Catéchèses S. J-Paul II 11398

Mercredi 11 Mars 1998

11398 1. Après avoir considéré le salut intégral opéré par le Christ Rédempteur, nous voulons maintenant réfléchir sur sa réalisation progressive dans l'histoire de l'humanité. Dans un certain sens, c'est précisément sur ce problème que les disciples interrogèrent Jésus avant l'Ascension: «Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas restaurer la royauté en Israël?» (Ac 1,6).

Cette question, ainsi formulée, montre combien ils sont encore conditionnés par les perspectives d'une espérance qui conçoit le Royaume de Dieu comme un événement étroitement lié au sort de la nation d'Israël. Au cours des quarante jours entre la Résurrection et l'Ascension, Jésus leur avait parlé du «Royaume de Dieu» (Ac 1,3). Mais ce n'est qu'après la grande effusion de l'Esprit à la Pentecôte qu'ils seront en mesure d'en saisir les dimensions profondes. Entre-temps, Jésus tempère leur impatience, motivée par le désir d'un royaume aux frontières encore trop politiques et terrestres, en les invitant à s'en remettre aux desseins mystérieux de Dieu: «Il ne vous appartient pas de connaître les temps et moments que le Père a fixés de sa seule autorité» (Ac 1,7).

2. Cet avertissement de Jésus sur les «temps de Dieu» se révèle plus que jamais actuel, après deux mille ans de christianisme. Face à la croissance quelque peu lente du Royaume de Dieu dans le monde, il nous est demandé de nous en remettre au plan du Père miséricordieux, qui guide tout avec une sagesse transcendante. Jésus nous invite à admirer la «patience» du Père, qui adapte son action transformatrice aux lenteurs de la nature humaine blessée par le péché. Cette patience s'était déjà manifestée dans l'Ancien Testament, au cours de la longue histoire qui avait préparé la venue de Jésus (cf. Rm Rm 3,26). Elle continue à se manifester après le Christ, dans le développement de l'Eglise (cf. 2P 3,9).

Dans sa réponse aux disciples, Jésus parle de «temps» («chrónoi») et de «moments» («kairoí»). Ces deux expressions du langage biblique sur le temps contiennent deux nuances qu'il est bon de rappeler. Le «chrónos» est le temps dans son cours ordinaire, placé lui aussi sous l'influence de la Providence divine qui régit tout. Mais dans ce déroulement ordinaire de l'histoire, Dieu place ses interventions spéciales, qui confèrent aux à des temps déterminés une valeur salvifique toute particulière. Ce sont précisément les «kairoí», les moments de Dieu, que l'homme est appelé à discerner et par lesquels il doit se laisser interpeller.

3. L'histoire biblique est riche de ces moments particuliers. Le temps de la venue du Christ revêt une importance fondamentale. A la lumière de cette distinction entre «chrónoi» et «kairoí», il est possible de relire également l'histoire bimillénaire de l'Eglise.

Envoyée à toute l'humanité, l'Eglise connaît des moments divers dans son développement. Dans certains lieux et à certaines périodes, elle rencontre des difficultés et des obstacles particuliers, dans d'autres, son développement est beaucoup plus rapide. On enregistre de longues périodes d'attentes, au cours desquelles ses intenses efforts missionnaires semblent être inefficaces. Il s'agit de périodes qui mettent à l'épreuve la force de l'espérance, en l'orientant vers un avenir plus lointain.

Il existe cependant également des moments favorables, au cours desquels la Bonne Nouvelle trouve un accueil bienveillant et les conversions se multiplient. La Pentecôte représente le premier moment fondamental de grâce la plus abondante. De nombreux autres l'ont suivi et d'autres suivront encore.

4. Lorsqu'arrive l'un de ces moments, ceux qui ont une responsabilité particulière dans l'évangélisation sont appelés à le reconnaître, pour mieux exploiter les possibilités offertes par la grâce. Mais il n'est pas possible d'en déterminer la date par avance. La réponse de Jésus (cf. Ac Ac 1,7) ne se limite pas à freiner l'impatience des disciples, mais elle souligne leur responsabilité. Ils sont tentés d'attendre que Jésus fasse tout. Ils reçoivent au contraire une mission qui les appelle à un engagement généreux: «Vous serez mes témoins» (Ac 1,8). Si avec l'Ascension, il s'éloigne de leur regard, Jésus veut toutefois, précisément à travers les disciples, continuer à être présent dans le monde.

Il leur confie le devoir de la diffusion de l'Evangile dans tout l'univers, les poussant à dépasser la perspective étroite limitée à Israël. Il élargit leurs horizons, les invitant à être ses témoins «à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre» (Ac 1,8).

Tout arrivera donc au nom du Christ, mais tout se réalisera également à travers l'oeuvre personnelle de ces témoins.

5. Face à cette mission exigeante, les disciples auraient pu se soustraire, se jugeant incapables d'assumer une responsabilité aussi lourde. Mais Jésus indique le secret qui leur permettra d'être à la hauteur de ce devoir: «Vous allez recevoir une force, celle de l'Esprit Saint qui descendra sur vous» (Ac 1,8). Grâce à cette force, les disciples réussiront à être, en dépit de la faiblesse humaine, d'authentiques témoins du Christ dans le monde entier.

Au cours de la Pentecôte, l'Esprit Saint emplit chacun des disciples et la communauté tout entière de l'abondance et de la diversité de ses dons. Jésus révèle l'importance du don de la force («dýnamis»), qui soutiendra leur action apostolique. Lors de l'Annonciation, l'Esprit Saint était descendu sur Marie comme «puissance du Très-Haut» (cf. Lc Lc 1,35), réalisant en son sein la merveille de l'Incarnation. La même puissance de l'Esprit Saint produira de nouvelles merveilles de grâce dans l'oeuvre d'évangélisation des peuples.



Mercredi 18 Mars 1998

18398 1. En considérant l'objectif principal du Jubilé, qui est «le renforcement de la foi et du témoignage des chrétiens» (Tertio millennio adveniente TMA 42), après avoir défini lors des précédentes catéchèses les traits fondamentaux du salut offert par le Christ, nous nous arrêtons aujourd'hui pour réfléchir sur la foi qu'il attend de nous.

Au Dieu qui se révèle — enseigne Dei Verbum —, nous devons «l'obéissance de la foi» (DV 5). Dieu s'est révélé dans l'Ancienne Alliance, en demandant au peuple qu'il avait élu une adhésion fondamentale de foi. Dans la plénitude des temps, cette foi est appelée à se renouveler et à se développer, pour répondre à la révélation du Fils de Dieu incarné. Jésus la demande expressément en s'adressant aux disciples lors de la dernière Cène: «Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi» (Jn 14,1).

2. Jésus avait déjà demandé au groupe des douze Apôtres une profession de foi dans sa personne. Près de Césarée de Philippe, après avoir interrogé les disciples sur les opinions exprimées par les personnes au sujet de son identité, il demanda: «Mais pour vous, qui suis-je?» (Mt 16,15). La réponse vient de Simon: «Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant» (Mt 16,16).

Jésus confirme immédiatement la valeur de cette profession de foi, en soulignant qu'elle ne provient pas simplement d'une pensée humaine, mais d'une inspiration divine: «Tu es heureux, Simon fils de Jonas, car cette révélation t'est venue, non de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux» (Mt 16,17). Ces expressions d'une profonde valeur sémitique désignent la révélation totale, absolue et suprême: celle qui se réfère à la personne du Christ, Fils de Dieu.

La profession de foi faite par Pierre restera l'expression définitive de l'identité du Christ. Marc en reprend les termes pour introduire son Evangile (cf. Mc Mc 1,1). Jean y fait référence à la conclusion de son Evangile, en affirmant l'avoir écrit afin que l'on croie que «Jésus est le Christ, Fils de Dieu», et afin qu'en croyant, on puisse avoir la vie en son nom (cf. Jn Jn 20,31).

3. En quoi consiste la foi? La Constitution Dei Verbum explique qu'à travers elle, «l'homme s'en remet tout entier et librement à Dieu dans un "complet hommage d'intelligence et de volonté à Dieu qui révèle" et dans un assentiment volontaire à la révélation qu'il fait» (DV 5). La foi n'est donc pas uniquement l'adhésion de l'intelligence à la vérité révélée, mais également l'hommage de la volonté et le don de soi au Dieu qui se révèle. C'est une attitude qui engage l'existence tout entière.

Le Concile rappelle encore que pour la foi sont nécessaires «la grâce prévenante et aidante de Dieu, ainsi que les secours intérieurs du Saint-Esprit qui touche le coeur et le tourne vers Dieu, ouvre les yeux de l'esprit et donne "à tous la douceur de consentir et de croire à la vérité"» (Ibid. , DV DV 12). On voit ainsi que la foi, d'une part, fait accueillir la vérité contenue dans la Révélation et proposée par le magistère de ceux qui, en tant que Pasteurs du Peuple de Dieu, ont reçu un «charisme certain de vérité» (Dei Verbum DV 8). D'autre part, la foi pousse également vers une cohérence véritable et profonde, qui doit s'exprimer dans tous les aspects d'une vie modelée sur celle du Christ.

4. Fruit de la grâce, la foi exerce une influence sur les événements. On le constate de façon admirable dans le cas exemplaire de la Sainte Vierge. Lors de l'Annonciation, son adhésion de foi au message de l'ange est décisive pour la venue même de Jésus au monde. Marie est la Mère du Christ car elle est la première à avoir cru en Lui.

Aux noces de Cana, Marie obtient le miracle grâce à sa foi. Face à une réponse de Jésus qui semblait peu favorable, Elle conserve une attitude confiante, devenant ainsi le modèle de la foi audacieuse et constante qui surmonte les obstacles.

La foi de la Cananéenne fut également audacieuse et insistante. A cette femme, venue demander la guérison de sa fille, Jésus avait opposé le dessein de son Père, qui limitait sa mission aux brebis perdues de la maison d'Israël. La Cananéenne répondit de toute la force de sa foi et obtint le miracle: «O femme, grande est ta foi! Qu'il t'advienne selon ton désir» (Mt 15,28).

5. Dans de nombreux autres cas, l'Evangile témoigne de la puissance de la foi. Jésus exprime son admiration pour la foi du centurion: «En vérité je vous le dis, chez personne je n'ai trouvé une telle foi en Israël» (Mt 8,10). Et il dit à Bartimée: «Va, ta foi t'a sauvé» (Mc 10,52). Il répète la même chose à l'hémorroïsse (cf. Mc Mc 5,34).

Les paroles adressées au père de l'épileptique, qui désirait la guérison du fils, sont tout aussi impressionnantes: «Tout est possible à celui qui croit» (Mc 9,23).

Le rôle de la foi est de coopérer à cette toute-puissance. Jésus demande cette coopération au point que, retournant à Nazareth, il n'accomplit presque aucun miracle, car les habitants de son village ne croyaient pas en lui (cf. Mc Mc 6,5-6). La foi revêt pour Jésus une importance décisive dans la perspective du salut.

Saint Paul développera l'enseignement du Christ lorsque, en opposition avec ceux qui voulaient fonder l'espérance du salut sur l'observance de la loi juive, il affirmera avec force que la foi dans le Christ est l'unique source du salut: «Car nous estimons que l'homme est justifié par la foi sans la pratique de la Loi» (Rm 3,28). Il ne faut toutefois pas oublier que saint Paul pensait à cette foi authentique et complète «opérant par la charité» (Ga 5,6). La véritable foi est animée par l'amour envers Dieu, qui est inséparable de l'amour envers ses frères.



Mercredi 25 Mars 1998

25398 Très chers frères et soeurs,

1. Je rends grâce au Seigneur, qui au cours de ces derniers jours, m'a permis, à travers mon séjour bref mais intense au Nigeria, de visiter une fois de plus le bien-aimé continent africain. L'Afrique devient, au sein l'Eglise, toujours plus protagoniste de son histoire et co-responsable du chemin de tout le Peuple de Dieu.

Au Nigeria, j'ai rencontré une Eglise vivante, qui a fêté il y a peu les cent ans de son évangélisation et qui s'achemine avec décision vers l'An 2000, guidée et encouragée par les orientations du récent Synode africain. Au cours des dernières années, de nouvelles communautés diocésaines et paroissiales sont apparues. Les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée augmentent: trois nouveaux séminaires ont été ouverts, s'ajoutant aux huit déjà existants. Tout cela est le fruit de l'Esprit Saint, qui a animé l'Eglise qui est au Nigeria au cours de ces cent ans, et qui continue aujourd'hui encore à la soutenir sur son chemin vers l'avenir.

2. Je remercie le chef de l'Etat et les autres Autorités civiles pour l'accueil qui m'a été réservé. Je souhaite que cet événement spirituel particulier contribue à intensifier le processus vers la réconciliation dans la justice et vers le plein respect des droits humains de chaque composante du peuple nigérian.

J'exprime ma reconnaissance fraternelle aux évêques du pays pour le témoignage de communion et d'affection qu'ils ont offert au Successeur de Pierre, faisant participer en cela également les prêtres, les religieux et les religieuses, les catéchistes, ainsi que tous les fidèles laïcs. Je renouvelle à chacun mon remerciement et mon salut de paix.

Je salue avec respect les fidèles des autres religions, en particulier les musulmans, dont la présence dans le pays est importante. J'adresse mon salut le plus sincère à tout le peuple nigérian.

3. Lors de mon séjour au Nigeria, outre ma rencontre avec les représentants des Autorités du pays, il m'a été donné de m'entretenir avec les évêques, Pasteurs diligents du peuple chrétien. Je conserve également un souvenir très précieux de la rencontre avec les plus hauts représentants de l'islam, avec lesquels j'ai voulu répéter l'importance des liens spirituels qui unissent les chrétiens et les musulmans: la foi dans le Dieu unique et miséricordieux, l'engagement à rechercher et à accomplir sa volonté, la valeur de chaque personne en tant qu'être créé par Dieu dans un but particulier, la liberté religieuse, l'éthique de la solidarité. Je prie le Seigneur pour que chrétiens et musulmans, tous deux très nombreux au Nigeria, collaborent dans la défense de la vie, ainsi que dans la promotion de la reconnaissance réelle des droits humains de chacun.

4. Un autre moment fort de ma visite pastorale a été la Sainte Messe à Abuja, nouvelle capitale fédérale du pays. Au coeur du continent noir, j'ai élevé à Dieu, avec les évêques, le clergé et les fidèles, une grande prière pour l'Afrique, afin qu'elle connaisse la justice, la paix et le développement; afin qu'elle préserve ses valeurs les plus authentiques, son amour pour la vie et pour la famille, pour la solidarité et la vie en communauté. J'ai prié afin que l'Afrique, qui est habitée par d'innombrables groupes ethniques, devienne une famille de peuples, comme le Seigneur veut que soit le monde entier: une famille de nations. L'Evangile est un ferment d'authentique paix et d'unité.

L'Eglise annonce jusqu'aux extrémités de la terre cette «bonne nouvelle» du salut et anime l'engagement pour la justice, pour la paix, pour le développement intégral de la société et pour le respect des droits fondamentaux de la personne.

Les missionnaires, premiers évangélisateurs du continent africain, ont donné leur vie pour cette cause; c'est pour cette même cause que de nombreux Nigérians, comme le Père Tansi et tant d'autres qui après lui ont répondu à l'appel du Seigneur et qui coopèrent maintenant à la nouvelle évangélisation dans leur patrie et dans d'autres parties du monde, ont donné leur existence. L'Eglise ne cesse de rendre grâce à Dieu pour cet échange mystérieux de dons, fruits de l'action efficace et universelle de l'Esprit Saint.

5. Le moment culminant de mon pèlerinage apostolique a été la solennelle Célébration eucharistique pour la béatification du Père Cyprian Michael Iwene Tansi, qui s'est déroulée dans sa ville natale, Onitsha.

Cet événement a communiqué un message profond de sainteté, de pacification et d'espérance, admirablement centré sur le témoignage du Père Tansi. Tout son apostolat tirait sa vigueur de l'Eucharistie: il célébrait la Sainte Messe avec une ferveur visible de foi et d'amour et adorait pendant des heures le Très Saint Sacrement, dans le recueillement de la contemplation.

Au cours de ces pauses prolongées de prière, le Seigneur l'attira toujours plus à Lui, lui faisant percevoir avec une clarté croissante l'appel à la vie contemplative. A l'âge de 47 ans, il partit pour l'Angleterre, où il entra à l'Abbaye cistercienne du Mont Saint-Bernard. Il ne put pas, comme il en avait le désir et l'intention, retourner dans sa patrie et implanter une communauté monastique. La mort l'en empêcha, mais son témoignage, nourri par la prière et par le sacrifice, est demeuré une semence précieuse et efficace, qui n'a pas manqué de susciter des fruits abondants.

6. Le Père Tansi est le premier témoin de la foi chrétienne au Nigeria à être élevé aux honneurs des autels: c'est pourquoi il est naturel de penser à lui comme au «protomartyr» de cette nation. Non pas parce qu'il a été martyrisé, mais parce qu'il a offert un témoignage invaincu d'amour, se prodiguant au service de Dieu et de ses frères tout au long de son existence.

Dans l'histoire de l'Eglise, les protomartyrs revêtent une importance particulière pour le développement de la communauté des croyants et pour l'évangélisation. Pensons par exemple aux protomartyrs romains et à ceux des innombrables autres pays, où la foi a jailli de leur témoignage héroïque. La béatification du Père Tansi ne représente pas seulement la reconnaissance de sa sainteté et du milieu spirituel dans lequel il a grandi jusqu'à atteindre la perfection de l'union avec Dieu et ses frères. Elle représente également le souhait et le signe de l'espérance pour le développement futur de l'Eglise qui est au Nigeria et en Afrique.

7. Que le nouveau bienheureux intercède afin que croisse dans la société nigériane et dans tous les pays africains un esprit juste et sincère de réconciliation et que se diffuse toujours plus le message évangélique. Que croisse la compréhension réciproque, source de paix, de joie et d'unité dans les familles. Que s'affermisse la solidarité dans la justice, car c'est sur cette voie que peut se réaliser le développement harmonieux de chaque nation.

Confions ces voeux à la Bienheureuse Vierge Marie, que la Liturgie nous fait contempler aujourd'hui dans le mystère de l'Annonciation. L'Esprit Saint la poussa à prononcer son «fiat» à Dieu et forma dans son sein le Verbe Incarné. Le même Esprit a rendu fécond au cours des siècles l'inlassable oeuvre missionnaire des Apôtres et des témoins du Christ à chaque extrémité de la terre.

En contemplant Marie, icône de la fidélité et de l'obéissance, nous sommes tous invités aujourd'hui à accueillir généreusement l'appel divin et à prononcer notre «oui» fidèle et définitif à la volonté du Seigneur, afin que s'accomplisse partout son dessein salvifique.

Que la Vierge de l'Annonciation, que nous célébrons aujourd'hui, fasse de nous les serviteurs dociles et courageux du Verbe qui s'est fait chair en Elle pour le salut de chaque être humain.




Mercredi, 1 Avril 1998

10498 1. Selon l'Evangile de Marc, les derniers enseignements de Jésus à ses disciples présentent la foi et le baptême comme l'unique voie de salut: «Qui croira et sera baptisé sera sauvé, mais qui ne croira pas sera condamné» (Mc 16,16). Matthieu également, en rapportant le mandat missionnaire que Jésus confie aux disciples, souligne le lien entre prédication de l'Evangile et baptême: «Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit» (Mt 28,19).

Conformément à ces paroles du Christ, Pierre, le jour de la Pentecôte, s'adressant au peuple pour l'exhorter à la conversion, invite ceux qui l'écoutent à recevoir le baptême: «Repentez-vous, et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus-Christ pour la rémission de ses péchés, et vous recevrez alors le don du Saint-Esprit» (Ac 2,38). La conversion ne consiste donc pas seulement en une attitude intérieure, mais implique également l'entrée dans la communauté chrétienne à travers le baptême, qui opère la rémission des péchés et introduit dans le Corps mystique du Christ.

2. Pour saisir le sens profond du baptême, il faut méditer à nouveau sur le mystère du baptême de Jésus, au début de sa vie publique. Il s'agit d'un épisode à première vue surprenant, car le baptême que Jésus reçut des mains de Jean, était un baptême de «pénitence», qui disposait l'homme à recevoir la rémission des péchés. Jésus savait bien qu'il n'avait pas besoin de ce baptême, étant parfaitement innocent. Il dira un jour sur un ton de défi à ses adversaires: «Qui d'entre vous me convaincra de péché?» (Jn 8,46).

En réalité, en se soumettant au baptême de Jean, Jésus le reçoit non pas pour sa purification personnelle, mais en signe de solidarité rédemptrice avec les pécheurs. Son geste baptismal contient une intention rédemptrice, car il est «l'agneau [...] qui enlève le péché du monde» (Jn 1,29). Plus tard, il qualifiera de «baptême» sa passion, la vivant comme une sorte d'immersion dans la douleur, acceptée dans un but rédempteur pour le salut de tous: «Je dois être baptisé d'un baptême, et quelle n'est pas mon angoisse jusqu'à ce qu'il soit consommé!» (Lc 12,50).

3. A travers le baptême dans le Jourdain, Jésus n'annonce pas seulement l'engagement de la souffrance rédemptrice, mais obtient également une effusion particulière de l'Esprit, qui descend sous la forme d'une colombe, c'est-à-dire comme Esprit de la réconciliation et de la bienveillance divine. Cette descente prélude au don de l'Esprit Saint, qui sera communiqué dans le baptême des chrétiens.

En outre, une voix céleste proclame: «Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur» (Mc 1,11). C'est le Père qui reconnaît son propre Fils et qui exprime le lien d'amour qui l'unit à lui. En réalité, le Christ est uni au Père à travers un rapport unique, car il est le Verbe éternel «de la même substance que le Père». Toutefois, en vertu de la filiation divine conférée par le baptême, on peut dire que pour chaque personne baptisée et rattachée à Jésus, résonne encore la voix du Père: «Tu es mon Fils bien-aimé».

Dans le baptême du Christ se trouve ainsi la source du baptême des chrétiens et de sa richesse spirituelle.

4. Saint Paul illustre le baptême avant tout comme une participation aux fruits de l'oeuvre de rédemption du Christ, en soulignant la nécessité de renoncer au péché et de commencer une vie nouvelle. Il écrit aux Romains: «...Ignorez-vous que, baptisés dans le Christ Jésus, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés? Nous avons donc été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle» (Rm 6,3-4).

Précisément parce qu'il s'immerge dans le mystère pascal du Christ, le baptême chrétien revêt une valeur bien supérieure aux rites baptismaux juifs et païens, qui comportaient des ablutions destinées à souligner la purification, mais incapables d'effacer les péchés. Le baptême chrétien, au contraire, est un signe efficace qui opère véritablement la purification des consciences, en accordant le pardon des péchés. De plus, il confère un don bien plus grand: la nouvelle vie du Christ ressuscité, qui transforme radicalement le pécheur.

5. Paul révèle l'effet essentiel du baptême, lorsqu'il écrit aux Galates: «Vous tous en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ» (Ga 3,27). Il existe une ressemblance fondamentale entre le chrétien et Dieu, qui implique le don de la filiation divine adoptive. Précisément parce qu'ils sont «baptisés dans le Christ», les chrétiens sont à un titre particulier «fils de Dieu». Le baptême produit une véritable «renaissance».

La réflexion de Paul se rattache à la doctrine transmise par l'Evangile de Jean, et plus particulièrement au dialogue de Jésus avec Nicodème: «A moins de naître d'eau et d'Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, ce qui est né de l'Esprit est Esprit» (Jn 3,5-6).

«Naître d'eau» est une référence claire au baptême, qui apparaît ainsi comme une véritable renaissance de l'Esprit. En effet, en celui-ci, l'homme reçoit l'Esprit de la vie qui a «consacré» l'humanité du Christ dès le moment de l'Incarnation et que le Christ lui-même a déversé en vertu de son oeuvre rédemptrice.

L'Esprit Saint fait naître et croître en chaque chrétien une vie «spirituelle» divine, qui anime et élève tout son être. A travers l'Esprit, la vie même du Christ produit ses fruits dans l'existence chrétienne.

Quel grand don et mystère que celui du baptême! Il faut souhaiter que tous les fils de l'Eglise, en particulier en cette période de préparation à l'événement jubilaire, en prennent toujours plus profondément conscience.




Mercredi, 8 Avril 1998

8498 1. En ces jours de la Semaine sainte, la liturgie souligne avec une force particulière l'opposition entre la lumière et les ténèbres, entre la vie et la mort, mais elle ne laisse subsister aucun doute quant à l'issue finale: la gloire du Christ ressuscité. Demain, avec la célébration solennelle «in Cena Domini», nous serons introduits dans le Triduum sacré, qui offrira à la contemplation de tous les croyants les événements centraux de l'histoire du salut. Nous revivrons ensemble, avec une profonde participation, la passion, la mort et la résurrection de Jésus.

2. La Sainte Messe chrismale, prélude matinal du Jeudi saint, verra réunis demain matin les prêtres et leur évêque. Au cours d'une célébration eucharistique significative, qui a lieu traditionnellement dans les cathédrales diocésaines, seront bénis l'huile des malades et des catéchumènes, et sera consacré le Chrême. Ces rites traduisent de façon symbolique la plénitude du sacerdoce du Christ et la communion ecclésiale qui doit animer le peuple chrétien, réuni par le sacrifice eucharistique et vivifié dans l'unité par le don de l'Esprit Saint.

Demain après-midi, nous célébrerons avec une âme reconnaissante, le moment de l'institution de l'Eucharistie. Au cours de la dernière Cène, le Seigneur, «ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'à la fin» (
Jn 13,1) et, précisément au moment où Judas s'apprêtait à le trahir et où dans son coeur tombait la nuit, la miséricorde divine triomphait sur la haine, la vie sur la mort: «Jésus prit du pain, le rompit et le donna aux disciples en disant: "Prenez, mangez, ceci est mon corps". Puis, prenant une coupe, il rendit grâces et la leur donna en disant: "Buvez-en tous; car ceci est mon sang, le sang de l'alliance, qui va être répandu pour une multitude en rémission des péchés"» (Mt 26,26-28).

L'Alliance nouvelle et éternelle de Dieu avec l'homme est donc inscrite en caractères indélébiles dans le sang du Christ, agneau doux et inoffensif, immolé librement pour expier les péchés du monde. Au terme de la célébration, l'Eglise nous invitera à nous arrêter pour adorer longuement l'Eucharistie, pour méditer sur ce mystère extraordinaire et incommensurable d'amour.

3. Le Vendredi saint est marqué par le récit de la Passion et de la contemplation de la Croix. En elle s'est pleinement révélée la miséricorde du Père. La liturgie nous fait prier ainsi: «Nous étions morts à cause du péché et incapables de nous approcher de toi, tu as apporté la preuve suprême de ta miséricorde lorsque ton Fils, le seul juste, s'est remis entre nos mains et s'est laissé clouer sur la Croix» (Missel romain, éd. 1983, Prière de la Réconciliation, 1P 920). L'émotion que suscite ce mystère est si grande que l'Apôtre Pierre, en écrivant aux fidèles d'Asie mineure, s'exclamait: «Sachez que ce n'est par rien de corruptible, argent ou or, que vous avez été affranchis de la vaine conduite héritée de vos pères, mais par le sang précieux, comme d'un agneau sans reproche et sans tache, le Christ» (1P 1,18-19).

C'est pourquoi, après avoir proclamé la Passion du Seigneur, l'Eglise place au centre de la liturgie du Vendredi saint l'adoration de la Croix, non pas symbole de mort, mais source de vie authentique. En ce jour, chargé d'émotion spirituelle, s'élève sur le monde la Croix du Christ, symbole d'espérance pour tous ceux qui accueillent avec foi son mystère dans leur vie.

4. En méditant sur ces réalités surnaturelles, nous entrerons dans le silence du Samedi saint, dans l'attente du triomphe glorieux du Christ dans la Résurrection. Près du sépulcre, nous pourrons réfléchir sur la tragédie d'une humanité qui, privée de son Seigneur, est dominée inévitablement par la solitude et par le désarroi. Replié sur lui-même, l'homme se sent comme privé de tout désir d'espérance face à la douleur, aux échecs de la vie, et en particulier face à la mort. Que faire? Il faut se mettre en attente de la résurrection. Selon une croyance populaire ancienne et répandue, la Madone, Vierge des Douleurs et Mère du Christ immolé, sera à nos côtés.

Dans la nuit du Samedi saint, pourtant, lors de la solennelle Veillée pascale, «mère de toutes les veillées», le silence sera rompu par le chant de la joie: l'Exultet. Une fois de plus, la victoire de la Lumière sur les ténèbres et de la Vie sur la mort sera proclamée et l'Eglise se réjouira dans la rencontre avec son Seigneur.

Nous entrerons ainsi dans le climat de la Pâques de la Résurrection, jour sans fin que le Seigneur inaugure en ressuscitant d'entre les morts.

Très chers frères et soeurs, ouvrons notre coeur à la grâce divine et préparons-nous à suivre Jésus dans sa passion et sa mort pour entrer avec Lui dans la joie de la résurrection.

Avec ces sentiments, je souhaite à tous un triduum pascal fructueux et une sainte et heureuse Pâques.



Mercredi, 15 Avril 1998


15498 1. L'Audience générale d'aujourd'hui se déroule en l'octave de Pâques. Au cours de cette semaine et durant toute la période qui va jusqu'à la Pentecôte, la communauté chrétienne ressent d'une façon particulière la présence vivante et agissante du Christ ressuscité. Dans le cadre splendide de lumière et de joie propres au temps pascal, nous poursuivons nos réflexions en préparation au grand Jubilé de l'An 2000. Aujourd'hui, nous nous arrêtons une fois de plus sur le sacrement du baptême qui, en plongeant l'homme dans le mystère de la mort et de la résurrection du Christ, lui communique la filiation divine et l'incorpore à l'Eglise.

Le baptême est essentiel pour la communauté chrétienne. La Lettre aux Ephésiens, en particulier, place le baptême parmi les fondements de la communion qui lie les disciples du Christ: «Il n'y a qu'un Corps et qu'un Esprit, comme il n'y a qu'une espérance au terme de l'appel que vous avez reçu; un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême; un seul Dieu et Père de tous...» (
Ep 4,4-6).

L'affirmation d'un seul baptême dans le contexte des autres fondements de l'unité ecclésiale revêt une importance particulière. En réalité, celui-ci renvoie à l'unique Père qui, dans le baptême, offre la filiation divine à tous. Il est intimement lié au Christ, unique Seigneur, qui unit les baptisés dans son Corps Mystique, et à l'Esprit Saint, principe d'unité dans la variété des dons. Sacrement de la foi, le baptême communique une vie qui ouvre l'accès à l'éternité, et il fait donc référence à l'espérance, qui attend avec certitude l'accomplissement des promesses de Dieu.

L'unique baptême exprime donc l'unité de tout le mystère du salut.

2. Lorsque Paul veut révéler l'unité de l'Eglise, il la compare à un corps, le Corps du Christ, édifié précisément à travers le Baptême: «Aussi bien est-ce en un seul Esprit que nous tous avons été baptisés en un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et tous nous avons été abreuvés d'un seul Esprit» (1Co 12,13).

L'Esprit Saint est le principe de l'unité du Corps, dans la mesure où il anime le Christ-chef ainsi que ses membres. En recevant l'Esprit, tous les baptisés, malgré les différences d'origine, de nation, de culture, de sexe et de condition sociale, sont unifiés dans le Corps du Christ, si bien que Paul peut dire: «Il n'y a ni Juif ni Grec, il n'y a ni esclave ni homme libre, il n'y a ni homme ni femme, car tous vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus» (Ga 3,28).

3. Sur le fondement du baptême, la première Epître de Pierre exhorte les chrétiens à s'approcher du Christ pour contribuer à construire l'édifice spirituel fondé par Lui et sur Lui: «Approchez-vous de lui (le Christ), la pierre vivante, rejetée par les hommes, mais choisie, précieuse auprès de Dieu. Vous-mêmes, comme pierres vivantes, prêtez-vous à l'édification d'un édifice spirituel, pour un sacerdoce saint, en vue d'offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu, par Jésus-Christ» (1P 2,4-5). Le baptême unifie donc tous les fidèles dans l'unique sacerdoce du Christ, en les habilitant à participer aux actes du culte de l'Eglise et à transformer leur propre existence en offrande spirituelle agréable à Dieu. De cette façon, ils croissent en sainteté et influent sur le développement de la communauté tout entière.

Le baptême est également source de dynamisme apostolique. La tâche missionnaire des baptisés, conformément à leur vocation, est amplement rappelée par le Concile qui, dans la Constitution Lumen gentium, enseigne: «A tout disciple du Christ incombe pour sa part la charge de l'expansion de la foi» (LG 17). Dans l'Encyclique Redemptoris missio, j'ai souligné que, en vertu du Baptême, tous les laïcs sont missionnaires (cf. RMI RMi 71).

4. Le baptême est également un point de départ fondamental pour le rapprochement oecuménique.

En parlant de nos frères séparés, le Décret sur l'oecuménisme déclare: «En effet, ceux qui croient au Christ et qui ont reçu validement le baptême, se trouvent dans une certaine communion, bien qu'imparfaite, avec l'Eglise catholique» (Unitatis redintegratio UR 3). Le baptême validement conféré opère en réalité une incorporation effective au Christ et fait de tous les baptisés, quelle que soit leur confession, de véritables frères et soeurs dans le Seigneur. L'enseignement du Concile à ce propos est le suivant: «Le baptême est donc le lien sacramentel d'unité existant entre ceux qui ont été régénérés par lui» (ibid ., UR UR 22).

Il s'agit d'une communion initiale, qui demande à être développée dans la direction de la pleine unité, comme le Concile lui-même nous en avertit: «Cependant, le baptême, de soi, n'est que le commencement et le point de départ, car il tend tout entier à l'acquisition de la plénitude de la vie du Christ. Il est donc destiné à la totale profession de foi, à la totale intégration dans l'économie du salut, telle que le Christ l'a voulue, et enfin à la totale insertion dans la communion eucharistique» (ibid.).

5. Dans la perspective du Jubilé, ce profil oecuménique du baptême mérite d'être particulièrement souligné (cf. Tertio millennio adveniente TMA 41).

Deux mille ans après la venue du Christ, les chrétiens se présentent hélas au monde sans avoir atteint la pleine unité, qu'Il a désirée et pour laquelle il a prié. Cependant, nous ne devons pas pour autant oublier que ce qui nous unit est déjà très profond. Il est nécessaire de promouvoir à tous les niveaux le dialogue doctrinal, l'ouverture réciproque et la collaboration et, surtout, l'oecuménisme spirituel de la prière et de l'engagement à la sainteté. La grâce du baptême est précisément le fondement sur lequel construire cette pleine unité, à laquelle l'Esprit nous pousse sans relâche.




Catéchèses S. J-Paul II 11398