Discours 1971 39
Vendredi 12 novembre 1971
Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur général,
40 Excellences et chers Messieurs,
L’accueil que la FAO Nous réservait le 16 novembre dernier à l’occasion de son vingt-cinquième anniversaire demeure comme une source de gratitude dans notre mémoire et Nous sommes heureux de vous en donner aujourd’hui le témoignage, à l’occasion de la seizième session de votre Assemblée générale. Cette rencontre coïncide du reste avec le vingtième anniversaire du Siège romain de la FAO, et Nous voulons en cette circonstance, avec nos voeux pour la fécondité de vos travaux, rendre publiquement hommage à ceux qui furent, depuis ces lointaines origines, les Observateurs dévoués et efficients du Saint-Siège auprès de votre Organisation, notre vieil ami le si regretté Commandeur Emilio Bonomelli qui vous accueillit souvent à Castel-Gandolfo, et le cher Monseigneur Luigi Ligutti dont vous avez tous apprécié de longue date l’expérience et la compétence, dans le rayonnement de ses vertus humaines et sacerdotales, et qui vient de prendre une retraite bien méritée après tant d’années de bons et loyaux services.
Avec grand intérêt Nous avons pris connaissance de quelques-uns des documents préparatoires à vos travaux: en particulier l’analyse des principales tendances et des faits saillants de la situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture, l’étude prospective du développement agricole mondial en liaison avec la stratégie internationale de la deuxième décennie pour le développement, les progrès de la recherche agricole, les orientations du programme alimentaire mondial, le bilan et les impératifs de la réforme agraire, vos relations avec les grandes organisations internationales sur les questions d’intérêt commun, et tout spécialement votre participation à l’importante conférence des Nations Unies sur le milieu humain, qui se tiendra à Stockholm en juin 1972, et abordera des questions fort graves - dont certaines réellement angoissantes - pour l’avenir de l’humanité.
En vous lisant, Nous étions frappé par cette préoccupation fondamentale qui inspire vos recherches: une prise de conscience toujours plus vive de la solidarité qui unit tous les membres de la grande famille humaine et une volonté toujours plus déterminée d’amener les peuples et leurs gouvernements à en tirer les conclusions qui s’imposent pour aider tous les hommes à vivre d’une vie pleinement humaine. Comment l’Eglise ne se réjouirait-elle pas d’une telle orientation si conforme aux exigences de son message d’amour universel, comme aux meilleures aspirations des hommes de notre temps? Nous le disions dans notre encyclique Populorum progressio: «Les paysans prennent conscience, eux aussi, de leur misère imméritée» (N. 9). La distorsion croissante des revenus et la disparité plus vivement ressentie des modes de vie rendent cette constatation plus aiguë encore aujourd’hui.
Les jeunes générations montantes au sein du monde rural vivent cette situation avec une impatience difficilement maîtrisée, cependant que leur revendication se fait plus pressante d’une participation accrue, au triple plan de l’avoir, du savoir et du pouvoir: «faire, connaître et avoir plus, pour être plus» (Populorum progressio PP 6). Aussi est-ce à bon droit que le problème de «l’ajustement agricole», comme vous le définissez au point 7 de votre ordre du jour provisoire (Document C 71/41, du 25 août 1971), retient toute votre attention. Qui ne le voit? Les progrès techniques les plus remarquables et les acquisitions technologiques les plus poussées ne serviraient de rien, si les jeunes ruraux ne prenaient conscience à travers le monde qu’il s’agit d’un progrès qui est aussi à leur portée et à leur bénéfice et qu’en le réalisant ils s’accomplissent eux-mêmes. C’est dans chaque village tout un chacun qu’il faut intéresser à son travail, lui fournir les moyens concrets de l’améliorer et l’aider à comprendre l’enjeu de ses résultats. Une importation de techniques toutes faites serait sans lendemains durables si une telle éducation patiente et persévérante n’était entreprise et menée à bien par des experts profondément soucieux de cette authentique promotion de l’homme, tant il est vrai que «le plan et l’argent ne suffisent pas: ce sont d’abord l’esprit et le coeur qui remportent les vraies victoires» (Discours du 16 novembre 1970 à la FAO, dans AAS 62, 1970, p. 835, n. 7).
II faut le dire expressément: l’action économique et sociale, pour indispensable qu’elle soit, ne suffit pas, si elle n’est soutenue et promue par un dessein à la fois psychologique, pédagogique et spirituel. Nous nous trouvons en effet devant des transformations radicales qui bouleversent la vie du monde. La civilisation rurale, qui était autrefois celle de la majorité des hommes et leur procurait leur légitime épanouissement, est aujourd’hui battue en brèche de tous côtés par la montée d’une civilisation urbaine et mécanicienne, pourvoyeuse de multiples abjects qui rendent plus aisée la vie des hommes. Isolés souvent au fond de leurs campagnes, les jeunes ne sont-ils pas souvent en train de perdre espoir dans leur avenir d’hommes? N’ont-ils pas le sentiment qu’en définitive c’est pour les gens des villes qu’ils travaillent et qu’il n’est pas pour eux de participation réelle à ce qui leur apparaît de loin comme une sorte d’âge d’or prodigieux? Certes, la réalité est bien différente du rêve et les désenchantements ne tardent pas à se manifester devant leur brutale confrontation. Mais, qui ne le sait, la puissance des mythes est telle qu’elle va jusqu’à ébranler les mentalités dans leurs profondeurs les plus secrètes. Les jeunes ruraux veulent vivre comme des jeunes d’aujourd’hui, exercer une profession bien définie, avoir un statut social clairement marqué, une maison dotée d’un minimum de confort avec des abords dignes de ce nom, des loisirs qui leur procurent de légitimes satisfactions, des conditions de vie qu’ils ne rougissent pas de partager avec leur compagne, des écoles qui assurent à leurs enfants l’entrée dans le monde des adultes avec autant de moyens et de chances de réussite que les enfants des villes, des vacances qui leur permettent de renouveler leur horizon quotidien. Bref, il ne suffit plus d’enrayer la distorsion croissante de la situation des ruraux au sein du monde moderne, il s’agit de les y insérer à part entière, de faire en sorte que les générations montantes n’éprouvent plus ce sentiment débilitant d’être comme des laissés pour compte, des marginaux tenus à l’écart du progrès moderne dans ce qu’il a de meilleur. Qui saura les convaincre de la valeur, de l’intérêt, de la nécessité, et en même temps de l’humanité et de la dignité de leur labeur, en comparaison avec le travail industriel et bureaucratique? Qui saura leur donner le moyen de vivre dignement, et d’être heureux de mener cette vie, librement assumée? Les temps ont changé, et la poésie géorgique et arcadienne ne suffit plus - «Beatus ille qui procul negotiis . . .», Horace, Epodon II, Vitae rusticae laudes - à combler l’attente des jeunes du monde rural. C’est toute une société nouvelle qu’il faut les aider à construire en leur en donnant les moyens, économiques certes, Nous le redisons, mais tout autant culturels, humains et spirituels. A ce prix seulement la crise actuelle réellement angoissante des jeunes pourra être surmontée, les familles rurales retrouveront leur équilibre naturel et les villages redeviendront des pôles animés de vie culturelle et religieuse. Noble tâche, bien digne de susciter l’enthousiasme des jeunes et de les unir pour réaliser un projet de vie réellement passionnant!
A vous de répondre à cette attente légitime, et de juguler par là ce dangereux désenchantement qui s’étend à travers les campagnes devant trop d’espérances frustrées. Les hommes, les jeunes surtout, ont besoin qu’on les aide à se procurer par leur travail des moyens de vivre et par leur engagement au service d’une grande cause des raisons de vivre. Quand il s’agit d’augmenter les ressources alimentaires mondiales, de procurer aux populations dans le besoin, avec les denrées de toute première nécessité, les moyens strictement indispensables à leur subsistance, ne saurait-on susciter le même élan généreux que celui qui anime les grandes réalisations du génie humain? L’homme serait-il plus apte à orienter son savoir-faire inventif vers des projets dispendieux ou des entreprises de destruction (Cfr. ibid., p. 836, n. 9) qu’à utiliser les immenses ressources de son esprit et de ses mains pour fertiliser la terre? Puisse votre action généreuse et efficiente susciter la conspiration de tous les hommes de bonne volonté pour mettre en oeuvre tant de terres en jachère et tant d’énergies inemployées (Cfr. ibid., p. 837, n. 10). Une terre feconde pour tous les hommes: que cet idéal, grâce à votre persévérant effort, s’inscrive toujours plus dans la réalité du monde, aux dimensions mêmes d’une communauté internationale dont l’instauration pacifique anime le dynamisme de tous les hommes de coeur.
C’est vous dire l’estime avec laquelle Nous suivons vos travaux et l’espérance qu’ils suscitent pour Nous, au lendemain d’un Synode qui a marqué le lancinant souci de l’Eglise de contribuer à instaurer plus de justice entre les hommes et entre les peuples. Votre mission est profondément humaine, comme vous honore l’idéal qui l’inspire. Votre entreprise est noble et difficile, elle exige beaucoup de courage, une générosité toujours en éveil et une persévérance jamais démenties. Bien loin de vous laisser décourager par l’ampleur de la tâche à accomplir, que son urgence soit pour vous un stimulant à porter plus généreusement encore votre responsabilité, un appel aussi à l’imagination créatrice qui saura inspirer les solutions libératrices. A une heure en effet où certains éprouvent l’insidieuse tentation de se replier dans un nationalisme égoïste et désuet, il vous appartient d’ouvrir les voies à une coopération internationale accrue, qui marque le passage d’économies dominées par la recherche prépondérante du profit à une économie de service du bien commun. Qui ne le voit: c’est à ce prix qu’une mise en oeuvre intelligente des innombrables ressources des terres et des océans pourra apporter ce qu’il faut aux hommes pour vivre en hommes. Cette mission qui est la vôtre à l’échelle du monde entre sans nul doute dans les desseins de la divine Providence qui nous invite à partager notre pain quotidien avec amour et à faire en sorte que chaque homme puisse se le procurer lui-même par son travail diligent. Aussi est-ce de grand coeur que Nous appelons sur vos travaux l’abondance des divines grâces, en gage desquelles Nous vous donnons une large Bénédiction Apostolique.
*AAS 63 (1971), p.875-879.
Insegnamenti di Paolo VI, vol. IX, p.973-978.
L'Osservatore Romano, 13.11.1971 p.1.
41 L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n. 47 p.1, 3.
La Documentation catholique n. 1598 p.1052-1054.
Samedi 20 novembre 1971
Monsieur le Président,
Messieurs,
C’est avec un grand respect que Nous vous accueillons au terme de votre rassemblement européen tenu pour la première fois à Rome «pour la sécurité, l’amitié, et la paix». Nous vous remercions de cette démarche confiante qui vous a guidés jusqu’ici, comme des paroles délicates que vous venez de Nous adresser. Comment resterions-Nous insensible aux sentiments généreux qui vous animent, comme aux voeux pacifiques que vous formulez? Oui, Nous comprenons profondément vos aspirations, et de tout coeur Nous vous exprimons notre encouragement.
Vous appartenez à plus de cinquante groupements d’anciens combattants, de résistants, de déportés, de prisonniers, de victimes de guerre. Non seulement vous venez de dix-huit pays d’Europe, souvent très divers, mais surtout vous avez surmonté les antagonismes qui, il y a trente ans, vous opposaient sur des fronts ou dans des camps adverses. C’est dire combien votre assemblée Nous apparaît significative des forces qui doivent contribuer à construire aujourd’hui un monde nouveau. Car vous ne vous contentez pas d’évoquer les souvenirs émouvants de ce passé qui a si profondément marqué votre destin, celui de vos proches, celui de votre patrie; ni même d’apporter le soutien et le réconfort nécessaires aux survivants de cette histoire dramatique qui laissait derrière elle tant de millions de victimes. Ce serait déjà une noble tâche. Mais cette malheureuse et tragique expérience vous incite à vous tourner vers les nouvelles générations pour promouvoir résolument avec elles un avenir pacifique.
La Paix! Qui ne la désirerait sincèrement? Qui oserait aujourd’hui ne pas plaider éloquemment pour elle? Mais quelle inconscience subsiste parfois au coeur même de certaines manifestations qui se veulent pacifistes! Et que de mensonges ou de manoeuvres dominatrices se cachent derrière certaines prétentions de paix! Votre témoignage est d’un tout autre poids moral. Vous nourrissez pour vos patries un attachement que vous avez scellé de votre engagement, de vos souffrances, souvent au risque de votre vie; et en même temps, vous prônez les voies de la réconciliation, de la négociation, de la coopération active, le respect des autres frontières et des autres patries. Votre appel solennel, lancé à vos frères européens, et particulièrement aux responsables des peuples, doit être entendu.
Les objectifs que vous mettez en avant, comme conditions de la sécurité et de la paix, se rencontrent en grande partie, Nous le relevons volontiers, avec ceux que Nous inspirent notre souci évangélique de la justice et de la paix, et notre désir de servir l’humanité avec l’amour même de Notre Seigneur Jésus-Christ: le droit des personnes et des peuples à être considérés dans leur dignité, leur originalité, leur souveraineté, et par conséquent l’élimination du recours à la force offensive, la renonciation à l’escalade ruineuse des armements de plus en plus meurtriers, l’éloignement de la haine et des discriminations de toute sorte. Nous pensons, Nous aussi, que ce sont là, entre autres, les chemins obligés qui éviteront à l’humanité, et d’abord à l’Europe, les horreurs qu’elle a connues.
Mais il ne suffit pas d’éliminer les concentrations explosives, d’écarter les méthodes périlleuses. Selon la formule retenue pour la prochaine journée mondiale de la paix: «Si tu veux la paix, agis pour la justice». La pierre de touche d’un monde juste et fraternel, et sa garantie, n’est-ce pas d’abord, comme le disaient déjà les prophètes, le respect des faibles e des petits? (Cfr. Is Is 11,4) Ne faut-il pas aussi inlassablement tisser des liens toujours plus étroits entre les peuples, et cela à tous les niveaux, pour mettre en oeuvre la solidarité humaine de façon concrète et quotidienne, en créant par delà les frontières un climat d’amitié? Un projet aussi ambitieux ne suppose rien moins que de libérer les coeurs de leur étroitesse et de leur suffisance, de leur orgueil et de leur appétit de domination, parfois aussi de la peur et du désespoir. Nous avons besoin d’un surcroît d’amour, de cet amour dont le Père Maximilien Kolbe a témoigné dans des circonstances que connaissent si bien nombre d’entre vous.
En terminant, comment ne pas tourner avec vous nos regards vers les jeunes générations ? Vous savez la générosité d’un grand nombre de ces jeunes, vous mesurez aussi leur désarroi et leur impatience devant un monde qui ne peut guère les satisfaire. Par le dialogue que vous entretenez avec eux, à partir du précieux témoignage qu’il vous appartient de donner, de par votre douloureuse expérience, vous saurez orienter avec réalisme leurs forces vives, vers ces nobles buts qui vous tiennent si légitimement à coeur: la justice entre les peuples, la sécurité, l’amitié, la paix!
42 C’est dans ces sentiments que Nous vous assurons, chers Messieurs, de notre estime, de notre espérance et de notre réconfort dans l’action que vous projetez d’accomplir. De tout coeur, Nous prions le Seigneur de faire fructifier en fruits de paix les sacrifices que vous avez su assumer, et dont certains portent encore la marque douloureuse dans leur chair. Et Nous implorons sa Bénédiction sur chacun d’entre vous, sur les anciens combattants et victimes de guerre que vous représentez ici, comme sur tous ceux qui vous sont chers.
Jeudi 25 novembre 1971
Monsieur l’Ambassadeur,
Nous sommes très sensible à la délicatesse des paroles, à la noblesse des propos et à la profondeur des sentiments que Votre Excellence vient de Nous exprimer.
En vous écoutant, Nous évoquions l’heureux souvenir de la visite que Nous faisait récemment Son Excellence Monsieur Diori Hamani, Président de la République du Niger. Et voici que les relations amicales, qu’il avait alors mises en relief, entre le Saint-Siège et votre noble pays, s’intensifient aujourd’hui par la remise des Lettres de créance du premier Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire. A Votre Excellence qui a l’honneur d’inaugurer ce nouveau mode de rapports, Nous souhaitons cordialement la bienvenue et Nous adressons nos voeux chaleureux pour l’accomplissement de sa haute mission.
Vous avez exprimé le souhait de voir se développer une «collaboration fructueuse». Celle-ci se situe à plusieurs niveaux.
Pour ce qui est de la culture, vous le savez, le Saint-Siège, heureux de la compréhension bienveillante des gouvernants de votre pays, encourage les missions catholiques à contribuer de toutes leurs forces à l’enseignement et à l’éducation qui ouvrent la porte au développement humain réclamé par notre temps, dans la mesure du moins où cette acquisition du savoir demeure adaptée à la culture africaine proche des réalités concrètes, et orientée vers le service efficace des personnes, des familles, des villages, de toute la société.
Il en est de même pour les oeuvres de bienfaisance qu’appelle l’amour fraternel, met qui, comme telles, ont toujours tenu grandement à coeur aux missionnaires, religieuses et laïcs catholiques.
Le développement intégral requiert aussi que cet accroissement des biens, de la culture, des conditions de santé, se fasse avec la participation de plus en plus active de toutes les forces vives du pays, et Votre Excellence l’a souligné, dans une entente avec les autres pays africains. Pour le Saint-Siège, vous les savez, cette solidarité organique, prudemment élargie et sans exclusive, apparaît toujours comme un heureux présage et un gage certain des relations fraternelles qui doivent s’instaurer dans l’humanité et pour lesquelles, au plan de l’engagement spirituel qui est le nôtre, Nous ne voulons ménager aucun effort: il s’agit de s’unir pour construire, dans un climat de paix, tout ce qu’exige le bien de tous et de chacun des membres de la grande famille humaine à partir des biens que le Créateur a remis, dans sa sagesse, entre les mains des hommes.
Enfin et surtout, votre pays sait apprécier les hautes valeurs spirituelles qui donnent à la vie de chaque personne son sens plénier, et aux rapports mutuels leur densité de respect, de justice et d’amour: la reconnaissance joyeuse du Dieu saint et miséricordieux, le sentiment de son omniprésence, la prière d’espérance qui s’appuie sur sa bonté, la recherche sincère de sa volonté, et en particulier la fraternité avec tous les hommes, par l’ouverture de l’esprit et du coeur et l’entraide mutuelle. Vous savez combien cet idéal est cher aux chrétiens: leur propre foi n’est-elle pas la source inépuisable de cette dynamique de l’amour qui importe tant au salut du monde?
Nous-même, en encourageant nos fils catholiques à poursuivre leurs efforts dans cette voie de lumière, Nous recommandons vivement au Très-Haut le bonheur de tout le peuple nigérien. Nous vous confions le soin de transmettre à Son Excellence Monsieur le Président de la République du Niger les voeux fervents que Nous formons pour son noble pays, et Nous implorons sur lui, sur ses collaborateurs, sur tous vos compatriotes et d’abord sur vous-même et sur les vôtres, Monsieur l’Ambassadeur, les Bénédictions abondantes du Tout-Puissant.
43 *AAS 63 (1971), p.885-887.
Insegnamenti di Paolo VI, vol. IX, p.1024-1025.
L’Attività della Santa Sede 1971, p.463-464.
L'Osservatore Romano, 26.11.1971 p.1.
L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.49 p.9.
Mercredi 1 décembre 1971
Chers Fils et chères Filles,
C’est avec joie que Nous accueillons aujourd’hui votre équipe qui, depuis bientôt un an, a reçu la charge de guider l’A.C.I. française dans une nouvelle étape de sa mission apostolique. La présence a vos côtés de Son Excellence Monseigneur Maury, Président de la Commission Episcopale des Milieux Indépendants, dit assez l’importance que l’Episcopat de France attache à votre travail et la confiance qu’il met en vous.
Nous partageons pleinement cette confiance. Nous avons personnellement suivi les efforts des responsables qui vous ont précédés, parmi lesquels Nous ne voulons citer que Mademoiselle Marie- Louise Monnet, aujourd’hui Président du MIAMSI. Nous en avons admire les fruits. Et Nous savons combien vous entendez poursuivre les mêmes buts dans le même esprit, mais aussi combien vous avez le souci, pour mieux répondre aux appels d’un milieu en pleine évolution, d’adapter vos méthodes comme vous avez su vous donner des structures renouvelées.
Votre démarche à Rome montre clairement que vous voulez mettre au service de l’Eglise le dynamisme que de nouvelles générations d’apôtres, en profonde union avec les plus anciennes, doivent apporter dans l’annonce de Jésus-Christ à leurs semblables, et cela a travers la construction d’une société plus juste, dont la responsabilité pèse si lourdement sur votre milieu.
Affrontés, au sein d’un monde qui change, à des tensions de toute sorte - devant lesquelles certains d’entre vous sont parfois déconcertés - mais remplis d’espérance en découvrant en eux et autour d’eux les signes de la présence de l’Esprit-Saint, jeunes et moins jeunes ont a inventer ensemble les moyens audacieux de mettre en valeur toutes les richesses humaines et spirituelles que Dieu a déposées dans les milieux indépendants.
44 En pleine communion avec les prêtres qui partagent vos efforts allez donc plus que jamais de l’avant, à la rencontre du Sauveur qui vient, et que votre action fasse de sa venue une réalité quotidienne.
De tout coeur Nous vous donnons, ainsi qu’a vos familles et a votre Mouvement, Notre paternelle Bénédiction Apostolique.
Jeudi 2 décembre 1971
Cher Monsieur le Cardinal,
Chers Fils et chères Filles,
Nous voici donc au terme de la première période expérimentale du Conseil des Laïcs. Durant cinq années, il vous a été donné de vous associer de très près tant au travail assumé par le Saint-Siège au bénéfice de l’Eglise universelle qu’aux multiples initiatives apostoliques prises par les laïcs dans le monde entier. De cette grâce, dont vous avez si bien usé, Nous remercions avec vous le Seigneur.
Nous vous laissons le soin, au cours de cette dernière Assemblée Générale, de dresser le bilan précis de votre expérience, d’en souligner les étapes positives et les difficultés, de mettre en lumière les problèmes spécifiques qui se posent à cet organisme comme à l’apostolat de l’Eglise en général, d’émettre les souhaits qui vous paraîtront opportuns. Nous étudierons Nous-mêmes vos réflexions avec le plus grand soin, pour éclairer la voie ouverte par le Concile Vatican II et que vous avez commencé, de tout votre coeur et avec toute votre foi, à tracer vers l’avenir.
Sans Nous arrêter davantage à ce bilan qui vous revient, Nous préférons évoquer d’un mot les vastes champs d’action qui s’ouvrent aujourd’hui à l’apostolat des laïcs, et que le Concile nous pressait de regarder en face.
Que voyons-nous ? d’immenses et multiples besoins qui dépassent tragiquement nos moyens humains, mais aussi un bouillonnement de forces neuves, un foisonnement de recherches et d’expériences, dans tous les domaines de l’activité humaine, où le regard de l’apôtre découvre maintes raisons d’espérer.
Faut-il donner quelques exemples? de partout monte l’appel des opprimés à plus de justice, et si cet appel rencontre des obstacles sans nombre, il met cependant en mouvement, parmi ceux qui possèdent, quantité d’hommes de bonne volonté; mais - fait nouveau - il éveille de plus en plus la conscience des pauvres eux-mêmes, et les amène à devenir les premiers artisans de leur propre promotion humaine et spirituelle. Notre Lettre «Octogesima adveniens» vous trace ici le chemin.
Que dire des jeunes, de leurs incertitudes et de leurs révoltes, mais aussi de leur aspiration à construire un monde de fraternité et de paix, à engager un dialogue et une collaboration plus vraie avec leurs frères adultes? que dire de la situation actuelle de la famille, des dangers qui la menacent devant la mise en question de toute forme d’engagement profond et définitif, mais que dire aussi de la lumière e de la force qu’apporte l’Evangile à tous ceux qui veulent fonder leur vie sur la vérité et la stabilité de l’amour?
45 Dans ces domaines et dans combien d’autres s’impose la recherche d’une pastorale de plus en plus adaptée aux divers groupes socio-culturels, d’une action apostolique qui ne peut se satisfaire d’efforts dispersés ou d’habitudes routinières, mais qui requiert l’effort concerté, inventif, audacieux des laits au sein de leur milieu, en relation avec l’ensemble de leurs frères.
Le récent Synode en a fait plusieurs fois la constatation: un immense travail s’impose à nous pour que les laïcs jouent pleinement leur rôle dans l’apostolat de l’Eglise et lui donnent l’élan missionnaire qu’a voulu lui imprimer le Concile. C’est dire l’urgente nécessité de leur formation, de leur animation intérieure par le message évangélique de vérité, de justice, de charité et de liberté. C’est dire combien les prêtres qui travaillent à leur côté pourront trouver là le sens de leur mission et leur vraie place dans le Peuple de Dieu.
Au service de cette grande tâche, votre Conseil joue son rôle spécifique, dont Nous avons eu déjà l’occasion de tracer les grandes lignes. Quelles que soient les mises au point que peut appeler cette première tranche d’expériences, il n’échappe à personne que le Conseil des Laïcs est destiné à tenir dans l’Eglise une place privilégiée.
Nous attendons de lui, et de plus en plus, un avis compétent, éclairé, sur les grands problèmes apostoliques propres à notre temps, grâce aux informations objectives et aux suggestions réalistes puisées auprès des laïcs et de leurs organisations d’apostolat à travers le monde. En une période où les formes de la vie sociale, économique, politique, culturelle connaissent de si profonds bouleversements, où tant de drames affectent des multitudes, où personne n’échappe aux interrogations fondamentales qui restent sans réponse pour tant de nos frères, il importe plus que jamais que retentisse la Bonne Nouvelle. Mais il importe plus encore - n’est-il pas vrai? - qu’elle soit annoncée de telle sorte que les hommes puissent l’entendre et l’accueillir.
Ici intervient votre rôle. «Aux écoutes des voix du monde», comme Nous vous le disions l’an passé, votre Conseil devra accentuer son effort pour recueillir les échos venus de tous les horizons, apportant à la fois les appels qui montent de la vie sous tous ses aspects, et de la manière dont les laïcs chrétiens, à travers les divers continents et les divers pays, s’organisent pour y répondre.
Dans ces expériences apostoliques qui se multiplient de nos jours, il importe de discerner ce qui est fidélité des laïcs - comme des prêtres - à leur vocation missionnaire, de ne rien laisser perdre, certes, de ce qui est suscité et animé par l’Esprit qui «souffle où il veut», mais aussi de se garder des mises en questions radicales qui risqueraient de dilapider l’héritage acquis dans les dernières décennies.
Dans ce but, les études et réflexions que vous avez ébauchées dans vos diverses Commissions de travail seront poursuivies, approfondies, développées, complétées: engagement apostolique des laïcs dans toutes les formes de la vie du monde, adaptation de leur apostolat aux différents milieux de vie, collaboration entre prêtres et laïcs dans la recherche d’une action totalement éclairée et soutenue par la foi, tels sont les grands thèmes qui continueront de vous solliciter dans votre marche en avant.
En terminant, Nous voulons évoquer les initiatives bénéfiques que vous avez su prendre déjà au service des pasteurs et des laïcs à tous les niveaux. Auprès des membres de ce Conseil, vos frères de nombreuses organisations d’apostolat ont trouvé une aide pour éclairer leur action, préciser leurs objectifs, mieux définir leur mission dans le monde et dans l’Eglise.
D’autres ont trouvé près de vous un stimulant pour prendre en charge de nouveaux secteurs missionnaires, un terrain de rencontre avec d’autres organisations de laïcs, voire un noeud de collaboration très élargie entre les forces vives d’une région ou d’un continent, comme ce fut le cas pour la récente Rencontre panafricano-malgache.
Ainsi votre expérience, si courte soit-elle, est déjà pleine d’enseignements et de richesse. Mais vous en êtes conscients, le temps, la leçon et l’appel des événements, l’imagination apostolique dans la fidélité à l’Esprit Saint entraîneront dans l’avenir bien des mises à jour et des initiatives nouvelles. Le Conseil des Laïcs saura, c’est Notre voeu et le vôtre, avancer dans cette voie que vous avez ouverte.
Au terme de votre mandat, Nous sommes heureux de remercier tous ceux qui ont contribué à ce bon travail d’Eglise à commencer par le cher Cardinal Maurice Roy, mais en pensant aussi à ceux et celles d’entre vous dont le travail est le plus humble et le plus caché. Et de grand coeur, tous, Nous vous bénissons.
46 Vendredi 3 décembre 1971
Chers Fils et chères Filles,
Au retour de votre Rencontre de Malte vous avez manifesté le désir de recevoir Notre paternel encouragement pour le travail apostolique que vous poursuivez avec ténacité, depuis quelques années, dans le cadre de votre groupe international «Laïcat et communauté chrétienne».
Comment ne pas Nous réjouir en effet de cette récente initiative, prise avec le concours des responsables de quelques grandes organisations catholiques? Dans le cadre même de ce «groupe d’étude et de recherche», elle Nous semble de nature à contribuer, en Europe et au-delà, au renouvellement et à l’élargissement de l’apostolat des laïcs.
Un tel groupe doit en effet développer l’amitié, l’échange, l’interpellation entre laïcs appartenant à des associations nationales et internationales, nécessairement spécialisées, pour leur efficience, dans une forme précise d’apostolat. Sans empiéter sur leur propre responsabilité et en particulier sur celle de O.I.C. - n’est-ce pas en ce sens que vous refusez une structure rigide - vous pouvez les aider à élargir leur objectif, au regard des problèmes vastes et complexes qui se posent au monde et à l’Eglise, et à préparer, à la lumière de l’Evangile et en toute fidélité à l’Eglise, une prise de conscience, et peut-être une certaine action commune qui soit à la mesure de ces problèmes.
Au sein même du laïcat de chacun de vos pays, vous pouvez encourager la recherche des besoins missionnaires, faire découvrir ou approfondir certaines dimensions de l’apostolat, comme vous venez de le faire sur le thème du développement, stimuler le dynamisme, susciter éventuellement le renouveau de certaines institutions apostoliques. L’un de vos projets devra toujours être l’insertion plus étroite des laïcs dans la pastorale d’ensemble de l’Eglise locale, selon les orientations du Concile Vatican II.
Enfin votre appellation semble manifester un souci que Nous apprécions: plutôt que de mépriser les «communautés chrétiennes», comme certains sont tentés de le faire, Nous vous encourageons à les aider à prendre une plus vive conscience de la grâce qui est la leur et de leur mission, à rénover leur propre vitalité religieuse puisée aux meilleures sources, à les rendre capables de témoigner, comme telles, de la Bonne Nouvelle.
Sur les efforts que vous poursuivez dans ces perspectives, Nous implorons la lumière et la force de l’Esprit-Saint, et Nous vous donnons de tout coeur Notre Bénédiction Apostolique.
Discours 1971 39