II-II (Drioux 1852) Qu.91 a.2


FIN DU QUATRIÈME VOLUME.


question XCII

DES VICES OPPOSÉS A LA VERTU DE RELIGION.


Nous avons maintenant à nous occuper des vices opposés à la vertu de religion. — En premier lieu nous traiterons de ceux qui ont quelque chose de commun avec la vertu de religion elle-même et qui rendent comme elle à Dieu un culte; puis nous examinerons ceux qui sont manifestement contraires à cette vertu , parce qu'ils im­pliquent le mépris de tout ce qui a rapport au culte de la Divinité. La première de ces deux catégories appartient à la superstition et la seconde à l'impiété. Nous devons donc d'abord considérer la superstition et tout ce qui s'y rattache et passer ensuite à l'impiété et à tout ce qui en fait partie. — A l'égard de la superstition deux ques­tions se présentent : 1° La superstition est-elle un vice contraire à la vertu de reli­gion ? — 2° Comprend-elle plusieurs parties ou plusieurs espèces ?


ARTICLE I. — la superstition est-elle un vice contraire a la vertu de religion (1)?



Objections: 1. Il semble que la superstition ne soit pas un vice opposé à la vertu de religion. En effet, quand deux choses sont contraires, l'une n'entre pas dans la définition de l'autre. Or, la religion entre dans la définition de la supers­tition. Car on définit la superstition une religion qui va au-delà des bornes, comme le dit la glose (interl.) à propos de ces paroles de saint Paul : Quae sunt rationem habentia, etc. (Col. ii). La superstition n'est donc pas un vice contraire à la vertu de religion.

2. Saint Isidore dit (Etym. lib. x, ad litt. S) que, d'après Cicéron (2), on donnait le nom de superstitieux (superstitiosi) à ceux qui faisaient des prières et des sacrifices tout le long du jour pour avoir des enfants qui leur survécussent (superstites) (3). Or, la vraie religion ne s'oppose pas à de pareilles prières. La superstition n'est donc pas un vice contraire à la vertu de religion.

3. Le mot superstition semble impliquer un certain excès. Or, dans la religion, il ne peut y en avoir, parce que, comme nous l'avons dit (quest. lxxxi, art. 5 ad 3), nous ne pouvons pas, sous ce rapport, rendre à Dieu autant que nous lui devons. La superstition n'est donc pas un vice contraire à la vertu de religion.

(I) D'après saint Thomas, on peut définir la superstition un vice qui rond un culte divin à celui auquel il n'est pas dû, ou de la manière qu on ne le doit pas.
(2) Voyez Cicéron: De natur A Deor um, lib. H, n" 28.
(3) D'après Servitis, dans son commentaire de l'Enéide (Iii), viii), ce mot vient de la crainte excessive que les hommes avaient de la colère des dieux, qu'ils se représentaient toujours mena­çante sur leur tète (superstantem).

20 Mais c'est le contraire. Car saint Augustin dit (Lib. de clec. chord. cap. 9) : Vous touchez la première corde par laquelle on n'adore qu'un seul Dieu, et toutes les folies de la superstition sont détruites. Or, le culte d'un Dieu uni­que appartient à la religion. La superstition est donc opposée à cette vertu.

CONCLUSION. — La superstition est un vice opposé à la vertu de religion, parce qu'elle en est l'excès, en ce sens que celui qui est superstitieux rend un culte divin à celui auquel il n'est pas dû, ou ne le rend pas de la manière dont il doit le rendre.

Réponse Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (quest. lxxxi, art. 5 ad 3), la religion est une vertu morale. Or, toute vertu morale consiste dans un certain milieu, comme nous l'avons prouvé (1*2*, quest. lxiv, art. 1). C'est pourquoi, à chaque vertu morale il y a deux sortes de vices qui lui sont opposés : l'un qui est produit par excès et l'autre par défaut. Mais, pour dépasser le milieu d'une vertu, il n'est pas nécessaire que l'acte que l'on fait soit extrême sous le rapport de la quantité ; l'excès peut se produire relativement à d'autres circonstances. Ainsi, dans certaines vertus comme la magnanimité et la magnificence, le vice ne dépasse pas le milieu dans lequel ces vertus se renferment, parce qu'il tend à s'élever au-dessus d'elles, car il tend plutôt à rester au-dessous ; mais il le dépasse, parce qu'il porte l'homme à faire plus qu'il ne doit ou à agir quand il ne le doit pas, et il en est de même sous les autres rapports, comme le dit Aristote (Eth. lib. iv, cap. 1 et 5). — Ainsi donc la superstition est un vice opposé à la vertu de religion par excès, non parce qu'elle rend à Dieu plus d'honneur que la reli­gion véritable, mais parce qu'elle rend un culte divin à celui auquel il n'est pas dû, ou parce qu'elle le rend d'une manière qui n'est pas convenable.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que comme nous disons méta­phoriquement un bon voleur, de même on emploie quelquefois le nom des vertus pour exprimer les vices. C'est ainsi qu'on se sert quelquefois du nom de prudence pour désigner l'astuce, selon ces paroles de saint Luc (Lc 16,8): Les enfants de ce siècle sont plus prudents que les enfants de lumière. C'est en ce sens qu'on dit que la superstition est une religion.

2. Il faut répondre au second , qu'autre chose est l'étymologie d'un mot et autre chose sa signification. L'étymologie se prend du mot qui a servi à former celui que l'on définit, et la signification se considère d'après l'objet qu'on a voulu que le mot désigne -, ce qui est quelquefois tout différent. Car le mot de pierre [lapis) vient de laesio pedis (ce qui blesse le pied), et ce n'est pas ce qu'il signifie, car autrement il faudrait donner le nom de pierre au fer, quand il viendrait à blesser le pied. Il n'est pas nécessaire non plus que le mot superstition n'exprime que ce qui a donné lieu à sa for­mation et que sa signification soit renfermée dans son étymologie.

3. Il faut répondre au troisième, que la vertu de religion ne peut pécher par excès selon la quantité absolue, puisqu'on ne peut jamais trop honorer Dieu; mais il peut y avoir excès selon la quantité proportionnelle, dans le sens que dans le culte divin on peut faire quelque chose qui ne doive pas être fait.



ARTICLE II. — y a-t-il différentes espèces de superstition?


Objections: 1. Il semble qu'il n'v ait pas différentes espèces de superstition, parce que, d'après Aristote (Top. lib. i, cap. 13), quand l'un des contraires est multiple, l'autre l'est aussi. Or, la religion, qui a la superstition pour contraire, ne se divise pas en plusieurs espèces, mais tous ses actes se rapportent à une seule. 11 n'y a donc pas différentes espèces de superstition.

2. Les contraires se rapportent au même objet. Or, la religion, qui a la superstition pour contraire, a pour objet les choses par lesquelles nous sommes en rapport avec Dieu, comme nous l'avons dit (quest. lxxxi , art. 1 et 5). On ne peut donc pas distinguer dans la superstition qui est opposée à la religion différentes espèces, d'après les différentes divinations des événements ou d'après les diverses observances des actes humains.

3 A l'occasion de ces paroles de saint Paul (Col 11) : Quae sunt rationem habentia sapientiae in superstitione, la glose dit (ordin. Ambros.) que par le mot superstition, il faut entendre une religion simulée. On doit donc regarder une religion simulée comme une espèce de superstition.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Saint Augustin distingue lui-même différentes es­pèces de superstition (De doct. christ, lib. ii, cap. 20-24).

CONCLUSION. — Il y a quatre espèces de superstition, l'une qui consiste à rendre au vrai Dieu un culte illégitime, et les trois autres qui sont : l'idolâtrie, les divinations et les divers genres d'observances.

Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (art. préc.), le vice de la superstition consiste en ce qu'elle dépasse, sous certains rapports, le mi­lieu dans lequel se renferme la vertu de religion, comme nous l'avons vu (la 2ae, quest. lxxii, art. 9). Car toutes les circonstances mauvaises ne sont pas de nature à varier l'espèce du péché- elles ne la changent que quand elles se rapportent à des fins ou à des objets différents. C'est à ce point de vue qu'il faut se placer pour distinguer les différentes espèces d'actes mo­raux (la 2% quest. i, art. 3, et quest. xviii , art. 4, 5, 6,10 et 11). Par conséquent les différentes espèces de superstition peuvent se distinguer 1° d'après la nature de son mode, 2° d'après la nature de son objet. Car on peut rendre le culte divin à celui à qui il est dû, c'est-à-dire au vrai Dieu, d'une manière qui ne soit pas convenable, et c'est là une première espèce de superstition (1). On peut aussi rendre ce culte à un être qui n'en est pas digne, c'est-à-dire à la créature, quelle qu'elle soit, et c est un second genre de superstition qui se divise lui-même en plusieurs espèces, selon les fins diverses du culte divin. Car le culte a d'abord pour but de témoigner à Dieu le respect qui lui est dû, et la première espèce de ce genre de superstition est l'idolâtrie , qui offre à la créature un respect qui n'est dû qu'au créateur. Le culte a pour objet, en second lieu, de faire éclairer l'homme des lumières du Dieu qu'il adore; c'est à cette fin que se rapporte la divination qui consulte les démons au moyen de pactes tacites ou exprès contractés avec eux. Enfin le culte doit, en troisième lieu, servir à diriger l'homme dans ses actions conformément à la loi de Dieu, et c'est à ce troisième objet que se rapporte ce qu'il y a de superstitieux dans certaines observances. Saint Augustin indique ces trois sortes de superstition quand il dit ( De doct. christ. lib. 11, cap. 20 ) que tout ce que les hommes ont établi pour le culte et la construction des idoles est superstitieux ; ce qui a trait à la première espèce de superstition. Puis il ajoute que tout ce qui regarde les consultations, les pactes, et les conventions tacites ou expresses avec le démon, a le même caractère, ce qui revient à la seconde; et enfin il dit un peu plus loin que toutes les observances sont du même genre, ce qui rentre dans notre troisième distinction.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que, comme le dit saint Denis (De div. nom. cap. 4), le bien ne suppose rien de vicieux, tandis que le moindre défaut produit le mal (2). C'est ce qui fait qu'il y a plusieurs vices eontrai-

perflu quand il n'y a pas de rapport entre l'acte et la fin qu'on se propose.

(2) C'est l'axiome théologique : Bonum ex in- tegrâ causâ, malum, ex minimo defectu.
(') Ce culíe qu'on rend au vrai Dieu d'une manière indue est pernicieux ou superflu. Il est pernicieux quand il est faux, comme l'expose saint Thomas dans la question suivante ; il est sures à une seule et même vertu, comme nous l'avons dit (art. préc. et quest. x, art. 5). Le mot d'Aristote n'est vrai que pour les contraires qui ont la même raison d'être multiples.

2. Il faut répondre au second, que les divinations et les observances sont superstitieuses quand elles dépendent de certaines opérations du démon, et qu'à ce titre elles se rattachent à un pacte conclu avec lui.

3. Il faut répondre au troisième, qu'on dit que la religion est simulée quand on applique le nom de religion à une tradition humaine, comme on le voit par ce qui suit dans la glose. Ainsi cette religion simulée n'est rien autre chose que le culte rendu au vrai Dieu d'une manière qui ne serait pas con­venable (1), comme si, par exemple, quelqu'un s'imaginait, sous la loi de grâce, d'honorer Dieu suivant le rite de l'ancienne loi (2). Et c'est littérale­ment ce que la glose entend par ces paroles.



question XCIII


DES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE SUPERSTITIONS.


Après avoir traité de la superstition en général, nous avons ensuite à nous occuper des différentes espèces de superstition. — Nous traiterons : 1° de la superstition qui peut s'attacher au culte indu qu'on rend au vrai Dieu ; 2° de l'idolâtrie ; 3° des divina­tions; 4° des observances. — Touchant la première question il y a deux choses à exa­miner: l° Peut-il y avoir dans le culte rendu au vrai Dieu quelque chose de pernicieux P — 2° Peut-il y avoir quelque chose de superflu P



ARTICLE I. — peut-il y avoir dans le culte rendu au vrai dieu quelque chose de pernicieux?


Objections: 1. Il semble que dans le culte du vrai Dieu il ne puisse pas y avoir quel­que chose de pernicieux. Car il est écrit (Jl 2,22) : Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera exaucé. Or, quiconque honore Dieu de quelque ma­nière invoque son nom. Le culte divin est donc toujours utile au salut, et il ne peut jamais être pernicieux.

2. C'est le même Dieu que les justes de tous les temps ont honoré. Or, avant que la loi ne fût donnée, les justes honoraient Dieu de la manière qu'il leur plaisait, sans faire de péché mortel. Ainsi Jacob s'obligea par son propre voeu à un culte spécial, comme nous le voyons dans la Genèse (Gn 28). Donc encore maintenant il n'y a pas de culte rendu à Dieu qui puisse être mauvais.

3. L'Eglise ne tolère rien de pernicieux; cependant elle souffre la diversité des rites d'après lesquels on honore Dieu dans son sein. Ainsi saint Grégoire, écrivant à saint Augustin qu'il avait envoyé prêcher la foi en Angleterre, lui dit (lib. xii Reçjist. cap. 31) que pour la célébration de la messe il y a dans les différentes églises diverses coutumes ; et il ajoute : Pour moi, je désire que vous choisissiez avec soin ce que vous aurez trouvé à Rome, dans les Gaules ou partout ailleurs, de plus propre à toucher le coeur du Dieu tout-puissant. Il n'y a donc aucune manière d'honorer Dieu qui puisse être pernicieuse.

En sens contraire Mais e est le contraire. Saint Augustin dit [Ep. ad Hier. ep. lxxxii) que Ion ne pourrait observer les rites de l'ancienne loi, depuis la prédication de l'Evangile, sans faire une faute mortelle. Cependant ces rites appartiennent

(1) Ainsi elle ne produit pas «ne espèce de su­perstition particulière.
(2) 11 y aurait aussi péché mortel à vouloir appuyer la foi sur de faux miracles ou de faux témoignages, ou ii présenter à la vénération des l'idèles de fausses reliques.

au culte rendu au vrai Dieu. 11 peut donc y avoir dans ce culte quelque chose qui donne la mort à l'âme.

CONCLUSION. — On peut rendre à Dieu un culte qui soit pernicieux, non-seule­ment de la part de l'objet qu'il exprimerait, mais encore de la part du sujet qui le rendrait.

Réponse Il faut répondre que, comme le dit avec raison saint Augustin (Lib. cont, mendac. cap. 14), le mensonge est surtout pernicieux quand il a pour objet ce qui appartient à la religion chrétienne. Or, il y a mensonge quand quel­qu'un exprime extérieurement le contraire de la vérité. Car, comme la pensée s'exprime par la parole, de même elle s'exprime aussi par des actes, et c'est dans des actes de cette nature que consiste le culte extérieur, comme nous l'avons dit (quest. lxxxi , art. 7). Par conséquent, quand le culte exté­rieur exprime une fausseté, il est pernicieux. Or, il peut exprimer une fausseté de deux manières : 1° par rapport à la chose signifiée avec la­quelle la signification du culte peut être en désaccord. Ainsi, sous la nou­velle loi, maintenant que les mystères du Christ sont accomplis, il serait pernicieux de metire en usage les cérémonies de l'ancienne loi, qui étaient figuratives des mystères qui devaient avoir leur accomplissement dans le Messie; ce serait absolument comme si l'on proclamait de vive voix que le Christ doit souffrir. 2° 11 peut y avoir fausseté dans le culte extérieur de la part de celui qui le rend. C'est ce qui arrive surtout dans le culte général que l'Eglise rend à Dieu par le moyen de ses ministres (1). Car, comme on donne le nom de faussaire à celui qui fait au nom d'un autre des proposi­tions dont il n'a pas été chargé, ainsi on marque du même titre celui qui, au nom de l'Eglise, rend à Dieu un culte contraire à ce que l'Eglise a établi de son autorité divine et à ce qu'elle a l'habitude de faire. C'est ce qui fait dire à saint Ambroise (Sup. illud. (1Co 11) Quicumque edit panem) que celui qui célèbre les saints mystères autrement que le Christ nous a appris à les célébrer est un ministre indigne. Et la glose ajoute qu'il y a superstition quand on applique le nom de religion à une tradition pure­ment humaine (Glos. ord. ad Colos. 11).

Solutions: 1. Il faut répondre an premier argument, que Dieu étant la vérité, il n'y a que ceux qui V adorent en esprit et en vérité, comme le dit saint Jean (Jn 4), qui l'invoquent. C'est pourquoi tout culte qui renferme une faus­seté n'appartient pas proprement à cette invocation de Dieu qui sauve.

2. Il faut répondre au second, qu'avant la loi les justes étaient intérieure­ment éclairés sur la manière dont ils devaient honorer Dieu; les autres hommes les imitaient. Mais depuis, Dieu ayant instruit les hommes à cet égard par des préceptes extérieurs, c'est un péché que de ne pas les observer.

3. Il faut répondre au troisième, que dans l'Eglise il y a en effet diffé­rentes coutumes pour le culte divin, mais aucune d'elles n'est contraire à la vérité; c'est pourquoi on les doit observer, et il n'est pas permis de s'en affranchir.



ARTICLE II. — dans le culte de dieu peut-il y avoir quelque chose

de superflu?

Objections: 1. semble que dans le culte de Dieu il ne puisse rien y avoir de super­flu; car il est dit (Eccli. xliii, 32): Portez la gloire du Seigneur le plus haut

(I) Ainsi colui qui célébrerait les mystères divins sans être prêtre, ou le prêtre excommunié qui offre le saint sacrifice sans en avoir le droit, commettent dans ce ens un acte de supersíition. Il en est de même de celui qui suivrait un rit que l'Eglise n'approuve pas. 11 y a mensonge dans tous ces actes, parce que le prêtre so pose comme le ministre de l'Eglise, sans en être l'organe.

que vous pourrez: elle éclatera encore au-dessus. Or, le culte divin a pour but de glorifier Dieu. Il ne peut donc rien y avoir en lui de superflu.

2. Le culte extérieur est la profession du culte intérieur, qui honore Dieu par la foi, l'espérance et la charité, comme le dit saint Augustin (Ench. cap. 3). Or, dans la foi, l'espérance et la charité, il ne peut rien y avoir de superflu. Il n'y a donc rien de superflu dans le culte divin.

3. Il appartient au culte de Dieu que nous lui rendions ce que nous en avons reçu. Or, tout ce que nous possédons, nous l'avons reçu de Dieu. Par conséquent, si nous faisons tout ce que nous pouvons pour honorer Dieu, il n'y aura rien de superflu dans notre culte.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit ( De doct. christ, lib. ii , cap. 48) : Que le bon et le véritable chrétien rejette, jusque dans les livres saints, les superstitions ou les fables. Or, les saintes Ecritures enseignent qu'on doit un culte à Dieu. Il peut donc y avoir dans le culte divin quelque superstition qui résulte de certaine superfluité.

CONCLUSION. — Quoiqu'il ne puisse pas y avoir quelque chose de superflu dans le culte de Dieu considéré d'une manière absolue, il n'en est pas de même si on le con­sidère sous un rapport proportionnel, parce qu'on peut y faire entrer quelque chose qui ne soit pas proportionné à sa fin.

Réponse Il faut répondre qu'une chose peut être superflue de deux manières : 1° Elle peut l'être absolument parlant. En ce sens il ne peut rien y avoir de superflu dans le culte divin, parce que l'homme ne peut rien faire qui ne soit au-dessous de ce qu'il doit à Dieu. 2° Elle peut l'être suivant un rapport de proportion; c'est-à-dire qu'une chose peut être superflue par rapport à une autre, parce qu'elle n'est pas proportionnée à sa fin. Or, la fin du culte divin, c'est que l'homme glorifie Dieu et qu'il se soumette à lui d'esprit et de corps. C'est pourquoi tout ce que l'homme fait pour glorifier Dieu, pour soumettre à lui son intelligence et son corps, en mo­dérant ses passions conformément à sa loi, à celle de l'Eglise et aux usages de ceux au milieu desquels il vit, on ne peut le taxer d'exagération et de superfluité. Mais s'il fait des choses qui n'importent en rien à la gloire de Dieu (1), qui n'aient pas pour but d'élever son àme vers le ciel ou de mettre un frein au mouvement désordonné de la chair; s'il agit même en dehors de ce qui a été établi par Dieu et par l'Eglise (2), ou contrairement aux coutumes générales qui, d'après saint Augustin (Ep. xxxvi),doivent avoir force de loi; alors toutes ces actions sont réellement superflues et superstitieuses, parce que ce sont des choses extérieures qui n'appartiennent point au culte intérieur de Dieu. Aussi saint Augustin (Lib. de vera rei. cap. 3), à propos de ces paroles de saint Luc (17, 55) : Le royaume de Dieu est au dedans de vous, s'élève-t-il contre les superstitieux qui donnent tous leurs soins principalement aux choses extérieures.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que dans la glorification de Dieu les choses qui se font appartiennent toutes à sa gloire, et par là on exclut toutes les superfluités superstitieuses (3).

2. Il faut répondre au second, que par la foi, l'espérance et la charité, l'âme

(1) 1 ar exemple, ceux qui veulent qu'on leur dise la messe avec un nombre de flambeaux dé­terminé , qui attachent de l'importance au nom propre du prêtre qui célèbre, et qui font dépendre le succès de la prière d'une multitude d'autres cir­constances insignifiantes. On peut voir le détail des superstitions dans lesquelles on est tombé à cet égard dans le Traité des superstitions, par Thiers.
(2) Tels sont ceux qui font plus de signes de croix que l'Eglise n'en prescrit dans les cérémonies; qui disent le Gloria in excelsis ou le Credo quand les rubriques commandent de l'omettre.
(5) Parce qu'elles ne contribuent en rien à la gloire de Dieu est soumise à Dieu; par conséquent il ne peut rien y avoir de superflu dans ces vertus. Mais il n'en est pas de même des actes extérieurs, qui peuvent bien n'avoir pas de rapport avec ce sentiment.

3. Il faut répondre au troisième, que ce raisonnement se rapporte au super­flu considéré d'une manière absolue.





QUESTION XCIV.

DE L'IDOLATRIE.


Après avoir traité du culte illégitime rendu au vrai Dieu, nous avons à examiner l'idolâtrie. — A cet égard quatre questions se présentent : 1" L'idolâtrie est-elle une espèce de superstition? — 2° Est-elle un péché? — 3" Est-elle le plus grand de tous les péchés? — 4° De la cause de ce péché. (En traitant de l'infidélité (quest. x, art. 7 et 10) nous avons dit si l'on devait communiquer avec les idolâtres.)



ARTICLE I. — l'idolâtrie est-elle réellement une espèce de superstition ?


Objections: 1. Il semble que l'idolâtrie ne soit pas réellement une espèce de supers­tition. Car, comme les hérétiques sont infidèles, de môme aussi les idolâ­tres. Or, l'hérésie est une espèce d'infidélité, comme nous l'avons vu (quest. xi, art. 1 ). Donc l'idolâtrie également, et par conséquent elle n'est pas une espèce de superstition.

2. Le nom de latrie appartient à la vertu de religion à laquelle la supers­tition est opposée. Or, le mot idolâtrie semble être univoque avec celui de latrie, qui se rapporte à la vraie religion. Car, comme le désir de la fausse béatitude et celui de la béatitude véritable sont univoquement désignés, de même le culte des faux dieux, qui porte le nom d'idolâtrie, semble être exprimé univoquement par rapport au culte du vrai Dieu, qui reçoit le nom de latrie. L'idolâtrie n'est donc pas une espèce de superstition.

3. Ce qui n'est rien ne peut être l'espèce d'aucun genre. Or, il semble que l'idolâtrie ne soit rien; car saint Paul dit (1Co 8,1) : Nous savons que les idoles ne sont rien en ce monde. Et plus loin (ibid, x, 19) : Est-ce donc que je veuille dire que ce qui a été immolé aux idoles ait contracté quelque vertu ou que l'idole soit quelque chose ? Non certainement. Or, im­moler des victimes aux idoles est un acte qui appartient en propre à l'idolâtrie. L'idolâtrie est donc une sorte de néant, et par conséquent elle ne peut être une espèce de superstition.

4. La superstition consiste à rendre un culte divin à celui à qui il n'est pas dû. Or, comme le culte divin n'est pas dû aux idoles, il n'est pas dû non plus aux autres créatures. C'est ce qui porte l'Apôtre à blâmer vivement ceux qui ont honoré et servi la créature plutôt que le Créateur (Rom. i, 25). C'est donc à tort qu'on fait de l'idolâtrie une espèce de superstition; on devrait plutôt l'appeler la latrie de la créature.

En sens contraire Mais c'est !econtraire. Il est dit dans les Actes des apôtres que saint Paul, quand il attendait Sila et Timolhée à Athènes, son esprit se sentait ému en voyant que cette ville était si attachée à Vidolâtrie (Ac 17,16). Puis il dit aux Athéniens : Seigneurs Athéniens, il me semble qu'en toutes choses vous êtes les plus superstitieux (ibid, xvii, 22). L'idolâtrie appartient donc à la superstition.

CONCLUSION. — Toutes les différentes sortes d'idolâtrie se rapportent à la supers­tition, comme les espèces à leur genre.

Réponse Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (quest. xcn, art. 2), la su­perstition consiste à outrepasser le mode qu'on doit observer dans le culte divin. On tombe dans cet excès surtout quand on rend le culte divin à celui à qui il n'est pas dû. Or, on ne doit rendre ce culte qu'au seul Dieu sou­verain et incréé, comme nous l'avons dit en traitant de la religion (quest. lxxxi, art. 1). C'est pourquoi il y a superstition toutes les l'ois qu'on le rend à une créature. Or, comme on rendait ce culte à des créatures sensi­bles au moyen de signes extérieurs, tels que les sacrifices, les jeux (1), etc., de même on le rendait à la créature représentée par une forme ou par une figure sensible, et à laquelle on donnait le nom d'idole. Mais ce culte rendu aux idoles avait divers caractères. En effet les uns avaient recours à un art néfaste pour construire des images qui, par la vertu des démons, produi­saient certains effets déterminés. De là ils concluaient que dans ces images il y avait quelque chose de divin , et par conséquent qu'on leur devait le même culte qu'à la Divinité. Cette opinion fut celle d'Hermès Trismégiste (2), comme le rapporte saint Augustin (De civ. Dei, lib. viii, cap. 23). Les autres ne rendaient pas un culte divin aux images elles-mêmes, mais aux créa­tures qu'elles représentaient. Saint Paul fait allusion à ces deux senti­ments; il exprime le premier quand il dit des gentils (Rm 1,23) : Qu'ils ont transféré l'honneur qui n'est dû qu'au Dieu incorruptible à l'image d'un homme corruptible et à des figures d'oiseaux, de bêtes à quatre pieds et de reptiles. 11 désigne le second quand il ajoute (ibid, v, 23) : qu'ils ont rendu à la créature l'adoration et le culte souverain, au lieu de les rendre au Créateur (3). Ces derniers se subdivisent en trois classes. Les uns pen­saient qu'il y avait eu des hommes qui étaient dieux, et ils les honoraient dans leurs images; c'est ainsi qu'ils entendaient le culte qu'ils rendaient à Jupiter, à Mercure et aux autres dieux. D'autres supposaient que le monde entier était un dieu unique, non en raison de sa substance matérielle, mais en raison de son âme, qu'ils confondaient avec la Divinité; car ils préten­daient que Dieu n'est rien autre chose que l'âme, qui gouverne le monde par le mouvement et la raison. C'est en ce sens, ajoutait-il, qu'on dit que l'homme est sage, non sous le rapport du corps, mais sous le rapport de l'âme. D'où ils pensaient qu'on doit rendre un culte divin au monde entier et à toutes ses parties, au ciel, à l'air, à l'eau et à tous les autres éléments. Ils rapportaient à toutes ces choses les noms et les images de leurs dieux, comme le faisait Varron (4), cité par saint Augustin (De civ. Dei, lib. vii, cap. 21 et 22). Enfin les platoniciens reconnurent qu'il n'y a qu'un seul Dieu, qui est la cause suprême de toutes choses, et ils plaçaient au-dessous de lui des substances spirituelles qu'il avait lui-même créées; ils leur donnaient le nom de dieu, parce qu'elles participent à la divinité, mais nous les appelons des anges. Après ces créatures spirituelles venaient les âmes des corps célestes, qui comprenaient dans leur empire les démons, dont ils faisaient des animaux aériens. A un degré inférieur encore, ils plaçaient les âmes des hommes qui, en raison de leur mérite ou de leur démérite, devaient entrer dans la société des dieux ou être reléguées dans celles des démons. D'après saint Augustin, ils rendaient un culte divin à tous ces êtres (De

(1) Les jeux d'Apollon, de Mars, d'Hercule ou de .Iupiter Olympien.
(2) Les passages que saint Augustin cite d'Her- mesen cet endroit sont tirés de YEsrulape, dont
a traduction enlangue latine a été attribuée à Apu­lée. Voyez sur cet Hermès l'article Thoth dans la oiuyraphie universelle, tome ly (5) Voyez à cet égard : Sap. xiii et xiv, Ps.103 et 104, Is. 42 et 46.
(4) Ce sentiment était celui de Varron, que saint Augustin réfute très-éloqueniment dans cet endroit de sa Cité de Dieu.
civ. Dei, lib. viii, cap. 14). Ces deux dernières opinions appartenaient à la théologie physique ou naturelle, que les philosophes étudiaient dans le monde et qu'ils enseignaient dans leurs écoles. Celle qui consacrait le culte de l'homme se rapportait à la théologie fabuleuse, qui, d'après les fictions des poètes, était représentée sur les théâtres. Enfin celle qui approuvait le culte des images appartenait à la théologie civile, que les prêtres célé­braient dans les temples. Mais toutes ces différentes erreurs appartenaient à la superstition de l'idolâtrie. C'est pourquoi saint Augustin dit (De doct. christ, lib. ii, cap. 20) : qu'il y a de la superstition dans tout ce que les hommes ont établi pour le culte et la construction des idoles, soit qu'il s'agisse de rendre à une créature 011 à une partie d'elle-même le culte qu'on rend à Dieu, soit qu'on adore comme une divinité la créature ou ce qui s'y rattache.

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que la religion n'étant pas la foi, mais une sorte de profession de foi exprimée par des signes extérieurs, de même la superstition est une sorte de profession d'infidélité exprimée par le culte extérieur. Le mot d'idolâtrie désigne cette sorte de profession ; mais il n'en est pas de même du mot hérésie, qui ne désigne qu'une opi­nion fausse (1). C'est pourquoi l'hérésie est une espèce d'infidélité, tandis que l'idolâtrie est une espèce de superstition.

2. Il faut répondre au second, que le mot de latrie peut se prendre en deux sens. 1° Il peut signifier l'acte humain qui appartient au culte de Dieu. En ce sens, sa signification ne varie pas, peu importe à qui on l'applique, parce que le sujet auquel on l'applique n'entre pas dans sa définition. Ainsi on l'emploiera donc univoquement, selon qu'il se rapporte à la vraie religion, et selon qu'il se rapporte à l'idolâtrie. C'est ainsi que le payement du tribut est pris univoquement, soit qu'on le paye au roi légitime ou à celui qui ne l'est pas. 2° On peut donner au mot latrie le même sens qu'au mot religion. Alors comme c'est une vertu, il est dans son essence que le culte divin soit rendu à celui à qui il est dû, et en ce cas le mot de latrie se dit équivoquement de la vraie religion, et de l'idolâtrie. C'est ainsi que la prudence se dit équivoquement de la prudence qui est une vertu et de (2) la prudence de la chair.

3. Il faut répondre au troisième, qu'en disant que l'idole n'est rien en ce monde, l'Apôtre entend par laque les images qui portaient le nom d'idoles n'étaient pas animées et n'avaient aucune des vertus divines, comme le supposait Hermès, qui les croyait composées d'un corps et d'une âme. De même quand il dit que l'immolation faite aux idoles n'est rien, il voulait dire que les chairs qu'on leur immolait n'étaient nullement sanctifiées, comme le pensaient les gentils, et qu'elles n'étaient pas non plus souillées comme le croyaient les Juifs.

4. Il faut répondre au quatrième, que d'après l'usage général établi parmi les gentils d'adorer des créatures sous l'emblème de certaines images, on a employé le mot d'idolâtrie pour exprimer le culte de la créature quel qu'il soit, même quand il existait sans images.



ARTICLE II. —l'idolâtrie est-elle un péché?


Objections: 1. Il semble que l'idolâtrie ne soit pas un péché. En effet, il n'y a pas de péché dans les choses que la vraie foi fait servir au cidte de Dieu. Or, la vraie foi se sert d'images dans le culte divin. Car nous lisons dans l'Exode

(I) A oyez ce que nous avons dit de l'hérésie (tome IV, pag. 108 et suiv.).
(2) Pour la signification des mots univoque et équivoque, voyez tome 1, p. US.
(Ex 25) que les images des chérubins étaient dans le tabernacle, et dans nos églises il y a des images que l'on expose à l'adoration des fidèles. L'idolâtrie qui consiste dans l'adoration des idoles n'est donc pas un péché.

2. Nous devons le respect à tout ce qui est au-dessus de nous. Or, les anges et les saints sont au-dessus de nous. Par conséquent en leur témoignant notre respect par un culte quelconque, soit par des sacrifices, soit par d'autres actes semblables, nous ne faisons pas de péché.

3. Dieu doit être honoré par le culte intérieur de l'âme, suivant ces pa­roles de saint Jean : Il faut adorer Dieu en esprit et en vérité (Joan. iv). Et saint Augustin dit (.Ench. cap. 3) que ce qui honore Dieu c'est la foi, l'es­pérance et la charité. Or, il peut arriver que quelqu'un adore extérieure­ment les idoles, sans s'écarter intérieurement de la vraie foi. Il semble donc que sans porter atteinte au culte dû à Dieu, on puisse extérieurement adorer les idoles.

En sens contraire Mais c'est le contraire. Il est écrit [Ex. 20, 5) : Vous n'adorerez pas les ido­les, vous ne les honorerez pas; c'est-à-dire, d'après la glose, vous n'aurez pour elles ni un culte intérieur, ni un culte extérieur. C'est donc un péché de rendre aux idoles un culte soit extérieur, soit intérieur.

CONCLUSION. — L'idolâtrie est par sa nature un péché et un péché mortel, qu'il s'agisse de l'acte extérieur ou de l'acte intérieur.

Réponse Il faut répondre qu'à cet égard il y a eu deux sortes d'erreurs. En effet quelques-uns ont cru qu'on devait offrir des sacrifices et tout ce qui cons­titue le culte de latrie non-seulement à Dieu, mais encore à tous les êtres qui sont au-dessus de nous, et que c'était en soi une bonne chose, parce qu'ils pensaient que nous devions rendre des honneurs divins à toute nature supérieure, comme étant plus rapprochée de la Divinité. Mais cette opinion est absolument déraisonnable. Car, quoique nous devions respecter tous ceux qui sont au-dessus de nous, nous ne leur devons cependant pas à tous le même genre de respect, mais nous devons à Dieu un honneur spécial puisqu'il l'emporte sur tous les autres d'une façon toute particulière; et c'est à ce genre d'honneur que nous donnons le nom de culte de latrie. On ne peut pas dire non plus, comme quelques-uns l'ont pensé, que ces sacrifices sen­sibles convenaient aux dieux du paganisme, mais qu'il faut au Dieu parfait des chrétiens des offrandes meilleures, telles que, par exemple, le sentiment du devoir dans une conscience pure. Car, comme le dit saint Augustin (De civ. Dei, lib. x. cap. 19), les sacrifices extérieurs sont les signes des sacrifices intérieurs, comme les mots sont les signes des choses. C'est pourquoi, comme nous dirigeons les paroles qui expriment nos prières et nos louanges vers celui à qui nous offrons ces sentiments au fond de nos coeurs, de même, quand nous sacrifions, nous ne devons pas offrir un sacrifice visible à un autre qu'à celui auquel nous devons nous offrir nous-mêmes invisiblement dans le secret de notre âme. — D'autres ont cru que le culte extérieur de latrie ne devait pas être rendu aux idoles comme bon ou comme excellent par lui-même, mais comme conforme à la coutume du vulgaire. Ainsi saint Augustin fait dire à Sénèque (1) (De civ. Dei, lib. vi, cap. 10) : Nous adore­rons, mais en nous rappelant que ce culte appartient plus à l'usage qu'à la réalité. Et dans un autre endroit (De ver. rei. cap. 5) le même docteur dit qu’il ne faut pas demander une religion aux philosophes qui avaient le même culte que le peuple, et qui dans leurs écoles professaient des sentiments tout contraires et absolument opposés sur la nature des

O) L'ouvrage de Sénèque auquel saint Augustin emprunte cette citation est perdu.


dieux et sur le souverain bien. Il y a des hérétiques (1) qui sont tombés dans cette erreur en soutenant que dans les temps de persécution on pouvait rendre un culte extérieur aux idoles, pourvu qu'on conservât la foi dans son âme. Mais ce sentiment est manifestement faux. Car le culte extérieur étant le signe du culte intérieur, comme on fait un mensonge perni­cieux quand on affirme le contraire de ce qu'on croit réellement dans son coeur; de même on se rend coupable d'une fausseté répréhensible, quand on rend à quelqu'un un culte extérieur contraire à ce que l'on pense au fond de son âme. Aussi saint Augustin s'élève-t-il contre Sénèque (De civ. Dei, lib. vi, cap. 10) en disant que le culte qu'il rendait aux idoles était d'autant plus condamnable que les choses qu'il observait comme des pratiques mensongères, il les observait de manière à persuader au peuple qu'il les regardait comme vraies (2).

Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que dans le tabernacle ou le temple de l'ancienne loi, comme maintenant dans nos églises, les images qui s'y trouvent n'y ont pas été placées pour qu'on leur rendît un culte de latrie, mais pour qu'elles eussent une signification, et que par leur moyen on imprimât plus profondément dans l'esprit des hommes la foi dans l'excel­lence et la supériorité des anges et des saints (3). Mais il n'en est pas de même de l'image du Christ, à laquelle, en raison de la divinité de celui qu'elle représente, on doit un culte de latrie, comme nous le verrons (part. III, quest. xxv, art. 3)

2. La réponse au second et au troisième argument est évidente, d'après ce que nous avons dit (in corp. art.).




II-II (Drioux 1852) Qu.91 a.2