Bible chrétienne Pentat. 3330
3330 Lv 26)
Pour conclure la Loi de l'Alliance, les effets possibles. On en retrouve l'équivalent en Dt 27 et surtout 28 que, pour cette raison, nous mettons en // ici-même. C'est encore le thème du Cantique de Moïse (Dt 32). On sait que la suite de l'Histoire Sainte devait vérifier toutes ces éventualités, jusqu'au temps du Christ inclusivement.
Au départ, le rappel de la Loi fondamentale: l'Alliance avec Yahvé, seul vrai Dieu, est exclusive de tout culte aux idoles (Ie et 3e commandements du Décalogue, énoncés à nouveau, v. 1-2). Les avertissements iront en crescendo, pour exalter l'Alliance et la fidélité de Yahvé, même devant l'infidélité des nommes et leur endurcissement: « Si après cela vous ne voulez pas m'écouter... » (v. 18.21.27). « Si après cela vous n'êtes pas corrigés... » (v.23).
En tout cela, il s'agit surtout de savoir qui aura raison de l'orgueil — et c'est pourquoi Dieu sera plus terrible encore pour les nations qui — simple instrument des peines pédagogiques infligées à Israël pour qu'il se convertisse et qu'il vive — tomberont elles-mêmes dans l'illusion de l'orgueil (Dt 32,32-42).
Lc 26,3-13 // Dt 1,13; 28,2-11; Is 1,19 — Les Bénédictions: Elles sont de 3 ordres :
— 1 ) Abondance du fruit, de la terre et des troupeaux mais aussi du ‘fruit des entrailles': Je vous ferai porter du fruit et je vous multiplierai (v. 9): C'est la Bénédiction * initiale d'Adam — « Faites du fruit et multipliez » — et des Patriarches (cf. Gn Gn 27,27-29 * ).
— 2) La paix et la supériorité sur les ennemis = possession de la Terre, second terme de la Promesse faite à Abraham (Gn 12,1 Gn 12,6-9).
— 3) Le fruit propre à l'Alliance: l'union à Dieu (v. 9.11-13): Je me promènerai au milieu de mon peuple (v. 12) rappelle le Paradis terrestre, où Dieu « se promenait à la brise du soir » (Gn 3,8 * ), et annonce l'Incarnation en même temps que la vie du ciel (// Ap 21,3-4 / Ni = sens messianique et eschatologique).
Lv 26,14-39 // Dt 28,15-20 Is 1,20 — Z-é-j Malédictions sont, à l'inverse ,
— 1) Stérilité du sol, des troupeaux, mais aussi privation des enfants (v. 22), comme il était arrivé aux Égyptiens (10e plaie d'Egypte — sur cet aspect de la malédiction, voir plus bas, à Lv 26,29 * ).
— 2) Domination des ennemis, et exil de la Terre (de la Promesse)
— 3) Fléaux, famine, peste, et par-dessus tout, rupture de l'Alliance (v. 15). Mais dans un but doublement médicinal:
a) pour la Terre de la Promesse: elle a été « assujettie par les hommes à la servitude et à la corruption » (Rm 8,20-21). Une fois emmené Israël en exil, elle pourra revenir au Repos (Sabbat) de Dieu (y. 34-35 et 43 — la répétition par 5 fois du mot Sabbat en 2 versets, accuse bien le péché fondamental des nommes refusant le culte dû à Dieu, de par la Création et l'Alliance).
b) pour Israël même, l'Exil sera le moyen d'un Retour à Dieu ( = conversion = pénitence = confession des péchés = réconciliation): v. 40-45.
a) et b) se tiennent d'ailleurs, de par la solidarité entre l'homme et la terre: « Seigneur, tu as béni ta Terre / Tu as fait revenir les captifs de Jacob... » (Ps 85, le de la réconciliation).
/ Lc 6,20-26 — Montre que l'Évangile aussi propose le même choix entre les Deux Voies de Bénédiction et Malédiction (qui ne sont pas moins terribles : cf. // Mt 11,20-22).
Vous qui maintenant pleurez, vous rirez (Lc 6,21): Cf. Sara, frappée de stérilité, qui enfante Isaac, « l'enfant du rire »...
Vous qui maintenant riez, vous vous lamenterez (v. 25) : L'Évangile ne proscrit évidemment pas la joie saine et pure, fruit de l'Esprit, mais le rire sarcastique, démolisseur, ‘bête et méchant’, le ricanement satanique des « rieurs maudits » (Ps 1,1).
Les autres parallèles se répartissent ainsi :
— // Am 4,6-12 est la reprise, au temps des prophètes, des malédictions de Lv 26 et Dt 28. Et le vers final : Prépare toi à rencontrer ton Dieu, Israël confirme que les pires châtiments sont une rencontre de Dieu, pour notre Salut, si nous savons les reconnaître comme tels. Ainsi l'Enfant prodigue...
— // 1R 8,46-51 — Le retour et la réconciliation sont encore une éventualité dans cette prière de Salomon, donc au plus beau temps de la Bénédiction d'Israël. Mais après l'Exil, elle se vérifiera (// Dn 9,4-19; cf. 3,26-45 ou Ne 9).
Lv 26,29 (et de même Dt 28,53-57) — Vous mangerez la chair de vos fils et de vos filles: Se réalisera durant le siège de Samarie (2R 6,28-29). Jérémie ou Ézéchiel l'ont prophétisé pour Jérusalem (Jr 19,9 Ez 5,10). Et de fait, Baruch l'atteste, et le rapporte à la Malédiction annoncée (2,1-3 ; cf. Lm Lm 2,20).
Mais Jérémie annonce le malheur comme un châtiment de l'abomination commise par Israël en sacrifiant ses fils en holocauste à Baal (Jr 19,5). Et D. debuisson, dans son étude sur le Péché Originel (cf. Gn 3,6*) montre que ce culte ne se bornait pas à « passer au feu» les victimes: il fallait encore y communier en mangeant de leur chair. Il cite Sg 12,3-6 qui certes s'applique aux Cananéens, mais aussi Ez 16,20 et 23,37, qui accuse Jérusalem d'avoir eu les mêmes pratiques abominables.
Manger le fruit des entrailles apparaît ainsi comme le paroxysme de la malédiction qui a d'abord frappé de stérilité la Terre, chassé d'elle ses habitants, si même cette terre ne les a pas dévorés, au sens où la terre ‘mange’ les cadavres (Lv 26,38-39). Comment ne pas conclure avec D. Debuisson que c'est le même schéma que celui du Péché Originel: manger le fruit défendu, voir la Terre produire des ronces plus facilement que du blé, être chassé du Paradis, et finalement mourir pour redevenir poussière.
Ainsi, de même que la Bénédiction nous reportait au « Faites du fruit et multipliez » de la création, la Malédiction nous ramène à la dé-création du Péché Originel, suivant l'alternative qui est celle de toute l'histoire humaine, préfigurée aux ch. 4 à 11 de la Genèse (Voir Introd. à ces chapitres).
Mais cette alternative reste donc ouverte à un retour, une Réconciliation, au Salut qu'apportera le Messie. Nous en assure la grande prophétie, à coup sûr messianique, d'Ézéchiel 36: avant de promettre purification, sanctification, don d'un coeur et d'un Esprit nouveau (versets donnés en // à Lv 22,31-33), Dieu rappelle l'antique malédiction, pour la déclarer abolie: « Parce qu'on dit de toi:’tu es une mangeuse d'hommes, tu as privé ta nation de tes enfants', eh bien ! tu ne dévoreras plus d'hommes, tu ne priveras plus ta nation de tes enfants, oracle du Seigneur Yahvé » (Ez 36,13-14). Et de fait, avec la Bénédiction retrouvée, la Terre produira son Fruit (v. 29-30). Le fruit des entrailles de la Vierge Marie deviendra le pain de vie, que réclamaient en vain les enfants de Jérusalem assiégée (Lm 2,12 Lm 4,4) — Tout ceci inspiré de D. Debuisson.
D'une Alliance à l'autre, et d'un bout à l'autre de l'histoire humaine, c'est la même séquence fondamentale: élection — création, Alliance, Bénédiction (ou malédiction). C'est le drame exemplaire de L'annonce faite à Marie, de Claudel, et premièrement celui de la Vierge elle-même: « Pleine de grâce » (élection), le Seigneur est avec toi (Alliance), tu es bénie, et béni le fruit de tes entrailles... »
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Dans la Bible hébraïque, ce 4° Livre du Pentateuque est désigné par ces mots tirés du 1 ° verset : Dans le désert. Pour la Septante ou la Vulgate, il s'appelle: Les Nombres. L'un et l'autre de ces titres nous indiquent le double objet de ces textes.
Dans le désert, situe d'abord le cadre géographique et historique de ce Livre. Au départ (Nb 1,1 Nb 10,33), on se trouve encore au Sud de la péninsule sinaïtique où, du moins suivant la localisation traditionnelle, eut lieu l'Alliance (Ex 19 ss.) et la constitution des libérés de l'esclavage d'Egypte en un peuple ayant son culte (Ex 25 ss.), sa législation (Lv) et son organisation sociale (Nb 1 à 10). De là le Peuple de Dieu remonte vers le désert de Parân (Nb 13,3) et Cadès (20,1 ), et sans doute plus haut encore vers le Négeb, avant d'obliquer vers l'Est, au-delà de la dépression de la Mer Morte, vers « les steppes de Moab » (22,1 ; 36,13). Il conquiert alors cette « transJordanie » qui l'établit face à Jéricho, la première ville que prendra Josué.
C'est dire qu'après l'Exode et le Lévitique centrés sur la Pâque, le passage de la Mer et l'Alliance, Dans le désert est le Livre consacré à l'histoire d'Israël entre l'événement du Sinaïet la conquête de la Terre Promise.
Il est d'autant plus caractéristique du propos de l'Écriture Sainte que, malgré tous ces repères géographiques ou historiques, après plus d'un siècle d'érudition admirable pour tirer de ces données l'itinéraire et la chronologie de la longue infiltration des tribus israélites vers la terre de Canaan, on ne puisse que conclure avec J. de Vaulx: « L'état actuel de la documentation et des études ne peut pas encore donner aux (diverses) hypothèses une valeur de certitude ». Preuve nouvelle, confirmant la lecture tant juive que chrétienne de toute la Bible, que si « la valeur historique de nombreux points particuliers » semble solide, tout est dit et rappelé en fonction d'une « vision religieuse qui n'est en aucune manière historique », parce qu'au lieu de viser à éloigner de nous, dans un passé tri-millénaire, ce qui s'est alors passé, la Parole inspirée du Dieu « qui ramasse en un seul coup d'oeil tous les siècles » nous révèle la portée toujours actuelle de ces vieux récits, suivant « l'actualisation » constante qu'en feront tour à tour les prophètes, le Deutéronome et les Sages d'Israël, le Nouveau Testament (notamment saint Paul), la tradition rabbinique ou patristique (Les Nombres, p. 21-22 et 29 — en concordance avec notre Introduction Générale).
L'histoire prend donc ici valeur exemplaire (morale) et mieux encore typologique (annonciatrice du Mystère de Salut), que nous avons à vivre plus complètement encore dans notre participation à la Pâque du Christ. Si l'Exode sera chanté par les Prophètes comme le temps bienheureux des « fiançailles » au désert (Os 2,16-17 Os 11,1-4 Jr 2,2-3, etc. ), si le Deutéronome y verra un apprentissage de la foi et de l'espérance en Yahvé, berger de son peuple (Dt 8), Dans le désert nous en montre la grande tentation, qui est celle du découragement et du murmure (cf. surtout Nb 11 à 17, et 21). C'est bien ainsi que nous apprennent à le lire le ch. 10 de la 1 ° aux Corinthiens ou l'Épître aux Hébreux, ch. 3-4: L'épreuve du désert, c'est encore un « aujourd'hui » pour notre destinée personnelle comme pour l'Eglise de notre temps, comme c'était déjà aussi un « aujourd'hui » sans cesse renouvelé pour l'auteur du Ps 95,7-11 et pour ceux qui le récitent à leur tour. Saint Benoît prévoit même que les moines le mettent quotidiennement en tête de leur prière... comme un rappel de leur vocation permanente: «Aujourd'hui n'endurcissez pas vos coeurs comme au désert... quarante ans cette génération me fut à charge... »
Les Nombres risqueraient de paraître lassants, d'autant plus qu'ils se présentent sous forme d'énumérations répétitives: liste des préposés au recensement (ch. 1°) ou des explorateurs de la Terre Promise (ch. 13) ou des étapes du désert (ch. 33); recensement ou offrandes, tribu par tribu, en des formules par conséquent douze fois reprises : double recensement des ch. 1-2 et 26; clans des lévites avec répartition de leurs fonctions (aux ch. 3 et 4,24-48); liste des offrandes pour la dédicace et pour les sacrifices quotidiens, hebdomadaires ou annuels (ch. 7 et 28-29); compte du butin pris à Madian (ch. 31,26-54); frontières de Canaan (ch. 34).
D'ailleurs les chiffres eux-mêmes ont une signification sans doute « conventionnelle ou symbolique » plutôt qu'arithmétique (cf. article « Nombres » dans vtb); quant aux noms propres, de personnes ou de lieux, même les érudits ont peine à retrouver trace de la plupart d'entre eux soit dans l'histoire soit dans la topographie. C'est pourquoi nous en avons beaucoup allégé le texte.
Mais on se tromperait du tout au tout en supposant que l'on puisse tenir ces énumérations pour négligeables. Elles doivent orienter notre méditation du texte sacré vers ce qui en est sans doute la révélation principale: à travers cette pérégrination dans le Désert, ce qui est en train de se forger, c'est le Peuple de Dieu dans sa continuité organique à travers ses générations successives.
Les recensements numériques ont en effet pour but exprès de rattacher « tête par tête aux clans et aux familles de chacune des tribus », remontant ainsi à Jacob, père des 12 ancêtres, lui-même fils d'Isaac et d'Abraham, fils de Sem, fils de Noé, fils de Seth, fils d'Adam.
Nous avions déjà souligné l'importance des généalogies du genre humain que nous ont conservé les premiers chapitres de La Genèse (Gn 4 et 10). Mais tout au long de la Bible, chaque personnage, chaque prophète, et le Christ lui-même, ou saint Paul, seront ainsi reliés à leurs origines ancestrales. Au moment d'aborder Les Nombres, il convient d'y revenir, pour mieux en comprendre le double enseignement que D. Barsotti nous aide à y découvrir, à propos des généalogies bien postérieures des Livres de Tobie ou d'Esdras.
D'abord, les générations forment une chaîne, qui nous rend solidaires de tous ceux qui nous ont précédé, comme de ceux qui nous suivront :
D. Barsotti: Tobie (p. 15 ss.): Le Livre de Tobie commence par une généalogie: Livre des actes de Tobit, fils de... fils de... Il se termine sur la vision de la Jérusalem future. On dirait que dans le monde hébraïque, l'homme est considéré dans la continuité du temps, plutôt que dans son rapport avec les choses. Le livre inspiré n'exclut certes pas que l'homme soit dans un lieu, vive dans une cité; il le dit dès maintenant, et il le dira plus expressément dans la suite; mais ce qui est surtout important pour le livre inspiré, c'est de voir comment l'homme est à la fois l'aboutissement de toutes les générations passées et la racine d'où procède ensuite une histoire.
L'homme est au centre de l'univers. Suivant la conception hébraïque, Jérusalem est le centre du monde (c'est une idée que nous retrouverons jusque chez Dante Alighieri). Le premier chapitre du Livre de Tobie parle du Temple, et du rapport qu'a l'homme avec le Temple de Jérusalem. Par là, l'homme est en rapport avec le centre. Il est également au centre en ce qui regarde l'histoire: dans le Temple se rassemblent les multitudes d'Israël, le cheminement de l'homme conduit au Temple.
Quand Tobie prend la parole, il se trouve déjà en exil, déporté à Ninive. L'homme est en exil. L'homme dans sa relation à Dieu est au centre du monde, mais le péché l'a décentré. De toute façon il reste au centre de l'histoire, parce que tout le passé conflue en lui, toutes les générations aboutissent à lui. Quelle importance ont les généalogies dans l'Ancien Testament ! Elles nous donnent un grand enseignement, même si leur lecture nous ennuie souvent: elles veulent nous enseigner comment l'homme est le terme dernier de tout un cheminement de l'histoire. Toute la longue suite du temps aboutit à lui: fils de ... fils de ... jusqu'à Adam. À propos de notre Seigneur lui-même, nous retrouverons ce procédé dans l'Évangile de saint Luc.
Suivant la Sainte Écriture, il n'est pas un Israélite qui ne soit le terme de toute une généalogie, remontant finalement jusqu à Adam. Dans la Genèse, toute la longue suite d'années entre la création et Abraham n'est autre chose qu'une généalogie. Très peu de faits: ce qui est important, c'est proprement cette chaîne qui, à travers les générations humaines, rattache l'homme à l'acte créateur.
Mais le Livre de Tobie ne nous dit pas seulement cela: il ne remonte pas seulement le cours du passé. Ici, l'homme est plutôt le point de départ du temps vers l'avenir: de cette conception vient le caractère prophétique qu'a l'histoire en Israël. En Israël, l'homme est prophète, non seulement il se relie au passé mais il porte déjà en lui tout l'avenir et il l'annonce. Le Livre de Tobie commence par une généalogie et se termine sur la prophétie de la Nouvelle Jérusalem. Il commémore le passé, et il se tend vers l'avenir. La vie de l'homme est un fragment du temps, mais cette parcelle du temps est liée à toute une progression qui la prépare et à toute une progression qui la suit. Tu es en communion avec celui qui t'a précédé, avec tes ancêtres, avec les hommes de la préhistoire ; tu es déjà en communion avec tous ceux qui viendront dans l'avenir, jusqu'à la fin. Non seulement chacun de nous, s'il vit en son centre, s'il vit sa relation à Dieu, porte en soi le monde entier, mais il vit déjà toute l'histoire, parce que l'acte de l'homme — la vie humaine — n'est pas séparable de l'histoire universelle, de toute la marche du temps.
C'est cette insertion dans la chaîne des générations, depuis Abraham surtout, qui nous habilite à être autant de chaînons successifs dans la transmission, la « tradition » de la Révélation et de l'Alliance:
D. barsotti : Thrènes — Esdras (p. 171 ) : La mission qui revient à Esdras n'est plus celle de construire le Temple, n'est pas encore celle de relever les murs de Jérusalem, mais d'observer la Loi et de la faire observer. Tel est le rôle très important du premier des scribes, Esdras, le fondateur du judaïsme, celui qui eut le mérite de transmettre la Torah et les autres livres inspirés. La tradition juive dit qu'il savait tout par coeur et qu'il fit transcrire tous les livres, dictant même ceux qui étaient perdus comme les Annales des rois de Juda et d'Israël.
Le judaïsme vit du souvenir; et ceci est l'élément fondamental qui distingue le judaïsme post-exilique. Le Chroniste qui a établi le texte et donné un ordre et une unité aux livres de la Torah a fait ce que feront plus tard dans la Sunna les docteurs de l'Islam. Pour cautionner le bien fondé et l'exactitude d'un texte, ils en justifieront la transmission. C'est ce que fait Esdras; d'où l'importance des généalogies. Plus qu'un élément historique, elles sont un instrument juridique remarquable. Si ce livre fait remonter jusqu'à Aaron la généalogie d'Esdras, c'est parce qu'il veut certifier la transmission légitime d'un pouvoir qui authentifie son message.
Le chapitre septième du Livre d'Esdras commence ainsi: « Après ces événements, sous le règne d'Artaxerxès roi de Perse, Esdras, fils de Seraya,fils de Azarya, fils de Hilqiyya, fils de Shallum, fils de Sadoq, fils d'Ahitub, fils d'Amarya, fils de Merayot, fils de Zerahya, fils de Uzzi, fils de Buqqi, fils d'Abishua, fils de Pinhas, fils d'Éléazar, fils du Grand Prêtre Aaron ... »
L'autorité d'Esdras dans sa mission vient du fait qu'il peut remonter jusqu'à Aaron, suivant une transmission ininterrompue du pouvoir sacerdotal. Pour l'hagiographe, ce qui importe le plus, c'est qu Esdras est le témoin qualifié de la tradition.
Son sacerdoce est ordonné surtout à un magistère. A la fin il convoquera avec Néhémie la Grande Assemblée pour la lecture du Livre de la Loi, que suivra la grande prière, l'une des plus solennelles de la Sainte Écriture.
La grande Assemblée convoquée par Esdras est l'Assemblée même de tout Israël au pied du Sinaï: le mystère de Dieu se communique au monde à travers la continuité de la vie.
Après la destruction de Jérusalem, il semblait que toute continuité avec le passé fût rompue, déchirée. En réalité, rien n'était rompu. La vie continuait. Le Temple était détruit, Jérusalem en ruines, Israël déporté, mais la transmission de la Loi et de la vie se continuait.
Le Christ lui-même se réclame d'une semblable habilitation en se présentant à nous comme « fils de David, fils d'Abraham, fils d'Adam, fils de Dieu » (Lc 3,23-38 / Gz, et 2,4 // Nb 1,1-3). Et puisque la Tradition doit se continuer à travers les générations du N.T., au moins les représentants les plus autorisés de cette tradition, à savoir les évêques et leurs prêtres, doivent être ainsi habilités par la succession apostolique, comme Irénée s'attache à le montrer pour son temps, et d'abord pour lui-même, disciple de Polycarpe, disciple de saint Jean, apôtre du Christ, fils de David etc... Il n'y a qu'une seule histoire, sainte de par ce rattachement même à l'Alliance du Dieu éternel avec Adam, renouvelée avec Noé, Abraham, David et le Christ.
Mais c'est une histoire, dont chaque chaînon représente non seulement un relais chronologique, mais un acquis dont hériteront les générations ultérieures. Qu'apportent donc les 40 années « dans le désert » à cette progression? — Une première réalisation de « la promesse faite à Abraham », et amorcée par les miracles de l'Exode et du Sinaï. En cela il y a homogénéité parfaite de la Genèse à l'Exode et aux Nombres, même s'il y a transposition de l'Alliance primitive avec les Patriarches et leur famille à celle d'Israël, désormais constitué en Peuple de Dieu.
La foule, indistincte au départ de l'Egypte, se trouve répartie en tribus par le recensement (ch. 1°). C'est d'abord une armée, puisqu'on relève les noms des adultes, capables de combattre. Dans ses campements (ch. 2) comme dans ses marches (9,11-28), elle doit se tenir en bon ordre. Mais plus fondamentalement, c'est une Communauté, un des mots qui revient le plus fréquemment, complété par celui d'Assemblée.
Certes, l'origine de cette communauté remonte en deçà des Nombres, comme le marque sa mention dès les premiers versets (1,16.18). C'est qu'elle est née de l'initiative même de Yahvé, délivrant les descendants de Jacob de l'esclavage d'Egypte, et leur confirmant par la révélation du Sinaï l'Alliance déjà impliquée par la première Pâque (notamment par les dispositions prévoyant la réitération annuelle de cette fête, en Ex 12,14 ss. — cf. Introduction à Ex 12*).
Mais le Peuple de Dieu ainsi constitué ne prend sa figure que par les Nombres. D'abord il se structure : des douze tribus, celle des Lévites et parmi eux la descendance d'Aaron, se trouve choisie, adoptée, mise à part — ou mieux: consacrée — comme représentant cette communauté devant Yahvé (ch. 3-4). Déjà on nous présente les lévites suivant les 3 degrés de leur hiérarchie: le Grand Prêtre, descendant d'Aaron, lui-même désigné par la floraison miraculeuse du rameau déposé dans le Saint des Saints (17,16-26); les prêtres, eux aussi « Fils d'Aaron, qui ont reçu l'onction sainte pour exercer le sacerdoce (Nb 3,1-4 cf. Lv Lv 8); enfin les lévites voués au service de la Tente de la Rencontre.
Peu importe que l'on reconnaisse dans cette hiérarchie l'organisation lévitique très postérieure, telle que la prédit Ézéchiel, et telle que la verra fonctionner le Second Temple, au retour de l'Exil. L'intention des rédacteurs inspirés du Livre des Nombres n'en est que plus manifeste de relier celle-ci à ses origines « dans le désert ».
De même si, contre les murmurateurs — de sa famille (ch. 12) ou du clan de Coré, Datân et Abiram (ch. 16) — Moïse est maintenu par Dieu comme le Médiateur par excellence (12,6-8 * ), au point que toute rébellion contre lui soit aussi contre Dieu (14,10-11), c'est qu'à travers lui se profile déjà le Christ, fidèle comme lui, et mieux encore que lui (He 3,2-5).
Car Israël n'est pas n'importe quel peuple, mais la Communauté rassemblée par Dieu, et qui se doit donc d'être sainte, à son image... Si les tribus composent une armée, c'est au service de Dieu, pour éliminer les Puissances du Mal. Dieu a lui-même englouti dans la mer Pharaon et son armée, exemple de la négation de Dieu et de l'endurcissement du coeur (cf. Ex 5,1-3* et 7-10 / Augustin). De même, dans la guerre sainte contre Madian (ch. 31), quand Moïse exige qu'on sacrifie aussi les femmes, c'est « qu'elles ont été cause que les enfants d'Israël se sont pervertis en reniant Yahvé, dans l'affaire de Péor » (cf. ch. 25). Si atroce que soit le châtiment, ce n'est pas l'étranger qu'il vise, par quelque préjugé raciste. À preuve son intégration possible: « Devant Yahvé, il en sera de vous comme de l'étranger. Il n'y aura qu'une loi et qu'un droit... » (15,15-16). Ce qu'il faut trancher, c'est seulement la contamination possible du mal. Et la solution ne sera pas moins radicale pour tout membre du Peuple saint surpris en flagrant délit: il doit être retranché, lapidé « en dehors du camp » (15,32-36). Si l'on trouve ce traitement excessif, c'est qu'on méconnaît la virulence du Mal dès qu'on lui accorde la plus anodine concession ou le moindre répit. L'Évangile même ne sera pas plus conciliant, ni moins impitoyable: « Si ta main ou ton pied sont pour toi occasion de péché, coupe-les... » (Mt 18). L'apparente sévérité de Dieu vise donc à nous préserver du Mal, trop contagieux pour qu'on ne doive pas l'extirper avec la plus extrême rigueur.
Les lois diverses, parsemées à travers les Nombres, et dont l'apparent désordre gêne nos esprits soucieux de clarté cartésienne, se mêlent au contraire à la pérégrination d'Israël en quête de la Terre Promise, comme pour mener plus intérieurement le Peuple de Dieu soit à une incessante purification (5,1-4; 9,6-12; 19,11-22) même des simples fautes d'inadvertance (15,22-29), soit à un accomplissement plus intègre de ce qui est dû au Dieu de son Alliance. Car ce serait trop partiel et mal engagé que de déléguer seulement les lévites au service de Yahvé: à tous revient de lui offrir au moins les oblations pour les sacrifices et les prémices (ch. 15) ou la dîme (ch. 18); à qui le voudra, l'engagement plus personnel des voeux ou même la consécration du 'naziréat'(ch. 6).
Bien mieux encore, ce n'est pas seulement aux 70 anciens que Moïse voudrait communiquer de l'Esprit qui le mène, mais à tous, de sorte que « tout le peuple de Yahvé soit prophète » (11,24-29). Plus tard Joël annoncera qu'un tel souhait, Dieu le réalisera dans sa munificence, au jour de la Pentecôte: « Que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ pour la rémission de ses péchés, et vous recevrez alors le don de l'Esprit, car c'est pour vous qu'est la Promesse... » (Ac 2,17-21 et 38-391 Bc — Joël cité à / Ny). Dans le désert et le Peuple des Nombres en quête de la Terre Promise, c'est l'Eglise et sa catholicité qui se profilent...
4100 Nb 1-11)
4110 Nb 1-2).
(Nb 1,1-3 — Coordonnées du Peuple de Dieu: Lieu, date, situation. En // , Lc Lc 2,1-5 parle d'un recensement bien différent, situant la sainte Famille sur fond universel, puisque Jésus vient sauver tout les hommes — mais dans la Descendance de David et d'Abraham, où il prend chair.
L'un et l'autre dénombrements préparent donc celui, définitif, des Élus inscrits « à ce livre de vie écrit par Dieu (Ex 32,32 Ph 4,3 Ap 20,12) et conservé aux cieux » (Dn 7,10; Lc 10,20) où sont inscrits les justes qui seront sauvés (Dn 12,1 ; Ml 3,16), véritables citoyens de Jérusalem (Ps 87,6 Is 4,3), mais d'où seront rayés les impies (Ps 69,29) et les faux-prophètes (Ez 13,9). Ainsi, dès sa première page, le livre des Nombres nous montre le peuple de Dieu en armes comme une communauté sacrale, hiérarchisée, prête aux combats eschatologiques » (J. de Vaulx, p. 63).
procope de gaza: Sur les Nombres (pg 87,795): Bienheureux celui qui aura été jugé digne d'être inscrit pour la Cité de Jérusalem : « Exultez de ce que vos noms sont inscrits dans le ciel! » (Lc 10,20). Le recensement fut fait par Moïse et Aaron afin qu'en tous les deux nous contemplions l'Unique Christ: en Moïse le Législateur, et en Aaron le Pontife suprême.
Nb 1,2 — Faites le dénombrement: théodoret: Questions sur les Nb 1, Pourquoi Dieu l'ordonne-t-il? — Pour démontrer la vérité de sa promesse. Car il avait dit à Abraham: «Je multiplierai ta descendance comme les étoiles du ciel et comme le sable du bord de la mer ». Donc ils étaient descendus en Egypte soixante-quinze, et après un court laps de temps on dénombre trois mille cinq cents cinquante hommes aptes au service armé. Comme preuve de sa puissance, Dieu dit par le prophète Isaïe: « Regardez Abraham votre père, et Sara qui vous a enfantés: il était seul, je l'ai appelé, je l'ai béni, et l'ai multiplié » (Is 51,2).
Nb 1,5-47 — Nous avons préféré l'énumération des tribus suivant le ch. 2, où se trouve donné en même temps et plus brièvement leur ordre respectif durant les campements, autour de la Tente de la Rencontre.
Nb 2 // Ap 21 — Rupert de Deutz: De Trinitate, In Numéros I, 3 (PL 167,840): Sur l'autorité de l'Écriture («... redoutable comme les camps d'une armée », Ct 6), nous pensons que le campement des tribus d'Israël figurait la sainte Église: « Juda plantera ses tentes à l'Orient...etc » Peut-on rêver plus bel ordre? À l'Orient, trois tribus d'Israël, à l'Occident trois tribus, au Midi trois tribus, et à l'Aquilon trois tribus. Et dans l'Apocalypse il est écrit de cette Sainte Cité de Dieu qui est l'Église: «À l'Orient trois portes, à l'Aquilon trois portes, au Midi trois portes, et à l'Occident trois portes » (Ap 21). La disposition des tribus d'Israël est donc une figure de cette plénitude de grâce dans laquelle l'unique foi reçoit maintenant ceux qui viennent de tous pays et de toutes nations, de tout sexe et de tout âge.
Après l'idolâtrie du Veau d'Or, Moïse emporte la Tente de la Rencontre et la plante « hors du camp » : indication réitérée (Ex 33,7) pour marquer son importance et sa signification d'un éloignement, d'une distanciation d'Israël d'avec son Dieu. De même, à la suite des murmures contre la manne (Nb 11,4-9, cf. Ex Ex 16), nous voyons encore la Tente hors du camp: autour d'elle Moïse réunit les 70 anciens seulement (Nb 11,24-26). Il est d'autant plus notable que, dans la constitution du Peuple de Dieu, elle soit au centre du camp formé en carré de 4 fois 3 tribus. Suivant la perspective eschatologique ouverte dès le ch. 1°, un tel camp préfigure la Jérusalem céleste aux 3 fois 4 portes et aux 12 assises, dont l'Agneau est à la fois le Temple et la Lumière (cf. Rupert).
Mais il y a cette distance des Nombres à l'Apocalypse que, dans le désert, l'Israël de Dieu marche en bon ordre, vers la Terre Promise (10,11-28). De même, durant toute l'Ancienne Alliance, les tribus monteront à Jérusalem (// Ps 122). Jésus, lui aussi, « tourne résolument sa Face vers Jérusalem », où il s'en va donner sa vie pour nous. Ce n'est qu'au terme de tous ces cheminements et de nos propres combats (encore évoqués dans les 20 premiers chapitres de l'Apocalypse) que tout le Peuple de Dieu de tous les temps sera « debout aux portes de la Jérusalem éternelle » (// Ps 122).
procope de gaza: Sur les Nombres (pg 87,798): Chaque tribu était rangée à la manière d'une armée. Chacune avait sa place, son chef, son dénombrement connu, de manière à pouvoir aller et venir en gardant l'ordre. En outre, on voyait ainsi, dans chaque tribu, combien partaient, combien restaient sur place, combien tombaient au combat.
L'ordre de marche (10,12-18) est en effet le même que durant le campement, avec Juda en tête: Tous les premiers-nés portent en eux la figure du Christ. Premier-né... Juda est placé avant Ruben ... Il tient la première place parce que c'est de lui que le Christ est né selon la chair (Ibid. 795-98).
4112 (Lv 1,49-53 Lv 3-4)
Nb 1,49-52 Nb 3,5-9 Nb 12-13 — Le Livre des Nombres reviendra plusieurs fois, longuement, soit sur la répartition et les attributions des lévites (ch. 4), soit sur leur investiture et leur temps de service (8,5-26), soit sur la responsabilité des prêtres et leur part dans les sacrifices ou la dîme (ch. 18), soit enfin sur les villes et territoires attenants qu'ils devront recevoir en Terre Promise (ch. 35). Ainsi est définie la situation de la tribu de Lévi, à part des autres, de par sa vocation et son service; mais par là-même plus mêlée aux autres tribus au milieu des territoires que chacune recevra comme son héritage propre.
La mission des lévites est en effet de servir la Tente de la Rencontre, plus tard le Temple de Jérusalem. S'ils n'ont pas de région réservée à eux dans « l'héritage » de la Terre Promise (héritée conformément à la Promesse faite à Abraham), c'est parce que « le Seigneur est ma part d'héritage et ma coupe » (Ps 16,5) ; c'est pour qu'ils aient plus à coeur de « demeurer en la maison de leur Dieu» (// Ps 84,2-6 Ps 84,11).
Nb 1,53 Nb 3,7-8 — Ils observeront les observances: La prescription se trouve Nb 3 fois répétée, avec même redoublement qui n'est pas gratuit. L'insistance porte sur l'exactitude avec laquelle les lévites doivent accomplir les rites concernant « la Demeure du Témoignage ». Sur caractère intangible des rites, cf. Lv 8,35*. Ils le sont d'autant plus qu'ils touchent au Sacré, c'est-à-dire au domaine de Dieu.
Ceci vaut au premier chef des rites liturgiques, car toute liturgie est une action sacrée; et ce qui est curieux, c'est que les Assyro-chaldéens lisaient leurs textes en sumérien, langue bien antérieure à l'invasion akkadienne. Comme le latin liturgique qui a vécu jusqu'au grand désordre actuel. Les Coptes ont une langue liturgique qui n'est autre que l'égyptien vivant au temps des Pharaons. Etc... Dhorme a rassemblé en un gros volume les rites assyro-chaldéens: il en ressort que le célébrant (ou l'orant) devait prononcer les mots « sacrés » avec une correction intégrale (sinon, le Dieu n'était pas attentif). En Islam, longues études phonétiques du futur lecteur officiel du Coran; et toujours vocalisation du Coran, alors que tout le reste est non-vocalisé. En Inde (expérience de ceux qui y ont assisté): même un sacrifice familial d'aujourd'hui est surveillé par un « correcteur », qui reprend le prêtre quand celui-ci prononce mal telle formule, etc.
Mais cette intangibilité s'étend aussi aux rites concernant la « Demeure du Témoignage » elle-même. L'expression (en Nb 1,53) va en effet elle aussi dans ce sens. Car ce mot de Témoignage, qui revient souvent, dans le Pentateuque mais aussi dans les Psaumes, désigne ce qui, de par l'intervention de Dieu au milieu des hommes, devient le « témoin » de sa présence et de son alliance. Ainsi, « comme Yahvé résidait au milieu de son peuple, les objets qui étaient le siège de sa présence, portaient le nom de 'témoignages'. Plus totalement encore, la Tente de la Rencontre est-elle donc, par définition, « la Demeure du Témoignage ». Et même « différentes institutions seront aussi appelées des ’témoignages' » en tant que représentant l'intervention de Dieu au milieu des hommes: par exemple ’les préceptes du Seigneur', parce qu'ils sont l'attestation du souverain domaine de Dieu et l'expression de sa volonté » (Dt 4,45 — cf. H. Lesêtre, db 5,2019).
Nb 3,12-13 // Lc 2 — La mise en parallèle montre bien que le Christ accomplit la vocation des lévites, comme substitut de tous les premiers-nés voués à Dieu, pour être « dans sa Demeure », offert à Dieu et pour être le Serviteur chanté par Isaïe.
Bible chrétienne Pentat. 3330