Discours 2005-2013 11212

AU PÈLERINAGE DU MONDE DU SPECTACLE ITINÉRANT À L'OCCASION DE L'ANNÉE DE LA FOI Salle Paul VI Samedi 1\2er\0 décembre 2012

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Chers frères et soeurs!

Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue à tous et je vous remercie de votre salut! Vous vous êtes réunis ici très nombreux, pour rencontrer le Successeur de Pierre et pour manifester, également au nom de nombreuses personnes qui travaillent dans le spectacle itinérant, la joie d’être chrétiens et d’appartenir à l’Eglise. Je salue et je remercie le cardinal Antonio Maria Vegliò, président du Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement, qui, en collaboration avec le diocèse de Rome et avec la Fondation Migrantes de la Conférence épiscopale italienne, a organisé cet événement. Merci Eminence! Je suis également reconnaissant à vos représentants, qui nous ont offert leur témoignage et un très beau petit spectacle, ainsi qu’à ceux qui ont contribué à préparer ce rendez-vous, qui s’inscrit dans l’Année de la foi, occasion importante pour professer ouvertement la foi dans le Seigneur Jésus.

Ce qui caractérise tout d’abord votre grande famille est la capacité d’utiliser le langage particulier et spécifique de votre art. L’allégresse des spectacles, la joie récréative du jeu, la grâce des chorégraphies, le rythme de la musique constituent véritablement une voie immédiate de communication pour se mettre en dialogue avec les petits et avec les grands, en suscitant des sentiments de sérénité, de joie, de concorde. Avec la variété de vos professions et l’originalité de vos représentations, vous savez étonner et susciter l’émerveillement, offrir des occasions de fête et de sain divertissement.

Chers amis, c’est précisément à partir de ces caractéristiques et de votre style, que vous êtes appelés à témoigner des valeurs qui font partie de votre tradition: l’amour pour la famille, la sollicitude pour les petits, l’attention à l’égard des porteurs de handicap, le soin des malades, la valorisation des personnes âgées et de leur patrimoine d’expériences. Dans votre milieu est conservé vivant le dialogue entre les générations, le sens de l’amitié, le goût du travail d’équipe. L’accueil et l’hospitalité sont vos caractéristiques, ainsi que l’attention à donner une réponse aux désirs les plus authentiques, en particulier des jeunes générations. Vos professions demandent abnégation et sacrifice, responsabilité et persévérance, courage et générosité: des vertus que la société d’aujourd’hui n’apprécie pas toujours, mais qui ont contribué à former, dans votre grande famille, des générations entières. Je connais également les nombreux problèmes liés à votre condition itinérante, tels que l’instruction des enfants, la recherche de lieux adaptés pour les spectacles, les autorisations pour les représentations et les permis de séjour pour les étrangers. Alors que je souhaite que les administrations publiques, en reconnaissant la fonction sociale et culturelle du spectacle itinérant, s’engagent pour la protection de votre catégorie, je vous encourage, ainsi que la société civile, à surmonter les préjugés et à rechercher toujours une bonne insertion dans les réalités locales.

Chers frères et soeurs, l’Eglise se réjouit de l’engagement dont vous faites preuve et elle apprécie la fidélité aux traditions, dont vous êtes à juste titre fiers. Elle-même, qui est en pèlerinage, comme vous, dans ce monde, vous invite à participer à sa mission divine à travers votre travail quotidien. La dignité de chaque homme s’exprime également dans l’exercice honnête du professionnalisme qu’il acquiert et en mettant en oeuvre cette gratuité qui permet de ne pas se laisser conditionner par le profit économique. Ainsi, vous aussi, alors que vous faites attention à la qualité de vos réalisations et des spectacles, ne manquez pas de veiller afin que, avec les valeurs de l’Evangile, vous puissiez continuer à offrir aux jeunes générations l’espérance et l’encouragement dont ils ont besoin, notamment par rapport aux difficultés de la vie, aux tentations du découragement, de la fermeture sur eux-mêmes et du pessimisme, qui empêchent de percevoir la beauté de l’existence.

Bien que la vie itinérante empêche d’appartenir de manière stable à une communauté paroissiale et ne facilite pas la participation régulière à la catéchèse et au culte divin, une nouvelle évangélisation est aussi nécessaire dans votre monde. Je souhaite que vous puissiez trouver, auprès des communautés dans lesquelles vous faites halte, des personnes accueillantes et disponibles, capables de venir à la rencontre de vos nécessités spirituelles. Mais n’oubliez pas que la famille est la voie primordiale de la transmission de la foi, la petite Eglise domestique appelée à faire connaître Jésus et son Evangile et à éduquer selon la loi de Dieu, afin que chacun puisse parvenir à la pleine maturité humaine et chrétienne (cf. Jean-Paul II, Exhort. apos. Familiaris consortio
FC 2). Que vos familles soient toujours des écoles de foi et de charité, des lieux d’apprentissage de la communion et de la fraternité.

1507 Chers artistes et agents du spectacle itinérant, je vous répète ce que j’ai affirmé au début de mon pontificat: «Il n’y a rien de plus beau que d’être rejoints, surpris par l’Evangile, par le Christ. Il n’y a rien de plus beau que de le connaître et de communiquer aux autres l’amitié avec lui... Ce n’est que dans cette amitié que se dévoilent réellement les grandes potentialités de la condition humaine. Ce n’est que dans cette amitié que nous faisons l’expérience de ce qui est beau et de ce qui libère» (Messe inaugurale du pontificat du Pape Benoît XVI, 24 avril 2005). En vous assurant de la proximité de l’Eglise, qui partage votre chemin, je vous confie tous à la Sainte Vierge Marie, l’«Etoile du chemin», qui nous accompagne de sa présence maternelle à chaque moment de la vie.

Chers amis, votre charisme consiste à donner aux autres la joie, le sens de la fête et de la beauté. Que votre joie trouve sa source en Dieu et qu’elle soit fortement associée à la confiance en Lui et en son amour, une joie pleine d’humilité et de foi. Devenez donc des imitateurs de Dieu et cheminez dans la charité (cf. Ep
Ep 5,1-2), en apportant à tous la joie de la foi.

Dear friends, you spread around you a joyful atmosphere and you ease the burden of daily work. May you also be men and women with a strong inner self, open to contemplation and dialogue with God. I pray that your faith in Christ and your devotion to the Blessed Virgin Mary may sustain you in your life and work.

Liebe Freunde, eure Welt kann ein Laboratorium im Bereich der großen Themenstellungen der Ökumene und der Begegnung mit Menschen werden, die anderen Religionen angehören. Euer Glaube möge euch leiten, wahre Zeugen Gottes und seiner Liebe zu sein, Gemeinden, die in Brüderlichkeit, in Frieden und Solidarität vereint sind.

Queridos amigos profesionales del espectáculo itinerante, en la Exhortación Apostólica post-sinodal Verbum Domini, en el párrafo dedicado a los emigrantes, manifestaba mi deseo de que «se hagan ellos mismos anunciadores de la Palabra de Dios y testigos de Jesús Resucitado, esperanza del mundo» (n. 105). Hoy con gran confianza repito también a Ustedes este deseo, y a los agentes de pastoral, que os acompañan con admirable dedicación.

A chacun de vous et à vos familles et communautés, je donne de tout coeur ma Bénédiction apostolique. Merci.

AUX PARTICIPANTS À L'ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE DU

CONSEIL PONTIFICAL JUSTICE ET PAIX Salle du Consistoire Lundi 3 décembre 2012



Messieurs les cardinaux,
vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
chers frères et soeurs!

1508 Je suis heureux de vous accueillir à l’occasion de votre assemblée plénière. Je salue le cardinal-président, que je remercie pour les aimables paroles qu’il m’a adressées, ainsi que le secrétaire et les officiaux du dicastère, et vous tous, membres et consulteurs, rassemblés pour ce temps important de réflexion et de programmation. Votre assemblée se réunit en l’Année de la foi, après le synode consacré à la nouvelle évangélisation, alors que l’on célèbre le cinquantième anniversaire du Concile Vatican II et celui, dans quelques mois, de l’encyclique Pacem in terris, du bienheureux Pape Jean XXIII. Ce contexte est déjà, en soi, source de motivations multiples.

La doctrine sociale, comme nous l’a enseigné le bienheureux Pape Jean-Paul II, fait partie intégrante de la mission évangélisatrice de l’Eglise (cf. Enc. Centesimus annus
CA 54) et elle doit d’autant plus être considérée comme importante pour la nouvelle évangélisation (cf. ibid., n. 5; Enc. Caritas in veritate ). En accueillant Jésus Christ et son Evangile, non seulement dans notre vie personnelle, mais aussi dans les relations sociales, nous devenons porteurs d’une vision de l’homme, de sa dignité, de sa liberté et de sa nature relationnelle, marquée par la transcendance, au sens horizontal comme vertical. Comme nous l’a rappelé le bienheureux Jean XXIII précisément dans Pacem in terris (cf. n. 9), les fondements et la signification des droits et des devoirs de l’homme dépendent d’une anthropologie intégrale, qui dérive de la Révélation et de l’exercice de la raison naturelle. En effet, les droits et les devoirs n’ont pas pour seul et exclusif fondement la conscience sociale des peuples, mais ils dépendent tout d’abord de la loi morale naturelle, inscrite par Dieu dans la conscience de chaque personne, et donc en dernière instance, de la vérité sur l’homme et sur la société.

Bien que la défense des droits ait fait de grands progrès à notre époque, la culture actuelle, caractérisée, entre autres, par un individualisme utilitariste et un économisme technocratique, tend à dévaluer la personne. Celle-ci est conçue comme un être «fluide», sans consistance permanente. Bien qu’il soit immergé dans un réseau infini de relations et de communications, l’homme d’aujourd’hui, paradoxalement, apparaît souvent comme un être isolé, parce qu’indifférent quant au rapport constitutif de son être, qui est la racine de toutes les autres relations, la relation avec Dieu. L’homme d’aujourd’hui est considéré d’un point de vue essentiellement biologique ou comme un «capital humain», une «ressource», faisant partie d’un engrenage productif et financier qui le domine. Si, d’un côté, on continue à proclamer la dignité de la personne, de l’autre, de nouvelles idéologies, — comme l’hédonisme égoïste des droits sexuels et reproductifs ou un capitalisme financier déréglé qui prévaut sur la politique et qui déstructure l’économie réelle — contribuent à considérer le travailleur salarié et son travail comme des biens «mineurs» et à miner les fondements naturels de la société, en particulier la famille. En réalité, l’être humain, fondamentalement transcendant par rapport aux autres êtres et biens terrestres, a un primat réel qui le rend responsable de lui-même et du créé. Concrètement, pour le christianisme, le travail est un bien fondamental pour l’homme, en vue de sa personnalisation, de sa socialisation, de la formation d’une famille, de sa contribution au bien commun et à la paix. C’est précisément pour cela que l’objectif de l’accès au travail pour tous est toujours prioritaire, même en période de récession économique (cf. Caritas in veritate ).

C’est d’une nouvelle évangélisation de la société que pourront découler un nouvel humanisme et un engagement renouvelé dans un projet culturel. Celle-ci aide à détrôner les idoles modernes, à remplacer l’individualisme, le consumérisme matérialiste et la technocratie, par une culture de la fraternité, de la gratuité et de l’amour solidaire. Jésus Christ a résumé et a accompli les préceptes par un commandement nouveau: «Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres» (Jn 13,34); là est le secret de toute vie sociale pleinement humaine et pacifique, et du renouveau de la politique et des institutions nationales et mondiales. Le bienheureux Pape Jean XXIII a défendu un engagement pour la construction d’une communauté mondiale, avec une autorité compétente, à partir justement de l’amour, et précisément de l’amour pour le bien commun de la famille humaine. Ainsi, nous lisons dans Pacem in terris: «A bien y regarder, un rapport essentiel unit le bien commun avec la structure et le fonctionnement des pouvoirs publics. L'ordre moral, qui postule une autorité publique pour servir le bien commun dans la société civile, réclame en même temps pour cette autorité les moyens nécessaires à sa tâche» (n. 136).

L’Eglise n’a certainement pas le devoir de suggérer, du point de vue juridique et politique, la configuration concrète d’un tel système international, mais elle offre à ceux qui en ont la responsabilité des pistes de réflexion, des critères de jugement et des orientations pratiques qui peuvent en garantir le cadre anthropologique et éthique autour de la notion de bien commun (cf. Enc. Caritas in veritate ). Dans la réflexion, quoi qu’il en soit, il faut garder présent à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’imaginer un superpouvoir, concentré entre les mains de quelques-uns, qui domineraient sur tous les peuples en exploitant les plus faibles, mais que cette autorité doit être comprise, avant tout, comme une force morale, une faculté d’influencer selon la raison (cf. Pacem in terris PT 27), c’est-à-dire comme une autorité participative, limitée par le droit à son domaine de compétence.

Je remercie le Conseil pontifical justice et paix qui, en lien avec d’autres institutions pontificales, se propose d’approfondir les orientations que j’ai proposées dans Caritas in veritate, tant à travers une réflexion sur une réforme du système financier et monétaire international, qu’à travers l’assemblée plénière de ces jours-ci et le séminaire international de l’année prochaine sur Pacem in terris.

Que la Vierge Marie qui, avec foi et amour, a accueilli en elle le Sauveur pour le donner au monde, nous guide dans l’annonce et le témoignage de la doctrine sociale de l’Eglise, pour rendre la nouvelle évangélisation plus efficace. C’est avec ce souhait que j’accorde avec plaisir à chacun de vous ma Bénédiction apostolique.

À LA COMMUNAUTÉ DU VÉNÉRABLE COLLÈGE ANGLAIS DE ROME Lundi 3 décembre 2012

Eminence,
chers frères dans l’épiscopat,
Mgr Hudson,
1509 étudiants et personnel du vénérable collège anglais,

C’est pour moi un grand plaisir de vous accueillir aujourd’hui au Palais apostolique, la Maison de Pierre. Je salue mon vénérable frère, le cardinal Cormac Murphy-O’Connor, ancien recteur du collège, et je remercie S.Exc. Mgr Vincent Nichols pour ses aimables paroles, prononcées au nom de toutes les personnes présentes. Je repense moi aussi aux journées passées dans votre pays en 2010, avec un sentiment d’action de grâce dans le coeur. En effet, j’ai été heureux de rencontrer certains d’entre vous au Collège Oscott à cette occasion, et je prie pour que le Seigneur continue à susciter de nombreuses et saintes vocations au sacerdoce et à la vie religieuse dans votre pays.

Par la grâce de Dieu, la communauté catholique d’Angleterre et du Pays de Galles possède une longue tradition de zèle pour la foi et de loyauté au siège apostolique. A peu près au même moment où vos ancêtres saxons édifiaient la Schola Saxonum, établissant une présence à Rome proche de la tombe de Pierre, saint Boniface oeuvrait à l’évangélisation des peuples en Allemagne. Ainsi, en tant qu’ancien prêtre et archevêque du Siège de Munich et Freising, qui doit sa fondation à ce grand missionnaire anglais, je suis conscient que mon ascendance spirituelle est liée à la vôtre. Naturellement, auparavant, mon prédécesseur le Pape Grégoire le grand avait été poussé à envoyer Augustin de Canterbury sur vos côtes, pour planter la semence de la foi chrétienne sur la terre anglo-saxonne. Les fruits de cet effort missionnaire ne sont que trop évidents au cours des 650 ans d’histoire de foi et de martyre qui caractérise l’hospice anglais de saint Thomas Becket et le vénérable collège anglais qui en découla.

Potius hodie quam cras, comme le dit saint Ralph Sherwin lorsqu’on lui demanda de prononcer le serment missionnaire, «aujourd’hui plutôt que demain». Ces paroles expriment bien son désir ardent de maintenir vivante la flamme de la foi en Angleterre, quel que soit le prix à payer. Ceux qui ont vraiment rencontré le Christ ne parviennent pas à garder le silence sur lui. Comme l’a dit saint Pierre lui-même aux anciens et aux scribes de Jérusalem, «Nous ne pouvons pas, quant à nous, ne pas publier ce que nous avons vu et entendu» (
Ac 4,20). Saint Boniface, saint Augustin de Canterbury, saint François Xavier, dont nous célébrons la fête aujourd’hui, ainsi que tant d’autres saints missionnaires, nous montrent qu’un amour profond pour le Seigneur suscite un désir profond de conduire les autres à le connaître; Vous aussi, en suivant les traces des martyrs du collège, êtes les hommes que Dieu a choisis pour diffuser le message de l’Evangile aujourd’hui en Angleterre et au Pays de Galles, au Canada, en Scandinavie. Vos ancêtres ont affronté un réel danger de martyre, et il est bon et juste que vous vénériez la glorieuse mémoire des quarante-quatre anciens élèves de votre Collège qui ont versé leur sang pour le Christ. Vous êtes appelés à imiter leur amour pour le Seigneur et leur zèle en vue de le faire connaître, potius hodie quam cras. Vous pouvez remettre avec confiance les conséquences, les fruits, entre les mains de Dieu.

Votre première tâche consiste donc à apprendre à connaître vous-mêmes le Christ, et la période que vous passez au séminaire vous offre une occasion privilégiée de le faire. Apprenez à prier chaque jour, en particulier en présence du Très Saint Sacrement, dans l’écoute attentive de la Parole de Dieu et en laissant le coeur parler au coeur, comme le dirait le bienheureux John Henry Newman. Rappelez-vous des deux disciples du premier chapitre de l’Evangile de saint Jean, qui ont suivi Jésus et qui voulaient savoir où il demeurait et, comme eux, répondez avec enthousiasme à son invitation: «Venez et voyez» (1, 37, 39). Laissez le charme de sa personne capturer votre imagination et réchauffer votre coeur. Il vous a choisis pour être ses amis, pas ses serviteurs, et il vous invite à participer à son oeuvre sacerdotale d’apporter le salut au monde. Mettez-vous entièrement à sa disposition et permettez-lui de vous former, quelle que soit la tâche qu'il à l’esprit pour vous.

Vous avez beaucoup entendu parler de la nouvelle évangélisation, la proclamation du Christ dans les régions du monde où l’Evangile a déjà été prêché, mais où, à un degré plus ou moins important, les braises de la foi se sont refroidies et doivent à présent être ravivées pour produire une flamme nouvelle. La devise de votre collège évoque le désir du Christ d’apporter le feu sur terre, et votre mission est de lui servir d’instrument dans la tâche de raviver la foi dans vos pays respectifs. Dans l’Ecriture Sainte, le feu sert souvent à indiquer la présence divine, qu’il s’agisse du buisson ardent à partir duquel Dieu a révélé son nom à Moïse, de la colonne de feu qui a guidé le peuple d’Israël sur son chemin de l’esclavage à la liberté, ou des langues de feu qui sont descendues sur les apôtres à la Pentecôte, leur permettant de continuer, par la puissance de l’Esprit, à proclamer l’Evangile jusqu’aux extrémités de la terre. Tout comme une petite flamme peut embraser une forêt tout entière (cf. Jc Jc 3,5), ainsi, le témoignage fidèle de quelques-uns peut libérer la puissance purificatrice et transformatrice de l'amour de Dieu, afin qu’il se répande comme une traînée de poudre dans une communauté ou une nation. Comme les martyrs d’Angleterre et du Pays de Galles, laissez alors vos coeurs brûler d’amour pour le Christ, pour l’Eglise et pour la Messe.

Au cours de ma visite au Royaume-Uni, j’ai constaté qu’il existe une grande soif spirituelle chez les personnes. Apportez-leur la véritable nourriture qui vient de la connaissance, de l’amour et du service du Christ. Révélez-leur la vérité de l’Evangile avec amour. Offrez-leur l’eau vive de la foi chrétienne et indiquez-leur le pain de vie, afin que leur faim et leur soif puissent être assouvies. Mais par dessus tout, laissez la lumière du Christ briller à travers vous en menant des vies de sainteté, en suivant les pas des nombreux grands saints d’Angleterre et du Pays de Galles, des saints hommes et femmes qui ont témoigné de l’amour de Dieu, même au prix de leur vie. Le Collège auquel vous appartenez, le milieu dans lequel vous vivez et étudiez, la tradition de foi et le témoignage chrétien qui vous a formés: toutes ces choses ont été sanctifiées par la présence de nombreux saints. Que votre aspiration soit d’être comptés à leur nombre.

Soyez assurés de mon souvenir affectueux dans mes prières pour vous et pour tous les élèves du vénérable Collège anglais. Je fais mienne la salutation entendue si souvent sur les lèvres d’un grand ami et voisin du Collège, saint Philippe Neri, Salvete, flores martyrum! En vous confiant, ainsi que tous ceux auxquels le Seigneur vous envoie, à l’intercession bienveillante de Notre-Dame de Walsingham, je vous donne avec joie ma Bénédiction apostolique en signe de paix et de joie dans le Seigneur Jésus Christ. Merci.

À LA COMMISSION THÉOLOGIQUE INTERNATIONALE

À L'OCCASION DE SA SESSION PLÉNIÈRE ANNUELLE Salle des Papes Vendredi 7 décembre 2012



Vénérés frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,
1510 illustres professeurs et chers collaborateurs,

C’est avec une grande joie que je vous accueille au terme des travaux de votre session plénière annuelle. Je salue de tout coeur votre nouveau président, Mgr Gerhard Ludwig Müller, que je remercie des paroles qu’il m’a adressées au nom de tous, de même que le nouveau secrétaire général, le père Serge-Thomas Bonino.

Votre session plénière s’est déroulée dans le contexte de l’Année de la foi, et je suis heureux que la Commission théologique internationale ait voulu manifester son adhésion à cet événement ecclésial à travers un pèlerinage à la basilique papale Sainte-Marie-Majeure, pour confier à la Vierge Marie, praesidium fidei, les travaux de votre Commission et pour prier pour tous ceux qui, in medio Ecclesiae, se consacrent à faire fructifier l’intelligence de la foi pour le bénéfice et la joie spirituelle de tous les croyants. Merci pour ce geste extraordinaire. J’exprime mon appréciation pour le Message que vous avez rédigé à l’occasion de cette Année de la foi. Celui-ci met bien en lumière la façon spécifique dont les théologiens, en servant fidèlement la vérité de la foi, peuvent participer à l’élan évangélisateur de l’Eglise.

Ce Message reprend les thèmes que vous avez développés plus amplement dans le document «La théologie aujourd’hui. Perspectives, principes et critères», publié au début de cette année. Prenant acte de la vitalité et de la variété de la théologie après le Concile Vatican II, ce document entend présenter, pour ainsi dire, le code génétique de la théologie catholique, c’est-à-dire les principes qui définissent son identité et, par conséquent, garantissent son unité dans la diversité de ses réalisations. Dans ce but, le texte éclaire les critères en vue d’une théologie authentiquement catholique, et à ce titre capable de contribuer à la mission de l’Eglise, à l’annonce de l’Evangile à tous les hommes. Dans un contexte culturel où certains sont tentés de priver la théologie d’un statut universitaire, à cause de son lien intrinsèque avec la foi, ou de faire abstraction de la dimension croyante et confessionnelle de la théologie, avec le risque de la confondre et de la réduire aux sciences religieuses, votre document rappelle opportunément que la théologie est inséparablement confessionnelle et rationnelle et sa présence à l’intérieur de l’institution universitaire garantit, ou devrait garantir, une vision ample et intégrale de la raison humaine elle-même.

Parmi les critères de la théologie catholique, le document mentionne l’attention que les théologiens doivent réserver au sensus fidelium. Il est très utile que votre Commission se soit concentrée aussi sur ce thème qui est d’une importance particulière pour la réflexion sur la foi et pour la vie de l’Eglise. Le Concile Vatican II, en réaffirmant le rôle spécifique et irremplaçable qui revient au Magistère, a souligné rien de moins que le fait que l’ensemble du peuple de Dieu participe à la mission prophétique du Christ, en réalisant ainsi le désir inspiré, exprimé par Moïse: «Puisse tout le peuple du Seigneur être prophète, le Seigneur leur donnant son Esprit!» (
Nb 11,29). La Constitution dogmatique Lumen gentium enseigne à cet égard: «La collectivité des fidèles, ayant l’onction qui vient du Saint (cf. 1Jn 2,20 1Jn 2,27), ne peut se tromper dans la foi; ce don particulier qu’elle possède, elle le manifeste moyennant le sens surnaturel de foi qui est celui du peuple tout entier, lorsque, des évêques jusqu’aux derniers des fidèles laïcs, elle apporte aux vérités concernant la foi et les moeurs un consentement universel» (n. 12). Ce don, le sensus fidei, constitue chez le croyant une sorte d’instinct surnaturel qui a une connaturalité vitale avec l’objet même de la foi. Nous observons que précisément les simples fidèles portent en eux cette certitude, cette sécurité du sens de la foi. Le sensus fidei est un critère pour discerner si une vérité appartient ou non au dépôt vivant de la tradition apostolique. Il présente aussi une valeur de proposition car l’Esprit Saint ne cesse de parler aux Eglises et de les guider vers la vérité tout entière. Aujourd’hui, toutefois, il est particulièrement important de préciser les critères qui permettent de distinguer le sensus fidelium authentique de ses copies contrefaites. En réalité, celui-ci n’est pas une sorte d’opinion publique ecclésiale, et il n’est pas pensable de pouvoir le mentionner pour contester les enseignements du Magistère, car le sensus fìdei ne peut se développer authentiquement chez le croyant que dans la mesure où il participe pleinement à la vie de l’Eglise, et cela exige l’adhésion responsable à son Magistère, au dépôt de la foi.

Aujourd’hui, ce même sens surnaturel de la foi des croyants conduit à réagir avec vigueur aussi contre le préjugé selon lequel les religions, et en particulier les religions monothéistes, seraient intrinsèquement propagatrices de violence, en particulier à cause de leur prétention à affirmer l’existence d’une vérité universelle. Certains estiment que seul le «polythéisme des valeurs» garantirait la tolérance et la paix civile et serait conforme à l’esprit d’une société démocratique pluraliste. Dans cette direction, votre étude sur le thème «Dieu Trinité, unité des hommes, christianisme et monothéisme» est d’une grande actualité. D’une part, il est essentiel de rappeler que la foi dans le Dieu unique, Créateur du ciel et de la terre, rencontre les exigences rationnelles de la réflexion métaphysique, qui ne se trouve pas affaiblie mais renforcée et approfondie par la Révélation du mystère du Dieu-Trinité. D’autre part, il faut souligner la forme que la Révélation définitive du mystère du Dieu unique prend dans la vie et la mort de Jésus Christ qui va au-devant de la Croix comme «l’agneau qui se laisse mener à l’abattoir» (Is 53,7). Le Seigneur atteste du refus radical de toute forme de haine et de violence en faveur du primat absolu de l’agape. Par conséquent si, dans l’histoire, il y a eu ou il continue d’y avoir des formes de violences faites au nom de Dieu, celles-ci ne doivent pas être attribuées au monothéisme, mais à des causes historiques, principalement aux erreurs des hommes. C’est plutôt précisément l’oubli de Dieu qui plonge les sociétés humaines dans une forme de relativisme, qui engendre inéluctablement la violence. Lorsque l’on nie la possibilité à tous de se référer à une vérité objective, le dialogue est rendu impossible et la violence, déclarée ou cachée, devient la règle des rapports humains. Sans l’ouverture au transcendant, qui permet de trouver des réponses aux interrogations sur le sens de la vie et sur la manière de vivre de manière morale, sans cette ouverture, l’homme devient incapable d’agir selon la justice et de s’engager pour la paix.

Si la rupture du rapport des hommes avec Dieu porte en elle un profond déséquilibre dans les relations entre les hommes eux-mêmes, la réconciliation avec Dieu opérée par la Croix du Christ, «notre paix» (Ep 2,14) est la source fondamentale de l’unité et de la fraternité. C’est dans cette perspective que s’inscrit aussi votre réflexion sur le troisième thème, celui de la doctrine sociale de l’Eglise dans l’ensemble de la doctrine de la foi. Elle confirme que la doctrine sociale n’est pas un ajout extrinsèque, mais, sans négliger la contribution d’une philosophie sociale, elle puise ses principes de fond aux sources mêmes de la foi. Une telle doctrine s’efforce de rendre effectif, dans la grande diversité des situations sociales, le commandement nouveau que le Seigneur Jésus nous a laissé: «Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres» (Jn 13,34).

Prions la Vierge Immaculée, modèle de celui qui écoute et médite la Parole de Dieu, d’obtenir pour vous la grâce de toujours servir joyeusement l’intelligence de la foi au bénéfice de toute l’Eglise. En renouvelant l’expression de ma profonde gratitude pour votre service ecclésial, je vous assure de ma proximité constante dans la prière et je vous donne de tout coeur à tous ma Bénédiction apostolique.

ACTE DE VÉNÉRATION À L’IMMACULÉE PLACE D'ESPAGNE Solennité de l’Immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie Samedi 8 décembre 2012

[Vidéo]


Galerie photographique


1511 Chers frères et soeurs !

C’est toujours une joie particulière de nous rassembler ici, place d’Espagne, en la fête de Marie Immaculée. Se retrouver ensemble — Romains, pèlerins et visiteurs — au pied de la statue de notre Mère spirituelle, nous fait nous sentir unis sous le signe de la foi. Il me plaît de le souligner en cette Année de la foi que l’Église toute entière est en train de vivre. Je vous salue avec une grande affection et je voudrais partager avec vous certaines réflexions simples, suggérées par l’Évangile de cette solennité : l’Évangile de l’Annonciation.

Tout d’abord, le fait que ce moment décisif pour le destin de l’humanité, le moment où Dieu s’est fait homme, est enveloppé par un grand silence qui nous frappe toujours et nous fait réfléchir. La rencontre entre le messager divin et la Vierge Immaculée passe totalement inaperçu: personne ne sait, personne n’en parle. C’est un événement qui, s’il avait lieu à notre époque, ne laisserait pas de traces dans les journaux ni dans les revues, parce que c’est un mystère qui a lieu dans le silence. Ce qui est vraiment grand passe souvent inaperçu, et le silence tranquille se révèle plus fructueux que l’agitation frénétique qui caractérise nos villes, mais que — toutes proportions gardées — l’on vivait déjà dans des villes importantes comme la Jérusalem d’alors. Cet activisme qui nous rend incapables de nous arrêter, de rester tranquilles, d’écouter le silence dans lequel le Seigneur fait entendre sa voix discrète. Le jour où elle reçut l’annonce, Marie était toute recueillie, et en même temps ouverte à l’écoute de Dieu. En elle, il n’y a pas d’obstacle, pas d’écran, il n’y a rien qui la sépare de Dieu. Tel est le sens de son « être » sans péché originel : sa relation avec Dieu est dénuée de la moindre faille ; il n’y a pas de séparation, il n’y a pas l’ombre d’un égoïsme, mais une harmonie parfaite : son petit coeur humain est parfaitement « centré » dans le grand coeur de Dieu. Voilà, chers frères et soeurs, venir ici, auprès de ce monument à Marie, au centre de Rome, nous rappelle avant tout que la voix de Dieu ne se reconnaît pas dans le fracas et dans l’agitation ; son dessein sur notre vie personnelle et sociale ne se perçoit pas en restant à la surface, mais en descendant à un niveau plus profond, où les forces qui agissent ne sont pas économiques et politiques, mais morales et spirituelles. C’est là que Marie nous invite à descendre, et à nous syntoniser avec l’action de Dieu.

Il y a une deuxième chose, encore plus importante, que l’Immaculée nous dit lorsque nous venons ici, c’est que le salut du monde n’est pas l’oeuvre de l’homme — de la science, de la technologie, de l’idéologie — mais qu’elle vient de la Grâce. Que signifie ce mot ? La Grâce signifie l’amour dans sa pureté et dans sa beauté, c’est Dieu lui-même tel qu’il s’est révélé dans l’histoire du salut, racontée dans la Bible, et pleinement en Jésus Christ. Marie est appelée la « pleine de grâce » (
Lc 1,28) et avec son identité, elle nous rappelle le primat de Dieu dans notre vie et dans l’histoire du monde, elle nous rappelle que la puissance d’amour de Dieu est plus forte que le mal, qu’elle peut combler les vides que l’égoïsme provoque dans l’histoire des personnes, des familles, des nations et du monde. Ces vides peuvent devenir des enfers, où la vie humaine est comme tirée vers le bas et vers le néant, où elle perd son sens et sa lumière. Les faux remèdes que le monde offre pour combler ces vides — la drogue est emblématique — accroissent en réalité le gouffre. Seul l’amour peut sauver de cette chute, mais pas n’importe quel amour : un amour qui a en lui la pureté de la Grâce — de Dieu qui transforme et renouvelle — et qui peut ainsi insuffler dans les poumons intoxiqués un oxygène nouveau, un air pur, une énergie nouvelle de vie. Marie nous dit que, aussi bas que l’homme puisse tomber, ce n’est jamais trop bas pour Dieu, qui est descendu jusqu’aux aux enfers ; aussi égaré que soit notre coeur, Dieu est toujours « plus grand que notre coeur » (1Jn 3,20). Le souffle doux de la Grâce peut disperser les nuages les plus sombres, peut rendre la vie belle et riche de sens, même dans les situations les plus inhumaines.

Et c’est de là que dérive la troisième chose que nous dit Marie Immaculée : elle nous parle de la joie, de la joie authentique qui se diffuse dans le coeur libéré du péché. Le péché porte en lui une tristesse négative, qui conduit à se replier sur soi. La Grâce apporte la véritable joie, qui ne dépend pas de la possession des choses, mais est enracinée à l’intérieur, au plus profond de la personne, et que rien ni personne ne peut enlever. Le christianisme est essentiellement un « évangile », une « bonne nouvelle », tandis que certains pensent qu’il est un obstacle à la joie, car ils y voient une série d’interdictions et de règles. En réalité, le christianisme est l’annonce de la victoire de la Grâce sur le péché, de la vie sur la mort. Et s’il comporte des renoncements et une discipline de l’esprit, du coeur et du comportement, c’est précisément parce que dans l’homme, il y a la racine vénéneuse de l’égoïsme, qui fait mal à soi-même et aux autres. Il faut donc apprendre à dire non à la voix de l’égoïsme, et à dire oui à celle de l’amour authentique. La joie de Marie est totale, parce que dans son coeur, il n’y a pas l’ombre du péché. Cette joie coïncide avec la présence de Jésus dans sa vie: Jésus conçu et porté en son sein, puis enfant confié à ses soins maternels, et adolescent, jeune homme, et homme mûr ; Jésus qu’elle a vu partir de la maison, suivi de loin avec foi jusqu’à la Croix et à la Résurrection: Jésus est la joie de Marie et il est la joie de l’Église, de nous tous.

En ce temps de l’Avent, que Marie Immaculée nous apprenne à écouter la voix de Dieu qui parle dans le silence ; à accueillir sa Grâce, qui nous libère du péché et de tout égoïsme, pour goûter ainsi la vraie joie. Marie, pleine de grâce, priez pour nous !


Discours 2005-2013 11212