Discours 2005-2013 1277
1277 La foi, en effet, n’est pas une aliénation: ce sont d’autres expériences qui portent atteinte à la dignité de l’homme et à la qualité de la coexistence sociale! En toute période historique, la rencontre avec la parole toujours nouvelle de l’Evangile a été une source de civilisation, a construit des ponts entre les peuples et a enrichi le tissu de nos villes, en s’exprimant dans la culture, dans les arts et, notamment, dans les mille formes de la charité. C’est à raison que l’Italie, en célébrant les cent cinquante ans de son unité politique, peut être fière de la présence et de l’action de l’Eglise. L’Eglise ne recherche pas de privilège ni n’entend se substituer aux responsabilités des institutions politiques; respectueuse de la laïcité légitime de l’Etat, elle est attentive à soutenir les droits fondamentaux de l’homme. Au nombre de ceux-ci, il y a tout d’abord les instances éthiques et donc l’ouverture à la transcendance, qui constituent des valeurs préalables à toute juridiction étatique, car inscrites dans la nature même de la personne humaine. Dans cette perspective, l’Eglise — forte d’une réflexion collégiale et de l’expérience directe sur le territoire — continue d’offrir sa contribution à la construction du bien commun, en rappelant chacun au devoir de promouvoir et de protéger la vie humaine dans toutes ses phases et de soutenir concrètement la famille; celle-ci demeure, en effet, la première réalité dans laquelle peuvent croître des personnes libres et responsables, formées à ces valeurs profondes qui ouvrent à la fraternité et qui permettent d’affronter aussi les adversités de la vie. Au nombre de celles-ci, il y a notamment aujourd’hui la difficulté à accéder à un plein et digne emploi: je m’unis par conséquent à ceux qui demandent à la politique et au monde de l’entreprise de faire tous les efforts possibles pour dépasser l’état de précarité professionnelle diffuse, qui compromet chez les jeunes la sérénité d’un projet de vie familiale, en portant gravement atteinte à un développement authentique et harmonieux de la société.
Chers confrères, vous vous êtes préparés à l’anniversaire de l’événement fondateur de l’Etat unitaire en rappelant la mosaïque d’une mémoire partagée, pour indiquer les éléments d’une perspective future. N’hésitez pas à encourager les fidèles laïcs à vaincre tout esprit de fermeture, de distraction et d’indifférence, et à participer personnellement à la vie publique. Encouragez les initiatives de formation inspirées par la doctrine sociale de l’Eglise, afin que ceux qui sont appelés à des responsabilités politiques et administratives ne soient pas victimes de la tentation d’exploiter leur propre position à des fins personnelles ou par soif de pouvoir. Soutenez le vaste réseau de regroupements et d’associations qui promeuvent des oeuvres à caractère culturel, social et caritatif. Renouvelez les occasions de rencontre, sous le signe de la réciprocité, entre le Nord et le Sud. Aidez le Nord à retrouver les motivations originelles de ce vaste mouvement coopératif d’inspiration chrétienne qui a été l’animateur d’une culture de la solidarité et du développement économique. De même, incitez le Sud à mettre en oeuvre, au bénéfice de tous, les ressources et les qualités dont il dispose et ces caractères d’accueil et d’hospitalité qui le caractérisent. Continuez à cultiver un esprit de sincère et loyale collaboration avec l’Etat, en sachant que cette relation est bénéfique aussi bien pour l’Eglise que pour le pays tout entier. Que votre parole et votre action soient un encouragement et un élan pour ceux qui sont appelés à gérer la complexité qui caractérise le temps présent. A un moment où se fait jour avec toujours plus de force la demande de solides points de référence spirituels, sachez présenter à tous ce qui est le propre de l’expérience chrétienne: la victoire de Dieu sur le mal et sur la mort, comme horizon qui jette une lumière d’espérance sur la présent. En faisant de l’éducation le fil directeur de l’engagement pastoral de cette décennie, vous avez voulu exprimer la certitude que l’existence chrétienne — la vie bonne de l’Evangile — est précisément la démonstration d’une vie réalisée. Sur ce chemin, vous assurez un service qui n’est pas seulement religieux ou ecclésial, mais aussi social, en contribuant à construire la ville de l’homme. Courage, par conséquent! Malgré toutes les difficultés, «rien n’est impossible à Dieu» (Lc 1,37), à Celui qui continue de faire de «grandes choses» (Lc 1,49) à travers ceux qui, comme Marie, savent s’en remettre à lui avec une disponibilité sans condition.
Nous plaçons tout le peuple italien sous la protection de la Mater unitatis, afin que le Seigneur lui concède les dons inestimables de la paix et de la fraternité et, par conséquent, du développement solidaire. Qu’il aide les forces politiques à vivre aussi l’anniversaire de l’Unité comme une occasion pour renforcer les liens nationaux et surmonter toute opposition fondée sur des préjugés: puissent les sensibilités, les expériences et les perspectives différentes et légitimes se recomposer dans un cadre plus large pour rechercher ensemble ce qui profite vraiment au bien du pays. Que l’exemple de Marie ouvre la voie à une société plus juste, mûre et responsable, capable de redécouvrir les valeurs profondes du coeur humain. Que la Mère de Dieu encourage les jeunes, soutienne les familles, réconforte les malades, implore sur chacun une effusion renouvelée de l’Esprit, en nous aidant à reconnaître et à suivre aussi dans notre temps le Seigneur, qui est le vrai bien de la vie, parce qu’il est la vie même.
Je vous bénis de tout coeur, ainsi que vos communautés.
Messieurs les Cardinaux,
Vénérés Frères dans l’Épiscopat et dans le Sacerdoce,
Chers Frères et Soeurs,
je suis heureux d’avoir cette opportunité de vous rencontrer, à l’occasion de votre Assemblée Générale. Je remercie le Cardinal Oscar Rodríguez Maradiaga, Président de Caritas Internationalis, pour les courtoises paroles qu’il m’a adressées aussi en votre nom, et j’adresse un cordial salut à vous tous et à toute la famille des Caritas. Je vous assure, en outre, de ma gratitude et je formule dans la prière mes meilleurs souhaits pour les oeuvres de charité chrétienne que vous réalisez dans des pays du monde entier.
Le premier motif de notre rencontre d’aujourd’hui est de remercier Dieu pour les nombreuses grâces qu’il a accordées à l’Église au cours des soixante années passées depuis la fondation de Caritas Internationalis. Après les horreurs et les dévastations de la deuxième guerre mondiale, le vénérable Pie XII voulut montrer la solidarité et la préoccupation de l’Église tout entière face à tant de situations de conflit et d’urgence dans le monde. Et il le fit en créant un organisme qui, au niveau de l’Église universelle, promut une plus grande communication, coordination et collaboration entre les nombreuses organisations caritatives de l’Église dans les divers continents (cf. Chirographe Durante l’Ultima Cena,16 septembre 2004, 1). Le Bienheureux Jean-Paul II renforça par la suite les liens existant entre chacune des agences nationales de Caritas et entre elles et le Saint-Siège, en conférant à Caritas Internationalis la personnalité juridique canonique publique (ibid., 3). En conséquence de cela, Caritas Internationalis a acquis un rôle particulier au coeur de la communauté ecclésiale, et elle a été appelée à partager, en collaboration avec la Hiérarchie ecclésiastique, la mission de l’Église de manifester, à travers la charité vécue, cet amour qui est Dieu lui-même. De cette façon, dans les limites des finalités propres qui lui sont assignées, Caritas Internationalis accomplit au nom de l’Église une oeuvre spécifique en faveur du bien commun (Cf. CIC CIC 116 §1).
1278 Être dans le coeur de l’Église ; être capable, en quelque sorte, de parler et d’agir en son nom, en faveur du bien commun, comporte des responsabilités particulières en termes de vie chrétienne, aussi bien personnelle que communautaire. C’est seulement sur les bases d’un engagement quotidien à accueillir et à vivre pleinement l’amour de Dieu, qu’on peut promouvoir la dignité de chaque être humain en particulier. Dans ma première encyclique Deus Caritas est, j’ai voulu réaffirmer combien est central le témoignage de la charité pour l’Église de notre temps. À travers ce témoignage, rendu visible dans la vie quotidienne de ses membres, l’Église rejoint des millions d’hommes et de femmes et leur rend possible de reconnaître et de percevoir l’amour de Dieu, qui est toujours proche de toute personne qui se trouve dans le besoin. Pour nous chrétiens, Dieu lui-même est la source de la charité, et la charité est entendue non seulement comme une vague philanthropie, mais comme don de soi, même jusqu’au sacrifice de sa propre vie en faveur des autres, à l’imitation de l’exemple de Jésus Christ. L’Église prolonge dans le temps et dans l’espace la mission salvatrice du Christ : elle veut rejoindre tout être humain, mue par le désir que chaque individu parvienne à connaître que rien ne peut nous séparer de l’amour du Christ (Cf. Rm 8,35).
Caritas Internationalis est différente des autres agences sociales parce qu’elle est un organisme ecclésial, qui partage la mission de l’Église. C’est ce que les Papes ont toujours voulu et c’est ce que votre Assemblée Générale est appelée à réaffirmer avec force. À cet égard, on doit observer que Caritas Internationalis est fondamentalement constituée des diverses Caritas nationales. À la différence de nombreuses institutions et associations ecclésiales dédiées à la charité, les Caritas ont un trait distinctif : dans la variété des formes canoniques prises par les Caritas nationales, toutes constituent une aide privilégiée pour les Évêques dans leur exercice pastoral de la charité. Cela comporte une responsabilité ecclésiale spéciale : celle de se laisser guider par les Pasteurs de l’Église. Donc, du moment que Caritas Internationalis a un profil universel et est dotée de la personnalité juridique canonique publique, le Saint-Siège a la tâche de suivre son activité et de veiller à ce que, tant son action humanitaire et de charité que le contenu des documents diffusés, soient en pleine syntonie avec le Siège Apostolique et avec le Magistère de l’Église, et qu’elle soit administrée avec compétence et de façon transparente. Cette identité distinctive est la force de Caritas Internationalis, et c’est ce qui rend son oeuvre particulièrement efficace.
De plus, je voudrais souligner que votre mission vous porte à jouer un rôle important sur le plan international. L’expérience que vous avez amassée au cours de ces années vous a enseignés à vous faire porte-parole, dans la communauté internationale, d’une saine vision anthropologique, nourrie de la doctrine catholique et engagée à défendre la dignité de toute vie humaine. Sans un fondement transcendant, sans une référence à Dieu Créateur, sans la considération de notre destin éternel, nous risquons de devenir la proie d’idéologies nocives. Tout ce que vous dites et faites, le témoignage de votre vie et de vos activités, sont importants et contribuent à promouvoir le bien intégral de la personne humaine. Caritas Internationalis est une organisation à qui incombe le rôle de favoriser la communion entre l’Église universelle et les Églises particulières, de même que la communion entre tous les fidèles dans l’exercice de la charité. En même temps, elle est appelée à offrir sa propre contribution pour porter le message de l’Église dans la vie politique et sociale sur le plan international. Dans la sphère politique – et sur tous les terrains qui touchent directement la vie des pauvres – les fidèles, et spécialement les laïcs, jouissent d’une ample liberté d’action. Personne ne peut, en des matières ouvertes à la libre discussion, prétendre parler « officiellement » au nom du laïcat tout entier ou de tous les catholiques (cf. CONC. OECUM. VAT. II, Gaudium et Spes GS 43 Gaudium et Spes GS 88). D’autre part, chaque catholique, et même, en vérité, tout homme, est appelé à agir avec une conscience purifiée et avec un coeur généreux pour promouvoir de manière résolue ces valeurs que j’ai souvent définies comme « non négociables ». Caritas Internationalis est appelée, par conséquent, à oeuvrer pour convertir les coeurs à l’ouverture envers tous nos frères et soeurs, afin que chacun, dans le plein respect de sa propre liberté et dans la pleine acceptation de ses propres responsabilités personnelles, puisse agir toujours et partout en faveur du bien commun, offrant généreusement le meilleur de soi au service de ses frères et de ses soeurs, en particulier des plus nécessiteux.
C’est dans cette vaste perspective, donc, et en étroite collaboration avec les Pasteurs de l’Église, responsables ultimes du témoignage de la charité (cf. Deus Caritas est ), que les Caritas nationales sont appelées à continuer à rendre leur témoignage fondamental au mystère de l’amour vivifiant et transformant de Dieu manifesté en Jésus Christ. La même chose vaut aussi pour Caritas Internationalis, qui, dans l’engagement pour accomplir sa propre mission, peut compter sur l’assistance et sur l’appui du Saint-Siège, particulièrement à travers le Dicastère compétent, le Conseil Pontifical Cor Unum.
Chers amis, confiant ces pensées à votre réflexion, je vous remercie de nouveau pour votre généreux engagement au service de nos frères dans le besoin. À vous, à vos collaborateurs et à tous ceux qui sont engagés dans le vaste monde des oeuvres de charité catholiques, j’accorde de grand coeur ma Bénédiction Apostolique, en gage de force et de paix dans le Seigneur.
DU CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE ET DU 200e ANNIVERSAIRE DE LA NAISSANCE DE FERENC LISZT
PAROLES AU TERME DU CONCERT Salle Paul VI Vendredi 27 mai 2011
Monsieur le président de la République,
Messieurs les cardinaux,
Mesdames et Messieurs les ministres et autorités,
1279 vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce, Mesdames et Messieurs!
Je désire adresser un salut respectueux au président de la République de Hongrie, M. Pál Schmitt, à son épouse et à la délégation hongroise. Je vous remercie des paroles que vous m’avez adressées et de nous avoir offert, avec une grande courtoisie, ce concert splendide, à l’occasion de la présidence hongroise du Conseil de l’Union européenne et du bicentenaire de la naissance de Ferenc Liszt, un artiste vraiment européen.
Je salue les diverses autorités, MM. les ambassadeurs, les différentes personnalités et vous tous. J’adresse mes remerciements spéciaux au chef d’orchestre, au ténor, à l’Orchestre philarmonique national et au groupe de la chorale nationale hongroise pour leur exécution de très haut niveau, ainsi qu’aux organisateurs.
Liszt, l’un des plus grands pianistes de tous les temps, a été un compositeur génial non seulement de musique pour piano, mais également de musique symphonique et sacrée, comme nous l’avons entendu. Je voudrais vous proposer une réflexion que l’écoute des trois premiers morceaux a suscitée en moi: le Festmarsh zur Goethejubiläumsfeier, la Vallée d’Obermann et l’Ave Maria-Die Glocken von Rom, le premier dans sa version réélaborée et les deux autres dans la transcription du piano du Maître Kotschish selon le plus authentique esprit de Liszt. Dans ces trois compositions sont soulignées toutes les nuances de l’orchestre; nous avons donc pu entendre avec clarté la voix particulière des différentes sections qui forment un ensemble orchestral: les archets, les vents, les bois, les cuivres, les percussions. Des timbres très caractéristiques et très différents entre eux. Nous n’avons pourtant pas entendu un amas de sons séparés entre eux: toutes ces nuances de l’orchestre ont exprimé de façon harmonieuse un unique projet musical. C’est pour cela qu’ils nous ont communiqué la beauté et la joie de l’écoute, qu’ils ont suscité en nous une vaste gamme de sentiments: de la joie et du caractère festif de la marche, à l’atmosphère pensive du deuxième morceau avec sa poignante mélodie récurrente, jusqu’à l’attitude de prière à laquelle nous a invités l’Ave Maria plein de tristesse.
Un mot également sur le très beau Psaume XIII. Il remonte aux années où Liszt séjourna à Tivoli et à Rome; il s’agit de la période pendant laquelle le compositeur vit sa foi de manière intense, au point de produire presque exclusivement de la musique sacrée; rappelons-nous qu’il reçut les ordres mineurs. Le passage que nous avons écouté nous a donné l’idée de la qualité et de la profondeur de cette foi. C’est un psaume dans lequel l’orant se trouve en difficulté, l’ennemi l’entoure, l’assiège, et Dieu semble absent, semble l’avoir oublié. Et la prière devient angoissée devant cette situation d’abandon: «Combien de temps, Seigneur», répète le Psalmiste à quatre reprises. «Herr, wie lange?», répètent de manière presque martelante le ténor et le choeur dans le passage que nous avons écouté: c’est le cri de l’homme et de l’humanité, qui sent le poids du mal qu’il y a dans le monde; et la musique de Liszt nous a transmis ce sentiment de poids, d’angoisse. Mais Dieu ne nous abandonne pas. Le Psalmiste le sait et Liszt aussi, en homme de foi, le sait. De l’angoisse naît une supplication pleine de confiance qui débouche sur la joie: «Que mon coeur ait la joie de ton salut! Je chanterai le Seigneur pour le bien qu’il m’a fait». Et là, la musique de Liszt se transforme: ténor, choeur et orchestre élèvent un hymne de consécration totale à Dieu, qui ne trahit jamais, qui n’oublie jamais, qui ne laisse jamais seuls. Liszt, à propos de sa Missa solemnis, écrivait: «Je peux vraiment dire que j’ai davantage prié pour cette Messe que je ne l’ai composée». Je pense que nous pouvons dire la même chose de ce Psaume: le grand musicien hongrois l’a davantage prié que composé, ou mieux, il l’a prié avant de le composer.
Je renouvelle ma gratitude au président de la République, au chef d’orchestre, au ténor, à l’Orchestre philarmonique et au choeur, à tous les organisateurs pour nous avoir donné ce moment pendant lequel notre coeur a été invité à s’élever à la hauteur de Dieu.
Que le Seigneur continue à bénir votre vie. Merci à tous.
Cher Monsieur le président,
chers associés!
1280 Je vous adresse un cordial «Vergelt’s Gott» [Dieu vous bénisse] pour votre visite, pour votre don, pour avoir ressorti des souvenirs une date de ma vie que j’avais oubliée. En effet, il s’agit d’une date qui n’appartient pas simplement au passé: l’admission au sein de la Congrégation mariale est orientée vers l’avenir et n’est jamais simplement un fait ayant eu lieu. Voilà que, après 70 ans, cette date est encore une date d’«aujourd’hui», une date qui indique le chemin vers «demain». Je vous suis reconnaissant d’avoir «ressorti» cette date et j’en suis heureux. Je vous remercie de tout coeur, cher président, pour vos aimables paroles qui sont venues du coeur et qui sont allées droit au coeur. A cette époque, nous vivions alors des temps sombres, il y avait la guerre. Hitler avait soumis l’un après l’autre la Pologne, le Danemark, les Etats du Benelux, la France et, en avril 1941 — précisément en cette période, il y a 70 ans — il avait occupé la Yougoslavie et la Grèce. Il semblait que le continent était entre les mains de ce pouvoir qui, dans le même temps, remettait en cause l’avenir du christianisme. Nous avions été admis à la Congrégation, mais, peu de temps après, éclata la guerre contre la Russie; le séminaire fut fermé et la Congrégation — avant qu’elle ne se réunisse, qu’elle ne puisse se rassembler — avait déjà été dispersée aux quatre vents. Ainsi, cela n’est pas resté comme une «date extérieure» de la vie, mais comme une «date intérieure» de la vie, car depuis toujours, il a été clair que la catholicité ne peut exister sans une attitude mariale, qu’être catholiques signifie être mariaux, que cela signifie l’amour pour la Mère, que dans la Mère et pour la Mère, nous trouvons le Seigneur.
Ici, à travers les visites «ad limina» des évêques j’observe constamment que les personnes — surtout en Amérique latine, mais également dans les autres continents — peuvent se confier à la Mère, peuvent aimer la Mère et, à travers Elle, apprennent ensuite à connaître, à comprendre et à aimer le Christ; je constate que la Mère continue de mettre au monde le Seigneur, que Marie continue de dire «oui» et d’apporter le Christ au monde. Lorsque nous étudiions, après la guerre — et je crois qu’aujourd’hui, cela n’a pas beaucoup changé, je ne crois pas que la situation se soit beaucoup améliorée — la mariologie que l’on enseignait dans les universités allemandes était un peu austère et sobre. Je crois toutefois que nous y avons trouvé l’essentiel. A cette époque, nous étions guidés par Romano Guardini et par le livre de son ami, le curé Josef Weiger, «Maria, Mutter der Glaubenden» (Marie, Mère des croyants), qui se fonde sur les paroles d’Elisabeth: «Bienheureuse, toi qui as cru!» (cf. Lc 1,45). Marie est la grande croyante. Elle a accepté la mission d’Abraham d’être croyante et a concrétisé la foi d’Abraham dans la foi en Jésus Christ, nous indiquant ainsi à tous le chemin de la foi, le courage de nous confier à ce Dieu qui se remet entre nos mains, la joie d’être ses témoins: puis sa détermination à demeurer ferme lorsque tous ont fui, le courage d’être aux côtés du Seigneur lorsqu’il semblait perdu et d’apporter précisément ainsi le témoignage qui a conduit à la Pâque.
Je suis donc reconnaissant d’apprendre qu’en Bavière, il existe environ 40.000 associés; qu’aujourd’hui encore, il existe des hommes qui, avec Marie, aiment le Seigneur, qui à travers Marie, apprennent à connaître et à aimer le Seigneur et, comme Elle, témoignent du Seigneur dans les heures difficiles et dans celles heureuses; qui sont avec Lui, sous la Croix et qui continuent de vivre joyeusement la Pâque avec lui. Je vous remercie donc tous car vous continuez d’apporter ce haut témoignage, car nous savons qu’il existe des hommes catholiques bavarois qui sont associés, qui parcourent ce chemin ouvert par les jésuites au XVIe siècle, et qui continuent de démontrer que la foi n’appartient pas au passé, mais ouvre toujours à un «aujourd’hui», et, surtout, à un «demain».
«Vergelt’s Gott für alles» (Dieu vous bénisse pour tout) et Dieu vous bénisse tous! Merci de tout coeur.
Chers frères évêques,
Je vous souhaite une affectueuse bienvenue à l’occasion de votre visite ad limina Apostolorum, un moment de grâce particulier et un signe de la communion qui existe entre l’Eglise en Inde et le Siège de Pierre. Je désire remercier S.Exc. Mgr Maria Callist Soosa Pakiam pour les sentiments pieux et la promesse de prières qu’il a exprimés en votre nom et au nom de tous ceux que vous servez. Je vous prie de transmettre mon salut affectueux aux prêtres, aux religieux, hommes et femmes, et aux laïcs confiés à votre sollicitude pastorale.
Le Concile Vatican II nous rappelle que, parmi les devoirs les plus importants des évêques, la prédication de l’Evangile occupe une place prédominante (cf. Lumen gentium LG 25). En effet, l’Eglise, le Corps du Christ, proclame la Parole de Dieu qui est à l’oeuvre dans le coeur de ceux qui croient (cf. 1Th 2,13) et elle grandit toujours en écoutant, en célébrant et en étudiant constamment cette Parole (cf. Verbum Domini, n. 3). C’est un motif de satisfaction de constater que l’annonce de la Parole de Dieu porte des fruits spirituels abondants dans vos Eglises locales, en particulier à travers la diffusion de petites communautés chrétiennes, dans lesquelles les fidèles se réunissent pour prier, réfléchir sur les Ecritures et se soutenir fraternellement. Je vous encourage, à travers vos prêtres et avec l’aide de responsables laïcs qualifiés, à garantir que la plénitude de la Parole de Dieu, qui nous parvient dans les Ecritures Saintes et dans la tradition apostolique de l’Eglise, soit rendue facilement accessible à ceux qui cherchent à approfondir leur connaissance et leur amour du Seigneur et leur obéissance à sa volonté. On devrait faire tout le possible pour souligner que la prière individuelle et collective, par sa nature même, dérive de la source de grâce qui se trouve dans les sacrements de l’Eglise et dans toute sa vie liturgique et qu’elle reconduit à celle-ci. On ne peut pas non plus oublier que la Parole de Dieu non seulement réconforte, mais invite également les croyants, en tant qu’individus et membres de communautés, à promouvoir la justice, la réconciliation et la paix entre eux et dans la société en général. A travers votre encouragement et sous votre direction personnelle, que les semences de la Parole de Dieu plantées à présent dans vos Eglises locales portent des fruits abondants pour le salut des âmes et pour la croissance du Royaume de Dieu.
En fidélité au nouveau commandement de nous aimer les uns les autres comme le Seigneur nous a aimés (cf. Jn 13,34), les chrétiens de tous les temps et de tous les lieux ont lutté pour servir généreusement les autres êtres humains, et pour les aimer de tout leur coeur. Après tout, l’amour est le don de Dieu à l’humanité, il est sa promesse et notre espérance (cf. Caritas in veritate ). Cet amour généreux trouve une expression concrète dans le service aux autres et à la communauté au sens large. Dans cette lumière, je suis heureux de constater les signes importants de la charité de l’Eglise dans de nombreux domaines de l’activité sociale, un service qui est en particulier né de ses prêtres et de ses religieux. A travers leur témoignage de la charité chrétienne, les écoles de l’Eglise préparent les jeunes de toutes les confessions, ou qui n’ont pas la foi, à édifier une société plus juste et pacifique. Les organismes de l’Eglise ont contribué à la promotion du microcrédit, en aidant les pauvres à s’aider eux-mêmes. En outre, ils promeuvent la mission ecclésiale relative à la charité et à la santé à travers des cliniques, des orphelinats, des hôpitaux et d’autres innombrables projets visant à promouvoir la dignité et le bien-être humains, en assistant les plus pauvres et les plus faibles, les personnes seules et âgées, abandonnées et souffrantes, en les aidant toutes en vertu de la dignité qui leur est due en tant qu’être humains, et pour l’unique motif de l’amour du Christ qui nous pousse (cf. 2Co 5,14). Je vous encourage à persévérer dans ce témoignage positif et concret, en fidélité au commandement du Seigneur et pour le bien des derniers parmi nos frères et soeurs. Que les fidèles du Christ en Inde continuent à assister tous les indigents dans les communautés autour d’eux, indépendamment de la race, de l’appartenance ethnique, de la religion ou du statut social, convaincus du fait que tous ont été créés à l’image et à la ressemblance de Dieu et que tous méritent un même respect.
En tant que don d’«amour inconditionné» qui donne sa signification définitive à notre vie (cf. Spe salvi ), la charité est tout d’abord vécue par la plupart d’entre nous dans la famille. Le récent synode sur la Parole de Dieu a rappelé que l’Eglise, avec son annonce de l’Evangile, révèle aux familles chrétiennes leur identité authentique selon le dessein de Dieu (cf. Verbum Domini, n. 85). Dans vos diocèses, les familles, qui sont des «Eglises domestiques», doivent être des exemples de cet amour, de ce respect et de ce soutien réciproques qui devraient animer les relations humaines à chaque niveau. Dans la mesure où elles sont attentives à la prière, à la méditation des Ecritures et où elles participent pleinement à la vie sacramentelle de l’Eglise, elles contribueront à nourrir «cet amour inconditionné» entre elles et dans la vie de leurs paroisses et elles seront une source de grand bien pour la communauté en général. Un grand nombre d’entre vous m’ont parlé des graves défis qui menacent l’unité, l’harmonie et la sainteté de la famille et de l’oeuvre que nous devons accomplir pour créer une culture du respect pour le mariage et pour la vie familiale. Une catéchèse solide qui s’adresse surtout à ceux qui se préparent au mariage constituera une grande aide pour nourrir la foi des familles chrétiennes et les aidera à rendre un témoignage vibrant et vivant de la sagesse séculaire de l’Eglise à propos du mariage, de la famille et de l’usage responsable de la sexualité, qui est un don de Dieu.
1281 Avec ces réflexions, chers frères dans l’épiscopat, je vous confie tous à l’intercession de Marie, Mère de l’Eglise, et des saints apôtres, Pierre et Paul. En vous assurant de mes prières constantes pour vous et pour ceux qui sont confiés à votre sollicitude pastorale, je vous donne ma Bénédiction apostolique en gage de grâce et de paix dans le Seigneur Ressuscité.
Chers frères et soeurs,
Je suis heureux de m’unir à vous en prière, aux pieds de la Sainte Vierge, que nous contemplons aujourd’hui en la fête de la Visitation. Je salue et je remercie Monsieur le cardinal Angelo Comastri, archiprêtre de la basilique Saint-Pierre, les cardinaux et les évêques présents, et vous tous qui vous êtes rassemblés ici ce soir. En conclusion du mois de mai, nous voulons unir notre voix à celle de Marie, dans son même cantique de louange; avec Elle, nous voulons magnifier le Seigneur pour les merveilles qu’il continue d’accomplir dans la vie de l’Eglise et de chacun de nous. En particulier, cela a été et demeure pour nous un motif de joie et de gratitude profondes d’avoir commencé ce mois marial par la béatification mémorable de Jean-Paul II. Quel grand don de grâce a été, pour l’Eglise tout entière, la vie de ce grand Pape! Son témoignage continue d’illuminer nos existences et nous encourage à être de véritables disciples du Seigneur, à Le suivre avec le courage de la foi, à L’aimer avec le même enthousiasme avec lequel il Lui a donné sa vie.
En méditant aujourd’hui sur la Visitation de Marie, nous sommes amenés à réfléchir précisément sur ce courage de la foi. Celle qu’Elisabeth accueille chez elle est la Vierge qui «a cru» à l’annonce de l’Ange et a répondu avec foi, en acceptant avec courage le projet de Dieu pour sa vie et en accueillant ainsi en elle la Parole éternelle du Très-Haut. Comme le soulignait mon bienheureux prédécesseur dans l’encyclique Redemptoris Mater, c’est à travers la foi que Marie a prononcé son fiat, qu’elle «s'est remise à Dieu sans réserve et “elle se livra elle-même intégralement, comme la servante du Seigneur, à la personne et à l'oeuvre de son Fils”» (n. 13; cf. Conc. oecum. Vat. II, Const. dogm. Lumen gentium, LG 56). C'est pourquoi Elisabeth, en la saluant, s’exclame: «Bienheureuse celle qui a cru en l'accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur!» (Lc 1,45). Marie a vraiment cru que «rien n'est impossible à Dieu» (v. 37) et, forte de cette confiance, elle se laisse guider par l’Esprit Saint dans l’obéissance quotidienne à ses desseins. Comment ne pas désirer, pour notre vie, le même abandon confiant? Comment pourrions-nous nous priver de cette béatitude qui naît d’une si intime et profonde familiarité avec Jésus? C’est pourquoi, en nous adressant aujourd’hui à la «pleine de grâce», nous lui demandons d’obtenir également pour nous, par la Providence divine, de pouvoir prononcer chaque jour notre «oui» aux desseins de Dieu avec la même foi humble et sincère avec laquelle Elle a prononcé le sien. Elle qui, accueillant en elle la Parole de Dieu, s’est abandonnée à Lui sans réserve, nous guide vers une réponse toujours plus généreuse et inconditionnelle à ses projets, même lorsque pour eux, nous sommes appelés à embrasser la croix.
En ce temps de Pâques, tandis que nous invoquons du Ressuscité le don de son Esprit, nous confions à l’intercession maternelle de la Vierge, l’Eglise et le monde entier. Que la Très Sainte Vierge Marie, qui au cénacle, a invoqué avec les apôtres le Paraclet, obtienne pour chaque baptisé la grâce d’une vie illuminée par le mystère du Dieu crucifié et ressuscité, le don de savoir accueillir toujours plus dans son existence la seigneurie de Celui qui à travers sa résurrection, a vaincu la mort. Chers amis, à chacun de vous, à vos proches, et en particulier à ceux qui souffrent, je donne de tout coeur la Bénédiction apostolique.
Juin 2011
Aéroport international Pleso de Zagreb Samedi 4 juin 2011
Discours 2005-2013 1277