congregatio pro
clericis
ADORATION
eucharistique
pour
la sanctification des PRÊTRES
et
maternitÉ SPIRITUELLE
2007
Responsable de la publication :
S.E.R Mgr Mauro Piacenza
Archevêque titulaire de Vittoriana,
Secrétaire de la Congrégation pour le Clergé
Congrégation pour le Clergé
Piazza Pio XII, 3 – 00193
Roma
Tél. 0039 / 06 698 84151
0039 / 06 698
84178
Fax 0039 / 06 698 84845
Lettre diffusée par la Congrégation dans le but de
promouvoir l´adoration eucharistique
pour la sanctification des prêtres et la maternité
spirituelle :
Excellence RÉvÉrendissime,
Il y a vraiment tant à faire pour le
véritable bien du clergé et pour la fécondité du ministère pastoral dans les
circonstances actuelles. Mais c’est bien pour ce motif que, gardant la ferme
résolution de relever ces défis sans éluder les difficultés ni les efforts
nécessaires, bien conscients que l’agir est une conséquence de l’être et que
l’âme de tout apostolat est l’intimité divine, nous désirons partir d’un
mouvement spirituel qui, faisant prendre toujours plus conscience du lien
ontologique entre l’Eucharistie et le sacerdoce ainsi que de la maternité
spéciale de Marie vis-à-vis de tous les prêtres, donne naissance à une chaîne
d’adoration perpétuelle pour la sanctification des clercs, et lance un
mouvement d’engagement des âmes féminines consacrées pour qu’elles veuillent bien,
à l’image de la Bienheureuse Vierge Marie, Mère du Grand Prêtre éternel et
Associée à son œuvre de rédemption, adopter spirituellement des prêtres, pour
les aider à travers l’offrande de leur personne, l’oraison et la pénitence.
L’adoration comprend toujours l’acte de réparation pour ses propres fautes et,
dans les circonstances actuelles, l’on suggère d’inclure une intention
particulière en ce sens.
Selon les
données constantes de la Tradition, le mystère et la réalité de l’Église ne se
réduisent pas à la structure hiérarchique, à la liturgie, aux sacrements et aux
dispositions juridiques. En effet, la nature intime de l’Église et l’origine
première de son efficacité sanctificatrice doivent être recherchées dans
l’union mystique avec le Christ.
Selon la doctrine
et la structure même de la constitution dogmatique Lumen Gentium, une
telle union ne peut être conçue comme séparée de celle qui est la Mère du Verbe
Incarné et que Jésus a voulue intimement unie à Lui pour le salut de tout le
genre humain.
Ce n’est donc pas
un hasard si le jour même où la constitution dogmatique sur l’Église était
promulguée – le 21 novembre 1964 –, Paul VI proclamait Marie « Mère
de l’Église », c’est-à-dire mère de tous les fidèles et de tous les
pasteurs.
Et le concile
Vatican II – à propos de la Bienheureuse Vierge Marie – s’exprime
ainsi : « En concevant le Christ, en l’enfantant, le nourrissant, le
présentant au Père dans le temple, en souffrant avec son Fils mourant sur la
croix, elle a coopéré d’une manière toute spéciale par son obéissance, sa foi,
son espérance et son ardente charité, à l’œuvre du Sauveur de restaurer la vie
surnaturelle dans les âmes. Voilà pourquoi elle fut pour nous la mère dans
l’ordre de la grâce » (LG n° 61).
Sans rien
ajouter ni retrancher à l’unique médiation du Christ, la toujours Vierge est
reconnue et invoquée, dans l’Église, avec les titres d’Avocate, d’Auxiliatrice,
de Secours, de Médiatrice; elle est le modèle de l’amour maternel qui doit
animer tous ceux qui coopèrent, à travers la mission apostolique de l’Église, à
la régénération de l’humanité tout entière (cf. LG n° 65).
A la
lumière de ces enseignements, qui font partie de l’ecclésiologie du concile
Vatican II, les fidèles, en tournant leur regard vers Marie – exemple
resplendissant de toute vertu –, sont appelés à imiter la première
disciple, la mère, à laquelle, en la personne de Jean – au pied de la
croix (cf.
Jn 19, 25-27) – chaque
disciple a été confié ; ainsi, en devenant ses enfants, ils apprennent
d’elle le véritable sens de la vie en Christ.
C’est ainsi –
et précisément à partir de la place occupée et du rôle joué par la Vierge très
sainte dans l’histoire du salut – que l’on entend confier de manière toute
particulière à Marie, la Mère du Grand Prêtre éternel, tous les prêtres et
susciter dans l’Église un mouvement de prière centré sur l’adoration
eucharistique continuée dans le cours des vingt-quatre heures, afin que de
partout dans le monde une prière d’adoration, d’action de grâces, de louange,
de demande et de réparation s’élève toujours et sans cesse vers Dieu, dans le
but principal de susciter un nombre suffisant de saintes vocations à l’ordre
sacerdotal et, en même temps, d’accompagner spirituellement – au niveau du
Corps Mystique –, dans une sorte de maternité spirituelle, ceux qui ont
déjà été appelés au sacerdoce ministériel et qui sont ontologiquement conformés
à l’unique Grand Prêtre éternel, afin qu’ils Le servent toujours mieux,
ainsi que leurs frères, comme ceux qui sont à la fois « dans »
l’Église mais aussi « face » à l’Église à la place du Christ, le
représentant comme tête, pasteur et époux de l’Église (cf. PdV n° 16).
Il est donc demandé à tous les ordinaires diocésains qui ressentent particulièrement la spécificité et le caractère irremplaçable du ministère ordonné dans la vie de l’Église, ainsi que l’urgence d’une action commune en faveur du sacerdoce ministériel, de prendre part activement à la promotion – auprès des différentes portions du peuple de Dieu qui leur sont confiées – de véritables cénacles où les membres du clergé, les religieux et les laïcs se consacrent, unis entre eux et dans un véritable esprit de communion, à la prière, sous la forme de l’adoration eucharistique continuée, également dans un esprit de réparation et de purification réelles et authentiques. Au besoin un opuscule est annexé, destiné à mieux faire comprendre quel est le caractère de cette initiative, pour adhérer en esprit de foi au projet présenté ici.
Que Marie,
Mère de l’unique Grand Prêtre éternel, bénisse la présente initiative et
intercède auprès de Dieu en demandant un authentique renouvellement de la vie
sacerdotale à partir de l’unique modèle possible : Jésus Christ, le Bon
Pasteur !
Je vous présente cordialement mes respects
dans le lien de la communio ecclésiale, avec des sentiments d’intense affection
collégiale
Cláudio Card. Hummes
Préfet
X Mauro Piacenza
Secrétaire
Du Vatican, 8 décembre 2007
Solennité de
l’Immaculée Conception de la B.V. Marie
« Priez
le maÎtre de la moisson d’envoyer des ouvriers! »
«Priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers! ». Cela signifie: la moisson est là, mais Dieu veut se servir des hommes, afin qu’elle soit apportée dans le grenier. Dieu a besoin d’hommes. Il a besoin de personnes qui disent: Oui, je suis disposé à devenir ton ouvrier pour la moisson, je suis disposé à apporter mon aide afin que cette moisson qui mûrit dans le cœur des hommes puisse véritablement entrer dans les greniers de l’éternité et devenir communion divine éternelle de joie et d’amour.
« Priez le maître des moissons! ». Cela veut dire également: nous ne pouvons pas simplement “produire” des vocations, celles-ci doivent venir de Dieu. Nous ne pouvons pas, comme c’est peut-être le cas pour d’autres professions, à travers une propagande bien ciblée, à travers, pour ainsi dire, des stratégies adaptées, simplement recruter des personnes. L’appel, partant du cœur de Dieu, doit toujours trouver la voie du cœur de l’homme. Et toutefois: précisément afin qu’il parvienne au cœur des hommes, notre collaboration est également nécessaire.
Le demander au maître des moissons signifie certainement avant tout prier pour cela, secouer notre cœur et dire: « Fais-le, s’il te plaît! Réveille les hommes! Allume en eux l’enthousiasme et la joie pour l’Evangile! Fais-leur comprendre que c’est le trésor plus précieux que tous les autres trésors, et que celui qui l’a découvert doit le transmettre! ».
Nous ébranlons le cœur de Dieu. Mais prier Dieu ne se réalise pas seulement à travers des prières; cela implique également une transformation de la parole en action, afin que de notre cœur en prière jaillisse également l’étincelle de la joie en Dieu, de la joie pour l’Evangile, et qu’elle suscite en d’autres cœurs la disponibilité à prononcer leur “oui”. En tant que personnes de prière, emplies de Sa lumière, nous atteignons les autres et, en les faisant participer à notre prière, nous les faisons entrer dans le rayonnement de la présence de Dieu, qui agira ensuite. Dans ce sens, nous voulons toujours prier à nouveau le maître de la moisson, secouer son cœur et, avec Dieu, toucher dans notre prière également le cœur des hommes, afin que, selon sa volonté, Il y fasse mûrir le “oui”, la disponibilité; la constance, à travers toutes les confusions de l’époque, à travers la chaleur de la journée mais également l’obscurité de la nuit, de persévérer fidèlement dans le service, tirant constamment précisément de lui la conscience que, – bien que laborieux – cet effort est beau, il est utile, car il conduit à l’essentiel, c’est-à-dire à obtenir que les hommes reçoivent ce qu’ils attendent: la lumière de Dieu et l’amour de Dieu.
BenoÎt
XVI
Rencontre
avec les PrÊtres et les Diacres –
Freising 14 septembre 2006
MaternitÉ spirituelle pour
les PrÊtres
La vocation de mère spirituelle pour les prêtres est trop peu connue,
à peine comprise, par conséquent peu vécue, malgré son importance vitale
et fondamentale. Cette vocation est souvent cachée,
invisible à l’œil humain, mais destinée à transmettre la vie spirituelle.
Le pape Jean Paul II en était convaincu :
c’est pour cela qu’il fonda dans le Vatican un monastère de sœurs cloîtrées
appelées à prier pour ses intentions de Souverain Pontife.
« Ce
que je suis devenu et ce que je suis, je le dois À ma MÈre ! »
Saint Augustin
Indépendamment de l’âge ou de l’état
civil, toutes les femmes peuvent devenir mères d’un prêtre ; il n’est pas
nécessaire d’être mère de famille. C’est possible aussi pour une malade, pour
une jeune fille non mariée, ou pour une veuve. Cela vaut particulièrement pour
les missionnaires et les religieuses qui offrent toute leur vie à Dieu pour la
sanctification de l’humanité. Jean Paul II lui-même a remercié une enfant pour
son aide maternelle : « J’exprime également ma reconnaissance à la
bienheureuse Jacinthe de Fatima pour les sacrifices et les prières faites pour
le Saint-Père, qu’elle avait tant vu souffrir. »
Chaque prêtre est précédé par une mère,
qui, cela n’est pas rare, est aussi une mère de vie spirituelle pour ses
enfants. Joseph Sarto, par exemple, le futur Pape Pie X, alla trouver sa mère
septuagénaire, tout de suite après sa consécration épiscopale. Elle baisa avec
respect l’anneau de son fils, et soudain pensive, elle montra sa pauvre
alliance d’argent : « Si, Peppo, mais toi maintenant tu ne le
porterais pas, si je n’avais pas d’abord porté cette alliance. » Saint
Pie X confirmait justement d’après son expérience : « Toute
vocation sacerdotale vient du cœur de Dieu, mais elle passe par le cœur d’une
mère ! »
La vie de Sainte Monique nous le montre
particulièrement bien. Saint Augustin, son fils, avait perdu la foi à l’âge de
19 ans, au cours de ses études à Carthage ; il a écrit plus tard dans ses
célèbres « Confessions » :
« Tu as tendu ta main d’en haut,
et du fond de mes ténèbres Tu as arraché mon âme, tandis que pour moi des
pleurs coulaient vers Toi, ceux de ma mère, ta fidèle servante, plus abondants
que les pleurs versés par les mères sur le corps d’un défunt… Pendant ce temps,
cette veuve chaste, pieuse et sobre, comme Tu les aimes, déjà plus allègre sans
doute dans l’espérance, mais non moins assidue aux larmes et aux gémissements,
ne cessait à toutes les heures de sa prière de se lamenter sur moi auprès de
Toi. » Après sa conversion, Saint Augustin disait avec
reconnaissance : « Ma sainte mère, ta servante, ne m’a jamais
abandonné : elle m’a enfanté selon la chair à cette vie temporelle et avec
son cœur à la vie éternelle. Ce que je suis devenu et ce que je suis, je le
dois à ma mère. »
Pendant ses discussions
philosophiques, Saint Augustin voulait toujours la présence de sa mère ;
elle écoutait attentivement, intervenait quelquefois pour exprimer une opinion
discrète, ou à la stupéfaction de l’auditoire, une réponse à des questions
restées en suspens. Il n’est donc pas étonnant que Saint Augustin se soit
désigné lui-même son “disciple en philosophie’’ !
Le ‘RÊve’
d’un Cardinal
Le cardinal Nicolas de Cues (1401-1464), évêque de Brixen,
fut non seulement un grand politicien de l’Eglise, un légat du pape célèbre
et un réformateur de la vie spirituelle du clergé et du peuple au xvème siècle,
mais aussi un homme de silence et de contemplation.
Dans un ‘rêve’ lui fut montrée cette réalité spirituelle
qui vaut encore aujourd’hui pour tous les prêtres et pour tout homme :
la puissance de l’abandon, de la prière et du sacrifice des mères spirituelles
dans le secret des couvents.
Des
Mains et des Cœurs qui se sacrifient
« … Ils entrèrent dans une petite église
séculaire ornée de mosaïques et de fresques des premiers siècles. Le cardinal
eut alors une vision grandiose : des milliers de religieuses priaient dans
cette petite église. Elles étaient si frêles et si recueillies qu’il y avait de
la place pour toutes, bien que la communauté fut nombreuse. Les sœurs priaient,
et le cardinal n’avait jamais vu prier avec une telle intensité. Elles
n’étaient pas à genoux, mais debout, le regard dirigé non vers le lointain mais
vers un point très proche de lui, qu’il ne pouvait pourtant pas voir lui-même.
Leurs bras étaient ouverts et les mains tendues vers le ciel, dans une position
d’offrande.
L’incroyable de cette vision est dans le
fait que ces sœurs portaient dans leurs pauvres petites mains des hommes et des
femmes, des empereurs et des rois, des villes et des pays. Parfois les mains
enserraient une ville ; ou bien un pays, reconnaissable aux drapeaux nationaux,
reposait sur un mur de bras qui le soutenait. Et même dans ces cas, chaque sœur
était entourée de silence et discrétion. Cependant la plupart des sœurs
portaient dans leurs mains un seul frère ou sœur.
Dans les mains d’une jeune et fragile
religieuse, presque une enfant, le cardinal Nicolas vit le pape. On comprenait
combien son fardeau lui pesait, mais son visage rayonnait de joie. Lui-même,
Nicolas de Cues, évêque de Brixen, cardinal de l’Eglise romaine, reposait sur
les mains d’une sœur âgée. Il se reconnaissait clairement, avec ses rides et
les défauts de son âme et de sa vie. Il observait tout avec de grands yeux
épouvantés, mais bientôt, sa frayeur laissait place à une béatitude
indescriptible.
Son accompagnatrice, à ses côtés, chuchota
: “Voyez comment sont soutenus et portés les pécheurs qui, malgré leurs
péchés, n’ont pas cessé d’aimer Dieu’’. Le cardinal demanda : “Mais
que se passe-t-il pour ceux qui n’aiment plus ?’’. Aussitôt, toujours
accompagné de son guide, il se trouva dans la crypte de l’église où des
milliers de sœurs priaient.
Alors que les premières sœurs soutenaient
les personnes de leurs mains, celles-ci portaient leurs protégés dans leurs
cœurs. Elles étaient profondément concentrées car il y en allait du destin
éternel des âmes immortelles. “Voyez Eminence’’, fit remarquer sa
conductrice, “c’est ainsi que sont soutenues les âmes qui ont cessé d’aimer.
Parfois il arrive qu’elles se réchauffent à la chaleur des cœurs qui se
consument pour elles, mais pas toujours. Quelquefois, à l’heure de leur mort,
elles passent des mains de ceux qui veulent encore les sauver aux mains du Juge
divin devant Lequel elles doivent se justifier, aussi pour le sacrifice offert
pour elles. Aucun sacrifice ne demeure sans fruit, cependant qui ne cueille pas
le fruit offert cultive le fruit de la ruine.’’
Le cardinal fixa les femmes victimes volontaires. Il avait toujours connu leur existence, mais ce qu’elles représentent vraiment pour l’Eglise et pour le monde, pour les peuples et pour chaque personne, ne lui avait jamais paru aussi évident qu’en cet instant. Et il s’inclina profondément devant ces martyres de l’amour. »
Foto: A partir de 550 Saben fut pendant
un demi millénaire le siège épiscopal du diocèse de Brixen.
Depuis 1685, donc depuis plus de 300 ans, le château épiscopal est devenu un monastère dans lequel jusqu’à nos jours une communauté de sœurs bénédictines vit la maternité spirituelle, en priant et se consacrant à Dieu, justement comme le cardinal Nicolas de Cues l’avait vu dans son ‘rêve’.
Eliza Vaughan
C’est une vérité évangélique que les vocations sacerdotales doivent être demandées
dans la prière. Jésus le souligne dans l’évangile :
« La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux ;
priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson. » (Mt 9, 37-38)
Eliza Vaughan, une mère de famille anglaise, est un exemple très probant
d’une femme, qui remplie d’un esprit sacerdotal, priait beaucoup pour les vocations.
Eliza vient d’une famille protestante, la famille Rolls, qui par la suite fonda l’industrie automobile réputée Rolls-Royce. Jeune fille, alors qu’elle vivait et étudiait en France, elle fut très impressionnée par le soutien exemplaire que l’Eglise Catholique apportait aux pauvres.
Pendant l’été 1830, après son mariage
avec le colonel John Francis Vaughan, Eliza, malgré la forte résistance de ses
parents, se convertit au catholicisme. Elle n’avait pas pris cette décision
parce qu’elle appartenait désormais à une famille anglaise connue, de tradition
catholique, mais bien motivée par une ferme conviction personnelle. La famille
Vaughan, lors de la persécution des catholiques anglais sous le règne
d’Elisabeth I (1558-1603), avait accepté
l’expropriation de tous ses biens et l’emprisonnement plutôt que de renier sa
foi. Courtfield, la résidence familiale de son mari, était devenue pendant les
décennies de la terreur, un centre de refuge pour les prêtres persécutés, un
lieu où la Sainte Messe était célébrée en secret. Trois siècles s’étaient
écoulés dès lors, mais rien n’avait changé dans l’esprit catholique de la
famille.
Foto: Convaincue de la puissance d’une
fidèle prière silencieuse, Eliza Vaughan consacrait chaque jour une heure à
l’adoration dans la chapelle de la maison. Elle priait Dieu de lui accorder des
vocations dans sa famille. Devenue mère de six prêtres et quatre religieuses,
elle fut largement exaucée. Morte en 1853, Maman Vaughan fut enterrée à
Courtfield, dans la propriété familiale qu’elle aimant tant.
Aujourd’hui Courtfield est un centre d’exercices spirituels dans le diocèse anglais de Cardiff. En prenant considération de la sainte vie d’Eliza, l’évêque du lieu consacra en 1954 la chapelle de la maison comme “Sanctuaire de Notre Dame des Vocations”, titre qui fut confirmé en l’an 2000.
Donnons
nos enfants À Dieu
Convertie du plus profond de son cœur et remplie de zèle, Eliza proposa à son mari de donner leurs enfants à Dieu. Cette femme de grande vertu priait chaque jour une heure devant le Saint Sacrement dans la chapelle de la résidence de Courtfield. Elle demandait à Dieu une famille nombreuse et beaucoup de vocations religieuses parmi ses enfants. Elle fut exaucée ! Elle eut 14 enfants et mourut peu après la naissance du dernier en 1853. Des 13 enfants (un mourut en bas âge), dont 8 garçons, 6 devinrent prêtres : 2 religieux, un prêtre diocésain, un évêque, un archevêque et un cardinal. Des 5 filles, quatre entrèrent dans la vie religieuse. Quelle bénédiction pour la famille et quels effets pour toute l’Angleterre !
Tous les enfants de la famille Vaughan eurent une enfance heureuse. En effet, pour leur éducation, cette sainte mère sut unir de façon naturelle, la vie spirituelle et les obligations religieuses avec les divertissements et la gaieté. Selon les désirs maternels, la prière et la Sainte Messe dans la chapelle de la maison faisaient partie de la vie quotidienne, tout comme la musique, le sport, le théâtre, l’équitation et les jeux. Les enfants ne s’ennuyaient pas lorsque leur mère leur racontait la vie des saints qui devinrent au contraire peu à peu leurs amis intimes. Eliza se faisait aussi accompagner de ses enfants pour les visites et les soins aux malades et aux personnes souffrantes du voisinage. C’était pour eux l’occasion d’apprendre à être généreux, à faire des sacrifices et à donner aux pauvres leurs économies ou leurs jouets.
Elle mourut peu après la naissance du quatorzième enfant,
John. Deux mois après sa mort, le colonel Vaughan, convaincu que son épouse
avait été un don de la providence, écrivait dans une lettre :
« Aujourd’hui, pendant l’adoration, je remerciais le Seigneur d’avoir pu
Lui redonner mon épouse bien aimée. Je Le remerciais de tout mon cœur de
m’avoir donné Eliza comme modèle et guide ; je suis encore uni à elle par
un lien spirituel indestructible. Quelle merveilleuse consolation et quelle
grâce ne me donne-t-elle pas ! Je la vois encore, comme je l’ai toujours
vue devant le Saint Sacrement avec cette pure et humaine gentillesse qui
illuminait son visage pendant la prière. »
Ouvriers
dans la vigne du Seigneur
Les nombreuses vocations dans le mariage Vaughan sont vraiment un héritage rare dans l’histoire de la Grande Bretagne et une bénédiction qui venait surtout de leur mère Eliza.
Quand Herbert, le fils aîné, à 16 ans, annonça à ses parents vouloir devenir prêtre, les réactions furent contrastées. Sa mère, qui avait beaucoup prié pour cela, sourit et dit : « Mon fils, je le savais depuis bien longtemps. » Son père eut besoin d’un peu plus de temps. Il avait fondé de grandes espérances sur son fils aîné, l’héritier de la maison, et avait pensé pour lui à une brillante carrière militaire. Comment pouvait-il imaginer qu’Herbert, un jour, deviendrait l’archevêque de Westminster, fondateur des Missionnaires de Millhill et plus tard Cardinal ? Il se laissa convaincre et écrivit à un ami : « Si Dieu veut Herbert pour Lui, Il peut avoir aussi tous les autres. » Reginald se maria, et après lui Francis Baynham, celui qui héritera plus tard de la propriété familiale. Dieu appela encore neuf autres enfants des Vaughan. Roger, le deuxième, devint prieur bénédictin et plus tard, l’archevêque bien aimé de Sydney (Australie), où il fit construire la cathédrale. Kenelm après un passage chez les cisterciens devint prêtre diocésain. Joseph, le quatrième fils des Vaughan, fut lui bénédictin comme son frère Roger et fonda une nouvelle abbaye.
Bernard, sans doute le plus vif de tous, aimait beaucoup la danse et le
sport ; il prenait part à tous les divertissements. Il devint néanmoins
jésuite. On raconte que la veille d’entrer dans l’ordre, il participa à un bal
et dit à sa partenaire : « Cette danse est la dernière, parce que
je vais entrer chez les jésuites. » Surprise, la jeune fille
rétorqua : « Mais je vous en prie, vous qui aimez tant le monde et
qui dansez merveilleusement, voulez-vous devenir jésuite ? » La
réponse, même si elle peut être interprétée de différentes manières, est très
belle : « Justement, c’est bien pour cela que je me donne à
Dieu ! »
John, le plus jeune, fut ordonné prêtre par son frère Herbert et devint par la suite évêque de Salford en Angleterre.
Des cinq filles de la famille, quatre entrèrent au
couvent : Gladis, dans l’ordre de la Visitation ; Teresa fut sœur de
la Miséricorde ; Claire, sœur clarisse et Mary, prieure chez les
augustiniennes. Marguerite, la dernière fille, aurait bien voulu aussi se
consacrer à Dieu, mais, à cause d’une santé fragile, la porte du couvent lui
resta fermée. Elle vécut néanmoins à la maison comme une personne consacrée et
passa ses dernières années dans un monastère.
Foto: Herbert Vaughan avait seize ans
lorsqu’il se décida, pendant une retraite spirituelle d’été, à devenir prêtre.
Il fut ordonné à Rome à l’âge de 22 ans et devint plus tard évêque de Salford
(Angleterre) et fondateur des Missionnaires de Millhill ; ceux-ci œuvrent
aujourd’hui encore dans le monde entier. Pour finir il devint Cardinal et
troisième évêque de Westminster. Dans ses armoiries il fit écrire :
« Aimer et servir ! » Le Cardinal Vaughan expliqua :
« Ces deux mots expriment mon programme de vie : l’amour doit être la
racine de laquelle prend vie tout mon service. »
La
bienheureuse Marie Deluil Martiny (1841-1884)
Il y
a 120 ans environ, dans quelques révélations privées, Jésus commençait à
révéler à des personnes consacrées vivant dans un monastère ou dans le monde,
son plan pour le renouveau du sacerdoce. Il confia à des mères spirituelles ce
que l’on appelle « l’œuvre pour les prêtres ». Une des pionnières de cette
œuvre est la bienheureuse Marie Deluil Martiny. De son grand désir, elle
dit : « S’offrir pour les âmes, c’est beau et grand ! Mais
s’offrir pour les âmes des prêtres … c’est tellement beau et grand qu’il
faudrait avoir mille vies et mille cœurs !… Je donnerais volontiers ma vie
seulement afin que le Christ puisse trouver dans les prêtres ce qu’Il attend
d’eux ! Je la donnerais volontiers si un seul pouvait réaliser
parfaitement le plan divin en lui ! » En effet, à seulement 43
ans, elle scella par le martyre sa maternité spirituelle. Ses dernières paroles
furent : « C’est pour l’œuvre, pour l’œuvre pour les prêtres ! »
La vÉnÉrable
Louise Marguerite Claret de la Touche
(1868-1915)
Jésus prépara au cours de longues années la
vénérable Louise Marguerite Claret de la Touche à son apostolat pour le
renouveau du sacerdoce. Elle raconta que le 5 juin 1902, pendant l’adoration,
le Seigneur lui apparut : « Je Le priais pour notre petit noviciat, je Lui
demandais de me donner quelques âmes que je puisse former pour Lui. Alors Il me
répondit : “Je te donnerai des âmes d’hommes.’’ Profondément étonnée de cette
parole dont je ne comprenais pas le sens, je demeurais silencieuse cherchant à
me l’expliquer. Et Jésus a repris : “Je te donnerai des âmes de prêtres.’’
Toujours plus étonnée je Lui dis : “Mon Jésus, comment feras-Tu cela ?’’ » … « Il m’a montré qu’Il a une œuvre à faire qui est
de réchauffer le monde par l’amour. Et Jésus continua à expliquer Son Plan et
pourquoi Il voulait s’adresser aux prêtres : ‘Il y a 19 siècles, douze hommes
ont changé le monde ; ce n’étaient pas que des hommes seulement, c’étaient des
prêtres ; maintenant encore, douze prêtres pourraient changer le monde. Mais il
faut que ce soit de saints prêtres.’ » Par la suite, le
Seigneur montra l’œuvre à Louise Marguerite. « C’est une union de prêtres,
une œuvre qui englobe le monde entier », écrivit-elle. « Le prêtre qui
veut remplir sa mission et proclamer la miséricorde de Dieu, doit d’abord
posséder le Cœur de Jésus et être illuminé par l’amour de Son Esprit. Les
prêtres devraient cultiver l’union entre eux, être un cœur et une âme, et ne
jamais être une gêne l’un pour l’autre. »
Dans son livre “Le
Sacré-Cœur et le Sacerdoce’’, Louise Marguerite décrivit le sacerdoce avec une
telle clarté que quelques prêtres ont cru que son auteur était un de leur
confrère. Un Jésuite osa même dire : « Je ne sais pas qui a écrit ce livre,
mais une chose est sûre : ce n’est pas l’œuvre d’une femme. »
Lu Monferrato
Nous nous rendons dans la petite bourgade de
Lu en Italie du nord, une localité qui compte quelques milliers d’habitants et
qui se trouve dans une région rurale à 90 km à l’est de Turin. Cette petite
ville serait restée inconnue si en 1881 quelques mères de famille n’avaient
pris une décision qui allait avoir de “grandes répercussions”.
Plusieurs mamans portaient dans leur cœur le
désir de voir un de leurs fils devenir prêtre ou une de leurs filles s’engager
totalement au service du Seigneur. Elles commencèrent donc par se réunir tous
les mardis pour l’adoration du Saint Sacrement, sous la direction de leur curé,
Monseigneur Alessandro Canora, et à prier pour les vocations. Tous les premiers
dimanches du mois, elles communiaient à cette intention. Après la messe toutes
les mamans priaient ensemble pour demander des vocations sacerdotales.
Grâce à la prière pleine de confiance de ces
mamans et à l’ouverture de cœur de ces parents, les familles vivaient dans un
climat de paix, de sérénité et de piété joyeuse qui permit à leurs enfants de
discerner leur vocation beaucoup plus facilement.
Quand le Seigneur a dit: “Beaucoup sont
appelés, mais peu sont élus” (Mt 22,14), il faut le comprendre ainsi: beaucoup seront appelés, mais peu y
répondront. Personne n’aurait pensé que le Seigneur exaucerait avec autant de
largesse la prière de ces mamans. De cette bourgade sont issues 323 vocations à
la vie consacrée (Trois cent vingt trois!): 152 prêtres (et religieux) et
171 religieuses appartenant à 41 congrégations différentes. Dans certaines
familles il y eut même quelques fois trois à quatre vocations. L’exemple le
plus connu est celui de la famille Rinaldi. Le Seigneur appela sept enfants de
cette famille. Deux filles entrèrent chez les sœurs salésiennes et, envoyées à
Saint Domingue, elles furent de courageuses pionnières et missionnaires. Parmi
les garçons, cinq devinrent prêtres salésiens. Le plus connu de ces cinq
frères, Filippo Rinaldi fut le troisième successeur de Don Bosco, et Jean-Paul
II le béatifia le 29 avril 1990. En fait, beaucoup de jeunes entrèrent chez les
salésiens. Ce n’est pas un hasard puisque Don Bosco se rendit à Lu quatre fois
dans sa vie. Le saint participa à la première messe de Filippo Rinaldi, son
fils spirituel, dans sa ville natale. Filippo aimait bien souvent se rappeler
la foi des familles de Lu. “Une foi qui faisait dire à nos parents: le
Seigneur nous a donné des enfants et s’Il les appelle, nous ne pouvons quand
même pas dire non!”
Luigi Borghina et Pietro Rota vécurent la spiritualité de Don Bosco
avec une telle fidélité, qu’on les appelait respectivement “Don Bosco du
Brésil” et “Don Bosco de Valtellina”. Mgr Evasio Colli, archevêque de Parme,
venait aussi de Lu, et Jean XXIII disait à son propos: “Il aurait dû devenir
Pape à ma place, il avait tout pour devenir un grand Pape”.
Tous les dix ans, un grand rassemblement réunissait tous ceux qui étaient encore vivants parmi ces vocations venant des quatre coins du monde. Le prêtre actuel de la paroisse de Lu, Don Mario Meda, qui depuis 24 ans a charge d’âmes en ce lieu, racontait comment cette rencontre était bien évidemment une véritable fête, une fête d’action de grâces envers le Seigneur, pour toutes les grandes choses qu’Il fit à Lu.
La prière que les mères de Lu récitaient était brève, simple et profonde:
“Seigneur,
fais qu’un de mes fils devienne prêtre!
Je
veux vivre moi-même, en bonne chrétienne
et
je veux conduire mes enfants au Bien, pour obtenir la grâce
de
pouvoir T’offrir, Seigneur un saint prêtre! Amen.”
Foto: Cette photo est unique dans
l’histoire de l’Eglise catholique. Du 1er au 4 septembre 1946, une grande
partie des 323 prêtres, religieux et religieuses provenant de Lu se retrouva
dans la ville. Cette rencontre eut un retentissement dans le monde entier.
La
bienheureuse Alexandrine da Costa (1904-1955)
Un exemple dans la vie d’Alexandrine da
Costa, béatifiée le 25 avril 2004, montre de façon impressionnante la force
de transformation et les effets visibles du sacrifice d’une jeune fille
abandonnée et malade.
En 1941, Alexandrine écrivit à son père
spirituel, le père Mariano Pinho, que Jésus lui avait fait la demande suivante
: « Ma fille, à Lisbonne vit un prêtre qui risque de se perdre pour
l’éternité ; il M’offense gravement. Appelle ton père spirituel et
demande-lui la permission de participer aux souffrances de ma Passion,
particulièrement pour cette âme. »
Après avoir reçu la permission,
Alexandrine souffrit beaucoup. Elle ressentait le poids des péchés de ce prêtre
qui ne voulait plus rien savoir de Dieu et qui était sur le point de se damner.
La pauvre jeune fille vivait dans son corps l’état infernal dans lequel se
trouvait le prêtre et suppliait : « Non, pas en enfer ! Je m’offre en
holocauste pour lui … aussi longtemps que Tu voudras. » Même le prénom et
le nom du prêtre lui furent communiqués !
Le père Pinho, voulant en avoir le cœur
net, se renseigna auprès du cardinal de Lisbonne pour savoir si l’un de ses
prêtres l’inquiétait. Et le cardinal de lui confirmer avec sincérité qu’il y
avait en effet un prêtre qui le préoccupait beaucoup. Quand il révéla le nom,
c’était exactement le même que Jésus avait donné à Alexandrine.
Quelques mois plus tard, un de ses amis
prêtres, Don Davide Novais, raconta au père Pinho un événement insolite. Don
Davide venait de prêcher à Fatima une retraite à laquelle avait participé un
monsieur très discret, mais remarqué pour son comportement exemplaire. Le
dernier soir de la retraite, cet homme eut une attaque cardiaque. Après avoir
demandé un prêtre, il put se confesser et communier. Peu après, il mourut
réconcilié avec Dieu. Il s’avéra que cet homme, habillé en civil, était un
prêtre et justement celui pour lequel Alexandrine avait tant lutté.
La servante
de Dieu Consolata Betrone (1903-1946)
Les sacrifices et les prières d’une mère
spirituelle de prêtres profitent tout particulièrement aux personnes consacrées
qui se sont égarées ou ont abandonné leur vocation. Jésus a suscité dans Son
Eglise de nombreuses vocations de femmes vouées à la prière, comme par exemple,
Sœur Consolata Betrone, Clarisse Capucine de Turin. Jésus lui dit : « Ta tâche est de te dédier à tes frères. Toi aussi
tu seras un bon berger et tu dois aller à la recherche de tes frères égarés et
me les ramener. »
Consolata a tout offert pour eux, “ses
frères’’, prêtres et consacrés qui se trouvaient dans la détresse spirituelle.
Sans cesse, pendant son travail, à la cuisine, elle disait cette prière du cœur
: « Jésus, Marie, je vous aime, sauvez les âmes ! » Elle faisait du
moindre service et de toute tâche un sacrifice ; et Jésus lui dit à ce
sujet : « Toutes ces actions sont insignifiantes, mais comme tu Me les
offres avec un grand amour, Je leur donne une valeur démesurée et Je les
transforme en grâces de conversion qui descendent sur tes pauvres frères. »
Souvent, le monastère recevait par téléphone ou par écrit
des confidences de cas concrets que Consolata prenait sur elle dans la souffrance.
C’est ainsi qu’elle endurait parfois pendant des semaines ou des mois, la
sécheresse spirituelle, l’abandon, le sentiment d’inutilité, l’obscurité
intérieure, la solitude, les doutes et les états de péchés des prêtres. Une
fois, dans ces luttes intérieures, elle écrivit à son père spirituel : «
Combien me coûtent mes frères ! » Mais Jésus lui fit la promesse magnifique
: « Consolata, ce n’est pas un frère que tu ramèneras à Dieu, mais tous. Je
te promets que tu Me les donneras l’un après l’autre. » Ce fut ainsi ! Elle
ramena à un sacerdoce riche de grâce tous les prêtres qui lui étaient confiés.
Nombre de ces cas sont établis avec précision.
Berthe Petit (1870-1943)
Berthe Petit est une grande mystique belge, une âme d’expiation peu connue.
Jésus lui montra clairement le prêtre pour lequel elle devait renoncer
à ses projets personnels et lui permit aussi de le rencontrer.
Le Prix
À payer pour un saint PrÊtre
Dès l’âge de 15 ans, Berthe priait pendant
chaque messe pour le prêtre célébrant. : « Mon Jésus, fais que ton prêtre ne
manque pas à ses devoirs envers toi ! » Lorsque Berthe eut 17 ans, ses
parents perdirent toute leur fortune suite à un cautionnement. Le 8 décembre
1888, son directeur spirituel dit à Berthe que sa vocation n’était pas d’entrer
dans un monastère mais de rester à la maison et d’assister ses parents. La
jeune fille accepta ce sacrifice à contrecœur ; cependant elle pria la
Sainte Vierge d’intercéder afin que Jésus appelle un prêtre fervent et saint en
échange de sa vocation religieuse. « Vous serez exaucée ! » la rassura
son père spirituel.
Ce qu’elle ne pouvait prévoir arriva 16 jours plus tard : un juriste de
22 ans, Louis Decorsant, priait devant une statue de Notre Dame des Douleurs.
Brusquement et d’une façon inattendue, il eut la certitude que sa vocation
n’était ni d’épouser la jeune fille qu’il aimait ni d’exercer la profession de
notaire. Il comprit clairement que Dieu l’appelait au sacerdoce. Cet appel fut
si clair et pressant qu’il n’hésita pas un instant à tout laisser. Après des
études à Rome où il termina son doctorat, il fut ordonné prêtre en 1893. A
cette époque-là, Berthe avait 22 ans. La même année, le jeune prêtre de 27 ans
célébrait la messe de minuit en banlieue parisienne. Ce fait a son importance
parce qu’à la même heure, Berthe, se trouvant également à la messe de minuit
dans une autre paroisse, promettait solennellement au Seigneur : « Mon Jésus, je voudrais être une victime
pour les prêtres, pour tous les prêtres mais surtout pour le prêtre de ma vie.
»
Quand le Saint-Sacrement fut exposé, la jeune fille vit soudain une grande croix avec Jésus crucifié et à ses pieds Marie et Jean. Elle entendit ces paroles : « Ton sacrifice a été accepté et ta prière exaucée. Voici ton prêtre … Tu le connaîtras un jour. » Et Berthe vit que le visage de Jean avait les traits d’un prêtre inconnu. Il s’agissait du Révérend P. Louis Decorsant ; ce n’est pourtant qu’en 1908, c’est-à-dire 15 ans plus tard, que Berthe le rencontrera et reconnaîtra son visage.
La
rencontre voulue par Dieu
Berthe se trouvait à Lourdes en pèlerinage.
La Sainte Vierge lui confirma : « Tu verras le prêtre que tu as demandé à
Dieu il y a vingt ans ; cela arrivera bientôt. »
Plus tard, Berthe se trouvait avec une amie gare
d’Austerlitz à Paris, dans un train à destination de Lourdes, lorsqu’un prêtre
monta dans leur compartiment pour réserver une place pour une malade. C’était
le Révérend P. Decorsant. Ses traits étaient ceux que Berthe avait vu sur le
visage de Saint Jean 15 ans auparavant, de celui pour qui elle avait offert
tant de prières et de souffrances physiques. Après avoir échangé quelques mots
aimables, le prêtre descendit du train. Exactement un mois plus tard, le même Révérend P. Decorsant entreprit un
pèlerinage à Lourdes afin de confier son avenir sacerdotal à la Sainte Vierge.
Chargé de ses bagages, il rencontra à nouveau Berthe et son amie. Les
reconnaissant, il les invita à la célébration de sa messe. Pendant l’élévation,
Jésus dit à Berthe : « C’est le prêtre pour lequel j’ai accepté ton
sacrifice. » Après la liturgie, Berthe apprit que “le prêtre de sa vie”
logeait dans la même pension qu’elle.
Une tÂche
commune
Berthe se confia à P. Decorsant, lui
révélant sa vie spirituelle et sa mission pour la consécration au Cœur Immaculé
et Douloureux de Marie. De son côté il comprit que Dieu lui avait confié cette
âme précieuse. Il accepta un poste en Belgique et devint pour Berthe Petit un
saint directeur spirituel et un soutien infatigable pour la réalisation de sa
mission. En excellent théologien, il fut l’intermédiaire idéal avec la
hiérarchie de l’Eglise à Rome.
Pendant 24 ans, c’est-à-dire jusqu’à sa mort, il
accompagna Berthe qui, de par sa vocation d’expiation, était souvent malade et
souffrait tout particulièrement pour les prêtres qui abandonnaient leur
vocation.
La vÉnÉrable
Conchita de Mexico (1862-1937)
Maria Concepciόn Cabrera de Armida, dite Conchita, épouse et mère de famille,
est une de ces saintes modernes qui a été longtemps formée par Jésus à la vocation
de mère spirituelle pour les prêtres. A l’avenir, elle aura
une grande importance pour l’Eglise universelle.
Un jour, Jésus expliqua à Conchita : « Il y a des âmes qui par leur ordination ont reçu l’onction
sacerdotale. Mais il y a … aussi des âmes sacerdotales qui, sans avoir la
dignité ou l’ordination sacerdotale, en détiennent la vocation. Elles s’offrent
en union avec Moi. (…) Ces âmes soutiennent l’Eglise d’une force incroyable. Tu
seras la mère d’un grand nombre d’enfants spirituels mais qui coûteront à ton
cœur mille martyres. Offre-toi en oblation pour les prêtres. Unis-toi à mon
sacrifice afin de leur obtenir des grâces. » « Je veux revenir dans ce
monde… en mes prêtres. Je veux renouveler le monde, en Me révélant à travers
mes prêtres. Je désire donner une puissante impulsion à mon Eglise en
répandant, comme en une nouvelle Pentecôte, mon Saint Esprit sur mes prêtres. »
« L’Eglise et le monde ont besoin d’une nouvelle Pentecôte, d’une
Pentecôte sacerdotale, intérieure. »
Conchita, encore jeune fille, priait
souvent devant le Saint Sacrement : « Seigneur, comme je me sens incapable
de T’aimer, je voudrais me marier pour que Tu me donnes beaucoup d’enfants qui
T’aimeront plus que je ne le pourrais moi-même. » Neuf enfants sont nés de
ce très heureux mariage, deux filles et sept garçons qu’elle a tous consacrés à
la Sainte Vierge : « Je Te les offre entièrement pour qu’ils soient tes
enfants. Tu sais que je suis incapable de les élever, je ne comprends pas assez
ce que signifie être mère. Toi, Tu le sais. » Conchita a vu mourir quatre
de ses enfants, tous morts saintement.
Conchita fut concrètement la mère
spirituelle pour le sacerdoce d’un de ses propres fils. Elle écrit de
lui : « Manuel est né à l’heure de la mort du prêtre José Camacho.
Ayant entendu cela, j’ai prié Dieu pour que mon fils puisse prendre la relève
de ce prêtre devant l’autel… Dès que Manuel a commencé à parler, nous avons
imploré ensemble la grâce de la vocation au sacerdoce... Le jour de sa première
communion et à l’occasion de toutes les grandes fêtes, il renouvela cette
prière. (…) A 17 ans, il entra dans la Compagnie de Jésus. »
Quand, en 1906, Manuel (son troisième enfant, né
en 1889), lui communiqua
depuis l’Espagne sa décision, elle lui écrivit : « Donne-toi de tout
ton cœur au Seigneur sans jamais te refuser à Lui. Oublie les créatures et
surtout oublie-toi toi-même ! Je ne puis m’imaginer un consacré qui ne soit pas
un saint. On ne se donne pas à Dieu à moitié. Tâche d’être généreux envers Lui
! »
En Espagne en 1914, Conchita rencontra Manuel pour la dernière fois
puisqu’il n’allait plus rentrer au Mexique. A cette époque, il écrivit : «
Ma chère petite maman, tu m’as montré le chemin. Par bonheur, dès mon enfance,
tu m’as parlé de la Croix. Cet enseignement, à la fois difficile et bénéfique,
je voudrais désormais le mettre en pratique. » Sa mère aussi souffrit de ce
renoncement : « J’ai porté ta lettre au tabernacle et j’ai dit au Seigneur
que j’acceptais de toute mon âme ce sacrifice. Le lendemain, pour recevoir la
Sainte Communion, j’ai posé cette lettre sur mon cœur afin de renouveler mon
abandon total. »
«
Maman, apprends-moi À Être PrÊtre ! »
Le 23 juillet 1922, Manuel, âgé de 33 ans, écrivit à sa mère une semaine avant l’ordination : « Maman, apprends-moi à être prêtre ! Parle-moi de cette joie immense de pouvoir célébrer la Sainte Messe. Je remets tout entre tes mains comme le petit enfant que j’étais, que tu as serré contre ton cœur pour m’apprendre les beaux noms de Jésus et de Marie et pour m’introduire dans ce mystère. Vraiment, je me sens comme un petit enfant qui te demande des prières et des sacrifices. (…) Dès que je serai prêtre, je t’enverrai ma bénédiction et, à genoux, je recevrai la tienne. »
Le 31 juillet 1922, au moment de
l’ordination de Manuel à Barcelone, Conchita, qui était au Mexique, se leva
pendant la nuit - en raison du décalage horaire - afin de participer
spirituellement à l’ordination de son fils. Bouleversée, elle reconnut : «
Je suis la mère d’un prêtre ! … Je ne puis que pleurer et rendre grâce !
J’invite le ciel entier à rendre grâce à ma place ; j’en suis incapable, pauvre
de moi. » Dix ans plus tard, elle écrivit à son fils : « Je ne puis
m’imaginer un prêtre qui ne soit pas Jésus, encore moins un prêtre de la
Compagnie de Jésus. Je prie pour toi afin que ta transformation dans le Christ
soit toujours plus intense, et que tu sois Jésus jour et nuit. » (le 17 mai 1932) « Que ferions-nous sans la Croix ?
Sans les douleurs qui unissent, qui sanctifient, qui purifient, qui nous
obtiennent des grâces, la vie serait insupportable. » (le 10 juin 1932) Le père Manuel mourut en 1955, à 66 ans,
en odeur de sainteté.
Le Seigneur expliqua à Conchita au sujet de son
propre apostolat : « Je te confierai encore un autre martyre : tu endureras
tout ce que les prêtres commettent contre Moi. Tu vivras et tu offriras pour
leur infidélité et leur misère. » Cette maternité spirituelle pour la
sanctification des prêtres et de l’Eglise l’a entièrement consumée. Conchita
mourut en 1937 à l’âge de 75 ans.
Mon Sacerdoce et une Inconnue
Le Baron
Guillaume Emmanuel de Ketteler (1811-1877)
Nous tous devons ce que nous sommes et notre vocation
à la prière et au sacrifice d’autrui. Dans le cas du célèbre évêque Mgr Ketteler,
personnage marquant de l’épiscopat allemand du xixème siècle et une des figures
les plus importantes parmi les fondateurs de la sociologie catholique,
sa bienfaitrice fut une religieuse converse,
la dernière et la plus simple sœur de son couvent.
En 1869, l’évêque d’un diocèse allemand et
son invité, Mgr Ketteler de Mayence, étaient ensemble. Au cours de la
conversation, l’évêque diocésain soulignait les multiples œuvres de
bienfaisance de son hôte. Mgr Ketteler expliqua alors à son interlocuteur : «
Tout ce que j’ai réussi avec l’aide de Dieu, je le dois à la prière et au
sacrifice d’une personne qui m’est inconnue. Je peux dire seulement que
quelqu’un a offert à Dieu sa vie en sacrifice pour moi, et je lui suis
redevable d’être devenu prêtre. »
Et il continua : « Initialement, je ne
me sentais pas destiné à devenir prêtre. Ayant obtenu mon diplôme d’état en
droit, je n’aspirais qu’à une carrière importante dans le monde et à y acquérir
honneur, estime et fortune. Un événement extraordinaire me contraignit
d’abandonner ce chemin et de suivre une autre voie.
Un soir, me trouvant seul dans ma chambre,
je m’abandonnais à mes songes ambitieux et à des plans pour le futur. Je ne
sais pas ce qui se passa, si j’étais éveillé ou endormi : ce que je voyais
était-il réel ou s’agissait-il d’un rêve ? Je ne sais qu’une chose : je
vis ce qui fut ensuite la cause du revirement de ma vie. Très clairement j’ai
vu le Christ dans un nuage de lumière au-dessus de moi, me montrant son Cœur
sacré. Devant lui, était agenouillée une sœur qui levait les mains en position
d’imploration. De la bouche de Jésus, j’entendis ces paroles : “Elle prie sans cesse pour toi !’’
J’ai vu nettement l’image de la sœur, sa physionomie s’est imprimée en moi,
à tel point qu’aujourd’hui encore elle est devant mes yeux. Elle me semblait
être une simple sœur converse. Son habit était pauvre et grossier, ses mains
rougies et calleuses, comme par un travail rude. Etait-ce un rêve ou non ? Quoi
qu’il en soit, pour moi ce fut extraordinaire ; profondément bouleversé
par ce qui m’était arrivé, je décidai dès lors de me consacrer totalement à
Dieu en devenant prêtre.
Je me retirai dans un monastère pour des
exercices spirituels et j’ai discuté de tout avec mon confesseur. A 30 ans,
j’ai commencé les études de théologie. La suite vous est déjà connue. Et si
vous pensez que quelque bien ait été réalisé par ma personne, vous savez
maintenant qui en a le mérite : c’est cette sœur qui, peut être sans me
connaître, a prié pour moi. Car je suis convaincu que l’on a prié pour moi et
que l’on continue à prier dans le secret et que sans cette prière je ne
pourrais pas accomplir la mission que Dieu m’a confiée. »
« Savez-vous qui a prié pour vous, et où, en
avez-vous une idée ? » demanda l’évêque diocésain. « Non, mais je peux
seulement prier Dieu quotidiennement qu’Il la bénisse, si elle est encore en
vie, et lui rende mille fois tout ce qu’elle a fait pour moi. »
La sœur
de l’Etable
Le lendemain, Mgr Ketteler visita un
couvent de religieuses dans la ville voisine et célébra pour elles la messe
dans la chapelle. La distribution de la Sainte Communion se terminait, son
regard se fixa sur une sœur. Devenu blême, il resta immobile, puis se
ressaisissant il donna la Communion à la sœur qui ne s’était aperçue de rien et
était pieusement à genoux. Ensuite il termina la Sainte Messe avec sérénité.
Pour le petit déjeuner arriva dans le couvent l’évêque diocésain du jour
précédant. Mgr Ketteler pria la supérieure de bien vouloir lui présenter toutes
les sœurs de la communauté ; celles-ci arrivèrent peu après. Les deux
évêques s’approchèrent et Mgr Ketteler les salua en les observant ; il
semblait ne pas trouver ce qu’il cherchait. Il demanda tout bas à la supérieure
: « Est-ce que toutes les sœurs sont ici ? » Du regard, elle embrassa la
communauté et dit : « Excellence, je les ai fait toutes appeler, mais
effectivement il en manque une. » - « Pourquoi n’est-elle pas venue ? »
Et la supérieure de répondre : « Elle s’occupe de l’étable et d’une façon
tellement exemplaire que dans son zèle, elle oublie parfois les autres choses.
» - « Je désire connaître cette sœur », insista l’évêque. Peu de temps
après, la sœur arriva. Il pâlit à nouveau et après avoir adressé quelques
paroles à la communauté, il demanda qu’on le laisse seul avec elle.
Il lui demanda : « Est-ce que vous me connaissez ? » - « Je n’ai jamais vu votre Excellence. » - « Avez-vous prié ou fait l’offrande de bonnes actions pour moi ? » chercha-t-il à savoir. « Je n’en ai pas conscience, parce que j’ignorais l’existence de votre Excellence. » L’évêque resta immobile et silencieux pendant quelques instants, puis il reprit ses questions : « Quelle est la dévotion que vous aimez pratiquer le plus ? » - « La dévotion au Sacré-Cœur de Jésus », fut sa réponse. « Il paraît que vous accomplissez la tâche la plus dure du monastère », poursuivit-il. « Oh non, Excellence », répliqua-t-elle, « Certes je ne peux pas ne pas reconnaître qu’elle me répugne parfois. » - « Que faites vous quand vous vous voyez assaillie de tentations ? » - « J’ai pris l’habitude d’accomplir par amour de Dieu avec joie et zèle, toute besogne qui me coûte. Et j’en fais l’offrande pour une âme sur cette terre. Il revient au bon Dieu de choisir qui sera le bénéficiaire de Sa grâce, je ne veux pas le savoir. Dans la même intention, je lui offre chaque soir l’heure de l’adoration du Saint-Sacrement de huit à neuf heures. » - « Et comment vous est venue l’idée d’offrir tout cela pour une âme ? » Et la sœur de répondre : « C’est une habitude que j’avais déjà quand je vivais encore dans le monde. A l’école, M. le curé nous avait appris qu’il fallait prier pour les autres comme on le fait pour sa famille. En outre il disait : “il faudrait beaucoup prier pour les âmes en danger de perdition. Mais comme Dieu seul sait qui en a particulièrement besoin, le mieux était d’offrir les prières au Cœur sacré de Jésus, en faisant confiance en Sa sagesse et en Son omniscience.” C’est ce que j’ai fait, et j’ai toujours pensé que Dieu trouve l’âme appropriée. »
Jour de
la naissance et jour de la conversion
« Quel âge avez-vous ? » demanda Ketteler. « Trente-trois
ans, votre Excellence », fut la réponse. Troublé, l’évêque s’interrompit pour
un instant, puis demanda : « Quelle est la date de votre naissance ? »
La sœur indiqua le jour et l’évêque poussa une exclamation : c’était
précisément le jour de sa conversion ! Ce jour-là, il l’avait vue exactement
telle qu’elle se présentait devant lui à cet instant même. « Ne savez-vous
pas si vos prières et vos sacrifices ont été exaucés ? » « Non, votre Excellence. » - « Ne
souhaiteriez-vous pas le savoir ? » - « Le bon Dieu sait quand se fait
quelque bien, cela est suffisant », répondit-elle simplement. L’évêque
bouleversé dit : « Pour l’amour de Dieu, continuez votre œuvre ! »
La sœur s’agenouilla devant lui et demanda sa bénédiction. L’évêque leva solennellement les mains et saisi d’une profonde émotion, il dit : «De par mes pouvoirs épiscopaux, je bénis votre âme, vos mains et le travail qu’elles accomplissent, je bénis vos prières et vos sacrifices, votre abnégation et votre obéissance. Je vous bénis tout spécialement pour votre dernière heure et prie Dieu qu’Il vous assiste et vous console. » - « Amen », répondit tranquillement la sœur, puis elle s’éloigna.
Un
Enseignement pour toute la Vie
Mgr Ketteler, profondément bouleversé, alla à la fenêtre
et, cherchant à retrouver son calme, regarda au-dehors. Plus tard il prit congé
de la supérieure pour réintégrer le domicile de son ami et confrère. Il lui
confia : « Maintenant, j’ai trouvé celle à qui je dois ma vocation. C’est la
dernière et la plus pauvre sœur converse du couvent. Je ne pourrai jamais assez
rendre grâce à Dieu pour sa miséricorde, parce que cette sœur prie pour moi
depuis près de 20 ans. Et Dieu, par anticipation, avait accueilli sa prière et
avait prévu que le jour de sa naissance coïnciderait avec le jour de ma
conversion ; par la suite, Dieu a accueilli les prières et les bonnes
œuvres de cette sœur.
Quel enseignement et quel avertissement pour moi
! Si jamais je pouvais être tenté de
m’enorgueillir pour certains succès ou pour mes œuvres devant les hommes, je devrais me souvenir que tout me vient de la
grâce de la prière et du sacrifice d’une pauvre servante qui travaille
dans l’étable d’un couvent. Et si un travail insignifiant me paraît avoir peu
de valeur, je dois penser que ce que cette pauvre servante, dans l’obéissance
humble à Dieu, fait et offre en sacrifice avec abnégation, a une telle valeur
en face de Dieu qu’en réalité, toutes ses œuvres ont valu un évêque à l’Eglise.
»
Sainte ThÉrÈse
de Lisieux (1873-1897)
Thérèse avait seulement 14 ans, lorsqu’elle comprit sa vocation de mère spirituelle pour les prêtres, lors d’un pèlerinage à Rome. Elle raconte dans son autobiographie, qu’après avoir fait connaissance en Italie de beaucoup de saints prêtres, elle comprit que malgré leur sublime dignité, ils restaient des hommes faibles et fragiles. « Si de saints prêtres (…) montrent dans leur conduite qu’ils ont un extrême besoin de prières, que faut-il dire de ceux qui sont tièdes ? » (A 56) Dans une de ses lettres, elle encourageait sa sœur Céline : « Vivons pour les âmes... soyons apôtres… sauvons surtout les âmes des Prêtres. (…) Prions, souffrons pour eux, et au dernier jour Jésus sera reconnaissant. » (LT 94)
Dans la vie de Sainte Thérèse, docteur de
l’Eglise, un épisode émouvant nous montre son zèle pour les âmes et
spécialement pour les missionnaires. Elle était déjà très malade et marchait
avec grand peine. L’infirmière lui avait conseillé de faire tous les jours une
petite promenade d’un quart d’heure dans le jardin. Tout en ne croyant pas à
l’utilité de cet exercice, elle s’exécutait fidèlement chaque jour. Une fois,
une sœur qui l’accompagnait, voyant les grandes souffrances que lui procurait
la marche, lui dit : « Vous feriez bien mieux de vous reposer, cette
promenade ne peut vous faire aucun bien dans de pareilles conditions ; vous
vous épuisez et c’est tout. » La sainte répondit : « Eh bien, je
marche pour un missionnaire. Je pense que là-bas, bien loin, l’un d’eux est
peut-être épuisé dans ses courses apostoliques, et, pour diminuer ses fatigues,
j’offre les miennes au bon Dieu. » (DP 35)
Dieu accepta le désir de Thérèse d’offrir sa vie pour les prêtres : la mère supérieure lui confia, en effet, le nom de deux séminaristes. Ils avaient demandé le soutien spirituel d’une carmélite. Le premier était l’abbé Maurice Bellière, qui peu de jours après la mort de Thérèse reçut l’habit des “Pères Blancs” et devint ainsi prêtre et missionnaire. L’autre était le père Adolphe Roulland, que la sainte accompagna de sa prière et de ses sacrifices jusqu’à l’ordination sacerdotale.
Le Bienheureux Cardinal Clemens August von Galen
(1878-1946)
Le 13 septembre 1933, le père Clemens, Comte de Galen, âgé de 55 ans fut nommé évêque de Münster (Allemagne) par le Pape Pie XI. Conformément à sa devise de ne se laisser influencer « ni par louange ni par menace », il s’élevait ouvertement contre les actes terroristes de la Gestapo et dénonçait les abus du gouvernement qui bafouait les droits de l’Eglise et des fidèles. En 1946, le Pape Pie XII le créa cardinal en reconnaissance de sa bravoure et de son courage extraordinaire pour professer la foi.
Lorsqu’il avait reçu la charge pastorale du diocèse
de Münster, il avait fait imprimer une petite image où était écrit : « Je
suis le treizième enfant de ma famille et je remercierai éternellement ma mère
d’avoir eu le courage de dire “oui” à Dieu une fois encore et d’avoir accepté
ce treizième enfant. Sans ce “oui” de ma mère, je ne serais maintenant ni
prêtre, ni évêque. »
Le VÉnÉrable
Pape Jean Paul Ier (1912-1978)
« Ma mère me l’a
enseignÉe. »
Jean Paul Ier commençait sa dernière audience générale du 27 septembre 1978, en priant l’acte de charité.
« ‘O mon
Dieu, je T’aime de tout mon cœur et par-dessus tout, parce que tu es le Bien
infini et notre éternel bonheur. Par amour pour Toi, j’aime mon prochain comme
moi-même et je pardonne à tous ceux qui m’ont offensé. Seigneur, fais que je
T’aime toujours plus.’ C’est une prière bien connue, inspirée des paroles
de la Bible. Ma mère me l’a enseignée. Je la prie encore aujourd’hui plusieurs
fois par jour. » Les paroles qu’il prononça à
propos de sa mère furent dites avec une telle tendresse, que le public dans la
salle d’audience répondit par un flot d’applaudissements. Une jeune femme qui
se trouvait là dit les larmes aux yeux: « Comme c’est émouvant, le
Saint Père a mentionné sa mère ! Maintenant je comprends mieux l’influence que
nous, les mères, pouvons avoir sur nos enfants. »
« Seigneur, redonne-nous des
prÊtres ! »
Anna Stang a enduré de nombreuses souffrances pendant la persécution communiste et, comme tant d’autres femmes dans les mêmes conditions,
elle les a toutes offertes pour les prêtres.
Avec l’âge, elle a elle-même acquis un esprit sacerdotal.
« Nous sommes restÉs sans
Pasteur ! »
Anna naquit en 1909, dans la partie allemande de la Volga, au sein d’une
famille nombreuse et catholique. La petite écolière avait seulement neuf ans,
quand elle a expérimenté les débuts de la persécution ; elle a écrit : « …
1918, dans la seconde classe, nous avions encore coutume de prier le ‘Notre
Père’ au début des cours. Un an plus tard, c’était déjà interdit ; et le curé
n’était plus autorisé à mettre les pieds dans l’école. On commençait à se
moquer de nous les chrétiens, on ne respectait plus les prêtres et les
séminaires furent démantelés. »
Lorsqu’elle eut 11 ans, elle
perdit son père et plusieurs de ses frères et sœurs, fauchés par une épidémie
de choléra. Quelques temps plus tard, sa mère mourait elle aussi ; Anna, à
peine âgée de 17 ans, s’occupa de ses plus jeunes frères et sœurs. Non
seulement elle avait perdu ses parents, mais :
« Notre curé également mourut à cette période. Et
beaucoup de prêtres ont été arrêtés. Nous sommes restés sans pasteur ! Ce fut
un coup dur… Dans le village voisin, l’église était encore ouverte, mais il n’y
avait plus de prêtre là non plus. Les fidèles se réunissaient tout de même pour
prier, mais sans le pasteur, l’église était abandonnée. Je pleurais sans
pouvoir me calmer. Combien de chants et de prières l’avaient remplie et
maintenant, tout semblait mort. »
A l’école de cette profonde détresse spirituelle, Anna se mit à prier tout particulièrement pour les prêtres et les missionnaires. « Seigneur donne-nous à nouveau un prêtre, donne nous la Sainte Communion ! Je souffre tout volontiers pour Ton amour, o Cœur très sacré de Jésus ! » Toutes les souffrances qui s’ensuivirent, Anna les a offertes pour les prêtres, notamment, lorsqu’au cours d’une nuit de 1938, son frère et son époux - elle était heureusement mariée depuis 7 ans – ont été arrêtés. Aucun des deux ne revint jamais !
MandatÉe au service pastoral
En 1942, la jeune veuve fut déportée au
Kazakhstan avec ses trois enfants: « Ce fut dur d’affronter le froid de
l’hiver, mais nous avons revu le printemps ! J’ai beaucoup pleuré à cette
époque, j’ai aussi beaucoup prié. J’avais toujours l’impression que quelqu’un
me conduisait par la main. Dans la ville de Syrjanowsk, j’ai rencontré par la
suite quelques autres femmes catholiques. Nous nous sommes réunies secrètement
les dimanches et jours de fête pour chanter et prier le rosaire. Et souvent, je
suppliais la Sainte Vierge :“Marie, notre Mère bien-aimée, vois donc combien
nous sommes pauvres. Redonne-nous des prêtres, des maîtres et des pasteurs !” »
A partir de 1965, la
persécution perdit de sa violence et Anna a pu se rendre une fois par an dans
la capitale du Kirghizistan, où se trouvait un prêtre en exil : « Lorsqu’une
église fut construite à Bichkek, je m’y suis rendue une fois par an avec une
personne de ma connaissance, Victoria, pour pouvoir assister à une messe. Le
trajet était long, plus de 1000 km, mais c’était pour nous une grande joie.
Cela faisait plus de 20 ans que nous n’avions plus vu de prêtre ni de
confessionnal ! Le curé de cette ville était âgé et il avait passé plus de 10
ans en prison pour sa foi. Pendant la durée de mon séjour, les clés de l’église
m’étaient confiées, et j’ai pu passer de longues heures à adorer. Jamais je
n’aurais imaginé que je pourrais être aussi proche du tabernacle. Pleine de
joie, je me suis agenouillée et le baisais. »
Avant son départ, Anna recevait
l’autorisation de porter la Sainte Communion aux catholiques les plus âgés de
sa ville, car ils n’auraient jamais pu faire le voyage par eux-mêmes. «
Mandatée par ce prêtre, j’ai baptisé 30 ans durant les enfants et les adultes
de ma ville, j’ai préparé les couples au sacrement du mariage et j’ai célébré
les funérailles, jusqu’au moment où il ne m’était plus possible d’assurer ce
service pour des raisons de santé. »
PriÈres cachÉes pour que vienne un prÊtre !
On ne peut pas s’imaginer la gratitude
d’Anna, lorsque en 1995, elle a rencontré pour la première fois un prêtre
missionnaire. Elle a pleuré de joie et, bouleversée s’est exclamée : «
Jésus, le Souverain Prêtre, est venu ! » Pendant des décennies, elle avait
prié pour la venue d’un prêtre dans sa ville, mais arrivée à 86 ans, elle avait
presque perdu tout espoir de voir de son vivant la réalisation de ce profond
désir. La sainte messe a été célébrée chez elle, et cette femme merveilleuse a
pu recevoir la sainte communion : Anna ne mangea rien de la journée,
voulant exprimer ainsi son profond respect et sa joie.
Une vie offerte
pour le Pape et l’Eglise
Dans le sens le plus vrai, exactement au cœur du Vatican, à l’ombre de la coupole de Saint Pierre, se trouve un couvent consacré à la « Mater Ecclesiae », à la Mère de l’Eglise. L’édifice simple, précédemment utilisé à diverses fins, a été restructuré il y a quelques années pour répondre aux besoins d’un ordre contemplatif. Le pape Jean Paul II a fait en sorte que ce couvent soit inauguré le 13 mai 1994, jour de Notre Dame de Fatima ; ici les sœurs sont appelées à offrir leur vie pour les intentions du Saint Père et de l’Eglise.
Cette tâche est confiée tous les 5 ans à
un ordre contemplatif différent. La première communauté internationale était
composée de Clarisses originaires de six pays différents (Italie, Canada,
Rwanda, Philippines, Bosnie et Nicaragua). A leur place, sont venues des
Carmélites, qui ont continué à prier et offrir leur vie pour les intentions du
pape. Depuis le 7 octobre 2004, fête de Notre Dame du Rosaire, vivent dans le
monastère sept Sœurs Bénédictines de quatre nationalités différentes. Une sœur
est philippine, une autre américaine, deux sont françaises et trois italiennes.
Avec cette fondation, Jean Paul II montrait à l’opinion publique mondiale, sans parole et malgré tout de façon très claire, combien la vie contemplative cachée est importante et indispensable, même à notre époque moderne et frénétique, et quelle valeur il attribuait à la prière dans le silence et au sacrifice caché. Qu’il ait désiré avoir les sœurs cloîtrées auprès de lui pour qu’elle prient pour lui et pour son pontificat, révèle aussi sa profonde conviction que la fécondité de son ministère de pasteur universel et le succès spirituel de son action immense, provenaient en première ligne de la prière et du sacrifice des autres.
Le pape Benoît XVI a lui aussi cette
profonde conviction. Deux fois il est allé célébrer la Sainte Messe chez ‘ses
sœurs’, les remerciant pour l’offrande de leur vie à son intention. Les paroles
qu’il a adressées le 15 septembre 2007 aux Clarisses de Castelgandolfo, sont
valables pour les sœurs cloîtrées du Vatican. « Voilà donc, chères
sœurs, ce que le Pape attend de vous: que vous soyez des flambeaux ardents
d’amour, des “mains jointes” qui veillent dans la prière incessante, détachées
totalement du monde, pour soutenir le ministère de celui que Jésus a appelé
comme guide de son Eglise. » C’est véritablement providentiel que,
sous le pontificat d’un pape dévot de Saint Benoît, ce soit justement les Sœurs
Bénédictines qui puissent lui être proches d’une façon particulière.
Foto: Rencontre avec
le Saint Père Jean Paul II dans sa bibliothèque privée, le 23 décembre 2004
Une vie mariale quotidienne
Ce n’est pas un hasard si le Saint Père a
choisi des ordres féminins pour cette tâche. Dans l’histoire de l’Eglise,
suivant l’exemple de la Mère de Dieu, il y a toujours eu des femmes qui ont
accompagné et soutenu par la prière et le sacrifice, le chemin des apôtres et
des prêtres dans leur activité missionnaire. C’est la raison pour laquelle les
ordres contemplatifs considèrent leur charisme comme ‘l’imitation et la
contemplation de Marie’. Mère M. Sofia Cicchetti, actuelle prieure du
monastère, définit la vie de sa communauté comme une vie mariale
quotidienne : « Il n’y a rien d’extraordinaire ici. La vie
contemplative de notre monastère peut se comprendre seulement à la lumière de
la foi et de l’amour de Dieu. Dans notre société de consommation hédoniste,
semblent avoir disparu aussi bien le sens de la beauté et de l’émerveillement
devant les grandes œuvres que Dieu opère dans le monde et dans la vie de chaque
homme et de chaque femme, que l’adoration du mystère de Son amoureuse présence
parmi nous. Dans le
contexte du monde d’aujourd’hui, notre vie séparée du monde, mais pas
indifférente à son égard, pourrait apparaître absurde et inutile. Toutefois
nous pouvons témoigner avec joie que donner son temps à Dieu seul n’est pas une
perte ; c’est pour tous un rappel prophétique d’une vérité fondamentale :
pour être authentiquement et pleinement elle-même, l’humanité doit s’ancrer en
Dieu et vivre, dans le temps, de l’amour de Dieu. Nous voulons être comme tant
de ‘Moïse’ qui avec les bras levés et le cœur dilaté par un amour universel,
mais très concret, intercèdent pour le bien et le salut du monde, devenant
ainsi ‘collaboratrices dans le mystère de la Rédemption’. (cfr Verbi Sponsa, 3)
Notre tâche n’est pas tant
fondée sur le ‘faire’ que sur ‘l’être’ une nouvelle humanité. A la lumière de
tout cela nous pouvons bien dire que notre vie est une vie pleine de sens, elle
n’est pas du tout gaspillage, ni fermeture ou fuite du monde, mais donation
joyeuse d’elle-même au Dieu d’Amour et à tous les frères sans exception et ici
à ‘Mater Ecclesiae’ particulièrement pour le Pape et ses collaborateurs. »
Sœur Chiara-Cristina,
supérieure des Clarisses de la première communauté présente au cœur du Vatican,
nous a raconté :
« Quand je suis
arrivée ici j’ai trouvé la vocation dans ma vocation : donner la vie pour
le Saint Père en tant que clarisse. Ce fut ainsi pour toutes les autres
sœurs. »
Mère S. Sofia confirme : « Par
notre vocation de bénédictines, nous sommes profondément liées à l’Eglise
universelle, c’est pourquoi nous ressentons un grand amour pour le Pape où que
nous soyons. Certainement le fait que nous soyons appelées aussi près de lui –
aussi physiquement – dans ce ‘monastère original’ a rendu plus profond notre
amour pour lui. Nous désirons le transmettre à nos monastères d’origine.
Nous savons que nous sommes appelées à être mères spirituelles par notre vie cachée dans le silence. Parmi nos enfants spirituels les prêtres et les séminaristes ont une place privilégiée et tous ceux qui s’adressent à nous en demandant un soutien pour leur vie et leur ministère sacerdotal, dans les épreuves et détresses de leur chemin. Notre vie veut être ‘témoignage de la fécondité apostolique de la vie contemplative, à l’imitation de la Très Sainte Vierge Marie qui, dans le mystère de l’Eglise, se présente de façon éminente et singulière comme vierge et mère. » (cfr. LG 63)