II-II (Drioux 1852) Qu.88 a.10

ARTICLE X. — Peut-on dispenser d'un voeu?



Objections: 1. Il semble qu'on ne puisse dispenser d'un voeu. Car commuer un voeu, c'est moins que d'en dispenser. Or, on ne peut commuer un voeu, puisqu'il est dit (Lv 27,9) : Si l'on a voué un animal qui peut être immolé, il sera sacré ; on ne pourra le changer, ni en donner un meilleur ou un pire. On peut donc encore beaucoup moins en dispenser.

2. L'homme ne peut dispenser des choses qui appartiennent à la loi naturelle, ni des préceptes divins, surtout des préceptes de la première table, qui se rapportent directement à l'amour de Dieu qui est la fin dernière des commandements. Or, l'accomplissement d'un voeu appartient à la loi naturelle ; c'est aussi un précepte de la loi divine, comme on le voit d'après ce que nous avons dit (art. 3 huj. quaest.); et il appartient aux préceptes de la première table, puisque c'est un acte de religion. On ne peut donc pas dispenser d'un voeu.

3. L'obligation du voeu est fondée sur la fidélité que l'homme doit à Dieu, comme nous l'avons dit (art. 3 huj. quaest.). Or, personne ne peut dispenser de cette fidélité ; par conséquent on ne peut pas dispenser du voeu.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Ce qui procède de la volonté commune d'un grand nombre paraît être plus ferme que ce qui procède de la volonté particulière d'une personne. Or, l'homme peut dispenser de la loi, qui tire sa force de la volonté commune. Il semble donc qu'il puisse aussi dispenser d'un voeu.

CONCLUSION. — Comme le supérieur a le pouvoir de dispenser d'une loi pour un plus grand bien, de même il a celui de commuer les voeux et d'en dispenser.

Réponse Il faut répondre que l'on doit dispenser du voeu de la même manière que l'on dispense de l'observation d'une loi quelconque. Car, comme nous l'avons dit (I-II, quest. xc, art. 2), la loi a pour objet ce qui est bon dans le plus grand nombre de circonstances. Mais, parce qu'il arrive que ce qui est bon de cette manière ne l'est pas dans certain cas, il a fallu décider que dans certaine circonstance particulière on ne devrait pas observer la loi (1); ce qui constitue, à proprement parler, une dispense. Car le mot dispense paraît désigner une répartition équitable ou l'application d'une chose commune à tout ce qui est compris sous elle. C'est ainsi qu'on dit qu'on dispense la nourriture à la famille. — I)e même celui qui fait un voeu, s'impose en quelque sorte une loi, en s'obligeant à quelque chose qui est bon en soi, et dans le plus grand nombre des cas. Cependant il peut arriver que dans une circonstance particulière, la chose à laquelle il s'est obligé soit ou absolument mauvaise ou inutile, ou qu'elle empêche un plus grand bien ; ce qui est contraire à la nature de ce qui est la matière du voeu, comme on le voit d'après ce que nous avons dit (art. 2 huj. quaest.). C'est pourquoi il est nécessaire que l'on décide que dans cette circonstance on ne doit pas observer son voeu (l).—Si on le décide absolument, on dit que l'on est dispensé du voeu ; si au lieu de la chose à laquelle on s'était engagé, on en impose une autre, on dit que le voeu est commué. Par conséquent la commutation du voeu est moindre que la dispense, mais l'Eglise a le pouvoir de faire l'une et l'autre.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que l'animal qui pouvait être immolé, par là même qu'il était voué, était regardé comme sacré et comme appartenant au culte divin. C'était pour ce motif qu'on ne pouvait le changer; comme on ne pourrait maintenant changer une chose que l'on aurait vouée et qui serait consacrée (comme un calice ou une maison) en la remplaçant par une autre qui serait pire ou meilleure. Mais quand il s'agissait d'un animal qui ne pouvait devenir sacré, parce qu'il n'était pas de ceux qu'on immole, on pouvait le racheter et on le devait, comme la loi le dit (ibid.). Actuellement nos voeux peuvent être de même commués, si la consécration de la chose que nous avons vouée n'a pas eu lieu.

2. Il faut répondre au second, que comme on est tenu de droit naturel et par le précepte divin d'accomplir son voeu ; de même on est tenu, au même titre, d'obéir à la loi ou à l'ordre de ses supérieurs. Cependant quand on est dispensé d'une loi humaine, il ne s'ensuit pas qu'on désobéit à cette loi, ce qui est contraire à la loi naturelle et au commandement de Dieu : mais il en résulte que ce qui était loi ne l'est plus dans ce cas. De même l'autorité du supérieur qui dispense d'un voeu, fait que ce qui était compris sous ce voeu n'y est plus compris, en décidant que dans ce cas particulier il n'est plus convenable que telle ou telle action soit la matière d'un voeu. C'est pourquoi quand un supérieur ecclésiastique dispense d'un voeu, il ne dispense pas d'un précepte de droit naturel ou de droit divin, mais il détermine (2) ce qui est obligatoire dans la délibération humaine, qui n'a pu tout considérer.

3. Il faut répondre au troisième, qu'il n'appartient pas à la fidélité due à Dieu que l'homme observe un voeu dont l'exécution est une chose qui est mauvaise ou inutile, ou qui est un obstacle à un plus grand bien. C'est pour cela qu'on dispense du voeu, et par conséquent cette dispense n'est pas contraire à la fidélité qu'on doit à Dieu.

(I) Dans ce cas, la matière est complètement changée, l'obligation du voeu est pour ce motif absolument éteinte. Saint Thomas pose à cet égard cette règle générale : Illud quod votum fieri impediret, si praesens esset, etiam voto facto, obligationem aufert (in IV, dist. 58, quest. i, art. 5). Il n'y a d'exception que pour les voeux solennels et le voeu simple de chasteté.
(1) S'il y avait doute sur le changement de matière, il faudrait s'en rapporter à l'ordinaire, et observer le voeu jusqu'à ce qu'on en soit dispensé.
(2) En disant qu'il détermine, ce mot ne doit pas s'entendre qu'il décide scientifiquement à la façon d'un canoniste, que l'on n'est pas tenu dans cette circonstance, mais il faut entendre que par la force de son autorité il délie de l'obligation que l'on avait contractée.



ARTICLE XI. — peut-on dispenser du voeu solennel de continence (3)?


Objections: 1. Il semble qu'on puisse dispenser du voeu solennel de continence. Car c'est un motif de dispenser d'un voeu, quand il fait obstacle à un plus grand bien, comme nous l'avons dit (art. préc.). Or, le voeu de continence, quoiqu'il soit solennel, peut empêcher un plus grand bien. En effet le bien général est plus divin que le bien d'un seul. Or, la continence d'un individu peut empêcher le bien d'une société tout entière; par exemple, dans le cas où en mariant ensemble des personnes qui ont fait voeu de continence, on pourrait rendre la paix à leur patrie. Il semble donc qu'on puisse dispenser de ce voeu.

2. La religion est une vertu plus noble que la chasteté. Or, si l'on a fait voeu d'accomplir un acte de religion, comme d'offrir à Dieu un sacrifice, on peut en être dispensé. Donc, à plus forte raison ; peut-on être dispensé du voeu de continence, qui a pour objet un acte de chasteté.

3. Comme l'observation du voeu de l'abstinence peut devenir dangereuse pour la santé d'une personne, de même l'observation du voeu de continence. Or, si le voeu d'abstinence vient à nuire à la santé de celui qui l'a fait, on peut l'en dispenser. Pour la même raison, on peut donc le dispenser du voeu de continence.

4. Comme le voeu de continence est compris sous la profession religieuse qui rend le voeu solennel, de même le voeu de pauvreté et d'obéissance. Or, on peut dispenser du voeu de pauvreté et d'obéissance, comme on le voit à l'égard de ceux qui sont élevés à l'épiscopat après leur profession. Il semble donc qu'on puisse dispenser du voeu solennel de continence.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Il est dit (Si 26,20): Tout le prix de l'or n'est rien comparativement à une âme chaste. Et le droit s'exprime ainsi (Extra De stat, monach. Cum ad monasterium). Le renoncement au droit de propriété, ainsi que la conservation de la chasteté, sont tellement annexés à la règle des moines, que le souverain pontife lui-même ne peut pas permettre d'aller contre.

CONCLUSION. — Le souverain pontife lui-même ne peut pas dispenser du voeu solennel de continence consacré par la profession religieuse, mais l'Eglise peut dispenser du voeu qui a été rendu solennel par la réception des ordres sacrés.

Réponse Il faut répondre que dans le voeu solennel de continence on peut considérer trois choses : 1° la matière du voeu, c'est-à-dire la continence elle-même ; 2° la perpétuité du voeu, c'est-à-dire quand on s'engage à l'observance perpétuelle de la continence ; 3° la solennité même du voeu. — Il y a des auteurs qui disent qu'on ne peut dispenser du voeu solennel en raison de la continence elle-même, qui ne reçoit pas de compensation adéquate, selon le passage de l'Ecriture que nous venons de citer. D'au très en donnent cette raison, c'est que par la continence l'homme triomphe de son ennemi domestique; ou parce qu'au moyen de cette vertu il est parfaitement conforme au Christ par sa pureté d'âme et de corps. Mais cette raison ne paraît pas concluante. Car les biens de l'âme, comme la contemplation et la prière, sont bien préférables aux biens du corps et nous rendent plus conformes à Dieu; cependant on peut dispenser du voeu de la prière ou de la contemplation. Par conséquent il ne semble pas qu'il y ait de raison qui empêche de dispenser du voeu de continence, si on s'en rapporte absolument à la dignité de la continence elle-même. Surtout quand on considère que l'Apôtre engage à la continence pour qu'on se livre à la contemplation, en disant (1Co 7,34) que la femme qui n'est pas mariée pense aux choses de Dieu. Or, la fin l'emporte sur les moyens. — C'est pourquoi d'autres théologiens en donnent une raison tirée de la perpétuité et de l'universalité de ce voeu. Ainsi ils disent qu'on ne peut manquer au voeu de continence qu'en faisant ce qui lui est absolument contraire; ce qui n'est jamais permis pour un voeu. Mais ce raisonnement est manifestement faux. Car, comme l'oeuvre de la chair est contraire à la continence, de môme il est contraire à l'abstinence de manger de la viande ou de boire du vin, et cependant on peut dispenser de cette espèce de voeu. C'est pour ce motif qu'il y a d'autres théologiens qui ont cru que l'on pouvait dispenser du voeu solennel de continence pour un motif d'intérêt général ou pour une raison de nécessité, comme dans l'exemple que nous avons cité (in arg. I), lorsque par un mariage on peut pacifier un Etat. Mais le droit disant expressément (loc. cit.) que le souverain pontife ne peut pas permettre à un moine de ne pas observer son voeu de chasteté (4), il s'ensuit que l'on ne peut suivre ce sentiment. Il faut donc dire, comme nous l'avons observé (art. préc. arg. 1 et ad 1), que ce qui a été une fois sanctifié ou consacré au Seigneur ne peut pas servir à d'autres usages (Lev. ult.). Un supérieur ecclésiastique ne peut pas faire que ce qui a été sacré perde sa consécration, même dans les choses inanimées ; ainsi il ne peut pas faire qu'un calice cesse d'être consacré, s'il subsiste en entier (2). Par conséquent il peut encore moins faire qu'un homme consacré à Dieu cesse de l'être, tant qu'il vit. Or, la solennité du voeu consiste dans la consécration ou la bénédiction de celui qui le fait, comme nous l'avons dit (art. 7 huj. quaest.). C'est pour ce motif qu'un supérieur ecclésiastique ne peut pas faire que celui qui a fait un voeu solennel perde la consécration qu'il a reçue; par exemple, que celui qui est prêtre ne le soit pas, quoique le prélat puisse pour certaine cause l'empêcher de remplir les fonctions de son ordre. Pour la même raison, le pape ne peut pas faire que celui qui a fait une profession religieuse ne soit pas religieux, quoique quelques canonistes aient dit par ignorance le contraire. — Il faut donc examiner si la continence est essentiellement annexée à la solennité du voeu, parce que si elle n'est pas essentiellement annexée, la solennité de la consécration peut subsister sans qu'on soit tenu à la continence, ce qui ne peut avoir lieu si elle lui est annexée essentiellement. Or, le devoir de la continence n'est pas essentiellement annexé aux ordres sacrés ; il ne l'est que d'après les lois de l'Eglise. Par conséquent on voit que l'Eglise peut dispenser du voeu de continence qui a été rendu solennel (3) par la réception des ordres sacrés. Mais le devoir de la continence est essentiel à l'état religieux, par lequel l'homme renonce au monde pour se dévouer tout entier au service de Dieu ; ce qui est absolument incompatible avec le mariage, où l'on est obligé de s'occuper de sa femme, de ses enfants, de sa famille et des autres choses que celles-là entraînent. C'est ce qui fait dire à l'Apôtre (1Co 7,33) que celui qui est marié s'occupe du soin des choses du monde et des moyens de plaire à sa femme, et qu'ainsi il se trouve partagé. Le nom de moine (monachus) vient du mot « monos » (seul, un), par opposition à cette division. C'est pourquoi l'Eglise ne peut dispenser du voeu que la profession religieuse a rendu solennel ; parce que, comme le dit le droit canon, la chasteté est annexée à la règle monastique.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, qu'on doit obvier aux périls des choses humaines par les choses humaines, mais les choses divines ne doivent pas être employées à un usage humain. Or, ceux qui ont fait leur profession religieuse sont morts au monde et vivent pour Dieu. On ne doit donc pas les rappeler à la vie du siècle à l'occasion de quelque événement.

2. Il faut répondre au second, qu'on peut dispenser du voeu de la continence temporelle aussi bien que du voeu de la prière ou de l'abstinence temporelle. Mais on ne peut dispenser du voeu de continence rendu solennel par la profession religieuse, non parce qu'il est par sa nature un acte de chasteté, mais parce qu'il commence à appartenir à la religion par le fait de la profession religieuse.

3. Il faut répondre au troisième, que la nourriture a directement pour but la conservation de l'individu; c'est pourquoi l'abstinence (1) peut directement mettre la vie d'une personne en péril. C'est pour ce motif que l'on en dispense. Mais l'oeuvre de la chair ne se rapporte pas directement à la conservation de l'individu; elle se rapporte seulement à la conservation de l'espèce. Par conséquent la chasteté n'est pas directement dangereuse pour les jours de la personne qui l'observe. Toutefois, s'il en résulte par accident un danger personnel, on peut y subvenir autrement, par l'abstinence ou par d'autres remèdes corporels.

4. Il faut répondre au quatrième, que le religieux qui devient évêque n'est pas plus relevé de son voeu de pauvreté que de son voeu de continence, car il ne doit rien avoir en propre, mais il possède seulement comme dispensateur des biens généraux de l'Eglise. De même il n'est pas non plus affranchi de son voeu d'obéissance ; mais par accident il n'est pas tenu d'obéir, s'il n'a pas de supérieur, comme l'abbé d'un monastère n'obéit pas, quoiqu'il ne soit pas exempt du voeu d'obéissance. — Quant au passage de l'Ecriture que l'on objecte, il faut entendre par là que ni la fécondité de la chair, ni aucun bien corporel n'est comparable au bien de la continence que l'on range parmi les biens de l'âme, comme le dit saint Augustin (Lib. de sanct. virg. cap. 7 et 8 et Lib. de bon. conjug. cap. 21). C'est pourquoi il dit expressément : l’âme continente et non la chair continente.

(3) Cette question est très-controversée. Saint Thomas avait d'abord enseigné que le pape peut dispenser de tous les voeux solennels (IV, dist. 58, quest. i, art. 4 ad 5), niais il soutient le contraire dans cet article. Son opinion est celle d'Albert le Grand, Soto, Sylvestre, Sylvius, Billuart, et de beaucoup d'autres thomistes ou de théologiens étrangers à son école. L'autre sentiment, qui est aujourd'hui le plus communément suivi, et qui nous paraît le plus probable, est soutenu par Cajétan, saint Antonin, Scot, saint Liguori (Voyez Thoolorj. mor. lib. m, n° 250).
(1) Cette décrétale a été expliquée par le pape Célestin III, qui dit que l'on ne peut être dispensé du voeu de chasteté et rester moine néanmoins.
(2) Cajétan observe que saint Thomas n'a pas voulu dire que la bénédiction du moine imprimait sur celui qui la recevait un caractère indélébile, comme le sacrement de l'Ordre ; qu'il n'a pas eu non plus l'intention de dire qu'il ne peut pas se faire que celui qui a reçu une bénédiction no l'ait pas reçue ; car, dans ce cas, Dieu ne peut rien lui- même sur un événement passé. Mais sa pensée c'est qu'un religieux ayant été consacré, aucune puissance humaine ne peut lui enlever son titre, tant qu'il est sur la terre.
(3) Ce voeu, comme nous l'avons observé (pag. 587), n'est pas véritablement un voeu solennel.
(1) Du moment où l'abstinence met la vie de l'individu en péril, elle cesse d'être un acte de vertu, et c'est ce qui établit entre elle et la continence une différence profonde



ARTICLE XII. — pour commuer un voeu ou pour en dispenser faut-il l'autorité du prélat (2) ?


Objections: 1. Il semble que pour commuer un voeu ou pour en dispenser l'autorité du prélat ne soit pas nécessaire. Car on peut entrer en religion sans l'autorité d'un prélat supérieur. Or, par l'entrée en religion on se trouve exempt des voeux que l'on a faits dans le monde, même du voeu de terre sainte. Un voeu peut donc être commué ou dispensé sans l'autorité d'un prélat supérieur.

2. La dispense du voeu paraît consister en ce que l'on détermine dans quel cas un voeu ne doit pas être observé. Or, si un prélat donne une fausse décision, il ne semble pas que celui qui a fait un voeu en soit exempt, parce qu'aucun prélat ne peut dispenser de l'accomplissement d'un voeu, contrairement au précepte divin, comme nous l'avons dit (art. 10 huj. quaest. ad 2 et art. préc.). De même si on décide convenablement, de son autorité propre, le cas où le voeu ne doit pas être rempli, il ne semble pas que l'on soit encore tenu à l'exécution de son voeu, parce que le voeu n'oblige plus dans le cas où il aurait des suites funestes, comme nous l'avons dit (art. 2 huj. quaest.). Par conséquent pour la dispense d'un voeu l'autorité d'un prélat n'est pas nécessaire.

3. S'il appartient à la puissance des prélats de dispenser d'un voeu, pour la même raison ce droit appartient à tous. Or, il n'appartient pas à tous de dispenser d'un voeu quelconque. La dispense du voeu n'appartient donc pas à leur puissance.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Comme la loi oblige à faire une chose, de même aussi le voeu. Or, pour dispenser du précepte de la loi, il faut l'autorité du supérieur, comme nous l'avons dit (I-II, quest. xcvn, art. 4). Donc, pour la même raison, il faut cette autorité pour la dispense d'un voeu.

CONCLUSION. — Puisque le prélat tient dans l'Eglise la place de Dieu, on ne peut pas, sans son autorité, dispenser des voeux, ni les commuer.

Réponse Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (art. 1 et 2 huj. quaest.), le voeu est une promesse faite à Dieu au sujet d'une chose qu'il agrée. Or, il dépend de celui à qui l'on fait une promesse de l'accepter ou non. C'est pourquoi le prélat tenant dans l’Eglise la place de Dieu, il faut, pour commuer des voeux ou pour en dispenser, que son autorité, qui décide au nom de Dieu, prononce ce qui lui est agréable, d'après ces paroles de saint Paul (2Co 2,10) : Si j'ai usé d'indulgence, je l'ai fait à cause de vous, en la personne de Jésus-Christ. Il dit expressément : à cause de vous, parce que toute dispense peut être faite par le prélat pour la gloire du Christ, au nom duquel il l'accorde, ou dans l'intérêt de l'Eglise qui est son corps.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que tous les autres voeux ont pour objet des oeuvres particulières, tandis qu'en entrant en religion l'homme donne à Dieu sa vie tout entière (1). Comme le particulier est renfermé dans le général ; le droit dit (cap. Scripturae, de Volo, etc.) : Qu'il ne manque pas à son voeu, celui qui remplace une obéissance momentanée par l'observance perpétuelle d'une règle religieuse. On n'est pas tenu cependant, en entrant en religion, de remplir les jeûnes, les prières ou les autres voeux de ce genre que l'on a faits pendant qu'on était dans le siècle; parce que celui qui entre en religion meurt à la vie précédente, et que d'ailleurs ces pratiques particulières ne s'harmonisent pas avec la vie du cloître); et que la règle que l'on a embrassée est déjà un fardeau assez lourd, sans qu'il soit nécessaire d'y ajouter encore.

2. Il faut répondre au second, qu'il y a des auteurs qui ont avancé que les prélats peuvent dispenser des voeux selon leur bon plaisir, parce que, dans tout voeu, la volonté du supérieur est renfermée conditionnellement. C'est ainsi que nous avons dit (art. 8 huj. quaest.) que dans les voeux de ceux qui sont sous la puissance d'un autre (tels que les serviteurs ou les enfants), on sous-entend cette condition : Si mon père ou si mon maître y consent ; s'ils ne s'y opposent pas. D'après cela tout fidèle pourrait sans remords de conscience ne plus s'occuper de son voeu, du moment où le prélat le lui dirait. — Mais ce sentiment est absolument faux. Car la puissance du prélat spirituel, qui n'est pas le maître, mais le dispensateur des biens spirituels, lui ayant été donnée pour édifier l'Eglise et non pour la détruire, ainsi qu'on le voit (2Co 10); comme il ne peut commander des choses qui déplaisent par elles-mêmes à Dieu, c'est-à-dire des péchés; de même il ne peut pas non plus défendre celles qui lui plaisent par elles-mêmes, c'est-à-dire les actes de vertu. C'est pourquoi l'homme peut absolument faire ces voeux. Cependant il appartient au prélat de déterminer ce qu'il y a de plus vertueux et de plus agréable à Dieu. C'est pourquoi dans les cas évidents la dispense d'un prélat n'excuserait pas de péché; par exemple, s'il dispensait quelqu'un du voeu d'entrer en religion, sans qu'aucune cause apparente s'y opposât (1). Mais s'il y avait un motif apparent qui rendît la chose douteuse, on pourrait s'en tenir au jugement du prélat qui dispense du voeu ou qui le commue; au lieu de s'en rapporter à son jugement propre, parce qu'on ne tient pas la place de Dieu ; sinon dans le cas où le voeu qu'on a fait porterait sur une chose évidemment illicite, et qu'on ne pourrait pas facilement avoir recours au supérieur (2).

3. Il faut répondre au troisième, que le souverain pontife tenant pleinement la place du Christ dans toute l'Eglise, il a la plénitude de la puissance pour dispenser de tous les voeux qui sont susceptibles de l'être. Quant aux autres prélats inférieurs, ils ont le pouvoir de dispenser des voeux que l'on fait communément et qui ont souvent besoin de dispense, afin qu'on ait plus aisé de recourir à qui de droit. Tels sont les voeux qui ont pour objet les pèlerinages, les jeûnes et les autres choses de cette nature. Mais les grands voeux, tels que le voeu de continence et celui du pèlerinage de la terre sainte, sont réservés au souverain pontife (3).

(2) La commutation étant moindre que la dispense, celui qui peut dispenser d'un voeu peut le commuer, mais non réciproquement.
(I) On convient généralement que l'on peut, de son autorité privée, commuer la matière de son voeu en quelque chose qui soit évidemment meilleur.
(I) Toute dispense de voeu accordée sans raison légitime est absolument nulle, quand même celui qui l'accorde serait dans la bonne foi. Pour les raisons suffisantes qui rendent la dispense d’un voeu légitime, voyez saint Liguori (Theol. mor. lib. iii, n°252).
(2) Il y a des théologiens qui croient que quand la commutation d'un voeu peut se faire en une oeuvre certainement égale, on peut, de son autorité privée, se la permettre ; mais ce sentiment paraît avoir dans la pratique de graves inconvénients, parce qu'il est facile de se faire illusion.
(3) Aujourd'hui, il y a cinq voeux réservés au souverain pontife, comme nous l'avons observé (pag. 587).




QUESTION LXXXIX.

DU SERMENT OU JUREMENT.



Après avoir parlé des actes intérieurs de religion, nous devons nous occuper des actes extérieurs, par lesquels les hommes font usage de quelque chose de divin, soit d'un sacrement, soit du nom de Dieu lui-même. Nous aurons l'occasion de parler de l'usage des sacrements dans la troisième partie de cet ouvrage; ici nous devons nous occuper de l'usage que l'on fait du nom de Dieu. Or, on l'emploie de trois manières : 1° sous forme de serment pour confirmer ses propres paroles; 2° sous forme d'adjuration pour y exciter les autres; 3° sous forme d'invocation pour prier ou pour louer. Nous devons traiter tout d'abord du serment. — A cet égard dix questions se présentent : 1° Qu'est-ce que le serment? — 2° Est-il licite? — 3° Quelles sont les conditions qu'il requiert?— 4° Est-ce un acte de vertu? — 5° Doit-on le rechercher et le faire souvent, comme ce qui est utile et bon ? — 6° Est-il permis de jurer par une créature? — 7° Le serment est-il obligatoire ? — 8° Laquelle de ces deux choses impose la plus grande obligation, du serment ou du voeu? — 9° Peut-on dispenser du serment? — 10° A qui et en quel temps est-il permis de jurer?



ARTICLE I. — Jurer est-ce prendre dieu a témoin?


Objections: 1. Il semble que le serment ne consiste pas à prendre Dieu à témoin. Car celui qui cite un texte de l'Ecriture, prend à témoin Dieu, dont les paroles sont renfermées dans les livres saints. Si jurer c'est prendre Dieu à témoin, il s'ensuit que celui qui citerait l'Ecriture jurerait; ce qui est faux. Donc, etc.

2. Quand on prend quelqu'un à témoin, on ne lui rend rien. Or, celui qui jure par Dieu, lui rend quelque chose; car il est dit (Mt 5,33) : Vous rendrez au Seigneur tes serments que vous avez faits, et d'après saint Augustin (Serm. xxviii, De verb. apost, cap. 6), jurer c'est rendre à Dieu le droit de la vérité. Jurer ce n'est donc pas prendre Dieu à témoin.

3. L'office du juge est autre que celui du témoin, comme on le voit d'après ce que nous avons dit (quest. lxvii et (lxx). Or, quelquefois l'homme en jurant implore le jugement de Dieu, d'après ces paroles du Psalmiste (Ps 7,5) : Si j'ai rendu le mal à celui qui me faisait du bien, que je sois renversé à terre par mes ennemis. Jurer ce n'est donc pas prendre Dieu à témoin.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (loc. sup. cit.) : Qu'est-ce que jurer par Dieu, sinon dire : Dieu est témoin?

CONCLUSION. — Le serment consistant à invoquer le témoignage de Dieu, pour rendre certaine l'affirmation d'une chose, il est évident que jurer n'est rien autre chose que prendre Dieu à témoin.

Réponse Il faut répondre que, comme le dit l'Apôtre (He 6), le serment a pour but de confirmer une chose. Or, dans les sciences, la confirmation (1) se fait par la raison, qui procède de principes naturellement connus, qui sont infailliblement vrais. Mais les actions particulières des hommes, qui sont des faits contingents, ne peuvent pas être établies par une raison nécessaire. C'est pourquoi on a coutume de prouver ce que l'on en dit par des témoins. Toutefois le témoignage humain ne suffit pas pour rendre une chose certaine, et cela pour deux motifs : 1° A cause du défaut de vérité qu'il y a parmi les hommes. Car un grand nombre se laissent aller au mensonge, d'après cette parole de l'Ecriture (Ps 16,10) : Leur bouche a proféré le mensonge. 2° A cause de leur défaut de connaissance. Car les hommes ne peuvent connaître ni l'avenir, ni le secret des coeurs, ni les choses absentes, et cependant ils en parlent ; et il est avantageux pour les choses humaines que l'on ait à cet égard quelque certitude. C'est pour ce motif qu'il a été nécessaire de recourir au témoignage divin, parce que Dieu ne peut pas mentir et que rien ne lui est caché. Or, on dit que jurer, c'est prendre Dieu à témoin, parce qu'il a été admis en droit que ce que l'on dit sous l'invocation du témoignage de Dieu passe pour vrai. On prend Dieu à témoin, tantôt pour affirmer une chose présente ou passée, et on dit alors que le serment est affirmatif; tantôt on l'invoque pour une chose future, et dans ce cas on dit qu'il est promissoire (2). Mais on n'emploie pas le serment pour les choses qui sont nécessaires et que l'on doit étudier au moyen de la raison. Car on serait ridicule si, dans une discussion scientifique, on voulait établir sa thèse par un serment.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, qu'autre chose est de se servir du témoignage de Dieu déjà donné, ce que l'on fait quand on s'appuie sur un passage de l'Ecriture sainte, et autre chose est d'invoquer son témoignage pour établir la vérité de ce que nous disons, comme on le fait par le serment.

2. Il faut répondre au second, qu'on dit que l'on rend à Dieu les serments qu'on a faits, du moment qu'on s'acquitte de ce qu'on a juré de faire, ou bien quand en prenant Dieu à témoin, on reconnaît qu'il sait tout et qu'il est l'infaillible vérité.

3. Il faut répondre au troisième, que l'on invoque le témoignage de quelqu'un pour que le témoin qui a été invoqué manifeste la vérité à l'égard de ce que l'on dit. Or, Dieu manifeste si ce que l'on dit est vrai de deux manières : 1° en révélant absolument la vérité, soit par une inspiration intérieure, soit en dévoilant le fait et en rendant public ce qui était caché ; 2° en punissant le menteur. Alors il est tout à la fois juge et témoin, puisqu'en punissant le menteur il manifeste le mensonge. C'est pourquoi il y a deux manières de jurer. On peut le faire en prenant simplement Dieu à témoin, comme quand on dit: Dieu m'est témoin, ou je parle devant Dieu, ou au nom de Dieu, ce qui revient au môme, comme le dit saint Augustin (Lib. i de serm. Dom. in monte, cap. 47). L'autre manière de jurer se fait par exécration (4), comme quand quelqu'un se condamne à un châtiment, ou l'appelle sur ce qui lui appartient, si ce qu'il a dit n'est pas vrai (2).

(1) C'est-à-dire la preuve.
(2) Cette première division se rapporte à la matière du serment. Mais le serment promissoire ayant pour objet de jurer que l'on fera une chose, peut être accompagné de quelque menace. Ainsi on peut dire : Je prends Dieu à témoin que je tous punirai. Dans ce cas, il prend le nom de serment comminatoire.
(1) Relativement à la manière de jurer, on distingue le serment simple et le serment imprécatoire. Par le premier, on prend simplement Dieu à témoin ; par le second, on se souhaite du mal à soi ou aux autres, si ce que l'on dit n'est pas vrai : Que Dieu me damne; qu'il me confonde.
(2) Si l'on considère la chose par laquelle on jure, on distingue encore le serment implicite et le serment explicite. Le serment est explicite quand on prend expressément Dieu à témoin ; il est implicite quand on jure par les créatures en tant qu'elles sont l'image ou le reflet de ses perfections.



ARTICLE II. — est-il permis de faire un serment (3)?



Objections: 1. Il semble qu'il ne soit pas permis de jurer. Car rien de ce qui est défendu dans la loi de Dieu n'est permis. Or, le jurement est défendu (Mt 5,34) : Je vous dis de ne pas jurer, et l'apôtre saint Jacques dit (Jc 5,42) : Avant toutes choses, mes frères, ne jurez pas. Le jurement est donc illicite.

2. Ce qui vient du mal paraît être illicite, parce que, comme le dit l'Evangile (Mt 7,18) : Un mauvais arbre ne peut produire de bons fruits. Or, le serment vient du mal; car il est dit (Mt 5,37) : Contentez-vous de dire : Oui, cela est ; non, cela n'est pas. Ce que l'on dit de plus vient du mal. Le serment paraît donc être illicite.

3. Demander un signe à la providence divine c'est tenter Dieu, ce qui est absolument illicite, d'après ces paroles du Deutéronome (Dt 6,46) : Vous ne tenterez pas le Seigneur votre Dieu. Or, celui qui jure paraît demander un signe à la providence de Dieu, puisqu'il demande un témoignage divin qui se manifeste par un effet évident. Il semble donc que le serment soit absolument illicite.

En sens contraire Mais c'est le contraire. La loi porte (Dt 6,13) : Fous tenterez le Seigneur votre Dieu, et vous jurerez par son nom.

CONCLUSION. — Quoique le jurement soit quelquefois une chose licite et honnête; cependant quand on le fait sans nécessité, il est mauvais et illicite.

Réponse Il faut répondre que rien n'empêche qu'une chose qui est bonne en elle- même, ne devienne mauvaise pour celui qui n'en fait pas un usage convenable. Ainsi c'est une bonne chose que de recevoir l'Eucharistie, cependant celui qui la reçoit indignement mange et boit son jugement, selon l'expression de saint Paul (1Co 11,29). — A l'égard de la question présente, il faut donc dire que le serment est en soi licite et honnête ; ce qui est évident d'après son origine et sa fin. D'après son origine ; car le serment a été introduit par la foi, qui fait que les hommes croient que Dieu possède la vérité infaillible, qu'il a la connaissance et la prévoyance universelle de toutes choses. D'après sa fin, puisqu'on l'emploie pour rendre les hommes certains et pour mettre fin aux controverses, comme le dit saint Paul (He 6). Mais le serment devient mauvais quand on en fait mauvais usage, c'est-à-dire quand on l'emploie sans nécessité et sans y mettre la discrétion voulue- Car il paraît avoir peu de respect pour Dieu, celui qui le prend à témoin pour une cause légère (4), ce que l'on n'oserait faire à l'égard d'un homme honnête. Il est aussi exposé à se parjurer, parce que l'homme pèche facilement par parole, d'après ce mot de saint Jacques (Jc 3,2) : Si quelqu'un n'offense pas Dieu dans ses discours, il est un homme parfait. D'où l'Ecclésiastique dit (Si 23,9) : Que votre bouche ne s'accoutume pas au jurement ; car il y a là bien des occasions de chute.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que saint Jérôme dit sur ces paroles de saint Matthieu (5) (Ego autem dico vobis non jurare) : Remarquez que le Sauveur n'a pas défendu de jurer par Dieu, mais par le ciel et la terre; car on sait que les Juifs avaient cette détestable habitude de jurer par les éléments. Mais cette réponse n'est pas suffisante, puisque saint Jacques a ajouté : Ni par quelque autre chose que ce soit. C'est pourquoi il faut dire avec saint Augustin (Lib. de mendacio, cap. 5), que l'Apôtre, en jurant dans ses épîtres, nous a montré comment nous devions interpréter ces paroles : Je vous dis de ne point jurer. Cette défense a été faite, de peur qu'en jurant nous ne parvenions à le faire facilement, que cette facilité dégénère en habitude, et que l'habitude nous mène au parjure. C'est pourquoi on ne voit pas qu'il ait juré ailleurs que dans ses lettres, parce que l'on peut peser avec plus de circonspection ce que l'on dit en écrivant qu'en parlant.

2. Il faut répondre au second, que, comme le dit saint Augustin (Lib. i De serm. Dom. in monte, cap. 17) : Si l'on vous force de faire un serment, sachez, dans la nécessité, subvenir à la faiblesse de ceux auxquels vous voulez persuader quelque chose. Cette faiblesse est assurément un mal. C'est pourquoi il n'a pas dit : Ce qui va au-delà est un mal, mais vient d'un mal (à malo est). Car ce n'est pas vous qui faites le mal en faisant bon usage du serment pour persuader à un autre ce qu'il est utile que vous lui persuadiez; mais c'est une chose qui vient du mal, puisque c'est sa faiblesse qui vous oblige à faire ce serment.

3. Il faut répondre au troisième, que celui qui jure ne tente pas Dieu, parce qu'il n'implore pas le secours divin sans utilité et sans nécessité; de plus, il ne s'expose à aucun péril. Si Dieu ne veut pas lui rendre témoignage pour le présent, il lui rendra certainement témoignage dans l'avenir, quand il produira à la lumière ce qui est caché dans les ténèbres, et qu'il manifestera les secrètes pensées des coeurs, comme le dit l'Apôtre (1Co 4,5). Ce témoignage ne manquera pas à celui qui jure, soit pour, soit contre lui.

(3) Cette proposition est de foi contre les pélagiens, les vaudois, les anabaptistes, les quakers, et elle a été décidée contre Wiclef au concile de Constance, qui a condamné cette proposition de l'hérésiarque dans sa session vnie : Juramenta illicita sunt, quae fiunt ad roborandum humanos contractus et commercia civilia,
(I) C'est ce que défend ce précepte du Décalogue : Non assumes nomen Dei tui in vanum.




II-II (Drioux 1852) Qu.88 a.10