Bible chrétienne Evang. - § 146-147. Hérode, Jésus et Jean-Baptiste: Mt 14, 1-12; Mc 6J4-29; Lc 9,7-9

§ 146-147. Hérode, Jésus et Jean-Baptiste: Mt 14, 1-12; Mc 6J4-29; Lc 9,7-9



(Mt 14,1-12 Mc 6,24-29 Lc 9,7-9)

— « Qui est donc celui-ci? » (Lc 9,9 — « Jean-Baptiste, ou Elle ou quelque autre prophète ? » (Mc 6,14-15) : La même question sera posée à nouveau, en conclusion de cette nouvelle étape, provoquant la confession de Pierre (§ 165 ). Car entre-temps, le Christ aura tiré parti des événements pour former ses Apôtres. C'est donc bien elle qui est à la clé de tous ces miracles et enseignements autour de la multiplication des pains.

À noter, en Lc, l'opposition entre la crédulité populaire et l'esprit positif d'Hérode (au lieu qu'en Mc et Mt, il tombe dans la même conclusion superstitieuse). Hérode le tétrarque = Hérode Antipas: cf. § 19 , Lc 3,1-2*

.Et il cherchait à Le voir: prépare Lc 23,8-12 (§ 348 ) : ainsi les Évangiles sont-ils admirablement composés.


§ 147. Mort de Jean-Baptiste: Mt 14,3-12; Mc, 6, 17-29



(Mt 14,3-12 Mc 6,17-29)

— Retour en arrière, pour servir de prélude à la seconde partie de l'Évangile de Mt (14,1-28,20) comme à la deuxième section de Mc (6,14) — 10,52), de sorte que Jean apparaisse comme le précurseur du Christ par sa Passion non moins que sa prédication.

Mt 14,3-4; Mc 6,17-18 // Ps 40,11 Ps 119,46 Lc 20,21 — Jean témoigne de la vérité, fût-ce au prix de sa vie, comme le Christ, au témoignage de ses adversaires eux-mêmes (// Lc 20) et devant Pilate (Jn 18,37).

Mt 14,5-11 ; Mc 6,19-28; (Lc a mentionné la décapitation en 9,9 § précédent) // 1R 16,31 1R 19,1-2 1R 21,7-16 Est 7,2-10 Da 6,14 — Hérode craignait le peuple... : comme les grands prêtres « craindront les foules parce qu'elles tenaient le Christ pour un prophète » (§ 281 , Mt 21,46 — Rappel de Jn-B. au v. 26).

De l'entraînement au crime par l'influence d'une femme, Jézabel est l'exemple détestable. Des serments imprudents après boire, Esther a tiré parti (mais pour le bien d'Israël). Le grand roi Darius avait été pris par ses proches au piège de sa propre autorité, comme ce roitelet d'Hérode Antipas: ainsi, jusque dans son histoire l'A.T.préfigure le Nouveau, où la conduite des hommes reste tout aussi cruelle...

D'après Mt 14,5 cependant, ce meurtre allait dans le sens de ce qu'Hérode lui-même désirait. Mais bien davantage évidemment Hérodiade haïssait le prophète. D'où le mot d'Augustin, paraphrasant le Ps 7 : « Cette femme exécrable avait conçu la haine. Quand vint le temps de parturition, elle enfanta une fille, la danseuse ! » (S. 307, pour la décollation de Jn-B, — Vives 19,10).

Origène: Sur Lc, Hom.27, puis Sur Mt x (PG 13, 1870-71 et 890-91): Jean fit des reproches à Hérode avec la liberté d'un prophète ; et emprisonné pour cela, il ne s'inquiétait pas de sa mort, mais pensait seulement au Christ qu'il avait annoncé. Et ne pouvant aller à lui, il envoie deux de ses disciples l'interroger : « Es-tu celui qui doit venir ? » Les disciples reviennent, et rapportent à leur maître ce que le Sauveur avait dit. Alors Jean, armé pour le combat, meurt avec assurance.


De même que la Loi et les prophètes vont jusqu'à Jean, et non au-delà, de même le pouvoir royal des princes juifs, comportant le droit de vie et de mort : une fois le dernier des prophètes décapité par Hérode, les rois de Judée perdent ce droit... Ainsi fut accomplie la parole de Jacob à Juda : « Un prince ne manquera pas à Juda, un chef à Israël, jusqu'à ce que vienne celui à qui le pouvoir est réservé; et il sera l'attente des peuples » (Gn 49,10).

Godeschalk: Pour la décollation de saint Jean-Baptiste (PL 141,1328):

La « Voix » accuse Hérode l'impie,

mais Lui, ne se repent pas.

11 Hérode, vipère sourde, n'écoute pas la Voix

qui sagement l'enchante.

12 L'Ami de la Lumière divine,

la « lampe », brille dans les ténèbres.

14 Haine d'une courtisane, danse d'une enfant:

ordre d'un roi — on décapite un saint.

15 À la danseuse, le roi donne la tête

de ce Jean, saint avant de naître.


16
Et c'est ainsi que meurt le juste,

comme si Dieu ne l'aimait pas,

7 alors que sa mort, cette mort,

est précieuse devant le Seigneur.


19
Puisque l'Époux est condamné

à la plus infamante des morts,

il est juste que l'Ami de l'Epoux

meure de la plus infamante des morts.

p. 385

§ 148-150. Mon père travaille... et moi aussi: Jn 5,1-47





(Jn 5,1-47)

Dans l'Évangile de Saint-Jean, avec ce ch. 5 nous entrons dans une nouvelle phase de révélation. Les miracles ne sont plus donnés seulement comme signes permettant de reconnaître le Messie — donc pour leur valeur en quelque sorte extérieure, apologétique, montrant que l'on doit lui faire confiance — mais tels que Jésus lui-même les comprend: ces miracles sont « oeuvres » (5,17-20; 6,26-30; 7,3.21; 8,39.41; 9,3-4; 10,25.32.37-38; 14,10-12; 15,24; 17,4). Les longs discours, caractéristiques de ces chapitres 5 à 10, expliqueront le but et l'oeuvre poursuivie à travers eux (voir notamment aux v.17* et 19-30* de ce ch. 5).

La finale du ch. 10,32-39, faisant inclusion avec 5,17-20, circonscrit bien ce « Livre des Oeuvres » et leur objet essentiel : la révélation du Christ comme Fils de Dieu, au sens trinitaire de ce mot (cf. bussche, p. 203-217).



§ 148. L’infirme de la piscine de Bézatha : Jn 5,1-18


(Jn 5,1-18)

— Près de la porte des brebis: Litt. « Près de la Probatique » (en grec, < Probaton > signifie bétail et notamment brebis). De fait, à proximité de la porte de ce nom (// Ne 3,1-2), à présent appelée Porte Saint-Etienne et située au Nord-Est de l'esplanade, les fouilles ont dégagé deux bassins creusés vers 200 av. J.C. sous le grand prêtre Simon, pour alimenter le Temple en eau et probablement y laver les animaux destinés aux sacrifices. Les 5 portiques s'expliquent par les 4 côtés du rectangle + la digue entre les deux bassins. On n'a pas retrouvé trace de ces colonnades, mais bien de l'existence de bains publics, et de la vénération pour un Dieu guérisseur: Sérapis = Aisclépios = Esculape.

Il y a, au présent, et non « il y avait » comme il deviendrait normal de l'écrire après 70 et la ruine de Jérusalem. Ce pourrait être un argument pour la plus grande ancienneté de la rédaction du IV° Évangile.

le mouvement de l'eau: Entre parenthèses cette explication populaire, omise par de nombreux manuscrits parmi les plus anciens, qui est sans doute une interpolation, non retenue par Nestlé. Aujourd'hui, on supposerait plutôt que ce bouillonnement était produit par le déversement intermittent du trop-plein de ces réservoirs. Plus sagement, les Pères y trouvaient une application spirituelle:

Chrysostome: Hom. 36 sur Jn (Vives 13,539-540) : Qu'est-ce que ce mode de guérison ? Il y a là un mystère : on nous décrit comme en figure les choses de l'avenir. Le baptême, qui devait être donné plus tard, ce baptême qui lave toutes les souillures et fait revivre les morts, est évoqué par l'image de la piscine.

Dieu a donné d'abord l'eau, qui lave les souillures du corps ; et dans l'ancienne Loi, beaucoup de purifications se faisaient par l'eau. Pour nous faire approcher davantage du baptême, l'eau, ici, lave même les maladies ; et c'est un Ange qui descend mettre l'eau en mouvement et lui donne la vertu de guérir, pour faire comprendre que le Seigneur des Anges pourra mieux encore guérir les maladies de l'âme. Car ce n'est pas par une vertu naturelle que cette eau guérissait — autrement, elle l'aurait fait en tout temps — mais elle guérissait, par l'intervention de l'Ange. De même pour nous dans le baptême: l'eau enlève les péchés après qu'elle a reçu la grâce de l'Esprit.

Une multitude d'infirmes gisait là ; mais leur infirmité même les empêchait d'entrer dans l'eau pour être guéris. À présent, chacun peut approcher, et nous ne pouvons plus dire : « Un autre descend avant moi » ; car même si le monde entier venait, la grâce ne serait pas épuisée — pas plus qu'un rayon de soleil ne s'éteint si beaucoup jouissent de sa lumière.

Jn 5,5 // Dt 2,14 — Ce rapprochement ne prétend évidemment pas être explicatif, pas plus que celui, trop célèbre, d'Augustin qui, partant du symbolisme indéniable du nombre 40) — chiffre de l'Exode, de tous les carêmes, et de la vie terrestre (BC I*, p. 77) — concluait: « Comment n'aurait-elle pas été infirme cette vie à laquelle manquaient les deux préceptes de la charité ». Le // Est plutôt significatif d'une certaine harmonie entre le drame typique de l'Exode et nos itinéraires spirituels personnels. Pour revivre avec le Christ, encore faut-il qu'ait le temps de mourir en nous ce qui s'oppose à Lui. Et cette purification demande quasiment toute une vie.

Jn 5,6-9 // Mc 2,9-10 Ac 3,6-8 Le paralytique de Capharnaüm (= § 40 *) bénéficiait de porteurs. Mais la parole du Christ est la même, « Lève-toi, prends ton grabat et marche! ». Il y a aussi rapport entre guérison de l'infirmité et suppression du péché; là par rémission (// Mc 2) ; ici seulement par exclusion d'une rechute ultérieure pour qui a été sauvé par le Christ (v.14; cf. Jn 8,11 et Rm 6). Sur le mal du péché, pire même qu'une grave infirmité, cf. l'histoire célèbre de saint Louis et du sire de Joinville... Les saints prennent l'Évangile à la lettre, si bien qu'ils font à leur tour les « oeuvres » de Jésus (// Ac 3,6-8), et de plus grandes encore (Jn 14,12).

Jn 5,17-18 // Ps 66,3-5 Ps 66,7 — Mon Père est à l'oeuvre, et moi aussi... : Les Juifs ont fort bien compris que le Christ parle ici de Dieu comme « de son propre Père », au sens fort, unique, trinitaire, et non pas au sens métaphorique du // Sg 2,16-17 Sg 2, ne cherche pas à démentir cette interprétation. Seulement, l'affirmation perd tout caractère blasphématoire dès lors que Jésus, « étant Dieu par nature » (// Ph 2,6) n'a pas besoin de « se faire » égal à Dieu.

Notons que le Christ avait mis en parallèle et comme équiparé son miracle avec « le travail » du Père, sans parler directement des rapports entre son Être même et celui du Père. Mais suivant le principe « agere sequitur esse », ses adversaires ne se trompent pas en concluant de la similitude des actes à l'égalité as l'Être, et tout le développement qui va suivre (§ 149 *) impliquera cette unité d'Être qui est le mystère même de la sainte Trinité.

Mon Père est à l’oeuvre jusqu'à maintenant'. Cyrille d’Alexandrie: Sur Jn h (Pg 73, 348) : Cela veut dire : Si tu crois que la nature est gouvernée par l'ordre et la volonté de Dieu, y compris le jour du sabbat — de sorte que le soleil se lève, que la pluie tombe, que la récolte sort de terre et grandit, même le jour du sabbat — avoue donc que le Père travaille le jour du sabbat. Alors, pourquoi incrimines-tu Celui par qui le Père fait toutes choses ? Car le Père n'oeuvre pas autrement que par son Fils. Aussi ajoute-t-il: « Et moi aussi, je travaille ».

Cependant, l'idée de < création continue > semble étrangère à la Bible qui, par contre, tient l'histoire d'Israël en continuité avec l'oeuvre créatrice (par exemple dans les Ps 135, 136, 146, 147), et semblablement dirigée par Dieu (// Ps 66). Ainsi, les rabbins eux-mêmes expliquaient-ils que « le Repos du Septième Jour », en Gn 2,1-3 était en rapport avec le « travail » achevé au soir du Sixième Jour, mais que cela n'empêchait pas Dieu de continuer à exercer sa Providence pour accomplir l'oeuvre du Salut (bussche, p. 224).

Jusqu'à maintenant: ne signifie pas « toujours », car à la Fin des temps, une fois sauvés tous les Saints, ils entreront avec Dieu dans le véritable Repos divin, dont celui de Gn 2,1-3 n'était qu'un signe (A. Feuillet: Le mystère de l'Amour, p. 50). Mais c'est maintenant que tout va se jouer (§ 149 *).


// Esd 5,9 Esd 6,7 Ag 2,4 Ne 4,15 Ne 6,3 — La situation de Jésus, tout tendu à ce travail pour édifier son Église, dans les contradictions et la conscience de sa mort prochaine (§ 166 ), n'est pas sans rappeler la reconstruction du Temple après l'Exil. Elle aussi était hautement patronnée, non seulement par l'ordre du lointain roi Darius, mais par l'aide et l'encouragement de Dieu même (// Ag 2); elle aussi était combattue, incessante et menacée : en particulier Né 6,3 évoque la réponse pressée de Jésus à Hérode (§ 221 ) — Lc 13,32).

p. 386

§ 149. Au fils est donné le pouvoir de juger: Jn 5,19-30


(Jn 5,19-30)

—AUX V.16 et 18, Jésus a été mis en procès. Il rétorque d'abord qu'en réalité, le Juge, c'est Lui! — en s'autorisant de l'argument du v.17: son unité avec Le Père.

Or ce thème du Jugement est « comme l'armature » du IV° Évangile: 1,11-12; 3,17-21; 5,20-30; 8,15-18; 9,38-41; 12,31.47-50; 16,7-11. Le Jugement n'est d'ailleurs pas moins fondamental dans les Synoptiques, notamment Mt (cf. § 20 -21, Mt 3,7 in fine* et 3,12*). Quel Jugement? Suivons ici D.Mollat : Ce Jugement est essentiellement discrimination : Le Verbe est Lumière, si bien que par sa seule présence (et surtout depuis son Incarnation) Il « fait oeuvre de Lumière », séparant la Lumière des Ténèbres, la Vérité du Mensonge, la Vie (éternelle) de ses contrefaçons. Il n'a donc pas à < juger > (au sens de: condamner); encore moins à châtier: c'est par leur réaction à sa Venue et à ses < Oeuvres > que les hommes se jugent eux-mêmes, choisissant d'être parmi les croyants, voyants et enfants de Dieu, ou bien au contraire incrédules, aveugles et « enfants du diable » (8,39-45). Cf. DBS IV, 1379-1385.

Cela explique le triple flottement, que l'on observe en particulier ici:

- 1) Jésus réclame pour lui-même le Pouvoir du Jugement, au même titre que le Père; mais en même temps, il est vrai que Lui-même (comme Celui qui l'a envoyé) n'a pour but que de sauver et non de < juger > (au sens d'accuser : 12,47 ; 3,17; 5,45), puisqu'on réalité c'est nous qui nous jugeons nous-même.

— 2) Le Pouvoir de Jugement est uniquement Pouvoir de Résurrection, donc de Vie éternelle. S'il peut se tourner en damnation, c'est uniquement de notre faute : il suffit de croire et d'agir en conséquence pour être sauvé de ce Jugement fatal (5,24.29).

- 3) Ce Jugement est donc à la fois dès maintenant, puisqu'il tient à notre réponse, à présent, et « Jugement dernier » (5,25*), puisqu'il peut être définitif si nous restons dans la même ligne jusqu'à notre mort.

Tout ceci est formulé suivant une composition extrêmement serrée. Dans le vocabulaire, outre l'omniprésence du verbe < faire > (thème de < l'Oeuvre >), les couples < Père-Fils > ou < Moi et Celui qui m'a envoyé >, et d'autre part: < Résurrection-Jugement > ou < Vie-Mort >. Dans la structure des phrases: parallélismes et symétries. L'ensemble forme un jeu de correspondances concentriques : v.30 répond au v. 19 (« ne peux rien faire de moi-même »), 28 à 20 (« Ne vous étonnez pas... dans la stupeur »), 26 à 21 (« comme le Père »). En 24-25, le double « Amen, Amen je vous le dis », reprenant celui, initial, du v.19, marque le passage et le progrès de la 1° à la 2° des parties égales (19-24, 25-30), la 2° partie étant le développement de la conclusion de la première (v.24).

A. Vanhoye, dont nous venons de résumer les conclusions, termine sur une remarque légitimant le parti qui est celui de toute la « Bible chrétienne » : « C'est se conformer à l'intention de l'auteur que de chercher à reconnaître le mode de composition (qu'il a choisi). Étudier la préhistoire des textes de ce genre ne manque sans doute pas non plus d'utilité... (Mais) si l'on veut interpréter le texte, on trouvera avantage à le prendre dans son ensemble et à donner finalement plus d'attention à sa composition actuelle qu'à la distinction problématique de ses sources » (dans « Mél. B. Rigaux », p. 259-274).

Ce qui ressort directement du jeu serré des parallélismes, c'est le rapport: Oeuvre — > Résurrection — » Jugement — mais basé sur l'union totale du Fils et de son Père, dans l'Être comme dans l'Oeuvre et l'Honneur qui en rejaillit.

Jn 5,19) — C.H.Dodd tient ce verset pour une < parabole >, à partir de l'image d'un apprentissage où le savoir-faire du père (humain) se transmet à son enfant. Mais, ajoute A. Feuillet, quand nous entendons parler d'une réelle impossibilité pour le Fils d'agir indépendamment du Père, mais au contraire en union indissoluble et totale de Lui, « nous sommes contraints de songer au mystère trinitaire » : À l'appui, il cite saint Augustin: « Le Père ne montre pas de la même manière que le maître ouvrier montre à son apprenti ce qu'il devra ensuite imiter ; mais le Fils oeuvre inséparablement avec le Père ; le Père ne fait pas des oeuvres, puis le Fils des oeuvres semblables, mais ils font pareillement les mêmes oeuvres » (Mystère de l'Amour... p. 48). C'est ce que dit textuellement la fin de ce v. 19 : « Cela même... c'est cela également (< Ômoiôs >) que fait le Fils »: « Plus qu'une ressemblance, une identité d'action (Bussche, p. 227). Même sens en 5,30; 7,16-18; 8,28; 12,49; 14,10 (références complémentaires dans Bussche, p. 205-206).

Jn 5,20-21 // Dt 32,39 1S 2,6 Rm 4,16 — Le Père aime le Fils: Il l'a solennellement déclaré au Baptême : « En toi mon amour est parfait ». Parfait de toujours au sein de la Trinité, mais qui se parfait en particulier dans cette Oeuvre commune de Salut où s'accomplit enfin l'éternel Dessein divin (cf. § 24 ) — Mt 3,17*; cf. v.27*, A.Feuillet).

des oeuvres plus grandes que celle-ci: Au départ, < l'Oeuvre > était la remise sur pieds de l'impotent de Bézatha. Mais ce miracle fait image de < l'Oeuvre de Dieu >, qui est de « donner la vie » (v. 21 et //). Il y a donc ici une mise en perspective: l'oeuvre immédiate annonce « les oeuvres plus grandes », c'est-à-dire d'abord le don par le Christ de sa propre vie, au Calvaire, à toutes les générations jusqu'à « la Résurrection des morts » à la Fin des temps. Miracle — Rédemption - Jugement dernier: l'éternel Dessein de Dieu doit passer par ces 3 étapes, chronologiquement distinctes, mais unies dans une même visée. Aussi « l'Oeuvre » ou « les Oeuvres » peut désigner suivant le cas, soit l'une ou l'autre de ces étapes, soit les trois à la fois (par exemple au § 291 ss, et ici même).

donner la vie à qui il veut: Ne signifie pas une limitation arbitraire (odieuse), mais l'initiative et la liberté d'un amour entièrement gratuit, sans autre condition qui tiendrait à nous (// Ps 18,20 Ps 18,23 1Jn 4,19).

Jn 5,22-23 // Ps 72,1-4 Ac 10,42 — Le jugement n'apparaît ici qu'en seconde ligne : Premièrement Dieu et son Christ donnent la vie, premièrement la Résurrection. Le Jugement vient seulement en conséquence, à preuve v.24*. Et il ne tient qu'à nous que la justice divine soit justifiante (// Ps 18,23).

Juger est une des prérogatives universellement reconnues propres à Dieu. Mais le Ps 72 l'annonçait déjà comme transmissible au « Fils du Roi », de même que Dn 7,13-14 au « Fils de l'homme » (v.27*). Les Apôtres eux-mêmes y seront associés (§ 251 ) — Mt 19,28*). Mais le psaume doit surtout nous éviter de ne voir en ce Jugement que ses contrecoups négatifs. Lui aussi est essentiellement secourable et sauveur, surtout pour ces « pauvres » qui, livrés à eux-mêmes, n'auraient pas de quoi répondre à « l'Accusateur » (le < Satan >*).

afin que tous honorent le Fils comme... le Père: De l'unité d''action (dans < l'Oeuvre >), on est remonté à l'unité de prérogative ou de pouvoir (le Jugement étant exercice d'un < Pouvoir >, cf. v. 27*), donc d'honneur, tout cela découlant de l'unité à.'Être, trinitaire: « Par la similitude absolue de ses oeuvres, le Fils se montre en tout pareil au Père afin d'apparaître également par là héritier de son essence. Il doit être nécessairement et sans contradiction reconnu Dieu par nature, ayant la même puissance que le Père » (Cyrille d’Alexandrie, cité A. Feuillet, loc. cit.). Sur le rapport: < Honneur > ou < Gloire > et < Être >, cf. § 150 ) — Jn 5,40-44, J.Guillet.

Envoyé: Titre du Messie, dans l'oracle d'Isaïe que Jésus s'est appliqué pour définir sa < mission > (§ 30 ) — // Is 61,1*). C'est pour Saint-Jean une autre façon de rappeler que, dans l'Oeuvre de Salut où sont solidaires « qui envoie » et « qui est envoyé », l'initiative, l'amour, vient du Père (§ 78 ) — Jn 3,16*).

Jn 5,24) — Pour éviter l'examen terminal — car « qui donc pourrait se justifier devant Dieu » (Jb 9,2-4 — la seule Voie nous est indiquée ici : prévenir le Jugement, « passer de la mort à la vie » dès ici-bas, maintenant. Pour cela, croire, au sens que précisera Jn 6,28-40*, dans un contexte semblable. Parole nous en est donnée, par le solennel « Amen, amen je vous le dis ».

Jn 5,25-29) — L'heure vient, et c'est maintenant: se profilent, par-delà le « maintenant », où tout peut déjà se décider (v.24) : « l'Heure » qui, dans Saint-Jean est celle de la Passion (§ 29 ) — Jn 2,4*) et qui « vient » déjà, comme Jésus l'annonçait aussi à la Samaritaine (§ 81 ) — Jn 4,21*) ; enfin, à l'horizon, pointe aussi l'Heure ou < Le Jour > du Jugement dernier. Ce sera dit en clair aux v.27-28, introduits eux aussi par « l'Heure vient »; mais dès ce verset 25 « toutes les données appartiennent au décor du Jugement dernier: jugement, mort, résurrection, la voix, le Fils de Dieu » (Bussche, p. 231). Tout cela se tient, ne formant qu'une même « Oeuvre » de Salut.

Jn 5,26) — Légitimation de ce qui précède: « Agitur sequitur esse ». C'est parce qu'il est la Vie que Dieu (et son Verbe: Jn 1,4*) peut la « donner ».

Jn, 5,27 // Da 7,13-14 — Le Pouvoir: C'est l'< Exousia > dont Jésus se réclamait déjà lorsqu'il remettait au paralytique ses péchés, au même titre de « Fils de l'homme » (§ 40 ) — Mc 2,10*). « En un cas comme dans l'autre, concluait A. Feuillet, c'est l'être divin de Jésus qui nous est suggéré. Il y a moins de distance qu'on ne croit entre Jean et les Synoptiques » (L'Exousia...p. 188). Noter qu'au v.25, Jésus s'était nommé « Fils de Dieu »: il n'y a pas opposition, car « Fils de l'homme » apparaît en Dn 7,13-14 comme un être céleste — la mention de < l'homme > présageant ce que nous savons maintenant être l'Incarnation.

p. 389

§ 150. Les témoins du christ: Jn 5,31-47


(Jn 5,31-47)

— Notre foi répond au témoignage, en particulier de Jean-Baptiste: c'était net dès le Prologue de Saint-Jean (1,7 c* et 14 c-d*, J. Guitton). Dans le procès engagé contre le Christ, à partir des v.16-18, Jésus cite maintenant ses témoins, au sens juridique de ce mot: Jean-Baptiste (v.33-35), Moïse et les Écritures (v.39-47) ainsi que ses « Oeuvres » elles-mêmes (v.36). En somme, c'est l'argumentation par « les prophéties et les miracles » de l'apologétique traditionnelle, suivant en cela cet Évangile.

Mais Jean-Baptiste est « l'envoyé de Dieu pour rendre ce témoignage » (Jn 1,7 Jn 3,28). « C'est de Dieu que Jean avait appris ce qu'il disait » (chrysos-tome: Sur Jn, Hom. 40,2) — Vives, 13,586). Il est « la voix » de Dieu, tout comme les < Pro-phètes > et toute l'Écriture. Non moins directement, à travers « les Oeuvres » du Christ, c'est le Dessein de Salut du Père qui se manifeste en se réalisant, comme l'affirment si fortement les versets précédents (§ 149 *). Plus tard, ce sera « l'Esprit de vérité qui vient du Père, qui gagnera le procès (§ 330 -Jn 15,26 et 16,8-11*).

Par conséquent, « les différents témoignages dont parle Saint-Jean constituent au fond un témoignage unique : celui que le Père a rendu à son Fils. Il s'exprime et se réalise dans l'histoire par différents témoignages humains, de /'a.T. à l'Église ; il s'accomplit dans le témoignage du Christ, qui à son tour se continue et se prolonge dans celui de l'Esprit (\. de la potterie: La notion de témoignage... p. 202).

Ceci est capital. Une foi basée sur des témoignages seulement humains n'aurait de certitude qu'humaine, donc faillible et limitée — comme l'est, dans les meilleurs cas, la science humaine elle-même. Mais si le témoignage, « prenant sa source dans le Père et s'opérant dans le Fils, s'achève dans l'Esprit » (D. Mollat, Bj), non seulement il est parfaitement « digne de foi », mais ce qu'il révèle est la Vérité même, infaillible, totale, unique; et notre foi s'avère aussi solide, incassable, que l'est Dieu même !...

Jn 5,31-32.34.37 (cf. 8,13-14) // Pr 27,2 Ps 89,38 — Principe juridique évident, renforcé dans la Loi par le recours obligé à 2 ou 3 témoins concordants (§ 342 ) — // Dt 19,15 Dt 19,18 Nb 35,30 et l'histoire de Suzanne, Da 13). D'emblée, par-delà tout témoignage « d'un homme » (v.34), c'est bien au témoignage de son Père que le Christ en appelle, comme il le dira en clair au v.37.

Jn 5,33.35 // Si 48,1 Ps 132,17 — Vous avez envoyé consulter: comme au v. 39, « vous scrutez les Écritures ». Argument ad hominem aussi actuel que jamais: être « en recherche » ne sert à rien si, devant les témoignages concluants, l'on ne passe pas à l'acte de foi.

1° témoin: Jean a rendu témoignage à la vérité: « Datif d'avantage », signifiant « une prise de position en faveur de la vérité » — au sens très précis de ce mot de < Vérité > dans Saint-Jean, comme de « la révélation du Messie en Israël » (Jn 1,31) pour « faire savoir qui est le Christ, considéré comme la plénitude de la révélation des derniers temps » (I. de la Potterie: Vérité 1P 91-100).

la lampe: Cyrille d’Alexandrie: Sur Jn m (pc- 73,401): L'Écriture compare saint Jean-Baptiste à une lampe, parce qu'il a brillé pour éclairer l'avènement du Christ, mais non pas brillé de sa propre flamme : car la lumière d'une lampe n'appartient pas à cette lampe, elle lui est donnée d'ailleurs... La Lumière qui est lumière par nature, c'est le Fils Unique, car il luit de la lumière du Père.

vous réjouir pour un moment à sa lumière : Alors que Jean-Baptiste prêchait d'aller à la Lumière (Jn 1,7), à L'Époux et à la joie de ces noces spirituelles (Jn 3,28-30). Rappel aussi de la semence tombée sur le sol pierreux, et « reçue avec joie », mais « pour un temps » seulement, sans porter de fruit (§ 129 ).

Jn 5,36-38 // Is 43,10 1Jn 5,9-10 — 2° témoin: les « Oeuvres » que le Père m'a données (§ 149 *). Le // Is 43,10 est cité d'après l'interprétation d'iRÉnée (Adv. Hoer. IV, 5, l) s'appuyant sur la version de la Septante (Version tm, en // à § 1 ) — Jn 1,6-8, ou au § 366 ).

Sa voix, vous ne l'avez jamais écoutée: cf. au § 309 , Cyrille d’Alexandrie mettant en // La voix entendue sur le Sinaï (Ex 19,19) et Jn 12,28…

Jamais vu: Jn 1,18*. Sa parole, vous ne la possédez pas: // Jr 8,8-10,

Cyrille d’Alexandrie: Sur Jn m (PG 73, 417-420) : Comment ne seraient-ils pas convaincus d'avoir renié le Verbe du Dieu Vivant et subsistant, eux qui n'ont pas reçu la foi, mais ont traité avec mépris le Sceau de Dieu et du Père, et ont dédaigné de contempler sa très véritable Image à travers les actes de sa puissance divine? Car nous n'avons pas d'autre moyen de saisir la nature divine ineffable, si ce n'est par les choses qu'elle opère et accomplit. Et le Sauveur nous donne le moyen de le saisir quand il dit : « Si je ne fais pas les oeuvres de mon Père, ne croyez pas en moi ; mais si je les fais et si vous ne voulez pas croire en moi, croyez à mes oeuvres.'»... Et il réprimande son disciple — Philippe — parce que celui-ci espérait voir Dieu et le Père < autrement >, alors qu'il lui était loisible de contempler son Image immuable, qui en elle-même exprime parfaitement le Père : « Depuis si longtemps je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe? Qui me voit, voit le Père ».

demeurant en vous: Par la foi (ici) ; ou par la communion eucharistique (Jn 6,56 et 15,4); ou par l'amour de Dieu et du prochain (Jn 15,9-10).

Jn 5,39 // Le \,69-73 ; 1P 1,10 — Dans les Écritures, vous croyez posséder la vie éternelle: À condition de les « mettre en pratique »: Dt 4,1 etpassim.

Elles me rendent témoignage: 3° témoin. C'est le principe même de la « Bible chrétienne », certifié par le Christ, ici et en Lc 24, 27 et 44-48. « Jésus apparaît chez Jean comme le centre et la fin des Écritures... Ce témoignage des Écritures ne désigne pas seulement pour Jn l'annonce prophétique des faits et gestes accomplis par Jésus... Il désigne aussi, et beaucoup plus profondément encore, les figures prophétiques du Christ, dont les Écritures sont pleines. Il signifie que l'histoire d'Israël est tout entière rapportée à Jésus, qu'elle n'a de sens, de cohésion et de valeur sinon en lui et par lui » (D.Mollat, Et. Jo. p. 17).

Chrysostome: Sur Jn, hom.41 (Vives 13,593): Le Christ ne dit pas seulement: « Lisez les Écritures », mais: « Scrutez-les ». Il renvoie ses interlocuteurs à une étude approfondie ; car, aux Anciens, certaines prophéties concernant le Messie n'étaient annoncées que sous l'ombre du mystère. Il ordonne de creuser, afin de trouver le trésor caché. Et il ne dit pas « dans lesquelles vous avez la vie », mais « vous croyez avoir la vie », leur montrant qu'ils ne gagnent pas grand-chose à la seule connaissance, et ne peuvent être sauvés par les Écritures s'ils ne croient pas aux Écritures.

Jn 5,34 b. 40-44 // Mt 11,28 — Tout au long de ce plaidoyer accusateur, transparaît la sollicitude impuissante du < Sauveur > : Il est venu pour sauver (Jn 3,17), et c'est dans ce but encore qu'il parle présentement (v.34 b): «pour que vous ayez la vie » (v.40). Il l'a en lui-même (v.26); Il est la Vie (Jn 1,4 Jn 14,6); Il veut la communiquer, la donner, l'engendrer. Mais Il est désarmé devant la mauvaise volonté : « Vous ne voulez pas... » Une des phrases les plus découragées de l'Évangile. Venir à moi: c'est l'appel de // Mt 11,28 -cf. § 111 *.

La Gloire... pas des hommes... du Dieu unique: Éclairante opposition. Ce qu'évoqué le plus généralement pour nous « la gloire », « c'est le renom, le bruit que font les grands personnages », bref, la gloire assez extérieure que l'on tient de l'admiration des autres. Mais dans la Bible, « ce mot suppose toujours quelque chose de substantiel et d'authentique. C'est le poids d'un homme dans le monde, l'autorité de sa parole, l'influence de ses gestes, le retentissement de son action... La gloire d'un homme, c'est ce qu'il vaut et ce qu'il peut... Pouvoir qui s'impose par lui-même et se fait spontanément reconnaître, force sûre de son droit et du bien qu'elle produit, rayonnement d'une grandeur indiscutée : c'est la gloire » (J.Guillet: Jésus-Christ... p. 35-36).

S'il en est ainsi, on comprend que la Gloire véritable, comme l'Être, « vient du Dieu unique », et qu'elle doive être cherchée en Jésus, puisqu'« en Lui se trouve cette Gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique » (), venu en son Nom (v.43). « La gloire, je ne la reçois pas d'un homme, cela veut dire : Je n'en ai pas besoin ; une petite lampe n'ajoute rien à la Lumière » (Chrysostome, ). Le drame auquel nous fait assister cet Évangile est celui des Hébreux qui, au Sinaï, « échangèrent leur Gloire (= Dieu et l'Alliance qui leur donnait part à cette Gloire) contre l'apparence d'un ruminant », le Veau d'or (Ps 106,20).

Jn 5,45-47 // Dt 31,26 Ac 7,37 — Moïse: par-delà l'invective des v. 40-44, retour au 3° témoignage, celui des Écritures, cette fois personnalisé. De fait, non seulement Moïse avait expressément laissé le Livre de la Loi comme témoin (à charge contre ses transgresseurs : // Dt J31), mais il avait aussi annoncé Jésus comme le Prophète à venir (// Ac 7,37 Ac 7, y applique donc déjà au Christ Dt 18, 18-19, donné en // au § 311 ). Mieux encore, c'est Moïse lui-même qui préfigurait le Christ:

Cyrille d’Alexandrie: Sur Jn III(PG 73, 429-432): La médiation de Moïse, serviteur qui présentait au peuple les commandements divins, fut instituée pour soulever la faiblesse des hommes de ce temps-là. Réfère le type à la vérité, et tu liras entre les lignes le Médiateur de Dieu et des hommes, le Christ: il se fit serviteur, quand il naquit pour nous d'une femme, et de sa voix humaine présenta à tous ceux qui voulaient bien l'entendre la volonté du Père: volonté ineffable mais qui lui était connue, à lui, de manière unique, parce qu'il est le Fils et qu'il est la Sagesse, connaissant tout, même les profondeurs de Dieu (1Co 2,10). Parce que nous ne pouvions voir des yeux du corps la gloire divine et ineffable de la déité qui est au-dessus de tout, la Gloire pure et nue -L'homme ne peut voir ma face et vivre, dit l'Écriture — il fut nécessaire que le Verbe de Dieu, l'Unique Engendré, prenne la forme de nos faiblesses, revêtu de ce corps mortel suivant une dispensation ineffable, et nous manifeste la volonté d'en-haut, c'est-à-dire de Dieu et son Père, en disant: « Tout ce que j'ai entendu de mon Père, je vous le fais connaître » (Jn 15,15)...

Donc, en tant qu'image de la médiation, Moïse doit être tenu pour type du Christ, car il présenta aux fils d'Israël les commandements divins ; mais la médiation de Moïse était celle d'un serviteur, celle du Christ, au contraire, est libre et mystique, du fait que par nature il touche aux deux termes dont il est Médiateur, à savoir l'humanité et le Père, Dieu. Le Christ est en effet Dieu par nature, au titre de V Unique Engendré de Dieu, non séparé de la substance du Père, et existant en cette substance même, et conçu de cette substance. D'autre part il est homme parce qu'il s'est fait chair : il s'est fait semblable à nous afin de conjoindre à Dieu, en lui, ce qui était très éloigné de Dieu.

Quand Moïse dit : « Le Seigneur vous suscitera un prophète comme moi », tu ne dois pas comprendre autre chose que ce que nous venons de dire.

Si quelqu'un veut contempler en d'autres épisodes le mode de cette similitude, qu'il comprenne dans ces mots « comme moi » [Moïse) le Législateur, et qu'il continue la démonstration en rapprochant ces deux enseignements : « Il a été dit aux anciens < Tu ne commettras pas l'adultère > — mais moi je vous dis : Tu ne convoiteras pas » (Mt 5,27-28). Il comprendra encore que ces mots « comme moi » désignent un chef, qui percevra tout ce que contient la volonté du Père, tout ce qui ouvre la voie vers le Royaume céleste, un peu comme le bienheureux Moïse fut pour les anciens « docteur de l'Économie de la Loi », couronnant toujours ses oracles par cette promesse : « afin que tu vives longtemps, et que le Seigneur ton Dieu te fasse entrer dans la terre qu'il a promise à tes pères ».


Jn 5,47) — Certains trouvent ces paroles obscures [comme si les Écritures de Moïse étaient de soi plus propres à emporter l'adhésion que les paroles du Christ]. En voici le sens : Si, possédant la Loi de Moïse écrite, et l'étudiant assidûment, vous la transgressez comme chose négligeable et noyez dans l'oubli ce que vous avez lu si souvent, comment pourrait-il se faire que vous soyez plus honnêtes envers mes paroles, ou plus intelligents et plus prompts à les recevoir, alors que vous n'êtes pas toujours là — ni même souvent — pour les recueillir, mais les entendez comme en passant, et les recevez à peine dans l'oreille du corps ?

On peut encore comprendre que les écrits de Moïse étaient une institution qui contenait sous une forme typique les mystères du Christ, avec des éléments qui projetaient comme l'ombre de cette connaissance dont nous avons parlé plus haut; et la fin de cette institution de la Loi était le Christ, ainsi qu'il est écrit: « Le Christ est la plénitude de la Loi et des prophètes » (Rm 10,4). Donc, dit le Seigneur, ceux qui ne reçoivent pas même les éléments du commencement des paroles de Dieu, et repoussent foilement la Loi qui les conduit par la lettre comme par la main, comment parviendraient-ils à une connaissance plus parfaite? Et comment saisiraient-ils ce qui est grand, s'ils ne saisissent pas ce qui est petit et inférieur ?

Irénée: Adv. Haer. IV, 10,1 (SC 100, p. 493): Le Fils de Dieu est semé partout, dans les Écritures de Moïse. Tantôt il s'entretient avec Abraham, tantôt il donne à Noé les mesures de l'Arche, tantôt il cherche Adam, tantôt il fait tomber le jugement sur Sodome ; il se manifeste guidant Jacob dans son voyage ; et du buisson, il parle à Moïse. Ils sont innombrables, les textes où Moïse désigne le Fils de Dieu : il n'a pas même ignoré le jour de sa Passion, mais d'avance il l'a annoncé symboliquement en l'appelant « la Pâque »; et c'est ce jour-là même, proclamé si longtemps d'avance par Moïse, que le Christ a souffert, accomplissant la Pâque. Et Moïse n'a pas seulement noté le jour, mais aussi les temps qui sont les derniers, et le signe du coucher de soleil, en disant : « Tu ne pourras immoler la Pâque dans l'une quelconque de tes villes que le Seigneur te donne, mais seulement dans le lieu que le Seigneur ton Dieu aura choisi pour que son Nom y soit invoqué. Tu immoleras la Pâque le soir, au coucher du soleil » (etc.).

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Bible chrétienne Evang. - § 146-147. Hérode, Jésus et Jean-Baptiste: Mt 14, 1-12; Mc 6J4-29; Lc 9,7-9