2013 Directoire prêtres 7


7  Cette conscience fondée sur le lien ontologique avec le Christ s’écarte « des catégories plus “fonctionnalistes” qui ont présenté le prêtre presque comme un agent social ou administrateur des rites sacrés, risquant de trahir le sacerdoce du Christ lui-même »[28] en réduisant la vie du prêtre à un ensemble de devoirs qu’il doit accomplir. Tous les hommes ont un désir religieux naturel qui les distingue de tout autre être vivant et en fait des chercheurs de Dieu. Par conséquent les gens recherchent chez le prêtre l’homme de Dieu auprès duquel ils peuvent découvrir Sa Parole, Sa Miséricorde et le Pain du ciel qui « donne la vie au monde » (Jn 6,33) : « En fin de compte, Dieu est la seule richesse que les hommes désirent trouver chez un prêtre ».[29]

Conscient de son identité, le prêtre lorsqu’il se trouve aux prises avec l’exploitation, la misère ou l’oppression, la mentalité sécularisée et relativiste ou tant d’autres situations de la culture post moderne, qui remettent en question les vérités fondamentales de notre foi, y verra l’occasion d’exercer son ministère de pasteur appelé à annoncer au monde l’évangile. Le prêtre « toujours pris parmi les hommes, est chargé d’intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu » (He 5,1). Il annoncera aux âmes le mystère du Christ qui seul peut éclairer vraiment le mystère de l’homme.[30]

[28]    Ibid.
[29]    Benoît XVI, Discours aux participants de la plénière de la Congrégation pour le Clergé (16 mars 2009) : l.c., 393.
[30]    Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique Gaudium et Spes. AAS 58 (1966), 22.


Consécration et mission

8  Le Christ associe les Apôtres à sa propre mission : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jn 20,21). Dans l’ordination sacrée, la dimension missionnaire est ontologiquement présente. Le prêtre est choisi, consacré et envoyé pour rendre efficace aujourd’hui cette mission éternelle du Christ,[31] dont il devient l’authentique représentant et messager : Il ne s’agit pas d’une simple fonction de représentation extrinsèque, mais bien d’un authentique instrument de transmission de la grâce de la rédemption : « Celui qui vous écoute, c’est moi qu’il écoute, et celui qui vous rejette, rejette celui qui m’a envoyé » (Lc 10,16).

On peut donc dire que la configuration au Christ, par le moyen de la consécration sacramentelle, définit le prêtre au sein du Peuple de Dieu, en le faisant participer d’une façon qui lui est propre au pouvoir sanctificateur, magistériel et pastoral de Jésus Christ lui-même, Tête et Pasteur de l’Église.[32] Le prêtre en devenant plus semblable au Christ est, grâce à Lui et non par lui-même, un collaborateur du salut de ses frères : ce n’est plus lui qui vit et agit, mais le Christ en lui (cf. Ga 2,20).

Agissant in persona Christi Capitis, le prêtre devient le ministre des actions salvifiques essentielles ; il transmet les vérités nécessaires au salut et fait paître le Peuple de Dieu, en le conduisant vers la sainteté.[33]

La configuration du prêtre au Christ ne s’opère pas uniquement par l’activité évangélisatrice, sacramentelle et pastorale. Elle se vérifie également dans l’oblation de soi et dans l’expiation, autrement dit, en acceptant avec amour les souffrances et les sacrifices propres au ministère sacerdotal.[34] L’apôtre saint Paul a exprimé cette dimension qualifiante du ministère avec cette célèbre expression : « Je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous, car ce qu’il reste à souffrir des épreuves du Christ, je l’accomplis dans ma propre chair, pour son corps qui est l’Église » (Col 1,24).

[31]    Cf. Congrégation pour la doctrine de la foi, Déclaration Dominus Iesus sur l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus Christ et de l’Église (6 août 2000), 13-15 : AAS 92 (2000), 754-756.
[32]    Cf. Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 18.
[33]    Cf. ibid., PDV 15.
[34]    Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 12.


1.3  Dimension pneumatologique


Caractère sacramentel

9 Dans son ordination presbytérale, le prêtre a reçu le sceau de l’Esprit-Saint qui fait de lui un homme marqué par le caractère sacramentel afin d’être pour toujours ministre du Christ et de l’Église. Conforté par la promesse selon laquelle le Consolateur demeurera « avec lui pour toujours » (cf. Jn 14,16-17), le prêtre sait qu’il ne perdra jamais la présence et le pouvoir efficace du Saint-Esprit, pour pouvoir exercer son ministère et vivre la charité pastorale – source, critère et mesure de l’amour et du service – comme un don total de soi pour le salut de ses frères. Cette même charité oriente le prêtre dans son mode de penser, d’agir et de se comporter avec autrui.


Communion personnelle avec le Saint-Esprit

10 C’est aussi le Saint-Esprit qui, dans l’ordination, confère au prêtre le devoir prophétique d’annoncer et d’expliquer, avec autorité, la Parole de Dieu. Inséré dans la communion de l’Église avec tout l’ordre sacerdotal, le prêtre sera guidé par l’Esprit de Vérité, que le Père a envoyé par le Christ, et qui enseigne toute chose, rappelant tout ce que Jésus a dit aux Apôtres. Par conséquent le prêtre, avec l’aide de l’Esprit Saint, et grâce à l’étude de la Parole de Dieu dans les Écritures, à la lumière de la Tradition et du Magistère,[35] découvre la richesse de la Parole qu’il doit annoncer à la communauté ecclésiale qui lui est confiée.

[35]    Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique Dei Verbum. AAS 58 (1966),
DV 10 ; Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 4.


Invocation de l’Esprit

11  L’onction de l’Esprit Saint ne confère pas simplement au prêtre un don et un signe indélébile, mais l’obligation d’invoquer sans cesse le Paraclet – don du Christ ressuscité – sans lequel son ministère sacerdotal serait stérile. Chaque jour le prêtre invoque les lumières de l’Esprit saint pour imiter le Christ.

Par la vertu du caractère sacramentel, identifiant son intention avec celle de l’Église, le prêtre est toujours en communion avec l’Esprit saint dans la célébration de la liturgie, et surtout de l’Eucharistie et des autres sacrements. Dans chaque sacrement en effet, c’est le Christ qui agit en faveur de l’Église, par le Saint-Esprit invoqué dans sa puissance efficace par le prêtre célébrant in persona Christi.[36]

La célébration sacramentelle, par conséquent, tire son efficacité de la parole du Christ qui l’a instituée et de la puissance de l’Esprit que l’Église invoque souvent par le moyen de l’épiclèse.

Ceci est particulièrement évident dans la Prière eucharistique où le prêtre, invoquant la puissance de l’Esprit saint sur le pain et le vin, prononce les paroles de Jésus pour que se réalise la transsubstantiation du pain dans le corps « livré » du Christ et du vin dans le sang « versé » du Christ et rende sacramentellement présent son unique sacrifice rédempteur.[37]

[36]    Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Presbyterorum Ordinis,
PO 5 ; Catéchisme de l’Église Catholique, CEC 1120.
[37]    Cf. Benoît XVI, Exhort. ap. post-synodale Sacramentum caritatis, 13 ; 48.


Force pour guider la communauté

12 C’est finalement dans la communion de l’Esprit saint que le prêtre trouve la force pour guider la communauté qui lui est confiée et pour la maintenir dans l’unité voulue par le Seigneur.[38] La prière du prêtre à l’Esprit Saint peut prendre exemple de la prière sacerdotale de Jésus Christ (cf. Jn 17). Il doit donc prier pour l’unité des fidèles afin qu’ils soient « Un », pour que le monde croie que le Père a envoyé le Fils pour le salut de tous.

[38]    Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 6.


1.4 Dimension ecclésiologique


“Dans” et “face” à l’Église

13  Le Christ, source permanente et toujours nouvelle du salut, est le mystère originaire dont découle le mystère de l’Église, son Corps et son Épouse, appelée par l’Époux à être signe et instrument de rédemption. Par l’oeuvre confiée aux apôtres et à leurs successeurs, le Christ continue à donner la vie à son Église. C’est en elle que le ministère du prêtre trouve sa place naturelle pour réaliser sa mission.

À travers le mystère du Christ, le prêtre, quand il exerce son ministère dans toute sa diversité, entre aussi dans le mystère de l’Église qui « prend conscience, dans la foi, de ne pas exister par elle-même, mais par la grâce du Christ dans l’Esprit-Saint ».[39] Le prêtre, pour cette raison, bien qu’inséré dans l’Église, se place aussi face à elle.[40]

L’expression éminente de cette place du prêtre dans et face à l’Église se trouve dans la célébration de l’Eucharistie où « le prêtre invite le peuple à élever les coeurs vers le Seigneur dans la prière et l´action de grâce, et il se l´associe dans la prière qu´il adresse à Dieu le Père par Jésus Christ dans l’Esprit Saint, au nom de toute la communauté».[41]

[39]    Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis,
PDV 16.
[40]    Cf. ibid. PDV 16
[41]    Institutio Generalis Missalis Romani (2002), 78.


Participant à la sponsalité du Christ

14  En effet, le sacrement de l’Ordre rend le prêtre participant non seulement au mystère du Christ Prêtre, Maître, Tête et Pasteur, mais aussi, d’une certaine manière, à celui du Christ « Serviteur et Époux de l’Église ».[42] Elle est Son « Corps », et il l’a aimée et il l’aime au point de se donner lui-même pour elle (cf. Ep 5,25) ; il la régénère et la purifie continuellement par la Parole et par les sacrements (cf. ibid. Ep 5,26) ; il se sacrifie pour la rendre toujours plus belle (cf. ibid. Ep 5,27) et enfin, il la nourrit et l’entoure de soins (cf. ibid. Ep 5,29).

Les prêtres qui – collaborateurs de l’ordre épiscopal – constituent avec leur évêque un seul presbyterium,[43] participent à un degré subordonné de l’unique sacerdoce du Christ. D’une certaine manière, ils participent aussi, à l’exemple de l’évêque, de cette dimension sponsale vis-à-vis de l’Église, bien signifiée dans le rite de l’ordination épiscopale par la remise de l’anneau.[44]

Les prêtres qui, « dans chacune des communautés locales de fidèles, rendent pour ainsi dire présent l’évêque, auquel ils sont unis dans la confiance et la magnanimité »,[45] devront être fidèles à l’Épouse, et comme des icônes vivantes du Christ Époux, ils devront rendre opérant le don multiforme du Christ à son Église. Parce qu’il est appelé dans un acte d’amour surnaturel absolument gratuit, le prêtre doit aimer l’Église comme le Christ l’a aimée, lui consacrant toutes ses énergies et se donnant dans la charité pastorale jusqu’à donner quotidiennement sa propre vie.

[42]    Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 3.
[43]    Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique Lumen gentium, LG 28 ; Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 7 ; Décr. Christus Dominus, CD 28 ; Décr. Ad gentes, AGD 19; Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 17.
[44]    Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique Lumen gentium, LG 28 ; Pontificale romanum, Ordinatio Episcoporum, Presbyterorum et Diaconorum, cap. I, n. 51, Ed. typica altera, 1990, 26.
[45]    Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique Lumen gentium, LG 28.


Universalité du sacerdoce

15  Le commandement du Seigneur d’évangéliser toutes les nations (cf. Mt 28,18-20) constitue une autre dimension de l’être du prêtre face à l’Église.[46] Envoyé, missus par le Père à travers le Christ, le prêtre appartient « de manière immédiate » à l’Église universelle,[47] qui a la mission d’annoncer la Bonne Nouvelle « jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8).[48]

« Le don spirituel que les prêtres ont reçu à l’ordination les prépare à une mission de salut d’ampleur universelle ».[49] En effet, par l’Ordre et le ministère reçu, tous les prêtres sont associés au corps épiscopal et, en communion hiérarchique avec lui, ils servent l’Église toute entière selon leur vocation et leur grâce spécifiques.[50] Le fait de l’incardination[51] ne doit pas enfermer le prêtre dans une mentalité étroite et particulariste, mais l’ouvrir plutôt au service de l’unique Église de Jésus Christ.

En ce sens, chaque prêtre reçoit une formation qui lui permet de servir l’Église universelle sans se spécialiser uniquement pour un lieu ou une tâche particulière. Cette « formation le prépare à faire face aux situations les plus diverses avec une disponibilité de service constante pour l’Église universelle sans condition aucune ».[52]

[46]    Cf. Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 16.
[47]    Cf. Congrégation pour la doctrine de la foi, Lettre sur l’Église comme communion Communionis notio (28 mai 1992), 10 : AAS 85 (1993), 884.
[48]    Cf. Jean-Paul II, Lettre encyclique Redemptoris missio (7 décembre 1990), RMi 23 : AAS 83 (1991), 269.
[49]    Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 10 ; cf. Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 32.
[50]    Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique Lumen gentium, LG 28 ; Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 7.
[51]    Cf. C.I.C. can. CIC 266, §1.
[52]    Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique Lumen gentium, LG 23 LG 26 ; Sacré Congrégation pour le Clergé, Directive Postquam Apostoli (25 mars 1980), 5 ; 14 ; 23 : AAS 72 (1980), 346-347 ; 353-354 ; 360-361. Tertullien, De praescriptione, 20, 5-9 ; CCL 1, 201-202 ; comme Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre Communionis notio sur certains aspects de l’Église comprise communion, 10 : l.c., 844.


Dimension missionnaire du sacerdoce pour une nouvelle évangélisation

16  Le prêtre participe à la consécration du Christ et est impliqué dans sa mission salvifique conformément à son dernier commandement : « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ; et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés » (Mt 28,19-20) ; cf. Mc 16,15-18 Lc 24,47-48 Ac 1,8). La tension missionnaire est une partie constitutive de la vie d’un prêtre – appelé à devenir « pain rompu pour la vie du monde » – parce que « La mission première et fondamentale qui nous vient des saints Mystères que nous célébrons est de rendre témoignage par notre vie. L’émerveillement pour le don que Dieu nous a fait dans le Christ imprime à notre existence un dynamisme nouveau qui nous engage à être témoins de son amour. Nous devenons témoins lorsque, par nos actions, nos paroles et nos comportements, un Autre transparaît et se communique ».[53]

« Les prêtres, en vertu du sacrement de l’Ordre, sont appelés à partager la sollicitude pour la mission : “Le don spirituel que les prêtres ont reçu à l’ordination les prépare à une mission de salut d’ampleur universelle […]” (Presbyterorum Ordinis, PO 10). Tous les prêtres doivent avoir un coeur et une mentalité missionnaires, être ouverts aux besoins de l’Eglise et du monde ».[54] Cette exigence de la vie de l’Église dans le monde contemporain doit être perçue et vécue par chaque prêtre. C’est pour cela, que chaque prêtre est invité à avoir un esprit missionnaire, un esprit vraiment “catholique” qui partant du Christ s’adresse à tous « car il veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité » (1Tm 2,4-6).

Par conséquent, il est important que le prêtre soit pleinement conscient de cette dimension missionnaire de son sacerdoce et qu’il la vive profondément en harmonie avec l’Église qui éprouve aujourd’hui comme hier, le besoin d’envoyer ses ministres là où la mission est plus urgente, surtout auprès des plus pauvres.[55] Il en découle la nécessité de réaliser une distribution plus équitable du clergé.[56] Il faut reconnaître à ce propos que les prêtres qui se rendent disponibles pour offrir leur service dans d’autres diocèses ou pays constituent un grand don tant pour l’église particulière qui les reçoit que pour celle qui les envoie.

[53]    Benoît XVI, Exhort. ap. post-synodale Sacramentum caritatis, 85.
[54]    Jean-Paul II, Lettre encyclique Redemptoris missio, RMi 67 : l.c., 315-316.
[55]    Cf. Congrégation pour le Clergé, Lettre circulaire L’identité missionnaire du prêtre dans l’Église comme dimension intrinsèque de l’exercice du tria munera (29 juin 2010), 3.3.5.


17 « Toutefois, on note de nos jours une confusion sans cesse grandissante qui induit beaucoup de personnes à ne pas écouter et à laisser sans suite le commandement missionnaire du Seigneur (cf. Mt 28,19). Toute tentative de convaincre d’autres personnes sur les questions religieuses est souvent perçue comme une entrave à la liberté. Il serait seulement licite d’exposer ses idées et d’inviter les personnes à agir selon leur conscience, sans favoriser leur conversion au Christ et à la foi catholique : on affirme qu’il suffit d’aider les hommes à être plus hommes, ou plus fidèles à la religion, ou encore qu’il suffit de former des communautés capables d’oeuvrer pour la justice, la liberté, la paix, la solidarité. En outre, certains soutiennent qu’on ne devrait pas annoncer le Christ à celui qui ne le connaît pas ni favoriser son adhésion à l’Église puisqu’il serait possible d’être sauvé sans une connaissance explicite du Christ et sans une incorporation formelle à l’Église ».[57]

Le serviteur de Dieu, Paul VI s’adresse également aux prêtres lorsqu’il affirme : « Il ne serait pas inutile que chaque chrétien et chaque évangélisateur approfondisse dans la prière cette pensée : les hommes pourront se sauver aussi par d’autres chemins, grâce à la miséricorde de Dieu, même si nous ne leur annonçons pas l’Évangile ; mais nous, pouvons-nous nous sauver si par négligence, par peur, par honte – ce que saint Paul appelait “rougir de l’Évangile” (cf. Rm 1,16) – ou par suite d’idées fausses nous omettons de l’annoncer ? Car ce serait alors trahir l’appel de Dieu qui, par la voix des ministres de l’Évangile, veut faire germer la semence ; et il dépendra de nous que celle-ci devienne un arbre et produise tout son fruit ».[58] Jamais comme aujourd’hui le clergé doit se sentir engagé apostoliquement à réunir tous les hommes dans le Christ, dans son Église. « Ainsi donc, à cette unité catholique du peuple de Dieu qui préfigure et promeut la paix universelle, tous les hommes sont appelés ».[59]

Par conséquent, on ne peut admettre les opinions qui, au nom d’un respect mal compris des cultures particulières, tendent à dénaturer l’action missionnaire de l’Église appelée à accomplir un seul ministère universel de salut qui transcende et doit vivifier toutes les cultures[60]. Il est dès lors impossible de renoncer à l’expansion universelle, intrinsèque au ministère sacerdotal.

[56]    Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique Lumen gentium, LG 23 ; Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 10 ; cf. Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 32 ; Sacrée Congrégation pour le Clergé, Directive Postquam Apostoli (25 mars 1980) : l.c. 343-364 ; Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples, (1er octobre 1989), 4 EV 11, 1588-1590 ; C.I.C. can. 271.
[57]    Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Note doctrinale sur certains aspects de l’Évangélisation (3 décembre 2007), 3 : AAS 100 (2008), 491.
[58]    Paul VI Exhort. ap post-synodale Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), EN 80 : AAS 68 (1976), 74.
[59]    Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique Lumen gentium, LG 13.
[60]    Cf. Congrégation pour l’évangélisation des peuples, Guide pastoral pour les prêtres diocésains des Églises dépendant de la Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples. l.c., 1580-1650 ; Jean-Paul II, Lettre encyclique Redemptoris missio, RMi 54 RMi 67 : l.c., 301-302 ; 315-316.


18  Dès les débuts de l’Église, les apôtres ont obéi au dernier commandement du Seigneur ressuscité. En suivant leur exemple, L’Église évangélise toujours et n’a jamais interrompu le cours de l’évangélisation.[61]

Celle-ci se réalise « toutefois différemment selon les diverses situations dans lesquelles elle a lieu. Au sens strict du terme, c’est la missio ad gentes qui s’adresse à ceux qui ne connaissent pas le Christ. Au sens large, on parle d’évangélisation pour l’aspect ordinaire de la pastorale ».[62] L’évangélisation est l’action de l’Église qui proclame la Bonne Nouvelle en vue de la conversion, de l’invitation à la foi, de la rencontre personnelle avec Jésus, pour en devenir le disciple dans l’Église et s’engager à penser comme lui, à juger comme lui et à vivre comme il a vécu.[63] L’Évangélisation commence par l’annonce de l’Évangile et trouve son achèvement dans la sainteté du disciple qui, en tant que membre de l’Église est devenu un évangélisateur. En ce sens, l’évangélisation est l’action globale de l’Église, « la tâche centrale et unifiante du service que l’Église, et en elle les fidèles laïcs, est appelée à rendre à la famille des hommes ».[64]

« Le processus d’Évangélisation est, par conséquent, organisé en étapes ou moments essentiels : l’activité missionnaire pour les non-croyants et pour ceux qui vivent dans l’indifférence religieuse ; l’activité catéchétique d’initiation pour ceux qui choisissent l’Évangile et pour ceux qui ont besoin de compléter ou de restructurer leur initiation; et l’action pastorale pour les fidèles chrétiens ayant déjà atteint la maturité au sein de la communauté chrétienne. Ces moments ne constituent pas des étapes définitives: ils sont à reprendre, si nécessaire, puisqu’ils apporteront la nourriture évangélique la plus adaptée à la croissance spirituelle de chaque personne ou de la communauté elle-même ».[65]

[61]    Ratzinger Card. Josef, Conférence pour le jubilé des catéchistes (10 décembre 2000) : http : // www.vatican.va/romancuria/congregation/
cfaith/documents/rcconfaithdoc20001210jubilcatechists-ratzingerit.html.
[62]    Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Note doctrinale sur certains aspects de l’Évangélisation (3 décembre 2007), 12 : AAS 100 (2008), 501.
[63]    Cf. Congrégation pour le Clergé, Directoire général pour la catéchèse (15 août 1997), 53 : LEV, Cité du Vatican 1997, 55-56.
[64]    Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Christifideles laici,
CL 37.
[65]    Congrégation pour le Clergé, Directoire général pour la catéchèse (15 août 1997), 49 : l.c. 51.


19  « Cependant, nous observons un processus progressif de déchristianisation et de perte des valeurs humaines essentielles qui est préoccupant. Une grande partie de l’humanité d’aujourd’hui ne trouve plus, dans l’évangélisation permanente de l’Église, l’Évangile, c’est-à-dire une réponse convaincante à la question: Comment vivre ? […] Tous ont besoin de l’Evangile ; l’Évangile est destiné à tous, et pas seulement à un cercle déterminé, et nous sommes donc obligés de chercher de nouvelles voies pour porter l’Evangile à tous ».[66]

Bien que préoccupante, cette déchristianisation ne peut nous amener à douter de la capacité de l’évangile à toucher le coeur de nos contemporains : « On pourrait se demander si l’homme et la femme de la culture postmoderne, des sociétés plus avancées, sauront encore s’ouvrir au kérygme chrétien. La réponse doit être positive. Le kérygme peut être compris et accueilli par n’importe quel homme, de n’importe quelle époque ou culture. Même les milieux les plus intellectuels ou les plus simples peuvent être évangélisés. Nous devons aller jusqu’à croire que même les prétendus postchrétiens peuvent être de nouveau touchés par la personne de Jésus Christ ».[67]

Le Pape Paul VI affirmait déjà que « les conditions de la société nous obligent tous à réviser les méthodes, à chercher par tous les moyens à étudier comment faire arriver à l’homme moderne le message chrétien dans lequel il peut trouver la réponse à ses interrogations et la force pour son engagement de solidarité humaine ».[68] Le bienheureux Jean-Paul II a présenté le nouveau millénaire en affirmant : « Aujourd’hui, on doit affronter avec courage une situation qui se fait toujours plus diversifiée et plus prenante, dans le contexte de la mondialisation et de la mosaïque nouvelle et changeante de peuples et de cultures qui la caractérise ».[69] Une « nouvelle évangélisation » est commencée, qui n’est toutefois pas une « réévangélisation »,[70] car en réalité c’est toujours la même. « La croix se tient debout sur le monde qui change ».[71] Elle est nouvelle en ce que « nous cherchons, en plus de l’évangélisation permanente qui n’a jamais été interrompue, une nouvelle évangélisation à même de nous faire entendre par ce monde qui ne se retrouve pas dans l’évangélisation « classique ».[72]

[66]    Ratzinger Card. Josef, Conférence pour le jubilé des catéchistes (10 décembre 2000) : l.c.
[67]    Sacré Congrégation pour le Clergé, Lettre circulaire L’identité missionnaire du prêtre dans l’Église comme dimension intrinsèque de l’exercice du tria munera (29 juin 2010), 3.3.: l.c. 27.
[68]    Paul VI, Discours au Sacré Collège des Cardinaux (22 juin 1973) : AAS 65, 1973, 383, cité dans l’Exhort. ap post-synodale Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975),
EN 3 : l.c., 6-7.
[69]    Jean-Paul II, Lettre ap. Novo millennio ineunte (6 janvier 2001), NM 40 : AAS 93 (2001), 294-295.
[70]    Jean-Paul II, Discours a l’Assemblée du CELAM, Port-au-Prince (9 mars 1983) : AAS 75 (1983), 771-779.
[71]    Jean-Paul II, Homélie durant la sainte messe au sanctuaire de la Sainte Croix de Mogila (9 juin 1979) : AAS 71 (1979), 865.
[72]    Ratzinger Card. Josef, Conférence pour le jubilé des catéchistes (10 décembre 2000) : l.c.


20 La nouvelle évangélisation se réfère en particulier[73] « aux Églises d’antique fondation »,[74] mais pas exclusivement,[75] là où nombreux sont ceux qui « malgré le baptême reçu dans l’Église, ont abandonné la pratique des sacrements ou même la foi ».[76] Les prêtres ont « le devoir d’annoncer à tous l’Évangile de Dieu en suivant le commandement du Seigneur : “Allez dans le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création” (Mc 16,15-16) ».[77] Ils sont « ministres du Christ Jésus parmi les nations »,[78] et « se doivent à tous les hommes : ils ont à leur faire partager la vérité de l’Évangile dont le Seigneur les fait bénéficier »[79] d’autant plus que « le nombre de ceux qui ignorent le Christ et ne font pas partie de l’Église augmente continuellement, et même il a presque doublé depuis la fin du Concile. À l’égard de ce nombre immense d’hommes que le Père aime et pour qui il a envoyé son Fils, l’urgence de la mission est évidente ».[80] Le bienheureux Jean-Paul II affirmait solennellement que « le moment était venu d’engager toutes les forces ecclésiales dans la nouvelle évangélisation et dans la mission ad gentes. Aucun de ceux qui croient au Christ, aucune institution de l’Église ne peut se soustraire à ce devoir suprême : annoncer le Christ à tous les peuples ».[81]

[73]    Benoît XVI, Lettre ap. sous forme de Motu proprio Ubicumque et semper, par laquelle est institué le Conseil Pontifical pour la Promotion de la Nouvelle Évangélisation (21 septembre 2010) : l.c.,790-791.
[74]    Benoît XVI, Exhort. ap. post-synodale Africae munus (19 novembre 2011), LEV, Cité du Vatican 2011, 165.
[75]    Benoît XVI, Lettre ap.sous forme de Motu proprio Ubicumque et semper, par laquelle est institué le Conseil Pontifical pour la Promotion de la Nouvelle Évangélisation (21 septembre 2010) : l.c.,790-791.
[76]    Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique Lumen gentium, LG 28 ; cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Note doctrinale sur certains aspects de l’Évangélisation (3 décembre 2007), 12 : l.c., 501 ; Paul VI Exhort. ap post-synodale Evangelii nuntiandi (8 décembre 1975), EN 52 : l.c., 40-41.
[77]    Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 4.
[78]    Ibid., PO 2.
[79]    Ibid., PO 4.
[80]    Jean-Paul II, Lettre encyclique Redemptoris missio (7 décembre 1990), RMi 3 : AAS 83 (1991), 251-252.
[81]    Ibid. RMi 3


21 Les prêtres engagent toutes leurs forces dans cette nouvelle évangélisation dont les caractéristiques furent définies par le bienheureux Jean-Paul II : « Nouvelle dans son ardeur, dans ses méthodes et dans ses expressions ».[82]

En premier lieu, il faut raviver en nous l’élan des origines en nous laissant envahir par l’ardeur de la prédication apostolique qui a suivi la Pentecôte. « Nous devons revivre en nous le sentiment enflammé de Paul qui s’exclamait: “Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile !” (
1Co 9,16) ».[83] En effet, « celui qui a vraiment rencontré le Christ ne peut le garder pour lui-même, il doit l’annoncer ».[84] Comme ce fut le cas pour les apôtres, le zèle apostolique est le fruit de l’expérience bouleversante provoquée par la proximité de Jésus. « La mission est un problème de foi ; elle est précisément la mesure de notre foi en Jésus Christ et en son amour pour nous ».[85] Le Seigneur ne cesse de nous envoyer son Esprit qui nous régénère de sa force en vue de « cet élan missionnaire renouvelé, expression d’une ouverture nouvelle et généreuse au don de la grâce ».[86] « Il est essentiel et indispensable que le prêtre se décide, très consciemment et avec détermination, non seulement à accueillir et à évangéliser ceux qui le cherchent, tant dans la paroisse qu’ailleurs, mais « à se lever et à partir» à la recherche, avant tout, des baptisés qui pour différents motifs ne vivent pas l’appartenance à la communauté ecclésiale, et même de tous ceux qui ne connaissent Jésus Christ que peu ou pas du tout ».[87]

Que les prêtres se souviennent qu’ils ne peuvent s’engager seuls dans la mission. En tant que pasteurs de leur peuple, ils doivent former des communautés chrétiennes qui vivent le témoignage évangélique et l’annonce de la Bonne Nouvelle. « Ce nouvel esprit missionnaire, ne saurait être réservé à un groupe de “spécialistes” mais devra engager la responsabilité de tous les membres du peuple de Dieu […]. Il faut un nouvel élan apostolique qui soit vécu comme un engagement quotidien des communautés et des groupes chrétiens ».[88] « La paroisse n’est pas seulement le lieu où on fait la catéchèse, mais aussi un milieu vivant où on doit mettre cette nouvelle évangélisation en pratique »[89] en se concevant comme en « mission permanente ».[90] Chaque communauté est constituée à l’image même de l’Église « qui est appelée, par nature, à sortir d’elle-même dans un mouvement vers le monde, pour être signe de l’Emmanuel, du Verbe qui s’est fait chair, du Dieu-avec-Nous ».[91] « Dans la paroisse les prêtres auront besoin de convoquer les membres de la communauté, les consacrés et les laïcs, pour les préparer adéquatement et les envoyer en mission évangélisatrice à la rencontre de chaque personne, de chaque famille – même à travers des visites à domicile – et à la rencontre de tous les milieux sociaux présents sur le territoire ».[92] En se souvenant que l’Église est « mystère de communion et de mission »,[93] les pasteurs amèneront les communautés à être des témoins par leur « foi professée, célébrée, vécue et priée »[94] et avec leur enthousiasme.[95] Le pape Paul VI invitait à la joie : « Et que le monde de notre temps qui cherche, tantôt dans l’angoisse, tantôt dans l’espérance, puisse recevoir la Bonne Nouvelle, non d’évangélisateurs tristes et découragés, impatients ou anxieux, mais de ministres de l’Évangile dont la vie rayonne de ferveur, qui ont les premiers reçus en eux la joie du Christ ».[96] Les fidèles ont besoin d’être encouragés par leurs pasteurs afin qu’ils ne craignent pas d’annoncer leur foi avec assurance, d’autant plus que celui qui évangélise expérimente personnellement que l’acte missionnaire est source d’un renouvellement personnel : « En effet, la mission renouvelle l’Église, renforce la foi et l’identité chrétienne, donne un regain d’enthousiasme et des motivations nouvelles. La foi s’affermit lorsqu’on la donne ! ».[97]

[82]    Jean-Paul II, Discours è l’Assemblée du CELAM, Port-au-Prince (9 mars 1983) : l.c., 771-779.
[83]    Jean-Paul II, Lettre ap. Novo millennio ineunte (6 janvier 2001), NM 40 :l.c., 294-295.
[84]    Ibid. NM 40
[85]    Jean-Paul II, Lettre encyclique Redemptoris missio, RMi 11.
[86]    Benoît XVI, Lettre ap. sous forme de Motu proprio Ubicumque et semper, par laquelle est institué le Conseil Pontifical pour la Promotion de la Nouvelle Évangélisation (21 septembre 2010) : l.c.,790-791.
[87]    Congrégation pour le Clergé, Lettre circulaire L’identité missionnaire du prêtre dans l’Église comme dimension intrinsèque de l’exercice du tria munera (29 juin 2010), 3.3.1 : l.c., 28.
[88]    Jean-Paul II, Lettre ap. Novo millennio ineunte, NM 40.
[89]    Jean-Paul II, Homélie durant la sainte messe au sanctuaire de la Sainte Croix de Mogila (9 juin 1979), l.c.
[90]    Congrégation pour le Clergé, Lettre circulaire L’identité missionnaire du prêtre dans l’Église comme dimension intrinsèque de l’exercice du tria munera (29 juin 2010), Conclusion : l.c., 36.
[91]    Ibid., 11.
[92]    Ibid., 28.
[93]    Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores gregis, .
[94]    Benoît XVI, Lettre ap. sous forme de Motu proprio Porta fidei (11 octobre 2011), 9 : AAS 103 (2011), 728.
[95]    Cf. Benoît XVI, Exhort. ap. post-synodale Africae munus (19 novembre 2011) : l.c.,171.
[96]    Paul VI, Exhort. ap. post-synodale Evangelii nuntiandi, EN 80.
[97]    Jean-Paul II, Lettre encyclique Redemptoris missio, RMi 2.


2013 Directoire prêtres 7