Bible chrétienne Evang. - § 2. Le prologue de Saint Luc: Lc 1,1-4

§ 2. Le prologue de Saint Luc: Lc 1,1-4


(Lc 1,1-4)

Bien différent de celui de Saint-Jean, pu de Saint-Matthieu, ce prologue n'en converge que mieux avec les autres Évangélistes dans le même propos: « afin que la foi des chrétiens soit solidement fondée » (v. 4).

Jean commençait plutôt par un < prélude > hymnique, annonçant les thèmes et la tonalité générale. Le prologue de Luc est de style grec, logique, ramassant en une seule phrase les < considérants > qui l'ont amené à rédiger son Évangile.

On le comprendra mieux en le comparant au prologue du traducteur grec du Livre de Ben Sira, dont les articulations sont les mêmes: antécédents (v. 1-3), justifiant la tentative (v. 4-12), et son but (v. 13-14).

De fait, la longue phrase de Lc 1,1-4 encadre la proposition principale (d'écrire son Évangile — v. 3) par une subordonnée causale (essais antécédents — v. 1-2), et une subordonnée finale (v. 4). Tout cela à propos « des faits qui se sont accomplis parmi nous » (v. 1).

Voici donc les préambules à l'Évangile de Luc:

- 1) Au départ, Jésus, les faits de la vie de Jésus : il ne s'agit pas d'idéologie, mais d'événements, inscrits dans l'Histoire (cf. § 1 p 25).

Accomplis: au sens où Jésus est allé jusqu'au bout de l'Amour (Jn 13,1) et du dessein d'Amour de son Père (Jn 19,30), accomplissant ainsi l’A.T.en Nouvelle Alliance.

Et cela s'est passé «parmi nous »: non que Luc se mette du cercle qui entoura Jésus, mais parce qu'il reste encore de ces disciples vivants quand il écrit ce Prologue.

— 2) Le témoignage apostolique: De ces événements, en effet, les Apôtres ont été « témoins oculaires » ; et longuement puisque « depuis le commencement », c'est-à-dire du Baptême à la Résurrection (// Ac 1,1-2 Ac 1,21-22). Donc même fondement que pour Saint-Jean: « Ce qu'ils ont vu du Verbe de Vie », ils en témoignent, mettant leur vie au service de cette bienheureuse Annonce (// 1Jn 1,1-4 Jn 15,27 He 2,3).

Par le fait même, ceux qui ont vu sont devenus serviteurs de la Parole (le participe: « devenus », souligne, dans le grec, le passage du < voir > au < témoignage >): c'est immédiat pour Pierre, dès après la Pentecôte (Ac 2,14-41).

Ce passage du voir au dire est d'autant plus direct que le Jésus qu'ils ont vu est le Verbe incarné, « la Parole », comme Luc aime à employer ce mot en son sens absolu (Ac 6,4 Ac 8,4 etc. ). Dès le Sinaï, d'ailleurs, si l'on respecte la littéralité: « Le peuple voyait la voix de Dieu (Ex 20,18Lxx). Et de fait, ce qui précède c'est le Décalogue... Les Pères n'ont pas manqué de faire le rapprochement (que les modernes relèvent à leur tour), et d'en inférer que la prédication apostolique fut, dès l'origine, de Jésus comme Verbe incarné :

Origène: Hom. 1 in lucam (PG 13, 1803-1804): «... Comme nous l'ont transmis ceux qui ont vu depuis le commencement et furent serviteurs de la Parole ». Il est écrit dans l'Exode : « Le peuple voyait la voix de Dieu ». Certes, la voix est entendue avant d'être vue ; mais cela fut écrit pour nous montrer qu'il faut d'autres yeux pour voir la voix de Dieu ; et la voient ceux à qui cela est donné. Dans l'Évangile de Saint-Luc, ce n'est plus la voix qui est vue, mais la Parole : « ceux qui ont vu, et furent serviteurs de la Parole. » Et la Parole est plus que la voix. Les Apôtres ont donc vu la Parole : non parce qu'ils ont eu sous les yeux le corps du Seigneur Sauveur, mais parce qu'ils ont vu le Verbe. S'il ne s'agissait que de matière, Pilate aurait vu la Parole, et Judas, et tous ceux qui crièrent : « Crucifiez-le! » Voir la Parole de Dieu, le Sauveur explique ce que c’est : « Celui qui me voit, voit aussi le Père qui m'a envoyé. »

- 3) La tradition chrétienne étant donc solidement reliée par cette Parole apostolique au Christ-Verbe lui-même, son rôle est de « transmettre tel » ce qu'elle a reçu des témoins oculaires. Son premier travail aura été de « composer en un récit » ce qu'annonçaient les Apôtres.

Ici encore, le passage est direct, puisque y sont annoncés les événements de la vie et de la mort de Jésus. Ce qu'y apporte la réflexion sub-apostolique, c'est une certaine < composition >, c'est-à-dire non seulement un regroupement par affinités des < Logia > ou Paroles du Maître, ainsi que de ses faits et miracles, mais une < composition >, une recherche d'unité entre tous ces fragments divers (au sens défini en BC I *, p. 14-17). Luc ne nous dit pas si ces premiers essais furent tout d'abord purement oraux, ou si déjà, ils avaient été mis par écrit. En tous cas il y en avait plusieurs, à la connaissance de Luc, dès avant qu'il commence à rédiger lui-même son Évangile.

- 4) La mise en < évangile >. Cette Tradition de la Parole de Dieu, incarnée en Jésus-Christ, répétée par les Apôtres et en voie d'unification dès le premier sermon de Pierre (à en croire Ac 2), va trouver sa < com-position > achevée, parfaite, définitive, par le travail un et divers des 4 Évangélistes.

Luc nous indique au v. 3, d'abord sa résolution personnelle — « moi aussi » — et sa méthode: information exacte, soigneuse (le mot grec est celui dont les savants ont tiré: < acribie >, pour qualifier une précision scientifique), aussi exhaustive que possible (« de tout »), et en remontant «jusqu'aux origines », ce qui, plus encore que le « commencement » du Christ au Baptême (v. 2), vise peut-être cette enfance du Christ que, seul avec Saint-Matthieu, Luc évoquera dans ses deux premiers chapitres. Pour ce faire, il puise évidemment aux sources susmentionnées : non seulement des premières < suites évangéli-ques > (3° étape), mais, dans la mesure du possible, directement des < serviteurs de la Parole et Témoins oculaires > qu'il a rencontrés: saint Paul et autres Apôtres, sans exclure même (ce serait un a priori) Marie ou ceux qui étaient de « la famille de Jésus », si honorée dans les Actes des Apôtres. En tous cas, encore mieux si possible que les essais précédents, il compte bien < com-poser > son récit « suivant un ordre », si clairement indiqué tout au long de son Évangile. Comme sont peu sages ceux qui, sous divers prétextes, présentent Saint-Luc en ordre retourné, rejetant les ch. 1 et 2 à la fin !...

Tout cela, au profit de tous les disciples à venir du Christ, auxquels ses deux écrits (Ev et Ac) sont adressés, en la personne du « noble Théophile »; et afin que la « catéchèse » (c'est le mot grec) qu'ils recevront (de la chaîne ininterrompue de < tradition >, depuis les témoins oculaires) soit reconnue, vérifiée, éprouvée, solide, digne de foi. (v. 4). Le mot employé par Saint-Luc indique en effet une certitude basée sur une enquête approfondie (Ac 21,34 Ac 22,30 Ac 25,26), qui s'est assurée des faits (Ac 5,23) et a pris ses garanties (Ac 16,24 — cf. Mt 27,66).

Il faut crier bien haut, à la louange de la véracité des Évangiles, que les 4 strates indiquées par Saint-Luc dans ses 3 précieux premiers versets, ont été confirmées par les recherches de 150 ans d'exégèse acharnée sur « la genèse » des Évangiles.





p. 35



2. L’ENFANCE DE JESUS (§3-18).





Nulle page des Évangiles — sinon celles qui ont trait à la Résurrection — n'a été suspectée autant que les deux premiers chapitres de Luc ou de Matthieu. Le cimetière des théories abandonnées est donc impressionnant (cf. le « Tour d'horizon » de L. Legrand: L'Annonce, p. 17-45) — encore est-il partiel). Les études plus récentes d'A. Feuillet, A. George, R. Laurentin, L. Legrand sont plus positives. Avec elles, commençons par discerner le sens de récits à la fois si faciles et si denses qu'ils ont de quoi émerveiller les enfants comme les savants. Après quoi seulement, nous serons à même de conclure (fin du § 18 ).

Les deux chapitres de Saint-Luc composent en quelques scènes ce qu'ils ont à nous révéler sur la naissance et l'enfance de Jésus. Successivement, mais non pas sans rapports ni chevauchement entre elles: deux annonces, deux visitations, de Marie à Elisabeth et des bergers à la crèche, deux nativités, deux présentations. Dans cette structure en parallèle, la disparité n'est pas moins remarquable, puisqu'on en termine avec l'enfance de Jean-Baptiste à la fin du ch. 1° (1,80 *), de sorte que le second chapitre ne nous parle que de Jésus, et que les deux présentations au Temple le mettent donc en parallèle avec lui-même, à douze ans d'intervalle.

La topographie, elle aussi, a un sens : du Temple à Nazareth et Aïn Karem (Visitation, Nativité de Jean-Baptiste), à Bethléem, et au Temple à nouveau, comme définitivement (2, 46.49 *).

Enfin l'éclairage de l'Évangile par les antécédents de l’A.T. est si constant que l'on a pu supposer que les enfances de Jean-Baptiste et de Jésus auraient été imaginées sur le modèle de celles d'Isaac et Moïse, Samson et Samuel.



§ 3. L’annonce à Zacharie: Lc 1,5-25



(Lc 1,5-25)

Le plan est en effet le même pour l'annonce à Zacharie ou à Marie (v. 5-38) que pour Abraham, Gédéon ou les parents de Samson: 1) Présentation des personnages — 2) Apparition — 3) Trouble — 4) « Ne crains pas... » — 5) L'annonce proprement dite, centre du récit — 6) Comment? — 7) Réponse de l'ange — 8) Réaction de l'intéressé — 9) Départ du messager céleste.


1) v. 5-10: Dans les jours d'Hérode: Hérode le Grand, premier du nom, qui règne à Jérusalem et sur toute la Palestine, de - 37 jusqu'à sa mort en - 3 avant notre ère (La date répétée par toutes les Bibles, est - 4). Mais je suivrai dans ce commentaire les calculs de J. Aulagnier (cf. Bibliographie), qui démontrent l'erreur, pour généralisée qu'elle soit. D'autres précisions chronologiques seront ajoutées en Lc 2,1-2 *.

Zacharie est un prêtre à la généalogie repérable: de la classe d'Abia, 8° des 24 établies par David (Nb 3,1-4 1Ch 24 — dont l'essentiel est en // au v. 8). De même, sa femme Elisabeth est « descendante d'Aaron ». La présentation du couple est, il est vrai, conforme à celle de tant d'autres, dans l'histoire de l'Ancienne Alliance: Abraham et Sara, Isaac et Rébecca, Jacob et Rachel, Manoah et sa femme (mère de Samson), Elqana et Anne (mère de Samuel): Ils sont justes et observants, et à ce titre bénis de Dieu; pourtant, ils n'ont pas d'enfant, fruit tangible de sa bénédiction.

Entre tant de // possibles, nous avons donc choisi: d'une part la clause de l'Alliance exigeant de ceux qui veulent lui demeurer fidèles, de « vivre — ou marcher, ou progresser — selon tous les commandements et préceptes du Seigneur » (Gn 17,1 Ez 36,27 Pr 3,4 — cf. Pr 2,20 Pr 3,1 etc.); d'autre part les < bénédictions > attachées à cette < justice > dans l'observance de l'Alliance (Ps 119,1 et Lv 26,3 Lv 26,9) ; enfin le rappel de la détresse de Sara, elle aussi avancée en âge (// Gn 11,30; Gn 17,19 en // au v. 13), ou des mères de Samson et de Samuel (// Jg 13,2 1S 1,1-6).

Les v. 8 à 10 précisent les circonstances, qui sont tout à fait conformes à ce que nous pouvons savoir par ailleurs « des coutumes du service sacerdotal » au Temple : par classes (// 1Ch 24,3-19), durant une semaine (2Ch 23,8), et cela à raison de 2 fois l'an; sur désignation du sort, le hasard étant reconnu « l'incognito de sa Majesté la Providence » (L. Bloy): cf. Ac 1,24-26. Le rite quotidien de brûler l'encens était celui que prescrit la Loi du Sinaï (// Ex 30,1-8 Ap 8,3). Le lieu est donc déterminé: c'est le sanctuaire, où se trouvait l'autel des parfums, « devant le rideau » qui sépare le Saint du Saint des Saints (Ex 30,6) et qui, à la mort du Christ, se déchirera (§ 355 ) — Mc 15,38), révélant ainsi que, grâce à cette mort, nous était ouvert l'accès à Dieu (He 10,19-20). La multitude du peuple en prière nous prévient enfin que l'annonce ne concerne pas seulement ce ménage stérile: elle se passe au cours d'une liturgie, comme une réponse de Dieu à la prière conjointe de Zacharie et du peuple fidèle (v. 13 *): « pour la joie de beaucoup » (v. 14 *).


2) verset 11 : C'est une vision. Un ange : à ne pas entendre au sens que prend souvent l'expression « L'Ange de Yahvé », formule de respect pour indiquer une manifestation de Dieu lui-même, comme dans le // Jg 6,22 Jg 6, nous apprendrons bientôt que c'est l'archange Gabriel (v. 19 et // *). Le N.T. pas plus que l'Ancien ne met en doute l'existence des anges ni des démons. Il les multiplierait plutôt (Mt 18,10; 26,53; Mc 5,9) — et Apocalypse).

À la droite de l'autel', comme le Khéroub à la droite du Temple, dans la vision d'Ezéchiel (10,3). Comme le Christ à la droite du Père (Ps 110): l'ange donne communication avec Dieu (cf. L'échelle de Jacob, Gn 28, BC I *, p. 142-144), comme l'autel ou le Temple, lieu de rencontre de l'homme avec son Dieu (Sur le symbolisme du < à la droite >, cf. M. Gourgues: À la droite de Dieu, Gabalda 1978; et plus généralement V. Poucel: Plaidoyer pour le corps, Pion 1937). Mais l'ange est debout, non assis, pour une mission déterminée.


3) v. 12 : Le trouble de Zacharie est celui où jette la conscience de la proximité de Dieu: comme Jacob s'éveillant de sa vision (Gn 28,16-17). C'est une des composantes de la crainte révérencielle de Dieu (« tremendum et fascinenDum »), donnée constante de la phénoménologie des religions. Ceux qui la mépriseraient sont-ils eux-mêmes au contact de Dieu ? Et si les Envoyés de Dieu provoquent cette réaction (ici ou en // Tb 12,16), à plus forte raison si l'on est en présence de Dieu lui-même (// Jg 6,22) ou du Christ-Dieu (Lc 5,8). Luc aime à en faire mention : 1,29-30.65; 2,9-10; 4,36; 5,8-10.26; 7.16; 8,25.35.37.56; 9.34.43; 23,40; 24,37; Ac 2,48; 3,10; 5,5.11; 10,4; 19,17.


4) v. 13 : Ne crains pas : À la réaction de l'homme, « dans la crainte et le ravissement » (Ps 2,11), le premier mot de Dieu ou de son envoyé est pour rassurer (// Gn 15,1 Gn 26,24 Mt 14,27 Mt 17,7)A. Sa < venue > ou sa < visite > est une image, non de son approche — Il est, son Être est Présence, l'éternel présent — mais de sa bienveillance (Lc 1,68 *). Sa grâce, nous proposant l'Alliance, nous donne l'égalité dans l'Amour.

Ta prière a été exaucée : Dieu a entendu la plainte de ces époux privés d'enfant (v. 7), même si, devenus vieux, ils n'osaient même plus le demander (comme Abraham : Gn 15,3 — en // au v. 18) — et 17,17). Mais cette stérilité même est l'image du peuple de Dieu assemblé pour la liturgie (v. 10), et mieux encore de toutes ces générations qui, depuis Abraham, attendent Le Descendant promis (Ga 3,16-17). La prière de Zacharie lui-même devait s'y associer :

Bede le Vénérable : I (PL 92,311) : « Ta prière a été exaucée. » — non pas une prière pour avoir un fils car Zacharie aurait considéré la chose comme impossible (la preuve, c'est qu'il n'y croit pas, quand l'Ange le lui promet); mais : ta prière pour le salut du peuple a été exaucée.


5) v. 13b-17 : « Ta femme t'enfantera un fils, et tu lui donneras le nom... » : // Gn 17,19. Même annonce à Marie, au v. 31, à ceci près qu'ici comme avec Abraham, il y a « t'enfantera » : enfantera pour toi, à toi : le père demeure le chaînon de la généalogie — le cas de Jésus étant tout particulier (cf. 12-13).

Le nom de Jean : c'est-à-dire, en hébreu : « Dieu a été favorable, miséricodieux ; il a eu pitié ; il a fait grâce ». Le mot grec qui le traduit reviendra dans le Magnificat (v. 50 *) comme dans le Benedictus (v. 72.78; cf. v. 58), et pour ainsi dire plus par la suite :

Béde le Vénérable: i (PL 92,311-312): Quand Dieu impose un nom aux hommes, ou change leur nom, c'est le signe d'une destinée singulière (par exemple Abraham, Jacob...) Le nom de Jean signifie < grâce du Seigneur >: il signale le don fait aux parents par cette naissance, et le don de l'Esprit qui remplira Jean dès le sein de sa mère, et enfin le don accordé aux fils d'Israël, que Jean ramènera au Seigneur leur Dieu.

On pourrait même ajouter: le don fait au monde entier, car dès Jean-Baptiste nous sortons du seul cercle de la descendance charnelle d'Abraham, et entrons dans ce que la Promesse avait d'universel : « En toi seront bénies toutes les familles de la terre » (Gn 12,3 Mt 3,9 et Jn 1,13).

Joie et allégresse, pour toi et pour beaucoup : ici encore on déborde largement la joie familiale, et même celle du voisinage (v. 58), pour entrer dans la joie messianique, spécialement soulignée par Saint-Luc: 1,28 *.47.58; 2,10; 10,17.20-21; 13,17; 15,7.32; 19,6.37; 24,41.52.

Grand devant le Seigneur: d'une grandeur religieuse et non pas seulement aux yeux des hommes, qui viendront à lui en foule. Grand de par sa mission, unique, de faire la jointure entre l’A.T. prophétique et le N.T.qui en est l'accomplissement. La plus intime grandeur est cependant celle de l'être même, dans la grâce qui l'unit au Christ et à Dieu. Jésus le soulignera à propos de Jean-Baptiste (Lc 7,28 *) comme de sa mère elle-même (8,21 *).


Ne boira ni vin ni boisson fermentée: suivant le voeu de naziréat (// Jg 13,3-5 et Nb 6,1-5 — cf. BC I *, p. 315). C'était une consécration à Dieu, si bien que <Nazir>, < saint > ou < l'élu > ont une sorte d'équivalence (BC I *, p. 373); comme aujourd'hui devient < religieux > et < consacré > celui qui a prononcé les trois voeux dits « de religion ». La vocation à Dieu est une séparation, une mise à part de quiconque entre dans l'Israël de Dieu (BC I *, 34, 87, 220, 331, 371); mais de façon plus visible, ceux qui ont une mission plus particulière, à l'intérieur même de ce peuple de Dieu. Jésus lui-même sera appelé d'un titre qui con-note celui de < nazir > (Mt 2,23 *).

Rempli du Saint-Esprit dès le sein de sa mère : cf. Lc 1,41. Mais cette vocation dès avant la naissance se trouve aussi dans l’A.T. (// Is 49,1-5 Jr 1,5). Saint Paul y voit la preuve même de l'entière gratuité de la grâce de Dieu (Rm 9,10-13 — à partir de la naissance d'Esau et de Jacob, Gn 25,23).

// Is 49,1-5 — Bien entendu, ces poèmes du Serviteur annoncent le Messie lui-même. Mais, comme la formule de l'Ange Gabriel pour annoncer la conception, la naissance et le nom est semblable pour Jésus et Jean-Baptiste (comparer Lc 1,31 et 13), ainsi la prophétie messianique d'Isaïe convient aussi au Précurseur, et de façon expresse en particulier sur deux points : il est appelé dès le sein de sa mère (Lc 1,15b et Is 49,1d et 5 b) pour le rassemblement d'Israël (Lc 1,16 et Is 49,5d-e — comme le Christ lui-même (Jn 10,16).

Après le v. 15, prédisant la grandeur future, ascétique et mystique, de l'enfant à naître, les v. 16-17 définissent son ministère:

Parmi les fils d'Israël: ce n'est pas encore l'âge de la mission aux païens, qui ne s'ouvrira entièrement qu'à la Pentecôte, par la grâce du Vendredi-Saint et de Pâques. Mais puisqu'il est précurseur et annonciateur de < l'Agneau de Dieu >, son ministère s'étend jusqu'à nous:

Origène: Hom. 4 in lucam (PG 13,1811) : Je pense que le mystère de Jean s'accomplit dans le monde jusqu'aujourd'hui. L'esprit et la puissance de Jean accourent vers tous ceux qui croiront en le Seigneur Jésus, et préparent pour le Seigneur un peuple parfait.

Il convertira : Annonce du prédicateur de la < pénitence >, mot qui traduit bien imparfaitement, en latin et en français, le mot grec (< Metanoia >), signifiant: < la conversion du coeur >, lui-même rendant imparfaitement l'hébreu, qui parle de < retour à Dieu > (Mt 3,2 *).

Beaucoup: comme beaucoup se réjouiront (v. 14); sans autre précision parce que c'est sans bornes — comme le sang du Christ, répandu « pour la multitude » (Mt 26,28).

Il marchera devant Lui, c'est ce que signifie le mot de < pré-curseur >.

Dans la puissance d'Élie: non pas Élie en personne, mais avec l'ardeur qui fera de Jean-Baptiste un feu, comme Elie (Si 48,1). Élie est le type même du prophète de l’A.T., qui trouvera son accomplissement en la personne de Jean-Baptiste. Le Christ le confirmera (§ 170 ).

Bede le Vénérable : i (PL 92,313) : Comme Élie sera le héraut de l'avènement du Juge, Jean-Baptiste est le héraut du Rédempteur (§ 19 ) — Mt 3,1 *). Tous deux mènent au désert la même vie, tous deux subissent la folie d'un roi et d'une reine.

Mais Jean-Baptiste est aussi dans la ligne de Lévi, dont il descendait par ses deux parents (v. 5). Malachie, dont le ch. 3 évoque, pour ce retour d'Élie, une mission semblable à celle que va définir la suite de ce v. 17 (// Ml 3,1 Ml 3,23-24), parle aussi de Lévi (// Ml 2,5-6), en termes qui s'appliquent à la prédication de Jean-Baptiste: « enseignement de vérité », droiture même devant les forfaits des puissants, provoquant la conversion de < beaucoup >. Le verbe < convertir >, déjà trouvé au v. 16, se retrouve au v. 17, avec la précision: convertir les coeurs (suivant les prophéties majeures de Jr 31,33 et d'Ez 36,25-26), et avec réconciliation entre générations — « entre les pères et leurs fils ». À l'inverse, la rébellion contre les parents (ici: les rebelles) suit la séparation d'avec Dieu, d'après Rm 1,28-30. Malachie ajoute : pour éviter l'extermination, comme Jean-Baptiste le criera aux foules (§ 20 -21 : Mt 3,10 Mt 3,12).

Préparer au Seigneur un peuple parfait: comme le demandait Isaïe 40,3, en une prophétie où les 4 Évangélistes verront l'annonce de Jean-Baptiste (voir au § 19 ce // Is 40,1-5).

Cette annonce des v. 13-17 s'accomplira point par point: Nativité, nomination, joie et allégresse (v. 57-66) ; « grand devant le Seigneur » (v. 80 et 7,28 *) ; ni vin ni boisson (Mt 3,4) ; rempli de l'Esprit Saint (Lc 1,41) ; prédicateur et précurseur (§ 19 -22).


6) v. 18: D'où le saurai-je? — Bede le Vénérable: i (PL 92,313): La grandeur des promesses lui fait demander un signe ; mais la vision de l'ange et sa parole auraient dû lui être un signe suffisant.

Quand Dieu annonce quelque chose, il a droit d'être cru sur parole. Abraham en est l'exemple par excellence (Gn 15,3-6 — cf. l'éloge qu'en fait Rm 4,3-12, donné en BC I / Bm). Cela n'exclut pas la question sur le < Comment? > (Gn 15,8), ni même de s'excuser ou d'avoir besoin d'un signe (// Ex 3,2-12 et Jg 6,17). Car s'inquiéter du < comment >, c'est-à-dire de la réalisation, est une façon d'acquiescer à ce qui vient d'être révélé, en entrant dans le jeu.


7) v. 19: « Je suis Gabriel »: pour comprendre la hauteur avec laquelle répond l'ange, il faut se rappeler qui est Gabriel, d'après les visions de Daniel (// Da 8,15-16 Da 9,21-26). S'il se présente sous forme humaine (8,15 et 9,21), Dieu aussi dans la vision d'Ezéchiel (1,26) — cf. BC I / Ks) présageant le Christ, Dieu-Homme. Mais il se tient devant Dieu, comme « les 7 anges » dont témoigne Raphaël (// Tb 12,15). La Tradition chrétienne, comme la littérature apocalyptique, a donc fait de Gabriel, Raphaël et Michaël, 3 grands archanges (suivant le terme employé par saint Paul en 1Th 4, 16, et l'Apôtre Jude, v. 9). Au chapitre suivant, Gabriel parle de Michaël comme de « l'un des premiers Princes » dans la conduite providentielle de l'histoire terrestre... Comme d'habitude, Écriture Sainte et Tradition vont de pair.

Notons au passage ce don d'Intelligence (// Dn 9,22-23), nécessaire pour comprendre Parole et vision : car le Christ le transmettra lui-même à ses Apôtres, et plus pleinement encore, en leur insufflant l'Esprit Saint, pour qu'ils soient capables de transmettre l'Évangile de ce qu'ils avaient vu et entendu (§ 367 : Jn 20,22 *).

Bede le Vénérable: i (PL 92,313) : « Je suis Gabriel... » Si un homme te faisait de telles promesses, il te serait permis de demander un signe ; mais quand un ange promet, il ne convient pas de douter. Et /' ange donne le signe : l'homme qui a parlé par manque de foi, apprendra à croire, en se taisant.

Notons ce témoignage de l'ange : l'ange à la fois se tient devant Dieu, et est envoyé pour porter un message à Zacharie. Quand les anges viennent à nous, en effet, ils accomplissent extérieurement leur ministère sans interrompre leur contemplation. A la fois ils sont envoyés et ils se tiennent devant Dieu. Car si l'ange est un esprit limité, l'Esprit Souverain qui est Dieu même n'est pas limité: c'est pourquoi les anges, où qu'ils soient envoyés, demeurent toujours en Dieu.

Mais la vision de Daniel est en rapport avec celle de Zacharie sur d'autres points: le moment, qui est celui de la liturgie: «heure de l'encensement», « oblation du soir » ; et surtout, Gabriel transmet à Daniel la prophétie dite « des 70 semaines », pleine d'obscurités, mais où les v. 24 et 26 parlent de rédemption, d'onction du Saint des Saints et de Messie « retranché » : événements mystérieux, qu'éclairé précisément la venue du Christ, c'est-à-dire de YOint, qui se proclamera le véritable Saint des Saints où Dieu réside (Jn 2,21) ; il sauvera son peuple en acceptant de mourir, « retranché de la terre des vivants », comme le prédit également la plus claire prophétie de la Passion en Is 53.

Au surplus, le décompte des jours qui s'écoulent entre la vision de Zacharie et la Présentation du Christ au Temple est de 70 semaines :

— de cette première annonce à l'Annonciation: 6 X 30 = 180 jours

— de l'Annonciation à la naissance du Christ: 9 X 30 = 270 jours

— de Noël à la Présentation au Temple = 40 jours :


Au total: 490 jours = 7 fois 70 (cf. E. Burrows: The Gospel... p. 41-42).

Cette rencontre n'est sans doute pas un hasard, de quelque façon qu'on l'explique... Elle nous prévient en tous cas de l'importance du mystère de la (double) Présentation, aboutissement des Évangiles de l'Enfance et première annonce des Évangiles de la Passion.


8) v. 20: Puisque Zacharie n'a pas reçu l'annonce, il est hors-jeu: Tu seras muet. En même temps, c'est une pénitence, et hautement significative: ayant manqué de foi, il a. perdu la Parole. Il ne sera plus nommé lors de la Visitation. Parole lui sera rendue seulement après qu'il ait confessé le bien fondé de l'annonce, et pour en bénir Dieu (1,64-79).


9) v. 21-23 : Ces versets ont trait au départ non pas tant de l'Ange que de Zacharie, d'abord du sanctuaire, puis de Jérusalem.

Le peuple s'étonnait de ce qu'il s'attardât: d'après le traité Tamid du Talmud, le prêtre ne devait pas rester trop longtemps dans le Saint, en la redoutable présence du Dieu saint « pour ne pas inquiéter Israël ». D'où l'étonnement inquiet du peuple attendant que Zacharie sorte, pour terminer la liturgie comme nous le faisons encore dans nos eucharisties, en bénissant l'assemblée (Sur ces rencontres entre le récit de Saint-Luc et ce que la Mishna ou le Talmud nous confirment des coutumes liturgiques juives, voir Ch. Perrot: Récits de l'Enfance, p. 41).

Lc 1,24-25) — Zacharie n'est plus nommé qu'allusivement, à propos d'Elisabeth, « sa femme ».

Elle se tenait cachée: non par honte, puisque précisément l'opprobre de la stérilité lui est enlevé, comme à Rachel, cette autre femme longtemps désespérée d'être stérile (// Gn 30,23). Alors, pourquoi cette discrétion? Ne serait-ce pas une illustration de ce que Raphaël déclare à Tobie (// Tb 12,6-7)? Si les oeuvres de Dieu doivent être publiées et louées, comme le sera la nativité de Jean-Baptiste, en attendant Elisabeth garde « le secret du roi », reconnaissant comme grâce divine cet enfant qu'elle porte au secret d'elle-même :


Bede le Vénérable: I (PL 92,314): Avec pudeur, la mère dissimule son état, jusqu'à la naissance qui sera sa gloire. Mais quand la Mère de Dieu entra chez Elisabeth, celle-ci s'exclama, parce qu'elle allait enfanter un prophète.

// Gn 30,23 — Elisabeth ne dit pas tant, comme Rachel: « Dieu a enlevé mon opprobre » que: « d'en Haut, il a daigné regarder mon humiliation ». Le préfixe du verbe grec exprime en effet à la fois et cette merveilleuse « condescendance » de Dieu, < Le Très-Haut > qui regarde « les humbles choses », et l'efficacité de ce regard, qui rend fécondes les stériles, et riches les pauvres que nous sommes (// Ps 113,5-8). Nous choisissons de mettre en valeur le premier sens — l'autre étant assez évident de par l'événement même qu'Elisabeth reconnaît — parce que ce même préfixe va caractériser plus encore l'Annonce faite à Marie.





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§ 4. L’annonciation: Lc 1,26-38





(Lc 1,26-38)

Nous sommes ici, comme dans le Prologue de Saint-Jean, au centre absolu de l'Histoire du monde. Aussi, avec Saint-Jean remontant « au Principe de la création », la Tradition a souligné le parallèle entre la Vierge Marie et Eve, « mère de tous les vivants », entre le « Fiat » de l'Annonciation et la désobéissance qui est la cause décisive du < Péché Originel > (BC I *, p. 56-57). Du même coup, au fruit empoisonné de la < Connaissance du Bien et du Mal > (Bc I *, p. 46 et 56), Marie substitue en son propre Fruit, la Source et l'Arbre de la Vie (voir, en // au v. 38, Gn 3,5-7):

Ephrem : 1° Hymne De Beata Maria (Lamy il, 521):

8 Qu'en Marie se réjouisse tout l'ordre des prophètes, car les visions, en elle trouvent leur terme,
les prophéties leur accomplissement, les oracles leur force et leur achèvement.

9 Qu'en Marie se réjouisse tout l'ordre des patriarches : Elle reçut d'eux la bénédiction,
mais les rendit parfaits en son Fils ; car c'est en Lui que sont purifiés les Voyants, les justes, les prêtres.

11 L'Arbre de vie qui se cachait au milieu du paradis
a grandi en Marie.

Son ombre abrite le monde entier,
il offre ses fruits, loin et près.

12 Marie a tissé la robe de Gloire et l'a donnée au premier père. Et lui qui s'était caché nu
est maintenant orné de beauté et vertu.

L'analyse du texte lui-même, soulignée par la Tradition ancienne comme par les commentateurs contemporains, montrera que ce parallélisme, loin d'être artificiel, est le seul qui donne à l'événement sa portée, absolument universelle.

Du genre littéraire. Pour un événement aussi unique, on ne s'étonnera pas que l'on se trouve devant un texte littéraire d'une extrême densité, unique dans la Bible elle-même — si l'on excepte Jn 1,1-18 et, dans une certaine mesure, Mt 1,17-25 (§ 13 ). C'est qu'ils expriment, différemment mais dans une concordance d'autant plus convaincante, le même et unique mystère. Aussi est-il bien insuffisant de l'enclore dans un < genre littéraire >, surtout conçu d'une façon trop formelle :

Il est vrai que l'esprit humain, ayant quelque chose à dire, le coule nécessairement dans une forme (entre autres), sentie comme plus appropriée: vers ou prose (c'est la toute première alternative); poésie épique, hymnique, lyrique ou gnomique, récit historique, mythique ou romanesque, lois ou conseils de sagesse, etc... (c'est le second degré du choix) ; pour entrer finalement dans l'un ou l'autre des grands < genres littéraires >, et même dans les < Formes > (au sens de la < Formgeschichte >) usitées dans la culture dont est imprégné l'écrivain.

Mais d'une part, ces choix se font d'instinct, comme en témoignent les poètes qui, depuis Baudelaire au moins, ont rendu compte de leur expérience littéraire, comme le montre aussi le fait qu'à partir du moment où ces genres littéraires ont été définis, ils ne peuvent plus donner lieu qu'à des oeuvres formelles et sans valeur: on l'a bien vu tout au long du siècle qui suivit L'Art poétique de Boileau.

C'est que, d'autre part, dans la mesure où ce qui est à dire est neuf, tous habits de confection ne sont que des à-peu-près, et qu'il faut non seulement du < sur-mesure >, mais une sorte d'incarnation de la pensée vive, par une < création > où le besoin invente l'organe.

C'est tout particulièrement le cas pour cette Annonciation et sa nouveauté inouïe. À n'en lire que l'aspect le plus formel, donc superficiel, tout le monde s'accorde à y retrouver les 9 points du code narratif des < annonces > (cf. l'Introduction au § 3 ). Mais si l'on veut aller au-delà de ce cadre, on se trouve, comme le reconnaît L. Legrand, devant une « polyvalence » qui oblige à prolonger ce genre littéraire dans un sens prophétique, haggadique (ou midrashique), et apocalyptique.

La Haggada est le commentaire judaïque des parties narratives de l'Écriture, visant à la formation spirituelle. Le Midrash est un procédé de recherche pour actualiser un texte inspiré, et lui trouver des applications pratiques, édifiantes.

Seulement, ces vieilles formes de l'interprétation traditionnelle juive éclatent sous la pression de la Nouveauté qu'apporté le Christ : car il s'agit d'une prophétie qui va jusqu'à l'incarnation de la Parole divine — ce qui est unique -d'une haggada qui est chrétienne, ce qui change tout, et d'une apocalypse mais sans les traits flamboyants caractéristiques du genre. En particulier, s'il y a dans cette Annonciation quelque chose du < Midrash >, c'est à l'inverse du procédé de la Haggadavqui cherche le sens des événements à la lumière des Écritures ; alors que pour l'Évangile et les chrétiens, ce sont les événements de la vie du Christ qui éclairent en l'accomplissant la Parole de Dieu. On a pour ainsi dire « retourné le Midrash sur lui-même » (Sur ce point, cf. c. Perrot : Les récits de l'enfance dans la Haggada... E. Burrows: The Gospel... p. 1-58; R. Laurentin: Structure et Théologie, p. 93-119). Ajoutons que ces trois directions: prophétique, haggadique et apocalyptique, rejoignent sous une terminologie moderne, les trois « sens spirituels » : mystique (annonçant le mystère du Christ et de l'Église), moral et anagogique (ou eschatologique) qui, avec le sens littéral (historique), orientaient l'interprétation patristique, encore si souvent décriée (cf. BC I *, p. 17-20).

Même entre les deux annonces à Zacharie et à Marie qui, étant mises en parallèle par Luc lui-même, pourraient sembler appartenir au même genre littéraire, L. Legrand montre ajuste titre que les < dissymétries > sont beaucoup plus importantes et significatives que les symétries (L Annonce, p. 49-140).

1) v. 26-27: Présentation des personnages, comme aux v. 5-7. Au sixième mois : nous voilà reliés au temps précédemment défini : jours d'He-rode (v. 5), service de Zacharie au Temple (v. 8-10), passé le cinquième mois d'Elisabeth (v. 24).


Dans une ville de Galilée appelée Nazareth : Le lieu est par contre à l'opposé du Sanctuaire de Jérusalem, ce Haut Lieu, et d'Aïn-Karem, situé dans les monts impressionnants de Judée (v. 39): Nazareth, bourgade infime (Nathanaël, en Jn 1,46) de la provinciale Galilée. < Ville > est le mot unique employé par Luc pour toute localité, quelle que soit son ampleur: Capharnaüm certes (4,31), mais aussi Bethléem (2,4), ou Naïm (7,11) qui, comme la Nazareth à l'époque du Christ, était « toute petite », les fouilles l'ont prouvé.

Une vierge: d'emblée voilà posée la réalité physique d'où viendra le mystère de la conception.

Fiancée: c'est-à-dire, suivant la coutume juive d'alors, d'un mariage réel mais encore non consommé: réalité non moins fondamentale, et qui fera question dès l'origine, mais corroborée par Mt 1,18 (cité en // aux v. 26 et 34; commenté au § 13 :

Ambroise : il, début (PL 15,1552) — se, 72) : L'Écriture a raison de spécifier ces deux choses: qu'elle était fiancée, et vierge: vierge, pour qu'on sache qu'elle n'a pas eu de rapports avec un homme ; fiancée, afin quelle ne fût pas décriée pour avoir perdu sa virginité... Le Seigneur a préféré que l'on doutât de sa naissance, plutôt que de l'honneur de sa Mère... La virginité de Marie reste ainsi hors d'atteinte, dans l'opinion comme dans la réalité. En outre, le fait qu'elle avait un mari ne donne-t-il pas plus de crédit aux paroles de Notre Dame affirmant qu'elle a conçu étant vierge, et ne supprime-t-il pas toute raison de mentir ? Si elle avait enfanté sans être mariée, on aurait pu croire qu'elle voulait cacher sa faute sous un mensonge. Non mariée, elle aurait eu un motif de mentir, mariée elle n'en avait pas: car la maternité est la récompense et le fruit du mariage.

Nous connaissons la vérité des faits, nous avons appris le conseil de Dieu: apprenons aussi le sens mystique. Il est bon que Marie soit fiancée mais vierge, car elle est le type de l'Église, qui est immaculée, et cependant épouse. Vierge, elle nous a conçus de l'Esprit; vierge, elle nous enfante sans douleur. Et si Marie est fiancée à un homme mais conçoit de Dieu, c'est peut-être parce que les Églises particulières sont fécondées par l'Esprit et la grâce, mais unies extérieurement à un prêtre mortel.


À un homme... : S'il y eut à l'origine un couple, Adam et Eve, à l'origine de la re-création aussi il y a cette femme et cet homme. Luc nous parle surtout de la Vierge; Matthieu nous expliquera quel fut le rôle de Joseph auprès d'elle, vis-à-vis de l'Enfant (cf. § 13 * — ainsi que sur le nom de Joseph).

De la maison de David: c'est capital, puisque le Messie avait été promis au Roi bien-aimé de Yahvé, comme « la maison » que Dieu lui ferait (// 2S 7,4 1Ch 17,26-27 Ps 132,11). La rectification: « Ce n'est pas toi qui bâtiras ma maison (le Temple), mais Moi qui te ferai une maison », est du même genre que celle de Jésus à la Samaritaine : « Ce n'est pas à toi de me donner à boire : si tu savais le don de Dieu, c'est toi qui m'aurais demandé à boire » (Jn 4,10). Écrire que Joseph est non seulement < de la lignée >, mais plus précisément « de la maison » de David, concourt donc au mouvement même de la phrase, qui part de Dieu, envoyant Gabriel, et descend jusqu'à l'humble Vierge de l'humble Nazareth.

Et le nom de la vierge (bis) était Marie :

< Myriam >, comme la Myriam inspirée d'Ex 15, soeur de Moïse et d'Aaron, lui-même marié à une autre Elisabeth (Ex 6,23). Peut-être ces rencontres de nom ne sont-elles pas pur hasard, surtout quand on sait l'importance donnée au nom dans la Bible?

On ne nous dit aucunement que Marie, elle, est de la descendance de David, ni de la tribu de Juda. (Sur la question, cf. R. Laurentin : Év. Enfance, p. 403-404). Nous la savons seulement cousine d'Elisabeth, qui est « des filles d'Aaron », donc de la tribu de Lévi. Cela fera question, car le Messie enfanté par Marie était annoncé comme un descendant de Juda et de David (cf. § 12 -13 *).

L'ange Gabriel fut envoyé par Dieu : nous avons réservé pour la fin ce qui est le principal de la phrase, et mis en vedette par son emplacement initial. La forme passive du verbe nous prévient même que l'initiative vient de plus haut encore que Gabriel : du Dieu « Très-Haut » (v. 35) : c'est par lui que l'ange est envoyé, pour annoncer la conception virginale de celui qui aimera se dire lui-même « l'Envoyé du Père » (Jn 3,17 Jn 4,34 Jn 5,23-24 Jn 5,30 Jn 5,36-38). En grec et en latin, ce verbe vient même en premier, si bien que cet Évangile s'appelle, fort justement, < Missus >. Ainsi est lancé le mouvement de cette première phrase et de ce qui s'ensuit: celui de la grâce qui, d'En Haut, vient se reposer en Marie.

À cette dimension transcendante, sur-naturelle, de l'événement, s'ajoute sa portée dans l'histoire universelle, axée sur < Adam — Le Christ >, et donc aussi < Eve — Marie > (saint Irénée): l'Annonciation, disions-nous, répond au Péché Originel, et l'ange Gabriel au Tentateur:

Fulgence : Sermo 2, De Nativ. Christi, n° 6-7 (PL 65,728): Jadis l'ange mauvais s'approcha d'Eve afin de séparer de Dieu, par elle, l'homme que Dieu avait créé. Aujourd'hui l'ange bon vient à Marie, afin qu'en elle s'unisse à la nature humaine le Fils Unique qui est Dieu. Le diable vint à Eve pour nous ôter la vie, Gabriel vint à Marie pour annoncer que la vie serait rendue aux hommes. Ces immenses perspectives ne seraient pourtant qu'un rêve magnifique mais irréel si elles ne s'inscrivaient, par tous les détails de l'état civil de la Vierge Marie, dans la réalité la plus humblement, ponctuellement, mais concrètement, historique :

A. Feuillet: Jésus et sa mère, p. 84: Nous ne saurions admettre la position des nombreux exégètes actuels qui rendent saint Luc responsable de presque tous les détails des écrits de l'enfance, détails qui ne seraient pour lui qu'un moyen de transmettre un enseignement et n'auraient pas de valeur historique. Soit le récit de l'Annonciation. On nous dit que l'entretien de la Vierge Marie avec Gabriel ne serait pas un événement réel, mais seulement une présentation divinement autorisée de l'expérience, en soi incommunicable, de Marie. Par un dialogue admirablement structuré cette présentation nous livrerait la substance de l'expérience de Marie en la revêtant de la forme scripturaire et théologique la mieux appropriée à nourrir notre foi. Ce serait dès lors temps perdu que de se demander ce que signifient les détails de l'entretien...

Qui ne voit qu'une telle manière de comprendre les choses appauvrit singulièrement les récits de l'enfance? Ceux-ci ne nous apprennent plus rien sur les personnages qui y évoluent ; ils ne nous apprennent plus rien en particulier sur la foi de la Vierge Marie et sa coopération unique à la réalisation du mystère de l'Incarnation. Il est clair pourtant que l'évangéliste a voulu nous informer de manière exacte sur des faits concrets, et pas seulement nous enseigner des vérités générales. Les trois refrains du souvenir (1,65 ; 2,19.51) attestent que telle fut bien son intention.

2) v. 28 // Jg 6,12-14, Entrant auprès d'elle: Luc ne dit pas si Marie a vu Gabriel (comme Zacharie aux v. 11-12), mais qu'il s'approche d'elle, en entrant. Cela suppose qu'elle était à l'intérieur de cette maison, sans doute semi-troglodyte, que les fouilles ont permis d'identifier avec une grande vraisemblance, découvrant du même coup un émouvant témoignage de la vénération des tout premiers siècles chrétiens pour Marie. Mais, si importante que soit cette confirmation par l'archéologie, n'insistons pas sur ce qui n'est, dans le dessein de l'Évangile, que proposition circonstancielle. La maison n'est même pas nommée, comme pour nous préparer à la surprenante nouvelle : c'est Marie qui va devenir la < Maison > de Dieu. C'est « auprès d'elle » que les anges auront à adorer le Fils de Dieu qu'elle va concevoir et enfanter.

« Il dit: Ave... »: Forme courante du salut: le < Khaïré > des grecs, le < Shalom > des Juifs. L'usage quotidien l'a banalisé, mais il n'en garde pas moins son sens originel d'un souhait de joie. D'où la réponse attristée du vieux Tobit à la salutation de Raphaël : « Comment me réjouir alors que je suis aveugle » (Tb 5,10). Nous avons gardé la traduction courante de la salutation angélique, rendue si familière (au sens le plus fort d'un salut devenu familial) par le « Je vous salue Marie... » Mais on peut donc tout aussi bien traduire: « Réjouis-toi », ce qui souligne le // avec les prophéties d'Isaïe, Sophonie et Zacharie sur < la Fille de Sion >, qu'à ce moment Marie représente.

En outre, ce < Khaïré > fait tandem avec le second mot, composé de < Kha-ris > la grâce :

Pleine de grâce: La forme, verbale, est au passif, soulignant que si Marie est effectivement < comblée de grâce >, cela ne vient pas d'elle, mais que le vrai sujet en est Dieu, et sa bienveillance suprême pour l'humble Vierge.

En cette grâce, par conséquent, se manifeste à la fois l'amour de Dieu (Beaumont traduit: « L'Aimée de Dieu »), et la faveur < royale > qui en résulte. La conduite d'Assuérus nous en donne l'image (// Est 2,17), d'autant qu'elle vaut la < grâce > de la condamnation qui frappait tout Israël (// Est 15,13 Est 4,13).

Cette valeur et cette efficacité de l'amour et de la faveur dont Dieu comble Marie sont encore soulignées par le suffixe (en < oô >) que Luc ajoute au verbe simple, pour marquer la toute puissance transformante de ce regard divin, donc < créateur > (cf. v. 48 *). Enfin, le < parfait > passif tient cette grâce pour définitivement donnée : Osty traduit : « Toi qui étais et demeures objet de la grâce de Dieu ».

C'est tout cela que Gabriel annonce à Marie, comme son nom propre — tout comme celui de « vaillant guerrier » dans la salutation de l'Ange de Yahvé à Gédéon (// Jg 6,12-14 — cf. R. Laurentin: Év. Enfance, p. 29-30).

Mais ce n'est pas dire qu'à ce privilège, unique, de Marie, tous les chrétiens ne soient pas appelés à participer. Saint Paul en effet nous révèle que dans son Dessein éternel, Dieu nous a tous choisis pour être « saints et immaculés en sa présence... suivant la grâce dont il nous a gratifiés en son Fils bien-aimé » (Ep 1,4-6). C'est le même verbe qu'à l'Annonciation, mais à l'aoriste (c'est-à-dire dans l'intention de Dieu, réalisée au fur et à mesure), non au parfait; et sans la plénitude accordée à Marie, à l'image de celle absolument transcendante du Fils Unique, dont Jean nous a dit avec ces mêmes mots qu'il est « plein de grâce et de vérité » (Jn 1,14e *). C'est de Lui qu'elle déborde en Marie, puis sur nous tous (cf. A. Feuillet: Jésus et sa mère, p. 43-46).

Hugues de Saint Victor : De Verbo Incarnato, 3 (PL 177,322): « Pleine de grâce », toi de qui est née la source de la grâce. Pleine de grâce, au point que le monde entier boit de ta surabondance. Car si les vierges sages prirent de l'huile dans leurs vases, toi, Vierge très sage, tu n'as pas eu seulement un vase rempli de l'huile de grâce pour en alimenter sans fin ta lampe, mais tu as porté un autre vase, débordant et inépuisable, et de son huile de miséricorde tu as illuminé les lampes de tous les hommes, tu as rempli complètement et jusqu'en haut leurs vases, sans rien faire perdre à celui-là de sa plénitude. Sage, et non pusillanime, tu es venue au secours des autres: tu n'as pas dit: « Il n'y aurait pas assez pour moi et pour vous » (Mt 25,9). Tu savais qu'il y en aurait assez pour toi et pour nous, que tu pouvais à la fois garder et donner.

La lumière de ta lampe, ce fut la virginité de ta chair ; l'huile de ton vase, ce fut l'humilité de ton coeur. Et l'autre vase, ce fut l'humanité du Verbe conçu dans ton sein : humanité certes pleine de grâce ; et c'est de sa plénitude que toi-même tu as reçu la lumière de la virginité dans ta chair et l'huile de l'humilité dans ton coeur.

Elle avait reçu, elle aussi, de cette plénitude, < la stérile > qui conçut. Elle reconnut, venant à elle, la Vierge féconde, et elle dit: « Comment ai-je ce bonheur, que la Mère du Seigneur vienne à moi ? » Elle dit bien : < Mère du Seigneur > ; car, dans la forme de serviteur, c'est le Seigneur de majesté qui vient.

Le Seigneur avec toi : Assurance généralement donnée par Dieu pour conforter celui qu'il charge d'une mission sur-naturelle, donc au-dessus des forces de l'homme seul: cf. // Jg 6,12-14 Jr 1,7-8 — cf. Gn 26,24 Gn 28,15 (Jacob); Gn 39,2-3 Gn 39,21 Gn 39,23 (Joseph); Ex 3,12 (Moïse); Dt 20,1 (tout Israël). Mais ce sera par excellence la grâce du serviteur de Yahvé (Is 41,10 Is 43,5) et le nom même de l'Emmanuel (Is 7,14).

3) v. 29) — À cette parole : préambule à l'incarnation de La Parole : c'est le même mot de < Logos >.

Elle fut troublée, et elle réfléchissait: le 1° verbe est le même que pour Zacharie (v. 12), mais précédé d'une particule que l'on retrouve dans le 2e verbe, d'où nous avons tiré le mot de < dia-lectique > : donc un trouble à la fois plus profond et plus actif, dans l'esprit raisonnable et critique de l'intrépide Vierge Marie. Réfléchissait à ce que pouvait être ce salut : pour la < comblée de grâces >, que sa maternité rendra < reine des anges >, la crainte sacrée provient moins de l'apparition d'un aussi grand personnage, que de < la Parole > qu'il a commencé de lui annoncer.

4) v. 30) — C'est ce que l'ange lui confirme. « Ne crains pas, car tu as trouvé grâce... »: réfère évidemment à « Réjouis-toi, pleine de grâce... » Parole de joie plus que de crainte. Abraham lui-même n'osait assurer purement et simplement qu'il « avait trouvé grâce » : il l'espérait seulement (Gn 18,3).

5) v. 31-33) — Et voici : annonce « le jaillissement imprévu, l'irruption soudaine, qui s'impose de lui-même, impératif et indiscutable » (Y. Fauquet, cité plus longuement BC I *, p. 42-43).

L'événement est annoncé à peu près dans les mêmes termes que pour Elisabeth : enfantement, nom à donner. Mais il n'y a pas mention du père et, par contre, la matérialité du fait est plus appuyée par le redoublement et le choix des deux verbes : « concevoir et donner jour à l'enfant formé dans son ventre » (< Gastri >). Ce qui est bien ici à dessein puisque, par la suite, Luc reprendra l'expression plus discrète : « dans ton sein » (v. 41 et 44). La traduction de l'Ave Maria : « fructus ventris tui, fruit de tes entrailles » est donc non pas grossière mais exacte et réaliste...

v. 32) — L'annonce est si énorme qu'elle va se faire en 2 temps : v. 32-33 et v. 35. Comme dans le // Rm 1,3-4 Rm 1, n'est qu'au v. Rm 35 que sera affirmée expressément la divinité du Christ; mais tous les titres donnés aux v. Rm 32-33 sont déjà des noms qui conviennent à un Dieu, Fils de Dieu :

Le nom de Jésus : Mt 1,21 expliquera : « C'est lui qui sauvera son peuple de leurs péchés » (§ 13 ). Ce nom de Sauveur ou de Salut — car Jésus n'est pas seulement cause de notre salut; lui-même est « notre sagesse, justice, sanctification et rédemption » (1Co 1,30 — va revenir dans le Magnificat (v. 47), dans le Bene-dictus (v. 71.77), dans l'annonce aux bergers (2,11) et dans le « Nunc dimittis » (2,30). Il vient pour ça!

Il sera grand : non pas seulement « devant le Seigneur » (v. 15): grand absolument, grand de par ce qu'il est lui-même Le Seigneur. Ce premier titre est déjà divin, comme ailleurs en Saint-Luc: Ac 8,10; 19,34-35. C'est même, au dire d'A. George: « le trait le plus ouvert sur les révélations ultérieures » (Sur Luc, p. 436).

Fils du Très-Haut: ce pourrait n'être qu'un simple titre royal et hyperbolique si, d'une part, il ne lui était pas donné comme nom — « il sera appelé » — ce qui, dans la Bible, signifie qu'il sera reconnu dans son être même Fils de Dieu. Plus précisément, fils du Très Haut, comme aux v. 35 et 76, 78 et 2,14 est un nom de Dieu rarement employé dans le N.T.sinon en Saint-Luc ; il va dans le sens général de cette Annonciation qui fait < descendre > le < Fils du Très-Haut > dans le sein de la très humble Vierge Marie.

Or cette origine divine se trouve d'autre part confirmée par les titres suivants qui font de Jésus l'héritier de David, auquel Dieu avait précisément promis qu'il serait un père pour son fils (// 2S 7,14).

Le trône de David son père : tout en mentionnant l'ascendance davidique de ce Messie-Sauveur — légitimée en Mt 1,18-25: cf. § 13 * — l'expression porte plus directement sur ce trône, qui réfère à la même prophétie du // 2S 7,13-16, incluant les rapports filiaux de ce Descendant avec son Père des cieux, tels que l'Évangile nous les révélera comme constitutifs de l'Etre même de Jésus.

Il régnera sur la maison de Jacob : non pas seulement, comme les rois davidi-ques après Salomon, sur 2 tribus : Il rassemblera « la maison de Jacob », le peuple issu des 12 fils de Jacob-Israël, suivant les prédictions de Gn 35,11-12; Is 2,3-5; 29,22-23; 41,5.8-10 (en // au v. 16) et du // Si 24,7-9 Si 24,

Son Règne : sa venue assure le Règne de Dieu sur les disciples du Christ, dont la communauté réalise le Royaume de Dieu (cf. § 19 *).

N'aura pas de fin : comme le prédisait le // Ps 89,29 Ps 89,38.

En somme, ces deux versets reprennent les titres messianiques : Fils de David, glorieusement régnant, sans limites de temps ni de territoire (Ps 72,5-11 — que l'épisode des mages accomplira plus précisément: cf. § 14 *). Mais surtout, ce Messie est < Fils de Dieu >, et en un sens qui dépasse une simple adoption. Donc cette première formulation comporte déjà les données divines et humaines du mystère de l'Incarnation, de façon seulement plus implicite qu'au v. 35 (Sur le rapport entre ces deux formulations successives, cf. L. Legrand: l'Annonce, p. 153-211).

6) v. 34) — À la différence de Zacharie (v. 18), en demandant le < comment >, Marie s'ouvre déjà à cette Parole, mais activement:

Ambroise : II, 14-17 (PL 15,1558 ; se, p. 78-80) : Il pourrait sembler ici que Marie n'ait pas cru. Mais prends garde ! Car il n'est pas permis d'opiner que la Vierge élue pour enfanter le Fils Unique de Dieu ait été incrédule. Et comment expliquer (certes, la grâce annoncée à Marie est plus haute, et on lui doit plus d'égards ; mais plus son privilège est grand, plus il méritait d'elle une grande foi) comment expliquer, dis-je, que Zacharie soit condamné au silence pour n'avoir pas cru, et que Marie — dans l'hypothèse où elle n'aurait pas cru — soit cependant exaltée par l'Esprit Saint qui se répand en elle ? Non, Marie ne pouvait pas plus se montrer incrédule que téméraire ou présomptueuse. Elle ne devait ni refuser de croire l'ange, ni s'attribuer témérairement la faveur divine. Car il n'était pas facile de savoir « le mystère caché en Dieu de toute éternité » (Ep 3,9 Col 1,26). Mais elle ne refusa pas sa foi, ne refusa pas de servir: elle prépara son coeur, promit l'obéissance. En disant: « Comment cela se fera-t-il? » elle ne doute pas de ce qui s'accomplira, mais s'informe de la manière dont tout s'accomplira.

Combien cette réponse est plus sage que les paroles du prêtre [Zacharie, en Lc 1,18]! Elle dit: « Comment cela se fera-t-il? »Etlui: « D'où le saurai-je ? » Elle entre tout de suite dans l'affaire ; lui, doute encore du messager. Dire qu'il ne sait pas, c'est avouer qu'il ne croit pas. Il cherche une garantie, avant de donner sa foi. Elle se déclare prête à faire ce qu'on attend d'elle, et ne doute pas qu'il faille le faire, puisqu'elle demande: « Comment? ». Carilya: « Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais pas d'homme ? » Pour croire à cette naissance incroyable et inouïe, il fallait d'abord en avoir entendu parler: qu'une vierge enfante, c'est le signe d'un mystère divin, et non humain. Aussi est-il écrit ailleurs (Is 7,14) : « Reçois ce signe : Voici : une vierge concevra et enfantera un fils ». Marie avait lu cela ; elle crut donc à l'accomplissement de la prophétie. Mais comment la chose se ferait, elle ne l'avait pas lu, car le < comment > n'avait pas été révélé, même à un si grand prophète. Le mystère d'un tel dessein devait être déclaré par la bouche d'un ange, et non d'un homme. Alors, pour la première fois fut entendue cette parole: «L'Esprit Saint surviendra en toi » -entendue, et crue: « Voici, dit-elle, la servante du Seigneur; qu'il me soit fait selon ta parole ». Vois quelle humilité, vois quel don de soi! Elle se dit servante du Seigneur, elle qui est choisie pour être sa mère ; et elle ne s'élève pas de cette promesse inattendue. Se disant servante, elle ne revendique pour elle-même aucune prérogative qui découlerait d'une telle grâce, mais veut seulement faire ce qui lui est commandé. Elle qui devait enfanter Le doux et L'humble de coeur, elle devait aussi faire preuve d'humilité. « Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon ta parole ». Telle est son obéissance, tel est son voeu. « Voici la servante du Seigneur », montre qu'elle est prête à obéir ; « qu'il me soit fait selon ta parole » exprime le voeu formé en elle.

Qu'elle a vite cru à l'enfantement sans pareil! Car quoi de moins assorti que l'Esprit Saint et le corps humain ? Quoi de plus inouï qu'une vierge concevant contre la loi, contre la coutume, contre la pudeur... ? Et parce que Marie n'avait interrogé que sur le < comment >, non sur la réalité du prodige, elle mérita d'entendre: « Bienheureuse, toi qui as cru! »

Je ne connais pas d'homme : n'oppose évidemment pas son état présent de virginité; car l'explication viendrait tout naturellement: il lui suffirait de consommer son mariage avec Joseph. La difficulté vient donc de ce que Marie tient son état de vierge pour durable, autant que la consécration à Dieu qu'il signifie. R. Laurentin caractérise bien ce < présent d'état >, en citant des expressions comparables comme « je ne bois pas » — ni maintenant, ni plus tard. Qumran a confirmé qu'un tel propos, plus ou moins équivalent à un voeu de virginité, n'était pas absolument inconnu à cette époque.

Mais il est vrai que ce verset mérite d'être pris en considération très minutieuse, puisqu'il donne comme un fait indiscutable que cette conception sera virginale. Aussi, l'historicité de ce mystère a été passée au crible de la critique la plus serrée, en tenant compte non seulement de ces v. 34-37, mais des autres endroits du N.T., de l’A.T. (Is 7,14) et même de Philon, où la conception virginale est affirmée, explicitement ou non. Et en tout premier lieu, évidemment le // Mt 1,18 Mt 1,

Un autre // pourrait être allégué, indiquant une concordance entre Luc et Jean, dont A. Feuillet a relevé des cas trop nombreux et précis pour qu'elle puisse être seulement fortuite : « Je ne connais point d'homme » répond à « né, non d'un désir d'homme » (Jn 1,13); de même qu'au v. 35: « La Puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre, c'est pourquoi... appelé Fils de Dieu », correspond à: « né de Dieu. Le Verbe fait chair a planté sa tente... Fils unique du Père ». (cf. v. 35 *).

Mais, si importante que soit l'affirmation d'historicité qui ressort de ces textes, que l'esprit critique nécessaire laisse place à l'admiration pour cette Vierge Marie dont témoigne prophétiquement le Cantique (// Ct 4,1-15), et par la suite, l'immense littérature mariale. Donnons au moins quelques exemples, contemporains ou plus anciens, où le // avec l’A.T. donne à l'objection de Marie toute sa portée dans l'Histoire du Salut:

Comme Abraham, elle trouve fécondité inouïe au-delà du sacrifice qu'elle avait consenti à Dieu, en une sorte de mystère Pascal (S. Lyonnet). À l'inverse d'Eve qui prétendit cueillir < le Fruit > par elle-même, Marie est la vierge sage qui, pour s'en être remise à Dieu, le recevra directement de Lui (Ephrem). Elle est donc comme cette « Petra du désert », cette cité forte de sa solitude inviolée même, d'où « se détachera sans que main d'homme l'eût touchée, une pierre » qui brisera les royaumes de la terre, non par la force mais en « Agneau envoyé » pour rétablir l'Alliance des hommes avec Dieu. Or cette double prophétie messianique (Is 16,1 et Da 2,34), Guerric d’Igny nous la montre accomplie à la fois par la conception et la naissance virginale de Jésus et par sa résurrection du tombeau :

S. Lyonnet: Le récit de l'Annonciation... p. 43: « Dieu lui a inspiré de rester vierge ; Dieu lui demande aujourd'hui de devenir mère ; Dieu ne se contredit pas. Mais il fallait peut-être qu'en acceptant jadis de rester vierge, elle renonçât à être mère pour pouvoir aujourd'hui le devenir. Comme il a fallu, pour qu'Abraham pût être effectivement père d'une postérité aussi nombreuse que les étoiles du ciel et le sable de la mer, il a fallu qu'Abraham renonçât en acceptant de l'immoler, à l'unique enfant sur lequel reposaient les promesses divines: « et c'est pourquoi, nous dit l'Épître aux Hébreux (11,19), il le recouvra en figure ». Là non plus, en dépit des apparences, Dieu ne se contredisait pas: il ne voulait point la mort d'Isaac : Dieu ne peut vouloir que la vie. Mais telle est la loi même de l'ordre surnaturel que la vie naisse de la mort, que celui-là seul gagne sa vie qui accepte de la perdre, en d'autres termes que l'homme ne possède jamais que ce qu'il a donné. Marie, parce qu elle a renoncé aux. joies pures et fortes de la maternité, les goûtera comme jamais nulle mère ne les a savourées.

Ephrem: Hymne 2 de Beata Maria (Lamy n,525): 4 Marie est le champ qui jamais ne connut le soc du laboureur.

De ce champ, la gerbe de bénédiction s'est levée ; sans être ensemencé, il a donné son fruit au monde.

8 Au genre humain furent données deux vierges : l'une, cause de vie — l'autre, cause de mort. Par Eve, la mort vint — et la vie par Marie.

Guerric d’Igny: 2° Sermon pour l'Annonciation (PL 185,120; SC 202, p. 128): « De la pierre du désert, envoie l'Agneau, Seigneur. » De la pierre, détache la pierre. Que la virginité sainte et inviolée mette au jour le Saint, l'Inviolé. En ceci la mort du Christ répond à sa naissance, et sa sépulture répond à sa conception : car l'Agneau vient de la pierre du désert, et sera caché sous la pierre du tombeau. Une place pour son corps sera taillée dans la pierre — et dès le premier instant de sa conception il tailla dans la pierre son propre corps. Et de même qu'il ne viola pas l'intégrité de la pierre d'où il était < envoyé >, il ne brisa pas non plus le sceau de la sépulture quand il l'ouvrit.

Ouvre donc en sécurité, ô Vierge: ouvre à ton Seigneur, le Dieu d'Israël qui te crie : « Ouvre-moi, ma soeur, mon amie ! »

7) v. 35-37) — Le v. 35 explique plus expressément le mystère en 4 propositions, dont les 2 premières disent la cause divine, et les 2 dernières Y effet, par conséquent également divin :

L'Esprit Saint subviendra sur toi : La particule < sur > revient 2 fois ; elle se retrouve équivalemment 2 autres fois dans le verbe et dans le sujet (Très-Haut) de la proposition suivante. Le mouvement qui, d'En Haut descend < sur > la Vierge Marie et porte, avons-nous dit, les 13 versets de cette Annonciation, trouve donc ici son maximum d'intensité. C'est lui qui donne tout son sens à l'action de Dieu:

L'Esprit Saint: il inspirera aussi Elisabeth et l'enfant qu'elle porte, lors de la Visitation (v. 41), Zacharie pour lui faire chanter son prophétique Benedictus (v. 67). Mais pour la Vierge, il s'agit de bien autre chose, davantage analogue à ce qui est affirmé du Christ lui-même, à son Baptême, et le reconnaissant « le Bien-Aimé Fils de Dieu » (Lc 3,21-22 Lc 3,38 Lc 4,18):

A. Feuillet : Jésus et sa Mère, p. 219 : En tant que Mère de Jésus et de ses disciples, Marie est intimement liée à l'Esprit. En effet, l'Esprit Saint apparaît doté, lui aussi, d'une fonction en quelque sorte maternelle. La mère est d'abord chargée de donner la vie en mettant des enfants au monde. Elle est également chargée d'éduquer ses enfants et d'en faire des hommes. Or, soit chez saint Paul soit chez saint Jean, l'Esprit joue ce double rôle. Il est en premier lieu principe de vie... Au baptême, les enfants de Dieu ne naissent-ils pas de V eau et de l'Esprit? (Jn 3,5). Il y a un rapport certain entre, d'une part la maternité virginale de Marie et la conception du Fils de Dieu en son sein sous l'action de l'Esprit Saint, et d'autre part la naissance surnaturelle des chrétiens par la vertu du même Esprit Saint. « De même, dit saint Thomas, que les chrétiens sont par l'Esprit sanctifiés spirituellement de façon à être fils de Dieu par adoption, de même le Christ, par l'Esprit Saint, a été conçu en sainteté de façon à être Fils de Dieu par nature » (Somme Théologique, mP, p. 32, a.L). Il faut rappeler encore l'image johannique de l'eau vive usitée pour désigner l'Esprit Saint.

La fonction éducatrice de l'Esprit n'est pas moins fortement soulignée, soit dans le quatrième Évangile, soit dans les Épîtrespauliniennes. Dans les discours après la Cène (Jn 14-16), l'Esprit est le Maître intérieur, il instruit au-dedans et intériorise en quelque sorte les disciples à la vérité divine apportée par Jésus et qu'il est lui-même en personne. Saint Paul enseigne de son côté que c'est l'Esprit qui inspire aux chrétiens les sentiments filiaux de Jésus, et leur fait reconnaître comme étant leur vrai Père, le Père même de Jésus: (« Abba, Père », Rm 8,15-17 Ga 4,5-6).

Le rapport étroit entre Marie et l'Esprit Saint est souligné d'un commun accord par le troisième et le quatrième évangiles. Dans le récit lucanien de l'Annonciation, c'est l'Esprit Saint qui, déposant en quelque sorte en Marie le germe de l'Incarnation rédemptrice, fait d'elle la Mère du Messie qui est aussi le Fils de Dieu incarné, et en même temps, fondamentalement, la Mère du peuple messianique (il n'y a pas de Messie sans peuple messianique). Dans la finale du récit johannique de la Passion, Jésus commence par donner à ses disciples sa propre Mère (Jn 19,25-27), et aussitôt après il leur donne fondamentalement l'Esprit en mourant pour eux et en rendant l'esprit (Jn 19,28-30). Nous avons dit que Jésus console ses disciples de la privation de sa présence sensible par le don de sa propre Mère. Mais il ressort des grandes promesses du Paraclet de Jn 14,16 qu'il doit les consoler avant tout par le don de l'Esprit Paraclet. Ces deux dons: le don de l'Esprit Saint et le don fait aux disciples par Jésus de sa propre Mère sont intimement liés et comme inséparables : l'Esprit est présent partout où se manifeste l'action de la Vierge Marie.

En toi: L'équivalence avec la préposition < sur >, qui serait ici plus littérale, étant généralement reconnue ici, préférons « en toi », qui marque mieux l'intériorité du Mystère.

La Puissance du Très-Haut : désigne plus spécialement la transcendance de la Toute-Puissance divine, manifestée par le Christ dans ses exorcismes et ses miracles (Lc 4,36 Lc 5,17 Lc 6,18-19 etc.). C'est cette < dynamis > divine qui « sort » de Jésus pour guérir l'hémorroïsse, par simple contact (Lc 8,46).

Puissance et Esprit sont d'ailleurs souvent conjugués par Luc, soit en parallèle, comme ici et déjà au v. 17 (Ac 10,38), soit comme complémentaires (Lc 4,14 cf. Rm 1,3-4, en // à Lc 1,32).

Tobombrera: Vieux mot français, reconnu par Littré comme « terme mystique ». En fait, c'est la transcription littérale du latin < Obumbrabit > de la Vul-gate. Nous gardons ce terme spécial pour ne pas banaliser ni profaner le Mystère. Car nous sommes en cette phrase à son < épicentre > (cf. ci-dessous).

Les théogamies ne sont pas rares dans les mythologies égyptienne, grecque, romaine ou hindoue — réalistes souvent jusqu'à l'obscène. Rien dans ce verset, ni dans toute l'oeuvre de Luc, n'autorise un rapprochement avec ces théogamies païennes. Et cela suffit à expliquer le rapide effondrement des hypothèses < syn-crétistes > prétendant rapprocher l'Annonciation des mystères grecs, égyptiens ou même bouddhistes. Dès le milieu du II° siècle, Justin en fait justice contre le juif Tryphon (n° 67 de ce Dialogue).

R. Laurentin: Év. Enfance, p. 192 : La conception virginale n'est pas une réplique des modèles théogamiques, elle n'est point référée à une action formelle et biologique de Dieu. Elle est exprimée comme signe transcendant de la venue eschatologique de Dieu. Très remarquable est l'ellipse du texte sur la réalisation corporelle... la réalisation elle-même ne sera pas formellement exprimée (comme plus loin, la Résurrection, dont aucun des évangélistes ne décrit la réalisation). La conception humaine du Fils de Dieu sera manifestée seulement par ses effets : lors de la Visitation, où la présence du Fils de Dieu remplit de l'Esprit Saint Jean-Baptiste et sa mère.

En réalité, il est acquis aujourd'hui que là comme ailleurs, les sources auxquelles puise Luc pour exprimer l'événement se trouvent tout bonnement dans l’A.T. (justifiant ainsi la méthode de nos //).

// Gn 1,1-2 Is 32,15 Ac 1,8 — Voici ce qu'en dit A. Feuillet, montrant du même coup la légitimité du // entre les deux Eve :

- A. Feuillet: Jésus et sa Mère, p. 21 : La Tradition patristique la plus ancienne s'est complue à opposer Marie à Eve dans la scène de l'Annonciation... Que faut-il penser de cette antithèse ? Répond-elle réellement à une pensée de l'évangéliste ?...

Dans la réalisation du mystère de l'Incarnation, la scène de l'Annonciation fait intervenir l'Esprit divin qui planait sur les eaux primordiales comme une force vivificatrice. Elle fait aussi intervenir la Parole toute puissante de Dieu à laquelle rien n'est impossible... et cette efficience souveraine de la Parole divine a d'abord éclaté dans la création: « Il a parlé et tout a été fait » (Ps 33,9). La Vierge Marie s'en souvient quand elle s'abandonne à Dieu pour qui dire et faire sont une seule chose : « Qu'il me soit fait selon ta Parole »...

Il semble qu'ainsi nous soyons renvoyés discrètement à la première création, oeuvre à la fois de la Parole et de l'Esprit divin (Gn 1), ce qui fait apparaître l'Incarnation comme le point de départ d'une humanité nouvelle et Marie comme une nouvelle Mère des vivants. Il ne faut pas oublier que le Christ lui-même est présenté explicitement par saint Luc comme un nouvel Adam (Lc 3,23-38)...

Une autre donnée va dans le même sens. Gabriel dit à Marie: « L'Esprit Saint viendra (d'en haut) sur toi (epeleusetai épi se) ». Trois fois seulement dans la Bible l'Esprit de Dieu est ainsi joint au verbe < eperchestai > : en Is 32,15 où, pour la première fois peut-être dans la littérature prophétique, une création nouvelle est prédite ; dans la scène de l'Annonciation, et enfin à la Pentecôte (Ac 1,8 — cf. Il)... La ressemblance évidente entre Lc 1,35 et Ac 1,8 suggère fortement que lors de l'Annonciation, en devenant Mère du Christ, Marie devient également la Mère d'une nouvelle humanité, bref, la Mère de l'Église, une nouvelle Eve.

Mais il y a un // encore plus fondamental entre < obombrer > et Ex 40,34-35, grec, ce verbe se prononce , < Episkiasei >, et rappelle donc par sa consonance même le verbe hébreu d'Ex Ex 40,35, < Shakan >, d'où vient la < Shékinah >, la présence de Yahvé en son Temple (BC I *, 225 et 254-55) — à laquelle nous référait Jn 1,1-46 *). Ce n'est donc pas forcer ce texte que de l'expliquer par ce précédent :

A. Feuillet : Jésus et sa Mère, p. 18 : Il y aurait une correspondance voulue entre la venue de la Nuée au-dessus de l'arche d'alliance et l'intervention de la Vertu du Très-Haut qui couvre Marie de son ombre. La Nuée était le signe de la présence de la Gloire divine : par conséquent à l'habitation de la Gloire dans le Tabernacle ou le Temple répondrait le mystère de l'Incarnation du Fils de Dieu dans le sein de la Vierge Marie. Que vaut un tel rapprochement ?

... Nous avons de bonnes raisons de croire qu'il en est ainsi. L'ange Gabriel semble bien vouloir établir un rapport étroit entre d'une part, la Vertu du Très-Haut qui doit couvrir Marie de son ombre, et, d'autre part, la sainteté et la divinité de l'enfant qu'elle concevra : « C'est pourquoi... » Or ce rapport est peu intelligible si le texte sacré vise exclusivement la conception virginale de Jésus ; celle-ci en effet ne peut être la raison suffisante de la sainteté, et moins encore de la filiation divine du Christ. Au contraire, tout s'explique admirablement si la Vertu du Très-Haut couvre Marie de son ombre pour que son sein devienne le répondant du Tabernacle ou du Temple de Jérusalem où résidait la Gloire divine.

Il y a autre chose encore. La scène de la Transfiguration se réfère, elle aussi, à Ex 40,35 (« survint une Nuée »... »). Or là également, la Nuée est mise en relation avec la filiation divine de Jésus (« De la Nuée, une voix: Celui-ci est mon Fils... »)

Si telle est l'idée que Saint-Luc nous suggère du mystère de l'Incarnation, il est obvie de la comparer à celle du prologue du quatrième Évangile : « Et le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire ».

C'est pourquoi: A. Feuillet soulignait aussi le rapport logique entre les 2 parties du verset, que cette conjonction établit : nous venons de voir que les 2 premières propositions montrent en Dieu le < Principe > de l'enfant à naître, non par une génération < paternelle > à l'humaine (théogamie), mais par la Toute-Puissance, comme maternelle, de l'Esprit Saint (mot féminin en hébreu, neutre en grec, donc jamais masculin dans les langues originales). Et c'est cette action transcendante de l'Esprit qui < obombre > l'être vierge de Marie et suscite en elle la divine présence, comme la < Shékinah > emplissait le Temple.

L'enfant: Littéralement: « ce qui (au neutre) sera engendré (au passif) »: c'est une précaution supplémentaire pour que Dieu ne soit pas pris comme le sujet actif de cette génération, même si c'est par Lui qu'advient cet enfant. Luc ne définit que l'effet proportionné à cette cause: une filiation divine, au sens le plus fort du mot: il y a donc bien homogénéité de la cause (Dieu) à l'effet (Fils de Dieu).

Mais cette seconde partie du verset 35 constitue une proposition double, qui peut être lue de deux façons, suivant que le mot < saint > est rattaché 1) au sujet, ou 2) au verbe. Ce qui donne :

- 1) « L'enfant saint qui naîtra s'appellera Fils de Dieu » — ou:

— 2) « L'enfant sera appelé saint, Fils de Dieu ».

Deux arguments nous ont fait préférer la seconde traduction. D'abord, l'expression analogue de 2,23 où Luc cite Ex 13,2 (donné en // à ce § 11 ), mais en adaptant la citation exacte (qui serait : « Le premier-né sera consacré ») pour la calquer sur le « sera appelé saint » du v. 35. — Faut-il rappeler en effet que consacré et saint se correspondent, et qu'< appeler > signifie dans la Bible: donner le nom exprimant l'être.

En outre, suivant la seconde construction, apparaît l'opposition extrême entre le rien du tout de « ce qui est à naître », au départ du moins, et la réalité divine qui s'y trouvera incarnée: celle que notre < Gloria > salue: « Tu solus Sanctus, Dominus, Altissimus ». < Saint > est donc bien l'un des noms de Dieu et du Christ, comme Fils de Dieu égal au Père. Or, avons-nous dit, ce contraste entre le Très-Haut et le très humble donne le mouvement, et indique donc le sens et la pente de tout ce passage, depuis le v. 26. Et s'il y a déséquilibre entre l'unité du sujet et la juxtaposition des 2 attributs qui le définissent, est-ce qu'il ne convient pas que la définition de cet enfant soit débordante, puisqu'il est Dieu, Fils de Dieu ?

Ainsi, comme le notait A. Feuillet (citation de sa p. 18), Luc dit bien exactement le même Mystère d'incarnation que Jn 1,14, en d'autres termes, mais porteurs du même sens. Or on peut ajouter que le même Mystère ne se retrouve pas moins en Mt 1,20-21, avec mentions semblables: de « ce qui a été engendré en elle » (même forme au neutre et au passif qu'en Lc 1,35), de l'Esprit Saint, et de la conception virginale (§ 13 *). Et même l'Évangile de Marc, dans sa fulgurante brièveté, va d'emblée jusqu'au bout de l'affirmation fondamentale de la foi chrétienne: « Commencement de l'Évangile de J.C., Fils de Dieu ».rConcordance d'autant plus probante que justement les débuts de ces quatre Évangiles sont sur à peu près tout le reste plus différents les uns des autres, suivant le propos de chacun... (Cf. R. Laurentin: Év. Enfance, p. 358-366).

R. Laurentin: Év. Enfance, p. 121-123: L'Annonce à Marie est la première d'une série de théophanies qui manifestent la divinité du Christ tout au long de l'Évangile de Luc (Baptême, 3,21-22) — Transfiguration, 9,29-35 -Confession du Christ devant le Grand-Prêtre, 22,69-70) — cf. Rm 1, 3-4 et Jn 1,13-14)... Il s'agit d'un ensemble de signes, et de mots-clés pour exprimer l'identité divine du Christ, avec des notes de gloire, puissance, sainteté... pour expliciter ce que nous appelons aujourd'hui la divinité du Christ ou l'Incarnation. Nul concept n'en était donné d'avance. Il fallait en inventer l'expression; on le faisait en appliquant au Christ des titres, des propriétés transcendantes, des textes bibliques, jusqu'alors appliqués à Dieu seul. Les évangélistes le firent tout d'abord dans le récit initial et le récit final: le baptême du Christ et sa Résurrection... Sachant bien, intuitivement, dans la foi, que cette transcendance du Christ n'était point un avatar, ils l'exprimèrent, de manière analogue, en interprétant les autres épisodes majeurs de sa vie » — à commencer par sa conception...

Or cette interprétation, loin d'être une invention ultérieure due à la foi des premiers chrétiens, s'avère au contraire comme primitive, puisque sous des formes différentes, on la retrouve dans les 4 Évangiles, comme la Tradition commune (antérieure) où ils ont puisé :


A. George: Sur Luc, p. 220 : Ce texte dense doit se rattacher à une tradition plus ancienne, puisqu'on en retrouve plusieurs traits importants en Mt 1,20 : la mention de l'Esprit Saint, la désignation de l'enfant comme « l'engendré », le thème de la conception virginale. Mais ce verset offre aussi le vocabulaire caractéristique de Luc et ses thèmes favoris de l'Esprit et de la Puissance. Sa pensée surtout est originale : Luc est le seul à insister sur le caractère exceptionnel de l'intervention divine, sur la sainteté de Jésus, et à fonder sur elles le titre de Fils de Dieu. Jésus est uni à Dieu à une profondeur qui dépasse tout ce qu'a pu concevoir l'Ancien Testament et le judaïsme. Par là, il est Fils de Dieu en un sens absolument nouveau.

En somme, dans la double annonce des v. 32-33 et du v. 35, se rejoignent en Celui qui est encore à enfanter, la double ligne des prophéties messianiques, qui apparaît ainsi convergente :

J. Daniélou : Év. Enfance, p. 36-37 et 40 : Les prophètes annonçaient à la fois la venue d'un homme élu de Dieu, le Messie, et la venue de Dieu lui-même. La relation des deux venues était diversement interprétée dans le judaïsme. D'ordinaire la venue du Messie apparaissait comme inaugurant une ère de paix, le royaume messianique, après quoi viendrait le jugement de Dieu qui établirait des cieux nouveaux et une terre nouvelle. Mais jamais, dans l'A.T. et le judaïsme, nous ne voyons apparaître l'idée que ce serait un seul et même être qui serait à la fois le Messie attendu et le Dieu advenu (à nuancer: cf. R. Laurentin: Structure, p. 131-133). Or ce qui apparaît dans la scène de l'Annonciation, c'est non seulement que le jour est venu à la fois de la venue du Messie et de la visite de Yahweh, mais que Jésus sera à la fois le Messie attendu et le Dieu advenu...

La révélation faite à Marie dans ce qu'elle a d'absolument nouveau par rapport à ce qui l'avait précédée... porte sur deux réalités. La première est que cet enfant ne sera pas seulement le Messie descendant de David, mais le nouvel Adam inaugurant la nouvelle création. Et du même coup la maternité virginale, qui apparaissait d'abord comme un scandale, prend toute sa signification. Irenée dit admirablement que, de même que le premier Adam avait été formé de la terre vierge, il fallait que le second Adam soit formé d'une vierge. Et la seconde révélation est que la venue de Dieu annoncée par les prophètes n’est pas séparée de la venue du Messie, mais que c'est dans le Messie lui-même que se réalise la venue de Dieu.

v. 36-37) — Le signe, qu'à la différence de Zacharie ou des Juifs plus tard (§ 120 ), Marie ne demandait pas: un signe qui relie l'Annonciation à l'annonce faite à Zacharie ; et la preuve qu'à Dieu rien n'est impossible, comme il était déjà prouvé à Sara (// Gn 18,13) et affirmé par le prophète (// Jr 32,27).

v. 37) — La tournure grecque : « Toute Parole... ne sera pas réduite à l'impuissance », n'a guère de répondant en français. Une double négation équivalant à une affirmation, nous traduisons : « Toute parole s'accomplit avec puissance ». Il nous paraîtrait en effet dommage de simplifier, comme le font les autres bibles, en : « Rien n'est impossible à Dieu »; car on banaliserait deux mots chargés de sens:

Toute parole : Rhêma, correspondant à l'hébreu < Dâbâr >, signifie suivant l'occasion, soit la parole, soit ce qu'elle dit, donc l'événement, la chose. Et quand c'est Dieu qui parle, les deux sens s'identifient encore plus totalement, puisqu'« Il dit, et c'est fait ». Fréquent dans le N.T.au sens de < Parole > — de Dieu, des anges, de Jésus surtout, qui est Parole incarnée — < Rhêma > revient plusieurs fois dans les ch. 1 et 2 de Luc, en visant premièrement les événements de la conception virginale (1,37), de la naissance de Jean-Baptiste ou de Jésus (1,65; 2,15), médités par Marie (2,19 et 51). Même alors, ces événements sont tenus pour < Parole > et don de Dieu. Tout particulièrement aux v. 37-38, puisque l'événement est alors précisément l'incarnation de la Parole même de Dieu (Lc 2,8-9 *).

S'accomplira avec Puissance : le verbe grec correspond à la < Dunamis > qui doit « obombrer Marie », accomplissant et manifestant l'action toute puissante de l'Esprit Saint (v. 35 *). Ainsi, en ce verset conclusif de l'annonce angélique, se trouve mentionnée la double mission pour notre salut du Verbe et de l'Esprit, que Dieu inaugure dans et par l'Incarnation.

8) v. 38 : Il faut souligner la solennité de cet instant, où tout est comme suspendu à l'acquiescement de Marie — comme il l'avait été au moment de la tentation d'Eve. Se joue ici, une première fois, ce qu'accomplira de façon décisive et définitive le < Fiat > du Christ, à Gethsémani et par toute sa Passion sainte.

A. George : Sur Lc, p. 439: Dieu lui propose d'être la mère du Messie, qui lui sera finalement révélé comme son propre Fils. De son acceptation dépend le salut du peuple de Dieu. Elle accepte et engage par là le destin de toute l'humanité, qu'elle représente ainsi réellement devant Dieu.


Ce rôle décisif au centre de l'histoire du salut, Luc montre qu'elle l'assume concrètement, en vraie femme, réfléchissant sur la faveur divine soudain révélée qui la bouleverse (v. 29 *), questionnant pour voir clair sur sa tâche (v. 34), acceptant simplement enfin, sans protestation d'humilité, ni exaltation lyrique. Sage et forte, elle se voit à sa place dans le Dessein de Dieu. Cette intelligence, cet engagement courageux malgré les difficultés, Luc en fait la foi par excellence (1,45 *).

... Marie ne reçoit pas la parole de Dieu directement, dans une théophanie (comme dans l’A.T. ou en Lc 3,21-22 et 9,34-35)... Cette révélation par intermédiaire (d'un ange) laisse Marie dans les ombres de la foi, ce qui est cohérent avec l'image de Marie chez Luc.

... Ce sont les limites même (de la lumière reçue à l'Annonciation) qui vont permettre à la foi de Marie de progresser selon la loi de toute foi : par l'accueil de l'événement et de la parole, par la réflexion et la recherche, par l'engagement de toute la vie. De l'Annonciation jusqu'à l'Ascension (Ac 1,14), Luc va montrer Marie approfondissant sa connaissance de Jésus par sa fidélité.

La Liturgie de l'Avent nous donne à revivre dramatiquement l'attente de cette réponse, en faisant crier au choeur des fidèles: « Suscipe Verbum... Reçois, Vierge Marie, la Parole qui t'a été transmise de Dieu par l'Ange... »

Ecce, Voici: En réponse à « l'irruption soudaine » de Dieu (v. 31 *), le « Me voici » de sa créature, d'Abraham (Gn 22,2 Gn 22,11 à Marie et à Jésus, « est ouverture, accueil, réceptivité, disponibilité, offrande, don de soi, abandon... en parfaite situation dans la bouche, le coeur et l'âme de la Femme « bénie entre toutes les femmes »... < Me voici > est le Nom de l'Épouse, par excellence » (Y. Fauquet, plus longuement cité en BC I *, p. 49-50).

La Servante du Seigneur : digne mère de celui qui accomplira les prophéties du < Serviteur de Yahvé > (Is 41,53), venant pour servir et non être servi (§ 255 : Mt 20,28 *):


Guerric d’Igny: 1° Sermon pour les Rameaux (PL 185,129; SC 202, p. 164) : « Je ne servirai pas! » a dit l'homme à son Créateur. Eh bien, c'est moi qui vais te servir, répond le Créateur de l'homme. Mets-toi à table, c'est moi qui servirai, c'est moi qui te laverai les pieds. Toi, repose-toi. Je prendrai sur moi tes fatigues, je porterai tes infirmités.

Plus encore que Ruth (3,9) ou Abigaïl (1S 25,41), qui se dit « la servante » de David et que celui-ci épouse, comme Booz le fait de Ruth, nous donnons en // 1S 1,11, parce que le Cantique d'Anne est lui-même // au Magnificat (cf. § 6 ). Mais qu'on se rappelle aussi Abraham (Ps 105,42), Mol'se (Ps 105,26), Josué (24,29), David (2S 7,5 2S 7,8 Ps 89,4), les prophètes (2R 17,23): « Tout au long de la tradition biblique, ce titre de < Serviteur du Seigneur > désigne ceux que Dieu a engagés par excellence à son oeuvre de salut. C'est dire combien il convient à Marie, et comment il dit sa grandeur, plutôt que son humilité: « Cui servire regnare est » (A. George : Sur Luc, p. 439) — Oui, et nous dirions mieux encore: la grandeur de son humilité, par son humilité... ici encore, comme le Christ (Ph 2).

v C'est la réponse à la coupable revendication d'autonomie du Premier Adam et Eve, incités au < Non serviam > diabolique (// Gn 3,5-7 — cf. BC I *, p. 56-57). Déjà, l'Ancienne Alliance avait été renouée entre Dieu et les hommes sur la promesse d'Israël de servir Yahvé en obéissant à ses commandements (// Ex 24,3 Jos 24,24). Mais le pacte avait été si mal tenu qu'Israël y avait perdu son autonomie, dans l'Exil, et la présence de son Dieu dans le Temple, détruit par Nabuchodonosor. Cette fois, c'est la Nouvelle Eve (d'abord, comme la Première), puis le Nouvel Adam, qui répondent: « Fiat ». L'effet aussi est donc inverse: tandis que la désobéissance découvre à l'homme sa nudité de créature dépouillée de la grâce, l'obéissance du Christ et de sa Mère nous revêtent de < L'Homme Nouveau >, gracié, rétabli dans la communion avec Dieu. Cela vaut premièrement, immédiatement de la Vierge Marie :

Hugues de Saint-Victor : Explanatio in Canticum Beatoe Mariée (PL 175,415): Aux paroles de l'ange, la Vierge pleine de foi et d'allégresse répondit : « Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon ta parole ». Et aussitôt, l'Esprit Saint survenant en elle, et la grâce de toutes les vertus remplissant le très saint habitacle à l'arrivée du Fils de Dieu, Celui qui est la Lumière éternelle, Celui que le monde ne peut contenir, descendit en la Vierge avec tout l'éclat de sa majesté...

Mais par conséquent, aussi, le Fiat de Marie ouvre un nouvel âge pour l'humanité:

Rupert de Deutz : De Trinitate... L. XLIl, 1 (PL 167,1535): Au sixième âge du monde, le Christ, Fils de Dieu, naît de la Vierge Marie. Après avoir envoyé, dès longtemps, quantité de prophètes, voici qu'il est là, enfin, Celui qui parlait (Is 52,6). Et désormais, « voici que le Royaume de Dieu est au milieu de nous », car le roi marche devant nous: le Roi, dis-je, et le Prêtre, entre devant nous et pour nous, Lui qui a dit dans le psaume : « Moi, je suis consacré roi, par Dieu, sur Sion, sa Montagne Sainte. Je publie son décret » (Ps 2). Dès lors, nous sommes faits « royaume et prêtres » par le Seigneur notre Dieu. Étant « os de nos os et chair de notre chair », le Roi nous soulève, par un si grand honneur, au-dessus de notre antique condition servile. Car, esclaves, nous l'étions tous, étant tous nés d'un esclave, c'est-à-dire d'Adam qui pécha, et par là devint esclave du péché (Jn 8). Le nouvel Adam est noble, au contraire : créé noblement d'une Vierge Mère, né plus noblement encore de Dieu son Père. Quand le Christ, Fils de Dieu, naît de la Vierge Marie, c'est un prince, digne de régner, qui est donné au genre humain.

Comme on le voit, la perspective générale de la Tradition chrétienne, d'Iré-née (début ni0 s.) à Rupert (xn°), reste celle des 2 Adam, héritée de saint Paul.

Qu'il me soit fait: Au passif. Marie ne se prend pas pour le sujet capable de faire ce qui est oeuvre proprement divine (v. 35). Elle offre seulement sa disponibilité de créature et de femme.

Selon ta Parole: < Rhêma >, correspondant au < Rhêma > de l'ange Gabriel, au v. 37) — donc au sens où cette Parole est reconnue comme efficiente, Parole créatrice, et mieux encore: Parole — Verbe de Dieu, qui s'incarne...


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Bible chrétienne Evang. - § 2. Le prologue de Saint Luc: Lc 1,1-4