Catena Aurea 7443

vv. 43-52

7443 Mc 14,43-52

Bède. Après avoir prié une troisième fois, afin d'obtenir pour ses Apôtres, avec la grâce du repentir d'être délivrés de la crainte qui les dominait, Notre-Seigneur, calme et tranquille sur les souffrances qui l'attendent, marche au-devant de ses persécuteurs, dont l'Évangéliste décrit l'arrivée en ces termes: «Il parlait encore, que Judas Iscariote, l'un des douze», etc. - Théophyl. L'Évangéliste relève à dessein cette circonstance pour faire ressortir l'énormité du crime de ce traître qui, faisant partie du premier collège des disciples, s'emporta contre son divin Maître à cet excès de fureur. «Et avec lui une grande troupe de gens armés d'épées et de bâtons, qui avaient été envoyés par les princes des prêtres, par les scribes et les anciens». - S. Jér. Celui qui désespère du secours de Dieu, cherche à s'appuyer sur la puissance du monde.

Bède. Cependant Judas conserve encore quelque respect du disciple pour son Maître, il ne le livre pas ouvertement, il donne un baiser pour signe à ses ennemis. «Or, le traître leur avait donné ce signal et leur avait dit: Celui que je baiserai», etc. - Théophyl. Voyez jusqu'où va sa folie; il croit pouvoir tromper Jésus par ce baiser et se faire passer pour son ami. Mais si vous êtes son ami, Judas, pourquoi vous joindre à ses ennemis? Disons-le, tout coeur livré au mal est sans prévoyance.

«Et étant arrivé, il le baisa», etc. - S. Jér. Judas donne pour signal un baiser empoisonné par la perfidie, à l'exemple de Gain qui offrit à Dieu un sacrifice hypocrite et réprouvé de Dieu. - Bède. C'est avec une âme pleine d'envie et la hardiesse d'un scélérat qu'il appelle Jésus son Maître, et donne un baiser à celui qu'il trahit. Notre-Seigneur reçut cependant ce baiser du traître, non pour nous enseigner la dissimulation, mais pour ne point paraître fuir devant la trahison, et accomplir en même temps ces paroles du Psalmiste: «J'étais pacifique avec ceux qui baissaient la paix» (Ps 119,6).

«Les autres mirent la main sur Jésus». - S. Jér. Joseph est vendu par ses frères, et le fer a transpercé son âme».

«Un de ceux qui étaient présents, tirant son épée», etc. - Bède. C'est Pierre, comme le rapporte saint Jean; il se laisse entraîner ici à son ardeur habituelle; il savait comment Phinées, pour avoir châtié des sacrilèges, avait reçu, comme récompense de cette juste vengeance, la dignité du sacerdoce qui devait se perpétuer dans sa famille. - Théophyl. Marc tait le nom de Pierre, pour ne point paraître louer son maître d'avoir déployé cette ardeur pour Jésus-Christ. Par cette action, Pierre condamne indirectement la désobéissance et l'incrédulité des Juifs, et leur mépris pour les Écritures; car s'ils avaient eu les oreilles ouvertes et dociles aux enseignements de l'Ecriture, ils n'auraient point crucifié le Seigneur de la gloire. Pierre coupe l'oreille du serviteur du grand-prêtre, car les princes des prêtres étaient les premiers à transgresser les Écritures, comme s'ils ne les avaient jamais entendues.

«Et Jésus leur dit: Vous êtes venus pour me prendre, armés d'épées et de bâtons, comme si j'étais un voleur». - Bède. Paroles qui reviennent à ceci: C'est une folie de venir attaquer avec des épées et des bâtons celui qui se livre volontairement entre vos mains, et sous la conduite d'un traître, de poursuivre dans la nuit, comme s'il se dérobait à vos recherches, celui qui enseignait tous les jours dans le temple. - Théophyl. Jésus leur donne ici une preuve de sa divinité; lorsqu'il enseignait dans le temple, ils n'ont pu s'emparer de lui, bien qu'il fût entre leurs mains, parce que le temps de sa passion n'était pas encore arrivé. Mais lorsque telle fut sa volonté, il se livra lui-même pour accomplir cette prédiction de l'Ecriture: «Il a été conduit comme un agneau à la boucherie» (Is 53), sans pousser aucun cri, aucune plainte, comme un homme qui souffre par son propre choix.

«Alors ses disciples l'abandonnèrent et s'enfuirent tous». - Bède. Nous voyons ici s'accomplir la prédiction de Notre-Seigneur, que tous ses disciples seraient scandalisés à son sujet pendant cette nuit. «Or, il y avait un jeune homme qui le suivait, revêtu seulement d'un linceul, et qui n'avait d'autre vêtement que ce linceul. Ils se saisirent de lui; mais lui, laissant aller son linceul, s'enfuit tout nu de leurs mains». Il s'enfuit loin de ceux dont il abhorre la présence et les oeuvres, mais non loin du Seigneur, dont tout absent qu'il était, il conserva l'amour profondément gravé dans son âme. - S. Jér. A l'exemple de Joseph qui s'échappa des mains d'une femme impudique (Gn 39), en lui abandonnant son manteau, celui qui veut se dérober aux mains des méchants, doit renoncer intérieurement à toutes les choses du mondé, et fuir à la suite de Jésus. - Théophyl. Il est vraisemblable que ce jeune homme faisait partie de la maison où ils avaient mangé la pâque. Quelques-uns prétendent que c'était Jacques, frère du Seigneur, surnommé le juste, et qui, après l'ascension de Jésus-Christ, fut établi par les Apôtres évêque de Jérusalem. - S. Grég. (Moral., 14, 23). Ou bien ce jeune homme était saint Jean, qui revint en effet au pied de la croix pour y entendre les paroles du Sauveur, mais qui s'était d'abord enfui dans un premier mouvement de crainte. - Bède. En effet, il était jeune alors, comme le prouve la longue vie qu'il vécut sur la terre, après la mort de Jésus. On peut donc très-bien supposer qu'il s'échappa pour un moment des mains de ceux qui le tenaient, et qu'il revint ensuite après avoir repris son vêtement, et qu'à la lumière douteuse de la nuit, il se mêla à la troupe de ceux qui emmenaient Notre-Seigneur, comme s'il en eût fait partie lui-même jusqu'à ce qu'on fût arrivé dans la cour du grand-prêtre, comme il le raconte lui-même dans son Évangile. Pierre, qui lave dans les larmes de la pénitence la faute de son renoncement, enseigne à ceux qui ont faibli dans l'épreuve du martyre, comment ils doivent se relever; ainsi les autres disciples qui s'enfuirent au moment de l'arrestation de leur divin Maître, apprennent à ceux qui ne se sentent pas assez forts pour affronter les supplices, à chercher prudemment leur salut dans la fuite.


vv. 53-60

7453 Mc 14,53-60

La Glose. L'Évangéliste vient de nous rapporter comment Jésus fut arrêté par les serviteurs des princes des prêtres, il va maintenant nous raconter sa condamnation à mort dans la maison du grand-prêtre. «Et ils amenèrent Jésus au grand-prêtre». - Bède. Ce grand-prêtre était Caïphe qui, au témoignage de l'Évangéliste saint Jean, était grand-prêtre pour cette année, fait confirmé par l'historien Josèphe, qui atteste qu'il avait acheté le pontificat à prix d'argent du gouverneur romain.

«Où s'assemblèrent tous les princes des prêtres, les scribes et les anciens». - S. Jér. C'est alors qu'eut vraiment lieu cette assemblée de taureaux au milieu des vaches des peuples (Ps 68) «Pierre le suivit de loin». C'est qu'en effet la crainte éloigne, tandis que la charité entraîne. - Bède. L'Évangéliste fait remarquer avec raison que Pierre suivait le Sauveur de loin, lui qui allait bientôt le renier, car jamais il n'en serait venu à cette extrémité, s'il s'était toujours tenu près de son divin Maître.

«S'étant assis auprès du feu avec les serviteurs, il se chauffait». - S. Jér. Il se chauffe avec les gens du grand-prêtre au foyer allumé dans la cour. Cette cour du grand-prêtre, c'est le monde que l'on peut comparer à un cercle; les serviteurs sont les démons, dans la compagnie desquels il est impossible de pleurer ses péchés; le feu, ce sont les désirs de la chair. - Bède. Il y a un autre feu, celui de la charité dont Jésus a dit: «Je suis venu apporter le feu sur la terre» (Lc 12), et qui en descendant sur les fidèles, leur a enseigné à louer Dieu dans les langues si variées qu'ils parlaient. Il y a aussi le feu de la cupidité, dont le prophète a dit: «Ils sont tous adultères, leur coeur est semblable à un four où on a porté la flamme». (Os 7) Ce feu que le souffle du malin esprit avait allumé dans la cour de Caïphe, excitait la langue de ces hommes perfides à nier et à blasphémer le Seigneur. Ce feu allumé dans la cour, au milieu du froid de la nuit, était la figure de ce que cette assemblée perverse accomplissait dans l'intérieur de la maison, l'iniquité abondait, la charité d'un grand nombre se refroidissait (Mt 24). Saisi pour un moment par le froid, Pierre cherchait à se chauffer au foyer des serviteurs du grand-prêtre, c'est-à-dire qu'il cherchait un soulagement purement extérieur dans la société des méchants.

«Cependant les princes des prêtres, et tout le conseil cherchait des dépositions», etc. - Théophyl. La loi ordonnait qu'il n'y eût jamais qu'un seul grand-prêtre, et il y en avait alors plusieurs, et chaque année le proconsul romain en nommait un nouveau pour remplacer le précédent. Ils ont recours à un simulacre de justice qui devient pour eux le titre même de leur condamnation, et ils cherchent des témoignages qui donnent à la condamnation et à la mort de Jésus une apparence de justice. - S. Jér. Mais l'iniquité s'est menti à elle-même (Ps 26), comme cette princesse qui accusa Joseph (Gn 20), comme les prêtres qui déposèrent contre Suzanne. (Da 13) Or le feu, faute d'être alimenté, s'éteint, «Et ils n'en trouvaient point, continue l'Évangéliste, car plusieurs déposaient faussement contre lui», etc.; en effet, ce qui manque d'uniformité, manque par la même de certitude, «Quelques-uns se levèrent et portèrent contre lui un faux témoignage en ces termes». C'est la coutume des hérétiques de tirer l'ombre de la vérité elle-même. Jésus n'a pointait ce qu'ils lui attribuent, mais il a dit quelque chose d'approchant en parlant du temple de son corps qu'il devait ressusciter deux jours après sa mort. - Théophyl. En effet, le Seigneur n'avait pas dit: Je le détruirai, mais: «Détruisez-le»; il n'a point parlé du temple fait de main d'homme, il a dit simplement: «Détruisez ce temple». - S. Jér. En ajoutant: «Je le ressusciterai», c'était désigner un être vivant, un temple animé. Or, on est faux témoin quand on rapporte les choses dans un sens différent de celui où elles ont été dites.


vv. 61-65

7461 Mc 14,61-65

Bède. Plus Jésus se tait devant ces faux témoins et devant ces prêtres qui ne méritent pas qu'il leur réponde, et plus le grand-prêtre dominé par la fureur, le presse de répondre afin de trouver à tout prix dans ses paroles un sujet d'accusation. «Alors le grand-prêtre se levant au milieu de rassemblée», etc. Ce prince des prêtres, dont l'impatience égale la colère, irrité de ne trouver aucun chef d'accusation, se lève de son siège pour faire éclater par les mouvements de son corps la rage de son coeur. - S. Jér. Mais le Dieu Sauveur qui a sauvé le monde et si puissamment secouru le genre humain par sa bonté, se laisse conduire sans dire un mot, comme une brebis que l'on conduit à la boucherie (Is 53,7 Ac 8,22). «Il se tient en silence et ne dit pas le bien qu'il pouvait répondre» (Ps 37,3). «Mais Jésus se taisait et ne répondait rien». Le silence de Jésus expie la défense, c'est-à-dire l'excuse coupable d'Adam. - Théophyl. Il se taisait, parce qu'il savait bien qu'ils ne tiendraient aucun compte de ses paroles; c'est l'observation qu'il leur fait d'après le récit de saint Luc: «Si je vous le dis, vous ne me croirez point». - «Le grand-prêtre l'interrogea de nouveau et lui dit: Etes-vous le Christ, le Fils du Dieu béni ?»Le grand-prêtre lui fait cette question, non pour s'instruire et croire, mais pour saisir dans la réponse du Sauveur matière à condamnation. Il lui demande: «Etes-vous le Christ, le Fils du Dieu béni ?» Il y avait beaucoup de christs, c'est-à-dire de personnes qui avaient reçu l'onction, comme les rois et les grands-prêtres, mais aucun d'eux n'était appelé: «Le Fils du Dieu béni», du Dieu loué à jamais.

S. Jér. Ils attendaient pour un avenir éloigné celui qu'ils ne voyaient point si près d'eux; de même qu'Isaac, dont les yeux obscurcis ne reconnaissaient point Jacob, que ses mains touchaient (Gn 27,23), tout en lui annonçant pour l'avenir de magnifiques destinées: «Jésus lui répondit: Je le suis», afin de leur ôter toute excuse. - Théophyl. Il savait très-bien qu'ils ne croiraient pas en lui; cependant il répond pour ne point leur donner lieu de dire: «S'il nous avait parlé, nous aurions cru en lui». Or ce qui les condamne ouvertement, c'est qu'ils l'ont entendu et qu'ils n'ont pas cru en lui. - S. Aug. (De l'acc. des Evang., 3, 6-7). Suivant saint Matthieu, Jésus ne répondit point: Je le suis, mais: «Vous l'avez dit». Saint Marc, en adoptant la première version: «Je le suis», fait voir qu'elle a le même sens que cette autre: «Vous l'avez dit».

«Et vous verrez un jour le Fils de l'homme assis à la droite de la Majesté divine, et venant sur les nuées du ciel». - Théophyl. C'est-à-dire, vous me verrez comme le Fils de l'homme assis à la droite du Père, car ici la puissance signifie le Père. Or le Fils de l'homme ne viendra point sans son corps, mais il apparaîtra au jour du jugement tel qu'il est apparu à ceux qui l'ont crucifié. Si donc, qui que vous soyez, païen, juif ou hérétique, le mépris, l'infirmité et la croix vous paraissent outrageantes pour le Sauveur, rappelez-vous que c'est par là que le Fils de l'homme s'est élevé jusqu'à la droite du Père, et qu'il redescendra dans sa Majesté sur les nuées du ciel. - S. Jér. Le grand-prêtre lui demande s'il est le Fils de Dieu; Jésus répond qu'il est le Fils de l'homme, pour nous faire comprendre que le Fils de Dieu et le Fils de l'homme sont une seule et même personne, et afin que nous ne soyons pas tentés de faire de la Trinité une quaternité, mais que nous admettions que l'homme est en Dieu et Dieu en l'homme, Jésus dit: «Assis à la droite de la puissance», c'est-à-dire, régnant au sein d'une vie éternelle et d'une puissance toute divine: «Et venant sur les nuées au ciel» il est monté au ciel sur une nuée, il en redescendra sur une nuée, c'est-à-dire, qu'il est monté au ciel revêtu de ce corps qu'il avait pris dans le sein de la Vierge, et qu'il viendra juger le monde avec l'Eglise, qui est son corps, sa plénitude, et qui est si variée dans ses membres.

S. Léon. (serm. 6 sur la Pass). Caïphe, pour faire éclater l'envie que lui inspirent les paroles qu'il vient d'entendre, déchire ses vêtements, et sans savoir ce que signifie cet acte de folie, il se dépouille de l'honneur du sacerdoce, oubliant ce précepte de la loi au grand-prêtre: «Il n'ôtera point la tiare de son front et il ne déchirera point ses vêtements». (Lv 21,10) «Aussitôt le grand-prêtre, déchirant ses vêtements, leur dit: Qu'avons-nous encore besoin de témoins? Vous avez entendu le blasphème», etc. - Théophyl. Le grand-prêtre se conforme ici à l'usage des Juifs qui déchiraient leurs vêtements dans toutes les afflictions et les malheurs qui venaient fondre sur eux. C'est donc pour faire ressortir l'énormité du blasphème qu'il attribue à Jésus-Christ que le grand-prêtre déchire ses vêtements.

Bède. Mais c'est par l'effet d'un dessein mystérieux et plus profond que dans la passion du Seigneur, ce grand-prêtre des Juifs déchire ses vêtements, c'est-à-dire l'Ephod (Jg 7,5 Ex 25,7 1S 2,28), tandis que la tunique du Seigneur ne put être partagée par les soldats mêmes qui le crucifièrent. C'était une figure que le sacerdoce des Juifs allait être détruit en punition des crimes des prêtres eux-mêmes, tandis que l'Eglise, souvent appelée la robe du Sauveur, résisterait à tous les efforts que l'on ferait pour la déchirer.

Théophyl. La raison pour laquelle le sacerdoce des Juifs fut retranché et détruit, c'est la condamnation à mort de Jésus-Christ: «Ils le jugèrent tous digne de mort», dit l'Évangéliste. - S. Jér. Ils le condamnent à mort comme un criminel, afin que par cette condamnation il pût expier nos propres crimes, «Alors quelques-uns commencèrent par lui cracher au visage». Par ces crachats qui couvrent sa face adorable, il lave la face intérieure de notre âme; le voile qu'ils jettent sur son visage fait disparaître le voile qui couvrait nos coeurs; les soufflets qu'ils déchargent sur sa tête, guérissent la tête du genre humain, c'est-à-dire Adam; les soufflets que leurs mains appliquent sur ses joues, nous méritent de pouvoir le louer des mains et des lèvres, selon la prédiction du Roi-prophète: «Nations, frappez toutes des mains» (Ps 46) - Bède. En lui disant: «Prophétise qui t'a frappé»; ils veulent outrager en lui la qualité de prophète qu'il s'est donnée aux yeux du peuple. - S. Aug. (De l'acc. des Evang., 3, 6). Or, Notre-Seigneur a souffert tous ces outrages jusqu'au matin dans la maison du grand-prêtre où il fut conduit tout d'abord.


vv. 66-72

7466 Mc 14,66-72

S. Aug. (De l'acc. des Evang., 3, 6). Tous les Évangélistes ne racontent pas dans le même ordre la tentation et la chute de Pierre qui eut lieu pendant que Jésus était en butte à ces indignes outrages. Saint Luc la place en tête du récit des outrages faits au Sauveur; saint Jean commence par la chute de Pierre, entre dans le détail de quelques-uns de ces outrages, ajoute que Jésus fut ensuite envoyé au grand-prêtre Caïphe, puis il récapitule pour l'expliquer, la tentation et le renoncement de Pierre. Saint Matthieu et saint Marc racontent d'abord la scène des outrages et puis ensuite la chute de Pierre: «Pendant que Pierre était au bas, dans la cour, une des servantes du grand-prêtre», etc. - Bède. Mais pourquoi Pierre est-il tout d'abord aperçu et découvert par une femme, alors qu'il y avait là un grand nombre d'hommes qui auraient dû bien plutôt le reconnaître? C'était pour montrer la part que prenait à la mort du Seigneur ce sexe qui devait aussi être racheté par sa passion.

«Mais il le nia en disant: Je ne le connais point et je ne sais point ce que vous dites», etc. - S. Jér. Pierre, avant d'avoir reçu l'Esprit saint, faillit à la voix d'une servante, mais après l'avoir reçu, il résiste courageusement aux rois et aux princes. - Théophyl. C'est par un dessein providentiel que Dieu permit cette chute, afin que Pierre ne fût point tenté de s'enorgueillir, et aussi pour lui inspirer une grande compassion pour les pécheurs, instruit qu'il était par lui-même de la faiblesse humaine.

«Et comme il sortait dehors, dans le vestibule, le coq chanta», etc. - Bède. Les autres Évangélistes passent sous silence ce premier chant du coq, mais sans contester ce fait; c'est ainsi qu'il est un grand nombre de faits omis par les uns et racontés par les autres.

«Et lorsqu'elle l'eut aperçu de nouveau», etc. - S. Aug. (De l'acc. des Evang., 3, 6). Cette servante n'est pas la même, mais elle est différente de la première, comme le dit expressément saint Matthieu. On peut aussi admettre qu'avant le second renoncement, Pierre fut interpellé par deux personnes, par la servante dont parlent saint Matthieu et saint Marc, et par une autre dont parle saint Luc: «Mais il le nia pour la seconde fois». Pierre était revenu dans la cour, comme le raconte saint Jean, près du foyer où il allait renoncer son maître pour la seconde fois. Or la servante faisait cette remarque, non pas à lui, mais à ceux qui étaient restés pendant qu'il sortait, de manière cependant à être entendue de Pierre, qui revient alors près du foyer et dément leurs assertions en reniant de nouveau le Sauveur. En effet, en comparant entre eux le récit de tous les Évangélistes, on arrive à cette conclusion certaine, que ce n'est pas devant la porte que Pierre renia Jésus pour la seconde fois, mais dans l'intérieur de la cour et près du foyer. Saint Matthieu et saint Marc, qui rapportent que Pierre sortit dehors, ont passé sous silence, pour abréger, qu'il était rentré dans l'intérieur de la cour.

Bède. Le renoncement de Pierre nous apprend qu'on ne renie pas seulement Jésus-Christ, en soutenant qu'il n'est pas le Christ, mais en niant qu'on soit chrétien, lorsqu'on l'est en réalité. En effet, Notre-Seigneur ne dit pas à Pierre: Vous nierez que vous soyez mon disciple, mais vous me renierez. Il a donc renié Jésus-Christ, lorsqu'il a nié qu'il fût son disciple: «Et peu de temps après, ceux qui étaient présents dirent encore à Pierre: Assurément, vous êtes-de ces gens-là, car vous êtes Galiléen»; etc. Ce n'est pas que la langue que l'on parlait eu Galilée, fût différente de celle que l'on parlait à Jérusalem, puisque de part et d'autre c'était la langue hébraïque; mais chaque province, chaque contrée avait son dialecte, ses locutions et son accent particulier dont on ne peut jamais se dépouiller.

Théophyl. Pierre saisi, épouvanté de frayeur, oublie les paroles du Seigneur: «Celui qui m'aura confessé devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père», renie son divin Maître: «Il se mit alors à dire avec imprécation et avec serment», etc. - Bède. Que la société des méchants est funeste ! Pierre, au milieu de ces gens sans foi, nie qu'il connaisse comme homme celui qu'il avait hautement reconnu comme Dieu au milieu des disciples. L'Ecriture sainte détermine souvent le mérite des différentes actions par le temps où elles se sont accomplies. Ainsi Pierre, qui renia le Seigneur au milieu de la nuit, se repentit au chant du coq: «Et aussitôt le coq chanta», etc. - Théophyl. Les larmes de Pierre renouèrent les liens qui l'attachaient au Sauveur. Cet exemple condamne et confond les novatiens, qui prétendent que celui qui pèche après avoir reçu le baptême ne peut être admis à l'espérance du pardon. Voici Pierre qui avait reçu le corps et le sang de Jésus-Christ, et à qui cependant la grâce du repentir est accordée. Les faiblesses des saints ont été écrites pour nous apprendre que si nous venons à tomber par défaut de vigilance, nous devons nous rappeler leur exemple, et mettre toute notre espérance dans la miséricorde de Dieu.

S. Jér. Dans le sens allégorique, la première servante, c'est l'état d'une âme qui chancelle; la seconde, c'est le consentement; la troisième personne, c'est l'acte même du crime. C'est ce triple renoncement que le souvenir des paroles de Jésus lave dans les larmes de la pénitence. Le coq nous fait entendre sa voix, lorsqu'un prédicateur excite nos coeurs à la componction et au repentir. Nous commençons à pleurer, lorsqu'une étincelle de la parole vient embraser notre coeur, et nous sortons dehors, lorsque nous rejetons hors de notre âme toutes nos anciennes habitudes.


CHAPITRE XV


vv. 1-5


7501 Mc 15,1-5

Bède. Les Juifs avaient coutume de livrer au juge, chargé de chaînes, celui qu'ils avaient condamné à mort; voilà pourquoi après avoir raconté la condamnation du Christ, l'Évangéliste ajoute: «Dès le matin, les princes des prêtres lièrent Jésus», etc. Remarquons cependant que ce ne fut pas la première fois qu'ils le lièrent; aussitôt qu'ils se furent saisis de lui la nuit, dans le jardin, ils le garrottèrent. - Théophyl. Ils livrèrent Jésus aux Romains, mais ils furent eux-mêmes livrés à ces mêmes Romains, pour accomplir cette parole des Écritures (Is 3,11): «Rendez-leur selon les oeuvres de leurs mains» (Ps 27)

«Pilate l'interrogea», etc. - Bède. Pilate ne l'interroge que sur ce seul chef d'accusation, s'il est le roi des Juifs; preuve évidente de l'impiété des Juifs qui n'ont même pas pu trouver de faux prétextes pour faire condamner le Sauveur, «Jésus leur répondit: Vous le dites». Notre-Seigneur répond de la sorte dans l'intérêt de la vérité, et de manière que ses paroles ne pussent donner prise à aucune accusation calomnieuse. - Théophyl. Sa réponse, en effet, est douteuse, car ces paroles: «Vous le dites», peuvent s'entendre de la sorte: C'est vous qui le dites, ce n'est pas moi. Remarquez aussi que Jésus répond en partie à Pilate qui le condamne malgré lui, et qu'il ne dit rien aux prêtres et aux chefs du peuple, parce qu'il les juge indignes de sa réponse.

«Et ils formaient diverses accusations contre lui». - S. Aug. (de l'accord des Evang,, 3, 8). Saint Luc raconte les crimes supposés dont ils l'accusèrent: «Ils commencèrent à l'accuser en disant: Nous avons trouvé cet homme pervertissant notre nation, et défendant de payer le tribut à César, et se donnant le nom de Christ roi».

«Pilate l'interrogea de nouveau et lui dit: Vous ne répondez rien, voyez de combien de choses ils vous accusent». - Bède. C'est un païen qui condamne Jésus, mais il fait remonter la condamnation au peuple juif, «Mais Jésus ne répondit plus rien, de sorte que Pilate en était tout étonné», Le Sauveur ne voulut rien répondre, car en se justifiant de ces fausses accusations, le gouverneur l'eût renvoyé, et les fruits immenses de la croix eussent été différés.

Théophyl. Ce que Pilate admirait, c'est que Jésus, docteur de la loi, dont l'éloquence pouvait d'un seul mot mettre à néant les accusations de ses ennemis, ne répondait rien, mais supportait courageusement leurs calomnies.


vv. 6-15

7506 Mc 15,6-15

Bède. Pilate offrit aux Juifs plusieurs moyens de délivrer le Sauveur, d'abord, en mettant un scélérat en regard du juste: «Or, chaque année il avait coutume de leur accorder la délivrance d'un des prisonniers», etc. - La Glose. Cette coutume avait pour but de gagner les bonnes grâces du peuple, surtout à l'occasion de cette grande fête où les Juifs affluaient à Jérusalem de toutes les parties de la Judée. Or, pour mettre dans un plus grand jour ce qu'avait de monstrueux le choix que firent les Juifs, l'Évangéliste nous fait connaître l'énormité du crime commis par ce voleur que les Juifs préférèrent à Jésus-Christ, «Et il y en avait un alors nommé Barrabas, qui avait commis un meurtre dans une sédition». La gravité de ce crime ressort de la nature même du forfait, il avait commis un homicide; de la manière de le commettre, c'était au moyen d'une sédition qui avait agité toute la ville; enfin c'était un crime de notoriété publique, puisqu'on l'avait mis en prison avec les séditieux.

«Le peuple étant donc venu devant le prétoire lui demanda», etc. - S. Aug. (de l'accord des Evang., 3, 8). Que saint Matthieu passe sous silence ce que saint Marc rapporte ici que ce furent les Juifs qui vinrent faire cette demande à Pilate, cela ne peut faire aucune difficulté; peu importe, en effet, qu'une circonstance racontée par un Évangéliste soit omise par un autre. «Pilate leur répondit: Voulez-vous que je vous délivre le roi des Juifs ?» Quelles sont les paroles dont s'est servi Pilate, ou celles que lui prête saint Matthieu ou celles que rapporte ici saint Marc? Il y a, en effet, une différence entre ce que dit saint Matthieu: «Lequel des deux voulez-vous que je vous délivre, Barrabas, ou Jésus qu'on appelle Christ ?» et ce que nous lisons ici dans saint Marc: «Voulez-vous que je vous délivre le roi des Juifs ?» Je réponds que les Juifs appelaient leurs rois christs (1R 2,10), et que celui qui s'est servi de l'un de ces deux termes a voulu évidemment leur demander s'ils voulaient qu'on leur délivrât le roi des Juifs, c'est-à-dire le Christ. Peu importe donc que saint Marc ne dise rien ici de Barrabas, et s'attache exclusivement à ce qui concerne le Sauveur, la réponse des Juifs que cet Évangéliste rapporte, montre clairement celui dont ils demandaient la délivrance: «Les prêtres excitèrent le peuple à demander qu'il leur délivrât plutôt Barrabas». - Bède. Jusqu'à ce jour, cette demande qu'ils ont faite avec des instances si pressantes s'est comme attachée à eux. Pour avoir préféré, en vertu du choix qui leur était laissé, à Jésus un voleur, au Sauveur un assassin, ils ont justement perdu le salut et la vie; ils se sont comme dévoués aux brigandages et aux séditions, et ils ont fini par perdre leur patrie et leur royaume qu'ils avaient aimés plus que Jésus-Christ, sans qu'ils aient jamais pu recouvrer la liberté du corps et de l'âme.

Pilate leur offre encore une autre occasion de délivrer le Sauveur. «Pilate leur dit encore: Que voulez-vous donc que je fasse du roi des Juifs ?» - S. Aug. (de l'accord des Evang., 3, 8). On voit ici clairement qu'en appelant Jésus roi des Juifs, saint Marc veut dire la même chose que saint Matthieu, d'après lequel Pilate lui donne le nom de Christ; car les seuls rois des Juifs portaient le nom de christs. En effet, saint Matthieu, dans l'endroit correspondant, fait dire à Pilate: «Que voulez-vous que je fasse de Jésus qu'on appelle Christ ?»

«Mais ils crièrent de nouveau, et lui dirent: Crucifiez-le». - Théophyl. Considérez tout à la fois la méchanceté des Juifs et le bon naturel de Pilate, bien qu'il soit coupable de n'avoir point résisté aux injustes exigences du peuple. Ils lui crient: «Crucifiez-le», et Pilate pousse la modération jusqu'à essayer de nouveau d'arracher Jésus à ce jugement inique, «Pilate leur dit: Mais quel mal a-t-il fait ?» Il voulait chercher dans l'innocence du Sauveur un motif pour le délivrer. - Bède. Mais les Juifs, tout entiers à leur fureur insensée, ne répondent même pas à la question du gouverneur, «Et eux criaient encore plus fort: Crucifiez-le !» accomplissant ainsi cette prophétie de Jérémie: «Mon héritage est devenu pour moi comme le lion dans la forêt, il a élevé sa voix contre moi». (Jr 12,9).

«Enfin Pilate, voulant complaire au peuple, leur délivra Barrabas, et après que Jésus eut été battu de verges, il le leur livra pour être crucifié». - Théophyl. Il voulait complaire au peuple, c'est-à-dire faire sa volonté, plutôt que ce que demandaient de lui Dieu et la justice. - S. Jér. Nous voyons ici les deux boucs, l'un mis en liberté et appelé le bouc émissaire est renvoyé dans le désert, couvert des péchés du peuple; l'autre est immolé comme un agneau pour les péchés de ceux qui recouvrent la liberté. La portion qui appartient au Seigneur est toujours immolée; celle du démon, qui est leur maître (c'est le sens du mot Barrabas), se précipite dans l'enfer avec une fureur aveugle. - Bède. C'est par les ordres de Pilate seul que Jésus fut flagellé; saint Jean le dit en termes exprès: «Alors Pilate prit Jésus, et le fit battre de verges» (Jn 19,1). Son dessein en cela était que les Juifs, rassasiés des souffrances et des opprobres de Jésus, cessassent d'avoir soif de son sang et de sa mort.


vv. 16-20

7516 Mc 15,16-20

Théophyl. La misérable vanité des soldats qui mettent leur joie dans les opprobres sans mesure dont ils chargent le Sauveur, fait voir ici tout ce dont elle est capable: «Alors les soldats, l'ayant amené dans la salle du prétoire, le revêtirent d'un manteau d'écarlate», etc. - Bède. Gomme on l'avait appelé roi des Juifs, et que les scribes et les princes des prêtres lui avaient fait un crime d'avoir voulu s'emparer du pouvoir sur le peuple d'Israël, les soldats font de cette ambition prétendue l'objet de leurs dérisions, ils le dépouillent de ses vêtements ordinaires pour le revêtir de la pourpre, vêtement distinctif des anciens rois. - S. Aug. (De l'acc. Des Evang., 3, 4). Il n'y a aucune contradiction entre saint Matthieu, d'après lequel: «Ils le revêtirent d'un manteau d'écarlate», et saint Marc qui rapporte qu'ils le revêtirent de pourpre». Les soldats lui jetèrent sur les épaules ce manteau d'écarlate comme une pourpre dérisoire; et d'ailleurs il est une espèce de pourpre fort semblable à l'écarlate. On peut encore dire que saint Marc parle de pourpre, parce que ce manteau d'écarlate avait une garniture de pourpre (cf. Mt 27,28). - Bède. Pour diadème, ils lui placent sur la tête une couronne d'épines. «Et ils lui mirent sur la tête une couronne d'épines entrelacées», etc. Pour sceptre royal, ils lui donnent un roseau, suivant le récit de saint Matthieu, et ils se prosternent devant lui comme devant leur roi: «Et ils commencèrent à le saluer», etc. Ils ne lui rendaient ces honneurs que pour se moquer de lui, parce qu'il avait voulu faussement se faire passer pour Dieu; comme le prouvent les paroles suivantes: «Ils lui frappaient la tête avec un roseau». - S. Jér. Ce sont les opprobres du Sauveur qui nous ont délivrés de nos opprobres; ses liens ont brisé nos chaînes; la couronne d'épines qui a ceint son front, nous a mérité le diadème du royaume (Is 53,3), et nous avons été guéris par ses blessures.

S. Aug. (de l'accord des Evang., 3, 9). Il paraît certain que saint Matthieu et saint Marc rapportent ces faits par récapitulation, et non pas comme s'étant passé, lorsque Pilate livra Jésus aux Juifs pour être crucifié, car d'après saint Jean, ils eurent lieu dans la demeure même de Pilate. Quant à cette dernière circonstance: «Et après s'être ainsi joués de lui», etc., il faut la rapporter au moment où ils emmenaient Jésus pour être crucifié.

S. Jér. Dans le sens mystique, Jésus est dépouillé de ses vêtements, c'est-à-dire des Juifs; il est revêtu de pourpre, c'est-à-dire de l'Eglise formée des Gentils, qu'il a comme recueillie sur les rochers de la mer. Il se dépouille de cette Eglise à la fin du monde à cause de ses scandales, et il se revêt de nouveau du peuple juif; car «lorsque la plénitude des nations sera entrée, tout Israël sera sauvé». (Rm 11) - Bède. Ou bien cette pourpre dont le Seigneur est revêtu, c'est sa chair qu'il a exposée aux souffrances, et la couronne d'épines qu'il porte sur sa tête, nos péchés qu'il a pris sur lui. - Théophyl. Revêtons-nous nous-mêmes de cette pourpre royale, car nous devons marcher comme des rois, foulant aux pieds les serpents et les scorpions (Lc 10,19), et triomphant du péché. Car nous sommes appelés chrétiens, c'est-à-dire consacrés par l'onction, comme les rois qui portaient ce même nom. Prenons donc la couronne d'épines, c'est-à-dire hâtons-nous de nous couronner de mortification, d'abstinence, de pureté.

Bède. Ceux-là frappent la tête de Jésus-Christ qui nient qu'il soit le vrai Dieu. Et comme c'est avec un roseau qu'on transcrit ordinairement la sainte Ecriture; frapper avec un roseau la tête de Jésus-Christ, c'est nier la divinité de Jésus-Christ en s'efforçant d'appuyer son erreur sur l'autorité des saintes Lettres. On crache à la face du Sauveur lorsqu'on rejette la présence de sa grâce par des paroles d'imprécation. Il en est encore aujourd'hui qui adorent Jésus-Christ comme le vrai Dieu dans les sentiments d'une foi certaine, mais qui, par leur vie criminelle, méprisent ses paroles comme dépourvues de vérité, et préfèrent à ses promesses les charmes séducteurs de cette vie. Remarquons d'ailleurs que les soldats agissent ici sans savoir ce qu'ils font, comme Caïphe qui avait prononcé ces paroles, sans en comprendre le sens. «Il faut qu'un homme meure pour le peuple» (Jn 11).



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