Discours 1971 46

AU PREMIER AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE DU DAHOMEY


PRÈS LE SAINT-SIÈGE*


Vendredi 10 décembre 1971




Monsieur l’Ambassadeur,

Nous remercions vivement Votre Excellence des voeux délicats qu’elle vient de formuler a notre intention comme aussi à celle de l’Eglise catholique.

47 Avec joie Nous saisissons l’occasion de cette rencontre officielle avec le premier Ambassadeur de la République du Dahomey près le Saint-Siège, pour exprimer, à ce noble pays et à ses dirigeants, les sentiments d’estime et de bienveillance qui Nous animent, ainsi que les souhaits ardents que Nous formons pour eux dans la prière.

Les populations du Dahomey recèlent des talents de qualité, comme en témoigne toute une élite intellectuelle qui s’est acquis un renom par delà les frontières. Vos compatriotes ont su assimiler les richesses des civilisations qui ont contribué à forger leur destin original. Nous nous en réjouissons et Nous voulons y voir le gage de la place honorable qui revient à votre peuple dans le concert des nations, et notamment en cette région de l’Afrique qui Nous est chère.

Dans l’Eglise catholique elle-même, les communautés chrétiennes du Dahomey, avec leurs Pasteurs, manifestent également une vitalité bénéfique qui est à l’honneur de votre pays. Votre Excellence a eu l’obligeance d’évoquer justement l’oeuvre méritante des premiers missionnaires, l’enracinement rapide de la foi, et sa remarquable fécondité, en particulier la floraison des vocations autochtones. Et lorsque Nous avons doté notre Congrégation pour l’évangélisation des peuples d’un collaborateur africain au titre de Secrétaire- Adjoint, c’est sur un fils du Dahomey que notre choix s’est arrêté, en la personne de notre Frère très cher, Monseigneur Bernardin Gantin.

C’est vous dire les voeux sincères que Nous inspire notre affection pour le peuple que vous représentez désormais auprès de ce Siège Apostolique. Comment ne pas souhaiter d’abord que la communauté catholique du Dahomey continue de s’épanouir, dans des relations fraternelles avec l’ensemble de la population? Elle ne demande que la faculté et les moyens de mettre au service de tous sa collaboration spécifique, notamment dans ses écoles, avec une attention privilégiée pour les faibles et les pauvres, la recherche de la paix, le souci de la justice, l’esprit de charité, le sens des valeurs spirituelles qui trouvent dans la foi chrétienne une intime raison d’être et un stimulant efficient. Nous le savons bien tous, en effet, sans de telles valeurs spirituelles, d’ailleurs familières à l’âme africaine, une civilisation serait construite sur le sable et réserverait des lendemains de désenchantement.

Un programme immense et exaltant s’offre donc à votre pays: la promotion économique, culturelle, sociale et religieuse à tous les niveaux de la société, dans un climat de liberté et de paix. Nous prions le Seigneur de permettre à votre peuple et à ses responsables de la mener à bien, avec le concours de toutes les bonnes volontés. Nombreux, disions-Nous, sont les fils du Dahomey qui, par leurs études et leur ingéniosité, ont déjà acquis de solides compétences humaines. Puissent-ils, mus par le souci du bien commun et l’amour de leur patrie, unir leurs forces vives pour les mettre au service de tous les hommes de leur pays! En même temps s’y adjoindra - Nous l’espérons - l’aide loyale de ceux qui, de par le monde, ont compris la nécessité de la solidarité universelle dans ce développement, qui est le nouveau nom de la paix (Populorum progressio
PP 76).

Dans ces sentiments Nous formons les meilleurs voeux pour la haute mission que Votre Excellence inaugure aujourd’hui en Nous remettant ses Lettres de créance. Par delà votre personne, Nous adressons nos respectueuses salutations à ceux qui ont la charge du bien commun de votre noble pays, et d’abord à Son Excellence Monsieur le Président Hubert Maga, comme à ceux qui collaborent avec lui dans le Gouvernement de la République. De grand coeur, Nous implorons sur eux, comme sur toutes les populations du Dahomey, et d’abord sur vous-même, Monsieur l’ambassadeur, les Bénédictions abondantes du Tout-Puissant.

*AAS 64 (1971), p.21-22.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. IX, p.1083-1084.

L’Attività della Santa Sede 1971, p.489-491.

L'Osservatore Romano 11.12.1971 p.1.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.51 p.12.



AU NOUVEL AMBASSADEUR DE L’IRAN


PRÈS LE SAINT-SIÈGE*


48
Jeudi 16 décembre 1971




Monsieur l’Ambassadeur,

Nous sommes très sensible aux nobles paroles que vous venez de prononcer et heureux d’accueillir ici aujourd’hui en votre personne un représentant hautement qualifié d’un peuple qu’on peut légitimement considérer comme l’un des plus anciens de l’univers. L’Iran ne vient-il pas de célébrer le deux mille cinq centième anniversaire de Cyrus le Grand?

Nous avons eu la fortune d’un contact avec la terre iranienne lors de Notre voyage en Extrême Orient, l’année dernière à cette époque, et il Nous fut donné de rencontrer alors votre Souverain, Sa Majesté Impériale le Shahinshah Mobammad Reza Pahlavi, qui vous accrédite aujourd’hui auprès de Nous. Nous vous saurons gré d’être auprès de lui Notre interprète, en lui redisant l’excellent souvenir que Nous gardons de son accueil à Téhéran. Les quelques instants d’entretien que Nous eûmes alors avec lui Nous permirent en effet d’apprécier non seulement l’élévation de ses sentiments, mais encore son souci d’être présent aux problèmes que pose aujourd’hui à tous les Gouvernants la rapide évolution de la société.

Ces soucis rejoignent en partie les Nôtres. Certes la mission de l’Eglise est avant tout une mission religieuse. Mais Dieu, qui a créé l’homme pour un destin éternel, nous fait à tous un devoir de ne pas nous désintéresser de son destin temporel et de lutter pour que lui soient assurées en tous temps et en tous lieux des conditions de vie répondant à sa dignité. Il est donc normal que les grandes questions qui tourmentent aujourd’hui l’humanité - celle du développement et celle de la paix, pour ne citer que ces deux-là - occupent une place considérable dans les préoccupations de l’Eglise catholique, comme l’attestent les documents qu’elle leur consacre et les initiatives qu’elle prend dans ce domaine.

C’est vous dire, Monsieur l’ambassadeur, qu’une collaboration entre le Saint-Siège et votre noble Pays au plan de ces grands problèmes humains s’établit tout naturellement, et que dans l’exercice de votre charge vous trouverez ici des alliés et des amis. Nous savons d’ailleurs que vous apportez dans cette fonction une compétence et un talent qui vous ont, à bon droit, acquis une grande estime dans les missions que vous avez remplies durant de nombreuses années auprès des plus hautes instances internationales. Et vous avez même eu, à ce titre, avec le Saint-Siège, des rapports qui ont été vivement appréciés.

Pour Notre part, Nous sommes tout disposé à vous faciliter votre tâche en tout ce qui dépendra de Nous. De grand coeur Nous invoquons sur l’Iran et sur la personne de son Souverain, comme sur Votre Excellence et sur la mission qu’elle inaugure aujourd’hui, la faveur et la protection du Dieu tout-puissant.

*AAS 64 (1971), p.25-26.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. IX, p.1094-1095.

L’Attività della Santa Sede 1971, p.502-503.

L'Osservatore Romano, 17.12.1971 p.1.

49 L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.52 p.5.








23 décembre



PAUL VI BROSSE UN PANORAMA DES PROBLÈMES DE L’EGLISE





A l’occasion des voeux du Sacré Collège pour Noël et le Nouvel An.



Messieurs les Cardinaux, :

Vénérables Frères et Fils, Prélats et membres de la Curie romaine,



Nous vous saluons, dans le Christ Jésus, dans l’amour du Père et la communion de l’Esprit.

L’attente de la fête imminente de Noël nous trouve réunis en cette rencontre toujours chère à notre coeur. Nous attendons la venue du Fils de Dieu qui emplit le monde de sa lumière et de sa grâce ; et en cette foi en lui, foyer de l’histoire humaine, centre des deux Testaments, attente de tous les peuples, il Nous est agréable de nous arrêter ensemble, pour sentir d’une façon plus vive et stimulante sa présence au milieu de nous, et pour recevoir énergie et encouragement afin de vivre de lui et d’être les apôtres de son message de salut : « car il est la sagesse — dit saint Ambroise — il est la Parole, la Parole de Dieu... C’est lui que toujours nous devons annoncer. Lorsque nous parlons de la sagesse, c’est de lui qu’il s’agit ; quand nous parlons de la vertu, c’est lui; quand nous parlons de la justice, c’est lui ; quand nous parlons de la paix, c’est lui ; quand nous parlons de la vérité, de la vie et de la rédemption, c’est lui » (Explan, Psalmi 36, 65 ; Ed. Petschenig ; CSEL, LXIV, PP 123 s.). Notre bouche veut être pleine de lui, parce qu’en est rempli notre coeur, qui veille dans la prière et dans l’attente : et c’est pourquoi il est beau de nous retrouver chaque année en cette avant-veille de Noël.

Nous savons gré au vénérable Cardinal Cento de nous avoir introduits dans cette atmosphère grâce aux paroles ferventes par lesquelles il a voulu nous remettre en mémoire les faits et les événements de l’année qui arrive à son terme ; Nous lui sommes reconnaissant de tant de bonté, et surtout de la promesse de prières, sur lesquelles Nous comptons tant ; et Nous adressons des voeux déférents et affectueux au Cardinal Tisserant, Doyen du Sacré-Collège, comme aux autres Cardinaux dont nous ressentons aujourd’hui l’absence, avec une pensée particulière pour le Cardinal Mindszenty que Nous avons réembrassé cette année avec tant d’émotion.

Le but de la présente allocution est de jeter ensemble un coup d’oeil sur l’Eglise et sur le monde, en nous référant spécialement au Concile Vatican II et aux conditions générales de l’humanité : Nous le faisons d’autant plus volontiers qu’il nous est donné de noter ensemble les « signes des temps », pour en tirer les réflexions opportunes pour nous et pour l’Eglise entière.

Sous le signe du Concile





I. La vie de l’Eglise est encore et toujours sous le signe du Concile, de cet événement fondamental dont le Seigneur nous a donné la grâce de vivre l’expérience enthousiasmante et solennelle. Il a marqué une étape de grande importance dans la doctrine, dans l’organisation, dans la pastorale, en un mot dans l’« aggiornamento » de l’Eglise, tel que Dieu l’a voulu. Le renouveau liturgique, les responsabilités collégiales de tout le corps épiscopal uni à Pierre, la vie sacerdotale et religieuse, la prise de conscience du laïcat catholique ont reçu du Concile un nouvel élan, et c’est à lui qu’ils se réfèrent continuellement; en lui aussi a pris naissance un fécond travail de recherche et d’approfondissement théologique, dont nous voyons déjà quelques fruits que nous espérons toujours plus abondants et positifs, dans l’enrichissement et la méditation de l’immuable depositum fidei ; il y a eu, dans le domaine des sciences bibliques, de la théologie, de la morale, de la vie spirituelle, une efflorescence d’études et de contributions qui resteront comme un témoignage non équivoque de la ferveur des études de cette époque conciliaire et postconciliaire. Ce grand événement a été vraiment une intégration logique, cohérente, et fidèle du « dépôt » sacré, et une adaptation nouvelle et adéquate de l’action pastorale de l’Eglise aux besoins des temps.

50 Il est vrai — Nous voulons, comme toujours, être objectif et réaliste — qu’est apparue de part ou d’autre une certaine ambiguïté dans l’interprétation générale du Concile ; et même, pour certains, il autoriserait des changements profonds dans l’ordre théologique et des modifications subversives de constitution. Les aspects principaux de cette ambiguïté, qui a parfois troublé le sensus fidei du Peuple de Dieu, ont été les suivants : rejet de la tradition ; contestation de l’autorité, qui, tout en partant de principes excellents, — tels le service, l’égalité, la solidarité et l’amour —, envisage cette autorité comme si elle dérivait de la volonté de la communauté ; la conformité aux courants démocratiques de la société profane ; tendance à éliminer les devoirs et à mettre l’accent sur une interprétation plus commode et plus facile de l’engagement chrétien. En face de ces attitudes, demeure aujourd’hui la nécessité, comme l’a voulu le Concile, de coordonner la conception de la liberté chrétienne —se faire « tout à tous », ne pas rendre difficile la vie chrétienne — avec l’exigence de la foi et de la croix.

Malgré ces facteurs d’ambiguïté, Nous restons ouvert à la plus grande confiance, Nous avons la plus ferme espérance — Noël n’est-il pas la fête de l’espérance ? — que, comme le font pressentir des signes certains et réconfortants, l’amour vrai, profond, capable de souffrance, envers l’Eglise saura conduire à des résultats constructifs et positifs, avec la coopération de tous, clergé, religieux et laïcs, sous la sage conduite de nos frères dans l’épiscopat, les successeurs des Apôtres.

Un événement heureux





II. Un fait saillant et récent de cette volonté de renouveau dans l’ordre et le sérieux a été donné par le Synode des Evêques, dont la deuxième Assemblée générale s’est terminée en novembre dernier. Elle a été préparée par une large consultation, un choix judicieux des thèmes, suggérés par le Secrétariat du Synode à la suite des indications provenant des Conférences épiscopales, et présentés à la discussion par des documents préparés sous la responsabilité de ce Secrétariat. L’expérience, certes, — comme Nous l’avons déjà dit à la fin du Synode — pourra suggérer des perfectionnements dans le règlement et la procédure. Mais, après un premier examen des travaux effectués, il faut reconnaître loyalement le grand esprit fraternel et la liberté avec lesquels le Synode s’est déroulé. Félicitations et reconnaissance aux Présidents délégués, au Secrétaire et à tous ceux qui leur sont venus en aide dans cette tâche difficile !

Tous en ont sous les yeux les résultats, qui parlent d’eux-mêmes : Nous avons jugé convenable, en effet, que les deux documents synodaux, bien que destinés directement à Nous comme une réponse à la consultation que Nous avons faite auprès des Pères, soient publiés dans l’Eglise entière, en raison des effets bénéfiques qui en seraient certainement résultés.

Ces deux documents, en effet, représentent à nos yeux le fruit d’une étude intense qui, à travers les Conférences épiscopales, Nous a apporté la voix, les désirs, les attentes, les voeux des Eglises locales ; celles-ci Nous ont apporté leur collaboration sur des sujets d’importance vitale, et il Nous a été agréable de les accueillir, comme une réponse méditée et responsable à notre action pastorale universelle au service de l’Eglise, dans deux secteurs d’une importance particulière, ressentie par tous : le sacerdoce ministériel et la justice dans le monde.

Les réflexions des Pères ont avant tout rappelé la position traditionnelle de la doctrine, de la spiritualité, de la pratique de l’Eglise au sujet du sacerdoce. Elles ont confirmé substantiellement la conception de l’Eglise et celle du Concile sur ce thème. Quelle invitation à la fidélité courageuse ressort de cet approfondissement, pour notre sacerdoce, pour nous et pour tous nos confrères qui se sont engagés à suivre et à servir le Christ par l’ordination sacramentelle au sacerdoce ministériel ! Comme est clairement définie l’« identité » du prêtre catholique ! Quel bienfait assuré, aujourd’hui encore, à l’économie de la Parole de Dieu, à la dispensation de la grâce, à la conduite pastorale du Peuple de Dieu ! Avec quelle plénitude de conscience nous pouvons adhérer généreusement et joyeusement à cette conception de notre marche à la suite du Christ : elle est certes paradoxale, parce que évangélique, sainte, c’est-à-dire mystique et ascétique, à la fois simple et humaine dans la réalité concrète et prophétique ; elle est caractérisée par un don d’amour total, qui est double : pour le Christ lui-même et, en lui et par lui, pour nos frères et pour le monde !

Dans ce cadre, l’engagement spontané et complet du célibat consacré, traditionnel dans l’Eglise latine, ne pouvait pas ne pas trouver dans le Synode l’expression que nous connaissons et qui constitue non seulement une confirmation pleine de conviction, mais un renouveau actuel et historique. Les Pères, tout en n’ignorant pas les difficultés présentes de la vie du clergé, n’ont pas trouvé anachronique cette façon de répondre à l’exigence de l’amour du Christ, retenant pour le ministère sacerdotal uniquement ceux qui, par charisme de vocation et de grâce, choisissent en toute liberté, et pour la liberté de leur service total et exclusif, le célibat sacré. Ils ont vu dans le célibat non un obstacle à la mission du prêtre dans le monde moderne, l’isolant de ce monde, mais un élément de qualification — qui provoque une réaction en même temps qu’il est une force pénétrante — pour dialoguer avec le monde moderne, avec la vigueur évangélique du sel et de la lumière (cf. Mt
Mt 5,13). Nous sommes certain que l’actuelle, et plus encore la jeune et future génération du clergé, accueilleront volontiers cette discipline, et la vivront avec une humble splendeur. Il l’appréciera, celui qui aime, avec un coeur ouvert à l’Esprit-Saint et qui se sacrifie pour un meilleur rendement du service qu’il a voué à l’Eglise et au Peuple de Dieu. Les vocations fleuriront si la Croix en constitue la force attractive.

L’autre résultat du Synode est celui qui concerne la justice, et il nous engage à approfondir le concept de justice sociale et à étudier comment l’Eglise peut en défendre les exigences et en favoriser le développement, avec le courage et avec la douceur de l’Evangile. On en a tellement parlé ces derniers temps ! Mais on n’a pas fini d’en parler, et surtout d’agir en ce domaine. On attend la voix et l’action de l’Eglise en faveur de tous ceux qui subissent, dans le monde, oppressions, pauvreté, discriminations, violences. Et l’Eglise continue son oeuvre, dans la ligne de sa doctrine sociale, proclamée par les Pontifes romains, pour donner cette réponse.

Réponse consolante à « Octogesima Adveniens »





III. Ce Synode a été certainement un heureux événement ; tel est le souvenir qu’il doit nous laisser. Mais il y a dans l’Eglise tellement d’autres faits nouveaux qui méritent une mention particulière et que Nous voulons rappeler : l’intensité de l’activité missionnaire ; l’étude approfondie, scientifique, des problèmes de la catéchèse, pour répondre à la vocation fondamentale de l’Eglise ; le renouveau de la formation dans les séminaires ; l’impulsion donnée à la vie religieuse, réserve extrêmement féconde de forces saintes pour la vie intime et pour le rayonnement extérieur de l’Eglise ; le cheminement silencieux mais si profitable du travail oecuménique, avec les contacts qui ont eu lieu à Rome — parmi lesquels est particulièrement saillant, comme vous l’avez rappelé, Monsieur le Cardinal, celui que Nous avons eu avec Sa Béatitude le Patriarche Syro-orthodoxe Jacob III — et les nombreux échanges en dehors de Rome, grâce à notre Secrétariat pour l’unité des chrétiens ; le développement des activités d’apostolat et de témoignage des laïcs, que le Saint-Siège cherche à promouvoir dans le monde par le Conseil des Laïcs; les réformes liturgiques réalisées graduellement, parmi lesquelles, cette année, ressort la parution et l’entrée en vigueur de la splendide Liturgie des Heures qui, entre les mains de nos prêtres, donnera un essor nouveau à leur prière pour l’Eglise, avec l’Eglise et au nom de l’Eglise ; la législation sur les mariages mixtes et sur l’action judiciaire en matière matrimoniale ; l’institution d’un organisme de coordination de l’activité caritative de l’Eglise, appelé « Cor Unum ». Nous ne voulons pas oublier non plus l’afflux croissant des masses de fidèles qui, de toutes les parties du monde, viennent à Rome, continuant le très antique pèlerinage aux saints trophées des Apôtres, et en particulier à celui de Pierre, pour Nous apporter l’expression de leur foi authentique, et avec lesquels Nous poursuivons un dialogue pastoral que Nous inscrivons parmi les consolations et les responsabilités les plus hautes de notre ministère. Mais Nous voulons spécialement profiter de l’occasion qui Nous est donnée aujourd’hui pour remercier nos frères dans l’épiscopat, les Gouvernements, les organismes internationaux, le clergé, le laïcat, pour l’accueil qu’ils ont réservé à la lettre Octogesima Adveniens que Nous avons envoyée au Cardinal Roy à l’occasion du 80e anniversaire de l’encyclique Rerum Novamm. Ce fut une réponse si consolante pour notre coeur ! Et, par-dessus tout, l’écho de nos fils de l’Eglise a donné le témoignage d’une ferme volonté de réexaminer, à la lumière des enseignements chrétiens, exposés par notre prédécesseur Léon XIII, les nouveaux problèmes sociaux que la transformation radicale et la continuelle évolution en cours dans le monde moderne ont suscités ; et cet écho Nous a clairement manifesté la volonté de considérer, avec une compréhension intelligente, les inquiétudes et les aspirations de nos contemporains, pour y donner la réponse qui prend sa source dans l’Evangile. De cette convergence de bonnes dispositions et d’intentions, Nous tirons un très heureux présage pour l’année nouvelle.

51 Comme Nous l’écrivions dans la lettre mentionnée ci-dessus, « que chacun s’examine pour voir ce qu’il a fait jusqu’ici et ce qu’il devrait faire. Il ne suffit pas de rappeler des principes, d’affirmer des intentions, de souligner des injustices criantes et de proférer des dénonciations prophétiques : ces paroles n’auront de poids réel que si elles s’accompagnent pour chacun d’une prise de conscience plus vive de sa propre responsabilité et d’une action effective » (Octogesima Adveniens, 48 ; cf. AAS 63 [1971], PP 437 ss.). C’est à cette prise de conscience de leurs propres devoirs, devant la société et devant l’Eglise — prise de conscience à laquelle le Synode a fait fidèlement écho dans son deuxième document — que Nous invitons tous les chrétiens, et même tous les hommes de bonne volonté, afin qu’ils approfondissent toujours davantage leur responsabilité dans ce domaine et passent humblement, mais résolument, à l’action. C’est l’heure des volontés fortes, des grandes décisions : la voix du Christ nous appelle tous à nous engager à fond pour nos frères. Que personne ne s’abstienne, mais que chacun apporte sa collaboration, selon ses forces et sa vocation propre. Dieu bénira et encouragera ! En avant, au nom du Seigneur.

La paix troublée et menacée





IV. Le thème de la justice a été également proposé par Nous à la réflexion et à l’engagement du monde, et en particulier de l’Eglise, pour la prochaine Journée de la Paix, qui sera un appel, lancé à nouveau à tous les hommes et aux communautés humaines, à méditer ensemble sur le thème : « Si tu veux la paix, agis pour la justice ».

Une paix que nous voyons encore, ici ou là, profondément troublée, ou, ailleurs, menacée ; et c’est un sujet de grave préoccupation pour ceux qui, comme Nous, voient en elle « un bien essentiel et fondamental pour l’humanité en ce monde », et en particulier pour les hommes plus faibles et sans défense, qui sont plus que d’autres atteints par ces bouleversements ou ces menaces.

Une paix que Nous-même, à un titre tout spécial découlant de notre ministère, avons le devoir de défendre ou de rétablir.

a) La prolongation du conflit au Viêt-Nam ; son extension à d’autres zones du sud-est asiatique ; la récente explosion d’hostilités entre l’Inde et le Pakistan, avec ses suites et ses traînées de sang et de souffrances que, dans les limites modestes de nos moyens mais avec toute la richesse de notre coeur, Nous Nous sommes efforcé de prévenir, et que Nous Nous employons, à adoucir : tout cela est source de peine et d’angoisse pour ceux qui nourrissent des sentiments de fraternité humaine envers ces populations et qui s’inquiètent, en tournant leurs regards vers les plus vastes horizons du monde, des nouvelles tragédies que peuvent réserver à l’humanité les passions partisanes et la déficience d’autorité des organismes internationaux, impuissants à éviter et à régler les situations de conflits.

Et tout cela pousse à examiner sérieusement jusqu’à quel point des mobiles plus ou moins avoués d’intérêts particuliers, politiques ou idéologiques, l’emportent — là comme ailleurs — sur les raisons de la justice et de l’équité internationale, alors que sur ces dernières seules il est possible de fonder un équilibre qui ne soit pas seulement le fruit, amer et sans sécurité, de la violence ou de la prépondérance.

b) Notre pensée se tourne ici vers une région d’Europe qui Nous est particulièrement chère: l’Irlande du Nord, où, même en cette veille de Noël, on a assisté à une succession de manifestations pénibles de violence, qui font tellement contraste avec le caractère chrétien de ces populations. Nous le rappelons à nouveau: telle n’est pas la voie selon laquelle il est permis de revendiquer la reconnaissance et le juste respect de droits trop longtemps foulés aux pieds, et d’autre part, le fait de répondre à des manifestations déplorables par la vengeance ou par une plus dure répression constitue ou peut constituer une source de maux encore plus grands, en exacerbant et en élargissant les oppositions, au lieu de rétablir un ordre civil. La réconciliation ne pourra être le fruit que d’un effort voulu, dans la sagesse, de toutes les parties en cause, tendant à éliminer les raisons profondes d’un malaise, qui ne saurait se cacher sous l’apparence d’oppositions religieuses.

Notre souhait paternel est que la bonne volonté réciproque se manifeste, généreuse et efficace, qu’elle fasse taire le cri de la violence qui appelle la violence, et qu’elle fasse entendre l’invitation à cette paix civile et chrétienne, qui caractérise la fête de Noël.

c) Nous n’avons pas oublié, dans ce contexte, le Proche Orient, en particulier la terre que nous, chrétiens, nous nous plaisons à appeler la Terre Sainte, et dont le souvenir, ces jours-ci, nous est rappelé de tant de façons : le Pays de Jésus.

Certes, il y a une raison d’être satisfait lorsqu’on note que, depuis un an et demi, le fracas des armes se tait presque totalement dans cette région du monde, mais nous trouvons un motif d’angoisse, qui n’est pas sans justification, dans la crainte de voir l’armistice incertain prendre fin de façon inopinée, sans avoir donné le résultat pour lequel, principalement, il fut, en son temps, proposé et accepté : la volonté de rechercher un accord de paix, ou du moins un solide commencement d’entente, au moyen de négociations loyales, qui tiennent dûment compte des droits et des légitimes intérêts de toutes les parties; et il faut comprendre parmi celles-ci, à la place qui leur revient, les populations que les vicissitudes des dernières décades ont contraintes à abandonner leurs terres.

52 Pour notre part, dans les rencontres que Nous avons eues avec les responsables des Nations intéressées, Nous n’avons pas manqué d’encourager, avec insistance, tout effort noble en faveur du prolongement de la trêve et tendant à Une entente juste et honorable. Nous sommes convaincu de l’urgente nécessité d’une solution pacifique et sagement équilibrée de la question complexe du Proche Orient; solution qui ne pourra pas, c’est certain, être imposée par le recours à d’autres guerres ou au prix de victoires militaires.

Pour ce qui regarde, en particulier, Jérusalem, Nous n’avons pas l’intention d’ajouter aujourd’hui d’autres considérations à celles que Nous avons déjà exposées, bien des fois, dans le passé : en confirmant la nécessité d’un statut spécial, garanti de façon internationale, qui tienne justement compte du caractère pluraliste et tout à fait spécial de la Cité sainte, comme des droits des diverses Communautés qui y ont leur siège et qui la regardent comme leur centre spirituel et leur foyer de convergence.

d) Si la justice est une base irremplaçable de la paix dans les rapports entre les pays et les diverses communautés qui y vivent, elle se révèle non moins nécessaire pour la tranquillité et la sérénité de la vie de chacune des nations.

Nous ne pensons pas seulement à la justice sociale à laquelle Nous avons déjà fait allusion.

Il ne serait en effet ni juste ni suffisant de limiter à cet aspect l’exigence de justice qui commande et conditionne la vie en commun pacifique, dans les Etats et entre les Etats. Comment passer sous silence, de cette Chaire de moralité et de paix qu’est le Siège de Pierre, les atteintes aux droits et à la dignité de la personne humaine que l’on continue à perpétrer dans un certain nombre de pays, qui pourtant proclament solennellement la reconnaissance et le respect de ces droits et de cette dignité dans leurs Constitutions et dans les Déclarations ou Traités souscrits en qualité de membres de la Communauté internationale ? Comment oublier, par exemple, les restrictions imposées à l’exercice des droits politiques et les abus de pouvoir — déplorés si souvent, bien que la plupart du temps unilatéralement, selon les divers intérêts — commis par des autorités publiques, à l’encontre d’individus ou de groupes sociaux, même si on leur donne comme motif de défendre l’ordre établi, de réprimer ou de prévenir des tentatives contraires à cet ordre ? Et comment oublier les limitations, sans cesse dénoncées, qui portent atteinte à la liberté de la culture ?

Nous ne pourrions pas non plus, aussi bien par amour de la justice et du respect dû aux droits humains fondamentaux que par considération pour le droit divin de l’Eglise, taire ici les pressions injustes et les répressions qui sont encore exercées, en diverses régions du monde, contre la libre manifestation de la foi, la vie religieuse, l’organisation normale et l’activité bénéfique de l’Eglise ; ne vont-elles pas jusqu’à supprimer ou limiter à leur endroit la possibilité d’enseigner — Nous pensons avant tout à la jeunesse — la Vérité qui éclaire et sauve la vie en même temps qu’elle constitue pour la vie pacifique en société une source incomparable de principes et d’énergies sur le plan moral, culturel et social ?

Ainsi donc, tandis que Nous déplorons, encore une fois, toutes ces situations iniques, et manifestons notre solidarité avec tous ceux qui en sont les victimes, Nous désirons adresser spécialement notre salutation affectueuse à ceux de nos frères dans l’épiscopat et dans la foi qui souffrent toujours dans des conditions d’oppression et de « légalité » illégale, si facilement passées sous silence : ils donnent ensemble, à la chrétienté et au monde, l’exemple d’une fidélité et d’une force d’âme dont nous ne pouvons que leur être reconnaissants.

Pour eux nous prions, et avec eux nous souhaitons l’avènement de jours meilleurs.

Notre souhait — un souhait de paix véritable, totale et durable, fondée solidement sur la justice, sincère et profonde, comme Noël nous en donne l’annonce et l’assurance — s’adresse à tous les hommes ; il les invite tous à travailler pour cette paix. Et en même temps Nous demandons aux fils de l’Eglise, en particulier, de s’affirmer dans la foi, d’agir avec ferveur et concorde, d’avoir une confiance sans limite dans le Seigneur, ce qui leur donnera la ténacité dans la patience et l’enthousiasme dans l’action.

Sur eux comme sur l’humanité entière, que descende abondamment la Bénédiction du Très-Haut, et que celle que Nous vous donnons maintenant en soit le gage.











Discours 1971 46