Interview pour le quotidien « Avvenire »
de Son Excellence Révérendissime Mgr Mauro Piacenza
Préfet de la Congrégation pour le Clergé
1D. Excellence, le Pape vous a appelé à guider une Congrégation de la Curie
Romaine et vous a donc inséré dans le Collège cardinalice. Comment avez-vous vécu
cet instant particulièrement dense de votre vie ?
1R. Comme un appel ultérieur à
approfondir mon rapport personnel avec le Christ Seigneur ; c’est de là
que jaillit chaque service ecclésial et c’est l'unique garantie possible de
fidélité dans le chemin de la sanctification personnelle. Je pourrais dire que
c’est un « appel dans l'appel », qui inclut la vocation au martyre,
ou bien à la cohérence. Je crois que chaque office conféré demande un
supplément d'amour, et l'amour au fil du temps prend le nom de fidélité.
2D. Dans quel esprit guiderez-vous la Congrégation pour le Clergé ?
2R. J'espère dans l'Esprit
Saint ! Et on est certain d'agir dans l'Esprit lorsque l’on est en communion
vraie, loyale et effective avec le Pape. Le service aux prêtres a toujours
animé mon Ministère comme une caractéristique particulière ; dès ma jeunesse je
l’ai perçu comme une exigence de mon être de prêtre. Je suis très heureux,
aujourd'hui, de pouvoir offrir mon humble collaboration au Saint-Père pour
prendre soin de ceux qui sont la « pupilla
oculi » du Pape, les collaborateurs indispensables de l'Ordre
épiscopal pour la Mission de l'Eglise.
3D. Quelles sont les principales lignes d'action que vous suivrez dans
cette tâche ?
3R. La formation du Clergé,
dans les circonstances actuelles, représente certainement une priorité à
laquelle je voudrai accorder l’attention qui lui est due, en tenant compte que
chaque réforme dans l'Eglise naît en pliant les genoux; tout réforme naît de cet
esprit de prière qui reconnaît la suprématie absolue de Dieu dans notre propre existence
et dans l'histoire. De là s’ensuivent les conséquences opérationnelles.
4D. Vous avez suivi de très près l’idéation et la réalisation de l'Année
Sacerdotale. Quel est l’héritage de cette période vécue dans le sillage de la
mémoire de Saint Jean-Marie Vianney ?
4R. Certainement un « recentrage »
sur ce qui, dans la vie du Prêtre, est essentiel, en dépassant les diverses « réductions
sécularistes » qui se sont produites ces dernières décennies. Regarder
Saint Jean-Marie Vianney signifie redécouvrir la suprématie de l'Eucharistie,
quotidiennement célébrée et adorée, de la Confession sacramentelle, reçue et proposée,
et de la patiente écoute des frères dans ce très important service de guider les
consciences qu’est la direction spirituelle. Regarder le Curé d'Ars signifie
regarder un vrai prêtre, qui vit l'Amour du Coeur de Jésus ; cela signifie
comprendre ce que l’on doit faire pour former les prêtres et pour rendre
incisif le ministère pastoral.
5D. Ces dernières années le triste phénomène des abus sexuels a eu une
grande emphase. De quelle façon l'Eglise peut-elle vivre et dépasser cette crise ?
5R. En étant clair sur la
responsabilité de chacun, à l'exemple du Saint-Père Benoît XVI ; en étant attentif
au juste soin pastoral des victimes ; en redécouvrant la grande valeur de la
pénitence et de la réparation et, certainement, en vivant cette radicale
fidélité au Christ, à l'Eglise et à son état de vie, qui est capable à elle seule
de représenter au monde la vraie figure du prêtre.
6D. De quelle façon peut-on répondre à la crise des Vocations qui tenaille
nos communautés ?
6R. En priant le Seigneur de
la moisson, en reconnaissant clairement et humblement les erreurs commises, à
travers la fidélité à ce que nous sommes et à ce que nous devons être ! Les
Vocations – c’est un fait - fleurissent là où on trouve de la radicalité dans
la foi, de la charité évangélique, la clarté de l'identité et l'enthousiasme joyeux.
Les Mouvements et les communautés nouvelles sont exemplaires à cet égard. Avoir
dilué, presque en la perdant, l'identité sacerdotale qui dérive de la
configuration ontologique au Christ Prêtre, cela n'a pas rapproché les jeunes,
mais cela a fait perdre tout intérêt pour la spécificité de la Vocation
sacerdotale. On ne devient pas prêtre pour faire le « super-animateur »
de la communauté, mais pour être dans le monde la représentation sacramentelle,
donc réelle, de Jésus-Christ.
7D. Comment évaluez-vous l'expérience de ce que l’on appelle les « unités
pastorales », qui se répandent même en Italie ?
7R. Si elles représentent la
tentative de maintenir sur pieds une grande structure avec moins de personnel, elles
n'auront pas grand avenir. Si, au contraire, elles sont vécues comme de réelles
structures de communion, dans le plein respect de la distinction essentielle
entre sacerdoce baptismal et Sacerdoce ordonné, et, surtout, dans le respect de
l'idée théologique et canonique du prêtre comme « pasteur propre » de
la communauté, alors elles pourront avoir un avantage dans le futur.
8D. Excellence, vous venez de Gênes. Quels liens avez-vous conservés avec le Diocèse où vous êtes né et où vous
avez vécu vos premières années de Sacerdoce ?
8R. Les liens que l’on possède
avec sa maison et avec ses racines. L'Eglise qui vit
à Gênes m'a fait chrétien, par le Saint Baptême et la
Confirmation ; c’est en elle que j’ai reçu, pour la première fois, Jésus
Eucharistie, et en elle j'ai reçu les trois degrés du Sacrement de l'Ordre. Les
dons les plus importants de ma vie, qu’elle soit terrestre ou éternelle, je les
ai reçus à Gênes, donc le lien ne peut qu'être « vital » !