Evangelii nuntiandi FR 29
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29. Mais l'évangélisation ne serait pas complète si elle ne tenait pas compte des rapports concrets et permanents qui existent entre l'Evangile et la vie, personnelle et sociale, de l'homme. C'est pourquoi l'évangélisation comporte un message explicite, adapté aux diverses situations, constamment actualisé, sur les droits et les devoirs de toute personne humaine, sur la vie familiale sans laquelle l'épanouissement personnel n'est guère possible, GS 47-52 HV 1 ss. sur la vie en commun dans la société, sur la vie internationale, la paix, la justice, le développement; un message particulièrement vigoureux de nos jours sur la libération.
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30. On sait en quels termes en ont parlé, au récent Synode, de nombreux Evêques de tous les continents, surtout les Evêques du Tiers-Monde, avec un accent pastoral où vibrait la voix de millions de fils de l'Eglise qui forment ces peuples. Peuples engagés, avec toute leur énergie, dans l'effort et le combat de dépassement de tout ce qui les condamne à rester en marge de la vie : famines, maladies chroniques, analphabétisme, paupérisme, injustices dans les rapports internationaux et spécialement dans les échanges commerciaux, situations de néocolonialisme économique et culturel parfois aussi cruel que l'ancien colonialisme politique. L'Eglise, ont répété les Evêques, a le devoir d'annoncer la libération de millions d'êtres humains, beaucoup d'entre eux étant ses propres enfants ; le devoir d'aider cette libération à naître, de témoigner pour elle, de faire qu'elle soit totale. Cela n'est pas étranger à l'évangélisation.
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31. Entre évangélisation et promotion humaine - développement, libération - il y a en effet des liens profonds. Liens d'ordre anthropologique, parce que l'homme à évangéliser n'est pas un être abstrait, mais qu'il est sujet aux questions sociales et économiques. Liens d'ordre théologique, puisqu'on ne peut pas dissocier le plan de la création du plan de la Rédemption qui, lui, atteint les situations très concrètes de l'injustice à combattre et de la justice à restaurer. Liens de cet ordre éminemment évangélique qui est celui de la charité : comment en effet proclamer le commandement nouveau sans promouvoir dans la justice et la paix la véritable, l'authentique croissance de l'homme ? Nous avons tenu à le signaler Nous-même en rappelant qu'il est impossible d'accepter "que l'oeuvre d'évangélisation puisse ou doive négliger les questions extrêmement graves, tellement agitées aujourd'hui, concernant la justice, la libération, le développement et la paix dans le monde. Si cela arrivait, ce serait ignorer la doctrine de l'Evangile sur l'amour envers le prochain qui souffre ou est dans le besoin". (Alloc. Pour l'ouverture de la IIIe assemblée générale du Synode des Evêques, 27/9/1974)
Eh bien, les mêmes voix qui avec zèle, intelligence et courage ont abordé au cours du Synode ce thème brûlant, ont, à notre grande joie, fourni les principes illuminateurs pour bien saisir la portée et le sens profond de la libération telle que l'a annoncée et réalisée Jésus de Nazareth et telle que l'Eglise la prêche.
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32. Il ne faut pas nous cacher, en effet, que beaucoup de chrétiens généreux, sensibles aux questions dramatiques que recouvre le problème de la libération, en voulant engager l'Eglise dans l'effort de libération, ont fréquemment la tentation de réduire sa mission aux dimensions d'un projet simplement temporel ; ses buts à une visée anthropocentrique ; le salut dont elle est messagère et sacrement, à un bien-être matériel ; son activité, oubliant toute préoccupation spirituelle et religieuse, à des initiatives d'ordre politique ou social. Mais s'il en était ainsi, l'Eglise perdrait sa signification foncière. Son message de libération n'aurait plus aucune originalité et finirait par être facilement accaparé et manipulé par des systèmes idéologiques et des partis politiques. Elle n'aurait plus d'autorité pour annoncer, comme de la part de Dieu, la libération. C'est pourquoi Nous avons voulu souligner dans la même allocution à l'ouverture de la troisième Assemblée synodale "la nécessité de réaffirmer clairement la finalité spécifiquement religieuse de l'évangélisation. Cette dernière perdrait sa raison d'être si elle s'écartait de l'axe religieux qui la dirige : le Règne de Dieu avant toute autre chose, dans son sens pleinement théologique". (Alloc. Pour l'ouverture de la IIIe assemblée générale du Synode des Evêques, 27/9/1974)
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33 De la libération que l'évangélisation annonce et s'efforce de mettre en oeuvre, il faut dire plutôt :
- elle ne peut pas se cantonner dans la simple et restreinte dimension économique, politique, sociale ou culturelle, mais elle doit viser l'homme tout entier, dans toutes ses dimensions, jusque et y compris dans son ouverture vers l'absolu, même l'Absolu de Dieu ;
- elle est donc rattachée à une certaine conception de l'homme, à une anthropologie qu'elle ne peut jamais sacrifier aux exigences d'une quelconque stratégie, d'une praxis ou d'une efficacité à court terme.
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34. C'est pourquoi, en prêchant la libération et en s'associant à ceux qui oeuvrent et souffrent pour elle, l'Eglise - sans accepter de circonscrire sa mission au seul domaine du religieux, en se désintéressant des problèmes temporels de l'homme - réaffirme la primauté de sa vocation spirituelle, elle refuse de remplacer l'annonce du Règne par la proclamation des libérations humaines, et elle proclame que même sa contribution à la libération est incomplète si elle néglige d'annoncer le salut en Jésus-Christ.
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35. L'Eglise rapproche mais n'identifie jamais libération humaine et salut en Jésus-Christ, car elle sait par révélation, par expérience historique et par réflexion de foi que toute notion de libération n'est pas forcément cohérente et compatible avec une vision évangélique de l'homme, des choses et des événements ; elle sait qu'il ne suffit pas d'instaurer la libération, de créer le bien-être et le développement, pour que le Règne de Dieu arrive.
Bien plus, l'Eglise a la ferme conviction que toute libération temporelle, toute libération politique - même si elle s'efforce de trouver sa justification dans telle ou telle page de l'Ancien ou du Nouveau Testament, même si elle réclame pour ses postulats idéologiques et ses normes d'action l'autorité des données et des conclusions théologiques, même si elle prétend être la théologie pour aujourd'hui - porte en elle-même le germe de sa propre négation et déchoit de l'idéal qu'elle se propose, tant que ses motifs profonds ne sont pas ceux de la justice dans la charité, tant que l'élan qui l'entraîne n a pas de dimension vraiment spirituelle et que son but final n'est pas le salut et la béatitude en Dieu.
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36. L'Eglise tient certes comme important et urgent de bâtir des structures plus humaines, plus justes, plus respectueuses des droits de la personne, moins oppressives et moins asservissantes, mais elle est consciente que les meilleures structures, les systèmes les mieux conçus deviennent vite inhumains si les pentes inhumaines du coeur de l'homme ne sont pas assainies, s'il n'y a pas une conversion du coeur et du regard de ceux qui vivent dans ces structures ou les commandent.
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37. L'Eglise ne peut pas accepter la violence, surtout la force des armes - incontrôlable lorsqu'elle se déchaîne - et la mort de qui que ce soit, comme chemin de libération, car elle sait que la violence appelle toujours la violence et engendre irrésistiblement de nouvelles formes d'oppression et d'esclavage souvent plus lourdes que celles dont elle prétendait libérer. Nous l'avons dit clairement au cours de notre voyage en Colombie: Permettez enfin que Nous vous exhortions à ne pas mettre votre confiance dans la violence et dans la révolution ; c'est contraire à l'esprit chrétien, et cela peut aussi retarder, et non favoriser, l'élévation sociale à laquelle vous aspirez à bon droit" (Allocution aux campesinos 23/8/1968) "Nous devons dire et réaffirmer que la violence n'est ni chrétienne ni évangélique et que les changements brusques ou violents des structures seraient fallacieux, inefficaces en eux-mêmes et certainement non conformes à la dignité du peuple". (Paul VI, Alloc. Prononcée à Bogota pour la journée du développement 23/8/1968)
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38. Ceci dit, Nous nous réjouissons que l'Eglise prenne une conscience toujours plus vive de la façon propre, foncièrement évangélique, qu'elle a de collaborer à la libération des hommes. Et que fait-elle ? Elle cherche de plus en plus à susciter de nombreux chrétiens qui se donnent à la libération des autres. Elle fournit à ces chrétiens "libérateurs" une inspiration de foi, une motivation d'amour fraternel, un enseignement social auquel le vrai chrétien ne peut pas ne pas être attentif mais qu'il doit poser à la base de sa sagesse et de son expérience pour le traduire concrètement en des catégories d'action, de participation et d'engagement. Tout cela, sans se confondre avec des attitudes tactiques ni avec le service d'un système politique, doit caractériser l'élan du chrétien engagé. L'Eglise s'efforce d'insérer toujours le combat chrétien pour la libération dans le dessein global du salut qu'elle annonce elle-même.
Ce que Nous venons de rappeler ici émerge plus d'une fois dans les débats du Synode. Nous avions d'ailleurs voulu consacrer à ce thème quelques mots d'éclaircissement dans l'allocution que Nous adressions aux Pères à l'issue de l'Assemblée. (Alloc. Pour la clôture de la IIIe assemblée générale du Synode des Evêques, 26/10/1974)
Toutes ces considérations devraient aider, il faut l'espérer, à éviter l'ambiguïté que revêt très souvent le mot "libération" dans les idéologies, les systèmes ou les groupes politiques. La libération que proclame et prépare l'évangélisation est celle que le Christ lui-même a annoncée à l'homme par son sacrifice.
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39. De cette juste libération liée à l'évangélisation, qui cherche précisément à réaliser des structures sauvegardant la liberté humaine, on ne peut séparer la nécessité d'assurer tous les droits fondamentaux de l'homme, parmi lesquels la liberté religieuse tient une place de première importance. Nous avons récemment parlé de l'actualité de ce problème, en relevant "combien de chrétiens, aujourd'hui encore, sont étouffés par une oppression systématique parce qu'ils sont chrétiens, parce qu'ils sont catholiques ! Le drame de la fidélité au Christ et de la liberté religieuse continue, même s'il est camouflé derrière des déclarations catégoriques en faveur des droits de la personne humaine et de la société". (Alloc. à l'audience générale du 15/10/1975)
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40. L'importance évidente du contenu de l'évangélisation ne doit pas cacher l'importance des voies et des moyens.
Cette question du "comment évangéliser" reste toujours actuelle parce que les façons d'évangéliser varient suivant les diverses circonstances de temps, de lieu, de culture, et qu'elles offrent par là un certain défi à notre capacité de découvrir et d'adapter.
A nous spécialement, Pasteurs dans l'Eglise, incombe le souci de recréer avec audace et sagesse, en toute fidélité à son contenu, les modes les plus adaptés et les plus efficaces pour communiquer le message évangélique aux hommes de notre temps. Qu'il Nous suffise, dans cette réflexion, de rappeler quelques voies qui, pour une raison ou pour une autre, ont une importance fondamentale.
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41. Et d'abord, sans répéter tout ce que Nous avons déjà rappelé plus haut, il est bon de souligner ceci : pour l'Eglise, le témoignage d'une vie authentiquement chrétienne, livrée à Dieu dans une communion que rien ne doit interrompre mais également donnée au prochain avec un zèle sans limite, est le premier moyen d'évangélisation. "L'homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres - disions-Nous récemment a un groupe de laïcs - ou s'il écoute les maîtres, c'est parce qu'ils sont des témoins" (Alloc. aux membres du Conseil des laïcs, 2/10/1974) Saint Pierre l'exprimait bien lorsqu'il évoquait le spectacle d'une vie pure et respectueuse, "gagnant sans paroles même ceux qui refusent de croire à la Parole". 1P 3,1 C'est donc par sa conduite, par sa vie, que l'Eglise évangélisera tout d'abord le monde, c'est-à-dire par son témoignage vécu de fidélité au Seigneur Jésus, de pauvreté et détachement, de liberté face aux pouvoirs de ce monde, en un mot, de sainteté.
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42. Il n'est pas superflu de souligner, ensuite, la portée et la nécessité de la prédication. "comment croire sans l'avoir entendu ? Et comment entendre sans prédicateur ? (...) Car la foi naît de la prédication et la prédication se fait par la parole du Christ". Rm 10,14 Rm 10,17 Cette loi posée un jour par l'Apôtre Paul garde encore aujourd'hui toute sa force.
Oui, elle est toujours indispensable, la prédication, cette proclamation verbale d'un message. Nous savons bien que l'homme moderne rassasié de discours se révèle souvent fatigué d'entendre et, pire encore, immunisé contre la parole. Nous connaissons aussi les idées de nombreux psychologues et sociologues, lesquels affirment que l'homme moderne a dépassé la civilisation du verbe, désormais inefficace et inutile, et qu'il vit aujourd'hui dans la civilisation de l'image. Ces faits devraient nous pousser, certes, à mettre en ouvre dans la transmission du message évangélique les moyens modernes suscités par cette civilisation. Des efforts très valables, d'ailleurs, ont été déjà accomplis dans cette ligne. Nous ne pouvons que les louer et les encourager pour qu'ils se développent encore davantage. La fatigue que provoquent aujourd'hui tant de discours vides et l'actualité de bien d'autres formes de communication ne doivent cependant pas diminuer la vertu permanente de la parole ni faire perdre confiance en elle. La parole reste toujours actuelle, surtout lorsqu'elle est porteuse de la puissance de Dieu. 1Co 2,1-5 C'est pourquoi reste lui aussi d'actualité l'axiome de saint Paul: "La foi vient de ce qu'on entend" Rm 10,17 : c'est la Parole entendue qui conduit à croire.
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43. Cette prédication évangélisatrice prend plusieurs formes que le zèle inspirera de recréer presque à l'infini. Ils sont effectivement innombrables, les événements de la vie et les situations humaines qui offrent l'occasion d'une annonce discrète mais marquante de ce que le Seigneur a à dire dans cette circonstance. Il suffit d'avoir une vraie sensibilité spirituelle pour lire dans les événements le message de Dieu. Mais, à un moment où la liturgie renouvelée par le Concile a beaucoup valorisé la "liturgie de la Parole", ce serait une erreur de ne pas voir dans l'homélie un instrument valable et très adapté d'évangélisation. Il faut certes connaître et mettre à profit les exigences et les possibilités de l'homélie pour qu'elle acquière toute son efficacité pastorale. Mais il faut surtout en être convaincu et s'y donner avec amour. Cette prédication singulièrement insérée dans la célébration eucharistique, dont elle reçoit force et vigueur particulières, a certainement un rôle spécial dans l'évangélisation, dans la mesure où elle exprime la foi profonde du ministre sacré qui prêche et où elle est imprégnée d'amour. Les fidèles rassemblés pour être une Eglise pascale célébrant la fête du Seigneur présent au milieu d'eux attendent beaucoup de cette prédication et de fait en reçoivent beaucoup de fruits, pourvu qu'elle soit simple, claire, directe, adaptée, profondément attachée à l'enseignement évangélique et fidèle au Magistère de l'Eglise, animée d'une ardeur apostolique équilibrée qui lui vient de son caractère propre, pleine d'espérance, nourrissante pour la foi, génératrice de paix et d'unité. Maintes communautés paroissiales ou autres vivent et se consolident grâce à l'homélie de chaque dimanche, lorsqu'elle a ces qualités.
Ajoutons que, grâce au même renouvellement de la liturgie, la célébration eucharistique n'est pas le seul moment approprié pour l'homélie. Celle-ci trouve sa place et ne doit pas être négligée dans la célébration de tous les sacrements, ou encore au cours de para-liturgies, dans le cadre d'assemblées de fidèles. Elle sera toujours une occasion privilégiée pour communiquer la Parole du Seigneur.
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44. Une voie à ne pas négliger dans l'évangélisation est celle de l'enseignement catéchétique. L'intelligence, surtout celle des enfants et des adolescents, a besoin d'apprendre, moyennant un enseignement religieux systématique, les données fondamentales, le contenu vivant de la vérité que Dieu a voulu nous transmettre et que l'Eglise a cherché à exprimer de façon toujours plus riche, au cours de sa longue histoire. Que cet enseignement doive être donné pour éduquer des habitudes de vie chrétienne et non pour demeurer seulement intellectuel, personne ne le contestera. Assurément, l'effort d'évangélisation gagnera beaucoup, au plan de l'enseignement catéchétique donné à l'église, dans les écoles là où cela est possible, en tout cas dans les foyers chrétiens, si les catéchètes disposent de textes appropriés, mis à jour avec sagesse et compétence, sous l'autorité des Evêques. Les méthodes devront être adaptées à l'âge, à la culture, à la capacité des personnes, en cherchant toujours à fixer dans la mémoire, l'intelligence et le coeur, les vérités essentielles qui devront imprégner la vie tout entière. Il faut surtout préparer de bons catéchètes - catéchistes paroissiaux, instituteurs, parents - soucieux de se perfectionner dans cet art supérieur, indispensable et exigeant de l'enseignement religieux. D'ailleurs, sans qu'il faille négliger en quoi que ce soit la formation des enfants, on observe que les conditions actuelles rendent toujours plus urgent l'enseignement catéchétique, sous la forme d'un catéchuménat, pour de nombreux jeunes et adultes qui, touchés par la grâce, découvrent peu à peu le visage du Christ et éprouvent le besoin de se donner à Lui.
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45. Dans notre siècle marqué par les mass media ou moyens de communication sociale, la première annonce, la catéchèse ou l'approfondissement ultérieur de la foi, ne peuvent pas se passer de ces moyens, comme Nous l'avons déjà souligné.
Mis au service de l'Evangile, ils sont capables d'étendre presque à l'infini le champ d'écoute de la Parole de Dieu, et ils font arriver la Bonne Nouvelle à des millions de personnes. L'Eglise se sentirait coupable devant son Seigneur si elle ne mettait pas en oeuvre ces puissants moyens que l'intelligence humaine rend chaque jour plus perfectionnés. C'est par eux qu'elle "proclame sur les toits" Mt 10,27 Lc 12,3 le message dont elle est dépositaire. En eux elle trouve une version moderne et efficace de la chaire. Grâce à eux elle réussit à parler aux masses.
Cependant l'usage des moyens de communication sociale pour l'évangélisation présente un défi : c'est que le message évangélique devrait, à travers eux, arriver à des foules d'hommes, mais avec la capacité de percer la conscience de chacun, de se déposer dans le coeur de chacun comme s'il était unique, avec tout ce qu'il a de plus singulier et personnel, et de recueillir en sa faveur une adhésion, un engagement tout à fait personnels.
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46. C'est pourquoi, à côté de cette proclamation de l'Evangile sous forme générale, l'autre forme de sa transmission, de personne à personne, reste valide et importante. Le Seigneur l'a souvent pratiquée - les conversations avec Nicodème, Zachée, la Samaritaine, Simon le pharisien, par exemple, l'attestent -, les Apôtres aussi. Y aurait-il au fond une autre manière de livrer l'Evangile, que de transmettre à un autre sa propre expérience de la foi ? Il ne faudrait pas que l'urgence d'annoncer la Bonne Nouvelle aux masses d'hommes fasse oublier cette forme d'annonce par laquelle la conscience personnelle d'un homme est atteinte, touchée par une parole tout à fait extraordinaire qu'il reçoit d'un autre. Nous ne saurions dire le bien fait par les prêtres qui, à travers le sacrement de la pénitence ou à travers le dialogue pastoral, se montrent prêts à guider les personnes dans les voies de l'Evangile, à les affermir dans leur effort, à les relever si elles sont tombées, à les assister toujours avec discernement et disponibilité.
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47. Par ailleurs, on n insistera jamais assez sur le fait que l'évangélisation ne s'épuise pas dans la prédication et l'enseignement d'une doctrine. Car elle doit atteindre la vie : la vie naturelle à laquelle elle donne un sens nouveau, grâce aux perspectives évangéliques qu'elle lui ouvre ; et la vie surnaturelle, qui n'est pas la négation, mais la purification et l'élévation de la vie naturelle.
Cette vie surnaturelle trouve son expression vivante dans les sept sacrements et dans l'admirable rayonnement de grâce et de sainteté qui est le leur.
L'évangélisation déploie ainsi toute sa richesse lorsqu'elle réalise la liaison la plus intime, et mieux encore une intercommunication jamais interrompue, entre la parole et les sacrements. En un certain sens, c'est une équivoque que d'opposer, comme on le fait parfois, l'évangélisation à la sacramentalisation. Il est bien vrai qu'une certaine façon de conférer les sacrements, sans un solide appui de la catéchèse de ces mêmes sacrements et d'une catéchèse globale, finirait par les priver en grande partie de leur efficacité. Le rôle de l'évangélisation est précisément d'éduquer tellement dans la foi qu'elle conduise chaque chrétien à vivre - et non à recevoir passivement, ou à subir - les sacrements comme de véritables sacrements de la foi.
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48. Ici Nous touchons à un aspect de l'évangélisation qui ne peut pas laisser insensible. Nous voulons parler de cette réalité que l'on désigne souvent aujourd'hui du terme de religiosité populaire.
Aussi bien dans les régions où l'Eglise est implantée depuis des siècles que là où elle est en voie d'implantation, on trouve chez le peuple des expressions particulières de la recherche de Dieu et de la foi. Regardées longtemps comme moins pures, quelquefois dédaignées, ces expressions font aujourd'hui un peu partout l'objet d'une redécouverte. Les Evêques en ont approfondi la signification, au cours du récent Synode, avec un réalisme pastoral et un zèle remarquables.
La religiosité populaire, on peut le dire, a certainement ses limites. Elle est fréquemment ouverte à la pénétration de maintes déformations de la religion, voire de superstitions. Elle reste souvent au niveau de manifestations culturelles sans engager une véritable adhésion de foi. Elle peut même mener à la formation de sectes et mettre en danger la vraie communauté ecclésiale.
Mais si elle est bien orientée, surtout par une pédagogie d'évangélisation, elle est riche de valeurs. Elle traduit une soif de Dieu que seuls les simples et les pauvres peuvent connaître. Elle rend capable de générosité et de sacrifice jusqu'à l'héroïsme, lorsqu'il s'agit de manifester la foi. Elle comporte un sens aigu d'attributs profonds de Dieu : la paternité, la providence, la présence amoureuse et constante. Elle engendre des attitudes intérieures rarement observées ailleurs au même degré : patience, sens de la croix dans la vie quotidienne, détachement, ouverture aux autres, dévotion. En raison de ces aspects, Nous l'appelons volontiers "piété populaire", c'est-à-dire religion du peuple, plutôt que religiosité.
La charité pastorale doit dicter, à tous ceux que le Seigneur a placés comme chefs de communautés ecclésiales, les normes de conduite à l'égard de cette réalité, à la fois si riche et si menacée. Avant tout, il faut y être sensible, savoir percevoir ses dimensions intérieures et ses valeurs indéniables, être disposé à l'aider à dépasser ses risques de déviation. Bien orientée, cette religiosité populaire peut être de plus en plus, pour nos masses populaires, une vraie rencontre avec Dieu en Jésus-Christ.
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49. Les dernières paroles de Jésus dans l'Evangile de Marc confèrent à l'évangélisation, dont le Seigneur charge les Apôtres, une universalité sans frontières : "Allez par le monde entier, proclamez l'Evangile à toutes les créatures". Mc 16,15
Les Douze et la première génération de chrétiens ont bien compris la leçon de ce texte et d'autres semblables ; ils en ont fait un programme d'action. La persécution elle-même, en dispersant les Apôtres, a contribué à disséminer la Parole et à implanter l'Eglise dans des régions toujours plus lointaines. L'admission de Paul au rang des Apôtres et son charisme de prédicateur de l'Avènement de Jésus-Christ aux païens - non juifs - a encore souligné l'universalisme.
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50. Au long de vingt siècles d'histoire, les générations chrétiennes ont affronté périodiquement divers obstacles à cette mission universaliste. D'un côté, de la part des évangélisateurs eux-mêmes, la tentation de rétrécir sous différents prétextes leur champ d'action missionnaire. D'autre part, les résistances souvent humainement insurmontables de ceux à qui s'adresse l'évangélisateur. Par ailleurs, Nous devons constater avec tristesse que l'oeuvre évangélisatrice de l'Eglise est fortement contrariée, sinon empêchée, par des pouvoirs publics. Il se trouve, même de nos jours, que des annonciateurs de la Parole de Dieu soient privés de leurs droits, persécutés, menacés, éliminés pour le seul fait de prêcher Jésus-Christ et son Evangile. Mais Nous avons confiance que malgré ces épreuves douloureuses l'oeuvre de ces apôtres ne fera finalement défaut en aucune région du monde.
En dépit de telles adversités, l'Eglise ranime toujours son inspiration la plus profonde, celle qui lui vient directement du Maître : Au monde entier ! A toute créature ! Jusqu'aux extrémités de la terre ! Elle l'a fait de nouveau au récent Synode, comme un appel à ne pas emprisonner l'annonce évangélique en la limitant à un secteur de l'humanité, ou à une classe d'hommes ou à un seul type de culture. Quelques exemples pourraient être révélateurs.
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51. Révéler Jésus-Christ et son Evangile à ceux qui ne les connaissent pas, tel est, depuis le matin de la Pentecôte, le programme fondamental que l'Eglise a assumé comme reçu de son Fondateur. Tout le Nouveau Testament, et de façon spéciale les Actes des Apôtres, témoignent d'un moment privilégié et en quelque sorte exemplaire de cet effort missionnaire qui jalonnera ensuite toute l'histoire de l'Eglise.
Cette première annonce de Jésus-Christ, elle la réalise par une activité complexe et diversifiée que l'on désigne quelquefois sous le nom de "pré-évangélisation", mais qui est déjà à vrai dire l'évangélisation, quoique à son stade initial et bien incomplet. Une gamme presque infinie de moyens, la prédication explicite, certes, mais aussi l'art, l'approche scientifique, la recherche philosophique, le recours légitime aux sentiments du coeur de l'homme peuvent être mis en oeuvre dans ce but.
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52. Si cette première annonce s'adresse spécialement à ceux qui n'ont jamais entendu la Bonne Nouvelle de Jésus ou aux enfants, elle s'avère toujours plus nécessaire également, à cause des situations de déchristianisation fréquentes de nos jours, pour des multitudes de personnes qui ont reçu le baptême mais vivent en dehors de toute vie chrétienne, pour des gens simples ayant une certaine foi mais connaissant mal les fondements de cette foi, pour des intellectuels qui sentent le besoin de connaître Jésus- Christ sous une lumière autre que l'enseignement reçu dans leur enfance, et pour beaucoup d'autres.
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53. Elle s'adresse aussi à d'immenses portions d'humanité qui pratiquent des religions non chrétiennes que l'Eglise respecte et estime, car elles sont l'expression vivante de l'âme de vastes groupes humains. Elles portent en elles l'écho de millénaires de recherche de Dieu, recherche incomplète mais réalisée souvent avec sincérité et droiture de coeur. Elles possèdent un patrimoine impressionnant de textes profondément religieux. Elles ont appris à des générations de personnes à prier. Elles sont toutes parsemées d'innombrables "semences du Verbe" (S. Justin I Apologia 46,1-4 ; II Apologia 7,1-4 ; 10,1-3 ; 13,3-4 ; Clément d'Alexandrie Stromata I, 19,91-94) AGD 11 LG 17 et peuvent constituer une authentique "préparation évangélique" LG 16 pour reprendre un mot heureux du Concile Vatican II emprunté à Eusèbe de Césarée.( Preparatio Evangelica, I,1)
Une telle situation suscite, certes, des questions complexes et délicates, qu'il convient d'étudier à la lumière de la Tradition chrétienne et du Magistère de l'Eglise pour offrir aux missionnaires d'aujourd'hui et de demain de nouveaux horizons dans leurs contacts avec les religions non chrétiennes. Nous voulons relever surtout aujourd'hui que ni le respect et l'estime envers ces religions, ni la complexité des questions soulevées ne sont pour l'Eglise une invitation à taire devant les non chrétiens l'annonce de Jésus-Christ. Au contraire, elle pense que ces multitudes ont le droit de connaître la richesse du mystère du Christ (Eusèbe de Césarée, Praeparatio Evangelica I,1) LG 16 dans laquelle nous croyons que toute l'humanité peut trouver, dans une plénitude insoupçonnable, tout ce qu'elle cherche à tâtons au sujet de Dieu, de l'homme et de son destin, de la vie et de la mort, de la vérité. Même devant les expressions religieuses naturelles les plus dignes d'estime, l'Eglise s'appuie donc sur le fait que la religion de Jésus, qu'elle annonce à travers l'évangélisation, met objectivement l'homme en rapport avec le plan de Dieu, avec sa présence vivante, avec son action ; elle fait rencontrer ainsi le mystère de la Paternité divine qui se penche vers l'humanité ; en d'autres termes, notre religion instaure effectivement avec Dieu un rapport authentique et vivant que les autres religions ne réussissent pas à établir, bien qu'elles tiennent pour ainsi dire leurs bras tendus vers le ciel.
C'est pourquoi l'Eglise garde vivant son élan missionnaire, et même elle veut l'intensifier dans le moment historique qui est le nôtre. Elle se sent responsable devant des peuples entiers. Elle n'a pas de repos tant qu'elle n'a pas fait de son mieux pour proclamer la Bonne Nouvelle de Jésus Sauveur. Elle prépare toujours de nouvelles générations d'apôtres. Constatons-le avec joie au moment où ne manquent pas ceux qui pensent et même disent que l'ardeur et l'élan apostolique se sont épuisés, et que l'heure de l'envoi missionnaire est désormais passée. Le Synode vient de répondre que l'annonce missionnaire ne tarit pas et que l'Eglise sera toujours tendue vers l'accomplissement de celle-ci.
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54. Cependant l'Eglise ne se sent pas dispensée d'une attention infatigable également envers ceux qui ont reçu la foi et qui, souvent depuis des générations, sont en contact avec l'Evangile. Elle cherche ainsi à approfondir, consolider, nourrir, rendre toujours plus mûre la foi de ceux qu'on appelle déjà fidèles ou croyants, afin qu'ils le soient davantage.
Cette foi est presque toujours, aujourd'hui, confrontée au sécularisme, voire à l'athéisme militant : elle est une foi en butte aux épreuves et menacée, bien plus, une foi assiégée et combattue. Elle risque de périr par asphyxie ou par inanition si elle n'est pas tous les jours alimentée et soutenue. Evangéliser doit donc être très souvent communiquer à la foi des fidèles - particulièrement par une catéchèse pleine de sève évangélique et munie d'un langage adapté aux temps et aux personnes - cet aliment et ce soutien nécessaires.
L'Eglise catholique garde également un vif souci des chrétiens qui ne sont pas en pleine communion avec elle : tout en préparant avec eux l'unité voulue par le Christ, et précisément pour réaliser l'unité dans la vérité, elle a conscience qu'elle manquerait gravement à son devoir si elle ne témoignait pas, auprès d'eux, de la plénitude de la révélation dont elle garde le dépôt.
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