Catena Aurea 7112
7112 Mc 11,12-14
Bède. Le temps de sa passion n'étant pas éloigné, Notre-Seigneur voulut se rapprocher du lieu où il devait souffrir, pour bien établir qu'il mourait par un effet de sa volonté: «Et Jésus entra à Jérusalem dans le temple». A peine entré dans la ville, il se dirige vers le temple; il nous donne ainsi un grand exemple de religion et nous apprend qu'en arrivant dans un endroit où se trouve une maison de prières, nous devons nous empresser de nous y rendre. Remarquons encore que la pauvreté du Sauveur était si grande et qu'il recherchait si peu la faveur des hommes, que dans une si grande ville il ne trouve personne qui le reçût, aucun endroit où il pût se retirer. Il est oblige d'aller dans une pauvre campagne demander l'hospitalité à Lazare et à ses soeurs, car Béthanie était le village qu'ils habitaient. «Et ayant observé toutes choses (c'est-à-dire, si quelqu'un lui offrirait un asile), comme déjà l'heure était avancée», etc. Il ne fit pas seulement cela une fois, mais pendant les cinq jours qui s'écoulèrent depuis son entrée à Jérusalem jusqu'à sa passion; il enseignait toute la journée dans le temple, et sortait de Jérusalem le soir pour aller passer la nuit sur la montagne des Oliviers.
«Le lendemain, comme il sortait de Béthanie, il eut faim». - S. Chrys. (hom. 68 surS. Matth). Comment se fait-il que le Sauveur avait faim dès le matin, comme le raconte saint Matthieu, si ce n'est par une permission divine qui était la suite de son incarnation. «Et voyant de loin un figuier qui avait des feuilles, il s'avança pour voir s'il ne trouverait pas quelque fruit». Il est évident que l'Évangéliste conforme son récit à la pensée des disciples, qui croyaient que Jésus s'approchait du figuier dans ce dessein, et qu'il avait maudit en figuier parce qu'il n'y avait trouvé pas de fruit. «Mais après s'en être approché, il n'y trouva que des feuilles, car ce n'était pas le temps des fruits. Et il dit au figuier, que jamais nul ne mange plus de ton fruit». Il maudit donc ce figuier, dans l'intérêt des disciples, pour affermir leur confiance. Jusque là, en effet, il avait partout semé les bienfaits sous ses pas, et n'avait puni personne; il importait donc qu'il donnât un exemple de sa puissance vindicative pour apprendre aux disciples qu'il aurait pu dessécher de la même manière les Juifs ses persécuteurs; mais il ne voulut pas exercer sur les hommes cet acte de sévérité, c'est sur un arbuste qu'il l'a fait éclater. Nous voyons par là que c'est justement pour ce motif qu'il s'approche du figuier, et non parce qu'il avait faim. Et qui serait assez ignorant pour supposer qu'il pût éprouver de si grand matin le besoin de la faim? Qui d'ailleurs l'empêchait de satisfaire ce besoin avant de sortir de la maison? On ne peut dire non plus que c'est la vue des fruits qui excitait son appétit, car ce n'était point la saison des figues; et puis s'il avait faim, pourquoi ne pas chercher un autre aliment au lieu de demander des figues à un figuier qui ne pouvait lui en donner. Quelle peine encore pouvait mériter un figuier de ne point porter de fruits avant la saison? Toutes ces circonstances autorisent suffisamment cette conclusion que le Sauveur voulait donner un exemple de sa puissance, pour prévenir l'abattement où sa passion devait jeter ses disciples. - Théophyl. Son dessein était de leur prouver qu'il pouvait exterminer en un moment, s'il l'eût voulu, ceux qui devaient le crucifier. Dans le sens mystique, Notre-Seigneur entre dans le temple, et en sort aussitôt pour montrer qu'il allait l'abandonner, comme une solitude déserte, et exposée à la dévastation des voleurs.
Bède. Il observe avec attention tous les coeurs et ne trouvant pas où reposer la tête dans ces contradicteurs de la vérité, il se retire chez les fidèles et fixe sa demeure parmi ceux qui lui obéissent, car Béthanie signifie maison d'obéissance. - S. Jér. C'est le matin qu'il vient vers les Juifs, et c'est au soir du monde qu'il nous visite. - Bède. Les actions du Sauveur sont paraboliques comme ses discours. Ainsi la faim semble le presser de chercher sur un figuier des figues, dont la saison, il le savait bien, n'était pas encore venue; et cependant il le frappe d'une stérilité perpétuelle, pour montrer que le peuple juif ne pouvait être sauvé par des feuilles sans fruit, c'est-à-dire, par les paroles de justice qui étaient sur ses lèvres, sans être accompagnées des bonnes oeuvres, mais qu'il serait arraché et jeté au feu. Notre-Seigneur donc, pressé par la faim, c'est-à-dire, plein du désir de sauver le genre humain, voit un figuier, c'est-à-dire, le peuple juif couvert de faillies, c'est-à-dire, des oracles de la loi et des prophètes, il cherche à lui faire produire le fruit des bonnes oeuvres par ses enseignements, ses reproduis, ses miracles, et ne trouvant pas ce fruit, il condamne le figuier. Vous aussi, si vous ne voulez pas être condamné par Jésus-Christ au jour du jugement, gardez-vous d'être un arbre stérile, mais empressez-vous d'offrir à Jésus-Christ pauvre, le fruit de piété qu'il nous demande. - S. Chrys. On peut encore dire que le Sauveur a maudit ce figuier sur lequel il n'avait point trouvé le fruit qu'il demandait avant le temps, parce que tous ceux qui accomplissent les commandements de la loi, celui-ci, par exemple: «Vous ne commettrez point d'adultère», sont dits porter des fruits dans leur temps. Celui, au contraire, qui non content d'éviter l'adultère, pratique la virginité, ce qui est beaucoup plus parfait, s'élève au plus haut degré des vertus. Or, le Seigneur exige des parfaits la pratique, non seulement des devoirs ordinaires, mais des vertus supérieures à ce qu'exigent les commandements.
7115 Mc 11,15-19
Bède. Ce que Notre-Seigneur a fait en figure eu maudissant le figuier stérile, il le fait plus clairement en chassant du temple les impies, car le figuier n'était point coupable de ne point porter de fruit avant le temps, mais bien les prêtres. «Et ils vinrent de nouveau à Jérusalem, et lorsqu'il fut entré dans le temple», etc. Il est à croire qu'on ne vendait et qu'on n'achetait dans le temple que les choses nécessaires aux sacrifices; si donc le Seigneur ne peut souffrir qu'on traite dans sa maison les affaires temporelles dont il est permis de s'occuper ailleurs, quel sera son courroux lorsqu'il verra s'accomplir dans des lieux qui lui sont consacrés, des actes qui partout ailleurs sont des crimes: «Et les tables des banquiers». - Théophyl. Il appelle banquiers (nummularios) les changeurs de monnaie, car le nummus était une petite monnaie de cuivre, «Et les sièges de ceux qui vendaient des colombes». - Bède. Comme le Saint-Esprit a paru sur la tête du Sauveur sous la forme d'une colombe (Mt 3,2 Mc 1,10 Lc 3,2), les dons de ce divin Esprit sont justement figurés par les colombes. On vend donc la colombe lorsqu'on donne pour de l'argent l'imposition des mains, par laquelle nous recevons l'Esprit saint. Jésus renverse les sièges de ceux qui vendent des colombes pour nous apprendre que ceux qui font trafic des grâces spirituelles, sont privés du ministère sacerdotal, soit devant Dieu, soit devant les hommes. - Théophyl. Celui qui livre au démon par le péché la grâce et l'innocence de son baptême, vend sa colombe, et mérite pour cela d'être chassé du temple.
«Et il ne souffrait pas que personne transportât aucun objet par le temple». - Bède. Il veut parler de ces objets qu'on n'apportait dans le temple que pour en trafiquer. Gardons-nous de croire, en effet, que le Sauveur ait banni du temple ou qu'il ait défendu d'y introduire les vases ou autres objets consacrés au culte de Dieu. Nous voyons ici une figure du jugement que Notre-Seigneur devait exercer plus tard, en chassant de l'Eglise les pécheurs obstinés, et leur interdisant à tout jamais de revenir troubler l'Eglise par les châtiments éternels dont il les frappe. Quant aux péchés qui se glissent dans les coeurs des fidèles, la componction dont Dieu est l'auteur les efface, et la grâce divine les préserve de toute rechute.
«Et il les instruisait en leur disant: Ma maison sera une maison de prière pour toutes les nations», etc. - S. Jér. Ce sont les paroles d'Isaïe (Is 56,7), «mais vous, vous en avez fait une caverne de voleurs». - Bède. C'est pour toutes les nations, et non pas seulement pour la seule nation juive ou pour la seule ville de Jérusalem, et ce n'est nullement une maison de taureaux, de boucs ou de béliers, mais une maison de prière. - Théophyl. Le Sauveur appelle le temple une caverne de voleurs à cause du gain qu'on y réalisait. Il est, en effet, une espèce de voleurs qui se réunissent dans ce dessein, et il leur donne le nom de voleurs, parce qu'ils ne vendaient les animaux destines aux sacrifices que par le désir effréné du gain. - Bède. Ils n'étaient dans le temple qu'à cette fin de persécuter extérieurement ceux qui ne donnaient pas, ou de faire mourir spirituellement ceux qui donnaient. L'âme et la conscience des fidèles sont aussi le temple et la maison de Dieu; lorsqu'elles donnent naissance à des pensées coupables et nuisibles au prochain, ces pensées sont comme des voleurs dans une caverne. Le coeur des fidèles devient donc une caverne de voleurs lorsqu'il abandonne la simplicité qui est le caractère propre de la sainteté, pour se livrer à des actes préjudiciables au prochain.
S. Aug. (De l'acc. des Evang., 2, 67). Saint Jean place ce fait à une époque toute différente (Jn 2), d'où il est clair qu'il y a eu, non un seul fait, mais deux faits semblables dans la vie du Sauveur; Jean raconte le premier dans l'ordre chronologique, et les trois autres le dernier. - Théophyl. C'est ce qui rend les Ju ifs beaucoup plus coupables, de ne s'être point corrigés après que cet acte de sévérité s'était répété plusieurs fois sous leurs yeux. - S. Aug. (De l'acc. des Evang., 2, 68). Saint Marc lui-même ne suit pas le même ordre que saint Matthieu; mais comme saint Matthieu établit cette liaison dans son récit: «Et les ayant quittés, il sortit de la ville, et s'en alla à Béthanie», (Mt 21), et que c'est le lendemain matin, en revenant à Jérusalem que Jésus maudit le figuier, il est vraisemblable que cet Évangéliste a suivi plus exactement l'ordre chronologique sur le fait des vendeurs et des acheteurs chassés du temple. Saint Marc a donc passé d'abord sous silence ce que Jésus fit le premier jour lorsqu'il fut entré dans le temple, et se l'étant rappelé, il l'a raconté après l'histoire du figuier, sur lequel le Sauveur ne trouva que des figues, ce qui eut lieu le second jour, au témoignage des deux Évangélistes. - La Glose. Or, quel fruit produisit la réprimande du Sauveur dans les ministres du temple, l'Évangéliste nous l'apprend: «Ce qu'ayant entendu, les princes des prêtres et les scribes cherchaient un moyen de le perdre». Ils accomplissaient ainsi cet oracle du prophète: «Ils ont haï celui qui les reprenait dans les assemblées publiques, et ils ont eu en abomination celui qui leur parlait dans la droiture et la vérité». (Am 5) La crainte seule leur fit ajourner l'exécution de leur criminel dessein: «Car ils le craignaient, parce que tout le peuple admirait sa doctrine». En effet, il les enseignait comme ayant autorité, et non comme leurs scribes et les pharisiens.
7120 Mc 11,20-26
S. Jér. Le Sauveur laisse après lui les ténèbres dans les coeurs des Juifs, et comme le soleil, il abandonne cette ville pour aller en éclairer une autre plus soumise et plus obéissante, c'est le sens de ces paroles: «Le soir, étant venu», etc. Mais le soleil se couche et il se lève; la lumière qui est enlevée aux scribes, brille sur les Apôtres; Jésus revient donc dans la ville: «Et le lendemain malin, en passant, ils virent le figuier desséché jusqu'à la racine». - Théophyl. Ce qui rend ce miracle plus frappant, c'est qu'un arbre si vert et si plein de sève fut entièrement desséché. Quoique saint Matthieu affirme que le figuier fut immédiatement desséché et que les disciples en furent saisis d'étonnement, ne soyez point surpris d'entendre dire à saint Marc, que ce ne fut que le lendemain que les disciples virent cet arbre desséché, car on peut entendre le récit de saint Matthieu dans ce sens que les disciples ne s'aperçurent que le lendemain du dessèchement de cet arbre. - S. Aug. (De l'acc. des Evang., 2, 68). Il ne faut pas croire cependant qu'il ne se dessécha que lorsqu'ils le virent, la malédiction du Sauveur produisit aussitôt son effet, car les disciples ne le virent pas se desséchant, mais entièrement desséché, et ils comprirent que c'était la parole du Seigneur qui l'avait immédiatement frappé de stérilité.
S. Jér. Ce figuier desséché jusque dans ses racines, c'est la synagogue, à partir de Caïn et de tous les autres à qui on redemande le sang d'Abel et de tous les justes, jusqu'à Zacharie (Mt 23,35). - Bède. Le figuier fut desséché jusque dans ses racines pour montrer que cette nation impie ne serait pas dévastée en partie et pour un temps par les excursions des étrangers, et qu'elle serait ensuite délivrée par son repentir comme par le passé, mais qu'elle serait frappée d'une éternelle damnation, ou bien encore cet arbre fut desséché jusque dans ses racines, pour apprendre à cette nation qu'elle serait privée, non seulement à l'extérieur de tout secours humain, mais à l'intérieur de toute faveur divine. - S. Jér. Pierre reconnaît cette racine desséchée et arrachée de terre, à laquelle succède l'olivier choisi de Dieu, et aussi remarquable par sa beauté que par sa fécondité. «Et Pierre se ressouvenant de la parole du Christ, lui dit: Maître, voyez comme le figuier que vous avez maudit est devenu sec». - S. Chrys. Cet étonnement de Pierre et des autres disciples, prouve que leur foi n'était pas encore parfaite, car ce n'était point là pour Dieu un bien grand miracle. Ils ne connaissaient pas encore toute l'étendue de sa puissance, et leur ignorance les jette dans l'admiration. Aussi Jésus leur répond: «Ayez la foi en Dieu. Je vous dis en vérité, que quiconque dira à cette montagne: ôte-toi de là et te jette dans la mer, et cela sans hésiter dans son coeur... il le verra en effet arriver», c'est-à-dire, qu'il pourra non seulement dessécher un arbre, mais transporter une montagne par la puissance de sa parole et de son commandement. - Théophyl. Admirez ici la miséricorde de Dieu qui nous communique, lorsque nous approchons de lui par la foi, le pouvoir de faire des miracles qu'il tient de sa nature, pouvoir qui va jusqu'à transporter les montagnes.
Bède. Les païens qui ont pris plaisir à calomnier l'Eglise dans leurs écrits, ont reproché aux nôtres l'imperfection de leur foi en Dieu, puisqu'ils n'ont jamais pu, disent-ils, transporter des montagnes: nous leur répondrons que tous les miracles qui se sont accomplis dans l'Eglise, ne nous ont pas été conservés par écrit, comme l'Ecriture l'atteste des faits de la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Si ce miracle avait été nécessaire, il aurait bien pu se reproduire comme du temps de saint Grégoire de Néocésarée, qui obtint de Dieu par ses prières, qu'une montagne lui laissa autant de place qu'il lui fallait pour la construction d'une église. - S. Chrys. Ou bien dans un autre sens, le Sauveur n'a point desséché le figuier pour lui-même, mais comme signe de la stérilité dont il allait frapper Jérusalem, et tout à la fois de sa puissance; or, c'est dans le même sens que l'on doit entendre la promesse qui a pour objet le déplacement d'une montagne, bien qu'un prodige de ce genre ne soit pas impossible à la puissance de Dieu. - S. Jér. Jésus-Christ, qui est cette pierre détachée de la montagne sans la main d'aucun homme et qui devient elle-même une grande montagne, est arraché et jetée dans la mer, lorsque les Apôtres tiennent aux Juifs ce langage justement mérité: «Nous allons vers les gentils, parce que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la parole de Dieu. - Bède. Cette montagne peut aussi être la figure du démon à cause de son orgueil; or, cette montagne est arrachée de terre et jetée dans la mer, à la parole de ceux qui sont forts dans la foi, lorsque les saints docteurs prêchant la parole de Dieu, l'esprit immonde est chassé du coeur de ceux qui sont prédestinés à la vie éternelle; il lui est alors permis d'exercer la violence de sa tyrannie dans les coeurs des infidèles remplis de trouble et d'amertume, et il se déchaîne contre eux avec une fureur égale à la douleur qu'il éprouve de n'avoir pu tourmenter et perdre les premiers.
«C'est pourquoi je vous le dis: Tout ce que vous demanderez dans la prière, croyiez que vous l'obtiendrez». - Théophyl. Celui qui croit par un motif d'amour, élève certainement son coeur à Dieu, il s'unit à lui, et son coeur embrasé d'amour lui donne l'assurance que sa prière est exaucée. Cette vérité sera comprise de ceux qui en ont fait l'expérience, c'est-à-dire, à mon avis, de ceux qui cherchent à avoir la mesure et le degré de la foi véritable. C'est pour cela que le Sauveur déclare que vous recevrez tout ce que vous demanderez avec foi; car celui qui croit que sa vie toute entière est soumise aux dispositions providentielles de Dieu, verse en sa présence ses larmes et ses supplications, tient comme embrassés ses pieds dans la prière, et ne peut manquer d'obtenir ce qu'il demande. Voulez-vous un autre moyen d'obtenir infailliblement ce que vous demandez? Pardonnez à votre frère les fautes qu'il aura commises contre vous. «Et lorsque vous vous présenterez pour prier, si vous avez quelque chose contre quelqu'un, pardonnez-lui», etc. - S. Jér. Saint Marc, selon sa coutume, abrège les sept demandes de l'Oraison dominicale, et les comprend toutes dans une seule. Or, que reste-t-il à demander à celui qui a reçu la rémission de ses péchés, si ce n'est la persévérance dans la grâce obtenue ?
Bède. Parmi ceux qui prient, il faut distinguer soigneusement ceux qui ont cette foi parfaite qui opère par la charité (Ga 5,6); une seule prière, une seule parole sortie de leur bouche; peut transporter des montagnes spirituelles, comme saint Paul le fît pour le magicien Elymas (Ac 13). Quant à ceux qui ne peuvent atteindre le sommet de la perfection, qu'ils demandent la rémission de leurs péchés et ils l'obtiendront, si toutefois ils pardonnent tout d'abord à ceux qui les ont offensés. S'ils refusent de pardonner, leurs prières ne pourront obtenir ni la grâce de pratiquer la vertu, ni même le pardon de leurs péchés: «Que si vous ne pardonnez point, dit Notre-Seigneur, votre Père qui est dans les cieux ne vous pardonnera point non plus». - La Glose (interlin). Effrayante sentence !
7127 Mc 11,27-33
Théophyl. L'autorité avec laquelle Notre-Seigneur avait chassé du temple ceux qui en faisaient une maison de trafic, avait irrité les scribes et les pharisiens; ils s'approchent donc de lui pour l'interroger et le tenter: «Ils vinrent de nouveau à Jérusalem. Et comme Jésus marchait dans le temple», etc. Ils semblent lui dire: Qui êtes-vous pour agir de la sorte? Vous posez-vous donc vous-même en docteur, vous établissez-vous prince des prêtres? - Bède. Ces paroles: «par quelle autorité faites-vous ces choses ?» expriment le doute que ce soit par la puissance de Dieu, et ils donnent à entendre qu'il agit au nom et par l'autorité du démon. Ils ajoutent: «Et qui vous a donné ce pouvoir ?» c'est-à-dire, qu'ils nient ouvertement qu'il soit le Fils de Dieu, puisqu'à leur avis ce n'est point par sa propre puissance, mais en vertu d'un secours étranger qu'il opère des miracles. - Théophyl. Leur intention, en lui faisant cette question, était de le jeter dans l'embarras; s'il répondait: C'est par ma propre puissance, ils se saisiraient de lui; s'il répondait au contraire: c'est par le pouvoir d'un autre, ils chercheraient à détacher de lui le peuple pour qui Jésus était le Fils de Dieu. Or, Notre-Seigneur leur fait cette question sur Jean-Baptiste, non point sans raison, ni cependant pour leur faire un piège de ses raisonnements, mais parce que Jean-Baptiste avait rendu témoignage de lui. «Il leur répondit: Je vous ferai moi-même une question». - Bède. Le Seigneur pouvait confondre leurs calomnies par une réponse claire et décisive; mais il aime mieux les interroger avec prudence, et les faire condamner, ou par leur silence, ou par leurs propres paroles. C'est en effet ce qui arrive: «Ils raisonnaient ainsi en eux-mêmes: Si nous répondons du ciel, il nous dira pourquoi ne l'avez-vous pas cru ?» c'est-à-dire, celui qui de votre aveu a reçu du ciel le don de prophétie, m'a rendu témoignage, et c'est de lui que vous avez appris par quelle autorité je fais toutes ces choses; «si au contraire, nous disons: des hommes, nous craignons le peuple». Ils virent donc, que quelle que fût leur réponse, ils tomberaient dans le piège, car ils craignaient d'être lapidés, et encore plus de confesser la vérité: «Et ils répondirent à Jésus: Nous ne savons». - S. Jér. Cette lampe couvre ces curieux d'obscurité, ce qui a fait dire à Dieu par la bouche du Psalmiste: «J'ai préparé une lampe à mon Christ, je couvrirai de confusion ses ennemis» (Ps 131,17-18) «Et Jésus leur dit: Je ne vous dirai pas non plus par quelle autorité je fais ces choses». - Bède. C'est-à-dire, je ne vous dirai pas ce que je sais, parce que vous ne voulez point avouer ce que vous savez. Remarquons qu'il est deux circonstances où l'on doit s'abstenir de découvrir la vérité à celui qui la cherche, lorsqu'il est incapable de la comprendre, ou lorsque par le mépris ou la haine de la vérité, il est indigne qu'on la lui fasse connaître.
7201 Mc 12,1-12
La Glose. Après avoir réduit au silence ses contradicteurs par une réponse pleine de prudence, il fait voir toute l'étendue de leur méchanceté sous le voile d'une parabole: «Jésus commença ensuite à leur parler en paraboles: Un homme, dit-il, planta une vigne», etc. - S. Jér. Le nom d'homme est donné ici à Dieu le Père, par une manière de parler tout humaine; la vigne est la maison d'Israël; la haie, les anges qui la gardent; le pressoir est la loi; la tour, le temple; les vignerons, les prêtres. - Bède. Ou bien la haie, c'est le mur qui entourait la ville; le pressoir, l'autel; ou ces pressoirs dont il est question dans les titres de trois psaumes. - Théophyl. Ou bien encore, cette haie c'est la loi qui défendait aux Juifs de se mêler aux étrangers (Nb 18,4).
«Et il s'en alla dans un pays éloigné». - Bède. Il ne change point de lieu, mais il semble s'éloigner de la vigne pour laisser aux vignerons toute liberté d'agir. «Le temps de la vendange étant venu, il envoya un de ses serviteurs aux vignerons pour recevoir ce qu'ils lui devaient du fruit de la vigne». - S. Jér. Les serviteurs qui furent envoyés sont les prophètes; le fruit de la vigne, c'est l'obéissance: de ces prophètes, les uns furent frappés de verges, les autres couverts de blessures, d'autres mis à mort: «Mais l'ayant pris, ils le battirent et le renvoyèrent les mains vides». - Bède. Le premier serviteur qui fut envoyé, c'est Moïse, qui leur donna la loi; mais ils le renvoyèrent après l'avoir battu, sans lui rien donner, «car ils aigrirent son esprit dans le désert» (Ps 106,16 Ps 106,33). «Il leur envoya encore un autre serviteur, et ils le blessèrent à la tête, et lui firent toute sorte d'outrages». Cet autre serviteur, c'est David et les autres auteurs des psaumes; or ils l'ont accablé d'outrages et blessé à la tête, parce qu'ils n'ont fait aucune estime des psaumes, et qu'ils ont rejeté David (2S 20,1), en disant: «Quelle part avons-nous avec David ?» (1R 12,16). «Il leur en envoya un troisième qu'ils tuèrent», etc. Ce troisième serviteur représente avec ses compagnons le choeur des prophètes; car quel est celui des prophètes qu'ils n'ont point persécuté? (Mt 23,31-37) Par ces trois serviteurs successifs, Notre-Seigneur semble vouloir entendre dans un autre endroit, tous les docteurs de la loi, lorsqu'il dit: «Il faut que tout ce qui a été écrit de moi, dans la loi, dans les prophètes et dans les psaumes, soit accompli» (Lc 24,44) - Théophyl. Ou bien encore, le premier serviteur, ce sont les prophètes qui existaient du temps d'Elie; nous voyons, en effet, que Michée fut alors maltraité par le faux prophète Sédécias (1R 22). Le second serviteur qu'ils ont blessé à la tête et accablé d'outrages, sont les prophètes contemporains d'Osée et d'Isaïe; le troisième serviteur, les prophètes qui vécurent du temps de Daniel et d'Ezéchiel.
«Enfin, ayant un fils unique qu'il aimait très-tendrement», etc. - S. Jér. Ce Fils chéri qui vient en dernier lieu, c'est le Fils unique de Dieu. C'est par une espèce d'ironie que le Père dit: «Ils auront quelque respect pour mon Fils». - Bède. Ou bien encore, cette forme dubitative: «Peut-être ils auront quelque respect pour mon Fils», n'a point pour cause l'ignorance, mais le dessein arrêté en Dieu de laisser à l'homme toute sa liberté d'action. - Théophyl. On peut dire enfin que si Dieu s'exprime ainsi, ce n'est pas qu'il ignore ce qui doit arriver, mais il veut leur apprendre ce qu'il était juste et convenable de faire. «Ces vignerons dirent entre eux: Voici l'héritier, allons, tuons-le», etc. - Bède. Notre-Seigneur prouve ici jusqu'à l'évidence, que ce n'est point par ignorance, mais par envie que les chefs de la nation juive ont crucifié le Fils de Dieu, car ils savaient fort bien que c'était à lui qu'il avait été dit: «Je vous donnerai les nations pour héritage» (Ps 2,8) En le mettant à mort, ces vignerons coupables cherchaient à s'emparer de son héritage, c'est-à-dire, que les Juifs en le crucifiant, se proposaient d'éteindre la foi dont il est l'auteur, d'établir sur ses ruines la justice qui vient de la loi (Rm 10,2-3), et de pénétrer les nations de la nécessité de cette justice légale.
«Et s'étant saisi de lui, ils le tuèrent et le jetèrent hors de la vigne». - Théophyl. C'est-à-dire, en dehors de la ville, car ce fut hors des murs de Jérusalem que le Seigneur fut crucifié. - S. Jér. Ou bien ils le jetèrent hors de la vigne, c'est-à-dire, ils le rejetèrent du milieu du peuple, lorsqu'ils lui dirent: «Vous êtes un Samaritain et un possédé du démon» (Jn 8,48). On peut dire encore qu'en le rejetant autant qu'ils le purent hors des frontières de la Judée, ils l'ont remis entre les mains des nations qui l'ont reçu par la foi.
«Que fera donc le maître de cette vigne? Il viendra lui-même, il exterminera ces vignerons», etc. - S. Aug. (De l'acc. des Evang., 2, 10). D'après le récit de saint Matthieu, ce sont les Juifs eux-mêmes qui répondent au Sauveur: «Il exterminera ces vignerons» (Mt 21,41). Saint Marc, au contraire, place cette réponse dans la bouche du Sauveur, après la question qu'il leur a faite. Or, on peut admettre, sans aucune difficulté, que la réponse des Juifs suivit immédiatement la question de Notre-Seigneur, sans que l'Évangéliste ait cru nécessaire de dire: «Ils répondirent», ce qu'il était facile de sous-entendre, ou bien cette réponse est attribuée à Jésus-Christ, parce qu'étant conforme à la vérité, ils n'ont pu la faire que par l'inspiration de celui qui est la vérité même. - Théophyl. Le maître de la vigne est donc le Père du fils qui a été mis à mort, et Jésus-Christ est lui-même ce Fils qui a été crucifié. «Il exterminera les vignerons», en les livrant aux Romains, «et il donnera sa vigne à d'autres vignerons», c'est-à-dire aux Apôtres. Lisez les Actes des Apôtres, et vous y trouverez d'abord trois mille Juifs (Ac 2,41), et ensuite cinq mille (Ac 4,4), qui ont embrassé la foi et en ont produit les fruits pour Dieu. - S. Jér. Ou bien la vigne est donnée à d'autres qui viendront de l'Orient, de l'Occident du Nord et du Midi, et qui s'asseoiront dans le royaume de Dieu, avec Abraham, Isaac et Jacob.
Bède. Notre-Seigneur prouve aussitôt par un témoignage prophétique, que tout cela se fera par suite d'un dessein tout divin: «N'avez-vous point lu cette parole de l'Ecriture: La pierre qui avait été rejetée par ceux qui bâtissaient est devenue la principale pierre de l'angle ?» etc. C'est comme s'il leur disait: Comment cette prophétie sera-t-elle accomplie? Parce que le Christ que vous avez rejeté et mis à mort, sera livré par la prédication aux gentils, et que semblable à la pierre de l'angle, il formera en lui-même un seul homme des deux peuples (Ep 2,15 Ep 2,20), et ne fera de ces deux peuples qu'une seule cité des fidèles, un seul temple. Notre-Seigneur compare maintenant ceux qu'il vient d'appeler vignerons à des architectes, parce que ceux-là même qui cultivaient comme une vigne le peuple qu'ils dirigeaient pour lui faire produire des fruits de vie, avaient aussi pour devoir de faire de ce peuple un temple parfaitement orné et digne du Dieu qui l'habite. - Théophyl. Cette pierre donc, que les docteurs ont rejetée, est devenue la pierre de l'angle; cet angle, c'est l'Eglise qui réunit les Juifs et les gentils; cet angle, c'est-à-dire l'Eglise, a Dieu pour auteur, et c'est un spectacle admirable à nos yeux, aux yeux des fidèles, car les infidèles ne croient point aux miracles. L'Eglise est vraiment admirable, parce qu'elle est établie sur des miracles que Dieu opère par le ministère des Apôtres, en confirmant leurs paroles par les prodiges dont il l'accompagnait (Mc 16). Tel est le sens de ses paroles: «C'est le Seigneur qui a fait cela, et nos yeux le voient avec admiration». - S. Jér. Ou bien encore, cette pierre qui a été rejetée et qui est devenue la pierre de l'angle est la figure de celui qui, dans la Cène, a uni le pain céleste à l'Agneau, a mis fin à l'ancienne alliance pour commencer la nouvelle, et a fait éclater à nos yeux des merveilles (Ps 118,23) aussi brillantes que la topaze.
Bède. Les princes des prêtres rendirent témoignage à la vérité des paroles du Sauveur, par la résolution qu'ils prirent: «Et ils cherchaient le moyen de l'arrêter», car il est cet héritier dont il prédisait que la mort injuste serait vengée par son Père. Dans le sens moral, tout fidèle, lorsque l'Eglise lui donne le sacrement de baptême, reçoit comme une vigne qu'il doit cultiver. Il frappe, accable d'outrages, et chasse dehors le serviteur qui lui est envoyé, lorsque la parole qui lui est annoncée devient l'objet de son mépris, et ce qui est pis encore, de ses blasphèmes. Il met à mort l'héritier autant qu'il est en lui, lorsqu'il foule aux pieds le Fils de Dieu (He 10,28). Ce vigneron coupable est exterminé, et la vigne donnée à un autre, lorsque le don de la grâce, méprisé par les orgueilleux, vient enrichir l'âme qui est humble. Nous voyons même se renouveler tous les jours dans l'Eglise la conduite des princes des prêtres qui cherchaient à se saisir de Jésus, mais qui sont retenus par la crainte du peuple, lorsqu'un chrétien qui ne l'est que de nom, rougit ou craint d'attaquer l'unité de la foi et de la paix de l'Eglise, retenu qu'il est par la multitude d'âmes saintes qui font avec lui partie de cette même Eglise.
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Bède. Les princes des prêtres cherchaient à se saisir de Jésus, mais ils craignaient le peuple; ce qu'ils n'osent donc faire par eux-mêmes, ils essaient de le mettre à exécution par l'intermédiaire du pouvoir séculier, pour se décharger de la responsabilité de sa mort. «Et ils lui envoyèrent quelques-uns des pharisiens et des hérodiens». - Théophyl. Nous avons dit ailleurs que les hérodiens formaient une secte nouvelle qui soutenait qu'Hérode était le Christ, parce qu'il n'y avait plus alors de successeurs naturels au sceptre des rois de Juda (Gn 49,10). D'autres prétendent que les hérodiens étaient des soldats d'Hérode embauchés par les pharisiens, pour être témoins des paroles de Jésus-Christ, s'emparer de sa personne et le leur amener. Voyez quelle est leur malice, et comme ils cherchent à tromper le Sauveur par leurs flatteries: «Et étant venus, ils lui dirent: Maître, nous savons que vous êtes sincère et véritable». - S. Jér. Ils l'interrogent avec des paroles mielleuses, et l'entourent comme des abeilles qui ont le miel à la bouche et l'aiguillon par derrière. - Bède. Cette question si flatteuse mais pleine de fourberie, tend à provoquer du Sauveur cette réponse, qu'il craint Dieu plus que César, et à lui faire dire qu'il ne faut point payer le tribut, afin que les hérodiens prennent occasion pour l'accuser de vouloir soulever une révolte contre les Romains, ils ajoutent: «Vous n'avez égard à qui que ce soit et vous ne considérez point la qualité des personnes». - Théophyl. C'est-à-dire, que vous seriez prêt à refuser tout honneur à César, si vous ne le pouviez qu'aux dépens de la vérité: «Mais vous enseignez la voie de Dieu dans la vérité», etc. Leur question perfide cachait de toute part un précipice, si Jésus répondait qu'il est permis de payer le tribut à César, ils exciteraient contre lui le peuple, en l'accusant de vouloir le réduire en servitude. Si au contraire, il défendait de payer le tribut, ils le présenteraient comme un homme qui soulevait le peuple contre César. Mais celui qui est la source de la sagesse sut échapper à leurs embûches. «Jésus, connaissant leur hypocrisie, leur dit: Pourquoi me tentez-vous? Apportez-moi un denier». - Bède. Le denier est une pièce de monnaie qui valait dix as et qui portait l'effigie de César. «Et il leur demanda: De qui est cette image et cette inscription? De César, leur dirent-ils». Que ceux qui pensent que la question du Sauveur est l'effet de l'ignorance et non d'un dessein particulier, se détrompent; ils savaient fort bien de qui était cette effigie; si donc il interroge, c'est afin de se ménager l'occasion d'une réponse convenable: «Jésus leur répondit: Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu». - Théophyl. C'est-à-dire, rendez l'image à celui dont elle reproduit les traits. En d'autres termes, rendez ce denier à César, car vous pouvez très-bien à la fois payer le tribut à César, et rendre à Dieu ce qui lui appartient. - Bède. C'est-à-dire, les dîmes, les prémices, les oblations, les victimes, à l'exemple de Jésus-Christ, qui a payé le tribut pour Pierre et pour lui, tout en rendant à Dieu ce qui est à Dieu, par l'accomplissement fidèle de la volonté de son l'ère. - S. Jér. Ou bien dans un autre sens: Rendez forcément à César la pièce de monnaie qui porte son empreinte, et offrez vous vous-mêmes volontairement à Dieu; car la lumière de votre visage, Seigneur, et non celle de César, a été gravée sur nous (Ps 4,6) - Théophyl. César peut encore être considéré ici comme l'emblème de toutes les nécessités vie la vie. Le Seigneur nous ordonne donc de donner au corps la nourriture qui lui est propre et le vêtement, et de rendre à Dieu ce qui est à Dieu, c'est-à-dire, les veilles, les prières, etc. «Et ils admirèrent sa réponse». Une si grande sagesse aurait du ouvrir leur coeur à la foi; ils se contentent d'admirer que leurs desseins artificieux n'aient pas abouti.
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