D.P. à Sr Marie du Sacré Coeur 1
Introduction générale aux "Derniers Entretiens".
DERNIÈRES PAROLES
DE SOEUR THÉRÈSE DE L'ENFANT JÉSUS
recueillies par Soeur Marie du Sacré Coeur
1. A propos d'une novice qui la fatiguait beaucoup, je lui dis :
« C'est pour vous un fameux combat! En avez-vous peur ? »
Un soldat n'a pas peur du combat et je suis un soldat.
(Après avoir grondé la même novice)
Est-ce que je n'ai pas dit que je mourrai les armes à la main ? 1
2.
Le « Voleur » est bien loin, il est allé voler d'autres enfants ! 2
3.
Nous sommes au 8 Juillet et, le 9 Juin, je voyais le Voleur. Si c'est comme cela qu'il fait, il n'est pas près de me voler...
4.
On m'a mise « dans un lit de malheur », dans un lit qui fait manquer le train.
Elle faisait allusion à Mère Geneviève, qui, dans ce même lit,
avait reçu trois fois l 'Extrême Onction.
1. Après la visite du médecin qui la trouvait mieux.
Le « Voleur » est encore parti ! Enfin comme le bon Dieu voudra !
1. - Si vous deviez recommencer votre vie, comment feriez-vous ?
Je ferais comme j'ai fait. 3
1. - Si vous saviez comme je fais des projets, comme je ferai de choses quand je serai au Ciel... Je commencerai ma mission... 4
- Quels projets avez-vous donc 7
Des projets de revenir avec mes petites soeurs, et d'aller là-bas pour aider les missionnaires, et puis empêcher les petits sauvages de mourir avant d'être baptisés.
2.
Je lui disais que lorsqu'elle serait partie je n'aurais plus le courage, il me semble, d'adresser un mot à personne, que je resterais dans un état de prostration.
Ce n'est pas selon la loi évangélique. Il faut se faire tout à tous. 1Co 9,22
3.
Réjouissez-vous. Vous serez bientôt affranchie des peines de la vie !
Moi qui suis un soldat si vaillant !
4.
Et petite marraine que faut-il qu'elle fasse ?
Qu'elle s'élève au dessus de tout ce que disent les soeurs, de tout ce qu'elles font. Il faut que vous soyez comme si vous n'étiez pas dans votre monastère, comme si vous ne deviez passer que deux jours ici. Vous vous garderiez bien de dire ce qui vous déplaît puisque vous devez le quitter.
(Comme je finissais d'écrire ces paroles pendant qu'on sonnait le Salve)
Il vaudrait mieux, à beaucoup près, perdre cela et faire un acte de régularité. Si on savait ce que c'est !
1. Si le bon Dieu me disait : « Si tu meurs tout de suite, tu auras une très grande gloire. Si tu meurs à 80 ans, ta gloire sera bien moins grande mais cela me fera beaucoup plus de plaisir. » Alors je n'hésiterais pas à répondre : « - Mon Dieu, je veux mourir à 80 ans, car je ne cherche pas ma gloire, mais seulement votre plaisir.
Les grands saints ont travaillé pour la gloire du bon Dieu,. mais moi qui ne suis qu'une toute petite âme, je travaille pour son unique plaisir, pour ses fantaisies et je serais heureuse de supporter les plus grandes souffrances, même sans que le bon Dieu le sache, si c'était possible, non pas afin de lui donner une gloire passagère mais si je savais seulement que, par là, un sourire pût effleurer ses lèvres. 5
1. « En me penchant un peu, je voyais par la fenêtre le soleil couchant qui jetait ses derniers feux sur la nature, et le sommet des arbres paraissait tout doré Je me disais alors: Quelle différence si on reste à l'ombre ou, qu'au contraire, on s'expose au soleil de l'amour... Alors on paraît tout doré. C'est pour cela que je parais toute dorée. En réalité je ne le suis pas et je cesserais de l'être immédiatement si je m'éloignais de l'amour. »
1. Nous disions que cela nous coûterait beaucoup de perdre nos récréations pour toute autre que pour elle. Elle répondit aussitôt :
Et moi j'aurais été si heureuse de le faire ! Puisqu'on est sur la terre pour souffrir, plus on souffre, plus on est heureux... On pratique bien plus la charité en obligeant une personne qui vous est moins sympathique 6 Oh ! qu'on sait mal arranger ses petites affaires sur la terre !
2.
Je lui disais: qu'on est heureux de mourir après avoir passé sa vie dans l'amour.
Oui, mais il faut aussi ne pas manquer à la charité envers le prochain.
1. Je lui disais qu'une certaine petite musique de la Ste Marthe avait
été pour elle une occasion de mérites : Elle reprit aussitôt :
Pas de mérites ! Faire plaisir au bon Dieu... Si j'avais amassé des mérites, je serais désespérée tout de suite !
1. Je ne sais pas comment je ferai pour mourir... Ah ! je suis bien abandonnée... Comme le bon Dieu voudra !
1. Je lui disais : Moi qui ai demandé que vous ne souffriez pas beaucoup et vous souffrez tant ! Elle me répondit :
J'ai demandé au bon Dieu de ne pas écouter les prières qui mettraient obstacle à l'accomplissement de ses desseins sur moi et qu'Il lève toutes les difficultés qui s'y opposeraient.
1. Je lui disais : Je ne pourrai donc pas m'épancher auprès de Mère Agnès de Jésus?
Il n'y aurait que dans le cas où elle aurait besoin de consolation. De votre côté, il ne faut jamais lui parler pour votre consolation tant qu'elle ne sera pas Prieure. Je vous assure que c'est toujours cela que j'ai fait. Ainsi Notre Mère lui avait donné la permission de me parler, mais moi je ne l'avais pas et je ne lui disais rien de mon âme. Je trouve que c'est cela qui rend la vie religieuse un martyre. Sans cela, ce serait une vie facile et sans mérites.
1. Le 13 8 avant de recevoir la Ste Communion elle avait été particulièrement émue du Confiteor récité par la Communauté.
Elle me dit :
Quand j'entendais toutes les soeurs dire pour moi : Je confesse à Dieu le Père tout Puissant, à la Bse Vierge Marie, à tous les Saints, je pensais : Oh ! oui, on fait bien de demander pardon à tous les Saints... Je ne puis rendre mes sentiments. C'est comme cela que le bon Dieu me fait sentir comme je suis petite. Cela me rend si heureuse !
2.
Je lui disais: Ce qui me fait de la peine c'est que vous allez encore souffrir beaucoup.
Pas à moi, parce que le bon Dieu me donne ce qu'il me faut.
3.
Nous disions : Si le bon Dieu allait la prendre cette nuit, elle s'en irait sans qu'on s'en aperçoive... Quelle peine nous aurions !
Ah ! je trouve que ce serait bien gentil de sa part, il me volerait !
1. Ce n'est pas comme les personnes qui souffrent du passé, qui souffrent de l'avenir. Moi, je ne souffre qu'au moment présent. Ainsi ce n'est pas grand chose.
1. On ne sait pas ce que c'est que de souffrir comme cela... Non il faut le sentir...
( Après cette même journée de souffrances continuelles. )
Voyez comme le bon Dieu est bon ! Aujourd'hui, je n'avais pas la force de tousser et je n'ai presque pas toussé. maintenant que je suis un peu mieux, cela va recommencer.
1. je lui dis : Voulez de l'eau glacée ?
Oh ! j'en ai une envie !...
- Notre Mère vous a obligée de demander tout ce qui vous est nécessaire, faites le par obéissance.
Je demande tout ce dont j'ai besoin.
- Pas ce qui vous fait plaisir ?
Non, ce qui m'est nécessaire seulement. Ainsi quand je n'ai pas de raisin je n'en demanderais pas.
( Quelque temps après avoir bu elle regardait son verre d'eau.)
- Je lui dis : Buvez un peu.
Non, je n'ai pas la langue desséchée.
( Quand je pense que malade comme vous l'êtes vous trouvez encore le moyen de vous mortifier ? )
Que voulez-vous, si je m'écoutais je boirais trop souvent.
1. ( Au sujet de Mère H. du Coeur de Jésus à qui il fallait rendre beaucoup de petits services. )
Que j'aurais été heureuse d'être son infirmière. Cela m'aurait peut-être coûté selon la nature mais il me semble que je l'aurais soignée avec tant d'amour, parce que je pense à ce qu'a dit Notre Seigneur : « J'étais malade et vous m'avez soulagé. » Mt 25,36
1. Ah ! la Sainte Vierge ! Elle n'est pas venue me chercher !...
1. ( à propos du cimetière. )
Vous, je comprends que cela vous fasse quelque chose. Mais moi ! Que voulez-vous que cela me fasse ?... 10
On mettra quelque chose de mort dans la terre ; ce n'est pas comme si j'étais en léthargie, alors ce serait cruel.
1. Je désirais un mot comme si elle se souvenait du passé et du dévouement dont je l'avais entourée dans son enfance. A peine avais-je eu cette pensée qu'elle nous regarda, Mère Agnès de Jésus et moi, les yeux pleins de larmes en disant:
« Petites soeurs... c'est vous qui m'avez élevée !...
1. Je la regardais avec tendresse.
« Marraine que vous êtes belle quand votre figure s'éclaire d'un rayon d'amour... c'est si pur ! »
1. « Oh ! c'est bien la souffrance pure parce qu'il n'y a pas de consolations... Non, pas une !
O mon Dieu !!! Je l'aime pourtant le bon Dieu... O ma bonne Sainte Vierge venez à mon secours !
Si c'est cela l'agonie, qu'est-ce que c'est que la mort ?...
O ma pauvre petite Mère, je vous assure que le vase est plein jusqu'au bord !
Oui, mon Dieu. tout ce que vous voudrez !... Mais ayez pitié de moi !
Mes petites soeurs... mes petites soeurs... Mon Dieu... Mon Dieu ayez pitié de moi ! Je ne peux plus... je ne peux plus !
Et pourtant il faut bien que j'endure... Je suis... je suis réduite... Non, je n'aurais jamais cru qu'on pouvait tant souffrir... Jamais ! jamais !
O ma Mère, je ne crois plus à la mort pour moi... Je crois bien à la souffrance !
Demain ce sera encore pire ? Enfin tant mieux !
2.
Dernière parole en regardant son crucifix :
« Oh ! je l'aime...
Mon Dieu... je vous aime.
A SOEUR MARIE DU SACRE-COEUR (DE/MSC)
n. 1. PN 48,5.
n. 2. Cf. CJ 9.6.1.
n. 3. Parole rapportée par HA 98, p. 227, et en NV 12.7.3.
n. 4. Cf. CJ 13.7.17.
n. 5. Cf. CJ 16.7.6.
n. 6. Cf. MSC 13v/14r.
n. 7. Cf. CJ 6.6.4 ; 31.7.4 ; 1.8.5 ; 29.9.2 ; 30.9.
n. 8. En réalité le 12 août.
n. 9. Cf. CJ 27.8.9.
n. 10. Cf. DE, 17.9+a, pp. 660s.
D.P. à Sr Marie du Sacré Coeur 1