2013 Directoire prêtres 22
22 L’évangélisation est également nouvelle dans ses méthodes. Stimulé par l’apôtre qui s’exclamait : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! » (1Co 9,16), le prêtre saura utiliser tous les moyens de transmission que les sciences et les technologies modernes lui offrent.[98]
Il est évident que tout ne dépend pas de ces moyens ni des capacités humaines, car la grâce divine peut atteindre son effet indépendamment de l’agir des hommes ; toutefois, dans le dessein de Dieu, la prédication de la Parole est habituellement le canal privilégié pour la transmission de la foi et pour la mission évangélisatrice.
Il saura également comment faire participer les laïcs à l’évangélisation par l’utilisation de ces moyens modernes. Quoi qu’il en soit, son implication dans l’emploi de ces nouveaux moyens devra toujours se faire à l’enseigne de la charité avec sobriété et tempérance, refléter le sens du surnaturel et de manière telle que tous se sentent attirés non pas tant par la figure du prêtre, mais par celle de Jésus Christ, notre Seigneur.
[98] Benoît XVI, Exhort. ap. post-synodale Africae munus : l.c., 171.
23 La troisième caractéristique de la nouvelle évangélisation est la nouveauté dans l’expression. En un monde en mutation, la conscience de sa mission d’annonciateur de l’Évangile comme instrument du Christ et de l’Esprit Saint, devra toujours se concrétiser sur la plan pastoral de manière à permettre au prêtre de vivifier à la lumière de la Parole de Dieu les diverses situations et les divers milieux dans lesquels il réalise son ministère.
Pour être efficace et crédible, il est important pour le prêtre de connaître avec un sens critique – dans la perspective de la foi et de son ministère – les idéologies, le langage, les croisements culturels, les typologies transmises par les médias qui, en grande partie, conditionnent les mentalités. Il saura s’adresser à tous « sans jamais cacher les exigences les plus radicales du message évangélique, mais en allant au-devant des exigences de chacun en ce qui concerne la sensibilité et le langage, selon l’exemple de Paul qui affirmait: “Je me suis fait tout à tous pour en sauver à tout prix quelques-uns” (1Co 9,22) ».[99] Le Concile Oecuménique Vatican II a affirmé que l’Église « dès les débuts de son histoire a appris à exprimer le message du Christ en se servant des concepts et des langues des divers peuples et, de plus, elle s’est efforcée à le mettre en valeur par la sagesse des philosophes : ceci afin d’adapter l’Évangile, dans les limites convenables, et à la compréhension de tous et aux exigences des sages. À vrai dire, cette manière appropriée de proclamer la parole révélée doit demeurer la loi de toute évangélisation ».[100] Cela se fera toutefois dans le respect dû au cheminement toujours diversifié de chaque personne et dans l’attention à l’égard des différentes cultures dans lesquelles le message chrétien doit être introduit, dans une absolue fidélité à l’annonce évangélique et à la tradition ecclésiale. Le christianisme du troisième millénaire revêtira ainsi le visage des innombrables cultures anciennes et modernes de sorte que les valeurs spécifiques de chaque peuple ne soient pas reniées, mais purifiées et portées à leur plénitude ».[101]
[99] Jean-Paul II, Lettre ap. Novo millennio ineunte, NM 40.
[100] Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique Gaudium et spes, GS 44.
[101] Cf. Jean-Paul II, Lettre ap. Novo millennio ineunte, NM 40.
24 La vocation pastorale des prêtres est grande et universelle : elle s’adresse à toute l’Église et elle est donc également missionnaire. « Normalement, elle est liée au service d’une communauté déterminée du peuple de Dieu dans laquelle chacun s’attend à recevoir attention, sollicitude, amour ».[102] Par conséquent, le ministère du prêtre est également un ministère de paternité.[103] Son dévouement au service des âmes en génère de nombreuses au Christ. Il s’agit là d’une véritable paternité spirituelle comme le disait déjà saint Paul : « Car vous auriez beau avoir dix mille surveillants pour vous mener dans le Christ, vous n’avez pas plusieurs pères : c’est moi qui, par l’annonce de l’Évangile, vous ai fait naître à la vie du Christ Jésus » (1Co 4,15).
Comme Abraham, le prêtre devient également « le père d’un grand nombre de peuples » (Rm 4,18) et découvre dans la croissance chrétienne qui fleurit autour de lui, la récompense pour les fatigues et les souffrances de son service quotidien. En outre, également tant sur le plan surnaturel que naturel, la mission de la paternité ne s’achève pas avec la naissance, mais se prolonge et couvre toute une vie : « Qui est-ce qui a reçu notre âme à son entrée dans la vie ? Le prêtre. Qui la nourrit pour lui donner la force de faire son pèlerinage ? Le prêtre. Qui la préparera à paraître devant Dieu, en lavant cette âme pour la dernière fois dans le sang de Jésus-Christ ? Le prêtre, toujours le prêtre. Et si cette âme vient à mourir [à cause du péché], qui la ressuscitera, qui lui rendra le calme et la paix ? Encore le prêtre… Après Dieu, le prêtre c’est tout… Le prêtre ne se comprendra bien que dans le ciel ».[104]
Les prêtres font vivre ces paroles vibrantes de l’apôtre : « Mes petits enfants, vous que j’enfante à nouveau dans la douleur jusqu’à ce que le Christ ait pris forme chez vous ! » (Ga 4,19). Ils vivent ainsi avec une générosité chaque jour renouvelée, cette paternité spirituelle vers laquelle ils orientent la réalisation de leur ministère.
[102] Jean-Paul II, Lettre aux prêtres à l’occasion du Jeudi saint (8 avril 1979), 8 : AAS 71 (1979), 393-417.
[103] Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 16 ; Paul VI, Lettre encyclique Sacerdotalis caelibatus (24 juin 1967), 56 : l.c., 679.
[104] Saint Jean-Marie Vianney, dans B. Nodet, Le curé d’Ars. Sa pensée – Son coeur, éd. Xavier Mappus, Foi Vivante, 1966, 98-99 (cité par Benoît XVI, Lettre pour l’indiction d’une année sacerdotale à l’occasion du 150ème anniversaire du “Dies natalis” de Jean-Marie Vianney (16 juin 2009) : l.c., 1009.
25 Une autre manifestation de l’identité du prêtre face à l’Église est d’être un guide pour la sanctification des fidèles qui lui sont confiés. Il doit toutefois réaliser ce ministère essentiellement pastoral avec une autorité qui attire et rend crédible le message (cf. Mt 7,29). Toute autorité doit, en effet, être exercée dans un esprit de service, comme amoris officium et dévouement désintéressé pour le bien du troupeau (cf. Jn 10,11 Jn 13,14).[105]
Cette réalité qu’il faut vivre avec humilité et cohérence peut être soumise à deux tentations opposées. La première est d’exercer le ministère en dominant le troupeau (cf. Lc 22,24-27 1P 5,1-4) ; la deuxième est de rendre vaine la configuration personnelle au Christ Tête et Pasteur, en suivant une acception incorrecte du concept de « communauté ».
La première tentation a été forte également pour les disciples et Jésus l’a toujours corrigée sur le champ. Lorsque cette dimension vient à manquer, il n’est guère difficile de tomber dans la tentation du « cléricalisme » avec le désir de dominer les laïcs, ce qui engendre toujours des antagonismes entre les ministres ordonnés et le peuple.
Le prêtre ne doit pas limiter son rôle à celui d’un simple dirigeant, il est un médiateur – le pont – qui devra toujours rappeler que le Seigneur et Maître « n’est pas venu pour être servi mais pour servir » (Mc 10,45) ; qu’il s’est penché pour laver les pieds de ses disciples (cf. Jn 13,5) avant de mourir sur la Croix et de les envoyer dans le monde entier (cf. Jn 20,21). Et ainsi, le prêtre attentif au troupeau que le Seigneur lui a confié, s’efforcera de protéger « son troupeau, le nourrir et le conduire vers Lui, le bon Pasteur qui désire le salut de tous. Nourrir le troupeau du Seigneur est par conséquent un ministère d’amour vigilant qui exige un dévouement total jusqu’à l’épuisement de ses forces et, si besoin en était, jusqu’au sacrifice de sa propre vie ».[106]
Les prêtres rendront un authentique témoignage au Seigneur Ressuscité, qui a reçu « tout pouvoir au ciel et sur la terre » (Mt 28,18), s’ils exercent leur pouvoir propre comme un service aussi humble qu’autorisé en faveur du troupeau,[107] dans le respect des fonctions que le Christ et l’Église confient aux fidèles laïcs[108] et aux fidèles consacrés par la profession des conseils évangéliques.[109]
[105] Cf. Saint Augustin, In Iohannis Evangelium Tractatus, 123, 5 : CCL 36, 678 ; Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 14.
[106] Benoît XVI, Discours aux membres du XIème Conseil Ordinaire de la Secréterie générale du Synode des Évêques (1er juin 2006) : Enseignements II/1 (2006), 746-748.
[107] Cf. Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 21 ; C.I.C. can. CIC 274.
[108] Cf. C.I.C. can. CIC 275, §2 ; CIC 529, §1.
[109] Cf. ibid. can. CIC 574, §1.
26 Il arrive parfois que pour éviter cette première dérive, on tombe dans la seconde et qu’on tende à éliminer toute différence de rôles entre les membres du Corps du Christ qu’est l’Église, niant en pratique la distinction entre le sacerdoce commun ou baptismal et le sacerdoce ministériel.[110]
Parmi les diverses formes de ce déni rencontrées aujourd’hui, on compte le « démocratisme » qui porte à ne pas reconnaître l’autorité et la grâce capitale du Christ présent dans les ministres sacrés et à dénaturer l’Église en tant que Corps Mystique du Christ. Il faut souligner à cet égard que l’Église reconnaît tous les mérites et les valeurs que la culture démocratique a apportés à la société civile. D’autre part, l’Église s’est toujours battue, avec tous les moyens dont elle disposait, pour la reconnaissance de l’égale dignité de tous les hommes. À la lumière de la révélation, le Concile Vatican II s’est ouvertement exprimé sur la commune dignité des baptisés dans l’Église.[111] Toutefois il est nécessaire d’affirmer que cette égalité radicale comme d’ailleurs la diversité des conditions et des tâches ont pour fondement ultime la nature même de l’Église.
L’Église en effet doit son existence et sa structure au dessein salvifique de Dieu. Elle se contemple elle-même comme un don de la bienveillance d’un Père qui l’a libérée par l’humiliation de son Fils sur la croix. L’Église veut être par conséquent – dans le Saint-Esprit – totalement conforme et fidèle à la volonté libre et libératrice de son Seigneur Jésus Christ. À cause de ce mystère de salut, l’Église, de par sa nature, est une réalité qui se distingue des sociétés humaines.
Par conséquent, on ne peut pas admettre dans l’Église cette mentalité, qui se manifeste peut-être surtout dans certains organismes de participation ecclésiale, et qui tend soit à confondre les devoirs des prêtres et ceux des fidèles laïcs, soit à ne pas distinguer l’autorité de l’évêque de celle des prêtres comme collaborateurs des évêques, soit à ne pas écouter avec l’attention qui lui est due, le Magistère universel du Souverain Pontife romain dans sa fonction primatiale voulue par le Seigneur. À de nombreux égards, il s’agit d’une tentative de transférer automatiquement dans l’Église la mentalité et la pratique qui existent dans certains courants culturels, sociaux et politiques de notre temps sans tenir suffisamment compte du fait qu’elle détient son existence et sa structure du dessein salvifique de Dieu dans le Christ.
Il faut rappeler à cet égard que le presbyterium ainsi que le conseil presbytéral – institution juridique voulue par le décret Presbyterorum Ordinis[112] – ne sont pas des expressions du droit d’association des clercs. On devra moins encore les comprendre selon une vision de type syndicaliste, avec des revendications et des intérêts particuliers, étrangers à la communion ecclésiale.[113]
[110] Cf. Conc. OEcum. Trident. Sessio XXIII, De sacramento Ordinis. Cap. I et IV, can. 3,4,6 : DS 1763-1776 ; Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique Lumen gentium, LG 10 ; Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre aux Évêques de l’Église catholique sur quelques questions concernant les ministère eucharistique Sacerdotium ministeriale (6 août 1983), 1 : AAS 75 (1983), 1001.
[111] Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique Lumen gentium, LG 9 LG 32 CIC 208.
[112] Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 7.
[113] Cf. Ibid. PO 7
27 La distinction entre le sacerdoce commun ou baptismal et le sacerdoce ministériel, loin d’entraîner séparation ou division entre les membres de la communauté chrétienne, harmonise et vivifie la vie de l’Église parce que « le sacerdoce commun des fidèles et le sacerdoce ministériel ou hiérarchique, bien qu’il y ait entre eux une différence essentielle et non seulement de degré, sont cependant ordonnés l’un à l’autre ».[114] L’Église en effet, en tant que Corps du Christ, est communion organique de tous les membres : chacun sert à la vie de l’ensemble s’il vit pleinement son rôle et sa vocation spécifiques (1Co 12,12 ss.).[115]
Il n’est donc licite pour personne de changer ce que le Christ a voulu pour son Église. Elle est indissolublement liée à son Fondateur et à sa Tête qui est le seul à lui donner, à travers la puissance de l’Esprit Saint, des ministres pour le service de ses fidèles. C’est le Christ qui appelle, consacre et envoie à travers les Pasteurs légitimes. Aucune communauté, même dans une situation de particulière nécessité, ne peut se substituer à Lui, en cherchant à se donner elle-même son prêtre en suivant une procédure différente des dispositions de l’Église ; le sacerdoce, en effet, est un choix de Jésus et non de la communauté (cf. Jn 15,16). La solution pour résoudre les cas de nécessité réside dans la prière de Jésus : « Priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson » (Mt 9,38). Si à cette prière faite avec foi s’ajoute l’intense vie de charité de la communauté, on peut être sûr que le Seigneur ne manquera pas de donner des pasteurs selon son coeur (cf. Jr 3,15).[116]
[114] Conc . OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique Lumen gentium, LG 10.
[115] Cf. Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples, Guide pastoral pour les prêtres diocésains des Églises dépendant de la Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples, 3 : l.c., 1586-1588.
[116] Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 7.
28 Il convient également, pour sauvegarder l’ordre établi par le Seigneur Jésus d’éviter une certaine « cléricalisation » du laïcat[117] qui met à l’étroit le sacerdoce ministériel du prêtre. Lui seul après l’évêque, en vertu du ministère sacerdotal reçu dans l’ordination, mérite de manière appropriée et univoque le nom de « pasteur ». Le qualificatif de “pastoral” en effet fait référence à la participation au ministère épiscopal.
[117] Cf. Jean-Paul II, Discours à l’épiscopat de la Suisse (15 juin 1984) : Enseignements VII/1 (1984), 1784.
29 À la lumière de ce qui a déjà été dit sur son identité, la communion du prêtre se réalise surtout avec le Père, origine ultime de tout pouvoir ; avec le Fils, dont il participe de la mission rédemptrice ; avec l’Esprit Saint, qui lui donne la force pour vivre et réaliser cette charité pastorale « principe intérieur et vertu qui animent et guident la vie spirituelle du prêtre »[118] le qualifiant sacerdotalement.
Une charité pastorale qui, bien loin d’être réduite à un ensemble de techniques et méthodes visant l’efficacité fonctionnelle du ministère se réclame plutôt de la nature essentielle de la mission de l’Église orientées au salut de l’humanité.
En effet, « on ne peut pas définir la nature et la mission du sacerdoce ministériel hors de cette trame multiple et riche des rapports qui ont leur source dans la Très Sainte Trinité et qui se prolongent dans la communion de l’Église comme signe et instrument, dans le Christ, de l’union des hommes avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain ».[119]
[118] Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 23.
[119] Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 12 ; cf. Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique Lumen gentium, LG 1.
30 De cette union-communion fondamentale avec le Christ et la Trinité découle, pour le prêtre, sa communion-relation avec l’Église dans ses aspects de mystère et de communauté ecclésiale.[120]
Concrètement, la communion ecclésiale du prêtre se réalise de diverses manières. Avec l’ordination sacramentelle, en effet, il établit des liens particuliers avec le Pape, avec le corps épiscopal, avec son évêque, avec les autres prêtres, avec les fidèles laïcs.
[120] Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique Lumen gentium, LG 8.
31 La communion comme caractéristique du sacerdoce se fonde sur l’unicité du Christ, Tête, Pasteur et Époux de l’Église.[121]
C’est dans le cadre de cette communion ministérielle que prennent forme certains liens précis, d’abord avec le Pape, le collège épiscopal et l’évêque de chacun : « Il n’y a pas de ministère sacerdotal en dehors de la communion avec le Souverain Pontife et le collège épiscopal, en particulier avec l’évêque du diocèse, auxquels le respect filial et “l’obéissance” promis à l’ordination doivent être rendus ».[122] Il s’agit donc d’une communion hiérarchique, c’est-à-dire d’une communion dans la hiérarchie telle qu’elle est intérieurement structurée.
En vertu de la participation à un degré subordonné aux évêques – investis d’un « pouvoir propre, ordinaire et immédiat : il est soumis cependant dans son exercice à la régulation dernière de l’autorité suprême de l’Église »[123] – à l’unique sacerdoce ministériel, cette communion hiérarchique implique aussi le lien spirituel, organique et structurel des prêtres avec tout l’ordre épiscopal et avec le Souverain Pontife. Cette réalité est renforcée du fait que l’ordre des évêques dans son ensemble et chaque évêque en particulier doivent être en communion hiérarchique avec la Tête du collège.[124] Ce collège, en effet, est constitué des seuls évêques consacrés en communion hiérarchique avec la Tête et les autres membres.
[121] Cf. Saint Augustin, Sermo 46, 30 : CCL 41, 555-57.
[122] Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 28.
[123] Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique Lumen gentium, LG 27.
[124] Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Constitution dogmatique Lumen gentium, LG 22 ; Décr. Christus Dominus, CD 4 ; C.I.C. can. CIC 336.
32 La communion hiérarchique se trouve exprimée de façon significative dans la prière eucharistique, quand le prêtre, en priant pour le Pape, le collège épiscopal et son propre évêque, n’exprime pas seulement un sentiment de dévotion mais témoigne de l’authenticité de sa célébration.[125]
De même, la concélébration eucharistique, dans les circonstances et les conditions prévues,[126] quand elle est présidée par l’évêque et avec la participation des fidèles, manifeste bien l’unité du sacerdoce du Christ dans la pluralité de ses ministres, en même temps que l’unité du sacrifice et du Peuple de Dieu.[127] En outre, la concélébration contribue à consolider la fraternité ministérielle existant entre les prêtres.[128]
[125] Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Lettre Communionis notio sur certains aspects de l’Église comprise communion, 14 : l.c., 847.
[126] Cf. C.I.C. can. CIC 902 ; Sacrée Congrégation pour le Culte Divin, Décr. Part. Promulgao Codice (12 septembre 1983), II, I, 153 : Notitiae 19 (1983), 542.
[127] Cf. Saint Thomas d’Aquin, Summa theol., III 82,2 ad 2 ; Sent. IV, d. 13, q. 1, a 2, q 2 ; Conc. OEcum. Vat. II, Constitution Sacrosanctum Concilium, SC 41 SC 57.
[128] Cf. Sacrée Congrégation des Rites, Instruction Eucharisticum Mysterium (25 mai 1967), 47 : AAS 59 (1967), 565-566.
33 Chaque prêtre entretiendra un lien d’obéissance et de charité profond, humble et filial envers la personne du Saint-Père et adhérera à son ministère pétrinien de magistère, de sanctification et de gouvernement, dans un esprit de docilité exemplaire.[129]
L’union filiale avec son évêque est une condition indispensable pour l’efficacité de son ministère sacerdotal. Il est facile pour les pasteurs les plus expérimentés de constater la nécessité d’éviter toute forme de subjectivisme dans l’exercice du ministère, et d’adhérer aux programmes pastoraux en esprit de coresponsabilité. Cette adhésion, qui présuppose d’agir de commun accord avec l’évêque, en plus d’être une expression de maturité, contribue à édifier l’unité dans la communion indispensable à l’oeuvre d’évangélisation.[130]
Dans le plein respect de la subordination hiérarchique, le prêtre sera promoteur d’un rapport franc avec son évêque, empreint de confiance sincère, d’amitié cordiale, de prière pour sa personne et ses intentions. Il s’agit là d’un véritable effort d’harmonie et de convergence d’idées et de programmes, qui respecte l’intelligente capacité d’initiative personnelle et d’entreprise dans le domaine de la pastorale.[131]
Pour assurer sa propre croissance spirituelle et pastorale et par amour de son troupeau, le prêtre devra accueillir avec gratitude et même rechercher régulièrement les orientations de son évêque ou de ses représentants pour le bon développement de son ministère pastoral. Demander l’avis de prêtres plus expérimentés et de laïcs qualifiés pour appliquer des méthodes pastorales adéquates est une pratique admirable.
[129] Cf. C.I.C. can. CIC 273.
[130] Cf. Conc. OEcum. Vat. II, Décr. Presbyterorum Ordinis, PO 15 ; Jean-Paul II, Exhort. ap. post-synodale Pastores dabo vobis, PDV 65.
[131] Saint Ignace d’Antioche, Ad Ephesios XX, 1-2 : « Si le Seigneur me révèle que chacun d’entre vous et tous ensemble... vous êtes unis par le coeur dans une soumission totale à l’évêque et au presbyterium, partageant le pain qui est remède d’immortalité, antidote pour ne pas mourir mais pour vivre toujours dans le Christ Jésus » : Patres Apostolici, ed. F.X. Funk, II, 203-205.
34 En vertu du sacrement de l’Ordre « chaque prêtre est uni aux autres membres du presbyterium, par des liens particuliers de charité apostolique, de ministère et de fraternité ».[132] En effet, il est inséré dans l’Ordo Presbyterorum, constituant une unité qui peut se définir comme une véritable famille où les liens ne viennent pas de la chair et du sang, mais de la grâce de l’Ordre.[133]
L’appartenance à un presbyterium concret[134] se réalise toujours, dans le cache d’une Église particulière, d’un Ordinariat ou une Prélature personnelle – c’est-à-dire d’une “mission épiscopale”, non seulement en raison de l’incardination – ce qui n’empêche nullement le prêtre, en tant que baptisé, d’appartenir de manière immédiate à l’Église universelle : dans l’Église, personne n’est un étranger ; toute l’Église et tout diocèse est famille, la famille de Dieu.[135]
La fraternité sacerdotale et l’appartenance au presbyterium sont par conséquent des éléments qui caractérisent le prêtre. À cet effet, dans l’ordination presbytérale, le rite de l’imposition des mains de la part de l’évêque, auquel prennent part tous les prêtres présents, est particulièrement significatif ; il indique soit que tous participent au même degré de ministère, soit que le prêtre ne peut agir seul, mais toujours à l’intérieur du presbyterium, devenant confrère de tous ceux qui le constituent.[136]
« Les évêques et les prêtres reçoivent la mission et la faculté [le pouvoir sacré] d’agir in persona Christi Capitis, les diacres la force de servir le Peuple de Dieu dans la “diaconie” de la liturgie, de la parole et de la charité, en communion avec l’Evêque et son presbyterium ».[137]
35 L’incardination dans « une Église particulière ou une prélature personnelle, ou un institut de vie consacrée ou une société qui possède cette faculté »[138] constitue un authentique lien juridique [139]qui a également une valeur spirituelle. En effet, c’est d’elle que provient « le rapport avec l’évêque dans l’unité du presbyterium, le partage de la sollicitude pour l’Église, le dévouement pastoral au service du Peuple de Dieu dans les conditions historiques et sociales concrètes ».[140]
On ne doit pas oublier à ce sujet que les prêtres séculiers non incardinés dans le diocèse et les prêtres membres d’un Institut religieux ou d’une Société de vie apostolique qui vivent dans le diocèse et exercent à son service un office quelconque, même s’ils sont soumis à leurs Ordinaires légitimes, appartiennent de plein droit ou à un titre différent au presbyterium du diocèse en question,[141] où ils « ont droit à la voix tant active que passive pour constituer le conseil presbytéral ».[142] Les prêtres religieux en particulier, dans l’unité de leurs forces, partagent la même sollicitude pastorale en apportant leurs charismes et en « stimulant par leur présence l’Église particulière à vivre plus intensément son ouverture universelle ».[143]
Les prêtres incardinés dans un diocèse, mais pour le service d’un mouvement ecclésial ou nouvelle communauté approuvé par l’autorité ecclésiastique compétente,[144] seront conscients d’être membres du presbyterium du diocèse où ils réalisent leur ministère, et de devoir sincèrement collaborer avec celui-ci. L’évêque d’incardination à son tour promouvra positivement le droit à la spiritualité propre que la loi reconnaît à tous les fidèles,[145] il respectera le style de vie requis par l’appartenance au mouvement et saura, selon les normes du droit, permettre que le prêtre apporte son service à d’autres Églises, si cela fait partie du charisme du mouvement,[146] en s’efforçant dans tous les cas à renforcer la communion ecclésiale.
36 Le presbyterium est un lieu privilégié où le prêtre devrait pouvoir trouver les moyens spécifiques de formation, de sanctification et d’évangélisation. Il devrait y être aidé à surmonter les limites et les faiblesses propres à la nature humaine qui sont particulièrement ressenties de nos jours.
Le prêtre par conséquent fera un effort pour éviter de vivre son sacerdoce de manière isolée et subjective. Il cherchera à favoriser la communion fraternelle en donnant et en recevant – de prêtre à prêtre – la chaleur de l’amitié, de l’aide affectueuse, de l’accueil, de la correction fraternelle,[147] bien conscient que la grâce de l’Ordre « assume et élève les rapports humains, psychologiques, affectifs, amicaux et spirituels... et se révèle concrètement dans les formes les plus variées d’entraide spirituelle et aussi matérielle ».[148]
Tout cela est bien exprimé outre que dans la messe chrismale – manifestation de la communion des prêtres avec leur évêque – dans la liturgie de la Messe in Coena Domini du Jeudi Saint, qui montre comment à partir de la communion eucharistique – née durant la dernière Cène – les prêtres reçoivent la capacité de s’aimer les uns les autres, comme le Maître les aime.[149]
37 Le profond sens ecclésial du presbyterium non seulement ne met pas obstacle, mais facilite les responsabilités personnelles de chaque prêtre dans l’exercice du ministère particulier confié par l’évêque.[150] La capacité de cultiver et de vivre des amitiés sacerdotales mûres et profondes apparaît comme une source de sérénité et de joie dans l’exercice du ministère, un soutien décisif dans les difficultés, et une aide précieuse pour la croissance de la charité pastorale, que le prêtre doit exercer d’une façon particulière envers les confrères en difficulté qui ont besoin de compréhension, d’aide et de soutien.[151] La fraternité sacerdotale, expression de la loi de la charité, bien loin de se réduire à un simple sentiment, devient pour les prêtres une mémoire existentielle du Christ et un témoignage apostolique de communion ecclésiale.
38 Une manifestation de cette communion est aussi la vie commune favorisée depuis toujours par l’Église,[152] récemment encouragée par les documents du Concile Vatican II[153] et le Magistère postérieur,[154] et appliquée positivement dans de nombreux diocèses. « La vie commune manifeste l’aide que le Christ accorde à notre existence en nous appelant à travers la présence des frères à une configuration toujours plus profonde à sa personne. Vivre avec les autres signifie accepter la nécessité de l’humilité, de la pénitence, mais également de la conversion, du pardon réciproque, du soutien mutuel. “Ecce quam bonum et quam iucundum habitare fratres in unum (Ps 133,1)” ».[155]
Pour affronter un des problèmes les plus importants de la vie sacerdotale aujourd’hui, à savoir la solitude du prêtre, « on ne recommandera jamais suffisamment aux prêtres une certaine vie commune qui s’oriente tout entière vers le ministère proprement spirituel ; la pratique de rencontres fréquentes au cours desquelles ont lieu de fraternels échanges d’idées, de conseils et d’expériences entre confrères ; l’encouragement à entrer dans des associations qui favorisent la sainteté sacerdotale ».[156]
39 Parmi les différentes formes de vie commune (maison commune, table commune, etc.), on doit retenir comme la plus importante la participation communautaire à la prière liturgique.[157] Ces diverses modalités doivent être favorisées selon les possibilités et les convenances pratiques, sans imiter nécessairement des modèles louables propres à la vie religieuse. D’une façon particulière, il faut louer ces associations qui favorisent la fraternité sacerdotale, la sainteté dans l’exercice du ministère, la communion avec l’évêque et avec toute l’Église.[158]
Étant donné qu’il est important que les prêtres résident près des lieux où habitent les fidèles qu’ils servent, il faut souhaiter que les curés favorisent la vie commune dans la maison paroissiale avec leurs vicaires, en les considérant effectivement comme des collaborateurs qui participent à la sollicitude pastorale ; de leur côté, les vicaires,[159] pour construire la communion sacerdotale, doivent reconnaître et respecter l’autorité du curé.[160] Au cas où il n’y aurait plus qu’un seul prêtre dans une paroisse, une vie commune avec des prêtres de paroisses limitrophes est vivement conseillée.[161]
Dans de nombreux lieux, l’expérience de cette vie commune s’est avérée assez positive car elle représente une authentique aide pour le prêtre : il s’y crée un climat de famille, on peut y installer – après avoir obtenu l’autorisation de l’Ordinaire[162] – une chapelle avec le Très Saint Sacrement où on peut prier ensemble, etc. En outre, comme nous le démontrent l’expérience et l’enseignement des saints, « personne ne peut trouver la force nécessaire pour la vie commune sans la prière […] sans une vie sacramentelle vécue avec fidélité. Si on n’entre pas dans le dialogue éternel que le Fils entretient avec le Père dans l’Esprit saint, aucune vie commune authentique n’est possible. Il faut savoir demeurer avec Jésus pour pouvoir savoir être avec les autres ».[163] Les prêtres qui ont trouvé dans l’adoption de formes de vie communautaire opportunes un grand secours tant pour leurs exigences personnelles que pour l’exercice de leur ministère pastoral, se comptent en grand nombre.
2013 Directoire prêtres 22