Paroles de Salut et d’Introduction

de S.Ém le Card. Préfet Cláudio Hummes

 

 

« L’identitÉ MISSIONNAIRE DU PRÊTRE DANS L’ÉGLISE,

COMME DIMENSION INTRINSÈQUE de l’eXERCICE DES tria munera »

 

 

 

Messieurs les Cardinaux, Vénérés Frères dans l’Épiscopat et dans le Sacerdoce,

 

1. Introduction

     Je voudrais tout d’abord souhaiter cordialement la bienvenue à tous les Membres de la Congrégation, et en particulier à ceux qui se joignent à nous pour la première fois dans cette Assemblée Plénière en tant que nouveaux membres. Mes remerciements sincères vont à tous ceux d’entre vous qui, non sans sacrifices, êtes venus ici dans la Ville Éternelle.

     Je désire rendre grâce avec vous au Seigneur qui nous a réunis dans cette Aula, cum Petro et sub Petro et sous la protection de l’Apôtre Paul en cette année paulinienne, dans un esprit de communion, de foi et d’amour qui nous unit dans le service de l’Église, pour le bien de nos prêtres, de nos diacres, et de tout le Peuple de Dieu.

     Ces dernières années, notre Dicastère a apporté une contribution de qualité, dans le cadre des compétences qui sont les siennes. Comment ne pas rappeler l’important Directoire pour le ministère et la vie des prêtres, paru en 1994 ; puis, la lettre circulaire Le prêtre, maître de la Parole, ministre des sacrements et guide de la communauté en vue du troisième millénaire chrétien de 1999 ; l’Instruction Le prêtre, pasteur et guide de la communauté paroissiale de 2002 ; enfin, l’Assemblée Plénière de 2004 s’est penchée sur les organismes de collaboration dans l’Église particulière, aux niveaux diocésain et paroissial et sur la Pastorale des Sanctuaires, en s’efforçant de présenter de manière claire et complète les fondements théologiques et sacramentels spécifiques qui sont à la base des normes du code et des récentes dispositions magistérielles sur les organismes diocésains et paroissiaux. Ce faisant, elle a indiqué la voie pour corriger ou éliminer les constitutions et les modes de fonctionnement inappropriés qui peuvent exister dans les organismes de participation diocésains ou paroissiaux des Églises particulières, et qui sont quelquefois éloignés ou même contraires à la législation universelle de l’Église.  

     Aujourd’hui, ligne du Magistère de l’Église, et notamment des Documents du Concile Vatican II et des interventions les plus récentes du Souverain Pontife, notre Congrégation propose un thème auquel elle attache une grande importance ecclésiale : « L’identité missionnaire du prêtre dans l’Église, comme dimension intrinsèque de l’exercice des tria munera ». Elle entend ainsi mettre l’accent sur l’importance de l’identité missionnaire du prêtre dans le contexte actuel de la vie de l’Église.

 

2. L’urgence missionnaire dans le monde actuel

     L’Église est par nature missionnaire, puisqu’elle tire son origine de la mission du Fils et de celle de l’Esprit Saint, selon le dessein de Dieu le Père (Décret Ad gentes, n. 2). Il s’agit d’une missionnariété intrinsèque, fondé en dernière analyse sur les missions trinitaires elles-mêmes. « Allez dans le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création » (Mc 16,15). On le retrouve également dans la vocation de l’Apôtre des Gentils : « Va, car moi, je vais t’envoyer au loin, vers les nations païennes » (Ac 22,21).

Dans les circonstances actuelles, l’urgence missionnaire se fait sentir avec force dans le panorama mondial, non seulement pour la mission ad gentes, mais aussi pour la mission à l’intérieur du troupeau déjà constitué de l’Église.

     Dès le début de son pontificat, le Pape Benoît XVI a insisté sur la situation nouvelle que l’Église vit aujourd’hui dans la société post-moderne. Il s’agit d’une société dont la culture tend à rejeter Dieu, une société profondément marquée par la sécularisation, le relativisme, le scientisme, l’indifférentisme religieux, l’agnosticisme et par un laïcisme souvent militant et anti-religieux. Cette nouvelle culture post-moderne progresse surtout dans les pays occidentaux. Elle est omniprésente dans les médias, et se répand progressivement à tous les peuples à travers la mobilité humaine et les nombreuses formes actuelles de communication.

S’adressant aux évêques allemands à l’occasion de la Journée Mondiale de la Jeunesse (2005), le Saint-Père a dit : « Nous savons que sécularisation et déchristianisation continuent de progresser, que le relativisme s’accroît, que l’influence de l’éthique et de la morale catholiques est toujours moindre. Beaucoup de personnes abandonnent l’Église ou, si elles y restent, acceptent seulement une partie de l’enseignement catholique, choisissant uniquement certains aspects du christianisme. […] Vous-mêmes, chers confrères, avez affirmé [...] : Nous sommes devenus une terre de mission. […] Nous devrions réfléchir sérieusement sur la façon dont nous pouvons réaliser aujourd’hui une véritable évangélisation. […] Il ne suffit pas de s’efforcer de conserver le troupeau existant, même si cela est très important. […] Je crois que nous devons tous ensemble essayer de trouver de nouvelles façons de ramener l’Évangile dans le monde actuel, d’annoncer de nouveau le Christ et d’établir la foi » (Discours au Séminaire de Cologne, 21.8.2005).

     En même temps, nous prenons toujours plus conscience qu’à côté des problèmes de la culture post-moderne, il y a aussi le problème du pourcentage très élevé de catholiques qui vivent loin de la pratique religieuse, et celui de la chute très nette, pour différentes raisons, du nombre de ceux qui se disent catholiques ; il faut tenir compte enfin du problème de la croissance extraordinaire des sectes, et en particulier des sectes évangéliques pentecôtistes.

     Face à cette situation, il est urgent de répondre avec générosité à l’appel du Saint-Père à une authentique « mission » s’adressant à ceux qui, bien qu’ayant été baptisés par nous, n’ont pas été suffisamment évangélisés du fait de diverses circonstances historiques. Dans son discours aux Évêques brésiliens, en 2007, le Pape a dit : « […] Il est donc nécessaire de lancer l’activité apostolique comme une véritable mission dans le cadre du troupeau constitué par l’Église qui est au Brésil, en promouvant une évangélisation méthodique et ramifiée en vue d’une adhésion personnelle et communautaire au Christ. […] En un mot, une mission évangélisatrice qui interpelle toutes les forces vives de cet immense troupeau est nécessaire » (Discours du Saint-Père aux Évêques brésiliens, 11 mai 2007, n. 3).

 

3. L’identité missionnaire des Prêtres et les tria munera

     Au sein du Peuple de Dieu, l’exercice du ministère presbytéral est fondamental pour répondre aux situations contraires à l’Évangile. C’est pourquoi il convient de réaffirmer avec force les fondements de la vraie identité missionnaire des prêtres afin de pouvoir surmonter les problèmes qui affligent l’humanité, et qui se reflètent sur la vie de l’Église.

     Le Décret Presbyterorum Ordinis sur le ministère et la vie des prêtres présente cette vérité aux n. 4-6, en se référant aux prêtres comme ministres de la Parole de Dieu, comme ministres de la sanctification à travers les sacrements et l’Eucharistie, et comme guides et éducateurs du Peuple de Dieu. Ce sont les tria munera du prêtre.

     Même si l’identité missionnaire du prêtre n’y est pas abordée expressément, elle est clairement présente dans ce texte. Le prêtre « envoyé », participant à la mission du Christ envoyé par le Père, se trouve engagé dans une dynamique missionnaire sans laquelle il ne pourrait pas vivre pleinement son identité (Jean-Paul II, Pastores dabo vobis, 26).

     Dans l’Exhortation apostolique post-synodale Pastores dabo vobis, il est dit que le prêtre, tout en étant inséré dans une Église particulière, a reçu en vertu de son ordination un don spirituel qui le prépare à la mission universelle, jusqu’aux extrémités de la terre (cf. Ac 1,8), car « n’importe quel ministère sacerdotal participe aux dimensions universelles de la mission confiée par le Christ aux Apôtres » (PDV 32).

     Lorsqu’on parle de mission, il faut toujours garder présent à l’esprit que l’envoyé, le prêtre dans ce cas, est en relation d’une part avec celui qui l’envoie, et de l’autre avec ceux vers qui il est envoyé. En examinant sa relation avec le Christ, premier envoyé du Père, on peut voir dans les textes du Nouveau Testament que c’est le Christ lui-même qui envoie et qui constitue les ministres de son Église. Ces derniers ne doivent donc jamais être considérés uniquement comme des élus ou des délégués de la communauté ou du peuple sacerdotal. « Le prêtre trouve la pleine vérité de son identité dans le fait d’être une participation spécifique et une continuation du Christ lui-même, souverain et unique prêtre de la Nouvelle Alliance : il est une image vivante et transparente du Christ prêtre » (PDV 12).

 

4. Le prêtre et la nécessité d’une nouvelle pratique missionnaire

     Dans cette relation avec le Christ, la première vérité qui se fait jour porte sur l’importance d’une identification et d’une intimité profondes avec Celui qui a consacré le prêtre et qui l’envoie. Pour être un missionnaire, il faut d’abord être un disciple. L’Évangile de Marc nous dit que « [Jésus] gravit la montagne, et il appela ceux qu’il voulait. Ils vinrent auprès de lui, et il en institua douze pour qu’ils soient avec lui, et pour les envoyer prêcher avec le pouvoir de chasser les esprits mauvais » (Mc 3,13-15). « Il appela ceux qu’il voulait » et ceux-ci « vinrent auprès de lui » : ils deviennent ainsi des disciples. Puis il envoya les disciples prêcher et chasser les démons : ils deviennent aussi des missionnaires.

     Dans le parcours du disciple, tout commence par un appel du Seigneur. C’est toujours lui qui prend l’initiative. L’appel est une grâce que nous devons accueillir et garder librement et humblement, avec l’aide de l’Esprit Saint. Dieu nous a aimés en premier : c’est le primat de la grâce. Cet appel est suivi de la rencontre avec Jésus, pour entendre sa parole et pour faire l’expérience de son amour pour chaque homme et pour toute l’humanité. Il nous aime et nous révèle le vrai Dieu, un et trine, qui est amour.

     L’Évangile nous montre que dans cette rencontre, l’Esprit de Jésus transforme celui dont le cœur est ouvert. Car celui qui rencontre Jésus vit un engagement profond de toute sa personne et de sa mission dans le monde, croit en lui, fait l’expérience de son amour, adhère à lui, décide de le suivre inconditionnellement partout où cela le conduira, investit en lui toute sa vie en acceptant même de mourir pour lui, s’il le faut. Après cette rencontre, il repart le cœur joyeux et enthousiaste, fasciné par le mystère de Jésus, et se met à l’annoncer à tout le monde. Ainsi, le disciple devient semblable au Maître, envoyé par lui, et soutenu par l’Esprit Saint.

     Benoît XVI, dans un commentaire du passage de Marc déjà cité, affirme que l’essence de la vocation spirituelle du prêtre consiste d’abord à « être avec le Christ », et ensuite à être « envoyé par Lui ». « Être avec Lui et, en tant qu’envoyés, être en chemin vers les personnes – ces deux choses vont ensemble et, ensemble, constituent l’essence de la vocation spirituelle, du sacerdoce. Être avec Lui et être envoyés – deux choses indissociables l’une de l’autre. Seul celui qui est avec Lui apprend à le connaître et peut l’annoncer vraiment ». Dans le cas contraire, on risque de tomber dans un « activisme vain ». « La pratique le montre : là où les prêtres, en raison de leurs devoirs importants, permettent que leur présence aux côtés du Seigneur se réduise toujours davantage, ils perdent alors, en dépit de leur activité assurément héroïque, la force intérieure qui les soutient. Ce qu’ils font devient à la fin un activisme vain » (Aux séminaristes, aux prêtres, aux religieux et religieuses et aux membres de l’œuvre pontificale pour les Vocations de consécration spéciale, Allemagne, 11 septembre 2006).

     Pour le prêtre, « être avec Lui » se renouvelle chaque jour, d’une façon absolument spéciale, dans la célébration quotidienne de l’Eucharistie, mais aussi dans la lecture priante de la Bible, dans l’oraison fidèle de la Liturgie des Heures, dans la prière personnelle et communautaire, dans la réception du sacrement de la Réconciliation, dans la solidarité envers les pauvres, et de bien d’autres façons encore.

     Il faut « être avec Lui » pour être vraiment ses disciples et pour l’annoncer ensuite avec force et efficacité. « Être avec Lui » pour le présenter ensuite aux hommes : telle est la tâche centrale du prêtre !   

     Il s’agit en définitive de vivre une vie centrée sur Dieu. « Si dans une vie sacerdotale, on perd cet aspect central de Dieu, le zèle de l’action disparaît peu à peu » (Benoît XVI Aux membres de la Curie romaine, 22 décembre 2006). La vocation missionnaire des prêtres découle de cette expérience intime et profonde de Dieu.

     Aujourd’hui, cette mission se déploie nécessairement dans deux directions : ad gentes et dans le troupeau déjà constitué de l’Église, c’est-à-dire auprès des baptisés. Les horizons de la mission ad gentes s’élargissent et demandent un élan missionnaire renouvelé. L’Église tourne les yeux avec prévenance, amour et espérance par exemple vers l’Asie, et en particulier vers la Chine, et vers l’Afrique. Les prêtres sont invités à se mettre à l’écoute du souffle de l’Esprit et à partager la sollicitude de l’Église universelle. Mais d’autre part, dans le troupeau déjà constitué de l’Église, dans les pays dits chrétiens où malheureusement plus de la moitié des baptisés ne participent pas à la vie de l’Église, étant peu ou pas du tout évangélisés, l’évangélisation missionnaire est devenue une urgence qui ne saurait être renvoyée à plus tard. C’est principalement sur cette mission à l’intérieur du troupeau que nous allons réfléchir durant cette Plénière, la mission ad gentes étant de la compétence spécifique de la Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples.

 

5. Le Prêtre, disciple et missionnaire, dans l’exercice des tria munera

     Le Concile Vatican II présente le prêtre comme ministre de la parole, comme ministre de la sanctification par les sacrements, et en particulier par l’Eucharistie, et comme pasteur, guide et éducateur du Peuple de Dieu (cf. Presbyterorum ordinis, n. 4-6). Ce sont les tria munera, qui composent le cadre de sa vie de disciple et de missionnaire.

5.1. Dans le cadre du munus docendi

     En premier lieu, pour être un vrai missionnaire à l’intérieur du troupeau de l’Église, compte tenu des nécessités actuelles, il est essentiel et indispensable que le prêtre soit disposé non seulement à accueillir et à évangéliser ceux qui le lui demandent dans sa paroisse ou ailleurs, mais aussi à « se lever et aller » à la recherche, d’abord des baptisés qui ne participent pas à la vie de la communauté ecclésiale, et ensuite de tous ceux qui connaissent peu ou pas du tout le Christ. Cette nouvelle mission doit être embrassée avec enthousiasme par chaque paroisse, sous une forme permanente, en cherchant à atteindre d’abord tous les baptisés de son territoire, et ensuite les non baptisés.

     Dans toute annonce spécifiquement missionnaire de l’Évangile, le kerigma occupe une place centrale. Cette annonce kérygmatique, qu’il s’agisse d’une première annonce ou d’une annonce renouvelée de Jésus Christ, mort et ressuscité, et de son Royaume, reçoit assurément une force et une onction spéciales de l’Esprit Saint. Le kerigma est par excellence le contenu de la prédication missionnaire.

Dans l’encyclique Redemptoris missio (1990), Jean-Paul II a écrit : « Dans la réalité complexe de la mission, la première annonce a un rôle central et irremplaçable parce qu’elle introduit dans le mystère de l’amour de Dieu, qui appelle à nouer des rapports personnels avec lui dans le Christ et qu'elle ouvre la voie à la conversion. La foi naît de l’annonce. […] L’annonce a pour objet le Christ crucifié, mort et ressuscité : en lui s’accomplit la pleine et authentique libération du mal, du péché et de la mort ; en lui, Dieu donne la vie nouvelle, divine et éternelle. Telle est la Bonne Nouvelle qui transforme l’homme et l’histoire de l’humanité et que tous les peuples ont le droit de connaître. Cette annonce doit être faite dans le contexte de la vie de l’homme et des peuples qui la reçoivent. Elle doit également être faite avec une attitude d’amour et d’estime envers celui qui écoute, dans un langage concret et adapté aux circonstances. Dans cette annonce, l’Esprit est à l’œuvre et instaure une communion entre le missionnaire et les auditeurs, ce qui est possible dans la mesure où ils communient entre eux, par le Christ, avec le Père » (n. 44).

Nous devons par conséquent recommencer cette première annonce « à temps et à contretemps », avec constance, conviction et joie d’évangéliser, tant dans nos homélies, pendant la Messe ou à l’occasion d’autres événements évangélisateurs comme  la catéchèse, les visites à domicile, sur les places publiques, dans les moyens de communication sociale, dans les rencontres personnelles avec nos baptisés qui ne participent pas à la vie des communautés ecclésiales, en somme, partout où l’Esprit nous pousse et nous donne une occasion que nous ne devons pas laisser passer.

Dans cet effort missionnaire, les destinataires privilégiés seront les pauvres. Comme l’a dit Jésus lui-même : « L’Esprit du Seigneur est sur moi. […] Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres » (Lc 4,18). Dans son discours déjà cité aux évêques brésiliens, Benoît XVI a dit : « Parmi les problèmes que doit affronter votre sollicitude pastorale se trouve, sans aucun doute, la question des catholiques qui abandonnent la vie ecclésiale. Il semble clair que la cause principale de ce problème, parmi d’autres, peut être attribuée au manque d’une évangélisation dans laquelle le Christ et son Eglise se trouvent au centre de toute explication. […] Dans l’Encyclique Deus caritas est, j’ai rappelé qu’à l’origine du fait d’être chrétien il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive (n. 1). Il est donc nécessaire de lancer l’activité apostolique comme une véritable mission dans le cadre du troupeau constitué par l’Église, […] en promouvant une évangélisation méthodique et ramifiée en vue d’une adhésion personnelle et communautaire au Christ. Il s’agit, en effet, de ne pas épargner les efforts pour aller à la recherche des catholiques qui se sont éloignés et de ceux qui ne connaissent que peu ou pas du tout Jésus Christ. […] Dans cet effort évangélisateur, la communauté ecclésiale se distingue par ses initiatives pastorales, en envoyant ses missionnaires, laïcs ou religieux, en particulier dans les foyers des banlieues urbaines et de l’intérieur du pays, en cherchant à dialoguer avec tous dans un esprit de compréhension et de charité attentive. Toutefois, si les personnes rencontrées vivent dans une situation de pauvreté, il faut les aider comme le faisaient les premières communautés chrétiennes, en pratiquant la solidarité pour qu’elles se sentent vraiment aimées. Les personnes pauvres des banlieues urbaines ou de la campagne ont besoin de sentir la proximité de l’Église, que ce soit à travers l’aide pour les nécessités les plus urgentes, ou la défense de leurs droits et la promotion commune d’une société fondée sur la justice et sur la paix. Les pauvres sont les destinataires privilégiés de l’Évangile, et l’Évêque, formé à l’image du Bon Pasteur, doit être particulièrement attentif à offrir le baume divin de la foi, sans négliger le pain matériel. Comme je l’ai souligné dans l’Encyclique Deus caritas est, l’Église ne peut pas négliger le service de la charité, de même qu’elle ne peut négliger les Sacrements ni la Parole » (n. 3).

 

5.2. Dans le cadre du munus sanctificandi

La proclamation de la Parole de Dieu fait partie de chaque célébration sacramentelle, puisque le sacrement demande un acte de foi de la part de celui qui le reçoit. Il en résulte que la célébration des sacrements, et en particulier de l’Eucharistie, possède une dimension missionnaire intrinsèque qui peut déboucher sur l’annonce du Seigneur Jésus et de son Royaume à ceux qui n’ont encore été que peu ou pas du tout évangélisés.

     Il convient de souligner aussi que l’Eucharistie est au centre de la vie de l’Église et de chaque chrétien. En ce sens, on peut dire que l’Eucharistie est le point d’arrivée de la mission. Le missionnaire part à la recherche des personnes et des peuples pour les amener à la table du Seigneur, prémisse eschatologique du banquet de vie éternelle au ciel, près de Dieu, qui sera la pleine réalisation du salut selon le dessein rédempteur du Père. Enfin, l’Eucharistie a une dimension d’envoi missionnaire. Chaque Messe se conclut par l’envoi de tous les fidèles, appelés à être des missionnaires dans la société.

En célébrant l’Eucharistie et en recevant le sacrement du Corps et du Sang de Jésus, la communauté chrétienne est étroitement unie au Seigneur et comblée de son amour infini. Chaque fois, en recevant le commandement de Jésus : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », elle se sent poussée par l’Esprit du Christ à aller annoncer à toute la création la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu et l’espérance certaine dans sa miséricorde salvatrice. Le décret Presbyterorum Ordinis du Concile Vatican II nous dit que « l’Eucharistie est bien la source et le sommet de toute l’évangélisation » (n.5).

     Une célébration de l’Eucharistie ou des autres sacrements, belle, sereine, digne et pieuse, en observant les normes liturgiques, est déjà en elle-même une évangélisation particulière pour les fidèles présents. 

     Tous les sacrements tirent leur force sanctifiante de la mort et résurrection du Christ et proclament la miséricorde indéfectible de Dieu. Il faut toujours bien souligner leur essence et leur efficacité missionnaires.

5.3. Dans le cadre du munus regendi

     Dans l’urgence missionnaire actuelle, il est indispensable que les prêtres, animés par la charité pastorale et conscients qu’ils sont les ministres du Christ, guident la communauté qui leur est confiée dans la mission. La capacité personnelle du prêtre de susciter l’esprit missionnaire et la coresponsabilité chez les fidèles laïques, en comptant sur eux pour la nouvelle évangélisation, fait partie intégrante du munus regendi.

     En effet, la coresponsabilité des fidèles laïques et leur participation à la mission de l’Église ne diminuent en rien les qualités de pasteur du prêtre. Lors de sa rencontre avec les prêtres des diocèses de Belluno-Feltre et Trevise, le Saint-Père a dit : « La coresponsabilité de toute la paroisse est à mes yeux un résultat important et positif du Concile. Ce n’est pas le curé qui doit tout organiser seul, mais puisque nous faisons tous partie de la paroisse, nous devons tous collaborer et aider, afin que le curé ne demeure pas isolé en tant que coordinateur, mais qu’il joue réellement son rôle de Pasteur, aidé dans les travaux communs qui font que la paroisse se réalise et vit » (24 juillet 2007).

     Dans le cadre du munus regendi, le curé devra convoquer les membres de la communauté paroissiale, pour qu’ils assument avec lui la mission de la paroisse. Les laïcs sont appelés par le Seigneur à être des évangélisateurs, en vertu de leur baptême et de leur confirmation. Le curé convoquera donc ses laïcs, les formera et les enverra en mission, une mission sur laquelle il veillera lui-même.

     Pour que la mission paroissiale puisse donner du fruit, il faudra avoir une bonne méthodologie missionnaire. L’Église a une expérience bimillénaire en la matière. Néanmoins, chaque époque historique comporte de nouvelles circonstances dont il faut tenir compte dans la façon de pratiquer la mission.

     L’identité missionnaire authentique exige que le prêtre manifeste clairement sa qualité de pasteur. D’où l’importance pastorale de l’habit ecclésiastique, comme signe de l’identité universelle du prêtre. Plus une société est pluraliste et sécularisée, plus elle a besoin de signes d’identification du sacré (cf. Paul VI, Catéchèse à l’Audience générale du 17 septembre 1969, Allocution au clergé (1er mars 1973), Insegnamenti de Paul VI, VII (1969), 1065 ; XI (1973), 176 ; can. 284 ; Directoire pour le ministère et la vie des prêtres, n. 66 ; Le Prêtre, maître de la Parole..., chap. IV, n. 3). De façon analogue, mais encore plus profonde, un témoignage convaincu du célibat sacerdotal peut et doit être un signe de la transcendance du Royaume de Dieu.

     Il faut ajouter que dans les circonstances actuelles, il est particulièrement urgent que les prêtres montrent la plus grande disponibilité à changer non seulement de charge pastorale, mais aussi de ville, de région ou de pays selon les nécessités, à accomplir en toutes circonstances la mission nécessaire pour l’amour de Dieu, même à l’encontre de leurs penchants ou de leurs projets personnels. De par la nature même de leur ministère, ils doivent être pénétrés et animés par un profond esprit missionnaire et par un esprit vraiment catholique, qui les habitue à regarder au-delà des limites de leur diocèse, nation ou rite et à aller à la rencontre des nécessités de l’Église universelle, en étant disposés à prêcher l’Évangile partout (cf. Optatam totius, n. 20 ; Catéchisme de l’Église catholique, n. 1565 ; Jean-Paul II, Pastores dabo vobis, 18).

 

6. La formation missionnaire des prêtres et les vocations sacerdotales

     Tous les prêtres doivent recevoir une formation missionnaire soignée et spécifique, puisque l’Église entend s’engager avec une ardeur et une urgence renouvelées dans la mission ad gentes et dans une évangélisation missionnaire de tous les baptisés, et en particulier de ceux qui se sont éloignés de la participation à la vie et aux activités de la communauté ecclésiale. Cette formation, qui devra être systématique, approfondie et ample, débutera dès le séminaire.

Il est particulièrement urgent d’établir un lien de continuité entre le temps de la formation au séminaire, le début du ministère, et la formation continue à la mission, trois étapes qui doivent être reliés harmonieusement entre elles pour que dans cette œuvre, le clergé puisse être pleinement ce qu’il est, à savoir, une perle précieuse et indispensable offerte par le

 

Christ à l’Église et à tous les hommes.

 

7. Conclusion

     Si la mission est un élément constitutif de l’identité ecclésiale, nous devons rendre grâce au Seigneur qui en a fait prendre conscience à toute l’Église, et en particulier aux prêtres, y compris à travers le Magistère pontifical le plus récent.

Dans le monde d’aujourd’hui, l’urgence missionnaire est vraiment grande. Cela demande un renouvellement de la pastorale, qui doit être conçue comme étant « en mission permanente », tant ad gentes que là où l’Église est déjà établie, en allant à la recherche de ceux que nous avons baptisés et qui ont le droit d’être évangélisés par nous.

Les prêtres et toute la communauté ecclésiale ne doivent pas ménager leurs efforts, à temps et à contretemps, en vue de cette évangélisation missionnaire urgente, intense et à grande échelle dans tous les milieux de la société d’aujourd’hui, à commencer par les pauvres. Une telle « tension missionnaire » permanente ne pourra que favoriser le renouvellement de l’identité sacerdotale de chaque prêtre, qui trouvera dans l’exercice missionnaire des tria munera un chemin de sanctification personnelle, et donc d’épanouissement de sa vocation sacerdotale et humaine.

La mission et le prêtre, pour être tels selon le Cœur du Bon Pasteur, doivent garder les yeux fixés sur la Bienheureuse Vierge Marie, pleine de grâce, qui a donné le Seigneur au monde pour qu’il soit la « lumière des hommes », continue de visiter les hommes de tous les temps en marche sur les chemins du monde, pour leur montrer le visage de Jésus de Nazareth, notre unique Sauveur.