Catena Aurea 9149
9149 Lc 1,49
Parce que celui qui est tout-puissant a fait en moi de grandes choses, et son nom est saint.
Théophyl. La Vierge déclare que ce n'est point à sa vertu qu'elle devra d'être proclamée bienheureuse, elle en donne ici la véritable cause: «Parce que Celui qui est tout-puissant a fait en moi de grandes choses». - S. Aug. (Serm. sur l'assomp). Quelles sont les grandes choses que Dieu a faites en vous? Vous avez mis au monde votre Créateur, vous sa créature, vous avez enfanté votre Seigneur, vous sa servante, et c'est par vous que Dieu a racheté le monde, par vous qu'il lui a rendu la vie. - Tite. (de Bostr). Comment a-t-il opéré en moi de grandes choses? c'est que j'ai conçu sans cesser d'être vierge, triomphant ainsi des lois de la nature. J'ai été jugée digne de devenir, sans le secours d'un homme, non pas une mère quelconque, mais la Mère du Sauveur unique des hommes. - Bède. Ces paroles se rapportent au commencement de ce cantique où il est dit: «Mon âme exalte le Seigneur». Car l'âme en qui Dieu a daigné opérer de grandes choses peut seule célébrer dignement ses grandeurs. - Tite. (comme précéd). Elle dit: «Celui qui est tout puissant», afin que si quelque doute vient à s'élever sur le mystère de cette conception opérée dans une vierge sans qu'elle perde sa virginité, ce miracle trouve aussitôt son explication dans la puissance de Dieu. Et loin de nous la pensée que le Fils unique qu'elle a porté dans son sein ait été pour elle la cause de quelque souillure, «parce que son nom est saint». - S. Bas. (sur le Ps 32, vers la fin). Le nom de Dieu est appelé saint, non qu'il y ait dans les syllabes qui le composent aucune puissance sanctificatrice, mais parce que toute propriété, toute perfection de Dieu, comme toute intelligence des merveilles que nous contemplons en lui est sainte et pure. - Bède. Sa puissance est tellement élevée, qu'elle surpasse toute créature et qu'elle le place à une distance incommensurable de toutes les choses qu'il a créées. Cette pensée ressort beaucoup mieux dans le texte grec où le mot a ãéïí signifie qui est élevé au-dessus de la terre.
9150 Lc 1,50
Et sa miséricorde s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent.
Bède. De ces dons particuliers, Marie s'élève jusqu'aux jugements de Dieu, qui embrassent l'universalité du genre humain dont elle décrit l'état: «Et sa miséricorde, dit-elle, s'étend de génération en génération sur ceux qui le craignent». Elle semble dire: Ce n'est point seulement pour moi qu'il a fait de grandes choses, mais dans toute nation, celui qui a la crainte de Dieu est sûr d'obtenir ses faveurs. - Orig. (hom. 8). Car la miséricorde de Dieu n'est pas restreinte à une seule génération, mais elle s'étend à perpétuité de génération en génération. - Grec. (Victor, Chaîne des Pères grecs). C'est par cette miséricorde qu'il existe d'âge en âge, que j'ai conçu et qu'il s'est uni lui-même à un corps vivant, pour traiter l'affaire de notre salut par un sentiment d'amour. Toutefois, sa miséricorde ne s'exerce pas indistinctement, mais sur ceux qui dans toute nation sont soumis à la crainte de Dieu. Voilà pourquoi Marie ajoute: «Sur ceux qui le craignent», c'est-à-dire, sur ceux que le repentir amène à la foi et à une vraie pénitence, car ceux qui résistent avec obstination se sont fermé, par leur incrédulité coupable, la porte de la miséricorde. - Theophyl. Ou bien encore, ces paroles signifient que ceux qui craignent Dieu obtiendront miséricorde, et dans cette génération, c'est-à-dire, dans le siècle présent, et dans la génération future, ou dans le siècle à venir, et qu'ils recevront le centuple en ce monde (Mt 19,29), et dans la vie future une récompense beaucoup plus grande.
9151 Lc 1,51
Il a déployé la force de son bras, il a dissipé ceux qui s'élevaient d'orgueil dans les pensées de leur coeur.
Bède. En décrivant l'état du genre humain, Marie prédit le châtiment qui attend les orgueilleux, et la récompense réservée à ceux qui sont humbles: «Il a déployé la force de son bras», etc. C'est-à-dire, du Fils de Dieu lui-même; car de même que c'est par votre bras que vous agissez, le Verbe par qui Dieu a créé le monde s'appelle le bras de Dieu. - Orig. (hom. 8). C'est pour ceux qui le craignent qu'il a déployé la force de son bras, car quelle que soit votre infirmité, lorsque vous approchez de Dieu, si vous le craignez, vous obtiendrez le secours qu'il vous a promis. - Théophyl. Ce bras dont il a fait éclater la puissance, c'est aussi le Fils de Dieu incarné, parce que la nature a été vaincue par le miracle d'une vierge devenue mère, et d'un Dieu fait homme. - Grec. (Photius). Il a fait, ou plutôt, il fera éclater sa puissance, non comme autrefois, lorsqu'il anéantit par Moïse l'armée des Egyptiens, ou qu'il détruisit par un ange, au nombre de plusieurs mille, l'armée des Assyriens rebelles. Ici c'est par sa seule puissance et sans le concours de personne qu'il triomphe des intelligences révoltées contre lui: «Il a dissipé les orgueilleux dans les pensées de leur coeur», c'est-à-dire, il a dissipé toute âme qui a refusé de croire à sa venue; bien plus, il a dévoilé et mis à découvert leurs pensées superbes et criminelles. - Cyril. Alex. (Ch. des Pèr. gr). Toutefois, c'est principalement des cohortes ennemies des démons que ces paroles doivent s'entendre, car la venue du Seigneur a dissipé ces cruels ennemis du genre humain, et a replacé sous l'obéissance de Dieu ceux qu'ils retenaient dans des chaînes de l'esclavage. - Théophyl. On peut encore les appliquer aux Juifs, qu'il a dispersés dans toutes les contrées du monde, comme ils le sont encore aujourd'hui.
9152 Lc 1,52
Il a renversé les grands de leur trône, et il a élevé les petits.
Bède. Ces dernières paroles: «Il a fait éclater la puissance de son bras», et celles qui précèdent: «Sa miséricorde s'exerce d'âge en âge», doivent être rattachées chacune à l'un des membres de ce verset, parce qu'il est vrai de dire que les orgueilleux ne cessent d'être abaissés et les humbles d'être élevés par une disposition aussi juste que miséricordieuse de la puissance divine. Elle ajoute donc: «il a renversé les grands de leur trône, et il a élevé les petits». - Cyr. d'Alex. Les démons, et les princes des démons, les sages parmi les gentils, les pharisiens et les scribes avaient tous de hautes et grandes idées d'eux-mêmes. Dieu cependant les a tous renversés, et il a relevé ceux qui s'humiliaient sous sa main puissante (1P 5), en leur donnant le pouvoir de fouler aux pieds les serpents et les scorpions, et toute la puissance de l'ennemi (Lc 10,19). Les Juifs eux-mêmes s'enorgueillirent autrefois de leur puissance, mais leur incrédulité les a renversés à terre, tandis que parmi les gentils, ceux qui étaient humbles, sans éclat aux yeux des hommes, ont été élevés par la foi au faîte de la véritable grandeur. - Grec. (ou Macaire, Ch. des Pèr. gr). Nous savons que notre esprit doit être le siège de la divinité; mais aussitôt le péché de notre premier père, les puissances d'iniquité ont envahi l'intérieur de notre âme, pour y régner comme sur leur propre trône. Or Dieu est venu justement sur la terre pour chasser ces esprits mauvais du siège de nos volontés, et relever ceux que les démons avaient terrassés, en purifiant leurs consciences et en établissant son trône dans leur coeur.
9153 Lc 1,53
Il a rempli de biens ceux qui étaient affamés, et il a renvoyé vides ceux qui étaient riches.
La Glose. Comme la prospérité humaine consiste surtout dans les honneurs des puissants de ce monde et dans l'abondance des richesses, après avoir parlé de l'humiliation des grands et de l'élévation des humbles, elle prédit que les riches seront réduits au plus entier dénuement, et les pauvres remplis de toutes sortes de biens: «Il a rempli de biens ceux qui étaient affamés», etc. - S. Bas. (sur les Psaum). Nous pouvons entendre ces paroles mêmes des choses sensibles, et y apprendre l'incertitude des choses de ce monde. Elles sont bien fragiles, en effet, comme ces flots que l'impétuosité des vents brise et disperse de tous côtés. Entendues dans le sens spirituel, ces paroles signifient que le genre humain tout entier était comme affamé, à l'exception des Juifs, que la promulgation de la loi et les enseignements des saints prophètes avaient enrichis. Mais ils ont refusé de s'attacher humblement au Verbe incarné, et ils ont été renvoyés vides de tous biens et dans le plus entier dénuement, privés de la foi, de la science, de l'espérance des biens, exclus tout ensemble de la Jérusalem terrestre et de la vie future. Ceux au contraire, parmi les gentils, que la faim et la soif avaient complètement épuisés, se sont attachés au Seigneur et ont été remplis de tous les biens spirituels. - La Glose. Ceux aussi qui ont faim des biens éternels, qui les désirent ardemment, seront rassasiés, lorsque Jésus-Christ apparaîtra dans sa gloire, mais pour ceux qui placent leur joie dans les choses de la terre, ils seront à la fin des siècles renvoyés vides de tous biens et de toute félicité.
9154 Lc 1,54-55
Et il a pris en sa protection Israël, se ressouvenant de sa miséricorde, selon la promesse qu'il a faite à nos pères, à Abraham et à sa postérité pour toujours.
La Glose. Après avoir rappelé en général les effets de la miséricorde et de la justice divine, Marie en vient aux effets particuliers du nouveau mystère de l'Incarnation qui vient de s'accomplir: «Il a pris en sa protection Israël, son serviteur», etc. Il l'a pris comme un médecin prend un malade, il s'est rendu visible parmi les hommes, afin qu'Israël (c'est-à-dire, voyant Dieu) (cf. Gn 28), devînt son serviteur. - Bède. Et son serviteur obéissant, humble; car celui qui refuse de s'humilier ne peut être sauvé. - S. Bas. (ou Cyril). Elle ne veut point parler d'Israël selon la chair, qui tirait sa noblesse de son nom, mais d'Israël selon l'esprit, qui tenait son nom de sa foi, et dont les yeux s'appliquaient à voir Dieu par la foi. On peut aussi appliquer ces paroles aux Israélites selon la chair, puisqu'un nombre infini d'entre eux ont embrassé la foi. Dieu agit de la sorte en souvenir de sa miséricorde, car il accomplissait la promesse faite à Abraham : «Tous les peuples de la terre seront bénis en celui qui sortira de vous» (Gn 22,18). C'est cette même promesse que la Mère de Dieu célèbre lorsqu'elle dit: «Selon la promesse qu'il a faite à nos pères, à Abraham», etc. Dieu avait dit en effet à Abraham: «J'affermirai mon alliance avec vous, et après vous avec votre race dans la suite de leurs générations, par un pacte éternel, afin que je sois votre Dieu, et le Dieu de votre postérité après vous» (Gn 17,7).
Bède. Cette postérité doit s'entendre beaucoup moins des descendants d'Abraham selon la chair, que des imitateurs de sa foi, et c'est à eux que la venue du Sauveur a été promise pour des siècles. - La Glose. En effet, la promesse qui a pour objet cet héritage n'aura point de terme, jusqu'à la fin des siècles il y aura des croyants, et la glorieuse félicité qui leur est réservée sera éternelle.
9156 Lc 1,56
Marie demeura avec Elisabeth environ trois mois, et elle s'en retourna en sa maison.
S. Ambr. Marie demeura jusqu'au temps de la délivrance d'Elisabeth, selon le récit de l'Évangéliste: «Marie demeura», etc. - Théophyl. C'est le sixième mois de la conception du Précurseur que l'ange est venu la trouver, elle demeura trois mois avec Elisabeth, ce qui fait les neuf mois accomplis. - S. Ambr. Ce n'est pas seulement l'intimité de Marie avec sa cousine, mais le désir d'être utile à un si grand prophète qui la détermine à prolonger son séjour. En effet, si dès son arrivée, les grâces du ciel se répandirent avec tant d'abondance, qu'à la voix de Marie l'enfant tressaillit dans le sein de sa mère, et que la mère elle-même fut remplie de l'Esprit saint, que ne dut pas ajouter la présence de Marie pendant un si long espace de temps? Nous disons donc avec raison, que Marie remplit ici un véritable ministère, et qu'elle a observé dans son séjour un nombre mystérieux. - Bède. Car l'âme chaste, qui conçoit le désir du Verbe spirituel, doit nécessairement monter au sommet élevé des célestes exercices, y demeurer comme pendant trois mois, et y persévérer jusqu'à ce qu'elle soit éclairée pleinement de la lumière rayonnante de la foi, de l'espérance et de la charité. - Théophyl. Lorsqu'Elisabeth fut sur le point d'enfanter, la Vierge la quitta: «Et elle s'en retourna», etc., à cause du grand nombre de personnes qui devaient se réunir à l'occasion de l'enfantement: Or il n'était pas convenable que la Vierge fût présente dans ces circonstances. - Grec. ou Métaphraste (Ch. des Pèr. gr). Il est d'usage, en effet, que les vierges se retirent lorsqu'une femme est sur le point d'enfanter. Dès qu'elle fut rentrée dans sa maison, elle n'en sortit plus, elle y demeura jusqu'au moment où elle connut que l'heure de son enfantement était proche, et ce fut alors qu'un ange fut envoyé pour éclaircir le doute de Joseph.
9157 Lc 1,57-58
S. Ambr. Si vous voulez y faire attention, vous ne trouverez jamais employé le mot plénitude que pour la génération des justes, c'est pour cela que l'Évangéliste ajoute: «Le temps d'Elisabeth fut accompli». Car on peut dire que la vie des justes est pleine, tandis que les jours des impies sont vides. - S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr). Dieu retarda l'enfantement d'Elisabeth pour en augmenter la joie, et rendre cette femme plus célèbre, comme l'indiquent les paroles suivantes: «Les voisins apprirent», etc. Ceux qui savaient qu'elle était stérile, devinrent ainsi les témoins de la grâce divine; aucun de ceux qui avaient vu l'enfant ne se retirait sans exprimer son admiration, et louer Dieu qui l'avait accordé contre toute espérance. - S. Ambr. La naissance des saints est un sujet de joie publique, parce qu'elle est un bien général; la justice, en effet, est une vertu qui a pour objet l'intérêt de tous, c'est pourquoi dans la naissance du juste on voit un présage de la vie qui doit suivre, et de la grâce qui doit en enfanter les vertus, grâce dont la joie des voisins est le symbole.
9159 Lc 1,59-64
S. Chrys. La loi de la circoncision fut donnée surtout à Abraham comme un signe distinctif; Dieu voulait que la race du saint patriarche se conservât pure et sans mélange d'autre peuple, afin qu'elle pût obtenir les biens qu'il lui avait promis. Mais dès que l'oeuvre de l'alliance est consommée, le signe qui l'annonçait doit être supprimé. C'est ainsi que le baptême succède à la circoncision qui a pris fin en Jésus-Christ; mais jusque-là Jean devait être circoncis: «Et il arriva qu'au huitième jour, ils vinrent circoncire l'enfant», etc. Dieu avait dit: L'enfant mâle de huit jours sera circoncis (Gn 17,12). La bonté divine avait fixé ce terme de huit jours pour deux raisons, à mon avis: premièrement, pour que dans un âge aussi tendre, la douleur produite par l'incision de la chair fut moins vive; secondement, pour nous apprendre par le fait lui-même, que la circoncision était un signe; car l'enfant, à cet âge, ne peut comprendre ce que signifient les actes dont il est l'objet. Après la circoncision, on donnait le nom à l'enfant. «Et ils le nommaient», etc. On suivait cet ordre, parce qu'il faut tout d'abord recevoir le signe distinctif du Seigneur, avant de prendre le nom que l'on doit porter; ou bien encore, parce qu'il faut renoncer à toutes les choses charnelles signifiées par la circoncision, pour être digne de voir son nom écrit dans le livre de vie.
S. Ambr. Admirez comment l'Évangéliste a commencé par dire que plusieurs de ceux qui étaient présents avaient voulu donner à l'enfant le nom de Zacharie, son père; pour vous faire comprendre que sa mère n'avait aucun éloignement pour un nom quelconque de la famille, mais que l'Esprit saint lui avait révélé le nom que l'ange avait auparavant annoncé à Zacharie. Zacharie étant muet ne put faire connaître ce nom à son épouse, Elisabeth apprit donc par révélation ce qu'elle ne pouvait savoir de son mari: «Et prenant la parole, elle dit», etc. Ne soyez pas surpris, si elle indique avec tant d'assurance un nom dont personne ne lui a parlé; car l'Esprit saint qui avait confié ce nom à l'ange, le lui a révélé. En effet, celle qui avait annoncé prophétiquement la venue du Christ, ne devait pas ignorer le nom de son précurseur. Remarquez les paroles qui suivent: «Et ils lui dirent», etc., et comprenez que ce n'est pas ici un nom de famille, mais le nom d'un prophète. On interroge aussi Zacharie par signes: «Ils faisaient signe au père», etc. Mais comme son incrédulité lui avait fait perdre la parole et l'ouïe, il est obligé de faire connaître par signes et en écrivant, ce qu'il ne pouvait exprimer par la parole: «Et ayant demandé des tablettes, il écrivit dessus: Jean est son nom», etc. C'est-à-dire, nous ne donnons pas un nom à celui qui l'a déjà reçu de Dieu. - Orig. (Ch. des Pèr. gr). Zacharie signifie qui se souvient de Dieu, Jean, celui qui montre. Or, le souvenir a pour objet celui qui est absent, et on ne montre que celui qui est présent. En effet, Jean devait non pas rappeler le souvenir de Dieu comme absent, mais le montrer du doigt présent au milieu des hommes, en disant: «Voici l'Agneau de Dieu» (Jn 1,29). - S. Chrys. (comme précéd). Le nom de Jean signifie aussi grâce de Dieu, c'est par une action de la grâce divine, et non pas un effet des lois naturelles qu'Elisabeth est devenue mère, et la mémoire d'un si grand bienfait se trouve éternisée dans le nom de son enfant. - Théophyl. Le père se trouve d'accord avec sa femme sur le nom de l'enfant, ce qui explique les paroles suivantes: «Et tous furent remplis d'étonnement», etc. Personne, en effet, dans leur famille, ne portait ce nom, on ne pouvait donc dire qu'il était venu à la pensée des deux époux.
S. Grég. de Nazianze. (disc. 12). Jean, dès sa naissance, rend à son père l'usage de la parole: «Sa bouche s'ouvrit», etc. Il eût été contre la raison que le père demeurât muet, lorsque la voix du Verbe s'était fait entendre. - S. Ambr. Il était convenable que sa langue fût aussitôt déliée; l'incrédulité l'avait comme enchaînée, la foi la rend à la liberté. Croyons nous aussi, et notre langue captive dans les liens de l'incrédulité, verra briser ses chaînes; écrivons les mystères dans notre esprit, si nous voulons parler; gravons le nom du Précurseur, non sur des tables de pierre, mais sur les tables de chair de notre coeur (cf. 2Co 3,3 Rm 9,30-31); car celui qui parle de Jean, annonce le Christ; en effet l'Évangéliste ajoute: «Et il parlait en bénissant Dieu».
Bède. Dans le sens allégorique, la solennité de la naissance de Jean est le commencement de la grâce du Nouveau Testament. Ses voisins et ses parents voulaient lui donner le nom de son père, plutôt que celui de Jean, parce que les Juifs qui lui étaient unis par l'observation de la loi comme par une espèce d'affinité désiraient bien plus suivre la justice qui vient de la loi, que de recevoir la grâce de la foi, mais la mère et le père de Jean font tout, l'une de vive voix, l'autre en écrivant, pour faire prévaloir le nom de Jean (qui veut dire grâce de Dieu), parce que la loi elle-même, les psaumes et les prophètes proclament ouvertement la grâce de Jésus-Christ; et le sacerdoce ancien lui rend également témoignage par les ombres figuratives des cérémonies et des sacrifices. Par un rapprochement mystérieux, Zacharie recouvre la parole le huitième jour de la naissance de son fils, figure de la résurrection du Seigneur, qui eut lieu le huitième jour, c'est-à-dire après le jour du sabbat qui était le septième, et dévoila tous les mystères du sacerdoce de l'ancienne loi.
9165 Lc 1,65
Théophyl. Le peuple avait été surpris de la mutité de Zacharie, il ne le fut pas moins lorsqu'il recouvra l'usage de la parole: «Tous furent saisis de crainte», etc., c'est-à-dire que ces deux prodiges leur donnèrent une haute idée des destinées de cet enfant. Tous ces événements étaient réglés par une économie divine, afin que celui qui devait être le témoin du Christ, fût un témoin digne de foi. Aussi voyez ce qu'ajoute l'auteur sacré: «Tous les conservèrent dans leur coeur, et ils disaient: Que pensez-vous que sera un jour cet enfant ?» - Bède. En effet, ces signes avant-coureurs ouvrent la voie au précurseur de la vérité, et le futur prophète se présente sous les auspices les plus imposants: «Car la main du Seigneur était avec lui». - Grec. (ou Métaphraste, Ch. des Pèr. gr). En effet, Dieu opérait en lui des prodiges dont Jean n'était pas l'auteur, mais la main (ou la droite) de Dieu. - Glose. Cette crainte est au sens mystique la figure de la crainte salutaire que produisit la prédication de la grâce de Jésus-Christ, dans les temps qui suivirent sa résurrection, et qui ébranla les coeurs non seulement des Juifs (qui étaient proches, soit par la contrée qu'ils habitaient, soit par la connaissance de la loi), mais encore des nations les plus éloignées. Et la renommée de Jésus-Christ, non seulement a franchi les montagnes de la Judée, mais a surpassé les sommets les plus élevés des royaumes du monde et de la sagesse humaine.
9167 Lc 1,67-68
S. Amb. Dieu est bon et se montre facile à pardonner les fautes, non seulement il rend les biens que le péché a fait perdre, mais il accorde des grâces inespérées. Que personne donc ne se laisse aller à la défiance, que personne, au souvenir de ses fautes passées, ne désespère de la grâce de Dieu. Dieu saura bien changer ses jugements, si vous savez expier vos fautes. Voyez Zacharie, il était muet tout à l'heure, et il prophétise: «Et Zacharie ayant été rempli de l'Esprit saint». - S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr). C'est-à-dire qu'il prophétise sous l'inspiration de l'Esprit saint qui lui donne sa grâce, non dans une certaine mesure, mais dans sa plénitude, et fait briller en lui le don de prophétie: «Et il prophétisa». - Orig. (hom. 10). La prophétie de Zacharie, inspirée par l'Esprit saint, a deux grands objets, le premier, Jésus-Christ; le second, Jean-Baptiste, ce qui paraît clairement dans son cantique, où il parle du Sauveur, comme s'il était présent et vivant au milieu du monde: «Béni soit le Dieu d'Israël, de ce qu'il a visité», etc. - S. Chrys. En bénissant Dieu, Zacharie déclare qu'il a visité son peuple, soit qu'on veuille entendre les Israélites selon la chair; car il est venu pour sauver les brebis perdues de la maison d'Israël (Mt 15,24), soit les Israélites spirituels (c'est-à-dire les fidèles) qui s'étaient rendus dignes de cette visite, en méritant les effets sensibles de la providence de Dieu à leur égard. - Bède. Le Seigneur a visité son peuple défaillant sous le poids d'une longue infirmité, et il a racheté du sang de son Fils unique ce peuple vendu au péché. Zacharie savait que cette rédemption allait s'opérer, et selon l'usage des prophètes, il l'annonce comme si déjà elle était accomplie. Il dit: «Son peuple», non qu'il le fût à sa venue, mais il l'a fait son peuple en le visitant.
9169 Lc 1,69
De ce qu'il nous a suscité un puissant Sauveur dans la maison de David, son serviteur.
Théophyl. Dieu paraissait dormir à notre égard à la vue de nos fautes sans nombre, mais en s'incarnant dans les derniers temps, il s'est comme éveillé et a écrasé les démons, nos mortels ennemis: «Et il a élevé le signe du salut dans la maison de David, son serviteur». - Orig. En effet, c'est de la race de David que le Christ est né selon la chair, c'est pourquoi l'Évangéliste dit: «La corne du salut dans la maison de David», comme on lit ailleurs «Une vigne a été plantée sur un lieu élevé» (littéralement sur une corne Is 5), c'est-à-dire en Jésus-Christ. - S. Chrys. (Discours sur Anne, Ch. des Pèr. gr). - Le mot corne signifie ici la puissance, la gloire, la renommée, c'est une expression métaphorique prise des animaux à qui Dieu a donné des cornes pour leur servir à la fois de défense et d'ornement. - Bède. Le règne du Sauveur Jésus-Christ est aussi appelé la corne du salut; en effet, tous les os sont recouverts de chair, mais les cornes s'élèvent au-dessus du reste du corps, le règne de Jésus-Christ est donc appelé corne du salut, parce qu'il domine le monde et les joies de la chair, et c'est en figure de ce règne que David et Salomon ont été consacrés pour la gloire de leur règne avec une corne remplie d'huile (cf. 1S 16,13 1R 1,39).
9170 Lc 1,70
Selon ce qu'il avait promis par la bouche de ses saints prophètes, qui ont été dès le commencement.
Théophyl. Michée a prédit que le Christ naîtrait de la maison de David (Mi 5,1): «Et toi Bethléem, terre de Juda, tu n'es pas la plus petite, car c'est de toi que doit sortir celui qui gouvernera mon peuple d'Israël»; mais tous les prophètes ont annoncé le mystère de l'incarnation, aussi Zacharie ajoute: «Comme il l'avait promis par la bouche de ses saints prophètes», etc. - Grec. (Prêt. Vict. Ch. des Pèr. gr). C'est donc Dieu qui a parlé par leur bouche, et ce qu'ils ont annoncé, ne vient point de l'homme. - Bède. Il dit: «Qui ont été dès le commencement»; parce que tous les écrits de l'ancien Testament ont été une annonce prophétique de Jésus-Christ, car notre premier père Adam et les autres patriarches ont rendu témoignage par leurs actions à la divine économie de la rédemption.
9171 Lc 1,71
De nous sauver de nos ennemis et des mains de tous ceux qui nous haïssent.
Bède. Zacharie développe ce qu'il n'a fait qu'indiquer par ces paroles: «Il nous a suscité un puissant Sauveur», en ajoutant: «Pour nous sauver de nos ennemis», comme s'il disait: il nous a élevé le signe du salut, c'est-à-dire, il nous a suscité un Sauveur pour nous délivrer de nos ennemis, et des mains de tous ceux qui nous haïssent. - Orig. (hom. 46). Gardons-nous de croire qu'il veuille parler ici des ennemis corporels, il s'agit des ennemis spirituels; le Seigneur Jésus, le fort dans les combats est venu détruire tous nos ennemis, pour nous délivrer de leurs embûches et de leurs tentations.
9172 Lc 1,72-73
Pour exercer sa miséricorde envers nos pères et se souvenir de son alliance sainte, selon qu'il a juré à Abraham, notre père, de nous accorder cette grâce.
Bède. Zacharie venait de dire que le Seigneur devait naître dans la maison de David, selon les oracles des prophètes; il ajoute que pour accomplir l'alliance qu'il fit avec Abraham il sera notre libérateur, car c'est à ces deux saints patriarches, c'est-à-dire à celui qui devait naître d'eux que Dieu a promis la réunion de tous les peuples de la terre, ou l'incarnation du Christ, il met David le premier, parce que la promesse de la formation de l'Église fut faite à Abraham, et à David la prédiction de la naissance du Christ. Voilà pourquoi après David, vient Abraham: «Pour exercer sa miséricorde envers nos pères». - Orig. (hom. 10). Je suis convaincu qu'à la venue du Sauveur, Abraham, Isaac et Jacob ont ressenti les effets de sa miséricorde; pourrait-on croire en effet que la venue du Seigneur ait été sans utilité pour ces saints patriarches qui avaient vu le jour du Sauveur et s'en étaient réjouis, alors qu'il est écrit (Col 1,20): «Qu'il a pacifié par le sang de sa croix la terre et les cieux». - Théophyl. La grâce de Jésus-Christ s'est étendue à ceux mêmes qui étaient morts, car nous ne sommes pas les seuls qui ressusciteront par Jésus-Christ, mais encore tous ceux qui sont morts avant sa venue. Il a fait miséricorde à nos pères, en comblant leurs espérances et leurs désirs, «pour se souvenir, dit Zacharie, de son alliance sainte», celle dont Dieu a dit: «Je te comblerai de bénédictions, et je te multiplierai à l'infini» He 6,14). Abraham s'est en effet multiplié dans toutes les nations qui sont devenues ses enfants adoptifs par l'imitation de sa foi. Disons encore que les patriarches en voyant leurs enfants comblés de si grands bienfaits, en ont éprouvé une joie sensible, et ressenti eux-mêmes les effets de la miséricorde divine, c'est ce que signifient ces paroles: «Voilà le serment qu'il a fait à Abraham, notre père, il a juré qu'il nous ferait cette grâce». - S. Bas. (Ch. des Pèr. gr). Que personne ne s'appuie sur ces paroles: «Dieu a fait le serment», pour autoriser l'habitude qu'il a de jurer: car de même que ce que nous appelons la fureur du Seigneur ne signifie pas une passion en Dieu, mais le châtiment des coupables, de même aussi Dieu ne jure pas à la manière des hommes, mais sa parole est appelée serment pour exprimer plus fortement la vérité; et parce qu'elle accomplit avec une résolution immuable tout ce qu'il a promis.
9174 Lc 1,74
Afin qu'étant délivrés des mains de nos ennemis, nous le servions sans crainte.
S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr. comme préc). Après avoir prédit qu'une corne de salut, qu'un puissant Sauveur sortirait pour nous de la maison de David, Zacharie déclare que par lui encore nous serons couverts de gloire, et nous n'aurons rien à craindre de nos ennemis: «Afin qu'étant délivrés des mains de nos ennemis, nous le servions sans crainte». Ces deux choses se trouvent difficilement réunies: il en est beaucoup en effet qui échappent aux dangers, mais dont la vie reste sans gloire, tels sont les criminels à qui la clémence du souverain fait grâce de la prison. D'autres, au contraire, ont la gloire en partage, mais au prix de quels dangers ils sont forcés de l'acquérir? Tels sont les guerriers qui ont embrassé la glorieuse carrière des armes, mais qui vivent toujours au milieu des hasards. Ce puissant Sauveur, et nous délivre, et nous couvre de gloire; il nous délivre en nous arrachant aux mains de nos ennemis, non pas à moitié, mais d'une manière admirable, et sans nous laisser aucun sujet de crainte, comme le dit Zacharie: «Afin qu'étant délivrés des mains de nos ennemis, etc». - Orig. (hom. 10). Ou bien encore, on en voit souvent qui sont délivrés des mains de leurs ennemis, mais ce n'est pas sans crainte, il faut au contraire passer par les alarmes, par les dangers, pour être délivré de leurs mains, au contraire on leur a échappé sans doute, mais ce n'a pas été sans crainte. Jésus-Christ, par sa venue sur la terre, nous a délivrés des mains de nos ennemis, sans qu'il nous en ait coûté aucune appréhension, aucune crainte; nous ne sommes pas tombés dans les embûches de nos ennemis, il nous a tout d'un coup arrachés à leur puissance pour nous faire entrer dans l'héritage qu'il nous avait destiné.
9175 Lc 1,75
Dans la sainteté et dans la justice, en sa présence, tous les jours de notre vie.
S. Chrys. (comme précéd). Zacharie glorifie Dieu en ce qu'il nous a donné de le servir avec une pleine confiance, non pas d'une manière charnelle, comme les Juifs, par le sang des victimes, mais spirituellement par nos bonnes oeuvres, c'est ce que veulent dire ces paroles: «Dans la sainteté et la justice»; car la sainteté consiste dans l'observation exacte des devoirs envers Dieu, la justice dans l'accomplissement fidèle de nos devoirs envers les hommes. Tel est celui qui observe religieusement les préceptes divins, et qui s'acquitte parfaitement de tout ce qu'il doit aux autres hommes. Il dit: non pas devant les hommes, comme font les hypocrites qui veulent plaire aux hommes, mais «devant Dieu», comme ceux qui recherchent l'approbation de Dieu et non pas celle des hommes (Rm 2,29), et cela non pas une seule fois, ou pour un temps, mais chaque jour et toute la vie, comme il ajoute: «Tous les jours de notre vie». - Bède. Car ceux qui avant leur mort abandonnent le service de Dieu, ou qui déshonorent par quelque souillure la pureté de la foi, ou l'innocence de leur conduite; ou bien ceux qui veulent être justes et saints devant les hommes, plutôt que devant Dieu, ne servent pas Dieu après avoir été pleinement délivrés des mains de leurs ennemis spirituels; mais à l'exemple des anciens Samaritains, ils veulent servir à la fois le Seigneur et les dieux des Gentils.
Catena Aurea 9149