2 der Makkabäer (CP) 12
12 1 Ce traité conclu, Lysias sen retourna auprès du roi, et les Juifs se mirent à cultiver leurs champs. 2 Or les généraux de la contrée, Timothée et Apollonius, fils de Germée, ainsi que Hiéronyme et Démophon, auxquels il faut ajouter Nicanor, gouverneur de Chypre, ne les laissaient pas tranquilles ni vivre en paix.
3 Cependant les habitants de Joppé commirent un crime abominable. Ils invitèrent les Juifs qui demeuraient parmi eux à monter avec leurs femmes et leurs enfants sur des barques préparées par eux, comme s'ils n'avaient contre eux aucune inimitié, 4 mais agissaient en vertu d'une décision prise en commun par la ville. Les Juifs acceptèrent, comme des gens qui désirent la paix et n'ont aucune défiance. Mais lorsqu'ils furent au large, on les coula à fond, au nombre de plus de deux cents au moins.
5 Dés que Judas eut appris la cruauté commise contre des hommes de sa nation, il donna des ordres à ses compagnons, et, après avoir invoqué Dieu, 6 le juste juge, il marcha contre les meurtriers de ses frères, mit le feu pendant la nuit aux constructions du port, brûla les navires et passa au fil de l'épée ceux qui y avaient cherché un refuge. 7 Comme la place était fermée, il s'en alla, mais avec le dessein de revenir et de détruire toute la cité des Joppites.
8 Ayant appris que ceux de Jamnia se proposaient aussi de traiter de la même manière les Juifs domiciliés chez eux, 9 Judas attaqua de même pendant la nuit les habitants de Jamnia et brûla le port avec les vaisseaux, en sorte que la lueur de l'incendie fut aperçue jusqu'à Jérusalem, éloignée de deux cent quarante stades.
10 Comme ils s'étaient éloignés de là de neuf stades, marchant contre Timothée, des Arabes tombèrent sur Judas, au nombre d'au moins cinq mille hommes de pied et de cinq cents cavaliers. 11 Le combat fut acharné; mais, avec l'aide de Dieu, Judas et ses compagnons l'emportèrent; vaincus, les nomades demandèrent à Judas de leur tendre la main droite, promettant de lui donner du bétail et de lui être utiles en d'autres choses. 12 Judas, persuadé qu'ils pouvaient en effet lui rendre beaucoup de services, consentit à leur accorder la paix et, après qu'on se fut donné la main, ils se retirèrent sous leurs tentes.
13 Judas attaqua ensuite une ville forte, entourée de remparts avec des ponts-levis, et habitée par des hommes de diverses nations: elle s'appelait Caspin. 14 Les assiégés, confiants dans la force de leurs murailles et bien pourvus de vivres, se montrèrent grossiers, insultant Judas et ses compagnons, et proférant mène des blasphèmes et des paroles impies. 15 Judas et les siens, après avoir invoqué le souverain Maître du monde qui, au temps de Josué, renversa les tours de Jéricho sans béliers ni machines, se précipitèrent sur les murailles comme des lions furieux. 16 Ayant pris la ville par la volonté du Seigneur, ils y firent un immense carnage, au point que l'étang voisin, large de deux stades, semblait rempli du sang qui y avait coulé.
17 De là, par une marche de sept cent cinquante stades, ils atteignirent le Charax, où demeurent les Juifs qui sont appelés Tubiens. 18 Ils ne rencontrèrent pas Timothée en ces lieux-là; comme il n'avait rien pu y faire, il s'en était allé, après avoir laissé en un certain endroit une garnison très forte. 19 Mais deux des généraux de Machabée, Dosithée et Sosipater, allèrent attaquer cette forteresse et tuèrent ceux que Timothée y avait laissés, au nombre de plus de dix mille hommes.
20 De son côté, Machabée ayant rangé son armée par cohortes, leur donna le commandement de ces corps et s'avança contre Timothée, qui avait avec lui cent vingt mille fantassins et deux mille cinq cents cavaliers. 21 Informé de l'approche de Judas, Timothée fit diriger les femmes, les enfants et leur avoir vers le lieu nommé Carnion; car c'était un endroit inexpugnable et d'accès difficile, à cause des passes étroites de toute la contrée. 22 Dès que la première cohorte de Judas parut, l'épouvante s'empara des ennemis; car la puissance de Celui qui voit tout se manifestait à eux d'une manière effrayante, et ils prirent la fuite les uns d'un côté, les autres de l'autre, de telle sorte qu'ils se faisaient de mutuelles blessures et se transperçaient de leurs propres épées. 23 Judas les poursuivit avec acharnement, frappant tous ces hommes criminels, et il en fit périr jusqu'à trente mille. 24 Timothée, étant tombé lui-même entre les mains des soldats de Dosithée et de Sosipater les conjura avec beaucoup d'astuce de le laisser partir sain et sauf, affirmant qu'il tenait en son pouvoir les parents et les frères de beaucoup d'entre eux et, que s'il mourrait, ils ne seraient pas épargnés. 25 Il les assura par de longs discours qu'il était résolu à renvoyer ces hommes sans leur faire aucun mal, si bien que les Juifs le relâchèrent peur sauver leurs frères. 26 Cependant Judas marcha sur Carnion et le sanctuaire d'Atargatis, où il tua vingt-cinq mille hommes.
27 Après avoir mis en déroute et exterminé ces ennemis, Judas conduisit son armée contre Ephron, ville forte où habitait une multitude de diverses nations; de robustes jeunes gens rangés devant les murailles, les défendaient vaillamment, et la ville même était pourvue d'une quantité de machines et de traits. 28 Mais les Juifs, ayant invoqué le Tout-Puissant, Celui qui brise par sa puissance les forces de l'ennemi, se rendirent maîtres de la ville et couchèrent par terre vingt-cinq mille des hommes qui l'occupaient.
29 Partis de là, ils marchèrent contre la ville des Scythes, à six cents stades de Jérusalem. 30 Mais les Juifs qui y résidaient ayant témoigné qu'ils avaient été traités avec bienveillance par les habitants, et que, dans les temps malheureux, ils en avaient reçu de bons offices,
31 Judas et les siens remercièrent les Scythopolitains et les exhortèrent à continuer dans la suite leur bienveillance envers ceux de leur race. Après quoi, ils rentrèrent à Jérusalem, au moment où allait commencer la fête des Semaines.
32 Après la Pentecôte, ils marchèrent contre Gorgias, qui commandait dans l'Idumée. 33 Celui-ci sortit, ayant avec lui trois mille fantassins et quatre cents cavaliers. 34 On en vint aux mains, et il arriva qu'un petit nombre de Juifs tombèrent. 35 Un certain Dosithée, cavalier du corps de Bacénor, homme vaillant, se saisit de Gorgias et, le tirant par sa chlamyde, il l'entraînait vigoureusement, désirant prendre vivant cet homme maudit; mais un des cavaliers Thraces se jetant sur Dosithée, lui trancha l'épaule, et Gorgias put s'enfuir à Marésa. 36 Cependant les hommes d'Esdrin combattaient depuis longtemps et se trouvaient épuisés de fatigue; alors Judas supplia le Seigneur de se montrer leur auxiliaire et leur chef dans le combat. 37 Puis entonnant à haute voix, dans la langue de ses pères, le cri de guerre avec les hymnes, il tomba à l'improviste sur les hommes de Gorgias et les mit en déroute.
38 Ensuite Judas, ayant rallié son armée, la conduisit à la ville d'Odollam, et, le septième jour de la semaine étant arrivé, ils se purifièrent selon la coutume et célébrèrent le sabbat en ce lieu. 39 Le jour suivant, Judas vint avec les siens, selon qu'il était nécessaire, relever les corps de ceux qui avaient été tués, pour les inhumer avec leurs proches dans les tombeaux de leurs pères. 40 Ils trouvèrent, sous les tuniques de chacun des morts, des objets consacrés, provenant des idoles de Jamnia et que la loi interdit aux Juifs; il fut donc évident pour tous que cela avait été la cause de leur mort. 41 Tous bénirent donc le Seigneur, juste juge qui rend manifestes les choses cachées. 42 Puis ils se mirent en prières, demandant que le péché commis fût entièrement pardonné; et le valeureux Judas exhorta le peuple à se garder pur de péché, ayant sous les yeux les conséquences du péché de ceux qui étaient tombés.
43 Puis, ayant fait une collecte où il recueillit la somme de deux mille drachmes, il l'envoya à Jérusalem pour être employée à un sacrifice expiatoire. Belle et noble action, inspirée par la pensée de la résurrection! 44 Car, s'il n'avait pas cru que les soldats tués dans la bataille dussent ressusciter, c'eût été chose inutile et vaine de prier pour des morts. 45 Il considérait en outre qu'une très belle récompense est réservée à ceux qui s'endorment dans la piété, 46 et c'est là une pensée sainte et pieuse. Voilà pourquoi il fit ce sacrifice expiatoire pour les morts, afin qu'ils fussent délivrés de leurs péchés.
13 1 L'an cent quarante-neuf, Judas et ses compagnons apprirent qu'Antiochus Eupator marchait contre la Judée avec des troupes nombreuses, 2 et que Lysias, son tuteur et son ministre, l'accompagnait, chacun d'eux à la tête d'une armée grecque de cent dix mille fantassins, cinq mille trois cents cavaliers, vingt-deux éléphants et trois cents chars armés de faux.
3 Ménélas aussi se joignit à eux et, avec une grande fourberie, il excitait Antiochus, non pour le salut de sa patrie, mais espérant être rétabli dans sa dignité. 4 Cependant le Roi des rois éveilla contre ce scélérat la colère d'Antiochus, et Lysias ayant démontré au roi que Ménélas était la cause de tous les maux, Antiochus ordonna de le conduire à Bérée, et de l'y mettre à mort selon la coutume du lieu. 5 Or il y avait à Bérée une tour de cinquante coudées, remplie de cendres, et couronnée d'une machine tournante qui de tous côtés fait glisser dans la cendre. 6 C'est là que le peuple de Bérée précipite, pour le faire périr, l'homme coupable de vol sacrilège, ou encore celui qui a commis certains autres grands crimes. 7 Ainsi mourut Ménélas, ce violateur de la loi, et c'est très justement qu'il ne fut pas déposé dans la terre. 8 Car il avait maintes fois péché contre l'autel, dont le feu et la cendre étaient purs, et c'est dans la cendre qu'il trouva la mort.
9 Le roi s'avançait donc, l'esprit tout rempli de pensées barbares, disposé à traiter les Juifs plus cruellement que n'avait fait son père. 10 Dès que Judas le sut, il ordonna au peuple d'invoquer nuit et jour le Seigneur, pour que cette fois encore, il vînt au secours de ceux qui allaient être privés de la loi, 11 de leur patrie et du saint temple, et qu'il ne permît pas que ce peuple qui commençait seulement à respirer, tombât sous la puissance des nations impies. 12 Lorsque tous eurent ainsi prié ensemble et imploré le Seigneur miséricordieux avec larmes et avec jeûnes, se tenant continuellement à genoux Pendant trois jours, Judas leur adressa une exhortation et leur commanda de se tenir prêts. 13 Puis, s'étant entretenu à part avec les anciens, il résolut de ne pas attendre que le roi eût fait entrer son armée en Judée et se fût rendu maître de Jérusalem, mais de se mettre incontinent en marche et de tout terminer avec l'aide du Seigneur.
14 Abandonnant donc au Créateur du monde le sort des armes, il exhorta ses compagnons à combattre bravement jusqu'à la mort pour les lois, pour le temple, pour la ville sainte, pour la patrie et les institutions, et il conduisit son armée aux environs de Modin. 15 Après avoir donné aux siens ce mot d'ordre "Victoire par Dieu!" il choisit les plus braves parmi les jeunes guerriers et attaqua pendant la nuit la tente du roi; il tua dans le camp quatre mille hommes, en y ajoutant le plus grand des éléphants, avec la troupe qu'il portait dans une tour. 16 Enfin ils remplirent le camp d'épouvante et de confusion, et se retirèrent avec un plein succès. 17 Quand le jour commença à poindre, tout était achevé, grâce à la protection dont le Seigneur couvrait Judas,
18 Après avoir ainsi éprouvé l'audace des Juifs, le foi essaya de s'emparer des places par ruse. 19 Il marcha contre Bethsur, forte citadelle des Juifs; mais il était repoussé, il subissait des échecs, il avait le dessous. 20 Or Judas fit passer aux assiégés ce qui leur était nécessaire. 21 Cependant Rhodocus, de l'armée des Juifs, dévoilait à l'ennemi les secrets; on fit une enquête, on le surprit et on le mit en prison. 22 Pour la seconde fois le roi parlementa avec les assiégés, leur tendit la main, prit la leur, se retira, 23 attaqua les guerriers de Judas et fut battu. Mais avant appris que Philippe, laissé par Épiphane à la tête des affaires, s'était révolté à Antioche, il en fut consterné; il donna aux Juifs de bonnes paroles, se soumit et jura toutes conditions équitables; il se réconcilia et offrit un sacrifice, il honora le temple, traita humainement le saint lieu. 24 et fit bon accueil à Machabée; il le laissa comme gouverneur militaire depuis Ptolémaïs jusqu'aux Gerrhéniens. 25 Mais lorsque le roi vint à Ptolémaïs, les habitants témoignèrent leur mécontentement au sujet du traité, dont ils s'indignaient et ne voulaient point exécuter les conditions.
26 Lysias monta sur le tribunal, défendit les conventions autant que possible, persuada, disposa favorablement les esprits et partit pour Antioche. Ce fut ainsi qu'eurent lieu l'attaque et la retraite du roi.
14 1 Trois ans s'étant écoulés. Judas et ses compagnons apprirent que Démétrius. fils de Séleucus, ayant fait voile du port de Tripoli avec une armée nombreuse et une flotte, 2 s'était rendu maître du pays et avait mis à mort Antiochus et son tuteur Lysias.
3 Un certain Alcime, précédemment devenu grand prêtre, mais qui s'était volontairement souillé dans les temps de confusion, comprenant qu'il ne lui restait plus aucun espoir de salut ni d'accès à l'autel saint, 4 vint trouver le roi Démétrius en l'an cent cinquante, lui offrant une couronne d'or avec une palme et de plus quelques rameaux d'olivier, tels qu'il est d'usage d'en offrir au temple; et, ce jour-là, il ne fit rien de plus.
5 Mais il trouva une occasion favorable à sa perversité, quand Démétrius, l'ayant appelé dans son conseil, l'interrogea sur les dispositions et les desseins des Juifs. 6 Il répondit: "Les Juifs que l'on nomme Assidéens, dont Judas Machabée est le chef, fomentent la guerre et les séditions, et ne souffrent pas que le royaume soit en paix. 7 Voilà pourquoi, ayant été exclu de mes honneurs héréditaires, je veux dire du souverain pontificat, je suis venu ici, 8 d'abord avec le désir sincère de soutenir les intérêts du roi, ensuite dans le but de procurer aussi le bien-être de mes concitoyens; car la témérité de ces hommes cause à toute notre nation les plus grands maux. 9 Toi donc, ô roi, quand tu auras pris connaissance de toutes ces choses, pourvois au salut de notre pays et de notre nation opprimée, selon cette bonté qui te rend affable envers tous. 10 Car, tant que Judas sera en vie, il sera impossible de ramener la paix dans l'État."
11 Dès qu'il eut parlé de la sorte, les autres amis du roi qui détestaient Judas, enflammèrent encore davantage Démétrius. 12 Il appela aussitôt Nicanor, qui avait commandé l'escadron des éléphants, le nomma général de l'année de Judée et le fit partir, 13 avec ordre écrit de faire périr Judas, de disperser ses compagnons, et d'installer Alcime grand prêtre du temple auguste. 14 Les Gentils, qui s'étaient enfuis de la Judée devant Judas, se rassemblèrent par troupes autour de Nicanor, pensant bien que l'infortune et le malheur des Juifs tourneraient à leur propre avantage.
15 Quand les Juifs apprirent ta marche de Nicanor et l'attaque des nations, ils se couvrirent de poussière et ils prièrent Celui qui avait établi son peuple à jamais, et avait sans cesse protégé son héritage par des signes manifestes. 16 Sur l'ordre de leur chef, ils partirent sur-le-champ et en vinrent aux mains avec l'ennemi, au bourg de Dessau. 17 Simon, frère de Judas, avait engagé le combat contre Nicanor, mais, déconcerté par l'apparition subite de l'ennemi, il subit un léger échec. 18 Toutefois Nicanor, apprenant quelle était la valeur de Judas et de ses compagnons, et avec quelle intrépidité ils se battaient pour leur patrie, craignit de s'en remettre au jugement par le sang. 19 Il envoya donc Posidonius, Théodote et Mattathias pour tendre la main aux Juifs et recevoir la leur. 20 Après avoir longtemps examiné ces propositions, le général les communiqua à l'armée, et, quand il fut évident que tous étaient du même avis, on consentit à traiter. 21 On fixa un jour où les deux chefs se réuniraient seul à seul; Judas s'y présenta, et des sièges d'honneur furent placés auprès d'eux. 22 Cependant Judas avait aposté des hommes armés dans des positions avantageuses, dans la crainte de quelque perfidie soudaine de la part de l'ennemi. Ils eurent un entretien convenable. 23 Nicanor passa quelque temps à Jérusalem, sans y faire rien d'injuste, et il congédia les foules qui s'étaient rassemblées par troupeaux. 24 Il avait avec Judas les relations les plus amicales, éprouvant pour lui une inclination de coeur. 25 Il l'engagea à se marier et à avoir des enfants; Judas se maria, vécut heureusement et jouit de la vie.
26 Alcime, voyant l'amitié qui régnait entre eux, prit une copie du traité conclu, et se rendit auprès de Démétrius; il lui dit que Nicanor avait des desseins contraires aux intérêts de l'État, puisqu'il avait désigné pour le remplacer, Judas, un ennemi du royaume. 27 Le roi en fut hors de lui; excité par les calomnies de ce scélérat, il écrivit à Nicanor qu'il avait un grand déplaisir des conventions conclues et qu'il lui ordonnait de lui envoyer sans délai à Antioche Machabée, chargé de chaînes.
28 Au reçu de cette lettre, Nicanor fut consterné; il lui en coûtait beaucoup d'avoir à violer des conventions arrêtées, sans que Judas eût rien fait d'injuste. 29 Mais, comme il ne lui était pas permis de résister au roi, il cherchait une occasion favorable pour exécuter son ordre par quelque stratagème. 30 Machabée, de son côté, remarquant que Nicanor se montrait plus réservé à son égard et que leurs relations ordinaires étaient moins amicales, comprit que cette froideur n'annonçait rien de bon; il rassembla un grand nombre des siens et se déroba à Nicanor. 31 Quand Nicanor vit qu'il avait été surpris par l'énergique résolution de Judas, il se rendit au temple auguste et saint, pendant que les prêtres offraient les sacrifices accoutumés, et leur ordonna de lui livrer cet homme. 32 Comme ils assuraient avec serment qu'ils ignoraient où était l'homme qu'il cherchait, Nicanor leva la main vers le temple 33 et jura, en disant "Si vous ne me livrez Judas enchaîné, je raserai au niveau du sol ce sanctuaire de Dieu, je détruirai l'autel et j'élèverai ici un temple magnifique à Bacchus." 34 Ayant ainsi parlé, il se retira. De leur côté, les prêtres, levant les mains vers le ciel, invoquèrent Celui qui de tout temps a combattu pour notre peuple, en disant: 35 "Vous, Seigneur, qui n'avez besoin de rien, il vous a plu que le temple où vous habitez soit au milieu de nous. 36 Maintenant donc, seigneur, saint de toute sainteté, préservez à jamais de toute souillure cette demeure récemment purifiée."
37 Or un certain Razis, un des anciens de Jérusalem, fut dénoncé à Nicanor; c'était un homme aimant ses concitoyens, de très bonne renommée, et appelé le père des Juifs, à cause de sa bienfaisance. 38 Car dans les temps antérieurs, où il fallait éviter tout commerce avec les païens, il s'était attiré une accusation de judaïsme et, avec une invincible constance, il avait exposé, pour le judaïsme, son corps et sa vie. 39 Nicanor, voulant donner une preuve de son hostilité contre les Juifs, envoya plus de cinq cents soldats pour le prendre; 40 car il ne doutait pas que son arrestation ne fût un grand coup porté aux Juifs. 41 Cette troupe était sur le point de s'emparer de la tour et de forcer l'entrée du vestibule; déjà l'ordre était donné d'y mettre le feu et de brûler les portes. Mais, au moment où il allait être pris, Razis se jeta sur son épée, 42 aimant mieux mourir noblement que de tomber entre des mains criminelles et de subir des outrages indignes de sa propre noblesse. 43 Mais, comme, dans sa précipitation, il ne s'était pas frappé au bon endroit, voyant la foule se ruer par les portes, il courut avec courage en haut de la muraille et se précipita bravement sur la foule. 44 Tous reculèrent aussitôt, et il se forma un espace vide au milieu duquel il tomba. 45 Respirant encore et l'âme enflammée, il se releva, tout ruisselant de sang, et malgré d'horribles blessures, il traversa la foule en courant et, debout sur une roche qui se dressait là, 46 ayant déjà perdu tout son sang, il s'arracha les entrailles, les jeta de ses deux mains sur la foule, et pria le Maître de la vie et de l'âme de les lui rendre un jour; ce fut ainsi qu'il mourut.
15 1 Cependant Nicanor apprit que Judas et ses compagnons étaient postés du côté de la Samarie, et il résolut de les attaquer en toute sûreté le jour du sabbat. 2 Les Juifs qui le suivaient par contrainte, lui dirent: "Ne les massacre pas d'une manière si féroce et si barbare, mais rends gloire au jour qui a été honoré et sanctifié par Celui qui gouverne tout." 3 Alors ce triple scélérat demanda s'il y avait au ciel un souverain qui eût ordonné de célébrer le jour du sabbat. 4 Ils lui répondirent "C'est le Seigneur, Dieu vivant, lui le souverain Maître au ciel, qui a ordonné de solenniser le septième jour". 5 - "Et moi aussi, reprit l'autre, et, je suis souverain sur la terre, et je commande qu'on prenne les armes et qu'on fasse le service du roi. " Pourtant il ne réussit pas à réaliser son mauvais dessein.
6 Pendant que Nicanor, dans son orgueilleuse sécurité, songeait à dresser un trophée commun de Judas et de ses compagnons, 7 Machabée ne cessait d'avoir confiance, avec pleine espérance, qu'il obtiendrait assistance de la part du Seigneur. 8 Il exhortait les siens à ne pas craindre l'attaque des nations, mais, se souvenant des secours que le Ciel leur avait accordés dans le passé, à compter que le Tout-Puissant leur donnerait encore en ce moment aide et victoire. 9 Il les encouragea en citant la loi et les prophètes, et leur rappela en outre les combats qu'ils avaient soutenus, et leur inspira ainsi une grande ardeur. 10 Après avoir relevé leur courage, il leur donna ses ordres, leur représentant en même temps la perfidie des nations et leur violation des serments.
11 Quand il eut armé chacun d'eux, non pas tant de la sécurité que donnent les boucliers et les lances, mais de la confiance qu'inspirent les bonnes paroles, il leur raconta en outre un songe digne de foi, une vision réelle, qui les réjouit tous. 12 Voici ce qu'il avait vu: Le grand prêtre Onias, cet homme de bien, d'un abord modeste et de moeurs douces, distingué dans son langage et adonné dès l'enfance à toutes les pratiques de la vertu, il l'avait vu, les mains étendues, priant pour toute la nation des Juifs. 13 Ensuite lui était apparu, de la même manière, un homme distingué par son grand âge et son air de dignité, d'un aspect admirable, et entouré de la plus imposante majesté. 14 Onias, prenant la parole, lui avait dit: "Celui-ci est l'ami de ses frères, qui prie beaucoup pour le peuple et pour la ville sainte, Jérémie, le prophète de Dieu." 15 Puis Jérémie, étendant la main droite, avait donné à Judas une épée d'or et, en la lui remettant, il avait dit: 16 "Prends cette sainte épée, c'est un don de Dieu; avec elle tu briseras tes ennemis."
17 Animés par ces nobles paroles de Judas, bien capables d'exciter à la vaillance et de fortifier les âmes des jeunes gens, ils résolurent de ne pas se retrancher dans un camp, mais de se jeter hardiment sur l'ennemi, et, dans un combat acharné, de décider l'affaire, puisque la ville, la religion et le temple étaient en péril. 18 Car, dans cette lutte, ils songeaient moins à leurs femmes, à leurs enfants, à leurs frères et à leurs proches; leur plus grande crainte, et la première, était pour le temple saint. 19 L'angoisse des citoyens restés dans la ville n'était pas moindre, inquiets qu'ils étaient sur l'issue du combat qui allait se livrer dehors.
20 Pendant que tous attendaient le prochain dénouement, que déjà les ennemis se rassemblaient, en ordre de bataille, que les éléphants étaient disposés à la place convenable et les cavaliers sur les ailes, 21 Machabée, voyant cette immense multitude, l'appareil varié de leurs armes, l'aspect farouche des éléphants, habilement disposés, leva les mains au ciel et invoqua le Seigneur qui fait des prodiges; car il savait que la victoire ne vient pas de la force des armes, mais que c'est Dieu qui en décide et l'accorde à ceux qui en sont dignes. 22 Voici quelle fut sa prière: "Vous, souverain Maître, qui avez envoyé votre ange, sous Ezéchias, roi de Juda, et qui avez exterminé cent quatre-vingt cinq mille hommes du camp de Sennachérib, 23 maintenant encore, ô Souverain des cieux, envoyez votre bon ange devant nous, pour qu'il répande la crainte et l'effroi. 24 Que par la grandeur de votre bras soient frappés ceux qui sont venus, le blasphème à la bouche, contre votre peuple saint!" Telles furent ses paroles.
25 Cependant Nicanor et son armée s'avançaient au son des trompettes et des chants de guerre. 26 Judas et les siens engagèrent le combat en invoquant et en priant. 27 Combattant de leurs bras et priant Dieu dans leurs coeurs, ils couchèrent par terre au moins trente-cinq mille hommes, et ils se réjouirent grandement du secours manifeste de Dieu.
28 L'affaire terminée, pendant qu'ils se débandaient joyeusement, ils reconnurent que Nicanor était tombé, revêtu de son armure. 29 Alors, au milieu des clameurs et de la confusion, ils bénirent le Maître souverain dans la langue de leurs pères. 30 Et celui qui s'était consacré tout entier, corps et âme, à la défense de ses concitoyens, qui avait conservé pour ses compatriotes l'affection de sa jeunesse, Judas ordonna de couper la tête de Nicanor et sa main avec son bras, et de les porter à Jérusalem. 31 Il s'y rendit lui-même, convoqua ses compatriotes et les prêtres, et, s'étant placé devant l'autel, il envoya chercher ceux de la citadelle, 32 et il leur montra la tête du criminel Nicanor et la main que ce blasphémateur avait étendue avec tant d'insolence contre la demeure sainte du Tout-Puissant. 33 Puis, ayant coupé la langue de l'impie Nicanor, il voulut qu'on la donnât par morceaux en pâture aux oiseaux, et qu'on suspendit en face du temple le prix remporté par sa folie. 34 Tous firent monter vers le ciel des bénédictions au Seigneur glorieux, en disant: "Béni soit Celui qui a gardé sa demeure sans souillure!" 35 Judas attacha la tête de Nicanor à la citadelle, comme un signe manifeste et visible à tous du secours du Seigneur. 36 D'un commun accord on rendit un édit public ordonnant de ne pas laisser passer ce jour sans solennité,
37 mais de célébrer le treizième jour du douzième mois, appelé Adar en syriaque, la veille du jour dit de Mardochée.
38 Ainsi se passèrent les choses concernant Nicanor, et, comme à partir de ce temps la ville demeura en possession des Hébreux, moi aussi je finirai là mon récit.
39 Si la disposition des faits en est heureuse et bien conçue, c'est aussi ce que j'ai voulu; si elle est imparfaite et médiocre, c'est tout ce que j'ai pu faire.
40 Car de même qu'il ne vaut rien de boire seulement du vin ou seulement de l'eau, tandis que le vin mêlé à l'eau est bon et produit une agréable jouissance, de même c'est l'art de disposer le récit qui charme les oreilles de ceux qui lisent l'histoire. C'est donc ici que je termine.
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