Benoît XVI Homélies 24125

MESSE DE MINUIT Basilique Vaticane - Samedi 24 décembre 2005

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«Le Seigneur m’a dit: “Tu es mon fils; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré”». Par ces paroles du psaume 2, l’Église commence la Messe de la veillée de Noël, dans laquelle nous célébrons la naissance de notre Rédempteur Jésus Christ, dans l’étable de Bethléem. Autrefois, ce psaume appartenait au rituel du couronnement du roi de Juda. Le peuple d’Israël, en raison de son élection, se sentait de façon particulière fils de Dieu, adopté par Dieu. Comme le roi était la personnification de ce peuple, son intronisation était vécue comme un acte solennel d’adoption de la part de Dieu, dans lequel le roi était, en quelque sorte, introduit dans le mystère même de Dieu. Dans la nuit de Bethléem, ces paroles, qui étaient en fait plutôt l’expression d’une espérance qu’une réalité présente, ont pris un sens nouveau et inattendu. L’Enfant dans la crèche est vraiment le Fils de Dieu. Dieu n’est pas solitude éternelle, mais cercle d’amour où il se donne et se redonne dans la réciprocité. Il est Père, Fils et Esprit Saint.

Plus encore: en Jésus Christ, le Fils de Dieu, Dieu lui-même s’est fait homme. C’est à Lui que le Père dit: «Tu es mon fils». L’aujourd’hui éternel de Dieu est descendu dans l’aujourd’hui éphémère du monde et il entraîne notre aujourd’hui passager dans l’aujourd’hui éternel de Dieu. Dieu est si grand qu’il peut se faire petit. Dieu est si puissant qu’il peut se faire faible et venir à notre rencontre comme un enfant sans défense, afin que nous puissions l’aimer. Dieu est bon au point de renoncer à sa splendeur divine et descendre dans l’étable, afin que nous puissions le trouver et pour que, ainsi, sa bonté nous touche aussi, qu’elle se communique à nous et continue à agir par notre intermédiaire. C’est cela Noël: «Tu es mon fils; moi, aujourd’hui, je t’ai engendré». Dieu est devenu l’un de nous, afin que nous puissions être avec Lui, devenir semblables à Lui. Il a choisi comme signe l’Enfant dans la crèche: Il est ainsi. De cette façon nous apprenons à le connaître. Et sur chaque enfant resplendit quelque chose du rayon de cet aujourd’hui, de la proximité de Dieu que nous devons aimer et à laquelle nous devons nous soumettre – sur chaque enfant, même sur celui qui n’est pas encore né.

Écoutons une deuxième parole de la liturgie de cette sainte Nuit, cette fois tirée du Livre du prophète Isaïe: «Sur ceux qui habitaient le pays de l’ombre, une lumière a resplendi» (
Is 9,1). Le mot «lumière» pénètre toute la liturgie de cette Messe. Elle est mentionnée de nouveau dans le passage tiré de la lettre de saint Paul à Tite: «La grâce de Dieu est apparue» (Tt 2,11). L’expression «est apparue» (est manifestée) appartient au langage grec et, dans ce contexte, dit la même chose que ce que l’hébreu exprime par les mots «une lumière resplendit»: l’«apparition» – l’«épiphanie» – est l’irruption de la lumière divine dans le monde plein d’obscurité et plein de problèmes irrésolus. Enfin, l’Évangile nous rapporte que la gloire de Dieu apparut aux bergers et «les enveloppa de lumière» (Lc 2,9). Là où paraît la gloire de Dieu, là se répand, dans le monde, la lumière. «Dieu est lumière, il n’y a pas de ténèbres en lui», dit saint Jean (1Jn 1,5). La lumière est source de vie.

Mais lumière signifie surtout connaissance, vérité en opposition à l’obscurité du mensonge et de l’ignorance. Ainsi, la lumière nous fait vivre, nous indique la route. Mais ensuite, la lumière, parce qu’elle donne de la chaleur, signifie aussi amour. Là où il y a de l’amour, apparaît une lumière dans le monde; là où il y a de la haine le monde est dans l’obscurité. Oui, dans l’étable de Bethléem est apparue la grande lumière que le monde attend. Dans cet Enfant couché dans l’étable, Dieu montre sa gloire – la gloire de l’amour, qui se fait don lui-même et qui se prive de toute grandeur pour nous conduire sur le chemin de l’amour. La lumière de Bethléem ne s’est plus jamais éteinte. Tout au long des siècles, elle a touché des hommes et des femmes, «elle les a enveloppés de lumière». Là où a surgi la foi en cet Enfant, là aussi a jailli la charité – la bonté envers les autres, l’attention empressée pour ceux qui sont faibles et pour ceux qui souffrent, la grâce du pardon. À partir de Bethléem, un sillage de lumière, d’amour, de vérité, envahit les siècles. Si nous regardons les saints – de Paul et Augustin, jusqu’à saint François et saint Dominique, de François-Xavier et Thérèse d’Avila à Mère Teresa de Calcutta – nous voyons ce courant de bonté, ce chemin de lumière qui, toujours de nouveau, s’enflamme au mystère de Bethléem, à ce Dieu qui s’est fait Enfant. Dans cet Enfant, Dieu oppose sa bonté à la violence de ce monde et il nous appelle à suivre l’Enfant.

Avec l’arbre de Noël, nos amis autrichiens nous ont apporté aussi une petite flamme qu’ils avaient allumée à Bethléem, pour nous dire: le vrai mystère de Noël est la splendeur intérieure qui vient de cet Enfant. Laissons cette splendeur intérieure se communiquer à nous, allumer dans notre coeur la petite flamme de la bonté de Dieu; par notre amour, portons tous la lumière dans le monde! Ne permettons pas que cette flamme de lumière soit éteinte par les courants froids de notre temps! Gardons-la fidèlement et faisons-en don aux autres! En cette nuit, dans laquelle nous regardons vers Bethléem, nous voulons aussi prier de façon spéciale pour le lieu de la naissance de notre Rédempteur et pour les hommes qui y vivent et qui y souffrent. Nous voulons prier pour la paix en Terre Sainte: Regarde, Seigneur, cette région de la terre qui, étant ta patrie, t’est si chère! Fais que ta lumière y brille! Fais que la paix y advienne!

Avec le terme «paix», nous sommes arrivés à la troisième parole-guide de la liturgie de cette sainte Nuit. L’Enfant qu’Isaïe annonce est appelé par lui «Prince de la paix». On dit de son règne: «La paix n’aura pas de fin». Aux bergers sont annoncées dans l’Évangile la «gloire de Dieu au plus haut des cieux» et «la paix sur terre...». Autrefois on lisait: «...aux hommes de bonne volonté»; dans la nouvelle traduction, on dit: «...aux hommes, qu’il aime». Que signifie ce changement? La bonne volonté ne compte-t-elle plus? Posons mieux la question: qui sont les hommes que Dieu aime et pourquoi les aime-t-il? Dieu est-il partial? Aime-t-il seulement des personnes déterminées et abandonne-t-il les autres à elles-mêmes? L’Évangile répond à ces questions en nous présentant quelques personnes particulières aimées de Dieu. Ce sont des personnes précises – Marie, Joseph, Élisabeth, Zacharie, Siméon, Anne, etc. Mais il y a aussi deux groupes de personnes: les bergers et les sages de l’Orient, ceux qu’on appelle les rois mages. Arrêtons-nous en cette nuit sur les bergers. Quelle sorte d’hommes sont-ils? Dans leurs milieux, les bergers étaient méprisés; ils étaient considérés comme peu fiables et, au tribunal, ils n’étaient pas admis comme témoins. Mais qui étaient-ils en réalité? Ils n’étaient certainement pas de grands saints, si par ce terme nous entendons des personnes de vertu héroïque. C’étaient des âmes simples. L’Évangile met en lumière une caractéristique qui, par la suite, dans les paroles de Jésus, aura un rôle important: c’étaient des veilleurs. Cela vaut avant tout dans le sens extérieur: de nuit, ils veillaient auprès de leurs moutons. Mais cela vaut aussi dans un sens plus profond: ils étaient disponibles à la parole de Dieu. Leur vie n’était pas fermée sur elle-même; leur coeur était ouvert. D’une certaine façon, au plus profond, ils L’attendaient. Leur vigilance était disponibilité – disponibilité à écouter, disponibilité à se mettre en route; elle était une attente de la lumière qui leur indiquerait le chemin. C’est cela qui intéresse Dieu. Dieu aime tous les hommes parce que tous sont ses créatures. Mais certaines personnes ont fermé leur âme; son amour ne trouve aucun accès auprès d’eux. Ils croient qu’ils n’ont pas besoin de Dieu; ils ne le veulent pas. D’autres, qui peut-être moralement sont aussi pauvres et pécheurs, souffrent au moins de cela. Ils attendent Dieu. Ils savent qu’ils ont besoin de sa bonté, même s’ils n’en ont pas une idée précise. Dans leur coeur ouvert à l’attente, la lumière de Dieu peut entrer et, avec elle, sa paix. Dieu cherche des personnes qui apportent sa paix et qui la communiquent. Demandons-lui de faire en sorte qu’il ne trouve pas notre coeur fermé. Faisons en sorte de pouvoir devenir des porteurs actifs de sa paix – précisément dans notre temps.

Chez les chrétiens, le mot paix a pris ensuite une signification toute spéciale: elle est devenue un nom pour désigner l’Eucharistie. En elle, la paix du Christ est présente. Grâce à tous les lieux où se célèbre l’Eucharistie, un réseau de paix s’étend sur le monde entier. Les communautés rassemblées autour de l’Eucharistie constituent un règne de paix, vaste comme le monde. Quand nous célébrons l’Eucharistie, nous nous trouvons à Bethléem, dans la «maison du pain». Le Christ se donne à nous et nous donne avec cela sa paix. Il nous la donne pour que nous portions la lumière de la paix au plus profond de nous-mêmes et que nous la communiquions aux autres; pour que nous devenions des artisans de paix et que nous contribuions ainsi à la paix dans le monde. Prions donc: Seigneur, réalise ta promesse! Fais que là où se trouve la discorde naisse la paix! Fais que là où règne la haine jaillisse l’amour! Fais que là où dominent les ténèbres surgisse la lumière! Fais-nous devenir des porteurs de ta paix! Amen.



CÉLÉBRATION DES VÊPRES ET DU TE DEUM D'ACTION DE GRÂCE POUR LA FIN DE L’ANNÉE 2005

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Samedi 31 décembre 2005

Chers frères et soeurs!

Au terme d'une année qui pour l'Eglise et le monde a été plus riche que jamais en événements, faisant mémoire du commandement de l'Apôtre: "il vous faut marcher... appuyés sur la foi... débordant d'action de grâces" (
Col 2,6-7), nous nous retrouvons ce soir ensemble pour élever un hymne d'action de grâce à Dieu, Seigneur du temps et de l'histoire. Ma pensée remonte, avec un sentiment profond et spirituel, douze mois en arrière, lorsque, comme ce soir, le bien-aimé Pape Jean-Paul II, pour la dernière fois, s'est fait la voix du Peuple de Dieu pour rendre grâce au Seigneur des nombreux bienfaits accordés à l'Eglise et à l'humanité. Dans le même cadre suggestif de la Basilique vaticane, c'est à présent à moi qu'il revient de recueillir en esprit, de chaque lieu de la terre, le cantique de louange et d'action de grâce qui s'élève vers Dieu, à la fin de 2005 et à la veille de 2006. Oui, cela est notre devoir, en plus d'être un besoin du coeur, de louer et de rendre grâce à Celui qui, éternel, nous accompagne dans le temps sans jamais nous abandonner et qui veille toujours sur l'humanité avec la fidélité de son amour miséricordieux.

Nous pourrions bien dire que l'Eglise vit pour louer et rendre grâce à Dieu. Elle est elle-même "action de grâce", au cours des siècles, témoin fidèle d'un amour qui ne meurt pas, d'un amour qui embrasse les hommes de chaque race et culture, répandant de manière féconde les principes de vie véritable. Comme le rappelle le Concile Vatican II, "l'Eglise unit prière et travail pour que le monde entier dans tout son être soit transformé en peuple de Dieu, en Corps du Seigneur et temple du Saint-Esprit, et que soient rendus dans le Christ, Chef de tous, au Créateur et Père de l'univers, tout honneur et toute gloire" (Lumen gentium LG 17). Soutenue par l'Esprit Saint, celle-ci "poursuit son pèlerinage à travers les persécutions du monde et les consolations de Dieu" (Saint Augustin, De Civitate Dei, XVIII, 51, 2), tirant sa force de l'aide du Seigneur. De cette manière, avec patience et avec amour, elle surmonte "les afflictions et les difficultés qui lui viennent à la fois du dehors et du dedans", et révèle "fidèlement au milieu du monde le mystère du Seigneur, encore enveloppé d'ombre, jusqu'au jour où, finalement, il éclatera dans la pleine lumière" (Lumen gentium LG 8). L'Eglise vit du Christ et avec le Christ. Il lui offre son amour sponsal en la guidant au cours des siècles; et celle-ci, avec l'abondance de ses dons, accompagne le chemin de l'homme, afin que ceux qui accueillent le Christ aient la vie et l'aient en abondance.

Ce soir, je me fais tout d'abord la voix de l'Eglise de Rome, pour élever vers le Ciel le cantique commun de louange et d'action de grâce. Cette dernière, notre Eglise de Rome, au cours des douze mois écoulés, a été l'objet de la visite de nombreuses autres Eglises et Communautés ecclésiales, venues pour approfondir le dialogue de la vérité dans la charité, qui unit tous les baptisés, et pour éprouver ensemble de manière plus vive le désir de la pleine communion. Mais de nombreux croyants d'autres religions ont également voulu témoigner leur propre estime cordiale et fraternelle à cette Eglise et à son Evêque, conscients que dans la rencontre sereine et respectueuse se trouve l'âme d'une action unanime en faveur de l'humanité tout entière. Et que dire des nombreuses personnes de bonne volonté, qui ont tourné leur regard vers ce Siège pour établir un dialogue fructueux sur les grandes valeurs concernant la vérité de l'homme et de la vie, que l'on doit défendre et promouvoir? L'Eglise veut toujours être accueillante, dans la vérité et dans la charité.

En ce qui concerne le chemin du diocèse de Rome, j'ai plaisir à m'arrêter brièvement sur le programme pastoral diocésain, qui cette année a fixé son attention sur la famille, en choisissant pour thème: "La famille et la communauté chrétienne: formation de la personne et transmission de la foi". La famille a toujours été au centre de l'attention de mes vénérés Prédécesseurs, en particulier de Jean-Paul II, qui a consacré à son sujet de multiples interventions. Il était persuadé, et il l'a répété en plusieurs occasions, que la crise de la famille constitue un grave préjudice pour notre civilisation elle-même. Pour souligner précisément l'importance dans la vie de l'Eglise et de la société de la famille fondée sur le mariage, j'ai moi aussi voulu offrir ma contribution en intervenant, le soir du 6 juin dernier, au Congrès diocésain à Saint-Jean-de-Latran. Je suis heureux de constater que le programme du diocèse se déroule de manière positive à travers une action apostolique diffuse, qui est accomplie dans les paroisses, dans les préfectures et dans les divers groupes ecclésiaux. Que le Seigneur veuille que l'effort commun conduise à un authentique renouveau des familles chrétiennes. Je saisis ici l'occasion de saluer les représentants de la communauté religieuse et civile de Rome présents à cette célébration de fin d'année. Je salue tout d'abord le Cardinal-Vicaire, les Evêques auxiliaires, les prêtres, les religieux et les fidèles laïcs venus de diverses paroisses; je salue en outre le Maire de la ville et les autres Autorités. J'étends ma pensée à toute la communauté romaine, dont le Seigneur m'a appelé à être le pasteur, et je renouvelle à tous l'expression de ma proximité spirituelle.

Au début de cette célébration, éclairés par la Parole de Dieu, nous avons chanté ensemble avec foi le "Te Deum". De nombreux motifs rendent intense notre action de grâce, la transformant en prière chorale. Alors que nous considérons les multiples événements qui ont marqué le passage des mois en cette année qui touche à son terme, je désire rappeler de manière particulière ceux qui sont en difficulté: les personnes les plus pauvres et abandonnées, ceux qui ont perdu l'espérance de trouver un fondement à leur existence, ou qui sont les victimes involontaires d'intérêts égoïstes, sans qu'on leur demande leur adhésion ou leur opinion. En faisant nôtres leurs souffrances, nous les confions tous à Dieu, qui sait conduire toute chose vers le bien; c'est à Lui que nous remettons notre désir que chaque personne voit accueillie sa dignité de fils de Dieu. Nous demandons au Seigneur de la vie de soulager par sa grâce les peines provoquées par le mal, et de continuer à soutenir notre existence terrestre, en nous donnant le Pain et le Vin du salut, pour accompagner notre chemin vers la patrie du Ciel.

Alors que nous prenons congé de l'année qui se conclut et que nous nous dirigeons vers l'année nouvelle, la liturgie de ces premières Vêpres nous introduit dans la fête de Marie, Mère de Dieu, Theotókos. A huit jours de la naissance de Jésus, nous célébrons Celle qui "lorsque vint la plénitude des temps" (Ga 4,4) fut choisie par Dieu pour être la Mère du Sauveur. La Mère est celle qui donne la vie, mais également celle qui aide et qui enseigne à vivre. Marie est Mère, la Mère de Jésus à qui elle a donné son sang, son corps. Et c'est Elle qui nous présente le Verbe éternel du Père, venu habiter parmi nous. Nous demandons à Marie d'intercéder pour nous. Que sa protection maternelle nous accompagne aujourd'hui et toujours, pour que le Christ nous accueille un jour dans sa gloire, dans l'assemblée des saints: Aeterna fac cum sanctis tuis in gloria numerari.

Amen!


MESSE EN LA SOLENNITÉ DE LA TRÈS SAINTE MÈRE DE DIEU ET DE LA XXXIX JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX

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Dimanche 1er janvier 2006

Chers frères et soeurs!

Dans la liturgie d'aujourd'hui, notre regard continue d'être tourné vers le grand mystère de l'incarnation du Fils de Dieu, alors que nous contemplons, avec une intensité particulière, la maternité de la Vierge Marie. Dans le passage de saint Paul que nous venons d'écouter (cf.
Ga 4,4), l'Apôtre évoque, de façon très discrète, celle par l'intermédiaire de laquelle le Fils de Dieu entre dans le monde : Marie de Nazareth, la Mère de Dieu, la Theotòkos. Au début d'une nouvelle année, nous sommes comme invités à nous mettre à son école, à l'école de la fidèle disciple du Seigneur, pour apprendre d'Elle à accueillir dans la foi et dans la prière le salut que Dieu veut offrir à ceux qui ont confiance en son amour miséricordieux.

Le salut est don de Dieu; dans la première lecture il nous est présenté comme une bénédiction : "Que le Seigneur te bénisse et te garde... que le Seigneur tourne vers toi son visage, qu'il t'apporte la paix!" (Nb 6,24-26). Il s'agit de la bénédiction que les prêtres avaient l'habitude d'invoquer sur le peuple à l'issue des grandes fêtes liturgiques, en particulier la fête du nouvel an. Nous sommes en présence d'un texte chargé d'un sens profond, rythmé par le nom du Seigneur qui est répété au début de chaque verset. Un texte qui ne se limite pas à énoncer simplement un principe, mais qui tend à réaliser ce qu'il affirme. Comme on le sait, en effet, dans la pensée sémitique, la bénédiction du Seigneur produit, par sa propre force, bien-être et salut, de même que la malédiction est la cause du malheur et de la ruine. L'efficacité de la bénédiction se concrétise ensuite, de manière plus spécifique, de la part de Dieu dans le fait de nous protéger (cf. v. Nb 6,24), de nous être favorable (cf. v. Nb 6,25) et de nous donner la paix, c'est-à-dire, en d'autres termes, de nous offrir le bonheur en abondance.

En nous faisant réécouter cette ancienne bénédiction, au début d'une nouvelle année solaire, c'est comme si la liturgie voulait nous encourager à invoquer à notre tour la bénédiction du Seigneur sur la nouvelle année qui commence, afin qu'elle soit pour nous tous une année de prospérité et de paix. C'est précisément le voeu que je voudrais adresser aux éminents Ambassadeurs du Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, qui participent à la célébration liturgique de ce jour. Je salue le Cardinal Angelo Sodano, mon Secrétaire d'Etat. Avec lui, je salue également le Cardinal Renato Raffaele Martino et tous les membres du Conseil pontifical "Justice et Paix". Je leur suis particulièrement reconnaissant pour leur engagement à diffuser le Message annuel pour la Journée mondiale de la Paix, adressé aux chrétiens et à tous les hommes et femmes de bonne volonté. J'adresse également un salut cordial aux nombreux pueri cantores, qui avec leur chant rendent encore plus solennelle cette messe au cours de laquelle nous invoquons de Dieu le don de la paix pour le monde entier.

En choisissant pour le Message de la Journée mondiale de la Paix que nous célébrons aujourd'hui, le thème: "Dans la vérité, la paix", j'ai voulu exprimer la conviction que "là où l'homme se laisse éclairer par la splendeur de la vérité et quand il le fait, il entreprend presque naturellement le chemin de la paix" (n. 3). Comment ne pas voir une réalisation efficace et appropriée de cela dans le passage de l'Evangile qui vient d'être proclamé, dans lequel nous avons contemplé la scène des pasteurs en route vers Bethléem pour adorer l'Enfant? (cf. Lc 2,16). Ces pasteurs que l'évangéliste Luc nous décrit dans leur pauvreté et leur simplicité, obéissants au commandement de l'ange et dociles à la volonté de Dieu, ne sont-ils pas l'image plus facilement accessible à chacun de nous, de l'homme qui se laisse éclairer par la vérité, devenant ainsi capable de construire un monde de paix?

La paix! Cette grande aspiration du coeur de chaque homme et de chaque femme se construit jour après jour avec l'apport de tous, en mettant également à profit le merveilleux héritage qui nous a été donné par le Concile Vatican II à travers la Constitution pastorale Gaudium et spes, qui affirme, entre autres, que l'humanité ne réussira à "édifier un monde qui soit vraiment plus humain pour tous et en tout lieu, que par la conversion renouvelée à une paix véritable" ( cf. n. GS 77). Le moment historique où fut promulguée la Constitution Gaudium et spes, le 7 décembre 1965, n'était pas très différent de notre époque; en ce temps-là, comme malheureusement à l'heure actuelle, des tensions diverses se profilaient à l'horizon du monde. Face à la persistance de situations d'injustice et de violence qui continuent d'opprimer différentes régions de la terre, face à celles qui se présentent comme les nouvelles et plus insidieuses menaces à la paix - le terrorisme, le nihilisme et le fondamentalisme fanatique -, il devient plus que jamais nécessaire d'oeuvrer ensemble pour la paix!

Un "sursaut" de courage et de confiance en Dieu et en l'homme est nécessaire pour parcourir le chemin de la paix. Et cela, de la part de tous: de chaque individu et des peuples, des Organisations internationales et des puissances mondiales. Dans le Message pour l'événement que nous célébrons aujourd'hui, j'ai voulu rappeler à nouveau l'Organisation des Nations unies à prendre conscience de manière renouvelée de ses responsabilités dans la promotion des valeurs de la justice, de la solidarité et de la paix, dans un monde toujours plus marqué par le vaste phénomène de la mondialisation. Si la paix est une aspiration de chaque personne de bonne volonté, pour les disciples du Christ, elle est un mandat permanent qui engage chacun; c'est une mission exigeante qui les pousse à annoncer et à témoigner de "l'Evangile de la Paix", en proclamant que la reconnaissance de la pleine vérité de Dieu est une condition préalable et indispensable pour la consolidation de la vérité de la paix. Puisse cette conscience croître toujours davantage, afin que chaque communauté chrétienne devienne "ferment" d'une humanité renouvelée dans l'amour.

"Quant à Marie, elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son coeur" (Lc 2,19). Le premier jour de l'année est placé sous le signe d'une femme, Marie. L'évangéliste Luc la décrit comme la Vierge silencieuse, constamment à l'écoute de la parole éternelle, qui vit dans la Parole de Dieu. Marie garde dans son coeur les paroles qui viennent de Dieu et, les unissant les unes aux autres comme dans une mosaïque, elle apprend à les comprendre. A son école nous voulons apprendre nous aussi à devenir des disciples attentifs et dociles du Seigneur. Avec son aide maternelle, nous souhaitons nous engager à travailler sans relâche au "chantier" de la paix, à la suite du Christ, Prince de la Paix. En suivant l'exemple de la Sainte Vierge, nous voulons nous laisser conduire toujours et seulement par Jésus Christ, qui est le même hier, aujourd'hui et pour les siècles des siècles (cf. He 13,8). Amen!



CHAPELLE PAPALE EN LA SOLENNITÉ DE L'ÉPIPHANIE DU SEIGNEUR Basilique Vaticane - Vendredi 6 janvier 2006

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Chers frères et soeurs,

La lumière qui, à Noël, a brillé dans la nuit, illuminant la grotte de Bethléem, où Marie, Joseph et les bergers demeuraient, en adoration silencieuse, resplendit aujourd'hui et se manifeste à tous. L'Epiphanie est un mystère de lumière, représentée de manière symbolique par l'étoile qui a guidé le voyage des Rois mages. Toutefois, la vraie source de lumière, l'"Astre d'en haut qui vient nous visiter" (cf.
Lc 1,78), c'est le Christ. Dans le mystère de Noël, la lumière du Christ rayonne sur la terre, en se diffusant comme par cercles concentriques. Tout d'abord sur la sainte Famille de Nazareth: la Vierge Marie et Joseph sont illuminés par la présence divine de l'Enfant Jésus. La lumière du Rédempteur se manifeste ensuite aux bergers de Bethléem qui, avertis par l'ange, accourent immédiatement à la grotte et y trouvent le "signe" qui leur avait été annoncé: un enfant enveloppé de langes et couché dans une mangeoire (cf. Lc 2,12). Les bergers, avec Marie et Joseph, représentent ce "reste d'Israël", les pauvres, les anawim, auxquels est annoncée la Bonne Nouvelle. L'éclat du Christ parvient enfin jusqu'aux Rois mages, qui constituent les prémices des peuples païens. Les palais du pouvoir de Jérusalem restent dans l'ombre et la nouvelle de la naissance du Messie y est annoncée paradoxalement par les Rois mages et suscite non pas la joie, mais la crainte et des réactions hostiles. Mystérieux dessein de Dieu: "Quand la lumière est venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs oeuvres étaient mauvaises" (Jn 3,19).

Mais qu'est-ce que cette lumière? Est-ce seulement une métaphore suggestive ou cette image correspond-elle à une réalité? L'Apôtre Jean écrit dans sa Première Epître: "Dieu est Lumière, en lui point de ténèbres" (1Jn 1,5); puis il ajoute: "Dieu est amour". Ces deux affirmations, mises ensemble, nous aident à mieux comprendre: la lumière, apparue à Noël, et qui se manifeste aujourd'hui aux nations, est l'amour de Dieu, révélé dans la Personne du Verbe incarné. Les Rois mages arrivent d'Orient, attirés par cette lumière. Dans le mystère de l'Epiphanie, par conséquent, en plus d'un mouvement de rayonnement vers l'extérieur, se manifeste un mouvement d'attraction vers le centre qui achève le mouvement déjà inscrit dans l'Ancienne Alliance. La source d'un tel dynamisme est Dieu, Un dans la substance et Trine dans les Personnes, qui attire tout et tous à lui. La Personne incarnée dans le Verbe se présente ainsi comme le principe de réconciliation et de récapitulation universelle (cf. Ep 1,9-10). Il est le but ultime de l'histoire, le terme d'un "exode", d'un chemin providentiel de rédemption, qui culmine dans sa mort et sa résurrection. Pour cette raison, lors de la solennité de l'Epiphanie, la liturgie anticipe celle que l'on appelle l'"Annonce de Pâques": l'année liturgique, en effet, reprend toute la parabole de l'histoire du salut, au centre de laquelle se trouve le "Triduum du Seigneur crucifié, enseveli et ressuscité".

Dans la liturgie du Temps de Noël on retrouve souvent, comme refrain, ce verset du Psaume 97: "Le Seigneur a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations" (v. Ps 97,2). Ce sont des paroles que l'Eglise utilise pour souligner la dimension "épiphanique" de l'Incarnation: le Fils de Dieu qui se fait homme, son entrée dans l'histoire est le pinacle de l'auto-révélation de Dieu à Israël et à toutes les nations. A travers l'Enfant de Bethléem, Dieu s'est révélé dans l'humilité de la "forme humaine", dans la "condition d'esclave", ou plutôt de crucifié (cf. Ph 2,6-8). C'est le paradoxe chrétien. C'est précisément le fait de se cacher qui constitue la plus éloquente "manifestation" de Dieu: l'humilité, la pauvreté, l'ignominie même de la Passion nous font découvrir comment Dieu est réellement. Le visage du Fils révèle fidèlement celui du Père. C'est pour cette raison que le mystère de Noël est, pour ainsi dire, toute une "épiphanie". La manifestation aux Rois mages n'ajoute pas une chose étrangère au dessein de Dieu, mais en révèle une dimension éternelle et constitutive: "Les païens sont admis au même héritage, membres du même Corps, bénéficiaires de la même Promesse, dans le Christ Jésus, par le moyen de l'Evangile" (Ep 3,6).

La fidélité de Dieu à Israël et sa manifestation aux nations pourraient apparaître comme des aspects divergents entre eux à un regard superficiel; en réalité, ce sont les deux faces d'une même médaille. En effet, selon les Ecritures, c'est précisément en restant fidèle au pacte d'amour avec le peuple d'Israël que Dieu révèle également sa gloire aux autres peuples. "Grâce et fidélité" (cf. Ps 88,2), "amour et vérité" (cf. Ps 84,11) sont le contenu de la gloire de Dieu, son "nom", destiné à être connu et sanctifié par les hommes de toute langue et de toute nation. Mais ce "contenu" est inséparable de la "méthode" que Dieu a choisie pour se révéler, celle de la fidélité absolue à l'alliance, qui atteint son sommet en Jésus Christ. Le Seigneur Jésus est, dans le même temps et de manière inséparable, "lumière pour éclairer les nations païennes, et gloire d'Israël [son] peuple" (Lc 2,32), comme s'exclamera le vieux Siméon, inspiré par Dieu, en prenant l'Enfant dans ses bras, lorsque ses parents le présenteront au temple. La lumière qui éclaire les nations - la lumière de l'Epiphanie - provient de la gloire d'Israël - la gloire du Messie né, selon les Ecritures, à Bethléem "ville de David" (Lc 2,4). Les Rois mages ont adoré un simple Enfant dans les bras de sa Mère Marie car, en Lui, ils ont reconnu la source de la double lumière qui les avait guidés: la lumière de l'étoile et la lumière des Ecritures. Ils ont reconnu en Lui le Roi des Juifs, gloire d'Israël, mais aussi le Roi de toutes les nations.

Dans le contexte liturgique de l'Epiphanie se manifeste également le mystère de l'Eglise et sa dimension missionnaire. Celle-ci est appelée à faire resplendir dans le monde la lumière du Christ, en la reflétant en elle-même comme la lune reflète la lumière du soleil. Les anciennes prophéties concernant la ville sainte de Jérusalem, comme la magnifique prophétie d'Isaïe, que nous venons d'entendre, se sont réalisées dans l'Eglise: "Debout, Jérusalem! Resplendis: elle est venue, ta lumière, (...) Les nations marcheront vers ta lumière, et les rois, vers la clarté de ton aurore et la gloire du Seigneur s'est levée sur toi" (Is 60,1-3). C'est ce que devront réaliser les disciples du Christ: formés par Lui pour vivre dans le style des Béatitudes, ils devront attirer tous les hommes à Dieu, à travers le témoignage de l'amour: "De même, que votre lumière brille devant les hommes: alors en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux" (Mt 5,16). En écoutant ces paroles de Jésus, nous, membres de l'Eglise, ne pouvons pas ne pas percevoir toute l'insuffisance de notre condition humaine, marquée par le péché. L'Eglise est sainte mais elle est composée d'hommes et de femmes avec leurs limites et leurs erreurs. Seul le Christ, en nous donnant l'Esprit Saint, peut transformer notre misère et nous renouveler continuellement. C'est Lui la lumière des nations, lumen gentium, qui a choisi d'éclairer le monde à travers son Eglise (cf. Concile Vatican II, Lumen gentium LG 1).

"Comment cela adviendra-t-il?", pouvons-nous nous demander en reprenant les paroles que la Vierge adressa à l'Archange Gabriel. C'est précisément la Mère du Christ et de l'Eglise qui nous fournit la réponse: par son exemple de disponibilité totale à la volonté de Dieu "fiat mihi secundum verbum tuum" (Lc 1,38), elle nous enseigne à être "épiphanie" du Seigneur, dans l'ouverture du coeur à la force de la grâce et dans l'adhésion fidèle à la parole de son Fils, lumière du monde et but ultime de l'histoire.

Ainsi soit-il!




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