Ecclesia in Oceania FR 17
« Un jour, Jésus se trouvait sur le bord du lac de Génésareth; la foule se pressait autour de lui pour écouter la Parole de Dieu. Il vit deux barques amarrées au bord du lac; les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets. Jésus monta dans une des barques, qui appartenait à Simon, et lui demanda de s'éloigner un peu du rivage. Puis il s'assit et, de la barque, il enseignait la foule » (Lc 5,1-3).
18 L'évangélisation est la mission qu'a l'Église de porter au monde la vérité de Dieu révélée en Jésus Christ. Les Pères du Synode ont fortement souhaité que la communio soit le thème et la visée de toute l'évangélisation en Océanie,(60) et le fondement de tout programme pastoral. Dans l'évangélisation, l'Église exprime sa propre communion intérieure et agit comme un unique corps, essayant de conduire toute l'humanité à l'unité en Dieu, par le Christ. Tous les baptisés ont la responsabilité d'annoncer l'Évangile, en paroles et en actes, au monde dans lequel ils vivent.(61)L'Évangile doit être entendu par tous en Océanie, croyants et non-croyants, autochtones et immigrants, riches et pauvres, jeunes et vieux. En vérité, tous ont le droit d'entendre l'Évangile, ce qui signifie que les chrétiens ont le devoir solennel de le partager avec eux. Une nouvelle évangélisation est aujourd'hui nécessaire pour que chacun puisse entendre et comprendre la grâce de Dieu offerte à tous les peuples en Jésus Christ, et y croire.
Au cours de cette Assemblée spéciale, les Évêques ont partagé le riche capital de leurs expériences pastorales et des expériences de leurs collaborateurs les plus proches. Ils ont ainsi discerné ensemble de nouvelles perspectives pour l'avenir de l'Église en Océanie. Beaucoup d'entre eux ont parlé de l'épreuve de l'isolement, de la difficulté de parcourir d'immenses distances et de vivre dans un environnement austère. En même temps, ils ont évoqué des expériences très positives de jeunesse de la foi et de la communio, quand les gens accueillent l'Évangile et découvrent l'amour de Dieu. Les Évêques ont aussi parlé d'espérances et de craintes, de satisfactions et de déceptions, de croissance et de déclin d'Églises particulières en Océanie. Certains ont perçu que l'Église en Océanie, dans son ensemble, était à un carrefour, ce qui lui demande de faire des choix importants pour l'avenir. Ils ont pris conscience du fait que les nouvelles circonstances en Océanie font apparaître de grands défis, et que le temps est venu d'une nouvelle présentation de l'Évangile aux peuples du Pacifique, afin qu'ils puissent entendre la Parole de Dieu avec une foi renouvelée et trouver une vie plus abondante dans le Christ. Mais ils ont reconnu qu'il faut, pour y parvenir, de nouvelles manières et de nouvelles méthodes d'évangélisation, inspirées par un surcroît de foi, d'espérance et d'amour du Seigneur Jésus.
Comme première étape dans ce nécessaire « renouvellement de notre façon de penser » (cf. Rm 12,2), les Évêques ont parlé très positivement des nombreux efforts réalisés pour appliquer les directives du Concile Vatican II. Ils ont insisté sur le fait qu'il faut construire sur ces fondements, ce qui implique d'autres initiatives pour affermir la foi de ceux dont la croissance est fragile et pour la présenter d'une façon plus convaincante à l'ensemble de la société. L'appel au renouveau est un appel à proclamer au monde la vérité de Jésus Christ, en lui rendant témoignage, même jusqu'au sacrifice suprême du martyre. C'est à cela que l'Église en Océanie est maintenant appelée; et telle est la raison sous-jacente de la célébration de cette Assemblée spéciale du Synode des Évêques.(62)
Étant donné la situation en Océanie, il peut arriver que l'appel de Dieu ne soit pas entendu à cause de la transformation globale qui, dans la région, affecte l'identité culturelle et les institutions sociales. Certains craignent que ces changements puissent saper les fondements de la foi et conduire au « dégoût de l'esprit » et au désespoir. En de telles circonstances, nous devons nous rappeler que le Seigneur donne la force de vaincre ce genre de tentations. Notre foi en lui est comme une maison bâtie sur le roc. « La pluie est tombée, les torrents ont dévalé, la tempête a soufflé et s'est abattue sur cette maison; la maison ne s'est pas écroulée, car elle était fondée sur le roc » (Mt 7,25). Par la puissance du Saint-Esprit, l'Église en Océanie se prépare à une nouvelle évangélisation des peuples qui aujourd'hui ont soif du Christ. « C'est maintenant le moment favorable; c'est maintenant le jour du salut » (2Co 6,2).
De nombreux Pères synodaux se sont dits inquiets du statut social de la foi chrétienne en Océanie, notant qu'elle exerce une moindre influence dans les politiques qui concernent le bien commun, la moralité publique et l'administration de la justice, le statut du mariage et de la famille, ou même le droit à la vie. Certains Évêques ont fait remarquer que l'enseignement de l'Église était parfois remis en cause même par des catholiques. Dans la mesure où cela est vrai, il n'est presque pas surprenant que la voix de l'Église soit moins influente dans la vie publique.
Les défis de la modernité et de la post-modernité sont vécus par toutes les Églises locales en Océanie, mais avec une force particulière par celles qui se trouvent dans des sociétés plus puissamment affectées par la sécularisation, l'individualisme et le consumérisme. Beaucoup d'Évêques ont attribué les signes d'un affaiblissement de la foi catholique et de la pratique dans la vie de certaines personnes au fait que ces dernières acceptent comme critère de jugement et de comportement une perspective totalement sécularisée. À cet égard, le Pape Paul VI donnait déjà cet avertissement: « Il y a le danger de tout ramener à un humanisme terrestre, d'oublier la dimension morale et spirituelle de la vie, de ne plus se soucier de la relation nécessaire de l'homme au Créateur ».(63) L'Église doit répondre à sa mission d'évangéliser dans un monde de plus en plus sécularisé. Le sens de Dieu et de sa Providence aimante a diminué chez bien des gens et même dans des secteurs entiers de la société. L'indifférence pratique à l'égard des vérités et des valeurs religieuses voile le visage de l'amour divin. De ce fait, « parmi les priorités d'un effort renouvelé d'évangélisation, il faut qu'il y ait un retour au sens du sacré, à une conscience de la place centrale de Dieu dans toute l'existence humaine ».(64) La première priorité pour l'Église en Océanie, c'est de procéder à une nouvelle évangélisation. En un sens, sa mission est simple et claire: proposer une nouvelle fois à la société humaine l'Évangile intégral du salut en Jésus Christ. L'Église est envoyée au monde d'aujourd'hui, aux hommes et aux femmes de notre temps, « pour annoncer l'Évangile... pour que ne soit pas réduite la puissance de la Croix du Christ... Le langage de la Croix est en effet puissance de Dieu (1Co 1,17-18) ».(65)
(60) Cf. Assemblée spéciale pour l'Océanie du Synode des Évêques, Lineamenta, n. 42;Instrumentum laboris, nn. 22, 51; Propositions 4, 10, 44.
(61) Cf. Proposition 4.
(62) Cf. Jean-Paul II, Lettre apost. Tertio millennio adveniente (10 novembre 1994), n. TMA 21: AAS87 (1995), p. 17; La Documentation catholique 91 (1994), p. 1022.
(63) Homélie à l'Hippodrome de Randwick à l'occasion du 200e anniversaire de l'arrivée de J. Cook en Australie, Sydney (1er décembre 1970), n. 3: AAS 63 (1971), p. 62; La Documentation catholique, 68 (1971), p. 11.
(64) Jean-Paul II, Discours aux Évêques d'Australie, Sydney (26 novembre 1986), n. 4: AAS 79 (1987), p. 956.
(65) Cf. Jean-Paul II, Discours aux Évêques de Nouvelle-Zélande, Wellington (23 novembre 1986), n. 5: AAS 79 (1987), p. 937; L'Osservatore Romano, éd. hebd. en langue française, n. 49 (9 décembre 1986), p. 6.
19 Comme les Apôtres, les Évêques sont envoyés dans leurs diocèses pour être les premiers témoins du Christ ressuscité. Unis autour du Successeur de Pierre, ils forment un collège chargé de répandre l'Évangile à travers le monde. Pendant cette Assemblée spéciale pour l'Océanie, les Évêques ont reconnu qu'ils étaient eux-mêmes les premiers à être appelés à un renouveau de la vie chrétienne et du témoignage. Une meilleure étude des Écritures et de la Tradition, nourrie par la prière, les conduira à une connaissance et à un amour plus profonds de la foi. En ce sens, comme pasteurs de leurs peuples, ils contribueront encore plus efficacement à la tâche de la nouvelle évangélisation.(66) Comme les Actes des Apôtres le montrent clairement, la caractéristique fondamentale de la mission apostolique, inspirée par le Saint-Esprit, réside dans le courage d'annoncer « la Parole de Dieu avec assurance » (4, 31). Ce courage leur est donné en réponse à la prière de toute la communauté: « Donne à ceux qui te servent d'annoncer ta parole avec une parfaite assurance » (4, 29). C'est ce même Esprit qui, aujourd'hui encore, rend les Évêques capables de parler ouvertement, clairement et courageusement quand ils se trouvent face à une société qui a besoin d'entendre la parole de la vérité chrétienne. Les catholiques de l'Océanie continuent à prier avec ferveur pour que, comme les Apôtres, leurs pasteurs soient des témoins audacieux du Christ; et le Successeur de Pierre se joint à leur prière.
Avec les Évêques, tous les fidèles chrétiens - clergé, religieux et laïcs - sont appelés à proclamer l'Évangile. Leur communios'exprime dans un esprit de coopération, qui est lui-même un puissant témoignage rendu à l'Évangile. Les prêtres sont les plus proches collaborateurs des Évêques et ils constituent pour eux l'aide la plus efficace dans le travail de l'évangélisation, particulièrement dans les communautés paroissiales confiées à leurs soins.(67) Ils offrent le Sacrifice du Christ pour les besoins de la communauté, ils réconcilient les pécheurs avec Dieu et avec la communauté, ils fortifient les malades dans leur pèlerinage vers la vie éternelle,(68) et ils mettent ainsi la communauté tout entière en mesure de témoigner de l'Évangile à chaque moment de la vie et de la mort. Les hommes et les femmes engagés dans la vie consacrée sont des signes vivants de l'Évangile. Leurs voeux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance évangéliques sont des chemins assurés pour approfondir la connaissance et l'amour du Christ, et de cette intimité avec le Seigneur découle leur service consacré dans l'Église, qui a constitué pour l'Océanie une grâce magnifique.(69) Les laïcs prennent aussi leur part en consacrant le monde à Dieu, et beaucoup d'entre eux parviennent à une perception plus profonde de leur rôle indispensable dans la mission évangélisatrice de l'Église.(70) Par le témoignage d'amour dans le sacrement de mariage ou dans le don généreux de ceux qui sont appelés au célibat, par leurs activités dans le monde quelles qu'elles soient, les laïcs peuvent et doivent être un véritable levain en tous points de la société en Océanie. Le succès de la nouvelle évangélisation en dépend pour une large part.
Une nouvelle annonce du Christ doit se faire jour grâce à un renouvellement intérieur de l'Église, et tout renouvellement dans l'Église doit avoir pour but la mission, afin de ne pas tomber dans le risque d'une Église centrée sur elle-même. Toutes les facettes de la mission de l'Église dans le monde doivent venir d'un renouveau qui prend sa source dans la contemplation du visage du Christ.(71) Ce renouvellement engendre à son tour des plans pastoraux concrets; et, de ce point de vue, l'Assemblée spéciale a invité les communautés locales à contribuer à la nouvelle évangélisation en développant un esprit de communion fraternelle dans leurs liturgies, ainsi que dans leurs activités sociales et apostoliques; en s'efforçant de toucher les catholiques non pratiquants et ceux qui sont loin; en renforçant l'identité des écoles catholiques; en donnant aux adultes les moyens de progresser dans leur foi grâce à des programmes d'étude et de formation; en enseignant et en explicitant efficacement la doctrine catholique à ceux qui n'appartiennent pas à la communauté chrétienne; en amenant la doctrine sociale de l'Église à porter du fruit dans la vie sociale en Océanie.(72) Du fait de ces initiatives concertées, l'Évangile apparaîtra à la société d'une manière plus convaincante et pourra influencer plus profondément la culture.
Les premiers chrétiens étaient poussés par l'Esprit Saint à croire au Christ et à le proclamer comme l'unique Sauveur du monde, envoyé par le Père. À chaque époque, le véritable agent du renouveau et de l'évangélisation est l'Esprit Saint, qui, c'est bien certain, ne manquera pas d'aider l'Église de ce temps à trouver les énergies missionnaires et les méthodes adaptées à nos sociétés en mutation si rapide. Et la nouvelle évangélisation ne manquera pas non plus d'apporter aux peuples de l'Océanie les fruits merveilleux du Saint-Esprit, comme les premiers chrétiens en ont fait l'expérience quand ils rencontraient le Seigneur ressuscité et recevaient le don de son amour plus fort que la mort.
(66) Cf. Proposition 4.
(67) Cf. ibid.
(68) Cf. ibid.
(69) Cf. ibid.
(70) Cf. ibid.; voir aussi l'appel du Pape Jean-Paul II aux laïcs à Sydney en 1986: «Revenez! ... Revenez à la maison!»: Homélie de la Messe pour les diocèses de Nouvelle-Galles du Sud, Hippodrome de Randwick, Sydney (26 novembre 1986), n. 5: Insegnamenti IX 2 (1986), p. 1678; L'Osservatore Romano, éd. hebd. en langue française, n. 51 (23 décembre 1986), p. 14.
(71) Cf. Jean-Paul II, Lettre apost. Novo millennio ineunte (6 janvier 2001), n. NM 16: AAS 93 (2001), pp. 276-277; La Documentation catholique 98 (2001), p. 74.
(72) Cf. Proposition 4.
20 Le kérygme est la Parole de Dieu proclamée afin de réconcilier l'humanité avec Dieu par la foi au Christ. Nous voyons la puissance du kérygme à l'oeuvre dans la première communauté de Jérusalem. « Ils étaient fidèles à écouter l'enseignement des Apôtres et à vivre en communion fraternelle, à rompre le pain et à participer aux prières » (Ac 2,42). C'est là l'essence même de la vie de l'Église, le fruit de la première évangélisation. Adhérer au Christ Jésus provient de la foi dans sa Parole proclamée par l'Église. Saint Paul le dit: « Comment proclamer sans être envoyé? » (Rm 10,15); le Christ lui-même envoie ses Apôtres, et ainsi « sur toute la terre en paraît le message et la nouvelle, aux limites du monde » (Ps 19,5 [18]). Comme « témoins de la vérité divine et catholique »,(73) les missionnaires en Océanie ont franchi terres et mers, ils ont traversé déserts et torrents, ils ont affronté de grandes difficultés culturelles dans l'accomplissement de leur remarquable tâche. Se référant à l'histoire de la naissance de l'Église en Océanie, les Pères du Synode ont ressenti la nécessité d'une nouvelle et courageuse annonce de l'Évangile pour notre temps.
L'Église affronte un double défi en cherchant à proclamer l'Évangile en Océanie: d'une part, les religions et les cultures traditionnelles, de l'autre le processus moderne de sécularisation. Dans chaque cas, « le devoir premier et pressant [est] l'annonce du Christ ressuscité, à proposer dans une rencontre personnelle capable de conduire l'interlocuteur à la conversion du coeur et à la demande du Baptême ».(74) Qu'elle ait affaire à la religion traditionnelle ou aux subtilités de la philosophie, l'Église annonce en paroles et en actes « la vérité de Jésus lui-même » (Ep 4,21 cf. Col 1,15-20). À la lumière de cette vérité, elle apporte sa contribution à la discussion sur les valeurs et les principes éthiques qui sont sources de bonheur dans la vie de l'homme et de paix dans la société humaine. La foi doit toujours être présentée comme une démarche rationnelle et cohérente, de façon à favoriser sa diffusion dans les domaines toujours plus vastes de l'expérience humaine. En effet, la foi porte en elle la capacité de façonner la culture elle-même en saisissant ses motivations jusqu'en son centre le plus profond. Veillant aux deux pôles de la tradition chrétienne et des apports de la culture contemporaine, le discours de la foi et de la raison doit aller de pair avec le témoignage de vie, si l'évangélisation veut porter du fruit. Mais ce qui est requis par-dessus tout, c'est une proclamation sans peur du Christ, une « parrhèsia de la foi ».(75)
(73) Conc. oecum. Vat.II, Const. dogm. sur l'Église Lumen gentium, n. LG 25.
(74) Jean-Paul II, Encycl. Fides et ratio (14 septembre 1998), n. FR 38: AAS 91 (1999), p. 34; La Documentation catholique 95 (1998), p. 914.
(75) Ibid., n. FR 48: l.c., p. 43; La Documentation catholique, l.c., p. 919.
21 Dans le monde d'aujourd'hui, les moyens de communication sociale sont de plus en plus puissants comme agents de modernisation, même dans les régions les plus reculées de l'Océanie. Les médias ont un grand impact sur la vie des gens, sur leur culture, sur leur pensée dans le domaine moral et sur leur comportement religieux; et utilisés sans discernement, ils peuvent avoir un effet nocif sur les cultures traditionnelles. Les Pères du Synode ont appelé de leurs voeux une grande prise de conscience du pouvoir des médias, qui « offrent à l'Église une excellente occasion d'évangéliser, d'édifier la communauté et la solidarité ».(76) En réalité, les médias constituent souvent le seul contact de l'Église avec les catholiques non pratiquants et avec ceux qui sont loin. Ils doivent donc être utilisés de façon inventive et responsable.(77)
Là où c'est possible, l'Église devrait inventer un plan pastoral pour les communications aux niveaux national, diocésain et paroissial. La coordination des efforts de l'Église est nécessaire pour assurer une meilleure préparation de ceux qui la représentent dans les médias,(78) et pour encourager des laïcs à la foi éprouvée à entrer dans ce monde comme en réponse à une vocation. C'est un signe d'espérance de voir les chrétiens qui travaillent dans les médias témoigner de leur ferme attachement aux valeurs chrétiennes. Grâce à leur aide, des productions religieuses et des programmes reflétant les valeurs humaines et morales peuvent être réalisés avec professionnalisme, même si les fonds manquent souvent. Un Centre catholique des moyens de communication sociale pour toute l'Océanie pourrait être d'une grande utilité pour permettre d'utiliser les médias aux fins de l'évangélisation. Les Évêques ont aussi exprimé leur inquiétude par rapport aux règles de la décence dans les médias publics et ils ont dénoncé leur niveau de violence.(79) Les responsables de l'Église doivent apporter leur contribution quand on établit un code des comportements éthiques pour les médias;(80) par ailleurs, il est nécessaire d'aider les familles et les jeunes à évaluer d'une manière critique le contenu des programmes. Les institutions d'éducation catholique ont donc un rôle vital pour que les personnes, spécialement les jeunes, puissent acquérir ce regard critique sur les médias. La foi chrétienne nous incite tous à être des auditeurs, des spectateurs et des lecteurs qui savent discerner.(81)
Les Évêques ont exprimé leur préoccupation quant à l'utilisation de la publicité dans les médias, notant qu'elle a un grand pouvoir pour encourager à la fois au bien et au mal. Le processus de mondialisation et la multiplication des monopoles dans les médias donnent à ces derniers un pouvoir de plus en plus grand sur les personnes. Par la force des images et des messages suggérés, la publicité diffuse souvent une culture du consumérisme, qui réduit les personnes à ce qu'elles possèdent ou à ce qu'elles peuvent acquérir. Elle les conduit à croire qu'il n'y a rien au-delà de ce qu'une économie de consommation peut leur offrir. « L'inquiétude majeure concernant ce pouvoir, c'est que, la plupart du temps, il diffuse continuellement une idéologie clairement opposée à la vision de la foi catholique ».(82) Il est donc important que les fidèles, spécialement les jeunes, soit préparés à adopter une attitude critique face à la publicité, qui est une composante omniprésente de la vie actuelle. Ce qui signifie qu'ils doivent être formés à un sens clair et fort des valeurs humaines et chrétiennes qui constituent le fondement de la conception catholique de la vie.
(76) Proposition 5.
(77) Cf. Proposition 4.
(78) Cf. Proposition 6.
(79) Cf. ibid.
(80) Cf. Proposition 7.
(81) Cf. Proposition 5.
(82) Proposition 7.
22 La mission de l'Église d'« annoncer la vérité de Jésus Christ » en Océanie aujourd'hui lui demande de renouveler sa catéchèse, son enseignement et la formation qu'elle donne dans le domaine de la foi. L'impact des médias sur la vie du peuple montre à quel point une nouvelle réalité sociale appelle de nouvelles manières de présenter la foi. La catéchèse vise à éduquer dans la foi les enfants, les jeunes et les adultes. Ce qui implique particulièrement « un enseignement de la doctrine chrétienne, donné en général de façon organique et systématique, en vue de les initier à la plénitude de la vie chrétienne ».(83) Les Pères du Synode ont proposé un important engagement, à la fois financier et en personnel, pour essayer d'atteindre des groupes qui sont facilement négligés. L'établissement de parcours d'ensemble nécessaires pour les adultes et pour les enfants qui ont des besoins spécifiques, qui ne sont pas pris en compte par les écoles catholiques, réclame un soin particulier et une planification systématique. La liberté de religion est fondamentale parmi les droits de l'homme, et elle inclut le droit d'être instruit dans la foi.(84) « Tout baptisé, du fait même de son baptême, possède le droit de recevoir de l'Église un enseignement et une formation qui lui permettent d'accéder à une véritable vie chrétienne ».(85) Cela demande que les gouvernements et les autorités scolaires veillent au respect effectif de ce droit. « Là où il y a un partenariat authentique entre l'Église et l'État pour le financement et la bonne marche des écoles, l'éducation des enfants et des jeunes du pays est grandement facilitée ».(86) Les religieux et religieuses, les laïcs et les prêtres, ont travaillé dans ce but, souvent au prix de grands efforts et de beaucoup de sacrifices. Leur activité demande à être consolidée et renforcée pour assurer que tout baptisé puisse grandir dans la foi et dans la compréhension de la vérité du Christ.
(83) Jean-Paul II, Exhort. apost. Catechesi tradendae (16 octobre 1979), n. CTR 18: AAS 71 (1979), p. 1292; La Documentation catholique 76 (1979), p. 905.
(84) Cf. ibid., n. CTR 14: l.c., pp. 1288-1289; La Documentation catholique, l.c., p. 904.
(85) Ibid. CTR 14: l.c., p. 1288; La Documentation catholique, l.c.
(86) Proposition 9.
23 Les Pères du Synode ont considéré la désunion des chrétiens comme un grand obstacle à la crédibilité du témoignage de l'Église. Ils ont exprimé le désir, empreint de tristesse, que le scandale de la désunion ne continue pas et que de nouveaux efforts de réconciliation et de dialogue soient réalisés pour que la splendeur de l'Évangile puisse briller plus clairement.
Dans bien des territoires de mission de l'Océanie, les différences entre Églises et Communautés ecclésiales ont conduit dans le passé à la compétition et à l'opposition. Récemment, en revanche, les relations sont devenues plus positives et plus fraternelles. L'Église en Océanie a fait de l'oecuménisme sa grande priorité et elle a apporté aux activités oecuméniques nouveauté et ouverture d'esprit. Les occasions sont bienvenues pour un « dialogue du salut »(87) qui conduise à une compréhension réciproque et à un enrichissement mutuel plus grands. Le profond désir de l'unité dans la foi et le culte est l'un des dons du Saint-Esprit faits à l'Océanie;(88) et la coopération dans les domaines de la charité et de la justice sociale est un signe évident de la fraternité chrétienne. L'oecuménisme a trouvé en Océanie un terrain fertile pour prendre racine, car dans beaucoup d'endroits les communautés locales sont étroitement liées. Un désir encore plus fort de l'unité doit nous aider à garder ces communautés proches les unes des autres. Ce désir d'une communion plus intense dans le Christ a été manifesté au Synode par la présence de délégués fraternels des autres Églises et Communautés ecclésiales. Leurs contributions ont été encourageantes et utiles pour progresser vers l'unité voulue par le Christ.
Dans l'activité oecuménique, il est essentiel que les catholiques acquièrent une meilleure connaissance de la doctrine de l'Église, de sa tradition et de son histoire, pour que, comprenant plus profondément leur foi, ils soient davantage capables de s'engager dans le dialogue et la coopération oecuméniques. Il faut aussi un « oecuménisme spirituel », c'est-à-dire un oecuménisme de la prière et de la conversion du coeur. La prière oecuménique conduira à un partage de vie et de service là où les chrétiens agissent ensemble, autant qu'il est possible à l'heure actuelle. L'« oecuménisme spirituel » peut aussi conduire à un dialogue doctrinal, ou à son renforcement là où il existe déjà. Les Pères du Synode ont considéré qu'il était très utile d'avoir des versions oecuméniques reconnues des Écritures et de prières pour un usage commun. Ils ont souhaité accorder une plus grande attention à l'accompagnement pastoral des familles dont les membres appartiennent à différentes confessions chrétiennes. Ils ont aussi encouragé les actions de l'Église visant à partager, là où c'est possible, les services sociaux avec les autres communautés chrétiennes. Il est bon que les responsables chrétiens agissent de concert et fassent des déclarations communes sur des questions religieuses ou sociales, quand de telles déclarations sont nécessaires et opportunes.(89)
(87) Paul VI, Encycl. Ecclesiam suam (6 août 1964), III: AAS 56 (1964), p. 642; La Documentation catholique 61 (1964), col. 1081.
(88) Cf. Proposition 13.
(89) Cf. ibid.
24 Il faut distinguer de l'oecuménisme l'approche que fait l'Église des groupes et mouvements religieux fondamentalistes, dont certains sont d'inspiration chrétienne. Dans quelques régions missionnaires, les Évêques sont inquiets de l'effet produit sur la communauté catholique par ces groupes religieux ou par ces sectes. Certains groupes fondent leurs idées sur une lecture de l'Écriture qui utilise souvent des images apocalyptiques, des menaces sur un avenir sombre pour le monde et des promesses de récompenses matérielles pour leurs adeptes. Si certains de ces groupes sont ouvertement hostiles à l'Église, d'autres souhaitent engager le dialogue. Dans beaucoup de sociétés développées et sécularisées, l'inquiétude grandit au sujet des groupes chrétiens fondamentalistes qui entraînent des jeunes à quitter l'Église et même à quitter leurs familles. Bien des mouvements différents présentent une certaine forme de spiritualité comme remède supposé aux effets nocifs d'une culture technologique aliénante dans laquelle on se sent souvent impuissant. La présence et l'activité de ces groupes et mouvements sont un défi pour l'Église, l'incitant à redonner souffle à son rayonnement pastoral, et en particulier à être plus accueillante aux jeunes et aux personnes qui sont en grande difficulté spirituelle ou matérielle.(90) C'est aussi une situation qui réclame une meilleure catéchèse biblique et sacramentelle, et une formation spirituelle et liturgique appropriée. Une nouvelle apologétique est nécessaire, en référence aux paroles de saint Pierre: « Vous devez toujours être prêts à vous expliquer devant tous ceux qui vous demandent de rendre compte de l'espérance qui est en vous » (1P 3,15). C'est ainsi que les croyants seront plus confiants dans leur foi catholique et moins vulnérables à l'attrait de ces groupes et mouvements, qui apportent souvent le contraire de ce qu'ils promettent.
(90) Cf. Proposition 14.
25 De plus nombreuses occasions de voyager et de plus grandes facilités de migrations ont entraîné des rencontres sans précédent entre les cultures du monde, et désormais la présence en Océanie des grandes religions non chrétiennes. Certaines villes ont des communautés juives, composées d'un nombre important de survivants de l'Holocauste, et ces communautés peuvent jouer un rôle notable dans les relations judéo-chrétiennes. Dans plusieurs endroits également, il y a des communautés musulmanes, établies de longue date; ailleurs, ce sont des communautés d'hindous; ailleurs encore, des centres bouddhistes sont en train de s'installer. Il est important que les catholiques connaissent mieux ces religions, leur enseignement, leur manière de vivre et leur culte. Là où les parents membres de ces religions mettent leurs enfants dans des écoles catholiques, l'Église a un devoir particulièrement délicat envers eux.
L'Église en Océanie a encore besoin d'étudier plus profondément les religions traditionnelles des populations indigènes, de manière à entrer plus efficacement dans le dialogue que requiert l'annonce chrétienne. « L'annonce et le dialogue, chacun à sa place, sont considérés tous les deux comme des composantes et des formes authentiques de l'unique mission évangélisatrice de l'Église. Tous deux tendent à la communication de la vérité salvatrice ».(91) Afin de poursuivre un dialogue fructueux avec ces religions, l'Église a besoin d'experts en philosophie, en anthropologie, en histoire comparée des religions, en sciences sociales et surtout en théologie.
(91) Congrégation pour l'Évangélisation des Peuples et Conseil pontifical pour le Dialogue inter-religieux,Instruction Dialogue et annonce (19 mai 1991), n. 2: AAS 84 (1992), p. 415; La Documentation catholique 88 (1991), p. 874.
26 L'Église considère l'apostolat social comme une part intégrante de sa mission d'évangélisation qui consiste à dire une parole d'espérance au monde; on peut d'ailleurs constater son engagement en ce domaine dans sa contribution au développement humain, dans sa promotion des droits humains, dans sa défense de la vie et de la dignité humaines, de la justice sociale et de la protection de l'environnement. Les Pères du Synode faisaient corps avec leur peuple pour dire leur détermination à agir contre l'injustice, la corruption, les menaces contre la vie et les nouvelles formes de pauvreté.(92)
Vers la fin du dix-neuvième siècle, alors que la société industrielle et de consommation en était à ses débuts, l'Église en Océanie a accueilli l'enseignement social des Papes sur le droit des travailleurs à un emploi et à un juste salaire. En Océanie, dans les régions en voie de développement, la doctrine sociale de l'Église a été bien reçue, spécialement à partir du Concile Vatican II, et les Évêques de l'Océanie se sont attachés à enseigner cette doctrine sociale et l'ont développée dans leurs publications sociales usuelles. Les comptes rendus faits par la Fédération des Conférences des Évêques de l'Océanie, par les Conférences épiscopales et par les Évêques individuellement reflètent la pleine cohérence de l'enseignement social de l'Église et montrent combien celle-ci s'est efforcée de faire avancer la cause des populations autochtones et le droit des petites nations, et aussi de renforcer les liens de la solidarité internationale. L'Église a également contribué à développer des formes démocratiques de gouvernement qui respectent les droits humains, l'autorité de la loi et sa juste application.
Il est certain que l'engagement en faveur de la justice sociale et de la paix fait partie intégrante de la mission de l'Église dans le monde.(93) Toutefois sa mission ne doit pas dépendre du pouvoir politique. « L'Église se soucie des aspects temporels du bien commun en raison de leur ordination au souverain Bien, notre fin ultime ».(94) En Océanie, la doctrine sociale de l'Église a besoin d'être enseignée et mise en oeuvre plus concrètement encore, particulièrement au moyen de structures comme les commissions « justice et paix ». Cette doctrine sociale doit être « clairement présentée aux fidèles dans des termes facilement compréhensibles et on doit en témoigner par un style de vie simple ».(95) Une analyse plus poussée des injustices économiques et de la corruption doit être menée à bien, de manière à proposer des mesures adéquates pour les vaincre. Les organisations catholiques engagées dans les actions en faveur de la justice sont appelées à rester attentives aux nouvelles formes de pauvreté et d'injustice, et à aider à en éliminer les causes.
(92) Cf. Proposition 17.
(93) Cf. ibid.
(94) Catéchisme de l'Église catholique, n. CEC 2420.
(95) Proposition 17.
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