Discours 1982 - Discours aux évêques polonais en visite « ad limina » - 11 octobre
Le lundi 11 octobre, à 18 h, le Pape est descendu dans la crypte de Saint-Pierre où s'étaient rassemblés les cardinaux chefs de dicastères et une grande partie du personnel de la Curie. Jean-Paul II après s'être recueilli sur la tombe de saint Pierre, a présidé une liturgie de la Parole au cours de laquelle il a prononcé la prière suivante (2) :
(2) Texte italien dans l'Osservatore Romano du 13 octobre. Traduction de la DC.
1. Esprit Saint de Dieu, nous venons aujourd'hui pour une action de grâces.
Voici vingt ans, en ce même jour du 11 octobre, s'ouvrait le Concile Vatican II, dans la basilique de Saint-Pierre.
Aujourd'hui, vingt ans après, nous voudrions rendre grâces parce que ce Concile commença et parce qu'il a pu mener ses travaux à leur terme au cours des années 1962-1965, jusqu'au 8 décembre 1965 où il fut solennellement conclu.
2. Nous te remercions, Esprit Saint de Dieu : pour avoir inspiré à ton serviteur Jean XXIII l'idée de convoquer le Concile ; pour l'avoir aidé à le préparer et à l'inaugurer le 11 octobre 1962, en ce jour qui, selon le calendrier liturgique alors en vigueur, était dédié à la maternité de la Bienheureuse Vierge Marie.
Nous te rendons grâce, ensuite, parce que tu as donné à Paul VI d'assumer l'oeuvre du Concile après la mort de son prédécesseur, et de la porter à son terme.
3. Nous te rendons grâce, Esprit-Lumière des coeurs, car à travers ce Concile tu as été particulièrement proche, et tu as parlé à l'Église, à travers le service de la parole et de la pensée, à travers le service de la volonté et du témoignage de tous les évêques réunis par lui.
Nous te rendons grâce pour cette grande expérience de foi confessée et enseignée. Nous te rendons grâce pour cette particulière manifestation de sollicitude pastorale pour toute l'Église, pour l'Église et le monde contemporain. Nous te rendons grâce pour tous les efforts liés à tout cela et pour toutes les joies procurées par ce service.
Nous te rendons grâce, Esprit d'amour et de vérité, parce que, de façon si particulière, tu nous a permis de constituer une communauté fraternelle, parce que tu nous a permis d'extraire du trésor commun « des choses nouvelles et des choses anciennes » (Mt 13,52), au service de la tradition de l'Église et de son renouveau.
4. Nous rappelons tous ceux qui ont fait, jour après jour, cette oeuvre du Concile, avant tout les frères dans l'épisco- pat et les Pères conciliaires, et aussi tous les collaborateurs de notre ministère, prêtres, religieux, religieuses et théologiens, laïcs, experts en divers domaines, jusqu'à ceux qui ont assuré les services les plus simples.
Nous nous réjouissons aujourd'hui avec ceux auxquels il est encore donné de participer à cet anniversaire. Nous recommandons à la bonté du Père ceux qui nous ont déjà laissés. Le mérite des uns et des autres est d'avoir diligemment prêté l'oreille à la voix de l'Esprit, qui ouvrait devant l'Église les sources de l'Évangile et, en même temps, parlait à travers les « signes des temps ». Cela, c'est le mérite et c'est la joie de tous.
5. Nous te remercions pour le Concile, tel qu'il est issu du grand atelier de ces années et tel qu'il a commencé à vivre avec le contenu de toutes ses énonciations : constitutions, décrets et déclarations.
Nous te remercions pour la richesse du contenu, qui a illuminé l'Église dans la seconde moitié du XXe siècle, et nous te remercions pour les orientations indiquées dans tant de questions importantes.
Nous remercions pour la vérité ecclésiologique et oecuménique, nous remercions pour l'ouverture envers tous, pour l'amour du « monde » dans l'esprit de l'Évangile.
Nous remercions pour la nouvelle maturité de la foi et la disponibilité au dialogue.
6. Aujourd'hui, vingt ans après, tandis que nous te remercions, Esprit de Notre-Seigneur, envoyé pour nous enseigner sans cesse « toute chose », nous venons en même temps pour t'implorer. Nous te supplions pour que l'oeuvre du Concile, commencée et achevée au cours de cette période, s'accomplisse constamment ; pour qu'elle devienne continuellement une réalité, d'année en année, de jour en jour ; pour que tous relisent son enseignement, dans toute son identité et sa profondeur spécifiques, et, en conformité avec celles-ci, qu'il continue à se réaliser — et à aider l'Église dans l'accomplissement de sa mission. Afin qu'à travers tout cela le monde connaisse que tu l'as envoyée — afin qu'il croie et se convertisse. Afin que, par la médiation de l'Église qui se renouvelle constamment, par la lumière et la puissance de l'Esprit du Christ, s'accomplisse le service du salut du monde, pour le temps que le Père s'est proposé dans son amour. Et afin que soient adorés pour l'éternité le Père, le Fils et le Saint-Esprit, en qui se trouvent le principe et la fin de toute la création.
Amen .
Monsieur le Cardinal, Chers Frères dans l’épiscopat, Chers amis,
1. C’est une joie pour moi de vous revoir à l’occasion de l’Assemblée plénière du Conseil pontifical pour les Laïcs. Cette rencontre, je l’ai en effet beaucoup désirée, malgré le programme très chargé de ces derniers jours.
Outre les cérémonies de béatification et de canonisation si stimulantes pour tout le peuple de Dieu, les nombreuses visites d’évêques offrent une occasion privilégiée de renforcer la communion du Collège épiscopal et de revoir ensemble comment accomplir la mission de l’Eglise dans les différents contextes culturels. Et vous, membres, consulteurs, dirigeants et collaborateurs du Conseil pontifical pour les Laïcs, vous représentez tous les laïcs qui s’efforcent de vivre leur vocation chrétienne, avec fidélité et cohérence, dans les situations si diverses de l’Eglise et du monde. Je tiens à vous remercier pour le travail persévérant que vous accomplissez avec dévouement au sein du Dicastère et dans vos milieux de vie.
2. Ces jours-ci, nous célébrons le vingtième anniversaire de l’ouverture du Concile Vatican II. Jour mémorable, dont nous nous souvenons avec joie, émerveillement et gratitude envers Dieu! La célébration de cet anniversaire nous rappelle aussi que nous devons, avec ténacité, continuer la tâche commencée par nos prédécesseurs, à savoir, appliquer sérieusement le Concile, le faire fructifier, avec l’aide de l’Esprit de Dieu. Le Conseil pontifical pour les Laïcs, en particulier, trouve dans cet héritage l’inspiration et l’orientation de son travail.
Vingt ans après cet événement qui fut une grâce, comment ne pas reconnaître les multiples signes de l’action de Dieu dans l’Eglise et parmi les hommes et ne pas souhaiter en même temps le développement de ses fruits: affermissement de la communion ecclésiale, renouveau spirituel, adhésion plus profonde aux vérités fondamentales de la foi, nouvel élan missionnaire? Pour tant de laïcs, le Concile a été un stimulant puissant; éclairés par son enseignement, ils se sont engagés dans les multiples champs d’apostolat, en y decouvrant, non seulement un devoir, mais aussi une source de joie, la pleine réalisation d’eux-mêmes.
Le Concile Vatican II a été à l’origine d’une réflexion plus approfondie sur les laïcs, la famille, la culture; et cette réflexion a mené à la création successive de ces trois organismes post-conciliaires que sont le Conseil pontifical pour les Laïcs, le Conseil pontifical pour la Famille et le Conseil pontifical pour la Culture. Ils recouvrent des domaines ayant de très nombreux points communs. C’est pourquoi je les encourage fortement à développer entre eux une collaboration étroite dans le respect de la compétence de chacun.
3. Vous êtes réunis à Rome pour étudier en particulier “les structures post-conciliaires touchant directement le laïcat, aux niveaux national, diocésain, paroissial, et au niveau des communautés de base”.
La constitution “Lumen Gentium” a souligné la nécessité de la coopération entre ministres ordonnés et laïcs. “Les pasteurs sacrés, affirme-t-elle, savent bien l’importance de la contribution des laïcs au bien de l’Eglise entière”, ils ont à “reconnaître les ministères et les grâces propres à ceux-ci, de telle sorte que tout le monde à sa façon et dans l’unité apporte son concours à l’oeuvre commune”. Nous savons qu’une telle collaboration n’a pas été sans entraîner de profonds changements au niveau des mentalités et des moyens. Elle a aussi nécessité la mise en place de structures, fondées sur la théologie exposée dans les textes de Vatican II (Lumen Gentium LG 30).
Les laïcs ont pour vocation d’étendre le Règne de Dieu en s’engageant “dans tous les divers devoirs et travaux du monde, dans les conditions ordinaires de la vie familiale et sociale dont leur existence est comme tissée” (LG 31). Mais leur engagement dans le monde n’exclut pas leur participation à la vie de l’Eglise, sous la direction des Pasteurs. Tout au contraire, il la suppose, comme le rappelle le décret sur l’apostolat des laïcs: “Participants à la fonction du Christ Prêtre, Prophète et Roi, (ils) ont leur part active dans la vie et l’action de l’Eglise” (Apostolicam Actuositatem AA 10). Par la grâce du baptême et de la confirmation, chaque chrétien est appelé à vivre concrètement la communion ecclésiale, à témoigner de cette communion.
4. Les premières communautés chrétiennes ont centré l’apostolat tant des ministres ordonnés que des laïcs sur la notion de témoignage selon la parole du Seigneur lui-même: “Vous serez... mes témoins... jusqu’aux confins de la terre” (Ac 1,8). Aujourd’hui, plus que jamais, l’Evangile ne sera écouté et accepté que dans la mesure où le témoin sera crédible. Et pour que les actions et les paroles de l’apôtre soient crédibles, il faut d’abord que sa vie soit parlante.
Pour cela, il lui faut nourrir chaque jour sa vie d’apôtre “de toute parole qui sort de la bouche de Dieu” (Mt 4,4). Il ne peut pas non plus être assuré de la présence active du Père dans sa propre vie s’il ne participe pas à l’Eucharistie, c’est-à-dire si, au jour le jour, il ne laisse pas changer profondément son coeur, en s’unissant au Fils de Dieu qui rend présentes au milieu de nous sa mort et sa résurrection. Ainsi grandit notre disponibilité et notre obéissance à l’Esprit Saint. Bien plus, c’est la voie de la sainteté.
5. Oui, l’Eglise se réjouit, ces jours-ci, de ce que Dieu lui a donné des bienheureux et des saints. Et, en même temps, elle nous enseigne que nous sommes tous appelés à la sainteté. Aujourd’hui nous pouvons, ou plutôt, nous devons parler aussi du chapitre cinq de la Constitution sur l’Eglise: “L’appel universel à la sainteté”; nous devons proposer l’idéal de sainteté à nous-mêmes et aux autres comme un but à atteindre. “Voici quelle est la volonté de Dieu: c’est votre sanctification” (1Th 4,3), nous dit saint Paul. Dieu nous a appelés à nous laisser transformer en l’image glorieuse du Christ lui-même (Cfr 2Co 3,18). Le meilleur apôtre c’est le saint; car seul celui qui demeure dans le Christ et en qui le Christ demeure “porte beaucoup de fruits”(Jn 15,5).
Si on ne garde pas présent à l’esprit cette perspective de foi, on risque de s’occuper des structures pour des motifs discutables: trop influencés par les catégories du monde, certains pourraient être tentés de ne rechercher que l’efficacité, ou l’accès au pouvoir; ou encore d’introduire dans l’Eglise même les séparations existant dans la société, selon le type de l’opposition entre groupes politiques due à des luttes idéologiques.
L’existence de ces dangers ne veut pas dire, bien sûr, que des structures théologiquement valables ne sont pas nécessaires. Il ne serait pas réaliste de vouloir nier l’aide qu’elles apportent. Mais, on ne peut créer des structures d’apostolat ecclésial, ni s’engager au sein de celles-ci sans nécessairement se convertir, afin de purifier ses motivations dans un esprit de réconciliation avec Dieu et avec ses frères. Et cette purification, nous savons tous qu’elle se fait en profondeur et de la manière la plus appropriée en recevant le sacrement de pénitence. Quelle richesse ce serait pour l’Eglise si, à l’occasion du prochain Synode des évêques, les communautés chrétiennes redécouvraient le don extraordinaire que le Seigneur leur fait dans ce sacrement!
6. Parmi les structures ecclésiales, il faut prêter une attention particulière à la paroisse, en étant conscient qu’elle “demeure une référence majeure pour le peuple chrétien, même pour les non-pratiquants” et qu’elle “doit retrouver sa vocation qui est d’être une maison de famille, fraternelle et accueillante, où les baptisés et les confirmés prennent conscience d’être peuple de Dieu” (IOANNIS PAULI PP. II Catechesi Tradendae CTR 67).
Au cours de vos multiples contacts avec les évêques, vous avez sûrement l’occasion de souligner ceci: c’est dans les communautés paroissiales ou diocésaines que la grande majorité des chrétiens, non regroupés en laïcat organisé, vivent leur participation à la vie de l’Eglise. Les paroisses, comme la plupart des structures ecclésiales, sont essentiellement des moyens institutionnels pour favoriser la communion, la vie de foi, pour rendre l’apostolat plus efficace. Leur but est donc d’animer, de coordonner, d’enrichir l’admirable variété des charismes et des services.
Quant aux communautés de base qui sont, elles aussi, un signe de la présence continuelle de l’Esprit dans son Eglise, il est important d’en bien préciser les critères d’ecclésialité, comme l’a fait Paul VI dans l’exhortation apostolique sur l’évangélisation dans le monde moderne (Cfr. PAULI VI Evangelii Nuntiandi EN 58) et comme je l’ai fait moi-même dans mon allocution à l’épiscopat brésilien.
7. Parlant des structures touchant le laïcat, nous pensons évidemment aussi aux mouvements et associations. Ces mouvements, comme le soulignent souvent les évêques lors de leurs visites “ad Limina”, sont très importants pour soutenir la vie chrétienne et l’apostolat. Dans leur diversité, ils apportent une précieuse contribution à la réalisation de la mission de l’Eglise. Ils sont un lieu où jeunes et adultes font l’expérience de l’Eglise, s’entraident à vivre en chrétiens dans un monde peu croyant, et, en fortifiant leur foi et leur appartenance ecclésiale, se préparent au dialogue apostolique. Car être apôtre aujourd’hui suppose une identité chrétienne ferme.
Les différents mouvements ne sauraient d’ailleurs se suffire à eux-mêmes. Ils doivent reconnaître la complémentarité existant entre toutes les forces vives de l’Eglise et collaborer avec les structures postconciliaires, à savoir les conseils pastoraux à tous les niveaux.
Je voudrais ajouter ici que c’est avec joie que je vois la naissance de nouvelles formes de regroupement. Dans ses lettres, l’apôtre Paul ne cessait d’affirmer la pluralité des dons de l’Esprit dans l’Eglise. Et cela vaut aussi pour tous les moments de l’histoire de l’Eglise. A chaque époque, l’Esprit de Dieu manifeste sa présence dans le Peuple de Dieu, d’une manière qui contribue à la croissance du Corps du Christ. Notre fidélité envers l’Esprit Saint doit donc nous conduire à accueillir, avec le discernement requis et surtout avec sympathie, ces mouvements nouveaux, ceux qui ont déjà vu le jour comme ceux qui pourront naître.
8. Je n’ai pas pu développer tous les aspects qui sont concernés par vos travaux. Mais c’est avec un grand intérêt que je prendrai connaissance des conclusions de votre Assemblée.
De tout coeur, je vous donne ma Bénédiction Apostolique, en demandant au Seigneur que son Esprit vous éclaire, afin que vos réflexions et vos orientations portent beaucoup de fruits.
Et pour les laïcs j’ajoute un dernier mot: je vous charge de transmettre mes salutations et ma bénédiction aux membres de vos familles - à vos époux et épouses, à tous vos enfants - qui coopèrent en un sens aux travaux de ce Conseil pontifical, en vous accompagnant de leur prière et par le travail supplémentaire qu’ils doivent accomplir à la maison du fait que vous êtes retenus par votre engagement.
Monsieur le Président,
La visite que Votre Excellence accomplit aujourd’hui au Siège Apostolique m’est particulièrement agréable et m’apparaît chargée de significations profondes, en un moment décisif pour la vie et l’histoire du Liban.
Lorsque la crise tragique, qui frappe votre pays depuis plus de sept années, semblait être à son comble avec le siège de Beyrouth et l’atroce assassinat du Président élu, Béchir Gemayel - et tout de suite permettez-moi de vous dire combien je prends part à votre douleur personnelle, au chagrin de vos chers parents Cheikh Pierre et son épouse, et à celui de votre belle-soeur, demeurée veuve avec deux petits enfants -, c’est alors que s’est produit dans le peuple libanais comme un sursaut d’amour de la patrie et d’esprit fraternel, qui a poussé ses Représentants légitimes, les Députés de l’Assemblée Nationale, à s’unir dans le choix de Votre Excellence comme Président de la République.
Dans le même temps, vous-même et vos concitoyens avez pu constater comment, à cet esprit d’entente des Libanais, faisait écho l’intérêt cordial et concret des pays amis, non seulement de la région du Moyen-Orient, mais de diverses parties du monde et de la Communauté Internationale.
Parmi les “amis du Liban” - personne n’en doute - il y a le Saint-Siège. Et je n’hésite pas à affirmer que l’affection et l’intérêt qu’il porte au Liban revêtent un caractère tout à fait particulier et se sont manifestés de bien des manières et depuis longtemps, mais surtout au cours de ces années douloureuses.
Votre Excellence se souvient sûrement des gestes si touchants du vénéré Pape Paul VI envers votre pays, comme de l’intervention exceptionnelle des cardinaux qui, à la veille du Conclave d’octobre 1978, envoyèrent des messages aux Responsables, afin que cessent les combats en cours sur le sol libanais. Durant les quatre années de mon Pontificat, j’ai eu le souci constant du sort du Liban et je ne puis oublier en particulier la rencontre que j’ai eue avec votre illustre prédécesseur, Son Excellence Monsieur Elias Sarkis. Je me dois également de rappeler la mission accomplie au Liban par le Cardinal Paolo Bertoli, ancien Nonce Apostolique dans votre pays, et la visite faite par le Cardinal Agostino Casaroli, mon Secrétaire d’Etat.
Pourquoi le Saint-Siège porte-t-il un intérêt si spécial au Liban? Je réponds: tout d’abord, je ne puis oublier que sur cette terre existe la communauté maronite extrêmement vivante, enracinée depuis des siècles dans la rude montagne libanaise et guidée aujourd’hui par son Patriarche, mon Frère bien-aimé Antoine-Pierre Khoraiche. Cette communauté, dont vous faites vous-même partie, a donné à l’Eglise de belles figures de saints. Elle a toujours été unie par des liens étroits au Siège Apostolique. Et c’est elle qui a joué un rôle déterminant pour l’indépendance du Liban. Ensuite, parce que les Maronites et les autres communautés chrétiennes donnent un splendide témoignage évangélique, qui rayonne à travers tout le Moyen-Orient, berceau des trois grandes religions monothéistes. Enfin, parce que le Liban a été et continuera d’être - j’exprime cette conviction avec beaucoup d’espérance - un pays de vie en commun et de collaboration entre communautés ethniques et religieuses différentes; entre chrétiens, catholiques, orthodoxes ou autres d’une part, et musulmans, sunnites, chiites ou druzes d’autre part. Ce sont autant de communautés religieuses qui ont sauvegardé leur propre identité, et participent ainsi de manière appropriée aux Institutions, à des activités communes et au bien général de la patrie.
Votre Excellence ne se dissimule pas les difficultés que comporte, spécialement en ce moment, la charge qui lui a été confiée. Il s’agit en effet de recouvrer l’indépendance réelle et la pleine souveraineté de l’Etat libanais sur la totalité de son territoire national. Ensuite, il y a les problèmes de la reconstruction matérielle et surtout sociale et morale du pays; je pense, entre autres, à l’effacement des rancoeurs engendrées par la guerre, à la restauration d’un esprit d’intense et paisible activité chez tous les Libanais et spécialement chez les jeunes.
Précisément, Votre Excellence met au premier plan de son programme la pleine réconciliation entro tous ses concitoyens, qui doivent pouvoir se sentir égaux, aussi bien dans leurs droits que dans leurs devoirs envers la patrie, tout en maintenant des liens propres avec leurs communautés respectives. C’est ainsi que renaîtra le Liban nouveau, que le monde regardera comme un pays assurément ancien au plan de la civilisation et de la religion, mais capable d’offrir aujourd’hui à tous les peuples un très bel exemple de dynamisme, de culture et de spiritualité, grâce à la collaboration de tous ses fils, y compris ceux qui vivent à l’extérieur.
Je voudrais enfin vous faire part d’un désir dont je sais qu’il ne manquera pas de trouver un écho dans les nobles coeurs des Libanais et en particulier dans ceux de mes fils catholiques à qui j’adresse ici un appel pressant à ce sujet: j’ai confiance que le Gouvernement de Votre Excellence - avec le plein appui de tout le peuple libanais - sera en mesure, bien qu’il soit engagé dans l’oeuvre du relèvement du pays, de contribuer activement à la solution définitive de la crise au Moyen-Orient et au règlement du problème du peuple palestinien.
Le Liban pourra faire cela de façon active et concrète: tout en demeurant dans le cadre qui est le sien depuis son indépendance, votre pays pourra s’employer à aplanir les divergences encore si profondes qui persistent entre les parties en conflit.
L’esprit et le coeur tournés vers cette vision de paix, je suis heureux de renouveler à Votre Excellence mes voeux les plus fervents pour le succès de sa très haute mission. Je puis vous assurer que pour l’accomplissement de celle-ci vous pouvez compter sur l’aide cordiale et désintéressée du Saint-Siège, dans les domaines où il peut agir et selon les moyens qui lui sont propres. Croyez aussi, Monsieur le Président, que mes prières vous accompagnent et montent vers le Dieu tout-puissant et vers Notre-Dame du Liban, afin que votre patrie puisse ouvrir une nouvelle page de son histoire et rayonner à travers le monde son image d’un pays béni par le Très-Haut, riche de civilisation, de spiritualité et de paix.
Le Saint-Père a reçu en audience, dans la matinée du samedi 23 octobre, les participants à une semaine d'études organisée par l'Académie pontificale des sciences, rassemblant des spécialistes de la biologie expérimentale moderne. Au début de l'audience, le président de l'Académie pontificale des sciences, Carlos Chagas, a présenté brièvement au Pape les travaux de ce groupe. Jean-Paul II a répondu par le discours suivant (1) :
(1) Texte original anglais dans l'Osservatore Romano du 24 octobre. Traduction, titre, sous-titres et notes de la DC.
L’expérimentation en biologie doit contribuer au bien intégral de l’homme
MONSIEUR LE PRÉSIDENT,
MESDAMES ET MESSIEURS,
1. Je désire vous exprimer ma profonde gratitude pour votre visite et vous présenter mes meilleurs voeux pour vos activités, dont le professeur Chagas vient de parler. Permettez-moi avant tout de présenter mes félicitations au président de l'Académie pontificale des sciences pour l'intense travail accompli en divers domaines scientifiques et pour les initiatives prises pour le bien de l'humanité tout entière, comme le récent appel contre la guerre nucléaire, approuvé par environ 40 présidents d'Académie de toute nationalité et par d'autres scientifiques réunis les 23 et 24 septembre dernier à la Casina Pio IV, siège de notre propre Académie (2).
(2) DC 1982, n° 1839, p. 992-993.
Science et religion
2. Le travail que vous avez accompli durant ces jours, outre sa haute valeur scientifique, représente aussi un grand intérêt pour la religion. Mon prédécesseur Paul VI, dans le discours qu'il a prononcé à l'ONU le 4 octobre 1965, s'était exprimé au titre d'« expert en humanité » (3). Cette « capacité » est certes liée à la sagesse elle-même de l'Église, mais elle provient également de la culture, dont les sciences naturelles sont une expression toujours plus importante.
Dans mon discours à l'UNESCO du 2 juin 1980, j'ai déclaré, et je voudrais maintenant vous le répéter, à vous scientifiques, qu'il existe « un lien organique et constitutif entre la culture. et la religion » (4). Je dois également confirmer devant cette illustre assemblée, ce que j'ai dit dans mon allocution du 3 octobre 1981 à l'Académie pontificale des sciences, à l'occasion de sa semaine annuelle d'études : « J'ai une ferme confiance dans la communauté scientifique mondiale, et d'une manière toute particulière dans l'Académie pontificale des sciences, certain que grâce à elles, les progrès et les recherches biologiques, comme du reste toute autre recherche scientifique et son application technologique s'accompliront dans le plein respect des normes morales en sauvegardant la dignité des hommes, leur liberté et leur égalité. » Et j'ai ajouté : « Il est nécessaire que la science soit toujours accompagnée et contrôlée par la sagesse qui appartient au patrimoine spirituel permanent de l'humanité et qui s'inspire du dessein de Dieu inscrit dans la création, avant d'être ensuite annoncé par sa parole (5).»
(3) DC 1965, n° 1457, col. 1729-1738.
(4) DC 1980, n° 1788, p. 605.
(5) DC 1981, n° 1817, p. 958.
Au service de l'homme
3. La science et la sagesse qui, dans leurs expressions les plus vraies et les plus variées, constituent l'héritage très précieux de l'humanité, sont au service de l'homme. L'Église est appelée, par sa vocation essentielle, à favoriser le progrès de l'homme puisque, comme je l'ai écrit dans ma première encyclique : « . L'homme est la première route que l'Église doit parcourir en accomplissant sa mission : il est la première route et la route fondamentale de l'Église, route tracée par le Christ lui-même. » (Redemptor hominis, RH 14) L'homme représente aussi pour vous le terme ultime de la recherche scientifique, l'homme tout entier, dans son esprit et dans son corps, même si l'objet immédiat des sciences que vous professez est le corps avec tous ses organes et tous ses tissus. Le corps humain n'est pas indépendant de l'esprit, de même que l'esprit n'est pas indépendant du corps, en raison de la profonde unité et du lien mutuel qui existent entre l'un et l'autre.
L'unité substantielle entre l'esprit et le corps, indirectement avec le cosmos (l'univers), est si essentielle que toutes les activités humaines, même la plus spirituelle, sont d'une certaine manière imprégnées et colorées par la condition corporelle ; en même temps, le corps doit à son tour être dirigé et guidé vers son but final par l'esprit. Il ne fait aucun doute que les activités de la personne humaine découlent du centre personnel de l'individu, prédisposé par le corps auquel l'esprit est substantiellement uni. D'où la grande importance, pour la vie de l'esprit, des sciences qui promeuvent la connaissance de la réalité et de l'activité corporelles.
Connaître les mécanismes de la vie
4. Je n'ai donc aucune raison d'être inquiet à propos des expériences biologiques réalisées par des scientifiques qui, comme vous, ont un profond respect pour la personne humaine, puisque je suis sûr qu'elles contribueront au bien- être intégral de l'homme. D'un autre côté, je condamne, de la manière la plus explicite et la plus formelle, les manipulations expérimentales faites sur l'embryon humain, car l'être humain, depuis sa conception jusqu'à sa mort, ne peut être exploité pour quelque fin que ce soit. En effet, comme le Concile Vatican II l'a enseigné, l'homme « est la seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même » (Gaudium et spes, GS 24). L'initiative de ces scientifiques qui ont manifesté leur désapprobation devant les expériences qui violent la liberté humaine est digne d'estime, et je loue ceux qui se sont efforcés, dans le respect total de la dignité et de la liberté de l'homme, d'établir des règles et des limites dans les expériences portant sur l'homme.
Les expériences dont vous avez discuté visent à une plus grande connaissance des mécanismes les plus intimes de la vie, par le moyen de modèles artificiels tels que la culture des tissus et l'expérimentation sur certains spécimens d'animaux génétiquement sélectionnés. De plus, vous avez mentionné un certain nombre d'expériences à réaliser sur des embryons animaux qui vous permettront de mieux connaître le processus de différenciation cellulaire.
Il faut souligner que de nouvelles techniques, comme la culture des cellules et des tissus, ont connu un développement remarquable qui permet de réaliser des progrès très importants dans le domaine des sciences biologiques, et que ces techniques sont également complémentaires des expériences faites sur les animaux. Il est certain que les animaux sont au service de l'homme et qu'ils peuvent donc faire l'objet d'expérimentations. Néanmoins, ils doivent être traités comme des créatures de Dieu, destinées à servir au bien de l'homme, mais sans que celui-ci en abuse. Et c'est pourquoi la diminution des expériences faites sur les animaux, qui sont devenues progressivement de moins en moins nécessaires, correspond au plan et au bien de toute la création.
Les mutations de gènes
5. J'ai appris avec satisfaction que parmi les sujets débattus au cours de votre semaine d'études, vous avez concentré votre attention sur les expériences in vitro qui ont permis d'obtenir des résultats dans le traitement des maladies liées à des déficiences chromosomiques. Il faut aussi espérer, pour revenir à vos activités, que les nouvelles techniques de modification du code génétique, dans des cas particuliers de maladies génétiques ou chromosomiques, seront une source d'espoir pour les nombreuses personnes touchées par ces maladies.
On peut également penser que, grâce au transfert des gènes, certaines maladies spécifiques pourront être traitées, comme l'anémie falciforme qui, dans de nombreux cas, frappe des individus d'une même origine ethnique. Il est à rappeler de même que certaines maladies héréditaires peuvent être évitées grâce au progrès de l'expérimentation biologique.
Les recherches de la biologie moderne laissent espérer que le transfert et les mutations des gènes pourront améliorer l'état de ceux qui sont touchés par des maladies chromosomiques ; ainsi les plus petits et les plus faibles des êtres humains pourront être soignés durant leur vie intra- utérine ou la période qui suit immédiatement la naissance.
6. Enfin, je voudrais rappeler, en plus de ces quelques cas que je viens de citer et qui ont bénéficié de l'expérimentation biologique, les importants avantages procurés par l'augmentation de la production alimentaire et la formation de nouvelles espèces végétales, pour le bien de tous, et particulièrement de ceux qui en ont le plus besoin.
Pour conclure ces réflexions personnelles, qui montrent combien j'approuve et encourage vos louables recherches, je réaffirme qu'elles doivent toutes être subordonnées à des principes moraux et à des valeurs morales, qui respectent et réalisent dans sa plénitude la dignité de l'homme. Je formule l'espoir que les scientifiques des pays qui ont développé les techniques modernes les plus avancées tiendront suffisamment compte des problèmes des nations en voie de développement et que, en dehors de tout opportunisme économique et politique qui reproduit les schémas de l'ancien colonialisme sous une nouvelle forme technique et scientifique, pourra s'établir un échange fructueux et désintéressé. Cet échange doit être celui de la culture en général et de la science en particulier, entre les scientifiques de nations ayant atteint des degrés différents de développement, ainsi pourra se créer dans chaque pays, un noyau de savants de haut niveau scientifique.
Je demande à Dieu, qui est le Père miséricordieux de tous les hommes, et en particulier des plus délaissés, de ceux qui n'ont ni les moyens ni le pouvoir de se défendre eux-mêmes, d'orienter les applications de la recherche scientifique vers la production de nouvelles ressources alimentaires, car l'un des plus grands défis que l'humanité doive affronter, avec le danger d'un holocauste nucléaire, est la faim des pauvres de ce monde.
C'est à cette intention et pour le plein et authentique progrès de l'homme, créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, que j'invoque sur vous et vos activités scientifiques d'abondantes bénédictions divines.
Discours 1982 - Discours aux évêques polonais en visite « ad limina » - 11 octobre