personnel dont l'Eglise dispose en matière de communication, en ne se contentant pas des ressources "particulières" de l'Eglise mais en prenant aussi en compte celles dont elle pourrait disposer dans le monde des affaires, les industries des médias et les organismes oecuméniques.

Phase de programmation.

27. Après cette collecte et analyse de données, l'équipe qui élaborera le plan devrait s'attacher aux objectifs et aux priorités de la conférence épiscopale ou du diocèse dans le domaine des communications. On entrera alors dans la phase de programmation. En tenant compte des circonstances locales, l'équipe devrait ensuite traiter les problèmes suivants.

28. L'éducation: les questions de communication et de communication de masse touchent à tous les niveaux du ministère pastoral, y compris l'éducation. Un plan pastoral de communication devrait s'efforcer:

a) de proposer des possibilités d'éducation en matière de communication, en les présentant comme des composantes essentielles de la formation de tous ceux qui sont engagés dans l'action de l'Eglise, qu'il s'agisse des séminaristes, des prêtres, des religieux et religieuses ou des animateurs laïcs;

b) d'encourager les écoles et les universités catholiques à proposer des programmes et des cours en rapport avec les besoins de l'Eglise et de la société en matière de communication;

c) de proposer des cours, ateliers et séminaires de technologie, de gestion, d'éthique et de politique des communications, destinés aux responsables de l'Eglise en cette matière, aux séminaristes, aux religieux et au clergé;

d) de prévoir et de mettre en oeuvre des programmes d'éducation et d'intelligence des médias à l'intention des enseignants, des parents et des étudiants;

e) d'encourager les créateurs et les écrivains à se préoccuper de transmettre les valeurs évangéliques dans l'utilisation qu'ils font de leurs talents par la presse, le théâtre, la radio, les émissions télévisées et les films récréatifs et éducatifs;

f)de répertorier les nouvelles stratégies d'évangélisation et de catéchèse que permet l'application des technologies de la communication et des moyens de communication.

29. Formation spirituelle et assistance pastorale. Les professionnels catholiques laïcs et les autres personnes qui travaillent dans l'apostolat ecclésial des communications sociales ou dans les médias profanes attendent souvent de l'Eglise une orientation spirituelle et un soutien pastoral. Un plan pastoral de communication devrait donc chercher:

a) à proposer aux laïcs catholiques et aux autres professionnels des communications des occasions d'enrichir leur expérience professionnelle par des journées de récollection, des retraites, des séminaires et des groupes de soutien professionnel;

b) à proposer une assistance pastorale qui procure le soutien nécessaire pour nourrir la foi des responsables des communications et entretenir leur sens du dévouement dans cette tâche difficile qui consiste à communiquer au monde les valeurs de l'Evangile et d'authentiques valeurs humaines.

30. Coopération. La coopération comprend le partage des ressources entre les conférences et entre les diocèses, ainsi qu'entre les diocèses et les autres institutions telles que les communautés religieuses, les universités et les organismes de la santé. Un plan pastoral pour les communications sociales devrait viser:

a)à renforcer les relations et à encourager la consultation réciproque entre les représentants de l'Eglise et les professionnels des médias qui peuvent beaucoup apporter à l'Eglise en matière d'utilisation des médias;

b) à rechercher des moyens de production en coopération entre centres régionaux et centres nationaux, et à favoriser le développement de réseaux communs de promotion, de commercialisation et de distribution;

c) à favoriser la coopération avec les congrégations religieuses qui travaillent dans le domaine des communications sociales;

d) à collaborer avec les organismes oecuméniques et avec les autres Eglises et groupes religieux pour tout ce qui concerne la sécurité et la garantie d'accès de la religion aux médias, ainsi que "dans le domaine des nouveaux médias: spécialement quant à l'usage commun des satellites, des banques de données, des réseaux câblés, et, globalement, de l'informatique, à commencer par la compatibilité des systèmes"; 34.

e) à coopérer avec les médias profanes, notamment pour ce qui touche aux préoccupations communes qui concernent les questions religieuses, déontologiques, culturelles, éducatives et sociales.

31. Relations publiques. Les relations publiques nécessitent, de la part de l'Eglise, une communication active avec la communauté par l'entremise des médias aussi bien profanes que religieux. Ces relations, qui impliquent la disponibilité de l'Eglise à communiquer les valeurs évangéliques et à faire connaître ses ministères et ses programmes, requièrent de sa part qu'elle fasse tout ce qui est en son pouvoir pour vérifier qu'elle est effectivement à l'image du Christ. Un plan pastoral de communication devrait donc tendre:

a) à entretenir des bureaux de relations publiques dotés de ressources humaines et matérielles suffisantes pour rendre possible une véritable communication entre l'Eglise et l'ensemble de la communauté;

b) à produire des publications et des programmes de radio, de télévision et de vidéo de qualité excellente, de manière à rendre visibles le message de l'Evangile et la mission de l'Eglise;

c) à promouvoir des récompenses et autres moyens de reconnaissance destinés à encourager et à soutenir les professionnels des médias;

d) à célébrer la Journée mondiale des communications sociales comme un moyen de promouvoir la prise de conscience de l'importance de la communication, et d'appuyer les initiatives de l'Eglise en matière de communication.

32. Recherche. Les stratégies de l'Eglise dans le domaine de la communication sociale doivent se fonder sur les résultats d'une recherche sérieuse en la matière, qui implique une analyse et une évaluation faites en connaisance de cause. Il importe que l'étude de la communication fasse place aux questions et aux problèmes majeurs auxquels doit faire face la mission de l'Eglise au sein de la nation ou de la région concernée. Un plan pastoral des communications devrait viser:

a) à encourager les instituts d'études supérieures, les centres de recherche et les universités à entreprendre des recherches à la fois fondamentales et appliquées, sur les besoins et les préoccupations de l'Eglise et de la société en matière de communication;

b) à déterminer les modalités pratiques d'une interprétation de la recherche opérée sur les communications sociales, et de son application à la mission de l'Eglise;

c) à soutenir une réflexion théologique permanente sur les processus et les instruments de la communication sociale et sur leur rôle dans l'Eglise et dans la société.

33. Communication et développement des peuples. Une communication et des médias réellement accessibles peuvent permettre à beaucoup de personnes de participer à l'économie du monde moderne, d'expérimenter une liberté d'expression et de contribuer à la croissance de la paix et de la justice dans le monde. Un plan pastoral des communications sociales devrait viser:

a)à ce que les valeurs évangéliques exercent une influence sur le large éventail des activités médiatiques contemporaines -- depuis l'édition jusqu'aux communications par satellite --, de sorte qu'elles contribuent à la croissance de la solidarité internationale;

b) à défendre l'intérêt public et à sauvegarder l'accès des religions aux médias en prenant des positions informées et responsables sur les questions de législation et de politique des communications et sur le développement des systèmes de communication;

c) à analyser l'impact social des technologies de communication avancées et à contribuer à éviter des ruptures sociales et des déstabilisations culturelles inutiles;

d) à aider les professionnels des communications à définir et à observer des règles éthiques, surtout pour tout ce qui touche à l'équité, à la vérité, à la justice, à la décence et au respect de la vie;

e) à élaborer des stratégies qui encouragent un accès plus étendu, plus représentatif et plus responsable aux médias;

f) à exercer un rôle prophétique en prenant la parole aux bons moments lorsqu'il s'agit de soutenir le point de vue de l'Evangile par rapport aux dimensions morales d'importantes questions d'intérêt public.

Cité du Vatican, 22 février 1992, en la fête de la Chaire de Saint Pierre Apôtre.

+ JOHN P. FOLEY, Presidente

 

Mons. PIERFRANCO PASTORE, Segretario


NOTES

1

Cfr JEAN PAUL II, Centesimus annus, nn. 12-23, in AAS, LXXXIII (1991), pp. 807-821.

2

JEAN PAUL II,Redemptoris missio, n. 37, in AAS, LXXXIII (1991), p. 285.

3

Communio et progressio, n. 187, in AAS, LXIII (1971), pp. 655-656.

4

JEAN PAUL II, Message pour la XXlV Journée mondiale des communications sociales, in L'Osservatore Romano, 25/1/1990, p. 6; cfr Gaudium et spes, n. 5, in AAS, LVIII (1966), p. 1028.

5

Ibidem.

6

Conseil Pontifical pour les Communications Sociales, Critères de collaboration oecuménigue et inter-religieuse dans les communications, n. 1, Cité du Vatican 1989.

7

Inter mirifica, n. 4, in AAS, LVI (1964), p. 146.

8

Communio et progressio, n. 11, in AAS, LXIII (1971), p. 598.

9

Rm 1, 20.

10</FONT

Jn 1, 14.

11</FONT

Eph 1, 23; 4, 10.

12</FONT

1 Co 15, 28; Communio et progressio, n. 11, in AAS, LXIII (1971), p. 598.

13</FONT

Conseil Pontifical pour les Communications Sociales, Pornographie et violence dans les médias: une réponse pastorale, n. 7, Cité du Vatican 1989.

14</FONT

JEAN PAUL II, Sollicitudo rei socialis, n. 46 in AAS, LXXX (1988), p. 579.

15</FONT

Gaudium et spes, n. 11, in AAS, LVIII (1966), p. 1034.

16</FONT

Cf PAUL VI, Evangelii nuntiandi, n. 20, in AAS, LXVIII (1976), pp. 18- 19.

17</FONT

Cfr Inter mirifica, n. 3, in AAS, LVI (1964), p. 146.

18</FONT

Lumen gentium, n. 1, in AAS, LVII (1965), p. 5.

19</FONT

Cfr Communio et progressio, n. 12, in AAS, LXIII (1971), p. 598.

20</FONT

Ibidem, nn. 114-121, pp. 634-636.

21</FONT

Cfr canon 212.2, in AAS, LXXV, 2 (1983), p. 34.

22</FONT

Cfr canon 212.3, p. 34.

23</FONT

Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Instruction sur la vocation ecclésiale du théologien, n. 30, in AAS, LXXXII (1990), p. 1562.

24</FONT

Cfr ibidem, n. 35, p. 1565.

25</FONT

PAUL VI, Evangelii nuntiandi, n. 45, in AAS, LXIII (1976), p. 35.

26</FONT

JEAN PAUL II, Redemptoris missio, n. 37, in AAS, LXXXIII (1991), p. 285.

27</FONT

Cfr JEAN PAUL II, Centesimus annus, n. 41, in AAS, LXXXIII (1991), p. 841.

28</FONT

JEAN PAUL II, Christifideles laici, n. 44, in AAS, LXXXI (1989), p. 480.

29</FONT

Ibidem, p. 481.

30</FONT

Cfr Congrégation pour l'Education Catholique, Orientations pour la formation des futurs prêtres concernant les instruments de communication sociale, Cité du Vatican 1986.

31</FONT

Cfr JEAN PAUL II, Redemptoris missio, n. 37, c, in AAS, LXXXIII (1991), p. 285.

32</FONT

Ibidem.

33</FONT

Communio et progressio, n. 2, in AAS, LXIII (1971), pp. 593-594.

34</FONT

Conseil Pontifical pour les Communications Sociales, Critères de collaboration oecuménique et inter-religieuse dans les communications, n. 14.





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