Homélie de S. Em. le Card. Beniamino Stella

Préfet de la Congrégation pour le Clergé

Lourdes, 10 novembre 2014

 

 

Eminences, Excellences, chers amis,

Les textes d’aujourd’hui sont une lumière pour notre rencontre. Deux phrases du Psaume nous donnent comme le thème général des lectures que nous avons entendues :

« L’homme au cœur pur (…) obtient la bénédiction du Seigneur ».

Nous pourrions dire autrement, en reprenant l’expression du message du Saint Père : le prêtre selon le cœur de Dieu participe à la fécondité de Dieu.

Quel est-il ce prêtre selon le cœur de Dieu ?

Saint Paul explique à Tite comment il voit l’Apôtre et celui qu’on appelait l’Ancien dans l’Eglise primitive. Accueillons ses paroles inspirées, nous qui sommes ministres ou futurs ministres.

L’Ancien est « l’intendant de Dieu ». Paul l’a déjà dit aux Corinthiens :

« Que l’on nous regarde comme des auxiliaires du Christ et des intendants des mystères de Dieu » (1 Co 4, 1).

Pierre emploie la même expression dans sa première Lettre en demandant que nous soyons de « bons gérants de la grâce de Dieu » (1 P 4, 10).

Ceci m’amène déjà à deux considérations :

Le ministère presbytéral est tout d’abord une réalité de foi. Bien sûr le prêtre est envoyé pour faire des hommes des êtres réconciliés, et c’est la dimension sociale de son ministère. Mais le cœur de son activité, même sociale, a pour but la dispensation des mystères de Dieu lui-même. Nous pouvons donc faire nôtres la demande des apôtres à Jésus : « augmente en nous la foi ! » Oui, nous avons besoin d’une foi vivante, d’une foi pénétrante, pour scruter ces mystères de Dieu et en être les dispensateurs. Ce n’est pas pour rien que Paul appelle Timothée « homme de Dieu » (1 Tm 6, 11). Vous avez noté que le Saint Père a repris cette expression dans son message. C’est bien cela que le monde attend de nous : être des hommes de Dieu, dispensateurs de ses mystères.

Ma deuxième considération est celle-ci :

De quels mystères sommes-nous les dispensateurs ? Paul l’a dit au début de sa lettre à Tite : il est « Apôtre de Jésus-Christ, chargé de conduire ceux que Dieu a choisis vers la foi et la connaissance de la vérité dans une religion vécue ». La révélation du salut que le Christ nous a apportée est un message de miséricorde. En tant qu’auxiliaires du Christ, le trésor de la tendresse de Dieu est placé entre nos mains pour que nous en soyons les fidèles dispensateurs.

Dans l’Evangile, Jésus invite les disciples à pardonner inlassablement à celui qui se repent. Il n’y a pas de limite à la tendresse de Dieu. Etre prêtre selon le cœur de Dieu, c’est nous laisser façonner un cœur de bonté, de tendresse, de miséricorde pour que nos contemporains puissent découvrir en nous un reflet du cœur de Dieu. Et cette tendresse que nous sommes invités à porter en nous, nous devons l’annoncer sans cesse, spécialement aux plus marginaux, pour que notre Evangile soit l’Evangile de la tendresse de Dieu, et nous sommes invités à la répandre inlassablement, en particulier par le sacrement de la réconciliation.

Vous savez comment ce sacrement a besoin d’être redécouvert. Vivez-en vous-même pour connaître par expérience la tendresse de Dieu. Vous vous en ferez les serviteurs, d’une part en invitant les chrétiens à le vivre et d’autre part en acceptant ces longs moments de confession qui sont parfois fatigants – oui c’est vrai –, mais sachez que l’exercice du ministère de la réconciliation est toujours une joie et une source de renouveau pour le prêtre.

Dans les consignes que Paul donne à Tite, vous avez noté qu’il lui demande de finir d’organiser l’Eglise qui est en Crête en y instituant des Anciens qui soient responsables des communautés. Les fonctions de prédication et de sanctification sont inséparables de la fonction de gouvernement. Car le prêtre est précisément l’auxiliaire du Christ en qui tout le Corps trouve sa cohésion, dans la diversité de ses articulations. Le corps de l’Eglise ne trouve sa raison d’être que dans le Christ qui est sa Tête. Les prêtres sont choisis gratuitement pour participer à cette dimension du Christ.

Saint Paul sait bien que pour participer au gouvernement de l’Eglise, il faut avoir des qualités particulières, qui seront les critères de discernement pour le choix des ministres.

Etre attachés à la parole sure et être conformes à la doctrine, c’est une manière de ne pas nous annoncer nous-mêmes mais de proclamer l’Evangile que nous avons reçu. Les premiers mots de Dei Verbum disent que, la Parole de Dieu, nous l’écoutons religieusement, avec foi, et nous la proclamons avec assurance. Et un peu plus loin, la Constitution conciliaire précise que même le Magistère écoute la Parole de Dieu dans la foi. Cet Evangile que nous avons reçu, cet enseignement de l’Eglise qui l’explicite, nous en sommes les intendants, et non les maîtres ni les propriétaires.

Nous savons aussi comment Paul éprouve un amour inconditionnel pour le Christ, sans réserve ni particularisme, dans une disponibilité de cœur totale à l’égard de tous. Dans le texte que nous avons entendu, Paul en donne quelques caractéristiques qui ont été reprises dans l’exhortation apostolique Pastores dabo vobis, dans le chapitre sur la formation humaine : « Il faut que le prêtre modèle sa personnalité humaine de façon à en faire un ‘pont’ et non un obstacle pour les autres dans la rencontre avec Jésus Christ » (PDV, n. 43).

Parmi les qualités que Paul a énumérées, je retiens surtout l’humilité, la douceur et l’accueil, le tout étant résumé par l’invitation à la sainteté. C’est en effet la marche consciente et décidée vers la sainteté qui fait la synthèse de la personnalité d’un pasteur selon le cœur de Dieu.

A vous tous, chers amis, comme saint Paul le disait à Tite, je souhaite grâce et paix de la part de Dieu le Père et du Christ Jésus notre Sauveur. C’est en grandissant dans cette grâce et dans cette paix qui vient du Christ, que vous pourrez les transmettre à ceux à qui vous serez envoyés un jour. C’est ce qu’ils attendent de vous.