NICOLAS TREMBLAY, PRÊTRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Mission du Prêtre

pour la Nouvelle Évangélisation de nos paroisses.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

28 AOÛT 2010


La Mission du Prêtre

pour la Nouvelle Évangélisation de nos paroisses.

 

INTRODUCTION……………………………………………………………………………………         3

Chapitre 1   Trois convictions personnelles………………………………………………         6

                   1. Le nécessaire renouveau des prêtres……………………………………...        6

1.1 Une question importante

1.2 Une réponses claire et précise

2. Le danger de l'éparpillement ………………………………………………..         10

3. La nécessité d’initiatives nouvelles…………………………………………         14

 

Chapitre 2   Un triple engagement du prêtre……………………………………………   18

                   1. L’engagement à la sainteté…………………………………………………. 18

1.1 La sainteté : chemin de bonheur

1.2 La sainteté : union au Christ

1.3 La sainteté : charité en actes

                   2. L’Engagement à l’évangélisation……………………………………………          22

2.1 Un appel personnel

2.2 Les choix apostoliques

2.3 L’application des principes

2.4 Une vie toute entière engagée

3. L’engagement à une méthode d’évangélisation………………………….         25

 

Chapitre 3   Un modèle intégral d'évangélisation paroissiale………………………   28

1. Petite histoire d’une communauté chrétienne missionnaire ………..         28

1.1 Vers les premières cellules d’évangélisation

1.2 L’implantation du système des cellules à Joliette

1.3 La chapelle d’adoration

1.4 Une maison de la foi

1.5 L’École d’Évangélisation St-André

1.6 Cellules d’évangélisation et École d’évangélisation

1.7 Vers la Communauté chrétienne missionnaire

2. Essai de synthèse………………………………………………………………         34

2.1 Un double défi

2.2 Éléments de synthèse

2.3 Le modèle d’implantation

 

CONCLUSION……………………………………………………………………………………         42


La Mission du prêtre

pour la nouvelle évangélisation de nos paroisses.

À mon évêque, Mgr Gilles Lussier,

qui m’a proposé ces 3 mois sabbatiques

avant d’entreprendre un nouveau mandat

 

 

INTRODUCTION

 

En février 2010, dans le cadre de l’année sacerdotale, j’ai été invité à donner un entretien-témoignage sur le thème : « La Mission du prêtre pour la nouvelle évangélisation de nos paroisses. »  La préparation de cet entretien m’a amené à reconnaître trois convictions profondes qui s’étaient développées en moi au cours de mes dix premières années de vie presbytérale.  La reconnaissance de l’importance de ces trois convictions est à l’origine de ce bref essai que j’ose proposer aujourd’hui.

Comme plusieurs des prêtres diocésains de ma génération, c’est un cheminement sinueux qui m’a conduit jusqu’à l’ordination.  En 1987, à l’âge de 19 ans, j’entre au Grand Séminaire de Chicoutimi.  Le contact avec les études théologiques et un certain style de formation me seront douloureux et je quitte le Séminaire au bout de trois années d’étude.  Je déménage alors dans la région de Québec où j’entreprends une maîtrise en théologie à l’Université Laval, tout en travaillant en pastorale scolaire.  Trois ans plus tard, je joins une fraternité nouvelle qui m’amènera au diocèse de Joliette.  De ’95 à ’99, je vivrai mon stage comme séminariste du diocèse de Joliette à mi-temps en paroisse et à mi-temps avec cette fraternité dont la mission porte sur le renouveau mystique de l’Église.  Je quitterai cette fraternité à l’automne 1999 pour répondre à une demande de mon évêque qui m’invite à vivre un stage à temps plein en paroisse.  Je serai ordonné prêtre le 30 septembre 2000.  J’entreprends alors mon service presbytéral comme prêtre collaborateur sur une équipe pastorale mixte au service d’une Unité pastorale regroupant quatre paroisses en milieu rural.

Juste avant de quitter la Fraternité, une expérience de Providence m’amène à lire le livre de G. Macchioni : « Évangéliser en paroisse.  L’expérience des cellules paroissiales d’évangélisation » (éditions Pneumatèque).  Ce fut pour moi un coup de foudre.  Enfin, on proposait une démarche d’évangélisation adaptée à la réalité paroissiale.

Cette flamme intérieure soutiendra toute ma mission de prêtre diocésain œuvrant en paroisse.  Je serai ainsi amené à rencontrer plusieurs personnes qui portent cette même flamme, ce même désir d’évangélisation.  Je participerai à plusieurs rencontres, tant au niveau provincial qu’international.  J’entendrai raconter une multitude d’expériences vécues partout à travers le monde.  Tout cela alimentera ma flamme intérieure.  Et c’est à travers tout cela que se développeront les convictions que j’aimerais partager ici.

Cet essai se veut donc d’abord et avant tout un partage personnel d’expérience.  Il est une humble synthèse de dix années de labeur apostolique dans ce cadre très précis du ministère paroissial.  Il porte, comme je viens de l’écrire, l’apport original des multiples rencontres auxquelles j’ai eu le privilège de participer et de toute la réflexion qui en découle.  Il a été rendu possible grâce à un trois mois sabbatique que mon évêque m’a accordé pour refaire mes forces après ces dix premières années de service.

Celui qui écrit ces lignes n’est ni un théologien, ni un érudit.  Je suis conscient que cet essai pourra largement être bonifié par des personnes ayant une plus large érudition que la mienne.  Je les remercie d’apporter ces compléments.

Je partagerai ici :

-         trois convictions profondes qui se sont développées en moi au fil de ces dix années de ministère en paroisse;

-         un triple engagement qui m’apparaît nécessaire de la part du prêtre qui accueille ces convictions;

-         le modèle intégral d’évangélisation paroissiale que j’ai vu se déployer sous mes yeux en commençant à vivre ce triple engagement.

Cet essai pourra être reçu comme un fruit de l’année sacerdotale 2009-2010.  Il pourra aussi, sans doute, collaborer à ce qu’il convient d’appeler maintenant la « conversion pastorale », expression qui risque de se retrouver régulièrement sous la plume de nos évêques au cours des prochaines années.  S’il peut aider un ou l’autre de mes confrères prêtres à vivre cette nécessaire conversion pastorale, je serai largement récompensé du labeur que je me suis donné pour écrire.

Pour ne pas alourdir inutilement le texte, je ne ferai la distinction entre une paroisse et un regroupement de paroisses que lorsque cela sera vraiment nécessaire.  Autrement, « la paroisse » désignera habituellement le secteur dont un prêtre est responsable, qu’il s’agisse d’une paroisse unique ou d’un regroupement.


CHAPITRE PREMIER

TROIS CONVICTIONS PERSONNELLES

 

1.                Le nécessaire renouveau des prêtres

Depuis 2001, je participe chaque année à la session provinciale sur les cellules d’évangélisation.  Cette session vise à faire connaître largement ce qu’est le Système des Cellules Paroissiales d’Évangélisation (SCPÉ).  Et chaque année, un même scénario se reproduit.  L’expérience est présentée.  Elle suscite beaucoup d’enthousiasme.  Puis, vient la question éteignoir : Oui, mais si le prêtre de notre paroisse n’est pas intéressé ?

1.1 Une question importante

Cette question m’a beaucoup fait souffrir : comment un prêtre de paroisse pourrait-il ne pas être intéressé lorsque des paroissiens s’offrent pour initier avec lui une si belle méthode d’évangélisation ?  Et surtout que la raison invoquée était habituellement le manque de temps de la part du prêtre.  Je sais que le prêtre en paroisse à beaucoup à faire, je suis moi-même « curé de cinq paroisses ».  Mais c’était comme si on me disait : le prêtre est trop occupé, il n’a pas le temps d’évangéliser !  Il y avait quelque chose qui clochait.

Cette question m’a beaucoup fait réfléchir : que répondre à ces personnes ?  Devons-nous leur proposer d’autres alternatives ?  Par exemple : se joindre à des cellules d’une paroisse voisine ? Former des cellules sans tenir compte du prêtre, en empruntant des enseignements à d’autres, ou en remplaçant l’enseignement du prêtre par un partage d’Évangile ?  Ces solutions alternatives sont valables et peuvent contribuer à soutenir l’espérance du peuple de Dieu qui a soif de répondre à fond à l’appel du Christ : « Allez dans le monde entier proclamer l’Évangile à toute créature. »  Je me suis souvent réfugié sous ces réponses, pour éviter de dire : si votre prêtre ne veut pas, vous ne faites rien.  Mais, j’ai finalement compris que ces solutions contournent le vrai problème : le nécessaire renouvellement de nos prêtres.

1.2 Une réponse claire et précise

Au cours de l’année sacerdotale, la réponse à cette question est donc devenue pour moi une conviction profonde.  Il n’y aura pas de renouveau de nos communautés paroissiales sans un réel renouveau de nos prêtres.  Et je m’inclus bien sûr là-dedans.  Ainsi, si le prêtre de votre paroisse dit qu’il n’est pas intéressé ou qu’il n’a pas le temps, alors, il faut l’évangéliser.  Cette réponse radicale a suscité beaucoup d’espérance chez les personnes à qui je l’ai partagée.  Elle permettait aux baptisés d’entreprendre une action concrète dont les répercussions sur l’Église risquaient d’être plus grandes qu’on peut l’imaginer.

À la fin de l’année sacerdotale, cette conviction ayant mûri dans mon cœur, j’ai enregistré, pour les membres des cellules d’évangélisation, un bref enseignement intitulé : « L’Évangélisation des prêtres »  Je le donne ici, texto et in extenso, en conservant le style oral.

 

Enseignement 126           16 mai 2010

L'évangélisation des prêtres

 

       La paix soit sur vous mes ami(e)s,

 

       Alors j'aimerais partager avec vous un petit enseignement, un peu particulier, qui s'intitule : « l'évangélisation des prêtres ».  C'est un thème qui a mûri dans mon cœur tout au long de l'année sacerdotale qui s'achève.  C'est un thème que j'ai présenté pour la première fois en février à l'occasion d'un entretien-témoignage au centre de prière "La Vigne" et que j'ai repris à l'occasion de notre dernière session provinciale sur les cellules d'évangélisation.  Donc, c'est un thème extrêmement important, parce que c'est devenu pour moi une conviction que le renouveau de nos communautés paroissiales ne se fera pas sans le renouveau de nos prêtres.

 

       Alors, donc l'évangélisation des prêtres.  On entend souvent dire : « il faut prier pour les prêtres ».  Et vous savez que, il y a quelques années, dire ça c'était presque scandaleux.  Pour les gens, les prêtres on n'avait pas besoin de prier pour eux.  Les prêtres ils étaient déjà convertis, ils étaient déjà presque saints, ils sont branchés direct sur le Saint Esprit, on n'a pas besoin de prier pour eux.  Mais voilà qu'au fil des années, nous avons découvert que, oui c'est très important de prier pour les prêtres.  Et, ensuite ça c'est précisé.  Est né dans le cœur des gens ce qu'on appelle « la prière pour la sanctification des prêtres ».  Et Jean-Paul II a même institué une journée spéciale, une journée mondiale de prières pour la sanctification des prêtres, qui est la fête du Sacré-Coeur, que nous célébrerons en juin prochain.  Plusieurs d'entre vous savent aussi que je demande souvent aux gens de prier pour ma conversion.  Et pendant des années la réponse des gens était toujours la même: «vous vous avez pas besoin de ça, vous êtes déjà converti, voyons, c'est pas sérieux », et tranquillement les gens ont fini par comprendre que oui c'est sérieux.  Et des personnes, effectivement, se sont mises à prier pour ma conversion, et ça porté des fruits.

 

       Et voilà que aujourd'hui, le temps est venu de faire un pas de plus, en parlant de l'évangélisation des prêtres.  Et dans ce processus d'évangélisation, la prière n'est qu'un élément.  Nous savons, nous connaissons le processus d'évangélisation et nous savons que la prière est importante dans ce processus.  Mais elle ne suffit pas, elle est seulement un élément du processus d'évangélisation.  J'aimerais avant d'aller plus loin, qu'on s'inspire peut-être de deux petits exemples bibliques, c'est peut-être… enfin des exemples qui peuvent nous éclairer.  Dans "Les Actes des Apôtres", au fur et à mesure que l'Évangile est annoncé, que la communauté grandit, on dit ceci, au chapitre 6 verset 7 des Actes des Apôtres : «  La Parole de Dieu se répandait de plus en plus.  Le nombre des disciples augmentait beaucoup à Jérusalem et de très nombreux prêtres adhéraient à la foi en Jésus. »  C’est intéressant de voir qu’il y a des prêtres, ils sont déjà prêtres, mais voilà que survient quelque chose de nouveau dans leur vie et ils adhèrent à la foi en Jésus, ils font un pas de plus dans leur expérience de foi, ils passent de la foi juive à la foi en Jésus.  On pourrait aussi prendre l’exemple de Nicodème, au chapitre 3 de l’Évangile de Jean. Nicodème qui est un pharisien, donc un spécialiste de la Loi, un homme très intelligent, très instruit.  Il va voir Jésus, et Jésus commence à lui expliquer des choses, et Nicodème comprend rien.  Et alors Jésus lui dit : « Toi, tu es Maître en Israël, tu es chargé d’instruire le peuple et tu ne connais pas ces choses-là? »  Voyez.  Il est Maître, il est celui qui est responsable de l’enseignement, mais il ne connaît pas des éléments fondamentaux de la foi chrétienne.

 

       Il est possible que les prêtres aient aussi à vivre cette expérience, comme les prêtres juifs, d’adhérer à une foi nouvelle.  Ou comme Nicodème, ils peuvent savoir des choses, mais ils ne sont pas encore entrés vraiment dans une expérience profonde de rencontre avec le Christ.  Et que nous ayons à les évangéliser pour les conduire à une nouvelle conversion au Christ, à une nouvelle ouverture à l’action de l’Esprit Saint dans leur vie, à une nouvelle saisie intérieure de leur mission d’évangélisation.

 

       Tous doivent être évangélisés.  Nous évangélisons ceux qui sont loin de la foi, pour les conduire à la foi.  Nous évangélisons les croyants, pour les conduire à une nouvelle conversion, à une foi plus vive.  Et nous évangélisons les prêtres, pour les conduire à une nouvelle conversion et spécialement à une nouvelle compréhension de leur mission d’évangélisation.       Comment est-ce qu’on évangélise un prêtre?  De la même manière, exactement de la même manière que tout autre personne, c’est-à-dire en mettant en œuvre envers lui le processus d’évangélisation que nous connaissons : LE FILET.  Ça été l’expérience de Don Pigi, vous savez.  Don Pigi, il était prêtre, un bon prêtre, il s’occupait de sa paroisse.  Et un jour, il s’en va en Floride visiter une paroisse où il y avait des cellules d’évangélisation, et les gens qui l’ont reçu, tout de suite, ont mis à l’œuvre envers lui le processus d’évangélisation.  Qu’est-ce qu’ils ont fait ? Ils priaient déjà pour lui depuis longtemps.  Ils l’ont accueilli avec un amour incroyable, ils ont témoigné de leur foi, et comment l’expérience d’évangélisation a changé leur vie.  Ils lui ont expliqué c’était quoi les cellules d’évangélisation et la nouvelle vie de leur paroisse.  Et ils ont prié avec lui afin qu’il reçoive une nouvelle effusion de l’Esprit Saint.  Voilà ! Ce sont les éléments clés du filet, et c’est ce que les gens ont fait et la vie de Don Pigi a été transformée, et à travers lui, la vie de sa paroisse a été transformée, et à travers eux la vie d’une multitude de paroisses, dans le monde entier, a été transformée. Voilà la beauté et la grandeur de l’évangélisation des prêtres.

 

       Donc comment est-ce que nous, nous allons évangéliser les prêtres?  Nous sommes invités à discerner d’abord, dans la prière auprès du Seigneur : Seigneur est-ce qu’il y a un prêtre que Tu m’invites spécialement à évangéliser?  On les évangélisera pas tous à la fois.  Est-ce qu’il y a un prêtre, moi, Seigneur que tu m’invites spécialement à évangéliser?  Et lorsque c’est clair, lorsque le Seigneur le met dans mon cœur, je mets à l’œuvre le processus envers lui.  Donc je me mets à prier pour lui chaque jour d’une manière spéciale.  Je me mets à l’aimer, à lui rendre service, à établir avec lui des liens d’amitié, à gagner son cœur, à lui manifester vraiment tout l’amour de Dieu pour lui, vraiment.  Et quand le moment se présente, quand le moment d’ouverture à la grâce arrive, quand le moment opportun arrive, je vais témoigner de ma foi, et spécialement je vais témoigner de comment ma foi a grandi.  Et je peux témoigner par exemple de mon expérience de cellule d’évangélisation ou de nouvelle évangélisation.  Je vais témoigner.  Et ensuite je vais répondre à ses questions, ses préoccupations, ses objections, humblement, patiemment.  Et je vais l’amener à une rencontre, à une nouvelle rencontre avec Jésus, en priant non plus seulement pour lui, mais en priant avec lui, et en demandant vraiment à Dieu d’inonder son cœur d’une lumière nouvelle de l’Esprit Saint.  Voyez ! Processus d’évangélisation appliqué à un prêtre.

 

        Alors cela va faire en sorte que, si jamais je rencontre sur ma route un prêtre qui me déçoit, qui me blesse, parce que je suis un évangélisateur, il n’y a pas de place pour les lamentations, pas de place pour les critiques, j’irai pas dire : y est pas correct, y est pas fin, y est pas ci.  Qu’est-ce que je fais si un prêtre me déçoit?  Alors je mets en application le processus d’évangélisation envers lui.  Je me mets à prier pour lui, mais pas seulement prier, l’aimer, le servir, témoigner de ma foi, lui expliquer ce que je vis.  Ou encore si je rencontre quelqu’un qui dit : ah ben on va prier pour tel prêtre, on va prier pour lui, il faut prier pour les prêtres, c’est important de lui répondre : oui c’est bien, mais ça ne suffit pas.  Vous voulez prier pour tel prêtre, priez pour lui, mais aussi mettez-vous à l’évangéliser à travers ce processus d’évangélisation.  Et alors nous grandirons ensemble vers une véritable nouvelle évangélisation de nos communautés paroissiales.

 

       Je vous aime, je vous bénis, au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.  Amen !

 

Il est clair que tous les prêtres n’ont pas à s’intéresser au SCPÉ.  Il existe, en effet, plusieurs méthodes de nouvelle évangélisation.  Mais tous doivent veiller à ce que la mission d’évangélisation soit assurée dans leur milieu.  Et pour cela, ma conviction demeure que le renouvellement ou la conversion pastorale des prêtres est absolument nécessaire.  Et les laïcs peuvent grandement y contribuer en travaillant à l’évangélisation du prêtre de leur paroisse.  L’objectif n’est pas de le conduire à telle méthode d’évangélisation en particulier, mais de l’aider à élargir son cœur à la grandeur du don que Dieu veut lui accorder pour le service de l’Église d’aujourd’hui.  Évangéliser est toujours un grand acte de charité.  « L’annonce et le témoignage de l’Évangile sont le premier service que les chrétiens doivent rendre à chaque personne et au genre humain tout entier » (Benoît XVI, Homélie, 25 avril 2005).

C’est donc avec beaucoup d’amour, et par amour que les laïcs travailleront à l’évangélisation de leurs prêtres.  Et dans cette démarche, il ne serait pas étonnant de voir s’établir des liens d’amitié nouveaux, profonds et féconds entre prêtres et laïcs.

 

2.                Le danger de l'éparpillement

         Le principal obstacle à l'évangélisation dans le contexte paroissial est l'éparpillement.  Voilà ma seconde conviction.  On la retrouvait déjà dans le beau texte du concile sur le ministère et la vie des prêtres : « Dans le monde d’aujourd’hui, on doit faire face à tant de tâches, on est pressé par tant de problèmes divers – et réclamant souvent une solution urgente – qu’on risque plus d’une fois d’aboutir à la dispersion » (P.O., 14). Sans cesse, nous sommes sollicités par tous, de toute part.  On nous demande 1001 choses.  Et le drame, c'est que ce sont toutes de bonnes choses. Ce sont toutes des "choses" utiles, saintes et, comble de malheur !,  utiles à l'évangélisation.  J’ai tellement souvent entendu dire cela.

         Qui n'est pas convaincu que la pastorale du baptême est un lieu extraordinaire pour l'évangélisation des jeunes familles?  Que les funérailles sont un lieu extraordinaire pour l'évangélisation des personnes qu'on ne rencontre qu'à cette occasion et qui, de plus, ont le cœur ouvert à ce moment ?  Que la préparation au mariage est une occasion magnifique d'évangélisation  à partir de la si belle et si grande réalité de l'amour humain et de son rêve de bonheur?  Que la liturgie, autant par l'homélie que par l'expérience du mystère, est un lieu formidable d'évangélisation?  Que la catéchèse offre une chance unique d'évangéliser autant les enfants que les adultes qui frappent encore (pour combien de temps?) à la porte de nos paroisses ?  Et que dire de l'accompagnement spirituel, des multiples demandes de bénédiction, de la visite aux malades, des mouvements et associations, sans parler de toutes ses réunions plus nécessaires les unes que les autres?

         Nous pourrions donc affirmer qu’avec toutes ces occasions d'évangélisation, la mission du prêtre en paroisse n'a même pas à être précisée.  Et pourtant…

         Pourtant, c'est dans ce contexte paroissial à peu près inchangé depuis 30 ans que les prêtres évoluent.  Or, ne faut-il pas admettre que cette pastorale a largement fait les preuves de sa stérilité ?  Elle n’a engendré ni chrétiens, ni communautés chrétiennes.  Pourquoi ?  Pourquoi autant d'occasions extraordinaires d'évangélisation mises bout à bout n'ont-elles pas produit le fruit escompté ?  Pourquoi avons-nous tant semé et si peu récolté (cf Ag 1,6)? Les raisons sont diverses et peuvent être exprimées de multiples façons.  J'en retiendrai une seule : l’éparpillement.

         On a semé à tout vent.  C'était l'expression privilégiée dans l'initiation sacramentelle des années ‘80. "L’important, c'est de semer". Oui,  nous avons semé à tout vent, mais avons-nous arrosé, sarclé, engraissé, élagué… quels tristes cultivateurs sommes-nous !  Et si l’image pastorale évoque plutôt le berger, nous avons nourri les brebis encore dans l’enclos, mais avons-nous cherché celles qui étaient perdues, soigné celles qui étaient malades, protégé celles qui étaient attaquées par le loup ?  Quel piètre berger !

         Pour reprendre une autre expression qui fut très populaire, nous n'avons pas assuré le "suivi".  Ah! le fameux "suivi".  Le "suivi" à  la pastorale  du baptême, le "suivi" à l'initiation sacramentelle.  Le "suivi" à la préparation au mariage.  Et pourquoi pas, le "suivi" après les funérailles.  Encore là, la même question: pourquoi ?  Pourquoi n'y a-t-il pas eu de "suivi"?  La même réponse: l'éparpillement.  Il fallait passer aux baptêmes suivants, aux mariages suivants, aux funérailles suivantes, au prochain groupe d’initiation sacramentelle, sans parler de la liste des téléphones à donner suite et des courriels à répondre, des homélies à préparer et des malades à visiter. Tant d'activités belles et saintes, tant de lieux d'évangélisation… qui n’ont pas produit les fruits attendus !

         Comment réagir ?  Nous trouverons bien sûr la réponse dans l'Évangile.  Nous la trouverons en regardant Jésus Christ, nous la trouverons tout autant en regardant les apôtres ou saint Paul.

         De quoi est fait le ministère de Jésus ?  À première vue, Jésus semble "éparpillé". Il va de village en village.  Il rencontre et enseigne des foules.  Il multiplie les guérisons et les exorcismes.  Il répond à tous ceux qui le sollicitent.  Mais, en fait, Jésus se consacre tout entier à sa mission.  J’aime reconnaître une des belles expressions de la mission de Jésus dans le passage suivant :

Le soir venu, après le coucher du soleil, on lui amenait tous les malades, et ceux qui étaient possédés par des esprits mauvais. La ville entière se pressait à la porte. Il guérit toutes sortes de malades, il chassa beaucoup d'esprits mauvais et il les empêchait de parler, parce qu'ils savaient, eux, qui il était. Le lendemain, bien avant l'aube, Jésus se leva. Il sortit et alla dans un endroit désert, et là il priait.  Simon et ses compagnons se mirent à sa recherche.  Quand ils l'ont trouvé, ils lui disent : « Tout le monde te cherche. » Mais Jésus leur répond : « Partons ailleurs, dans les villages voisins, afin que là aussi je proclame la Bonne Nouvelle ; car c'est pour cela que je suis sorti. »  Il parcourut donc toute la Galilée, proclamant la Bonne Nouvelle dans leurs synagogues, et chassant les esprits mauvais (Mc 1, 32-39).

Dans ce passage, on cherche à détourner Jésus de sa mission.  Et il réagit très vivement : Non !  Je dois poursuivre la mission qui est mienne.  « Allons ailleurs, pour que j’y annonce aussi l’Évangile ».  Cette simple parole nous révèle clairement que la mission de Jésus est double : faire advenir le Royaume de Dieu par l’annonce de l’Évangile et former ses apôtres institués pour fonder l’Église qui poursuivra cette mission d’assurer la croissance du Royaume.  Cette seconde partie de la mission de Jésus se voit dans le fait qu’il dit : « Allons ailleurs ».  Il ne dit pas seulement que lui doit aller ailleurs.  Il dit clairement : j’y vais et vous venez avec moi.  Dès le début de sa vie publique, Jésus se choisit des apôtres.  Ils seront toujours avec lui.  Il leur consacre le meilleur de son temps.   Ainsi, la mission de Jésus consiste à annoncer l’Évangile et à former ses apôtres.  Il se consacre entièrement et uniquement à cela.  Il dira clairement, à la fin de sa vie : « pour eux, je me consacre » (Jn 17,19)

Ainsi, la réponse à l'éparpillement ne se trouve pas directement dans ce que Jésus fait, mais dans la manière dont il le fait: il s'y consacre tout entier.  Nous n’avons pas tous la même mission, mais nous avons tous à nous y consacrer pour qu’elle soit féconde.  Voilà pourquoi, j’aime dire que la réponse à l’éparpillement est la consécration. À partir du baptême par Jean, Jésus laisse tout pour se consacrer à sa mission. Et chaque fois qu'on cherche à le détourner de sa mission, il réagit avec vigueur.  Aucune mission ne peut être féconde, si la personne appelée ne s'y consacre pas tout entier, dès le moment où elle y est appelée.

Regardons maintenant l’expérience des apôtres, en particulier dans le célèbre récit de l'institution des sept (Ac 6, 1-7). "Il ne convient pas, disent-ils, que nous délaissions la Parole de Dieu pour le service des repas".  Le "service des repas" est quelque chose d'excellent et d'important.  Sans doute peut-on même y voir un lieu d'évangélisation.  Et pourtant, les apôtres, se rappelant ce pour quoi ils ont été choisis, appelés, formés et institués, réagissent avec vigueur : « il ne convient pas ».  Qu’est-ce qui convient ?  Qu’ils se consacrent à la prière et à l’annonce de la Parole.  Et leur Parole a retenti jusqu'aux confins de la terre.

Et que dire de Paul?  Nous connaissons tous son célèbre : "Malheur à moi si je n'évangélise pas" (1 Co 9,16)  Il s'y est consacré totalement et jusqu'au fond de sa prison.  Arrêtons-nous seulement à deux paroles lumineuses à ce sujet.  Alors qu’il invite les Corinthiens à cesser leurs disputes intestines, il précise sa mission : « Le Christ ne m’a pas envoyé baptiser, mais annoncer l’Évangile »  (1 Co 1,17).  La parole est claire.  Paul sait ce pour quoi il a été choisi, formé et envoyé, et il s’y consacre entièrement.  Il ne dit pas que l’annonce de l’Évangile est plus importante que la célébration du baptême.  Il dit seulement que, lui, « n’a pas été envoyé pour baptiser, mais annoncer l’Évangile »  Il y a là toute une réflexion à faire pour le prêtre qui œuvre en paroisse.  Il ne s’agit pas de choisir entre l’un  ou l’autre.  Il s’agit de discerner son appel et de s’y consacrer.

On trouve un autre exemple en Ac 18, 1-5.  Paul, arrivant à Corinthe, se lie d’amitié avec Priscille et Aquilas et se met à travailler avec eux comme fabricants de tentes.  Mais, « quand Silas et Timothée furent arrivés de Macédoine, Paul se consacra tout entier à la Parole »  Ici, Paul reconnaît qu’il y a un temps pour chaque chose.  Il y a un temps pour établir des liens d’amitié et travailler de ses mains.  Cela fait partie de l’Évangélisation.  Il y a un temps pour se consacrer entièrement à l’annonce de l’Évangile.  Le discernement portera donc aussi sur le temps : à quoi suis-je appelé aujourd’hui ?

Encore une fois, l'accent n'est pas ici sur le quoi mais sur le comment.  Je ne dis pas, et Paul non plus, que l'annonce de l'Évangile est plus important que le baptême, ou le travail manuel, ou le service des repas.  Je dis que Paul s'est consacré à ce pour quoi il a été appelé, que les apôtres se sont consacrés à ce pour quoi ils ont été institués, que Jésus lui-même s'est consacré à sa mission telle que donnée par le Père.  Et je redis donc, en conclusion de ce point, que la réponse à l'éparpillement est la consécration.  Chaque prêtre doit discerner ce pour quoi il a été personnellement choisi, appelé, formé et s'y consacrer entièrement.  Ce n'est pas le ministère qui doit guider le prêtre.  Ce ne sont certainement  pas les multiples demandes.  C'est le Christ par son Esprit, i.e. par l’onction avec laquelle il a marqué chacun d’entre nous.

Cher frère prêtre, consacre-toi à ce pour quoi tu as été institué par le Christ lui-même,  et tu verras ton ministère devenir fécond.

3.                La nécessité d’initiatives nouvelles.

La 3e conviction que j’aimerais partager s’exprime ainsi : la nouvelle évangélisation ne peut pas se réaliser en s’en tenant uniquement aux activités pastorales habituelles de nos paroisses.  C’est une conviction très dérangeante.  J’ai été fort heureux de trouver une confirmation à cette conviction personnelle dans un texte de Benoît XVI, qu’une amie m’a remis juste avant mon trois mois sabbatique.  Il explicite de manière claire et pertinente ce que j’essayais maladroitement de balbutier.  Je le cite de mémoire :

« Depuis toujours, l’Église évangélise à travers les services pastoraux qu’elle offre.  Cependant, nous devons constater aujourd’hui qu’un grand nombre de personnes ne sont pas rejoints par ces services que nous pourrions appelés traditionnels.  Voilà pourquoi nous apparaît nécessaire une nouvelle évangélisation »

Il est bon ici de s’arrêter un moment pour faire l’inventaire des activités pastorales « habituelles » de nos paroisses.  Au cours des dernières années, la vie de nos paroisses s’est comme cristallisée autour d’un certain nombre de « services pastoraux ».  Ce sont les suivants :

-         eucharistie dominicale et de semaine;

-         pastorale du baptême, du mariage et des funérailles;

-         pastorale catéchétique, qui occupe actuellement une grande part de nos énergies et de nos espoirs;

-         visite aux malades;

-         services de secrétariat et d'administration.

À cela s’ajoutent un certain nombre de groupes et de mouvements habituellement très autonomes par rapport à la paroisse, i.e. indépendants du prêtre et de l’équipe pastorale.

Il est bon de prendre le temps de regarder ce visage de nos paroisses avec un certain recul et une vision d’ensemble.  Nous y découvrons que, finalement, l’Église est « une petite business » et qu’il peut être assez simple d’assurer l’ensemble de ces services pastoraux.  Avec un minimum de perspicacité, nous y découvrons également ce que j’essaie d’exprimer dans cette 3e conviction.  Tous ces services pastoraux n’ont pas comme objectif l’évangélisation.  Nous pouvons, bien sûr, chercher à leur surajouter cet objectif.  Mais il ne faut pas s’attendre à obtenir de grands résultats.  Et surtout, il doit être clair que ces services ne peuvent en aucune manière devenir l’essentiel de nos moyens d’assurer la mission de la nouvelle évangélisation, ni même celle de la première évangélisation.  Ce n’est pas leur but.  Il faut donc chercher ailleurs.  Et, vraisemblablement, il faudra initier des chemins nouveaux.

En fait, il est facile de comprendre que l’évangélisation n’est pas le but premier des services pastoraux.  Comme leur nom l’indique, ces services sont offerts à des personnes qui font déjà partie de la communauté chrétienne.  Au contraire l’évangélisation, au sens strict, vise les personnes qui ne font pas partie de la communauté chrétienne.  Elle vise à leur faire connaître Jésus-Christ et son Évangile, à leur communiquer la vie de la grâce en réveillant la foi et à leur permettre de joindre la communauté chrétienne.  C’est d’ailleurs ce processus d’adhésion à la communauté chrétienne qui constitue la principale différence de visée entre les services pastoraux habituels et ce qu’on appelle la nouvelle évangélisation.  La réalité, c’est que nous connaissons un seul modèle d’adhésion à la communauté chrétienne : le modèle traditionnel de chrétienté.  Il se décrit comme suit : un enfant naît; il est baptisé; il grandit dans une famille chrétienne; il suit la catéchèse à l’école ou en paroisse; il est initié à travers les « sacrements de l’initiation chrétienne »; et, au bout de ce chemin, il est devenu un chrétien adulte, membre à part entière de la communauté.  Or, depuis plus de 30 ans, nous voyons que ce modèle d’adhésion à la communauté chrétienne ne fonctionne plus.  Bien que, en lui-même, il soit un modèle formidable, voire idéal, c’est un très petit nombre de personnes qui, actuellement, joignent les rangs de la communauté chrétienne à travers ce modèle.  Or, inconsciemment, nous croyons encore en ce modèle.  Il est le seul que nous connaissons.  Et tous nos efforts, en particulier dans la pastorale catéchétique, visent à le ressusciter !

Le processus par lequel un adulte se convertit et adhère à la communauté chrétienne est un processus qui est complètement étranger à notre pastorale paroissiale.  Et même, nous en avons peur.  Pourtant, il est le principal modèle que nous offre le livre des Actes des apôtres.  Nous craignons comme la peste le prosélytisme.  Tout appel à la conversion nous choque et nous heurte.  Et, partant, nous en venons, plus ou moins consciemment, à nier et à refuser la nouvelle naissance nécessaire pour « voir le royaume de Dieu » (Jn 3, 3).  Voilà pourquoi nous résistons tellement à la nouvelle évangélisation et aux nouvelles initiatives que quelques-uns osent proposer.  Voilà certes un élément clé de la « conversion pastorale ».

Mais revenons plus directement à notre sujet en ajoutant un mot, peut-être un peu bête, mais qui peut être éclairant.  Imaginons qu’on place un saint prêtre dans une paroisse et que, par impossible, celui-ci décide de s’en tenir aux services pastoraux existants.  Il ne pourrait pas, malgré toute sa sainteté, y assurer la nouvelle évangélisation.  Je dis « par impossible » parce qu’il est clair pour moi qu’un saint prêtre ne ferait pas cela.

Prenons l’exemple du patron de tous les curés, saint Jean-Marie Vianney, le curé d’Ars.  Parfois, on a l’impression que le curé d’Ars a évangélisé uniquement par sa sainteté personnelle, en s’en tenant aux activités ordinaires du ministère presbytéral : célébrer la messe avec foi, prier le chapelet humblement et confesser avec une grande charité.  Il n’en est pas tout à fait ainsi.  Voici comment j’ai perçu le ministère, et j’oserais dire le secret, du curé d’Ars.  Ceux qui le connaissent mieux que moi pourront me corriger.  Lorsqu’il arrive à Ars, le saint curé se rend à l’église afin de prier pour sa paroisse.  « Mon Dieu, dit-il, obtenez-moi la conversion de ma paroisse. »  En réponse, le Seigneur lui inspire une première initiative nouvelle : il se met à visiter ses paroissiens afin de les bien connaître et d’établir un lien de confiance avec eux.  Il se rend dans les champs le jour, et dans les maisons le soir.  Il donnera ainsi naissance à ce qui deviendra plus tard, la « visite de paroisse » et qui entrera, pendant toute une époque, dans les « activités pastorales ordinaires ».  Mais, lorsque le curé d’Ars l’entreprend, il s’agit d’une initiative nouvelle, inspirée dans la prière.

De cette première initiative, le curé d’Ars comprend le besoin principal de ses paroissiens : la formation.  De là, il investira beaucoup, lui qui avait si peu d’instruction, dans le catéchisme et l’aménagement d’écoles.

Ce sont ces initiatives nouvelles qui, jointes à sa sainteté personnelle et la favorisant, provoqueront un rayonnement missionnaire exceptionnel qui contribuera à l’évangélisation nouvelle de la France tout entière.

Ainsi donc, ma conviction se précise.  Dans le contexte paroissial actuel, le prêtre qui désire assurer une nouvelle évangélisation de son milieu ne peut pas se cantonner dans les activités pastorales ordinaires.  Que doit-il faire ?  Il doit prier et demander au Seigneur « l’évangélisation de sa paroisse ».  En réponse, le Seigneur lui montrera clairement dans quelle initiative nouvelle il doit investir. Il pourra être inspiré de créer une approche nouvelle ou d’adopter une méthode existante.  Il existe un certain nombre de méthodes de nouvelle évangélisation adaptées à la réalité paroissiale.  La meilleure sera celle que le prêtre discernera dans la prière et à laquelle il se consacrera entièrement.  Il devra ensuite partager le fruit de son discernement, sa « vision », avec ses proches collaborateurs et ses paroissiens, afin de l’ajuster et de la mettre en œuvre.

Si tous les prêtres, si quelques prêtres seulement font cette démarche honnêtement et dans la foi, il faut s’attendre à ce que le Seigneur réponde généreusement et inspire des projets qui rayonneront sur une région, un diocèse, et plus largement encore.

Plusieurs questions surgissent ici, bien sûr.  Comment un prêtre peut-il assurer tous les services pastoraux, souvent à l’échelle de plusieurs paroisses, et en même temps entreprendre des initiatives nouvelles ?  Ne risque-t-il pas de s’éparpiller et de s’épuiser ?  Le prêtre qui s’engage avec ardeur dans une initiative nouvelle d’évangélisation ne risque-t-il pas de délaisser les paroissiens qui s’investissent dans les services pastoraux ordinaires ?  Comment assurer des liens entre ces initiatives nouvelles et la vie « ordinaire » de la paroisse ?

Ce sont des questions importantes.  Leur complexité et la difficulté d’y répondre ne doivent cependant pas être un prétexte pour ne rien entreprendre.  Si, dans la foi, un prêtre entreprend une initiative nouvelle en fidélité à ce que le Seigneur lui inspire, qu’il soit assuré que les réponses viendront au fur et à mesure où l’expérience se déploiera.  Et l’Esprit Saint donnera encore plus de lumière que tout ce qu’on aurait pu imaginer.

C’est ainsi que, pour ma part, j’ai été amené à développer un « modèle d’implantation d’une Communauté chrétienne missionnaire ».  Je décrirai ce modèle dans le 3e chapitre et préciserai alors quelques éléments de réponse qu’apporte ce modèle.  Pour le moment, limitons-nous à accueillir cette 3e conviction.

 

 


CHAPITRE 2

UN TRIPLE ENGAGEMENT DU PRÊTRE

 

Lorsqu’un prêtre saisit l’importance et l’urgence de son renouvellement personnel, lorsqu’il comprend qu’il doit recentrer son ministère autour d’initiatives nouvelles d’évangélisation que le Seigneur lui inspire, alors il cherche à réorganiser sa vie autour d’un triple engagement.  Dans sa vie spirituelle, il s’engagera résolument à tendre vers la sainteté.  Il engagera l’ensemble de sa vie personnelle dans un « style de vie » évangélisateur.  Et il engagera bien sûr son apostolat dans une méthode précise d’évangélisation.

 

1  L'engagement à la sainteté.

"Pour favoriser la tension des prêtres vers la perfection spirituelle dont dépend   avant tout l'efficacité de leur ministère, j'ai décidé de proclamer une année sacerdotale." (Benoît XVI devant la Congrégation du Clergé, le 16 mars 2009).  Voilà résumé en quelques mots le premier engagement du prêtre qui se livre à la nouvelle évangélisation.  Avant de rappeler que cette « tension vers la perfection spirituelle », i.e. vers la sainteté, est union au Christ et amour du prochain, j’aimerais la présenter comme un chemin de bonheur.

1.1 La sainteté: chemin de bonheur.

La notion de « bonheur » est une notion complexe.  Nous savons tous que le bonheur, en vérité, n'est pas un objectif, mais une conséquence.  Lorsque je remporte une victoire, je suis heureux.  Lorsque j'aime et que je suis aimé, je suis heureux.  L'objectif étant, respectivement, la victoire et l'amour.  Et le bonheur découlant, comme conséquence, de la victoire et de l'amour partagé.  Mais c'est là une définition pour les philosophes.

Concrètement, sur le terrain, le prêtre doit clairement poser que son engagement à la sainteté est un engagement au bonheur. Il y a une parfaite égalité entre les deux et cela doit paraître.  De la même manière, il nous faudra clairement saisir que l’évangélisation est une déclaration de bonheur, un appel au bonheur humain intégral.  C’est une des belles trouvailles du projet ecclésial diocésain de Joliette d’avoir défini la mission de l’Église comme révélation « du projet de bonheur tracé par Jésus ».  Évangéliser l’homme, c’est évangéliser le bonheur humain, montrer que l’Évangile n’est pas un obstacle au bonheur, comme on le croit parfois en se référant à certaines approches morales, mais chemin d’un bonheur durable et profond.  De quoi est fait ce bonheur ?

Le bonheur d'être aimé.

La première source du bonheur chrétien est la certitude d'être aimé.  Aimé par Dieu.  C'est aussi la première source du bonheur du prêtre. Précédant toute réponse, tout acte de notre part, la prise de conscience de l'amour du Christ pour moi. « Il m'a aimé et s'est livré pour moi » (Ga 2,20).  C'est ce que je traduis pour mes paroissiens en leur redisant souvent: « respire ».  Cela signifie: accueille la vie comme un don, et un don d'amour.  Tu es vivant.  Tu es aimé.  Voilà le point de départ.

Le bonheur d'être prêtre.

Et puis vient le bonheur spécifique de chaque vocation chrétienne.  Pour nous, le bonheur d'être prêtre.  Le Christ a mis entre nos mains un tel trésor.  Celui de l'Eucharistie.  Celui du pardon.  Celui de la Parole.  Celui d’agir en son nom.  Comment ne serions-nous pas heureux quand chaque jour, nous reprenons les gestes du Christ ? Quand, soudainement, là, sous nos yeux et sous nos mains, un petit morceau de pain devient présence amoureuse du Christ se livrant pour tous et pour moi ? Comment ne serions-nous pas heureux quand des hommes et des femmes viennent humblement confier leurs fardeaux au Christ qu'ils reconnaissent en nous, à ce Christ qui a dit: "Venez, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau". Et quand ceux-ci repartent heureux, renouvelés, d'avoir entendu une parole: « Je te pardonne tous tes péchés ».  Parole pauvre dite parfois au coin d'un lieu plus pauvre encore.  Parole dont nous n'avons pas le contrôle, et dont la puissance dépend bien plus de la foi de la personne qui entend, que de celle qui la dit.

Comment ne serions-nous pas heureux de partager les secrets de tant de cœurs qui se confient à nous?  De découvrir ainsi les mystères du cœur humain ?  Comment ne serions-nous pas heureux d'avoir été choisi et appelé à ce saint ministère.  Non pas qu'il soit plus important - qui pourrait évaluer cela ? - mais parce qu'il repose sur un choix toujours surprenant, un appel qui vient bousculer l'ordre naturel des choses.

Le bonheur de souffrir.

Enfin, le prêtre ne trouve-t-il pas son bonheur jusque dans ses souffrances ? « Je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous, car ce qu'il reste à souffrir des épreuves du Christ, je l'accomplis dans ma propre chair, pour son corps qui est l'Église. » (Col 1,24).  Le prêtre ne souffre ni plus ni moins que les autres.  Mais sa souffrance a peut-être plus immédiatement une valeur rédemptrice.

La souffrance est d'abord rédemptrice pour soi.  Saint Jacques le décrit admirablement bien « Mes frères, quand vous butez sur toute sorte d'épreuves, pensez que c'est une grande joie.  Car l'épreuve, qui vérifie la qualité de votre foi, produit en vous la persévérance, et la persévérance doit vous amener à une conduite parfaite ; ainsi vous serez vraiment parfaits, il ne vous manquera rien » (Jc 1, 2-4).  En langage d'aujourd'hui, on dirait: "la souffrance fait grandir".

Et puis, la souffrance est rédemptrice pour les autres, comme le dit saint Paul dans le texte cité plus haut.  Le prêtre n'est-il pas configuré d'une manière spéciale au Christ prêtre ?  Et le Christ n'est-il pas prêtre d'une manière spéciale lorsque, du haut de la croix, il s’offre librement à l’amour. Dans cette identification, toute souffrance prend sens. Toute souffrance devient partie intégrante du ministère.  La souffrance n'est pas moins douloureuse.  Mais elle prend place plus spontanément dans l'harmonie de notre vie.  Quel bonheur !  « Votre joie, nul ne vous l’enlèvera » (Jn 16, 22).

Oui, la sainteté est bel et bien un chemin de bonheur.  Le chemin par excellence du bonheur.  Que le prêtre en soit toujours convaincu.

1.2 La sainteté: union au Christ.

Sur le chemin de la sainteté, la question qui suit immédiatement: « Es-tu heureux ? », c'est celle que Jésus ressuscité pose à Pierre sur le bord du lac : « M’aimes-tu plus que ceux-ci ?» (Jn 21, 15)

Le prêtre doit s'engager d'une manière spéciale dans cet amour de prédilection envers le Christ.  Il y a quelques années, lorsque je témoignais de ma vocation, spécialement auprès de groupes d’adolescents, je leur partageais toujours l’expérience suivante.  Vers 16-17 ans, j'ai passé de longs moments dans le silence d'une petite chapelle à la paroisse ou j’ai grandi.  Et là, c’était comme si Jésus me disait: "Je veux être pour toi l'unique Amour".  Ce partage faisait toujours réagir les jeunes.

Même si, dans l'Église catholique, le prêtre diocésain n'est pas considéré comme un "consacré", au sens de la "vie consacrée", il n'en demeure pas moins qu'il vit cette "consécration" à travers l'accueil premier du don du "célibat pour le Royaume".  En choisissant ses prêtres parmi les hommes qui ont d’abord accueilli l’appel au célibat d’amour, l’Église manifeste clairement qu’il y a une « consécration » et une union particulière au Christ dans tout ministère presbytéral.  Et le sens de ce célibat est très clair: me réserver tout entier pour Dieu seul.  La question ne porte pas tellement sur la disponibilité extérieure, qui est très relative, mais sur la disponibilité du cœur : pour Dieu seul et, de là, pour tous.

Le prêtre est donc "tendu vers la perfection spirituelle" en aimant le Christ plus qu'il aime toute personne humaine.  Son amour pour le Christ est premier à tout point de vue.  Concrètement, il aura, selon son type spirituel personnel, à se donner des moyens pour réaliser cela.  Même si ces moyens varient d'un prêtre à l'autre, la primauté de la vie de prière personnelle sera valide pour tous.

Et il vaut la peine de citer encore ici un large extrait du numéro 14 de Presbyterorum ordinis, qui nous orientera déjà vers le paragraphe suivant:

Les prêtres, eux, sont engagés dans les multiples obligations de leur fonction, ils sont tiraillés, et ils peuvent se demander, non sans angoisse, comment faire l’unité entre leur vie intérieure et les exigences de l’action extérieure.  Cette unité de vie ne peut être réalisée ni par une organisation purement extérieure des activités du ministère, ni par la seule pratique des exercices de piété qui, certes, y contribuent grandement.  Ce qui doit permettre aux prêtres de la construire, c’est de suivre, dans l’exercice du ministère, l’exemple du Christ Seigneur, dont la nourriture était de faire la volonté de celui qui l’a envoyé et d’accomplir son œuvre (Cf Jn 4, 34).  Car, en vérité, le Christ, pour continuer toujours à faire dans le monde, par l’Église, la volonté du Père se sert de ses ministres.  C’est donc lui qui demeure toujours la source et le principe de l’unité de leur vie. Les prêtres réaliseront cette unité de vie en s’unissant au Christ dans la découverte de la volonté du Père, et dans le don d’eux-mêmes pour le troupeau qui leur est confié.  Menant ainsi la vie même du Bon Pasteur, ils trouveront dans l’exercice de la charité pastorale le lien de la perfection sacerdotale qui ramènera à l’unité leur vie et leur action.

1.3 La sainteté: charité en actes.

La charité active est une conséquence immédiate et une authentification de notre union au Christ.  Elle en est le fruit le plus visible et le plus connu.  Tellement que nous confondons parfois l'une avec l'autre.

« Va, et toi aussi fais de même » (Lc 10, 37).  L'engagement à la sainteté inclut un engagement à la charité.  Celle-ci sera tout à la fois un désir, car nous sommes tellement pauvre de charité si souvent, et un exercice.  Les actes concrets et volontaires de charité demeurent un des plus beaux, plus grands et plus simples exercices de sainteté.  C'est la fameuse B.A. du mouvement scout.

La charité du prêtre ne se limitera pas aux activités de son ministère.  Elle sera en toute chose.  C'est d'ailleurs, selon le mot du décret sur le ministère et la vie des prêtres que nous venons de citer, la forme spécifique de la spiritualité du prêtre diocésain: la charité pastorale.  La charité dans les toutes petites choses du quotidien sera souvent un levier puissant d'évangélisation.  Combien de fois, j'ai vu des cœurs s'ouvrir parce qu'on avait vu le prêtre laver la vaisselle, accompagner quelqu'un à l'hôpital, aider à ramasser à la fin d’une soirée, etc.

Unique voie du bonheur humain profond et durable, la sainteté repose sur une union toujours plus étroite avec le Christ et conduit à une charité toujours plus active et féconde envers tous.  Cet engagement du prêtre à la sainteté doit accompagner tout engagement à l’évangélisation.

 

2.  L’engagement à l’évangélisation

L’engagement à la sainteté, la croissance dans une vie heureuse d’union au Christ et d’amour fraternel, ouvre sur un désir toujours plus intense d’apostolat.  Comment partager ce bonheur ?  Comment faire connaître l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ ?  Comment rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés ?

Ce désir apostolique rencontre le désir du Christ lui-même.  C’est ce qu’exprime la suite du dialogue entre Jésus ressuscité et Pierre sur le bord du lac : « Pais mes brebis ».  Cet appel ne fait que confirmer un désir non encore clairement reconnu ni exprimé, mais bien présent dans le cœur de Pierre.  Le désir de suivre à nouveau Jésus et de le servir.

En ce qui nous concerne, cet apostolat, ce « pais mes brebis », prendra le visage de ce que nous appelons ici l’évangélisation ou, mieux encore, la nouvelle évangélisation.  Précisons encore. Il s’agira de mettre en œuvre le désir évangélique de ramener au Père ses enfants dispersés (Cf. Jn 11,52) dans le contexte spécifique de la paroisse aujourd’hui.

2.1 Un appel personnel

Ce que je veux exprimer ici m’apparaît être le devoir de tout prêtre en paroisse.  J’en prends comme exemple le « projet ecclésial » diocésain de Joliette.  Le premier défi exprimé dans ce projet est celui de la mission, décrite comme suit :

«  Accueillir la Bonne Nouvelle
pour devenir des révélateurs du projet de bonheur tracé par Jésus
et rejoindre les gens dans leur vie quotidienne » (Projet ecclésial diocésain 2004)

Ainsi, le prêtre œuvrant en paroisse reçoit la responsabilité première de faire en sorte que cette mission soit mise en œuvre dans sa paroisse.  Il me semble que tout ce que j’exprime dans cet essai va dans ce sens.  Mais comme les manières de voir et les convictions varient beaucoup, je choisis de présenter ce thème sous l’angle d’un appel personnel.  Voyant la réalité de sa paroisse, voyant à quel point une majorité de gens de sa paroisse sont loin de Dieu, par ignorance ou pour toute autre raison, et voyant le peu de fruits que produisent les services paroissiaux tels que vécus, il est possible que surgisse dans le cœur du prêtre un appel particulier.  Le désir de faire quelque chose pour que la situation change.

C’est ce que Jésus a vécu.  « Voyant les foules, Jésus eut pitié d’elles parce qu’elles étaient comme des brebis sans berger.  Alors, il dit à ses disciples : La moisson est abondante mais les ouvriers peu nombreux, priez donc le maître de la moisson pour qu’il envoie des ouvriers à sa moisson » (Mt 9, 36-38).  Depuis quelques décennies, une prière fervente monte vers le Seigneur à ce sujet.  Le Seigneur entend et répond.  Comment ?  En suscitant de nouvelles vocations, de nouveaux appels ! Et parmi ces nouvelles vocations, il y a des appels nouveaux adressés à ses prêtres.

Ainsi, le prêtre qui entend cet appel nouveau ne doit pas hésiter à y répondre et à s’y consacrer totalement.  Nous avons vu déjà comment la consécration était la meilleure réponse au risque de dispersion. J’aimerais maintenant aller un peu plus loin et préciser ce que sera cette consécration à l’intérieur de l’engagement à l’évangélisation.

2.2 Les choix apostoliques

L’engagement à l’évangélisation sera total et exclusif.  Le prêtre qui répond à cet appel consacrera à l’évangélisation tous les domaines de sa vie et en exclura tout ce qui ne servirait pas cette mission.  Cependant, il devra s’y engager de manière progressive.

Il commencera en privilégiant les activités directement liées à la nouvelle évangélisation.  Comme il s’agit la plupart du temps d’activités nouvelles par rapport aux services pastoraux traditionnels, il devra en même temps choisir de mettre de côté certaines activités apostoliques, les confiant à d’autres ou les laissant tomber.  Cela ne se fera pas toujours sans résistance.  Pour y rester fidèle, il se rappellera ce à quoi il a été appelé. Sans cesse, il reviendra à l’épisode du choix des sept dans les Actes des apôtres et, en particulier, à cette parole très forte : « il ne convient pas que nous délaissions la parole de Dieu pour le service des tables » (Ac 6,2)  Cette sentence est extrêmement importante.  Chacun doit rester fidèle à ce pour quoi il a été appelé et institué dans la foi.  Les apôtres ne disent pas que le service des tables n’est pas important.  Ils disent que, eux, n’ont pas été appelés et institués pour cela.  Le prêtre appelé par Dieu, par grâce, à exercer une mission de nouvelle évangélisation dans un contexte paroissial devra faire des choix semblables.  Il ne dit pas que le reste n’est pas important.  Il dit que lui a été choisi pour un service et « il ne convient pas » qu’il abandonne cet appel spécifique pour un service que d’autres peuvent accomplir.

2.3 L’application des principes

Le prêtre qui s’engage sur les sentiers de la nouvelle évangélisation apprendra et découvrira les principes de l’évangélisation.  Ces principes sont extrêmement importants.  La fécondité apostolique des activités d’évangélisation dépend en bonne partie du respect de ces principes.  De plus, c’est en appliquant petit à petit ces principes aux autres activités pastorales que celles-ci contribueront de plus en plus à l’évangélisation.

Ainsi, nous savons que, dans la majorité des cas, les services pastoraux doivent être vus et vécus comme une porte d’entrée, un lieu de première annonce de l’Évangile.  Sachant cela, le prêtre y privilégiera la qualité de l’accueil, la simplicité, la recherche d’un langage nouveau et l’annonce kérygmatique.  Et il invitera ses proches collaborateurs à faire de même.  Dans la fidélité au principe du un à un, il s’efforcera de créer des liens et d’inviter ses amis à créer des liens.  Dans le respect du principe de Jéthro, il délèguera toutes les tâches qui peuvent être déléguées.  À l’exemple du Christ qui choisit et forme les douze, il investira sur la formation des « leaders ». Et ainsi de suite.  Il mettra ainsi en œuvre dans l’ensemble de sa pastorale, les différents principes qu’il découvre et approfondit.

Sachant que la première annonce, telle que vécue dans ces services pastoraux, n’est qu’une toute petite part de l’œuvre d’évangélisation, il veillera à ce que ce type d’activité ne monopolise pas tout son temps.  Et ultimement, il élaguera les activités qui se révéleront complètement en dehors du champ de l’évangélisation.

2.4 Une vie tout entière engagée

L’évangélisation est un style de vie.  Ce n’est pas une activité parmi d’autres.  Elle ne s’accomplit pas à certaines heures ou à certains moments de nos vies.  Le prêtre, comme le laïc, qui accueille un appel à se consacrer à la nouvelle évangélisation s’y consacrera à temps plein.  Toute sa vie sera orientée vers cet unique objectif.

Nous venons de parler de la vie apostolique.  Dans la première partie de ce chapitre, nous avons aussi fait allusion à la vie de prière.  L’importance accordée à ce perfectionnement spirituel demeure, bien sûr, fondement de la fécondité apostolique.  L’engagement total dans une mission d’évangélisation ne s’oppose pas à la primauté de la vie théologale.  Au contraire, il la suppose et, en retour, la perfectionne.  On peut lire à ce sujet l’excellente petite synthèse de François-Régis Wilhelem : « Agir dans l’Esprit» (Éditions du Jubilé, 1997).

Quant à la gestion des temps libres et des loisirs, elle devra sans cesse être évangélisée.  Les loisirs, les journées de congé, les vacances, ne peuvent être considérés comme ne faisant pas partie de l’évangélisation.  Le prêtre cherchera au contraire la meilleure façon pour lui de se reposer vraiment, de se ressourcer vraiment, de s’instruire et d’entretenir de véritables relations d’amitié.  Tout cela contribuera pleinement et bellement à l’évangélisation.

 

3.  L’engagement à une méthode d’évangélisation.

L’engagement à l’évangélisation ne peut rester général.  Il s’incarnera dans le choix d’une méthode précise.  L’engagement concret et résolu, en même temps que humble et généreux à mettre en œuvre une méthode d’évangélisation, sera source d’espérance, autant pour le prêtre lui-même, que pour les paroissiens qui y participeront ou en seront témoins.

Il existe une multitude de méthodes d’évangélisation.  Elles n’ont pas toutes la même valeur et la même pertinence.  Leur valeur est directement liée à  la qualité des principes d’évangélisation qu’elles déploient.  Leur pertinence est liée à la possibilité concrète de la mettre en œuvre dans un milieu paroissial donné, à un moment donné.  Toutefois, en fin de compte, la meilleure méthode sera celle que le prêtre discernera et mettra en œuvre en y investissant toute sa foi et tout son cœur.

D’une part, ce discernement est personnel.  Le prêtre qui a entendu l’appel à se consacrer à la nouvelle évangélisation dans le cadre paroissial se mettra d’abord en prière.  Il suppliera le Seigneur de lui indiquer clairement quelle méthode d’évangélisation il doit apprendre à connaître et mettre en œuvre.  Il demandera également, dans sa prière, les précisions sur la manière de la mettre en œuvre dans son milieu.  Plusieurs auteurs appellent cela « demander la vision ».  On retrouve cette expression dans la prière d’ouverture de la messe du 1er dimanche ordinaire :

« Aux appels de ton peuple en prière, réponds Seigneur, en ta bonté.

Donne à chacun la claire vision de ce qu’il doit faire et la force de l’accomplir. »

Il est bon de noter ici que, très souvent, la première partie de la vision, celle qui concerne le choix de la méthode, viendra en même temps que l’appel à la nouvelle évangélisation.  La découverte d’une méthode portera souvent l’appel. Sinon, des événements de Providence clairs permettront au prêtre d’entrer en contact avec une méthode d’évangélisation, d’y percevoir un appel et d’en recevoir la grâce.

D’autre part, ce discernement est aussi communautaire et ecclésial.  Dans son discernement le prêtre tiendra compte de plusieurs facteurs.  Il regardera quelles sont les méthodes d’évangélisation mises en œuvre dans son entourage (paroisses voisines, diocèses voisins).  Il regardera, bien sûr, ce qui existe déjà dans sa paroisse.  Il est clair que la solidarité presbytérale est bienvenue en ce domaine, bien qu’il semble qu’elle soit plutôt rare pour le moment.  Le prêtre qui arrive dans un nouveau milieu regardera en premier lieu la possibilité de poursuivre ce que son prédécesseur avait initié.  Il travaillera aussi à faciliter la continuité après son départ.

Ce discernement pourra aussi être vécu de manière collégiale, en équipe presbytérale, en équipe pastorale ou en équipe de proximité.  Même s’il faut considérer que la « vision » est, la plupart du temps, donnée à un individu en particulier, il arrive que cette vision puisse être éclairée en équipe.  Et en tout état de cause, elle devra éventuellement être partagée avec les proches collaborateurs.

Une fois le discernement fait et la méthode choisie, le prêtre s’y consacrera entièrement, sachant bien, qu’il n’a pas trouvé « la » solution.  Il répond simplement, mais fermement, à un appel du Seigneur.  Il y répond de tout son cœur et avec la certitude de foi que le Seigneur accomplira de grandes choses à travers cette humble réponse.  C’est le FIAT de Marie, qui accompagne son « comment cela va-t-il se faire?» (Lc1, 34)  Autrement dit, le prêtre se met à l’œuvre avec la certitude de foi que cela va s’accomplir puisque le Seigneur l’a dit, mais il ne voit pas exactement comment.  Et le Seigneur lui enseignera tout au fur et à mesure.  Le prêtre qui s’engage à une méthode d’évangélisation s’engage donc en même temps à une grande docilité à l’Esprit Saint.  Celui-ci guidera tout à travers des intuitions intérieures et à travers des événements de Providence.

C’est ce qu’il a fait pour moi, corrigeant sans cesse mes maladresses et mes mauvaises compréhensions, comme j’aimerais le montrer maintenant.


CHAPITRE 3

UN MODÈLE INTÉGRAL D’ÉVANGÉLISATION PAROISSIALE

 

 

La croissance en sainteté, fondement de la fécondité apostolique, la mise en application des principes de l’évangélisation dans des choix apostoliques précis et la mise en œuvre rigoureuse d’une méthode d’évangélisation nous acheminent vers ce qu’il convient d’appeler : un modèle intégral d’évangélisation paroissiale.  J’ai appelé : Communauté chrétienne missionnaire (C.C.M.), le modèle qu’il m’a été donné d’explorer et de mettre en œuvre.  J'aimerais partager brièvement ici les étapes qui ont conduit à l'édification d'une C.C.M..  Cela s’est fait progressivement, au fil du quotidien.  Je partagerai ici les principaux événements, les intuitions et les choix.  Je partagerai aussi les erreurs et les détours, et je montrerai comment la Miséricorde de Dieu s’est plu à redresser la situation, à corriger le tir et à guider avec sagesse toute cette expérience.

Après avoir présenté ces éléments d’ordre historique, j’en dégagerai quelques éléments de synthèse afin de présenter le cadre de ce modèle intégral d’évangélisation paroissiale.

 

1 Petite histoire d’une communauté chrétienne missionnaire. 

1.1 Vers les premières cellules d’évangélisation

À l’automne 1999, après six ans de vie fraternelle en communauté, l'évêque me demande d’aller en stage à temps plein en paroisse. J'arrive à St-Jacques de Montcalm le 2 octobre, en la fête des saints anges gardiens.  J’y arrive, porté par la Parole du jour : « Je vais envoyer un ange devant toi pour te garder en chemin et te faire parvenir au lieu que je t’ai préparé » (Ex 23, 20).  Je suis accueilli par un prêtre-répondant qui a pris l'habitude de réserver le mercredi soir pour des "soirées d'évangélisation". Cela me réjouit grandement.  Sa méthode est simple. Il rassemble un petit groupe de personnes et, pendant quelques semaines, il lit et étudie avec eux un livre.

Dès mon arrivée, je me joins à lui et un groupe qui réfléchit sur « Le retour de l'enfant prodigue », de Henri Nouwen.

Après les fêtes, pour la session d’hiver, je lui propose de former un groupe de son côté tandis que j'en formerai un du mien.  Avec mon groupe, j'entreprends la lecture du livre de G. Macchioni: « Évangéliser en paroisse. L'expérience des cellules paroissiales d'évangélisation ».  À la fin des dix semaines de lecture, je propose à ce groupe de faire l'expérience de ce que nous venons de lire.  Cette première expérience durera environ deux ans, entrecoupée de plusieurs arrêts assez longs, provoqués par divers événements, dont la préparation de mon ordination presbytérale qui aura lieu le 30 septembre 2000 et une absence de six semaines du curé pour un stage de formation.  Au printemps 2002, nous offrons le premier cours de formation des leaders de cellule.  Suite à ce cours, les deux premières cellules sont mises sur pied.  Au même moment, l'évêque me nomme prêtre collaborateur sur l'équipe pastorale du Grand Joliette.  Je dois donc quitter St-Jacques avec ce mot du prêtre-répondant: « tu pourras continuer à t'occuper des cellules ».  À ce moment, j’étais tout à fait inconscient de toutes les implications apostoliques que mettaient en œuvre le SCPÉ.  Je croyais avoir tout compris.  Il me faudra encore plusieurs années avant de commencer à comprendre réellement le sens de cette extraordinaire dynamique évangélisatrice.

1.2  L'implantation du système des cellules à Joliette

Dès la première année de mon arrivée à Joliette, j'implante les cellules d'évangélisation. Je n'ai pas la patience de recommencer à zéro ce que j'avais expérimenté à St-Jacques. Aussi, je commence directement par le "cours de formation des responsables", donné par l'équipe de St-Jacques.  Ce fut une première grave erreur.

De ce cours naissent deux cellules à Joliette, (qui deviendront trois par la multiplication d'une cellule de St-Jacques) et une cellule à St-Roch (paroisse distante d’environ 30 km).  Puis, le curé de Ste-Élisabeth (paroisse voisine de la ville de Joliette) me confie la cellule qu'il a initiée dans sa paroisse à sa manière.  En 2004, j'accompagne donc sept cellules.

Contrairement à ce que j’avais rêvé, la croissance numérique sera inexistante.  La cellule de Ste-Élisabeth meurt un an plus tard.  En mai 2006, je participe au Séminaire International avec deux responsables de cellule.   Je demande à Don PiGi comment redresser la situation.  Il m'invite à repartir avec un petit groupe bien engagé.  Débordé par une nouvelle fonction qui m’attend au retour, je ne tiens pas compte de cette suggestion.  Au retour, les deux personnes qui m'avaient accompagné voient leur cellule mourir: celle de St-Roch et une à Joliette.  Il ne reste que deux cellules à Joliette, en plus des deux de St-Jacques !  C’est plutôt décourageant.

1.3 La chapelle d'adoration

Le 18 juin 2006, c'est l'ouverture de la chapelle d'adoration perpétuelle à la Cathédrale de Joliette.  En même temps, c'est l'annonce de ma nomination comme prêtre répondant du Grand Joliette.  Jusqu'à ce jour j'étais collaborateur.

Don PiGi a toujours insisté sur le fait que l'ouverture de la chapelle d'adoration doit précéder l'implantation du système des cellules.  Je n'en avais pas tenu compte. Cependant, il faut reconnaître que les membres des cellules ont largement contribué au succès de l'implantation de la chapelle d’adoration.  Depuis près de deux ans déjà, nous avions commencé avec 20 heures par semaine, puis 40 heures par semaine, puis un répit à 24 heures, puis 48 heures, avant de faire le grand saut vers l’adoration perpétuelle.  Il y aura adoration perpétuelle pendant les quatre années que durera mon mandat de prêtre répondant.    À partir du moment de l’ouverture de la chapelle, on sent que quelque chose se met à changer, que le vent tourne.  C’est comme si le Seigneur lui-même prenait les choses en main.

1.4 Une maison de la foi

En même temps que la chapelle d’adoration perpétuelle, nous voyons naître à Joliette ce que j’appellerais une Maison de la Foi, maison ouverte à tout passant en quête de Dieu.  À travers différentes péripéties et beaucoup d'épreuves, cette maison a changé de nom et de vocation.  Elle est finalement apparue clairement comme une sorte de quartier général pour ce qui allait devenir la Communauté chrétienne missionnaire.  La moitié des cellules nouvelles qui naîtront seront issues de la cellule qui se rassemble dans cette maison.

Cette réalité d'une maison de style familial ouverte à tous à tout moment m'est clairement apparue comme correspondant à un besoin réel.  Dans le cadre idéal d'une communauté paroissiale qui se ferait tout entière Communauté chrétienne missionnaire, le presbytère pourrait normalement jouer ce rôle.  Dans un autre contexte qui correspond davantage à la réalité actuelle où la Communauté chrétienne missionnaire co-existe avec un ensemble de communautés paroissiales préoccupées davantage des services pastoraux, il est possible que la Maison de la Foi ou le quartier général de la C.C.M. soit en un autre lieu. Le prêtre veillera à le bien définir.

1.5 L’École d'Évangélisation Saint-André (ÉÉSA)

En janvier 2007, je participe à la première session de l'École d'évangélisation St-André en territoire québécois.  Il s’agit de la session « Emmaüs ». Je venais juste de dire que, en prenant la charge de prêtre répondant, je n'accepterais aucune nouvelle responsabilité et n’entreprendrais aucun projet nouveau.  Cependant, poussé par notre stagiaire, Wilson, je me rends à cette session animée par M. Josè Prado Flores, fondateur de l’ÉÉSA.  Mon cœur est remué.  Le Seigneur m'invite à revenir à mon premier Amour: sa Parole.  À cette première session, nous sommes deux personnes du diocèse de Joliette.

En avril de la même année, une deuxième session est offerte: "Vie Nouvelle".  Par une disposition tout à fait libre de la divine Providence, nous nous retrouvons huit personnes du diocèse de Joliette, dont sept dans le même véhicule.  En nous rendant, j'avais clairement indiqué que nous formions deux équipes distinctes: celle de l'Horeb St-Jacques, et celle de Joliette.  La session elle-même fut plutôt ordinaire.  Cependant sur le chemin du retour, il vient clair à mon cœur que nous formons une seule équipe et que le Seigneur a lui-même choisi les personnes qui représentent celles dont nous aurons besoin pour les différents ministères: direction, coordination, prédication, chant, didactique, intercession.  En arrêtant au Tim Horton, je partage cette intuition pour la plus grande joie de tous.  Et j'exprime cette unité en remettant l'argent aux personnes de "l'autre équipe" qui avaient payé leur part de transport.

Sûrs de l'appel intérieur, nous inscrivons déjà à l'agenda de l'Horeb quatre sessions pour l'année 2007-2008, dont la session « Jean » que nous n'avons même pas encore vécue.

En août, nous voici douze personnes du diocèse de Joliette pour la session "Jean" à  Québec.  Dès le retour, je convoque ces douze personnes pour voir qui est prêt à s'impliquer en vue de l'implantation de la première École d'évangélisation St-André dans le diocèse de Joliette.  Ce sera à la maison Horeb St-Jacques.

En novembre 2007, avec une foi très naïve, nous offrons donc la première session à l'Horeb St-Jacques.  Quarante personnes y participent, dont deux des offices diocésains.  Notre méthode n'est pas à point du tout mais le Seigneur est à l'œuvre.  Il manifeste clairement sa présence par des signes charismatiques au moment de l'effusion de l'Esprit.  Notre évêque vient couronner cette première session en présidant l'Eucharistie de clôture;  nous sommes le 4 novembre 2007, fête de saint Charles Borromée, patron du diocèse de Joliette !

Je signale ici une grâce de Dieu particulière, qui n’est pas sans lien avec tout ce qui doit encore venir.  En septembre 2007, par une disposition providentielle, je participe à une retraite de trois jours de silence avec les responsables des cellules.  Cette retraite avait été prévue pour l’équipe pastorale, mais ce sont finalement les responsables de cellule qui forment la plus grande partie du groupe.  Au cours de cette retraite, je reçois la grâce de l’oraison quotidienne, que je désirais depuis le début de mon ministère presbytéral.  À partir de ce moment-là, j’ai pu assurer fidèlement une heure d’oraison quotidienne.

1.6  Cellules d’évangélisation et École d'évangélisation

Dans mon cœur de pasteur, il est clair que les cellules d'évangélisation et l'École d'évangélisation St-André sont appelées à être intimement unies.  C'est d'ailleurs ce que je réponds à mon évêque, au lendemain de cette première session.  « Est-ce que les cellules et l'École d'Évangélisation, ça marche ensemble ? me demande-t-il - Ce sont deux méthodes d'évangélisation, qui n'ont pas de lien entre elles comme tel. Mais, dans mon cœur de prêtre, elles sont très unies"  Je lui avais d'ailleurs servi la même réponse à une question semblable concernant les cellules paroissiales d'évangélisation et la chapelle d'adoration.

Le trépied du modèle intégral d’évangélisation paroissiale est posé : chapelle d’adoration, cellules d’évangélisation et École d’évangélisation.  L’intuition est claire.  Mais je suis encore loin de bien comprendre l’ensemble des principes d’évangélisation qui sont en train de se déployer.  Petit à petit, cependant, j’entrevois qu’il y a dans tout cela plus que ce que je croyais.  Une dynamique apostolique puissante est en train de se mettre en place.

Au lendemain de cette première session de l’ÉÉSA, je suis très fier d'en parler avec beaucoup d'enthousiasme lors d'une rencontre des leaders des cellules d'évangélisation.  À mon grand étonnement, la réaction est très négative.  Les personnes expriment beaucoup de réserves et de craintes.  Ce sera le début d'une division qui sera très douloureuse mais qui deviendra, par la grâce de Dieu, très féconde.

1.7  Vers la Communauté chrétienne missionnaire.

Petit à petit, quelques leaders des cellules et plusieurs membres viennent vivre les sessions de l'École d'évangélisation St-André  et s'y investissent comme membre de l'équipe de service.  L'alternance d'enthousiasme et d'hésitation se poursuivra pendant deux  longues années.

En août 2009, un événement providentiel annonce un tournant et le début d'une année de bénédictions.  Chaque année, à l'occasion de la neuvaine au sanctuaire diocésain de Marie-Reine-des-Cœurs, les cellules d'évangélisation organisent un pèlerinage, occasion d'une rencontre annuelle des membres de toutes les cellules.  En 2009,  je me permets d'inviter les membres de l’ÉÉSA à se joindre à ce pèlerinage.  En guise de mot d'ouverture, j'exprime ma grande joie de voir réunies, mes "deux familles".  Aussitôt, Geneviève se lève et dit: « Comment ça deux familles ?…. » Et tout le monde comprend aussitôt que nous sommes une seule famille.  Un nouvel apprivoisement commence sous le manteau de Marie.

À cette période, je suis extrêmement fatigué.  Depuis un an je le dis à mon évêque et demande une année sabbatique.  En cet été 2009, je n'ai pas pris de vacances.  Aussi, je suis moins docile à l'inspiration de l'Esprit Saint et je prends plusieurs mauvaises décisions.  La grâce de Dieu agira avec puissance pour tout remettre en ordre.

Auprès de l'équipe de coordination de l'École d'évangélisation St-André,  j'insiste pour dire: « Il vaut mieux que les personnes qui sont dans les cellules ne soient pas les mêmes qui sont dans l'École d'évangélisation St-André, pour éviter qu'elles en aient trop et qu’elles s’épuisent».  Erreur de vision de ma part.  En mai 2010, au moment de mon départ, tous les membres de l’ÉÉSA de Joliette font partie des cellules d'évangélisation !

En mai 2008, à l’occasion de la première session « vie nouvelle » à Joliette, nous était venue l’idée d’offrir des rencontres d’approfondissement comme suivi à cette session.  C’était l’été et personne ne s’était inscrit.  Toutefois, ma visite à l’ÉÉSA de Mexico au cours de l’été avait confirmé cette intuition.  Aussi, au cours de l'année 2008-2009, nous offrons à nouveau ces " rencontres d'approfondissement" de la session Vie Nouvelle.  La première série sera exceptionnelle et donnera naissance à ce que nous allons  rapidement appeler "La communauté St-André".  La deuxième série sera moins fructueuse.

Néanmoins, pour l'année 2009-2010, nous avions mis au programme une série de rencontres d'approfondissement, après chacune des deux sessions Vie Nouvelle et de la session Emmaüs.  Aucune de ces rencontres n'a eu lieu.  Nous avions aussi planifié des rencontres de la Communauté St-André chaque deux semaines, les samedis matins.  Après deux rencontres, ce projet a été abandonné !

Aussi, en faisant mon évaluation d'année, la veille de la session " Le secret de Paul",  en mai 2010, je suis peiné de constater tout ce qui a été abandonné.  Comme je suis un mauvais planificateur, me dis-je.  Mais voilà que, dès le lendemain, juste avant d'entrer dans la session, je comprends dans mon cœur que c'est là l'œuvre du Seigneur.  Il nous a clairement montré que nous n'avions pas besoin de tous ces ajouts.  Seule la première série de rencontres d’approfondissement était nécessaire pour former l’équipe de base. Désormais, les choses sont clairement établies : la Communauté chrétienne missionnaire est née.  Elle sera composée de l'École d'évangélisation St-André et du système des cellules paroissiales d'évangélisation, soutenu pas la chapelle d’adoration.  Nul besoin d'approfondissement des sessions, ce sont les cellules, et nul besoin de la communauté St-André, c'est la Communauté chrétienne missionnaire.

Un processus de croissance s’enclenche, porté par les cellules d’évangélisation et soutenu par l’ÉÉSA.  Comme signe de croissance, on voit surgir des fruits nouveaux et inattendus.  Parmi ceux-ci, il y aura l’école des affiches, l’école des prédicateurs et l’école de guérison chrétienne.  Nous aurons aussi la joie de célébrer les deux premiers baptêmes d’adulte à la Cathédrale à la vigile pascale 2010.

 

2. Essai de synthèse

Le 31 mai 2010, je termine mon mandat comme prêtre répondant du Grand Joliette.  Je prends trois mois sabbatiques avant d'entreprendre mon nouveau mandat comme prêtre répondant dans l'Unité La Bayonne, qui regroupe cinq paroisses de campagne.  Un double défi se présente: assurer l'avenir de la Communauté chrétienne missionnaire de Joliette qui accueille un nouveau prêtre répondant et recommencer le dur processus de l'implantation d'une Communauté chrétienne  missionnaire dans un nouveau milieu.

2.1 Un double défi

La Communauté chrétienne missionnaire de Joliette.

Pour assurer l'avenir de la Communauté chrétienne missionnaire de Joliette, je nomme un laïc directeur du système des cellules paroissiales d'évangélisation et une autre directrice de l'École d'évangélisation St-André.  Cela a pour but d'aider le nouveau prêtre à ne pas voir l'accompagnement de la Communauté chrétienne missionnaire comme une charge de plus pour lui.

Je propose aussi aux cellules paroissiales d'évangélisation un enseignement important sur " l'évangélisation des prêtres". Il est clair en effet, comme je l'ai explicité dans le premier chapitre, que le renouveau paroissial, qui sera un renouveau missionnaire, ne peut pas se faire sans le soutien et l'engagement des prêtres.  Or, pour tous les prêtres, cela suppose une conversion pastorale profonde.  Les laïcs missionnaires peuvent grandement y contribuer et sont heureux de le faire.

De plus, je garde une disponibilité pour aider au besoin, autant les cellules  paroissiales d'évangélisation que l'École d'évangélisation St-André, demandant à l'évêque de me libérer un jour semaine pour le soutien de ces activités d'évangélisation au niveau diocésain.

L'implantation d'une Communauté chrétienne missionnaire dans un nouveau milieu.

Après l'expérience de Joliette, je ne pourrai plus jamais être prêtre de la même façon.  Il est clair pour moi que, en étant nommé dans un nouveau milieu, ma priorité sera l'implantation d'une Communauté chrétienne missionnaire.  Cela est d’ailleurs en conformité, comme nous l’avons vu au chapitre 2, avec la mission de l’Église telle que définie dans le « projet ecclésial diocésain » de Joliette.  Ma tâche consistera donc à veiller à ce que les services pastoraux soient assurés, à orienter les communautés paroissiales vers l'ouverture à cette réalité nouvelle qu'est la Communauté chrétienne missionnaire et à aider les personnes ouvertes à cette expérience à se consacrer entièrement à la mission de la nouvelle évangélisation, m'y livrant moi-même.

2.2 Éléments de synthèse

Avant d’entreprendre un nouveau mandat, l’occasion est heureuse pour dégager quelques éléments de synthèse à partir de l’expérience vécue.  Ces éléments proviennent principalement d’une intuition qui s’est formée en moi à la toute fin de l’année pastorale et de mon mandat à Joliette, pendant la session « le secret de Paul ».  Elle recouvre d’ailleurs certains éléments clés présentés dans cette session.

Premier niveau : Évangéliser.

Au départ de tout, il y a la mission d’évangéliser, confiée par le Christ (Mc 16,15).  Déjà, nous avons vu que l’évangélisation directe, nouvelle ou première, est une réalité avec laquelle nous sommes généralement peu familiers dans nos paroisses.  La mise en place d’un modèle intégral d’évangélisation paroissiale commence par la prise de conscience de cette pauvreté, et le désir sincère de se laisser former et transformer.  Peut-être est-ce le premier pas de la fameuse « conversion pastorale ». J’entends encore le Cardinal Shonborn, lors de la retraite internationale des prêtres, confesser humblement sa pauvreté en ce domaine et inviter les prêtres à un sérieux examen de conscience, avant de laisser une religieuse témoigner de son expérience d’évangélisation des plages.  Ils sont peu nombreux les prêtres qui peuvent dire, honnêtement, qu’ils sont à l’aise pour annoncer Jésus et témoigner de leur foi, comme ça, simplement, au hasard des rencontres dans les rues, les maisons, les lieux publics.  Combien de fois nous nous réfugions derrière des formules dogmatiques ou des témoignages sans profondeur et peu compromettants.  Ainsi, tout modèle intégral d’évangélisation reposera sur un effort de formation à l’évangélisation.

Deuxième niveau : Former des évangélisateurs.

Dans un interview réalisé avec Don PiGi avant le séminaire international 2010, celui-ci affirmait que la caractéristique propre du SCPÉ est le « processus d’évangélisation »  Ce qui caractérise les cellules d’évangélisation par rapport à d’autres petits groupes de partage, c’est l’accent mis sur l’évangélisation et l’apprentissage d’un processus précis d’évangélisation de l’oïkos.

Ainsi, à travers le SCPÉ, nous formons des évangélisateurs.  C’est le second niveau du modèle intégral d’évangélisation.  Le prêtre, à la manière de saint Paul, découvre que, s’il évangélise seul, il ne pourra atteindre qu’un tout petit nombre de personnes.  S’il en forme d’autres, il multiplie l’étendue de son action évangélisatrice.

Dans les rencontres de cellule, on s’efforce donc de former des évangélisateurs.  On y enseigne le processus d’évangélisation, on le met en pratique et on partage, semaine après semaine, notre expérience sur le terrain.  De plus, nous prions pour la fécondité de notre évangélisation.  Et enfin, la cellule devient un lieu concret où la personne évangélisée peut être accueillie en Église.  C’est la porte d’entrée qui manquait dans le processus d’adhésion à la communauté chrétienne dont nous avons parlé.

Troisième niveau : Former une équipe d’évangélisateurs.

Dans le témoignage partagé au début du présent chapitre, nous avons vu comment l’implantation du SCPÉ n’avait pas apporté les fruits attendus de croissance numérique dans les premières années. L’implantation de l’ÉÉSA nous est venue en aide.  À travers l’ÉÉSA, nous avons principalement appris à former des équipes d’évangélisateurs.  Chaque session de l’ÉÉSA demande la mise sur pied d’une « équipe de service ».  Dans cette équipe, chaque personne accomplit un ministère spécifique, et tous s’efforcent de travailler à la communion fraternelle.  Nous y avons mieux compris que l’évangélisation est une affaire d’équipe, une affaire d’Église.

Cet apprentissage du travail en équipe et en communion a eu plusieurs effets bénéfiques.  Il a redonné de la valeur à chaque personne, chacune prenant conscience qu’elle peut évangéliser, selon sa grâce et son charisme.  Il nous a appris à travailler dans l’harmonie des charismes, ce qui nous a aidés dans d’autres activités à organiser, dont les sessions provinciales sur le SCPÉ.  Enfin, cela nous a amenés à établir entre nous des liens plus étroits de charité fraternelle, posant ainsi les bases du noyau de la C.C.M..

Quatrième niveau : Former une communauté d’évangélisateurs.

Nous arrivons ainsi à un autre niveau dans notre modèle intégral d’évangélisation paroissiale : la communauté d’évangélisateurs ou communauté évangélisatrice.  Chez-nous, nous l’avons déjà dit, la communauté évangélisatrice (appelée C.C.M.) est née de la rencontre entre le SCPÉ et l’ÉÉSA.

La principale différence entre la communauté d’évangélisateurs et l’équipe d’évangélisateurs est la multiplication des relations, l’établissement d’un réseau de relations.  L’équipe est un groupe à peu près stable constitué en vue d’une action précise.  La communauté, elle, regroupe une diversité d’équipes et d’individus, de cellules et d’autres groupements, qui interagissent entre eux de multiples manières.  Elle est maintenue dans l’unité par les liens de charité fraternelle fondés sur la foi, accompagnée par une structure minimale.

C’est ici que la structure paroissiale peut être utile.  En fait, si la C.C.M. peut théoriquement prendre différents visages, elle prendra, pour ce qui nous concerne, le visage paroissial.  Dans cette réalité de la paroisse, les deux principaux pôles structurels d’unité sont l’Eucharistie dominicale et le prêtre (ou l’équipe pastorale).

Cinquième niveau : Former des formateurs.

Dans la « vision de croissance », qui oriente tout ce que nous sommes en train de dire, le principe de multiplication guide tout.  C’est ainsi qu’on dira : le disciple n’est pas celui qui suit le maître uniquement, mais celui qui forme d’autres disciples; l’évangélisateur n’est pas celui qui annonce l’Évangile uniquement, mais celui qui forme d’autres évangélisateurs.  De même, nous dirons que la cellule d’évangélisation n’existe pas pour elle-même, mais en vue de se multiplier.  Ce principe est extrêmement important, et le prêtre doit, en particulier, se laisser habiter par lui et le partager avec tous ses collaborateurs.

Nous avons vu que, dans sa croissance, la C.C.M. fait naître des fruits nouveaux.  Dans cette croissance, le prêtre doit être particulièrement attentif à la formation des « leaders-formateurs ».  Ce sera là un de ses rôles spécifiques.

La formation des leaders est un des piliers du SCPÉ.  Un « cours de formation des leaders » existe, pour cela, depuis le début de l’expérience à la paroisse Sant’Eustorgio, à Milan (Italie).  Depuis quelques années, l’association « Cellule-France » travaille à développer d’autres outils pour la formation des leaders.  Mais, il ne faut pas oublier qu’il ne suffit pas de former des leaders qui pourront guider une cellule.  Il faut former des leaders capables de former d’autres leaders, ce que nous appelons des « leaders-formateurs ».  Autrement, le leadership d’une cellule devient un terme.  Et la formation des leaders devient une structure établie et finale, l’affaire de quelques spécialistes.  Le processus de croissance est tronqué.

Le secret de Paul : 2 Tm 2,2.

Nous en arrivons ainsi au secret de Paul, qui est bien sûr, d’abord le secret de Jésus lui-même.  Bien qu’il existe, en fait, une multitude de secrets de Paul (On pourrait consulter à ce sujet les deux enseignements que j’ai préparés pour les cellules à partir de la pièce de théâtre « Opération-Éphèse »), cette expression se réfère principalement au passage célèbre de 2 Tm 2,2 :

« Ce que tu as appris de moi en présence de nombreux témoins,
confie-le à des hommes sûrs
qui seront à leur tour capables de l’enseigner à d’autres»

Cette parole met évidemment sous nos yeux tout un processus de transmission.  On peut y voir 4 ou 5 générations : Paul, les témoins qui lui ont transmis, Timothée, ceux à qui Timothée le transmettra, et ceux à qui ces derniers le transmettront à leur tour.  En fait, on voit bien qu’il s’agit d’une chaîne sans fin.  Pour qu’elle soit sans fin, il faut que la personne qui transmet le contenu, transmette en même temps la capacité et le désir de le retransmettre à d’autres.  Et il faut que le contenu soit transmissible.  Cela doit s’appliquer à tous les niveaux.  Il s’agit en fait d’un processus très simple, très évangélique et… très ignoré.

Tout le monde sait que, aujourd’hui, le grand drame de l’Église est un drame de non-transmission.   Nous savons depuis longtemps qu’une rupture profonde s’est opérée dans la transmission de la foi.  Mais peut-être n’avons-nous pas suffisamment pris conscience qu’une rupture semblable existe dans la transmission du savoir-faire pastoral.  Et c’est justement sur cette rupture que s’élève la « conversion pastorale », de même que c’est sur la brèche de la « non-transmission de la foi » que s’élève l’appel à une nouvelle évangélisation.  Ces deux ruptures sont le lieu de l’implantation d’un modèle intégral d’évangélisation paroissiale : la C.C.M..

2.3 Le modèle d’implantation

Le développement d’une C.C.M. et, surtout, l’implication du prêtre dans ce développement provoqueront nécessairement des frictions et susciteront des questions importantes.  J’aimerais préciser ici le choix pastoral que j’ai fait dans le développement de cette C.C.M. et les avantages de ce choix.  L’expérience vécue au cours des dernières années, telle que décrite précédemment, jointe à mon type de personnalité, m’ont amené à privilégier ce que j’appelle le « modèle d’implantation ».  Ce modèle se comprend par opposition au modèle de transformation ou de réforme.

Dans le modèle d’implantation, la C.C.M. est « plantée » ou « semée » au milieu de ce qui existe déjà, en tant que réalité nouvelle.  Elle est initiée sans changer, au début, les services pastoraux existants.  Elle croîtra un peu en parallèle, donnant naissance, pour un certain temps, à une Église à deux visages.  On pourrait comparer cela à un vaste domaine sur lequel poussent de grands arbres magnifiques.  En pensant à l’avenir, nous y plantons de nouvelles pousses, toutes petites, sans couper les grands arbres.  Ainsi, en apparence, le paysage demeure le même.  Graduellement les petits arbres pousseront et remplaceront les anciens qui mourront et seront abattus.  La comparaison est boiteuse, mais elle illustre le mouvement global de l’implantation.

En tant que pôle d’unité, le prêtre aura à faire des choix pastoraux importants.  Il consacrera le meilleur de son temps à la C.C.M..  Il délèguera le plus possible la responsabilité des services pastoraux, ceux-ci fonctionnant habituellement déjà assez bien.  Il restera très attentif aux collaborateurs qui assurent ces services, y assurant lui-même les tâches spécifiques qui lui reviennent et y apportant sans cesse une parole d’espérance.  Il ne perdra pas de vue la vision : c’est par la croissance de la C.C.M. que les services pastoraux pourront être transformés et devenir des lieux féconds d’évangélisation.

Le premier lien entre la C.C.M. et la paroisse sera l’eucharistie.  Les membres de la C.C.M. s’y feront présents.  Ils y manifesteront à la fois une grande charité fraternelle entre eux et une grande attention aux autres membres de la paroisse.  Ils assureront ainsi autant le témoignage du « voyez comme ils s’aiment » que celui du service du prochain, premier niveau dans le « processus d’évangélisation ».

Graduellement, les membres de la C.C.M. pourront assurer certaines fonctions dans les services pastoraux dans la mesure ou cela ne sera pas au détriment des tâches qu’ils assurent dans la C.C.M..  Réciproquement, les personnes qui assurent les services pastoraux seront invitées à participer à l’une ou l’autre activité de la C.C.M.. Elles seront ainsi plus en mesure de saisir la dynamique de la nouvelle évangélisation et d’orienter les personnes qui demandent les services pastoraux vers la C.C.M. pour s’intégrer à la communauté et poursuivre tout naturellement leur formation chrétienne et leur croissance dans la foi.

On voit donc tout de suite les avantages de ce modèle.  D’une part, il permet une transformation graduelle.  Il permet surtout aux personnes de pouvoir voir de leurs yeux la réalité de la nouvelle évangélisation et ses fruits, ce qui est toujours difficile à décrire seulement avec des mots.  Il permet aux personnes qui s’y sentent appelées d’entrer dans l’expérience de la nouvelle évangélisation, sans bousculer celles qui n’y sont pas appelées.  Chacun y trouve donc son compte, spécialement si l’on y apprend à vivre le respect des différences.  Enfin, il permet de vivre en douceur la « conversion pastorale ».  J’ajoute encore un avantage, qui n’est pas mince.  Dans une Unité paroissiale faite de plusieurs paroisses, on implantera une seule C.C.M..  On peut ainsi s’attendre à ce que « les communautés locales » et « la C.C.M. » en viennent de plus en plus à ne faire qu’un.  Et on peut oser espérer que les questions administratives liées à la fusion de paroisses ou à la fermeture d’églises trouveront ainsi une lumière nouvelle et un heureux issu.

Les étapes de cette implantation correspondront, globalement, aux étapes d’implantation du système des cellules paroissiales d’évangélisation.  Ces étapes sont bien connues.  On les retrouve sur le site web de « Cellule-France »  Pour nous, cela devrait ressembler à ceci :

-         Former les communautés paroissiales à la prière et développer progressivement  l'adoration eucharistique comme centre de la prière, comme soutien à la mission d'évangélisation et comme révélation de la place centrale du Christ dans toute la vie de la communauté.

-         Offrir à tous ceux qui le désirent une sensibilisation à l’évangélisation par une étude de la lettre Evangelii Nuntiandi, de Paul VI.  En plus d’offrir une formation générale, cela permet d’identifier les personnes les plus motivées.

-         Rassembler un petit groupe de personnes motivées par la Nouvelle évangélisation.  Les former à l'évangélisation, par la méthode des cellules.  Ces personnes seront choisies en sachant qu'elles deviendront les premiers leaders de cellule paroissiale, et, dans une deuxième étape, les premiers leaders de zones, c'est-à-dire d'un groupe de cellules.

-                  Faire découvrir à ces personnes et à d'autres l'École d'évangélisation St-André en les invitant à vivre l'une ou l'autre des sessions.

-         Tenir sans cesse les communautés paroissiales informées de ce qui se vit et les inviter constamment à la prière.

-         Offrir le premier cours de formation des leaders de cellule et lancer le système des cellules paroissiales d'évangélisation : cellules provisoires, puis cellules définitives.

-         Offrir la première session de l'École d'évangélisation St-André.


CONCLUSION

 

Comment parvenir à ce que nos paroisses deviennent des lieux où la nouvelle évangélisation se vit au quotidien ?  Voilà la question à laquelle j’ai voulu répondre dans cet essai.

À travers une relecture de mon expérience personnelle comme prêtre œuvrant en paroisse depuis 10 ans, j’ai voulu présenter un modèle concret d’évangélisation paroissiale.  Volontairement, j’ai mis l’accent sur la mission du prêtre pour la mise en œuvre de ce modèle.  Cela se voulait l’écho d’une conviction personnelle, comme je l’ai explicité au début du premier chapitre.  Cela permettait aussi de proposer une réflexion qui parte des personnes, plutôt que des structures ou des méthodes.  L’engagement personnel est au cœur de l’évangélisation, comme nous l’avons vu au chapitre 2.  Si un prêtre de paroisse se met en marche en ce sens, les baptisés le suivront avec bonheur.  Une dynamique nouvelle se mettre en place, qui fleurira en une explosion de charité à tout niveau.

Puisse ce partage fraternel être reçu comme une parole d’espérance et une invitation à faire un pas dans la foi.