Bible chrétienne Actes 5
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L'auteur inspiré a fait précéder ce récit par la vision d'une communauté où tout est lumière, pureté, vérité et amour. Les premiers chrétiens savent qu’ils ont été délivrés du mal ; et par conséquent ils attendent, confiants, la manifestation de la gloire, la restauration de toutes choses dans le retour du Christ. Cette page des Actes est avant tout le témoignage de l'effroi des premiers disciples devant le mystère du péché et de la mort. Le texte prend place dans l'histoire de la nouvelle création de Dieu qui est l'Eglise, comme le péché d'Adam prend place dans l'histoire de la première création. La portée de cet événement est là tout entière ; c’est seulement à la lumière du premier péché que nous pouvons considérer l'importance de cette page (D. barsotti).
Ac 5,1-2 // Jos 7,1 Jos 7,19-21 C'est le même verbe «garder» qui caractérise la faute d'Akân et d'Ananie. Et le même processus LE , dévoilement de la faute et mort du coupable. Mais Ananie était libre de tout donner ou non (v. 4), tandis que, pour Akân, l'anathème sur Jéricho ayant été décrété par Josué, tout était désormais voué à Yahvé (Jos 6,17-18). Le sens premier d'anathème est en effet: « "EST ce" qui est placé en haut », donc sur l'autel, en offrande votive et qui, de ce fait, se trouve consacré à Dieu. Aussi, «rien de ce qu'un homme voue à l'anathème ne peut être vendu ou racheté... Tout anathème est chose très sainte qui appartient à Yahvé » (Lv 27,28), et, pour mieux le marquer, on le détruisait par le feu (Jos 6,24). De là le sens dérivé que prend le plus souvent ce mot LE , être déclaré «anathème», c'était tomber sous la malédiction (Dt 13,13-18). Dans le N.T., c'est en ce sens, terrible, qu'est pris l'anathème (Ac 23,12 Ac 23,14 Ac 23,21 Rm 9,3 1Co 12,3 1Co 16,22 Ga 1,8-9). Ce qu'il faut surtout en retenir, c'est qu'avec Dieu, même libre comme dans le cas d'Ananie, l'engagement est « tout ou rien ». Dieu ne se donne pas à moitié, et l'on ne peut l'aimer à moitié. C'est pourquoi le premier commandement demande qu'on aime Dieu « de tout son coeur, son âme et ses forces» (on est ici dans l'ordre du «précepte», pour tous, même si les « moyens » peuvent être divers et donc libres : cf. Ac 4,34-37*).
Mais le parallèle avec Akân ouvre une voie de salut, même après la faute, par la « confession ». Il y a même ceci de remarquable que Josué demande au coupable d'avouer son péché: «Dis-moi ce que tu as fait » de mal, pour que le malheur qui s'est ensuivi — échec devant la petite ville de Aï — ne soit pas attribué à l'impuissance de Dieu, mais à l'anathème encouru par tout Israël, solidaire du membre coupable. En « confessant son péché », Akân, du même coup, « confessera Dieu » (au sens de : le reconnaîtra hautement) innocent et de ce mal et de ce malheur (cf. c. j.-nesmy : Pratique de la confession, p. 128-138).
Il est vrai que cet aveu d'Akân ne semble lui servir de rien, puisqu'il est bientôt lapidé (Jos 7,25). Mais c'est que Jésus-Christ n'est pas encore venu, précisément pour obtenir à notre repentir la rémission des péchés*, comme Pierre va le proclamer à nouveau un peu plus loin (v. 31) : c'est le deuxième point du kérygme*.
Ac 5,3 // Lc 22,3 — La « confession » est le moyen normal pour faire la lumière au sein de la communauté des croyants ; et même si l'aveu doit rester secret, la démarche suffit à elle seule pour manifester que le pénitent reconnaît être pécheur. À l'inverse, Ananie essaie de se faire passer pour un de ces justes qui donnent tout sans rien « garder » pour eux-mêmes. Pour l'exemple, l'Esprit Saint révèle donc à Pierre ce qu'Ananie tentait de taire. Bien des choses sont ainsi à présent couvertes et cachées dans le secret du silence et de la dissimulation ; mais « rien de caché qui ne soit un jour révélé » (Mt 10,26). Toutes ces choses ingénieusement cachées, « la Parole » les mettra à nu. A elle, il faudra rendre compte, tôt ou tard (Baudouin de ford: Sixième Traité sur « Vivante est la Parole de Dieu », pl 204, 468).
Satan : Pierre ne doute pas de son existence ni de sa puissance, pas plus que l'Evangile (BC II*, p. 156 et table). S'il est la contrepartie des bons anges (Ac 5,19*), il ne peut donc «remplir notre coeur» comme fait le Saint-Esprit, et lui seul (Ac 2,4* — cf. rupert : SC 131, p. 150-151). Mais il faut se garder de toute exagération : d'une part, en effet, le démon ne peut rien si nous ne lui ouvrons pas d'abord librement la porte, comme Judas ou Ananie ; d'autre part et surtout, seul peut atteindre à la source de notre être le Saint-Esprit, parce qu'il est Dieu-Créateur, tandis que Satan ne peut jouer que de nos facultés, une fois que nous les lui avons remises volontairement.
M r,i sii\ : S. 37 de l’A.T., 6-7 (Brev. Mon. iv d.p.p.) — Qu'il est stupide, cet homme qui se fait mordre par un chien enchaîné ! Ne te mets pas du parti du démon par des convoitises trop temporelles, et il ne lui sera pas donné de t'approcher. Dérober, il le peut ; solliciter, il le peut ; te mordre, il ne le peut sinon par ta faute. Ce n’est pas en contraignant mais en séduisant qu’il mène au mal ; il ne peut extorquer notre consentement, mais seulement le demander.
tu as menti à l'Esprit Saint: C'est aux Apôtres qu'Ananie a caché la vérité; mais, du même coup, à l'Esprit Saint, ce qui revient à dire que les deux sont liés. Le premier concile de Jérusalem osera écrire: «Il a paru bon à l'Esprit Saint et à nous... » (Ac 15,28). Le péché d'Ananie est donc bien contre Dieu (cf. Ac Ac 5,4 Ac Ac 5,9) et non pas seulement contre l'Église. Mensonge ou plutôt hypocrisie, puisqu'il cherche à passer pour plus généreux et communautaire qu'il n'est en réalité. Certes, il y a aussi un manque de générosité ou de confiance que l'Évangile nous demande d'avoir envers le Père, qui pourvoira à nos besoins (Mt 6,24-34). Mais c'est une imperfection plus qu'un péché proprement dit, comme Pierre le remarque aussitôt.
Ac 5,4 // Dt 23,22-24 — En ce qui est libre — comme l'est cette mise en commun — s'abstenir n'est pas péché. Mais si l'on s'engage, que ce soit par don ou même simplement par voeu, alors en garder quelque chose pour soi, c'est voler Dieu. Ce qui ne serait pas péché pour un laïc le devient pour un religieux, en vertu de ses voeux.
Mais alors, quel avantage, dira-t-on ? — L'avantage d'un plus grand amour et d'une plus complète union à Dieu aussi longtemps que ce religieux observe ce qu'il a promis. Et l'on veut espérer que cette fidélité est la normale, tandis que les entorses, surtout si elles sont graves, sont des accidents plus rares. Donc il y a gain dans l'amour, et c'est ce qui seul importe (et non pas de se tenir indemne du péché, en Pharisien que nous sommes spontanément).
Ac 5,5-6 // Jos 7,25-26 — La mort, pour Ananie et Akân, ne paraît excessive que si l'on oublie ces deux considérations. 1. L'Amour extrême de Dieu, que l'on a essayé de tromper, si stupide que soit cette prétention (comme devient grave tout manquement de « lèse-majesté ») ; et 2. l'effet réel du péché quand il nous coupe de Dieu, ce qui est proprement « mortel » pour l'âme, donc plus à craindre encore que la peine capitale (Lc 12,4-5). Dans une telle perspective — qui est celle de l'Évangile, donc de Pierre et de l'Église à leur suite — , la mort physique n'est pas le pire, et peut être proportionnée comme le signe au signifié.
Sans parler de sa valeur exemplaire qu'indique ici «la grande crainte» qui saisit les assistants, et qui est à la fois la peur devant ce châtiment, mais surtout crainte révérencielle de la sainteté de Dieu, manifestée par son incompatibilité avec le péché... (cf. Ac Ac 5,11 // Dt 19,19).
Ac 5,7-10 // Dn 13,51-52.54-56.58-59 — Bien qu'inspiré par l'Esprit (Dn 13,45), le jugement de Daniel procède humainement, par confrontation entre les dires des deux calomniateurs de Suzanne, qui n'avaient pas prévu de s'entendre sur tous les détails. Par comparaison, Pierre exerce un jugement quasi divin, puisqu'il est doté du don de clairvoyance pour découvrir la vérité qu'on lui cache sous l'identité du pseudo-prix convenu, et puisque ce jugement s'exécute de lui-même, aussitôt. C'est vraiment spectaculaire (v. 9b-10), en même temps que symbolique de ce qui se passe spirituellement, si l'on cache l'un ou l'autre de ses péchés : mentir fait mourir...
tenter l'Esprit du Seigneur // Ps 95,8-9: Au sens de «mettre à l'épreuve», comme l'avaient fait les Hébreux au désert. Alors, c'était «Dieu». A présent c'est toujours Dieu, mais en « l'Esprit du Seigneur » qui est l'Amour personnel et agissant du Père et du Fils présents à leur Église. Rien n'empêche en effet de prendre « Seigneur » au sens où ce titre divin a été reconnu au Christ non moins qu'à son Père (Ac 2,36*).
Ac 5,11 // Dt 19,19-21 — cf. déjà verset 5*. Dans toute l'Église : Ce mot, qui vient du grec (Ekklesia), où il désigne l'assemblée politique du peuple, a été choisi par les Septante, non moins que Sunagoguè, pour traduire Qâhâl, « le rassemblement liturgique d'Israël » (cf. bc i*, p. 311). Progressivement les Juifs ont préféré le terme de «Synagogue», et les chrétiens celui d'Église, si bien que les deux mots sont devenus des termes distinctifs ; mais l'origine, que ce soit de la Synagogue ou de l'Église, est la même : l'exode accompli dans le mystère pascal. Ainsi Etienne, alignant ses titres de noblesse chrétienne contre les Juifs, se réfère à cette « assemblée au désert » (Ac 7,38).
« Église » ne se trouve dans les Évangiles qu'en Mt 16,18 Mt 18,17, mais ce sont deux textes clés (BC II*, p. 418). Dans les Actes et les épîtres, par contre, ce nom est fréquent, avec une extension de plus en plus vaste: d'abord l'Église-mère de Jérusalem (Ac 8,1 Ac 11,22, etc.) ; puis les Églises particulières de la Judée (Ga 1,22 1Th 2,14 cf. Ac 9,31), et de la Gentilité (Ac 13,1 Ac 14,23 Ac 15,41 Ac 16,5 Rm 16,1 Rm 16,4 1Co 1,2, etc.); enfin l'Église dans son unité théologique (Ac 20,28 1Co 10,32 1Co 12,28), sa personnalité de Corps et d'Épouse du Christ (Col 1,18 Ep 5,23-32), et sa plénitude cosmique (Ep 1,23) (Note bj — cf. dnt et vtb). Sans parler d'Ap 21.
Quant à ce qu'est fondamentalement cette Église, les Actes nous l'ont déjà dit, tant par le kérygme — assemblée des rachetés du Christ glorifié, obtenant rémission de leurs péchés par la conversion, la foi et les sacrements — que dans les tableaux des premières communautés apostoliques. Le troisième de ces tableaux vient justement à la suite (Ac 5,12-16).
Ac 5,12-13 Il in 10,23-24 — Voir 2,42-47* et 4,32-35. sous le portique de Salomon: Comme EN 3,11 Le Christ en avait donné l'exemple (// in 10).
aucun des autres n’osait se joindre : Signe que déjà, en fait, ces autres (qui sont des Juifs) ont senti que les disciples du Christ étaient différents, et faisaient corps entre eux.
Ac 5,14-16 // Lc 4,40 Lc 6,18-19 — Parallèle évident, pour que soit plus manifeste à quel point les Apôtres ne font que prolonger l'action du Christ (Jn 14,12).
La multitude de ceux qui croyaient... grandissait : cf. 2,41 ; 4,4. qu'au passage de Pierre, son ombre... : cf. Ac 19,11-12 (pour Paul).
Ac 5,17-25 // Dn 6,17.20-25 — Même jalousie, des satrapes pour Daniel (6,4-5) ou des Sadducéens* pour les Apôtres (Ac 5,17) : rien de plus féroce que ces rivalités d'influence, qu'elle soit politique ou religieuse. Jésus aussi en avait été victime (Mc 15,10). Même détention injustifiée, même intervention de Dieu par l'intermédiaire de son ange, même confusion finale des accusateurs.
ils... les mirent dans la prison publique : La précision doit avoir une raison d'être. D'après tob, cela indiquerait des conditions de détention plus pénibles que lors de la première arrestation (Ac 4,3).
Ac 5,19 // Dn 6,23 — Un ange du Seigneur: Dans l’A.T., ce nom désigne Dieu lui-même, comme intervenant dans l'histoire du salut. Mais dans le parallèle, Daniel explique au roi que « Dieu a envoyé son ange », ce qui implique une différence entre «l'ange du Seigneur» identifié à Dieu et ceux qu'il «envoie», les faisant ses messagers (Ps 104,4). Non moins indéniable que Satan et ses anges déchus, devenus démons, est en effet la présence des bons anges d'après les Ecritures : dans l'a.t. depuis le paradis perdu et la vision de Jacob (Gn 3,24 Gn 28,12) jusqu'aux révélations grandioses de Daniel sur le rôle des anges dans l'histoire des nations elles-mêmes (Dn 10,9-21). Dans les Evangiles, voir bc a*, table ; et dans Actes, 10,3-7.22 ; 12,7-23 ; 27,23.
L'Eglise a toujours honoré cette révélation de l'existence des anges. Dans le Credo de Paul VI, face à des contestations (sans fondement sérieux), il est précisé que « les réalités invisibles » créées par Dieu sont, en particulier, « les purs esprits que nous appelons les anges». Et en finale, on y revient pour assurer que les âmes, dans l'Église céleste, « sont associées, à des degrés divers, avec les saints anges, au gouvernement divin, exercé par le Christ glorifié ». C'est d'ailleurs ce que nous chantons, dès cette terre, au Sanctus de chacune de nos messes. Cf. Prières eucharistiques des premiers siècles, nos 18,22,28,30, 32-34. Sur « Les Anges dans l’A.T.et le n.t. », cf. h. gross et h. schlier, alw vi/1 (1957), p. 28-56, ou h. schlier : Essais sur le n.t., p. 187-204.
Ajoutons quelques exemples, à commencer par les admirables pages qui ont eu tant d'influence sur la pensée chrétienne, au long des siècles.
DENYS l’aréopagite: De la hiérarchie céleste (pg 3, 177-179) — Les formes sacrées de la hiérarchie angélique doivent être contemplées dans les Ecritures avec un regard qui dépasse ce monde, afin que nous soyons soulevés le plus possible jusqu’à leur simplicité déiforme par des images mystiques, et puissions même célébrer le principe de toute la connaissance hiérarchique avec la vénération qui convient à Dieu et avec de très saintes actions de grâces. La première vérité à dire, c'est que la divinité superessentielle a produit à la lumière toutes les essences des choses en les faisant subsister par sa bonté. Car ceci est propre à la Bonté suprême qui est cause de toutes choses, qu'elle appelle les êtres à la communion d'elle-même dans la mesure où la capacité et le mode de chacun le postulent. C'est pourquoi toutes choses participent à la providence qui découle de la déité superessentielle et cause universelle : en effet, elles n’existeraient pas si elles n’étaient participantes de l'essence et du principe des choses. Donc toutes les choses inanimées, du fait même qu’elles sont, participent à (la déité) ; car l'être de toutes choses est la divinité qui dépasse cet être des choses. Mais les êtres vivants participent à cette même énergie vivifiante qui dépasse toute vie ; mais (encore) les êtres qui jouissent de la raison et de l'esprit sont participants de cette sagesse, par elle-même parfaite et plus que parfaite, au-dessus de toute raison et intelligence. Il est donc clair que ces natures, qui participent de multiples manières à la divinité, sont les plus proches d'elle.
Donc, les formes saintes des essences célestes dépassent, par le don et la participation au principe divin, les choses qui existent seulement, celles qui vivent sans l'usage de la raison, et celles qui ont l'usage d'une raison humaine. Puisqu'en effet elles se calquent, par l'intelligence, sur l'imitation de Dieu, et que, contemplant, d'une manière qui dépasse les modes de la terre, la principale similitude de Dieu, elles s'efforcent de prendre la forme de cette même ressemblance, on doit dire, sans contestation possible, qu’elles jouissent d'une participation d'autant plus riche que, toujours et sans interruption, elles se tendent, autant qu’il est permis, vers (le Divin) qui est devant elles, par l'extase d'un insatiable amour de Dieu, et reçoivent immatériellement et sans écran les illuminations primordiales, se forment sur elles, et possèdent la vie spirituelle tout entière.
Telles sont les natures qui participent à Dieu primordialement, et manifestent ce qui de Dieu est caché, plus directement et plus largement que toutes les autres. C'est pourquoi elles ont reçu le nom d'anges par priorité sur tous les autres messagers ; car elles sont illuminées par Dieu les premières, et nos « révélations » passent par elles pour arriver jusqu'à nous. C'est ainsi que la Loi, comme l'atteste la sainte Ecriture, nous a été donnée par des anges. Avant comme après la Loi, ce sont des anges qui conduisaient à Dieu les grands patriarches, ou qui leur expliquaient ce qu'ils devaient faire, les amenant de l'erreur et de la voie profane à la droite voie de la vérité, leur manifestant, comme messagers et ministres, certaines visions des mystères qui dépassent ce monde, ou diverses prédictions divines.
Si quelqu’un dit que Dieu est apparu sans intermédiaire à certains saints, il doit apprendre ce que les Écritures sacrées enseignent clairement : à savoir que personne n’a vu, ni ne verra jamais, ce qui, de Dieu, est caché ; mais que Dieu est apparu à des hommes saints, se manifestant selon qu'il convenait à sa dignité, par certaines visions sacrées à la portée de ceux qui les voyaient. La parole divine, pleine de toute sagesse, appelle très justement « théophanie » ou apparition de Dieu ce genre de vision qui, en attirant vers Dieu ceux qui la regardaient, leur montrait une ressemblance divine en cette vision même : une figure, comme en figure des choses qui ne peuvent être figurées, afin de faire pénétrer dans les voyants une illumination divine, et de leur enseigner un peu de sacré sur les choses divines. Dans ces visions divines, nos pères, d'illustre mémoire, recevaient une initiation par le ministère des anges.
Les divines Ecritures ont-elles jamais enseigné que même la législation sacrée ait été donnée à Moïse directement par Dieu ? Non ; elles ont voulu nous apprendre qu'il y a une frontière, pour la très sainte Loi elle-même. Et la théologie enseigne sagement que cette Loi nous est arrivée par l'intermédiaire des anges (He 2,2), comme si l'ordre même de la loi divine sanctionnait que les degrés inférieurs sont conduits à la Déité par les degrés supérieurs.
Le mystère même de l'humanité de Jésus, je vois qu'il fut d'abord révélé aux anges, et que par eux la grâce de sa connaissance est ensuite venue jusqu'à nous. Ainsi, le très divin Gabriel apprit au prêtre Zacharie que par grâce divine un enfant naîtrait de lui, dépassant son espérance, et serait prophète de cette économie* humaine et divine de Jésus, laquelle se ferait connaître au monde, à la fois bienveillante et salvatrice. Et il enseigna à Marie comment ce mystère déiforme (de l'incarnation divine) s'accomplirait en elle. Et un autre ange apprit à Joseph que s'étaient vraiment accomplies les promesses faites par Dieu à David, son ancêtre. Un autre encore évangélisa les bergers, parce qu’ils étaient purifiés par la retraite et la tranquillité dans la solitude ; et avec lui la multitude de l'armée céleste transmit aux habitants de la terre l'hymne de louange que nous connaissons tous.
L'Évangile (Mt 18,10) incline à faire admettre que la vision de Jacob peut s'appliquer à nos « anges gardiens » :
Bernard de clairvaux : Sur le Cantique, 31,5 (Leclercq I, 222) — A l'âme qui souvent soupire et qui même prie sans cesse et s'afflige parce que lui manque Celui qu’elle désire, ce Désiré qu’elle cherche ainsi vient de temps en temps, miséricordieux ; et je pense qu’alors, instruite par sa propre expérience, elle dit avec saint Jérémie : « Tu es bon, Seigneur, pour ceux qui espèrent en toi, pour l'âme qui te cherche. » Mais aussi son ange, l'un des compagnons de l'Epoux, député pour cela même, ministre de leur salutation mutuelle, cet ange, dis-je, est plein d'allégresse et se réjouit, et partage l'exaltation de cette âme; et se tournant vers le Seigneur, il dit : « Je te rends grâces, Seigneur de majesté, parce que tu lui as accordé le désir de son coeur, et ne l'as pas frustrée du vouloir de ses lèvres. » C'est lui qui en tout lieu, assidu, suivant l'âme pas à pas, ne cesse de la solliciter et de l'avertir par des suggestions empressées, disant : « Prends ta joie dans le Seigneur, et il te donnera les demandes de ton coeur » ; et encore : « Attends le Seigneur, et garde sa voie » ; et encore : « S'il tarde, attends-le, car il viendra. »
L'ange parle aussi au Seigneur: « Comme le cerf, dit-il, aspire aux sources d'eau, ainsi cette âme, à qui tu manques, te désire, Seigneur. Elle t'a désiré de nuit, et c’est ton propre Esprit qui élève vers toi ses mains ; renvoie-la contente, car elle crie après toi ; tourne-toi un peu, et sois-lui abordable. Regarde le ciel et vois : et visite cette désolée. » En fidèle garçon de noces qui, sachant leur amour mutuel mais nullement envieux, ne cherche pas sa propre gloire mais la gloire du Seigneur, il va et vient entre le Bien-aimé et la bien-aimée, présentant les souhaits, rapportant les dons. Il réveille l'épouse, rend l'Époux favorable. Parfois — mais rarement — il les met tous les deux face à face, soit en ravissant l'âme, soit en amenant l'Époux jusqu'à elle ; car il est de la maison, bien connu dans le palais : il ne craint pas d'être repoussé ; et chaque jour il voit la face du Père.
Ac 5,20 // Dt 32,45-47 — Ces paroles sont bien de vie, puisque nous avons à les assimiler jusqu'à ce qu'elles passent en notre coeur, nourrissant et devenant toujours plus « notre vie » même (// Dt 32,47). C'est le rôle de la « Lectio divina » dans la tradition monastique ; et Bible chrétienne en veut être un instrument adapté à ce genre de méditation amoureuse.
prêchez dans le Temple... ils entrèrent dans le Temple : Que les Apôtres aient maille à partir avec les autorités juives ne signifie pas que leur proclamation des «paroles de vie» cesse d'être dans la ligne de l'Ancienne Alliance et du Temple, qui en est le témoin.
Ac 5,21-25 — On comprend la perplexité (v. 24) de ces hauts personnages devant un tel mystère ! Mais ils ont aussi de quoi être irrités, car de voir les Apôtres, miraculeusement libérés, recommencer aussitôt leur prédication à la barbe des autorités les ridiculise. Le fait ressortir avec humour l'antithèse du verset 25 entre «prison» et «Temple», sous-entendant celle de: «mis à l'ombre pour être neutralisés » et « les voilà qui enseignent publiquement » !
C'est comme si Dieu voulait provoquer la colère du grand prêtre. En réalité, la délivrance miraculeuse aurait dû le faire réfléchir. Mais comme les prodiges que réalisait Moïse devant le Pharaon endurcissaient son coeur de plus en plus, ainsi l'intervention de Dieu, loin d'adoucir le grand prêtre et les Sadducéens, les irrite davantage... Dieu n'opère pas de manière à contraindre une volonté qui, même sans aller jusqu'au refus délibéré, n'est pas disposée à revenir sur ses positions : reconnaître Dieu demande toujours la conversion du coeur... Il est difficile de se déjuger : jamais ils n'accepteront de se déclarer coupables de la mort de ce Christ au nom de qui les Apôtres annoncent le salut... Ainsi croissent le Royaume de Dieu et la manifestation du mal. Mais plus le mal grandit, plus il se détruit lui-même. Sa fureur est seulement la preuve de son impuissance, le signal de sa fin (d. barsotti).
Ac 5,26-27 // Jn 7,32 Jn 7,43-46 Même situation qu'avec Jésus, et aussi qu'avec celle d'Ac 4,15-16,
Ac 5,28 // Mt 27,25 — L'irritation perce dans l'algarade du grand prêtre, non seulement parce qu'il y a récidive, mais du fait que, si le kérygme* est vrai, celui-ci condamne grand prêtre et Sanhédrin.
faire retomber sur nous le sang... : C'est-à-dire nous rendre responsables de sa mort. De quelle responsabilité ? — Voir le sens de l'expression en BC II*, p. 724-725.
Ac 5,29-31 — Réponse de Pierre «avec les autres Apôtres» (ce qui est une mention nouvelle): L'introduction (v. 29) reprend l'argument d'Ac 4,19. La suite énonce à nouveau les deux points du kérygme : Résurrection et « grâce de la pénitence et la rémission des péchés », cf. Ac 2,38*.
que vous avez tué: Pierre ne cède pas non plus sur l'accusation (cf. Ac 2,23* — vous; Ac 3,14-15).
en le suspendant au bois : Se retrouve en Ac 10,39. Évoque la malédiction du pendu en Dt 21,23 (qui se trouve en parallèle à Ga 3,13, où saint Paul nous assure qu'en prenant sur lui cette malédiction, le Christ nous a délivrés de celle de nos péchés). Dans le même sens, 1P 2,24. La Tradition a orchestré ce parallèle en rapprochant symboliquement le bois de la croix de l'arbre du péché originel (cf. bc i*, p. 58 et 235-236).
Dieu, par sa droite, l'a exalté: Déjà en Ac 2,33 (conjugué avec l'expression « siège à ma droite » Ac 2,34). Parce que c'est généralement le côté noble, et fort, et plus adroit de l'homme, la droite est symbole général de puissance et d'action, pour Dieu comme pour les hommes. Entre bien d'autres exemples, citons au moins Ex 15,6 Ex 15,12 ; et le Psaume de la Résurrection : «La droite du Seigneur fit l'oeuvre de puissance / La droite du Seigneur s'est exaltée / La droite du Seigneur fit l'oeuvre de puissance / Non, je ne meurs pas, je vivrai » (Ps 118,16-17).
le faisant Prince et Sauveur: Autre forme du titre «Prince de la vie» d'Ac 3,15. Dans Ac 7,35, Etienne verra dans Moïse, «chef et juge », la préfiguration du Christ. Sauveur aussi est un titre divin. Comme pour «Seigneur» ou « Saint » (Ac 2,36 Ac 3,14), l'attribuer au Christ, c'est le reconnaître Dieu (cf. Ac 13,23). La question du salut, fondamentale, est posée depuis le péché originel suivi de la promesse (Gn 3,15). Dans les Actes, cf. Ac 2,21 Ac 11,14 Ac 13,26 Ac 15,1 Ac 15,11 Ac 16,17. Mais ce salut se trouve désormais personnalisé en Jésus le Sauveur. C'est donc une question de foi : « Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé» (Ac 16,30).
Ac 5,32 // Jn 15,26-27 Gn 22,15 Gn 22,18 Jos 14,8-9 — Nous-mêmes sommes témoins... et aussi l'Esprit Saint, Se mettre ainsi « en tandem » avec le Paraclet divin serait à la limite du blasphème, si Jésus lui-même n'avait promis et permis ce don, de par sa rédemption (// Jn 15; cf. Mt 10,20).
à ceux qui lui obéissent: Il s'agit de «l'obéissance de la foi» (Rm 1,5*) — dont Abraham ou Caleb, donnés en exemple, nous montrent aussi la récompense pour leur fidélité (// Gn 22 Jos 14,8-9). Par là, Pierre mentionne donc le troisième point du kérygme, puisque c'est précisément la foi comme l'essentiel de la conversion chrétienne.
Ac 5,33 — Comme le Christ : Mc 3,6 Mt 27,1, Mais eux grinçaient des dents, De même contre Etienne, Ac 7,54, les Psaumes, c'est l'impie qui grince des dents contre le Juste (Ps 35,16 Ps 37,12 Ps 112,10). Dans l'Évangile, le grincement de dents est une des peines significatives de l'Enfer (BC II*, p. 610 — et table «Enfer» ; cf. Mt 8,12 Mt 13,42 Mt 13,50, etc.).
Ac 5,34-39 // Jn 7,50-53 — Nouveau parallèle des Apôtres avec Jésus qui, lui aussi, avait trouvé un défenseur en Nicodème, autre notable des Pharisiens. Gamaliel: comme précédemment Hillel (t vers l'an 10) interprétait la Loi dans un sens large et humain. Ac 22,3 nous apprendra que Paul avait été son disciple. Que ces exemples nous évitent un jugement trop globalement péjoratif sur les Pharisiens. Sa conclusion, aux versets Ac 5,38-39, est encore de bon conseil pour les « nouveautés » qui retombent si rapidement lorsqu'elles sont d'initiative trop naturelle. Mais l'Église, elle, tient bon contre vents et marées depuis vingt siècles. D'après le critère donné par Gamaliel, cette Église, pour durer, doit venir de Dieu ; et d'après le critère évangélique (Mt 7,24-25), elle était fondée sur le Roc du Christ et « la Pierre » que lui-même avait choisie. Theudas (v. 36) et Judas le Galiléen (v. 37) sont à l'origine du mouvement zélote (BC II*, p. 569). Leur nom est mentionné par josèphe. Les dates en ce qui les concerne sont incertaines. C'est la même méthode par exemples antécédents que celle de Jésus lui-même en Lc 13,1-5
laissez-les aller (v. 38) : La v.o. ajoute : « sans vous souiller les mains ». Puis, après : * Vous ne pourrez rien empêcher » (v. 39) : ni vous ni tyrans ; tenez-vous donc à l'écart de ces hommes ». C'est témoigner d'un souci de pureté rituelle. De même la prudence conseille de ne pas risquer une contamination avec des doctrines, des pratiques ou des «apparitions» tant qu'elles n'ont pas reçu l'approbation des responsables de l'Église.
ne pas être trouvés combattant contre Dieu (v. 39b // ) : La prudence est de ne pas prendre non plus parti prématurément contre, puisqu'on irait contre Dieu, si c'est de Dieu. Des hommes ou de Dieu ? C'était déjà la question à propos de Jean-Baptiste (Lc 20,4)
Ac 5,40 // Lc 23,22 Jn 19,1-4 Mc 13,9 — Châtiés sans être condamnés, comme Jésus. Par une flagellation, comme Jésus.
leur interdirent de continuer à parler au nom de Jésus : cf. Ac 4,17-20. Mais cette fois, avec châtiment par les verges.
Ac 5,41 // Mt 5,10-11 — Première vérification de la huitième Béatitude (BC II*, p. 229-232). Pour le nom : Pris ainsi, à l'absolu, sans complément, le nom, c'est Dieu, car aucun nom particulier ne conviendrait à celui qui est au-dessus de tout nom plus précis (Ex 3,14 — BCI*, p. 210). Ici encore, l'appliquer au Christ, c'est reconnaître qu'il est Dieu !
Ac 5,42 — Conclusion : la tentative du sanhédrin pour étouffer dans l'oeuf l'Église naissante a échoué. Les Apôtres vont prêcher de plus belle. Ils annonçaient le Christ Jésus Fils de Dieu. Telle était en effet la « connaissance » qui rend parfaits pour Dieu ceux qui « connaissent » la venue de son Fils » (irénée: Adv. Hoer., m, 12, 5 — SC 211, p. 199).
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Ac 6,1 // Ex 16,13-18 — Citant Ac 4,35, « On partageait entre tous, selon les besoins de chacun », la règle de saint benoît l'applique à la communauté monastique : Par là nous ne voulons pas dire qu’on fasse acception de personne, Dieu nous en préserve ! mais qu’on ait égard aux infirmités. Celui donc qui a besoin de moins, qu'il rende grâce à Dieu et ne s'attriste pas ; celui qui a besoin de plus, qu'il s'humilie pour sa faiblesse, et ne tire pas vanité de la miséricorde qu’on a pour lui. Avant tout, que le mal du murmure n’apparaisse sous aucun prétexte... (Chapitre 34). C'est beaucoup plus humain, mais aussi plus difficile à gérer qu'un égalitarisme mathématique. Durant l'Exode, la récolte de la manne se réglait d'elle-même « selon les besoins des familles » (// Ex 16) ; mais dans la communauté de Jérusalem, si vrais qu'en aient été les tableaux précédents (Ac 2,42-47 Ac 4,32-35), on voit que tout n'était pas parfait.
C'est bon de ne pas idéaliser l'Église. Mais de même que ces discriminations ainsi que les murmures qui en résultent n'empêchent pas l'unité plus profonde des premiers disciples « dans le Christ », de même les inévitables froissements, divergences, indélicatesses, passe-droits et autres « épines de scandale », comme dit encore saint Benoît — irritantes mais relativement superficielles — , ne doivent faire oublier cette communion plus profonde que les chrétiens ont entre eux, de par l'eucharistie et l'amour du Christ, où ils ont à se rejoindre envers et contre tout...
disciples : Premier emploi d'un terme auquel nous ont familiarisés les Évangiles (BC II*, table). Les Actes ont parlé d'abord de « croyants » parce que tout commence par la foi. Mais s'il est vrai que « croire », au sens évangélique, c'est s'engager à la suite du Christ, par définition tout croyant se fait disciple : « Si vous m'aimez, vous garderez mes commandements. » Pas possible de « croire » sans devenir un «pratiquant».
Hellénistes et Hébreux : Distingue sans doute l'origine des natifs de Palestine et de ceux qui viennent de la «diaspora», c'est-à-dire de la dispersion, de l'exil, hors de la Terre sainte. Ces Hellénistes devaient parler grec et se montrer plus ouverts que les Hébreux autochtones. Même si tous étaient Juifs, la présence de ces Hellénistes, présageant les conversions de « Gentils » venus du paganisme (à partir d'Ac 10), annonce déjà l'universalité à venir de l'Église. la distribution quotidienne: Puisqu'il s'agit «des tables» (v. 2). Mais c'est bien un « service » (« diaconia », d'où viendra le mot « diacre »).
Ac 6,2-6 — Par son nom même, l'Église est cette assemblée des disciples du Christ, convocable non seulement pour l'enseignement et la prière, mais aussi pour la délibération (v. 5). C'est le Christ lui-même qui a choisi les Apôtres pour continuer son oeuvre, et qui a institué Simon-Pierre à la fois comme fondement, garant et pasteur de son Église (Mt 16,18 Lc 22,32 Jn 21,15-17). Mais en ces débuts, la réunion prend valeur « constituante », et c'est pourquoi la proposition est présentée comme venant des Douze plutôt que de l'initiative personnelle de Pierre.
C'est en effet une nouvelle preuve que, dès le début, les Apôtres ont admis qu'ils avaient à pourvoir aux ministères, au fur et à mesure des besoins. Avant même la Pentecôte, Pierre a proposé de remplacer Judas (Ac 1,15-26). Cette fois, il s'agit de répartir les différents services, dans l'Église.
Ac 6,2 // Ex 18,17-18 Ex 18,21 La Parole Dieu ou les tables: Il faut se garder d'une opposition trop tranchée. D'une part en effet, la proclamation de l'Évangile n'est pas moins un «service» que la charité, comme il est dit expressément au verset Est 4 et dans l'Église du Christ, d'ailleurs, toute hiérarchie ne peut être que pour « servir et non être servi » (Mt 20,25-28). D'autre part, on va voir aussitôt les diacres Etienne et Philippe annoncer le Christ (Ac 7-8), tandis que Paul s'occupera d'une collecte pour les besoins des pauvres de Jérusalem (Rm 15,26; 1Co 16,1 ; 2Co 8-9). ignace d'ANTIOCHe précise lui-même que ce n'est pas de nourriture et de boisson que les diacres sont les ministres, mais ils sont les serviteurs de l'Eglise de Jésus-Christ (Aux Tralliens, ii, 3 ; SC 10, p. 112).
Ce n'est donc pas l'institution d'un «ordre» de «diacres», et Luc les appelle simplement «les Sept»... Il ne leur connaît pas de successeurs à Jérusalem, ni d'équivalents dans les autres communautés... Son propos est de montrer que les besoins de l'Église demandent la création de ministères nouveaux et que cette création s'opère dans le dialogue entre les responsables et l'assemblée : ensemble, ils cherchent à discerner ceux qui ont reçu le don du Seigneur pour le service de leurs frères (a. GEORGE : Sur Luc, p. 376). Les rôles sont en effet parfaitement définis : aux Douze la convocation et l'exposé de ce qui est en question (v. 2), puis la consultation (v. 3-4) et enfin la transmission de la part préalablement définie de leur pouvoir (v. 6); à «l'assemblée des disciples » le choix des Sept.
Ac 6,2-4 // Ex 18,17-18 Ex 18,21 Cette délégation pouvoir, dont Moïse donné l'exemple, porte sur le « service aux tables », par distinction d'avec « la prière et le service de la Parole », plus proprement apostolique. Mais on ne peut par conséquent l'équiparer à une répartition entre «prédication» et ministère sacramentel, « la prière » que les Douze retiennent comme « leur affaire », à égalité avec «la Parole», s'exerçant premièrement dans les sacrements qui sont « prière » baptismale, réconciliatrice, eucharistique ou matrimoniale en même temps qu'actes symboliques efficaces (l'une précisant ce que les autres ont d'imagé). Cela nous paraît infirmer les interprétations de certains exégètes assimilant « les Sept » à des « anciens », des « presbytres », voire même des « épiscopes », sur des bases bien hypothétiques (cf. s. dockx : Chronologies, p. 325-348, avec bibliographie).
sept hommes : L'expression « les Douze » référait aux tribus d'Israël ; le chiffre « sept » est le nombre de la totalité, de par les jours de la création. L'Eglise est bien le nouvel Israël, mais «catholique» puisqu'elle s'ouvre désormais à tous les peuples (cf. BC II*, p. 402) — comme il y a sept Eglises d'Asie, dans l'Apocalypse.
de bon renom : Condition encore demandée dans les ordinations.
remplis* de l'Esprit et de sagesse : Les deux vont de pair puisque la sagesse est un des sept dons de l'Esprit (Isl 1,2). Mais c'est aussi en ressemblance avec Jésus (// Lc 2,40).
Ces couples de compléments sont fréquents chez Luc... Dans la plupart des cas, ils se complètent et se précisent mutuellement... (Ici) l'autre complément indique la manière dont se manifeste la plénitude de l'Esprit... Il faut choisir des hommes en qui l'assistance de l'Esprit apparaît d'une manière particulière dans la sagesse ; le terme directement requis est celui de sagesse, mais l'auteur n'a pu la concevoir isolée de son origine, l'Esprit Saint...
La plénitude d'Esprit manifestée dans la sagesse, dans la foi, la joie et la bonté a une finalité dynamique et tournée vers l'extérieur, orientée vers l'évangélisation et l’édification de la communauté ; mais en même temps elle engage l'attitude religieuse et morale personnelle, par la conformité de la conduite avec le sens du message... (g. haya-prats : L'Esprit, force de l'Église, p. 140 et 147). Autrement dit, dès l'origine, jamais un ministère d'Eglise ne fut seulement une fonction, sans impliquer une conversion dans l'Etre même du ministre sacré.
Le texte mentionne (ainsi) le rôle de l'Esprit de deux façons. D'une part la communauté choisit des hommes «remplis d'Esprit Saint», c'est-à-dire reconnaît à leurs dons spirituels les hommes que l'Esprit rend capables de remplir l'office qui leur sera confié. D'autre part, les Apôtres prient et imposent les mains aux élus (v. 6) : ce geste exprime que l'Esprit leur confère le don nécessaire au bon exercice de leur charge (j delorme : dans Le Ministère, p. 338).
Ac 6,5 // 1 Ch 1Ch 23,8 1 Ch 1Ch 23,28-29 Etienne se détache doublement, du fait qu'il est mis en tête des Sept, et qualifié non seulement par la plénitude de l'Esprit mais par celle de la foi, condition à toute libre adhésion au Christ. Les sept noms sont grecs, indiquant sans doute qu'ils sont choisis, comme il convient, parmi les « Hellénistes ». Prosélyte*: cf. Ac 2,5-11*.
Ac 6,6 // Nb 27,18-21 Dt 34,9 — aux Apôtres qui, après avoir prié, leur imposèrent les mains , Le sujet la phrase n'est pas précisé (tob : « on pria et on leur imposa les mains ») ; mais tout porte à croire que sont les Douze (a. george, p. 375, note 2).
L'imposition des mains revient dans les Actes, avec une valeur rituelle (appui des deux mains sur l'objet touché), soit pour une guérison (Ac 9,12 Ac 9,17 Ac 28,8), soit pour « l'installation de ministres au service de l'Église » (Ac 6,6 et 13,3), soit «dans la collation d'un don de l'Esprit distinct de la grâce baptismale » (Ac 8,17 Ac 19,6 Ac 9,17 et Ac 8,39 — cf. i. coppens , L'Imposition des mains... et dans betl Ac 48, p. Ac 405-438). « En toute hypothèse, Ac 6,6... est un rite qualifiant celui qui en est le bénéficiaire pour l'entrée dans un service communautaire. » Mais l'accompagnement de la prière tend à donner au geste la portée au moins de la transmission d'un mandat (ibid. p. 420-421), sinon même valeur proprement consécratoire, suivant la définition de saint Augustin : « Accedit verbum et fit sacramentum», la parole jointe au signe donnant à l'acte une efficacité sacramentelle. Va dans le même sens l'antécédent de Josué (// Nb 27 et Dt 34,9, où la plénitude de l'Esprit de sagesse est non plus signe d'élection mais conséquence), d'autant plus que les Juifs se basaient sur ce même texte pour imposer les mains aux futurs rabbins.
Ac 6,7 // Mc 4,14 Mc 4,20 Gn 1,28 — Et la parole de Dieu croissait , Par la multiplication des croyants non moins qu'en chacun des croyants (comme en l'autre parabole, de Mc 4,26-29). La «métonymie» (attribuant à la cause une croissance qui est en réalité dans l'effet) souligne la puissance fécondante divine de «la Parole qui nous engendre fils de Dieu» (Jc 1,18 ; Jn 1,13). Et comment cet Etre surnaturel ne jouirait-il pas lui-même à son tour d'une puissance de fécondité spirituelle, dont le lien explicite entre le martyre d'Etienne et la conversion de l'Apôtre Paul nous expliquera le secret (cf. Ac 8,1*) ?
L'expression «La Parole croissait... » reviendra en Ac 12,24 et 19,20, soulignant l'importance donnée par les Actes à cette Parole personnifiée (cf. Une lecture..., p. 57-58) :
Malgré le caractère visible des interventions de l'Esprit... Luc, pas plus que Paul, ne situe l'Esprit au premier rang. C'est la Parole, stimulée et accompagnée par l'Esprit, qui compte d'abord. Le Livre des Actes ne raconte pas le succès d'expériences enthousiastes, mais la diffusion de la Parole soutenue et suivie par l'offre de l'Esprit. Il y est question de la croissance de la Parole (Ac 6,7), jamais de celle de l'Esprit. C'est le nom, attesté par le kérygme*, qui sauve, et non pas la manifestation de l'Esprit (f. bovon : Luc le théologien, p. 253).
Ac 6,8-7,60 — Ce long développement confirme la place de premier plan attribuée au premier des Sept, en qui apparaît de façon particulièrement éclatante — comme en Joseph, pour l’A.T. — l'identification du saint chrétien avec le Christ, auteur et totalité de toute sainteté (pour une comparaison méthodique, cf. r. poelman : Plongées, p. 71-75).
Ac 6,8-15 — «rempli* de grâce et de puissance » (v'. 8)... «comme le visage d'un ange » (v. 15) : Sorte d'inclusion*, qui place Etienne sous le signe de la grâce, au sens physique non moins que spirituel. Chez ce chrétien helléniste, dit d. barsotti, l'idéal de sainteté, la première fois qu'il apparaît, se montre sous la lumière d'un idéal grec de beauté... Depuis que Dieu s'est incarné, la sainteté a la forme et la mesure de l'humain... Laurent et Etienne incarnent l'idéal d'une jeunesse humaine et lumineuse. Puis les vierges romaines Cécile, Agnès ; les vierges siciliennes Lucie et Agathe. Mais cette lumière de jeunesse dont parlait Léopardi, aucun saint ne la manifeste plus qu’Etienne, le protomartyr : éclat de beauté et de sainteté en une manifestation de gloire qui investit non seulement l'esprit mais le corps. Tout l'homme, en ce qu’il dit, en ce qu’il fait, devient signe du monde divin... L'expression « comme le visage d'un ange» veut certainement indiquer qu'en voyant Etienne on a déjà la vision du monde de Dieu... Le corps ne porte plus les signes de la mortalité ni de la corruption : il porte déjà, mystérieusement, les stigmates de la gloire future.
Les parallèles relèvent les ressemblances entre Etienne et Jésus : Lc 5,17, sa « puissance* » de thaumaturge (faiseur de « signes et prodiges », comme les Apôtres, Ac 3, introd.* ; Ac 2,43 Ac 4,30 Ac 5,12 Ac 14,3 Ac 15,12 ; et comme Moïse, le tout premier, Ac 7,36). Par quoi s'accomplit la promesse du Maître à ses disciples qu'ils en feraient plus encore que lui-même (Ac 2,22 — cf. Jn 14,12). Mêmes vaines tentatives pour vaincre d'abord par de simples controverses Etienne comme Jésus (// Lc 20,20 et Mt 22,46 cf. encore Lc 11,53-54). Même calomnie à son procès (// Mt 26,59-61 Mt 26,65-66). Même stature physique et morale, en imposant même à des adversaires (// Lc 4,16 Lc 4,20). Mais aussi, le jeune Etienne est déjà rayonnant comme Moïse au retour du Sinaï (// Ex 34,29-30), en confirmation du parallèle que fera saint Paul de la supériorité du N.T. sur l’A.T. (). Qui s'approche de Dieu est illuminé, dit le psalmiste (Ps 34,6). Le rayonnement du saint implique qu'il entre dans la lumière de Dieu. Il n'est pas dit que ce soit une lumière sensible ; mais il n'est pas exclu qu'elle soit sensible aussi (D. Barsotti), comme dans la transfiguration célèbre de saint Séraphin de Sarov.
Ac 6,9 — venant de la synagogue qu'on appelle «des Affranchis », des Cyrénéens, des Alexandrins, et d'autres... : C'est-à-dire des Juifs affranchis de l'esclavage, se joignant à des Juifs d'origine helléniste — comme Etienne...
Ac 6,10 — ne pouvaient résister à la sagesse et à l'Esprit: Correspond au verset 3. L'Esprit de sagesse ne «remplit*» pas seulement ses élus: le Christ l'a envoyé pour répondre victorieusement à ceux qui prétendent les juger (Lc 12,11-12). Autre exemple lumineux: Jeanne d'Arc en son procès.
Ac 6,11 Ac 6,13-14 contre Moïse et contre Dieu... contre le lieu saint et contre la loi... détruira ce lieu et bouleversera les coutumes que Moïse. , Nous sommes à l'hiver 31-32 (mort du Christ en avril 30) — ou bien en 36-37, suivant l'hypothèse de S. Dockx, Chronologies, p. 223-230. Loin de mépriser le Temple, les premiers chrétiens viennent assidûment y prier (Ac 2,46). Dans son discours, Etienne va faire un long éloge de Moïse, et qualifier la Loi de l'ancienne Alliance de «paroles de vie» (Ac 7,38). Le faux témoignage est patent, comme pour le Christ.
Ac 6,12 — tous ensemble : Vulgate « concurrentes » ; se saisirent de lui : « Sunerpasan » (l'étymologie d'Harpagon) exprime à la fois leur ensemble («sun») et leur violence. On aurait mis: «ils lui tombèrent dessus» si l'expression n'était pas trop vulgaire en un si haut procès.
Ac 7,1 // Mt 26,62 — Comme pour Jésus, ce ne sont pas les faux témoins qui obtiennent condamnation, mais les dires d'Etienne qui le condamnent. Celui-ci tire parti de la solennité du jugement pour professer haut et fort sa foi sur les rapports de l'Eglise nouvelle avec la Première Alliance.
Son discours se compose d'un long développement (v. Ac 7,2-50) sur l'adhésion chrétienne aux prémices de l'histoire du salut, suivi d'une conclusion où il retourne l'accusation contre ses accusateurs (v. 51-53), les versets 48 à 50 faisant pivot.
La première partie est donc un modèle inspiré de la manière dont les disciples du Christ ont à lire et comprendre l'a.t. : Plus que nul autre, il affirme que l'unique manière authentique d'interpréter l'Écriture est l'exégèse typique et l'exégèse spirituelle... (Cette) interprétation d'Etienne, précisément parce qu'elle n'est pas ponctuelle mais dit l'orientation de tout l’A.T.et nous donne un sens global..., nous suggère la méthode d'une exégèse qui puisse s'appeler vraiment chrétienne. Une exégèse de la parole de Dieu ne peut être que chrétienne, parce que la Parole de Dieu est précisément le Verbe de Dieu fait chair. Si je ne vois pas la parole de Dieu en référence au Christ, comment cette parole peut-elle être Parole de Dieu ? Si cette parole ne prépare pas le Christ, n’est pas ordonnée au Christ Parole incarnée, cette parole n’est plus qu’une parole simplement humaine, document d'une culture, d'une législation, d'une histoire, d'une littérature, mais non plus parole de Dieu qui s'éclaircit en ce qu’elle fait (d. barsotti). Est-il besoin de rappeler que cette Bible chrétienne est bâtie en fonction de cette méthode ?
Etienne s'en tient en effet aux trois jalons essentiels : Abraham (v. Ac 7,2-8), Joseph et la venue d'Israël en Egypte (v. Ac 7,9-16), et Moïse et l'Exode (v. Ac 7,17-38). Abraham, l'ancêtre du Christ en qui s'accomplirait à jamais la promesse et l'Alliance ; Joseph, figure du Christ (cf. bc i*, p. 162-187) ; Moïse, prophète de la Loi du Sinaï, annonçant le prophète Jésus, nouveau Moïse (v. 35-37*).
Les parallèles pourraient être multipliés, Etienne puisant ses dires, pour la plupart, dans le Pentateuque. De ce fait, les rapprochements sont topiques et ne demandent guère d'explication. Bornons-nous à relever ce qui provient de traditions plus particulières, extrabibliques :
Ac 7,2 — avant d'aller demeurer à Harân : Les parallèles Gn 11,31 et Gn 12,5 disent après. Le verset 3 est la citation textuelle de Gn 12,1, la mort de son père n'est pas dans le texte de la Genèse. Ac 7,6-7 Gn 15,13-14, Ex 3,11-12, sur cette montagne est remplacé par «en ce lieu» (dans Ac 7,7b), préparant la diatribe des versets 48 s*. Par contre, rendre un culte (Ac) ou adorer, c'est la même chose: disons-le-nous bien et que notre prière soit toujours adorante !
Ac 7,8 // Gn 17,9-12 Si 44,20 Lc 2,21 — Le signe d'alliance qu'est la circoncision vaut encore pour Jésus qui accomplira définitivement l'Alliance au prix de son sang: : BC II*, p. 87-88
Ac 7,16 // Gn 49,29-30 Gn 49,33 Etienne simplifie en localisant à Sichem et la grotte de Makpéla (en réalité à Hébron) et le champ de Sichem, acquis respectivement par Abraham (Gn 23) et Jacob (Gn 33,18-19), la première devenant le lieu de sépulture de Jacob (Gn 50,7-13), et le second, de Joseph (Jos 24,32). Sichem étant sur le territoire des Samaritains, c'était déposséder les Juifs d'un lieu de pèlerinage encore vénéré aujourd'hui (à Hébron), et par conséquent commencer à irriter les Juifs contre lui...
Ac 7,22-23 // Lc 24,19 Lc 24,21 puissant en paroles et en oeuvres , C'est donc l'Évangile déjà qui désigne Jésus comme nouveau Moïse. — Instruit de toute la sagesse des Egyptiens , cf. BC i*, p. 205 et 85) trouvera en Josèphe et Philon les traditions judaïques sur l'éducation de Moïse. — Quand il eut quarante ans accomplis: La précision n'est pas dans Ex 2,11 elle est seulement impliquée par Ex 7,7, ce nombre quarante est aussi symbolique des temps de préparation et de purification nécessaires à la rencontre avec Dieu , bc i*, p. 77 BC II*, p. 155-156
Ac 7,25 // He 11,23-26 — De même que le parallèle He 11 nous apprend le mobile profond, tant des parents que du parti pris de Moïse pour ses frères de race, de même Etienne ajoute à l'épisode relaté en Ex 2,11-15 la révélation d'un sens providentiel : « Dieu, par sa main, leur apportait le salut » ; ce qui prépare à son tour le titre de « chef et rédempteur » du verset 35*, dans le sens d'une préfiguration de l'oeuvre du Christ.
Ac 7,30-34 Ac 7,36 Ex 3,1-4 Ac 7,32 = Ex 3,6 Ac 7,33-34 = Ex 3,5 Ex 3,9-10 Ex 3,
Ac 7,35-38 // Ex 7,3 Ex 14,21-22 Ex 14,26-27 Dt 8,2-3 Dt 34,10-11 Ex 19,3-8 Dt 30,19-20 Ac 5,20 — Etienne poursuit le parallèle entre Jésus et Moïse. Car celui-ci a été, comme le futur Messie, thaumaturge (signes et prodiges), à la tête d'un peuple de rachetés (chef et rédempteur), prophète, médiateur et législateur (v. 37-38).
l'assemblée au désert : // Ex 19,7-8 ; cf. bci*, p. 311. L'ange qui lui parlait : Au sens où l'ange est un nom de Yahvé, cf. bci*, p. 115-116. Les paroles de vie sont premièrement le Décalogue (// Ex 20,1-17), et plus encore, l'Evangile (// Ac 5,20). Tout ce discours a donc témoigné de la continuité du n.t. avec l’A.T.
IRénée : Adv. Hoer, m, 12, 11 (SC 211, p. 226-228) — (Toutes les paroles d'Etienne) annoncent le même Dieu « qui fut avec Joseph » et avec les patriarches, qui parla aussi avec Moïse. Et tout l'enseignement des Apôtres annonce un seul et même Dieu qui fit sortir Abraham de son pays, lui promit un héritage,^ lui donna l'Alliance et la circoncision au temps qui convenait, « appela d'Egypte » sa descendance, gardée manifestement par la circoncision — - car il la lui donna en signe, pour qu'ils ne fussent pas semblables aux Egyptiens. Ce Dieu est l'auteur de toutes choses, il est le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, il est le « Dieu de gloire » : tous ceux qui le désirent peuvent apprendre cela par les paroles et les actes des Apôtres.
Ac 7,39-43 // Nb 11,4-5 Sg 13,10 — Amorcés par le premier refus de l'autorité de Moïse (v. 27.35), commencent les griefs contre Israël: désobéissance et idolâtrie, si fréquemment dénoncées par Moïse lui-même et par les prophètes qu'on l'abondance du choix de parallèles. Nouvelle ressemblance de Moïse avec Jésus: « Il est venu dans sa propre maison, et les siens ne l'ont pas reçu» (Jn 1,11). Ac Ne 7,40 = Ex 32,1 Ex 32,23 Ex 32,
Ac 7,44-50 // Ex 25,1 Ex 25,8-9 Ex 25,40 Jos 3,14 Jos 6,2 Jos 6,4 Jos 6,20 Jos 23,9 Jos 23,11 constructions faites main d'homme , Fait antithèse avec le verset LE 50 «N'est-ce pas ma main (divine) qui a fait toutes choses ? » Même argument contre les temples païens, en Ac EN 17,24-25
Première manifestation d'une logique d'intériorisation qui mènera aux extrémités d'un certain radicalisme protestant. Les prophètes ont souvent proclamé que les rites extérieurs n'avaient pas de valeur s'ils ne s'accompagnaient pas de l'attitude spirituelle correspondante. C'est indubitable mais, de là à tenir tout culte visible pour superflu, ou même à exclure, comme « pharisaïque » ou même « idolâtre », il n'y a qu'un pas, que l'on franchit par exemple lors de la crise iconoclaste, toute image apparaissant comme une « idole » en puissance. De même, l'idée (juste) que Dieu est partout, qu'il est si grand que rien ne peut le contenir (Ac 7,48-49), fit naître une spiritualité insistant sur le fait que le Temple véritable où Dieu réside est l'âme des croyants, ou bien encore leur assemblée, suivant la promesse du Christ en Mt 18,20.
Rien de plus vrai ! À condition toutefois que l'Eglise faite de pierres vives () n'exclue pas nos églises de pierre, de bois ou de ciment. Plus généralement, supprimer les signes sous prétexte que plus important est le signifié reviendrait à exténuer ce dernier, qui justement se nourrit, s'enrichit, se concrétise à partir de ce que les rites significatifs nous donnent d'en percevoir. C'est la spiritualité catholique, fondée sur des «sacrements» «qui opèrent (spirituellement, surnaturellement) ce que les symboles sensibles signifient ». C'est l'Évangile, où le Christ invective les Pharisiens parce qu'il négligent le fait que «c'est l'autel qui rend l'offrande sacrée» (Mt 23,19). Et les Réformateurs eux-mêmes furent loin de proscrire tout culte extérieur. C'est bien aussi ce qu'Etienne admet : s'il prêche pour le sanctuaire intérieur aux versets 48-49, contre la confiance trop matérielle que les Juifs avaient en leur Temple, c'est après avoir expressément reconnu que provenaient d'une initiative et d'un modèle divins la Tente du témoignage, d'abord (v. 44), puis le Temple souhaité par David, édifié par Salomon (v. 46-47, et // ). Ce n'était donc pas contre le Temple qu'il en avait, mais à la matérialisation de la religion et de la Loi, à laquelle se réduisait le légalisme pharisaïque, contre laquelle s'élevait déjà Jérémie (7,1 s), et Jésus, en attendant Paul...
Ac 7,51-53 // Dt 10,15-16 2 Ch 2Ch 30,8 Jr 17,23 Lv 26,41-42,2 Çh Lv 36,15-16 Mt 23,31-32 Mt 23,35 Nuques raides , On voit que les invectives d'Etienne sont bien dans la ligne de Moïse lui-même, comme des chroniqueurs ou des prophètes, comme de Jésus enfin, dont la violence n'est pas moindre (// Mt 23 — relire tout le chapitre).
résisté à l'Esprit Saint : Puisque c'est lui qui parlait par Moïse et les prophètes, comme il parle par les Apôtres et par Etienne (v. 55). Le Juste, désignant le Christ: cf. Ac 3,14.
Cette conclusion impitoyable différencie le discours d'Etienne de ceux que les Actes mettent dans la bouche de saint Pierre ou de saint Paul : les discours de ces derniers ont un caractère kérygmatique* et didactique; le discours d'Etienne a un caractère nettement prophétique. Il n'est ni catéchèse ni exhortation, mais vision prophétique du dessein de Dieu et de son action dans l'histoire (D. barsotti). Que cela n'empêche pas Etienne d'être «rempli de charité », il va le montrer durant son martyre (v. 60 — fulgence, Augustin).
Ac 7,54 // Ps 35,16-18 — Les psaumes sont tenus par le n.t. pour « prophétiques » ; ces trois versets conviennent parfaitement à la scène présente.
Grincer des dents est une des manifestations de la peine d'enfer (cf. Ac 5,33* — bcii*, p. 372 et 610).
Ac 7,55-56 // Ap 4,1 Ps 110,5 Ps 138,7-8 Dn Ps 7,13 — Augustin: S. Ps 314 (pl 38, 1425) — Bienheureux Etienne ! Les cieux s'ouvrent à un homme. Mais qui donc ouvrit les cieux ? Celui dont l’Apocalypse dit , « S'il ouvre, personne ne ferme ; s'il ferme, personne n'ouvre» (3,7). Quand Adam fut rejeté du paradis, après premier et funeste péché, le ciel fut fermé au genre humain. Après la Passion du Christ, le larron entra le premier ; puis Etienne vit le ciel ouvert. Quoi d'étonnant, s'il vit par la foi, s'il déclara avec foi, s'il s'élança comme un violent ?
il vit la gloire de Dieu et Jésus à la droite : Complétant les apparitions du Ressuscité, voici la vision attestant la glorification du Christ, telle que la définit le Credo, telle que l'annonçait prophétiquement le parallèle Ps 110, messianique.
debout: Pour secourir le martyr et l'accueillir, suivant sa parole : «Quiconque m'aura confessé devant les hommes, le Fils de l'homme à son tour le confessera devant les anges de Dieu» (Lc 12,8 et // Ps 138).
le Fils de l'homme : Ce titre, par ailleurs inusité dans les Actes, mais familier au Christ des Évangiles, indique ici qu'Etienne le cite en quelque sorte, et donne sa vision comme une confirmation de ce que Jésus avait annoncé de lui-même à Caïphe lors de son procès (Mt 26,64), d'après la célèbre prophétie de Daniel (// Dn 7 — cf. m. sabbe, dans betl 48, p. 241-279). C'est là-dessus que le grand prêtre l'avait condamné ; mais Etienne témoigne que telle est bien la réalité de la gloire du « Seigneur». Du même coup, il vérifie l'annonce du Christ que la génération de ses Apôtres ne passerait pas avant que sa venue sur les nuées ne se manifeste (Mt 16,28 Mt 24,30-34 Mt 10,23 Jn 14,2-3) : En ce sens, la vision d'Etienne peut être considérée comme le sceau du n.t. En cette apparition, le Ressuscité accomplit tout ce qu'il avait promis... C'est l'épiphanie de celui qui maintenant se manifeste, même dans son humanité, comme le Fils de Dieu égal au Père (d. barsotti : Apparitions du Ressuscité, p. 180-181).
irénée : Adv. Hoer, m, 12, 13 (SC 211, p. 234-236) — Parce que les Apôtres et leurs disciples enseignaient ce que l'Église enseigne, et qu'ils devinrent ainsi «parfaits » et furent appelés à la consommation parfaite, Etienne, enseignant ainsi et étant encore sur la terre, « vit la gloire de Dieu et Jésus-Christ à sa droite...» Il dit cela et fut lapidé; et il accomplit ainsi «la doctrine parfaite » (« non seulement par ses paroles mais par son martyre — non loquendo sed moriendo », comme il est dit des Saints Innocents) , imitant le Maître du martyre en tout, et priant pour ceux qui le mettaient à mort.
C'est ainsi qu'ils étaient parfaits, ceux qui savaient qu'il n'y a qu'un seul et même Dieu depuis le commencement jusqu'à la fin (voir Ac 7,35-38 — irénée), secourant le genre humain par des «économies*» diverses. Comme l'a dit le prophète Osée : «Moi, j'ai multiplié les visions, et par la main des prophètes j'ai été représenté » (12,11). Ceux donc qui livrèrent leur âme jusqu’à la mort pour l'Evangile du Christ, comment auraient-ils pu parler suivant les opinions courantes des hommes? S'ils l'avaient fait, ils n'auraient pas souffert la Passion. Mais parce qu'ils prêchaient le contraire de ceux qui ne consentaient pas à la Vérité, précisément pour cela ils ont souffert.
Ac 7,57-58 // Lv 4,21 He 13,12-14 Lv 24,14-16 Jn 8,58-59 — Etienne est donc condamné pour la même affirmation qu'avait soutenue le Christ, affirmation jugée insoutenable (ici on se bouche les oreilles, là le grand prêtre avait déchiré ses vêtements), et blasphématoire (comparer avec Mt 26,65-66). Comme Jésus, le protomartyr est mis à mort hors la ville, selon que le prescrivait la Loi (// Lv 24) mais plus réellement en innocente « victime pour le péché » (// Lv 4), et en parfait exemple de ce que l'épître aux Hébreux (// He 13) demande à tous les chrétiens, spirituellement. Même sur le genre de mort, Etienne ressemble au Maître, qui avait frôlé une lapidation (// Jn 8).
Mais il s'agit de bien mieux qu'une «ressemblance», car ce que manifeste le protomartyr, c'est une identification avec le Christ. Être «martyr», comme l'indique l'étymologie, c'est « témoigner* » au suprême degré : non pas seulement par une profession de foi verbale que « Jésus est < Seigneur* > », même jointe à l'adhésion de coeur au Christ ressuscité (Rm 10,9), mais par une mort si bien inspirée par l'Esprit Saint, donc par l'amour, et forte de sa force, qu'en ce membre souffrant transparaisse la Passion de celui qui aima « à l'extrême », jusqu'à donner sa vie pour tous les pécheurs, ses véritables bourreaux (Jn 13,1 Jn 13,34 Jn 15,12-13).
Ac 7,58 — Voir Ac 8,1*. Ac Ac 7,59-60 // Lc 23,46 Lc 23,34 Ultime double et frappante identité entre la mort d'Etienne et celle du Christ: même abandon filial au Père, même prière pour ses bourreaux — charité envers Dieu et envers le prochain, fût-il un ennemi. Et ceci nous confirme que l'apparente dureté de la péroraison de son discours lui était aussi dictée par l'amour:
fulgence : S. 3 (pl 65, 729 s) — Par charité, Etienne s'emportait contre ceux qui étaient dans l'erreur, cela pour les corriger ; par charité, il priait pour ses bourreaux, afin de leur éviter le châtiment. Porté par la charité, il vainquit Saul, qui sévissait contre lui cruellement (cf. Ac Ac 8,1); et celui qu'il eut pour persécuteur sur la terre, il mérita de l’avoir pour compagnon dans le ciel.
AUGUSTIN : S. 49, 10-11 (pl 38, 325 ; ccl 41, 621-623) — Homme, c'est beaucoup pour toi que d'imiter ton Seigneur: regarde Etienne, qui est ton coserviteur. Etienne était saint, mais un homme. Etait-il homme-dieu ? Il était tout à fait homme. Il était ce que tu es. Mais ce qu'il fit, il le fit par le don de Celui que tu pries toi aussi. Vois pourtant ce qu’il a fait : il parlait aux Juifs durement — mais les aimait. Je dois prouver les deux choses, car j'ai dit : « il parlait durement, et il aimait ». Je démontrerai les deux. Ecoute les paroles dures: «Nuques raides ! » C'est Etienne qui parle. «Incirconcis de coeur et d'oreilles, vous avez toujours résisté à l'Esprit Saint. Lequel des prophètes vos pères n'ont-ils pas tué?» (Ac 7,51-52). Mais écoute, maintenant, comme il aime : ils s'irritèrent, et rendant le mal pour le bien ils coururent aux pierres et commencèrent à lapider le serviteur de Dieu. C'est ici, Etienne, qu'il te faut prouver ton amour: c'est ici, ici, que nous voulons te voir, que nous t'attendons, que nous voulons regarder de nos yeux comment tu triomphes du diable. Tu t'emportais contre des gens tranquilles, voyons si tu aimes ceux qui te lapident. Si tu es capable de haïr, c’est le moment, à présent qu’on te lapide !...
Voici : Etienne est lapidé. Il est donné comme en spectacle devant nos yeux. Courage, membre du Christ ! Courage, athlète du Christ ! Regarde celui qui, pour toi, a été suspendu au bois. Il était crucifié — et toi, tu es lapidé. Il a dit : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. » Toi, que dis-tu ? Je veux l'entendre ! Qui sait si je pourrai t'imiter au moins là ? D'abord, Etienne, debout, pria pour lui-même : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit. » Cela dit, il s'agenouilla. Et, à genoux, il pria : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché. » Et il s'endormit. O sommeil bienheureux ! Ô vrai repos ! Se reposer, c’est cela : prier pour les ennemis.
Ces deux morts (d'Etienne et du Christ) veulent-elles signifier qu'à la fin l'amour seul sera victorieux, et qu’il n’y aura plus que l'amour ? Nous savons que la parole de Jésus ne peut tomber à vide, et pas davantage la parole du martyr... La prière de Jésus et aussi la prière d'Etienne ont été plus puissantes que la haine et le mal.
Alors, comment la condamnation est-elle possible ? Parce que l'amour qui se donne ne peut être accueilli si la volonté de l'homme le refuse... (et qu’) on ne peut nier ni supprimer le pouvoir qu'a l'homme d'accueillir ou de refuser l'amour (d. barsotti : Les Apparitions du Ressuscité, p. 183-184).
Bible chrétienne Actes 5