Catéchèses Paul VI 28776

28 juillet 1976: LA COMMUNION ECCLÉSIALE

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Chers Fils et Filles,



Nous reprenons un sujet que nous avons déjà examiné précédemment, à savoir : « construire l’Eglise » ; il est nécessaire que tous les disciples du Christ prennent à leur charge Son programme à Lui, le Christ, qui a dit à Pierre : « Je bâtirai mon Eglise » (
Mt 16,18).

En ce qui concerne un thème d’une si grande amplitude, d’une si grande importance, il nous suffira, dans ce colloque élémentaire avec vous, chers visiteurs, de mettre l’accent sur la nécessité de rétablir clairement la signification de ce terme fondamental et, dans l’usage qui en est fait, polyvalent « Eglise ». Que signifie « Eglise », dans la pensée du Christ Il faut noter que ce mot « Eglise », parfois utilisé déjà dans l’Ancien Testament (cf Dt 9,10, etc.) revient trois fois dans les Evangiles (Mt 16,18 Mt 18,17 Mt 18,17 bis) ; mais les spécialistes du Nouveau Testament le découvrent 23 fois dans les Actes des Apôtres, 64 fois dans les Epîtres de Saint Paul ; puis on le retrouve dans d’autres textes apostoliques, et, également, dans de nombreux écrits de la première Tradition (cf. S. ignace d’ANTIOCHE, ad Smyrnaeos, VIII, où apparaît pour la première fois l’expression « Catholica ecclesia »). Le mot signifie : assemblée, réunion, rassemblement, en vue de quelqu’acte religieux ; et il acquiert un sens de communauté, souvent utilisé pour indiquer la communauté locale, (cf 1Co 1,2 Rm 16,1 Ap 1,4) ; et même l’assemblée domestique (Rm 16,5 Col 4,15 etc.). L’Eglise est l’expression sociale du « Royaume de Dieu » ; du « Corps mystique » du Christ, dont Lui, le Christ, est le Chef (Ep 1,22-23 Col 1,17 Col 2,17), plénitude du Christ (Ep 1,23), L’Epouse mystique du Christ (Ep 5,25) ; et ainsi de suite. Nous trouvons dans le Concile une liste d’images variées dans laquelle on découvre les multiples significations du terme « Eglise » (Lumen Gentium, LG 6). Nous nous arrêtons ici au symbole déjà rappelé de « édifice de Dieu », bâti par lui-même : « Je bâtirai mon Eglise ».

« Dei aedificatio estes » (cf 1Co 3,9), « vous êtes l’édifice de Dieu », affirme Saint Paul ; et dans son affirmation, écho de la pensée du Seigneur, sont exprimés quelques concepts constitutionnels de l’Eglise, comme ceux de l’origine divine de l’édifice mystique, de son développement également divin ; de sa composition humaine et sociale ; de son intime adhésion structurelle (cf L. cerfaux, La théologie de l’Eglise, suivant Saint Paul, Paris 1948).

Un mot que l’on emploie souvent aujourd’hui semble résumer et exprimer cet aspect de l’Eglise : c’est le mot « communion » dans sa double référence à Dieu et aux chrétiens entre eux.

Le Concile l’adoptera souvent : l’Eglise est une communion de foi et de charité (cf Lumen Gentium, LG 4 LG 9 spécialement ; LG 13 LG 23 LG 49 ; etc.). Et c’est là, certes, une très belle parole qui s’applique si bien à l’édifice que nous sommes appelés à composer avec l’assistance du Christ ; la communion, cause et effet de sa consistance, de sa solidité et, puisqu’il s’agit d’un édifice vivant comme l’est un corps social, de sa vitalité. Communion veut dire, dans notre étude, la grâce lorsqu’elle indique le rapport qui nous unit à Dieu : veut dire : une dilection fraternelle dans la participation à la même foi, à la même espérance et à la même charité quand elle indique le rapport avec les frères : c’est comme la circulation du sang dans un homme vivant et sain. C’est un facteur d’unité spirituelle et sociale dans un organisme composite. Saint Paul scelle le concept et le précepte de la communion chrétienne dans sa magnifique recommandation : « Appliquez-vous à garder l’unité spirituelle par le lien de la paix » (Ep 4,3).

La communion est donc le ciment qui unit les divers éléments de l’« édifice Eglise », tant dans sa composition mystique, la communion des Saints, que dans son expression communautaire, la communion catholique, c’est-à-dire l’insertion organique et canonique dans le corps visible de l’Eglise elle-même.

Nous devons reconnaître que ce caractère unitaire de l’Eglise est devenu plus évident et mieux ressenti de nos jours. Qu’il interprète la pensée authentique et suprême du Christ, personne ne le contestera (cf Jn 17) ; l’oecuménisme en a réveillé l’exigence pour tous et a accru la joie et l’humilité chez des chrétiens qui n’en ont pas encore l’inestimable bénéfice, tout comme il a provoqué un tourment plus conscient et un désir plus généreux chez ceux qui aspirent encore à la communion parfaite.

Mais la communion propre à l’Eglise catholique est un tel bien qu’elle mérite promotion et défense également à l’intérieur de l’Eglise même, en présence de quelques ferments négatifs, comme l’équivoque à propos du pluralisme qu’on n’apprécie pas toujours dans ses éléments positifs tels que l’épanouissement printanier des branches d’un même arbre ; nous voulons dire, comme la recherche toujours nouvelle et l’expression originale et multiple de la vérité dans le dépôt sacré de la foi (cf 1Tm 4,6-7 2Tm 1,12-14 etc.) ; équivoque du pluralisme considéré abusivement comme légitime « libre-examen » subjectif de la Parole de Dieu et du magistère ecclésiastique.

C’est ainsi que l’on tente de justifier l’attitude, désormais courante, de ceux qui s’arrogent un droit de critique systématique à l’égard de la discipline ecclésiastique et qui, par leur contestation corrosive, mettent en danger la concorde et la collaboration fraternelle. Ce n’est pas avec ce genre de réactions contre certaines limites et certains défauts qui peuvent se constater parfois dans le camp catholique que l’on pourra construire l’Eglise. Ce n’est pas son style ; ou plutôt, ce n’est pas cette attitude qui élève et embellit l’Eglise.

Mais ce sera plutôt la bonté, l’amitié, la concorde, la collaboration, la solidarité (Ga 6,1-3) et cet esprit d’association entre frères dans la foi et dans la charité qui, d’une part, a malheureusement faibli aujourd’hui, mais qui d’autre part, est cependant en bonne voie de reprise, qui construira l’Eglise vivante, nouvelle et authentique de notre époque.

Avec notre Bénédiction Apostolique.






4 août 1976: L’AUTORITÉ DANS L’EGLISE

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Chers Fils et Filles,



Dans les simples entretiens de nos Audiences Générales nous suivons depuis quelque temps une idée bien déterminée : construire l’Eglise. Une idée qui se révèle fondamentale pour deux raisons : d’abord celle du dessein même de l’action du Christ dans le monde et dans l’histoire : Lui-même l’a annoncée comme programme relatif à l’humanité qu’il est venu sauver, illuminer et associer à la vie même de Dieu (cf Lumen Gentium,
LG 1 2P 1,4), disant : « Je construirai mon Eglise » (Mt 16,18) et faisant de cette Eglise terrestre et humaine l’instrument, le véhicule, le médiateur de ses dons divins. Il s’agit là d’une raison constitutionnelle, permanente. La seconde raison, contingente, mais urgente, et dérivant de la première, est celle des conditions spirituelles, sociales et historiques propres à notre époque.

Notre époque a besoin de reprendre la construction de l’Eglise, un peu comme si, psychologiquement et pastoralement, elle, l’Eglise, recommençait, depuis le début pour ainsi dire, à se former, moyennant cette disposition humano-divine, ce royaume de Dieu annoncé par le Christ et par Lui inauguré pour le salut du monde.

Construire l’Eglise, c’est-à-dire la société des croyants, unis par la même foi, formant un même corps social et spirituel, animé par l’Esprit Saint, présidé par le Christ Lui-même, Chef divin de l’Eglise, et gouverné en ce monde par une autorité déléguée, visible, humaine, hiérarchique, qui, dérivant des Apôtres, tire sa puissance non de la base, c’est-à-dire des fidèles et encore moins du pouvoir terrestre ou d’une « auto-désignation » spontanée, mais du Christ qui a déclaré à ses Apôtres eux-mêmes : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais c’est moi qui vous ai choisis » (Jn 15,16 cf Jn 6,70 Jn 15,19). Et dans tout l’Evangile se révèle cette intention du Christ d’organiser ses partisans en faisant appel à l’action, c’est-à-dire au ministère de quelques disciples choisis et investis d’un mandat spécial ; des disciples auxquels il a conféré des prérogatives et devoirs particuliers, des pouvoirs spéciaux divinement délégués, et la mission spécifique d’instruire, de sanctifier et de gouverner le Peuple de Dieu. Nous avons certainement tous, gravés dans la mémoire et dans le coeur, quelques expressions caractéristiques de l’Evangile qui nous donnent toute assurance au sujet du dessein du Christ d’établir des structures précises capables de garantir la consistance et l’efficience de l’Eglise, son Corps mystique. Citons-en rapidement quelques-unes comme, par exemple : « Qui vous écoute (c’est-à-dire les Apôtres), m’écoute moi (c’est-à-dire le Christ) ; qui vous méprise, me méprise. Et qui me méprise, méprise Celui qui m’a envoyé c’est-à-dire Dieu, le Père céleste) » (Lc 10,16). Et encore : « Je vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez sur la terre, sera lié dans le ciel, et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel » (Mt 18,18 et Mt 16,19 ; souvenons-nous du célèbre pouvoir des clés donné à Saint Pierre). Et Jésus ressuscité prend congé de ses disciples en leur adressant ces mots solennels : « Toute puissance m’a été donnée au ciel et sur la terre. Allez donc, enseignez toutes les nations... » (Mt 28,18-19).

Est très clair le pouvoir d’autorité acquis par les Apôtres immédiatement après la Pentecôte, non seulement dans l’exercice prophétique et charismatique, mais aussi dans celui, pédagogique et sévère, de réprouver et de punir. Qui ne se souvient de l’effrayant épisode d’Ananie et Saphire (Ac 5,1 et ss.). Et comme il serait intéressant d’étudier en Saint Paul la conscience qu’il a de son pouvoir de gouvernement, soit dans un sens affectueux et positif, avec un incomparable dévouement (cf 2Co 12,15 Ac 20,24 Ac 20,35 Ga 4,19 etc.) ; soit au plan normatif (cf Ga 1,8 1Co 16,22), ou au plan punitif (1Co 4,21 1Co 5,3 et ss.).

L’Eglise du Christ n’est pas dépourvue d’une structure hiérarchique ni de sa propre organisation destinée à promouvoir l’ordre (1Co 14,40) et l’obéissance (2Co 10,5-6). Elle est gouvernée par des ministres dont la puissance émane du Christ et de Dieu ; une puissance qui ne dérive pas de la base, comme on dit, même si elle émane de dispositions divines réalisées par des personnes humaines qualifiées. C’est là un aspect essentiel de l’Eglise, un aspect toujours controversé par ceux qui prétendent tirer d’une autre source que le Christ et de l’authentique tradition apostolique l’autorité dans l’Eglise, ou contester les titres qui la justifient. Les divisions dans l’Eglise proviennent non seulement d’opinions hérétiques, mais tout autant de divisions schismatiques, c’est-à-dire de la négation plus ou moins radicale de l’existence, dans le Corps mystique du Christ, de légitimes, et plus encore, d’obligatoires fonctions d’autorité, établies par l’Esprit Saint pour gouverner l’Eglise (cf. Ac 20,28). Celui qui nie, qui conteste, qui s’arroge le droit de juger avec une prétendue autorité personnelle ces fonctions hiérarchiques de l’Eglise dénoue lui-même les liens qui l’unissent à l’Eglise et contribue à la démolir — si c’était possible — mais certainement pas à la construire.

Une interprétation myope et parfois présomptueuse d’une propre liberté d’examen, d’attitude, d’action à l’égard de la filiale et solidaire adhésion à celui qui a la responsabilité de guide dans l’Eglise, blesse au coeur sa souveraine et divine prérogative de posséder et de promouvoir le charisme de l’unité voulue par le Christ.

Certes, cette Autorité même devra toujours rester fidèle à l’authentique conception de ses pouvoirs, c’est-à-dire d’être une puissance qui dérive du Christ (cf. 1Co 4,4 1Co 4,15, etc.), c’est-à-dire pastorale, donc, et entendre comme service et non comme domination despotique et égoïste, une puissance animée par l’amour selon la vérité (cf. Ep 4,15-16, toujours à méditer). Au milieu des épreuves que, dans sa sagesse et sa bonté, le Seigneur réserve encore à notre humble personne — et précisément ces jours-ci — dans l’exercice de notre ministère apostolique de Vicaire du Christ et de serviteur des serviteurs de Dieu, nous nous efforçons, nous les premiers, de pénétrer notre esprit de ces enseignements évangéliques, infiniment reconnaissant à ces Frères et à ces Fils qui les partagent avec nous, dans la pensée et dans l’action, pour l’édification du Corps Mystique du Christ qu’est précisément l’Eglise.

Et nous attendons avec vigilance et confiance que, renouvelés dans l’esprit de l’amour ecclésial (comme le Christ : dilexit Ecclesiam), reprennent leur tâche de commune, édifiante collaboration, également nos Frères et nos Fils qui résistent aujourd’hui à notre apostolique sollicitude pour la construction effective de la Sainte Eglise (cf. H. de Lubac Méditation sur l’Eglise, VIII).

Travaillons ensemble ! Avec notre Bénédiction Apostolique.






11 août 1976: L’EGLISE DOMESTIQUE

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Cher Fils et Filles,



Nous continuons encore à penser à ce programme que le Seigneur s’est fixé à Lui-même : « Je bâtirai mon Eglise ». Ce que signifie ce programme nous en avons certainement, d’une certaine manière, l’intuition : Le Christ veut édifier une société d’hommes, appelés de partout dans le monde, sans aucune distinction, avec une préférence pour les « pauvres en esprit », pour en faire une forme de vie associée à sa vie divino-humaine, rachetée des décadences dues au péché originel et aux fautes personnelles actuelles, et destinée à exprimer dans la vie présente un caractère de dignité, moyennant une infusion de l’Esprit animateur d’excellentes vertus, garantissant ainsi à l’homme, au-delà de la mort, une nouvelle forme de vie qui naîtra dans la résurrection pour jouir d’une plénitude et d’un bonheur que seule une vision de Dieu lui-même pourra lui assurer (cf.
1Jn 3,2). Il s’agit, comme nous le savons, de l’Eglise, aujourd’hui pèlerine dans le monde et dans le temps que Jésus veut constituer, rassembler se servant de Pierre comme fondement et, en même temps que les autres Apôtres, comme ministres, mais faisant de chaque citoyen de cette Eglise, de cette Cité de Dieu, un collaborateur possible, un ouvrier de sa construction surnaturelle. Cette propension à participer à la réalisation du mystique édifice qu’est l’Eglise en voie de construction, de composition, d’élaboration est une des idées les plus répandues de notre époque ; elle est des plus vraies, des plus importantes. Il y a dans l’Eglise un sacerdoce ministériel doté de facultés particulières et chargé de fonctions spéciales ; c’est le sacerdoce du Christ transmis aux Apôtres et à leur ramification hiérarchique ; mais il y a également un sacerdoce commun, conféré à tout croyant, dès le moment du baptême. Il serait bon que chacun de nous s’en fasse une conception plus précise que celle, purement nominale souvent, dont nous avons entendu parler, spécialement après le Concile (cf. Lumen Gentium, LG 10). C’est une conception que tout le Peuple, solidaire dans la puissance des bienfaits de la foi et de la grâce, doit partager et approfondir ; parce que tous sont responsables, dans une mesure différente, mais toujours opérante, de la vitalité spirituelle et de la diffusion de l’Eglise.

Cette doctrine se fait éminemment pratique, spécialement là où elle parle des Epoux chrétiens qui constituent ce qu’on appelle une « Eglise domestique » (Lumen Gentium, LG 11 in fine). Nous voudrions fixer l’attention sur ce titre donné à la famille chrétienne. Elle est une Eglise domestique. Dans son expression honnête et morale qui recompose les harmonies ineffables et inépuisables de deux existences en une seule vie; dans son origine sacramentelle qui élève l’amour naturel, fragile et volubile, au niveau d’amour surnaturel, inviolable et toujours nouveau (Ep 5,21-33) dans sa déontologie, c’est-à-dire dans la loi qui la gouverne et qui, de l’union dont elle tire l’origine, fait une société exclusive et perpétuelle, une merveilleuse unité qui reflète celle qui intervient entre le Christ et l’Eglise, la famille chrétienne donc, représente et constitue une petite Eglise, un « élément » de la construction de l’unique et universelle Eglise, laquelle est le Corps mystique du Christ. Ce caractère sacré de la famille chrétienne n’enlève rien à l’intégrité et au caractère naturel de la famille ordinaire, et même mieux, elle l’illumine intérieurement d’un nouvel Esprit d’amour et de bonheur, la fortifie dans les épreuves et les peines de la vie, lui confère la conscience d’une mission qui lui est propre, lui donne le sens, le goût, la force, la sagesse du véritable art de vivre ensemble la vie mortelle en fonction de la vie immortelle. Ce titre d’Eglise domestique, « domestica ecclesia » remonte à l’aube du christianisme. Il suffit de citer Saint Paul à propos de deux époux Aquila et Priscilla, qui suivirent l’Apôtre dans quelques-unes de ses pérégrinations et qui eurent l’honneur de l’avoir pour hôte « avec l’Eglise locale » (cf. 1Co 16,19 St Paul écrivait d’Ephèse à ce moment ; cf. Rm 16,5, cf. Batiffol, La Chiesa nascente e il cattolicesimo, PP 84-85, éd. 1971). L’hospitalité familiale et privée fut le premier berceau dans lequel se formèrent les premières Eglises particulières ; déjà pénétrées du caractère social, exclusif, universel de l’Eglise du Christ et de Dieu.

Nous sommes très heureux de voir que ce sentiment ecclésial de la famille chrétienne reprend vigueur et envahit la communauté domestique, souvent de manière exemplaire et édifiante. Nous vous prions, très chers Fils et spécialement vous, Familles chrétiennes nouvelles, de donner dans vos foyers, en due forme et discrète mesure, mais aussi dans une expression religieuse franche et collective, une place d’honneur à la prière collective ; dans cette pédagogie de la religion, la mère de famille a une tâche des plus importantes, aussi digne que belle et émouvante. Mamans, enseignez-vous à vos bambins les prières du chrétien ? Vos enfants, les préparez-vous, en harmonie avec les prêtres, aux sacrements des premiers âges de la vie : la confession, la communion, la confirmation ? S’ils sont malades, les habituez-vous à penser aux souffrances du Christ ? à invoquer l’aide de la Vierge et des Saints ? récitez-vous le Rosaire en famille ? Et vous, les papas, pensez-vous à prier avec vos enfants, avec toute le communauté domestique, ne serait-ce que de temps en temps ? Votre exemple, votre droiture de pensée et d’action, étayée de quelque prière en commun a la valeur d’une leçon de vie, d’un acte de culte d’un mérite tout particulier. Et vous porterez ainsi la paix entre les cloisons domestiques : Pax huie Domui (voir le petit livre de prière en famille).

Rappelez-vous : c’est ainsi que vous devez construire l’Eglise.

Avec notre Bénédiction Apostolique !





18 août 1976: LA PAROISSE, PREMIÈRE ÉCOLE DE VIE CHRÉTIENNE

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Chers Fils et Filles,



Vous est certainement parvenu, a vous aussi chers visiteurs de cette audience générale hebdomadaire, l’écho de l’exhortation que nous avons souvent répétée depuis la conclusion de l’Année Sainte : nous devons construire l’Eglise ; et ceci coïncide étroitement avec les besoins de notre époque et avec le plan que le Christ Lui-même s’est fixé lorsqu’il a investi Simon, fils de Jonas, de sa propre mission, lui attribuant un nom qui est un symbole et un programme : « Tu es Pierre et sur cette pierre Je bâtirai mon Eglise » (
Mt 16,18).

Une Parole évangélique que nous connaissons tous parfaitement. Elle se réfère, évidemment à l’oeuvre du Christ dans le monde : l’Eglise qu’il faut édifier. Mais, l’Eglise, qu’est-ce que c’est? L’Eglise est une communion (cf H. hamer, L’Eglise est une communion ; A. prolanti, Il mistero della comunione dei Santi, 1975). C’est-à-dire une société sui generis, en même temps spirituelle et visible; humaine, mais animée par l’action surnaturelle de l’Esprit Saint (cf Ph 2,1) ; Corps mystique du Christ, Peuple de Dieu. Il faut lire et méditer les premiers chapitres de la Constitution Lumen Gentium pour avoir une idée de l’originalité, de la profondeur, de la complexité de ce dessein du Christ au sujet de son oeuvre que Lui-même, et nous avec Lui, appelons l’Eglise. Saint Thomas recourt, lui aussi au concept d’unité, de communion, de « synaxe », en parlant de la signification actuelle de l’Eucharistie qui nous fait communier avec le Christ et avec tous ceux qui participent à son sacrement (cf St. Th, III 73,4). Est vraiment décisif, à ce propos, ce que Saint Paul a écrit dans sa 1ère Epître aux Corinthiens : « ... nous ne sommes qu’un seul corps malgré notre grand nombre, attendu que nous recevons tous notre part de cet unique pain eucharistique » (1Co 10,17).

Et ici, sans entrer le moins du monde dans la discussion rationaliste au sujet de l’origine et de l’essence de la vie religieuse, nous devons noter comment, dans le catholicisme, le fait humain de la vie religieuse même, se réalise sous forme superlative, complète, non-unilatérale, essentielle et parfaite: la religion catholique est en effet extrêmement intérieure et personnelle et, en même temps, extrêmement sociale et communautaire ; et, ce qui est merveilleux pour notre foi, les deux aspects de sa religiosité ne s’excluent pas l’un l’autre : bien plus que complémentaires, ils sont simultanés : plus un esprit catholique est religieux, c’est-à-dire plus il tend et parvient au contact mystique avec Dieu, et plus solidaire est-il avec le vrai bien du prochain ; la même charité qui l’unit au mystère divin, il la retourne vers la réalité humaine (cf 1Co 13). De sorte que l’Eglise, qui est communion avec le Christ et avec Dieu dans l’Esprit Saint, tend à être communion avec les hommes ; et cette communion assume des aspects sociaux concrets, le premier desquels est celui qu’aujourd’hui on appelle de préférence communauté (cf J. huby, Christus, 1947).

Comment l’Eglise se serait-elle propagée, sinon au moyen des communautés fondées par les Apôtres et leurs collaborateurs ? (les communautés spontanées, au sens étroit du mot, ne sont pas dans la ligne originelle de l’Eglise). Les premières communautés chrétiennes naissent de la parole, du ministère, de la direction de personnes envoyées et qualifiées ; et à peine un groupe s’est-il formé autour de telles personnes, ou plus exactement autour d’une telle personne, l’Apôtre, l’Evêque, qu’il prend le nom d’« Eglise » de ce lieu où il est constitué légitimement ; une communauté visible et régulière requiert d’avoir au centre, au coeur même, une autorité vivante, dérivée d’un apôtre ; d’un de ses envoyés ou de ses successeurs. Le christianisme n’est pas un pur et simple courant idéologique, ou spirituel ; il est un ensemble de communautés locales qui ont toutes conscience d’être communion. Comme il est instructif et émouvant de lire dans les premiers documents du christianisme, tels que le Nouveau Testament (voir les Epîtres de Saint Paul, l’Apocalypse), les noms des premières Eglises naissantes; par exemple : « à l’Eglise de Dieu qui est à Corinthe » (1Co 1,2) ; « Jean, aux sept Eglises qui sont en Asie » (Ap 1,4) ; etc. Tout comme Saint Ignace d’Antioche au début du II° siècle. Et puis ? Voyez quel grand développement a eu la communauté sociale et visible de l’Eglise. La structure canonique, complexe mais cohérente, de l’Eglise contemporaine est bien connue (cf Lumen Gentium, LG 13). Il nous semble que mérite une cordiale considération la dignité et la fonction d’Eglise locale que nous appelons diocèse, Notre diocèse, Eglise-mère pour chacun de nous; et qu’elle a un Pasteur responsable institué comme guide d’un Corps de fidèles dans lequel chacun de nous s’insère, qualifié comme nous le sommes par une circonscription éthique-géographique et par un culte particulier à un mystère religieux qui fait partie de tout le système doctrinal, sous le patronage de quelque Protecteur céleste.

Il faudra vraisemblablement en reparler. Et, dans cette vision empirique de l’Eglise mérite autant d’intérêt et d’affection, cette partie du Diocèse qui est désignée par le titre de Paroisse. Oui, il faut que chaque fidèle ait pour sa propre paroisse, disons même pour son propre clocher une préférence bien compréhensible et, en un certain sens, parfaitement justifiée.

La Paroisse ! Tout fidèle devra découvrir une élection transcendante dans le fait que la Providence lui a assigné cette communauté et non une autre pour recevoir le baptême et devenir citoyen de l’Eglise ; et il devra aimer sa paroisse, lui vouer une religieuse affection, peu importe qui elle est, où elle se trouve. Et il devra, dès que possible et raisonnable accueillir l’éducation religieuse et chrétienne qui lui sera donnée par cette famille de choix ; la paroisse, il faudra la fréquenter, la soutenir, l’aimer ! elle est la première école de la foi et de la prière ; de la prière liturgique en particulier ; elle est le premier cercle d’entraînement à l’amitié joyeuse et honnête avec les contemporains et les concitoyens ; elle est le premier foyer des orientations communautaires et sociales ; elle est la rencontre persévérante avec un ministère de vérité, de charité, de concorde communautaire, d’entraînement moral, un ministère engagé jusqu’au sacrifice de soi, qui peut apporter la joie et la vigueur de la vie chrétienne.

Nous avons la plus grande estime pour la forme de vie catholique que représente la paroisse. Puissiez-vous l’avoir, vous également, avec notre Bénédiction Apostolique.

***

Chers Fils de l’union Sacerdotale «Jesus Caritas»,

Votre visite Nous est un réconfort et une espérance. Vous venez de dix-sept nations, et vous portez dans vos coeurs tant de vies de prêtres diocésains, attirés comme vous par l’exemple de Charles de Foucauld. Merci à tous et à chacun.

Nous savons que vous passez, dans la paix de Montefiolo, trois semaines de prière, de réflexion, de fraternité, afin de maintenir et de rénover l’inspiration évangélique de l’Union Sacerdotale «Jesus Caritas» et de préparer la mise à jour de ses Statuts. Nous vous félicitons d’avoir consacré une grande part de vos vacances à ce travail d’Eglise. Vous en êtes d’ailleurs les bénéficiaires tout à fait privilégiés. Par la suite, soyez ardents pour diffuser dans vos fraternités diocésaines cette passion pour le Christ Jésus et cette hantise de la rédemption du monde, si totalement vécues par l’ermite de Tamanrasset. Ainsi vous continuerez de coopérer à l’indispensable maintien du sacerdoce catholique et de son identité. Cette identité du prêtre n’a jamais été et ne sera jamais ailleurs que dans le don exclusif et permanent au Seigneur, et dans une entière disponibilité aux hommes pour les acheminer à la connaissance du vrai Dieu. Vous le constatez de plus en plus: dans l’atmosphère contemporaine étouffante et décevante à tant d’égards, les hommes ont soif de Dieu. Aussi l’Eglise catholique a-t-elle plus que jamais besoin de prêtres, proches de la vie assurément, mais surtout profondément enracinés dans une expérience spirituelle évangélique et dans la joyeuse fidélité au Concile Vatican Deux et au Magistère! Nous demandons cette grâce insigne pour vous tous et pour toute l’Union «Jesus Caritas», en vous bénissant de tout coeur.





25 août 1976: EDIFIER L’EGLISE PAR L’APOSTOLAT

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Chers Fils et Filles,



Ecoutez : nous l’avons déjà dit à nos visiteurs durant les audiences précédentes et nous vous le répétons maintenant à vous : le moment est venu où tous ceux qui ont le bonheur et la responsabilité de s’appeler chrétiens-catholiques doivent se sentir engagés à « construire l’Eglise », ceci étant, premièrement, le dessein messianique du Christ Sauveur (
Mt 16,18) ; et, deuxièmement, le Christ ayant lui-même fait appel, pour l’exécution de ce dessein historique et universel, à l’oeuvre, à la main-d’oeuvre pourrait-on dire, des Apôtres et de leurs disciples ; troisièmement, parce qu’il s’impose de préserver de la ruine l’édifice déjà construit en deux mille ans d’histoire de l’Eglise toujours vivante et menacée par l’évolution historique et l’irréligiosité des temps nouveaux ; et, quatrièmement, la conscience de l’Eglise, réanimée et stimulée par le récent Concile ayant revivifié en elle-même, tant dans la hiérarchie de ses Pasteurs et de ses promoteurs que dans les âmes généreuses de ses fils et filles les plus ouverts à la voix de l’Esprit, le sens du Mandat originel : « Allez et annoncez l’Evangile à toutes les nations » (cf Mt 28,19), et y mettant un accent plus joyeux et plus impérieux que jamais.

Avez-vous remarqué comme est devenu actuel et général le terme « apostolat », impliquant non seulement ses Pasteurs mais s’étendant à tous ceux qui doivent et peuvent être leurs collaborateurs ? puis encore le terme, aujourd’hui si exigeant de « témoignage » ; avez-vous remarqué aussi quel accent spécifique et vigoureux a acquis le mot « missionnaire » ? Dans les âmes des Chefs comme dans celles de tous les fidèles de l’Eglise résonne encore l’écho des dernières paroles que le Christ prononça dans le cadre de notre vie terrestre : « vous serez mes témoins... jusqu’aux confins de la terre » (Ac 1,8). Le salut apporté par le Christ ne se réalise pas de soi-même ; il exige la médiation d’un double ministère : indispensable : celui du sacerdoce ministériel et celui ordonné lui aussi à l’intégration dans le premier, du sacerdoce commun, celui des fidèles « fidèles » : si bien que tout le corps visible de l’Eglise est engagé à transmettre et à vivre les dons salvifiques de vérités et de grâces que nous a mérités le Verbe incarné et qui sont diffusés par l’Esprit (cf Lumen Gentium, LG 10).

Pour construire l’Eglise cette conscience apostolique, cette conscience missionnaire sont nécessaires. Construire serait dire trop peu si l’on n’entendait pas, pour nous déjà victimes de tant de démolitions, dire en même temps, reconstruire l’Eglise, non pas au regard de ce qui peut être contingent et caduc dans la vie historique de l’Eglise, mais plutôt en ce qui concerne ses éléments constitutifs, dérivés du Christ et voulus par Lui, aussi bien dans le domaine doctrinal que sur le plan de l’action; reconstruire veut dire aussi fixer son attention moins sur le passé que sur le futur, sur le plan de l’intégration qui dans l’histoire qu’il faut encore et toujours réaliser. Et c’est une nécessité intrinsèque au plan du salut unique, universel, indispensable instauré par le Christ. Si le Salut est nécessaire à l’humanité entière et si la vertu opérante d’un tel salut est, pour autant que nous puissions le savoir, conditionné par le service humain de l’institution ecclésiale il s’avère lumineusement que cette institution doit être soumise continuellement à la pression intérieure de l’urgente nécessité d’expansion, de diffusion, d’amour : « caritas Christi urget nos » (2Co 5,14) — L’amour du Christ nous presse — disait Saint Paul, et son inlassable activité apostolique nous le démontre (cf 2Co 11,16 et ss.). Cette attitude d’apostolat n’est pas réservée à certaines personnes de tempérament plus vif et plus courageux ; avec les dues formes et proportions elle doit être le fait de tous les vrais chrétiens ; elle ne doit pas être orientée seulement vers les pays dits de mission mais aussi vers tout milieu dans lequel chacun évolue. Celui qui se rend compte de cette cohérence intérieure avec le caractère chrétien trouve logique l’exhortation que ne cessent de faire les Pasteurs d’âme à tout fils de l’Eglise de militer dans les rangs de l’Action Catholique ou dans quelqu’autre association destinée à l’affirmation et à la diffusion du nom catholique (cf. Apost. actuos., AA 33). Le chrétien est un soldat, autant et comme nous le rappelle l’Apôtre (cf. Ep 6,14 1Th 5,8 1Co 9,19-27). Et se révèle encore plus nécessaire l’appel répété sans cesse par l’Eglise, en faveur de la vocation, conformément à l’invitation du Christ : « venez avec moi ; je vous ferai pêcheurs d’hommes » (Mt 4,19). C’est le grand problème des vocations au sacerdoce ou à la vie religieuse. Oui, un grand problème ; il faudra en reparler.

Puis, il y a les cas spéciaux que nous devons contempler avec beaucoup de sympathie et d’admiration : voici que le chrétien se fait missionnaire au sens spécifique du terme ; puis ce mot « missionnaire » nous laisse encore entrevoir un monde dramatique, relativement à la diffusion de l’Evangile ; diffusion encore trop limitée par rapport à la géographie de la terre et aux statistiques des populations dans le monde. Certes, tous ne peuvent pas se faire personnellement missionnaires mais tous, nous devrions éprouver la force de l’exemple des missionnaires et nous sentir solidaires avec ces héroïques messagers de la foi et de la civilisation et leur réserver notre amitié, notre obole, nos prières: ce sont eux qui fondent les Eglises locales et construisent l’Eglise Universelle.

Devant cet aspect si positif, si exemplaire, de la vie de l’Eglise en construction, il faudrait que trouvent remède dans l’Eglise déjà construite certains phénomènes négatifs qui ne contribuent ni à sa prospérité ni à son expansion. Aujourd’hui, par exemple, on confond la liberté religieuse que l’Eglise nous enseigne à propos de ceux qui ne professent pas notre foi (cf. Dign. hum. DH 2) avec indifférence religieuse, comme s’il n’existait pas l’obligation morale de chercher la vérité et de lui rendre témoignage ; ou encore avec un syncrétisme hybride, comme si chaque religion était valable de par elle-même. En outre, nous ferons une fois de plus appel à la bonne volonté de tous ceux qui se professent fils de l’Eglise pour ne pas se soumettre à la mode de la contestation systématique, comme si cette position critique permettait de saper cette intime cohésion que doit avoir une Eglise bien construite, c’est-à-dire une société animée par la charité (cf. Ph 1,9 2Th 1,3).

Apprenons donc l’art de construite l’Eglise, fondée par Jésus-Christ (cf. 1Co 3,10-12) et par Lui édifiée sur Pierre.

Avec notre Bénédiction Apostolique.







Catéchèses Paul VI 28776