II-II (Drioux 1852) Qu.153 a.3
(I) Tout péché de luxure est mortel et n'admet pas de légèreté de matière, du moins quand il est directement contraire à la chasteté.
Objections: 1. Il semble que la luxure qui a pour objet les jouissances charnelles ne puisse pas être un péché. Per actum enim venereum semen emittitur, quod est superfluum alimenti, ut patet per Philosophum in lib. i de Generatione animalium , cap. 18, à med., et cap. 19. Sed in emissione aliarum superfluitatum non attenditur aliquod peccatum. Ergo neque circa actus venereos potest esse aliquod peccatum.
2. Praeterea, quilibet potest licitè uti, ut libet, eo quod suum est. Sed in actu venereo homo non utitur nisi eo quod suum est, nisi forte in adulterio vel raptu. Ergo in usu venereo non potest esse peccatum; et ita luxuria non erit peccatum.
3. Tout péché a un vice opposé. Or, il n'y a pas de vice qui paraisse opposé à la luxure. Elle n'est donc pas un péché.
En sens contraire Mais c'est le contraire. La cause l'emporte sur son effet. Or, le vin est défendu à cause de la luxure, d'après ces paroles de saint Paul (Ep 5,16) : Ne vous laissez pas aller aux excès du vin, qui est une source de luxure. La luxure est donc défendue. De plus, l'Apôtre la compte parmi les oeuvres de la chair (Ga 5).
CONCLUSION. — La luxure, par laquelle on use des jouissances charnelles contre le mode et l'ordre de la raison, est un péché.
Réponse Il faut répondre que plus une chose est nécessaire et plus il faut observer à son égard l'ordre de la raison. Si on vient à le transgresser, on n'en est donc que plus coupable. Or, l'oeuvre de la chair, comme nous l'avons dit (art. préc.), est surtout nécessaire au bien commun qui est la conservation du genre humain. C'est pourquoi on doit principalement respecter l'ordre de la raison à cet égard, et par conséquent si on ne le fait pas et qu'on transgresse cet ordre, c'est une faute. La luxure ayant principalement pour but de se livrer sous ce rapport à des excès que la raison condamne, il s'ensuit qu'elle est certainement un péché.
Ad primum ergo dicendum quod, sicut Philosophus in eodem libro dicit, loc. cit. in arg., semen est superfluum, quo indigetur : dicitur enim superfluum ex eo quod residuum est operationis virtutis nutritivae, tamen indigetur eo ad opus virtutis generativae. Sed aliae superfluitales humani corporis sunt, quibus non indigetur : et ideo non refert qualitercumque amittantur, salva decentià convictus humani. Sed non est simile in seminis emissione, quae taliter debet fieri ut conveniat fini, ad quem eo indigetur.
2. Il faut répondre au second, que, comme le dit l'Apôtre (1Co 6,20) : Vous avez été achetés d'un grand prix, glorifiez donc Dieu et portez-le dans votre corps. Par là même qu'on fait de son corps un indigne usage par la luxure, on fait injure à Dieu qui est le maître principal de tous nos membres. C'est ce qui fait dire à saint Augustin (Lib. de decem chordis, cap. 10) : Dieu, qui gouverne ses serviteurs dans leur intérêt et non dans le sien, leur a ordonné et commandé de ne pas détruire, par des plaisirs et des jouissances charnelles illicites, ce corps qu'il a choisi pour son temple.
3. Il faut répondre au troisième, que le vice opposé à la luxure est assez rare, parce que les hommes sont surtout enclins aux jouissances. Cependant ce vice opposé est compris sous l'insensibilité : et accidit hoc vitium in eo qui in tantum detestatur mulierum usum, quod etiam uxori debitum non reddit.
Objections: 1. Il semble que la luxure ne soit pas un vice capital. Car la luxure paraît être la même chose que l'impureté, comme on le voit par la glose [interl, sup. illud, Omni immunditia, ad Ephes. 5). Or, l'impureté est la fille de la gourmandise, comme le dit saint Grégoire [Mor. lib. xxxi, cap. 17). La luxure n'est donc pas un vice capital.
2. Saint Isidore dit [De sum. bono, lib. ii, cap. 39) que comme l'orgueil de l'esprit mène à la prostitution, de même l'humilité est la sauvegarde de la chasteté. Or, il est contraire à la nature d'un vice capital qu'il découle d'un autre. La luxure n'est donc pas un vice de ce genre.
3. La luxure est produite par le désespoir, d'après ces paroles de l'Apôtre (Ep 4,19) : Ceux qui se désespèrent s'abandonnent eux-mêmes à la débauche. Or, le désespoir n'est pas un vice capital ; il est plutôt une des suites de la paresse, comme nous l'avons vu (quest. xxxv, art. 4 ad 2). La luxure en est donc encore moins un.
En sens contraire Mais c'est le contraire. Saint Grégoire (Mor. lib. xxxv, cap. 17) met la luxure au nombre des vices capitaux.
CONCLUSION. — On met avec raison la luxure au nombre des péchés capitaux, puisqu'elle a pour fin une chose qui est très-désirée, à savoir les jouissances charnelles, qui portent les hommes à commettre une foule de péchés différents.
Réponse Il faut répondre que, comme on le voit d'après ce que nous avons dit (quest. cxLviii, art. 5, et 1* 2*, quest. lxxxiv, art. 3 et 4), un vice capital est celui qui a une fin très-désirable (1), de telle sorte que son désir pousse l'homme à faire une multitude de péchés que l'on regarde tous comme issus principalement (2) de ce vice. Or, la luxure a pour lin la jouissance des plaisirs charnels qui est la plus grande des délectations. Cette jouissance est donc très-désirable pour l'appétit sensitif, soit à cause de la vivacité des plaisirs qu'elle procure, soit parce que cette concupiscence est tout à fait naturelle. D'où il est évident que la luxure est un vice capital.
(I) Les péchés de luxure sont fort communs, et ils sont cause de la perte d'un très-grand nombre d'âmes, selon l'observation de S. Liguori : Frequentior atque abundantior confessionum materia propter quam major animarum, numerus ad infernum ditabitur vlib. iii, n» -flo).
(2) A l'occasion de ce mot, Sylvius observe que les vices qui naissent d'un péché ne se rapportent pas toujours à ce péché comme les moyens à leur fin, il suffit que l'attachement que l'on a pour ce vice capital mène à ses défauts, ou qu'il y dispose, ou qu'il les produise comme cause efficiente.
Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que, d'après quelques auteurs, l'impureté que l'on fait la fille de la gourmandise est une impureté corporelle, comme nous l'avons dit (quest. cxlviii, art. 6), et par conséquent l'objection ne revient pas à la question. Si on l'entend de l'impureté de la luxure, il faut répondre qu'elle est produite matériellement par la gourmandise, dans le sens que la gourmandise fournit la matière corporelle de la luxure; mais elle ne produit pas la luxure à titre de cause finale, ce qui est le point de vue d'après lequel on considère l'origine des autres vices qui proviennent des vices capitaux.
2. Il faut répondre au second, que, comme nous l'avons dit (quest. cxxxn, art. 4) en traitant de la vaine gloire, la superbe est considérée comme la mère commune de tous les péchés. C'est pour ce motif que les vices capitaux en découlent.
3. Il faut répondre au troisième, qu'il y en a qui s'abstiennent des plaisirs de la luxure, surtout parce qu'ils espèrent la gloire future. Le désespoir détruisant cette espérance, il produit la luxure en écartant ce qui y faisait obstacle, mais non comme cause directe; ce qui paraît nécessaire pour les vices capitaux.
Objections: 1. l'amour de soi, la haine de dieu, l'attachement a la vie présente et l'horreur de la vie future ?
2. Il semble que ce soit à tort que l'on considère comme des suites de la luxure, l'aveuglement de l'esprit, l'inconsidération, la précipitation, l'inconstance, l'amour de soi, la haine de Dieu, l'attachement à la vie présente et l'horreur ou le désespoir de la vie à venir. Car l'aveuglement de l'esprit, l'inconsidération et la précipitation appartiennent à l'imprudence qui se rencontre dans tout péché, comme la prudence dans toute vertu. On ne doit donc pas en faire des suites particulières de la luxure.
On regarde la constance comme une partie de la force, ainsi que nous l'avons vu (quest.cxxvn, et cxxxvin, art. 3). Or, la luxure n'est pas opposée à la force, mais à la tempérance. L'inconstance n'est donc pas issue de la luxure.
3. L'amour de soi porté jusqu'au mépris de Dieu est le principe de tout péché, comme on le voit dans saint Augustin (De civ. Dei, lib. xiv, cap. ult.). On ne doit donc pas en faire la fille de la luxure.
Saint Isidore (Comm. in Deut. cap. 16) distingue quatre autres défauts issus de la luxure : les entretiens honteux, les bavardages, les paroles lascives et les discours insensés. L'énumération précédente paraît donc superflue.
En sens contraire Mais c'est le contraire. Saint Grégoire établit lui-même cette filiation (Mor. lib. xxxi, cap. 17).
CONCLUSION. — L'aveuglement de l'esprit, l'inconsidération, la précipitation, l'inconstance, l'amour de soi, la haine de Dieu, l'attachement à la vie présente et l'horreur de la vie future, sont considérés avec raison comme les suites de la luxure.
Réponse Il faut répondre que quand les puissances inférieures sont vivement affectées par rapport à leurs objets, il s'ensuit que les puissances supérieures sont entravées et déréglées dans leurs actes. Or, par la luxure l'appétit inférieur, c'est-à-dire l'appétit concupiscible, se porte de la manière la plus vive vers son objet, qui est la chose qui le délecte, par suite de la violence de la passion et de la délectation. C'est pourquoi il en résulte que la luxure dérègle le plus profondément les puissances supérieures, qui sont la raison et la volonté. Or, pour la pratique on distingue dans la raison quatre sortes d'actes. Il y a 1° l'intelligence simple qui perçoit la fin comme une bonne chose. Cet acte est empêché par la luxure, d'après ces paroles (Da 13,56) : La beauté vous a séduit et la concupiscence vous a perverti le coeur. C'est à cela que se rapporte l'aveuglement de l'esprit. 2° Il y a le conseil qui a pour objet ce que l'on doit faire pour arriver à la fin. Cet acte est aussi empêché par la concupiscence de la luxure. C'est ce qui fait dire à Térence (Eunuch. act. 1, sc. 1) en parlant de l'amour passionné : c'est une chose qui n'a en elle ni conseil, ni mesure, et vous ne pouvez la régir par de bons avis. A cet égard on désigne la précipitation, qui implique l'absence de tout conseil, comme nous l'avons vu (quest. liii, art. 3). 3° Il faut juger ce que l'on doit faire, et cet acte est empêché par la luxure; car le prophète dit des luxurieux (Da 13,9) : Ils ont détourné leurs yeux pour ne point se rappeler les justes jugements. C'est pour cela qu'on distingue l'inconsidération. 4° C'est à la raison à commander ce qu'il faut faire. Elle en est aussi empêchée par la luxure, dans le sens que l'impétuosité de la concupiscence empêche l'homme d'exécuter ce qu'il a résolu de faire, et c'est pour ce motif qu'on ajoute l'inconstance. Ainsi Térence (loc. cit.) dit d'un personnage qui parlait de se séparer de son maître : Une petite larme anéantira toutes ces résolutions. — Du côté de la volonté il y a deux sortes d'acte désordonné. L'un est le désir de la fin. C'est à celui-là que se rapporte l'amour de soi quant à la délectation qu'on recherche d'une manière déréglée, et par opposition la haine de Dieu, qui résulte de ce qu'il empêche (1) la jouissance que l'on désire. L'autre est le désir des moyens qui se rapportent à la fin. A cet égard on parle de l'attachement à la vie présente, dans laquelle on veut jouir de la volupté, et par opposition on ajoute le désespoir de la vie future (2), parce que quand on est trop attaché aux jouissances charnelles, on ne cherche pas à arriver aux jouissances spirituelles, mais on a pour elles du dégoût.
(1) Dieu empêche cette jouissance par ses commandements.
(2) Le luxurieux a horreur de la vie future, parce qu'il sait que la mort doit le priver des jouissances charnelles et les lui faire expier par les plus rudes tourments, et il se désespère, parce que son attachement pour ces jouissances ne lui permet pas de prendre goût aux choses spirituelles.
Solutions: 1. Il faut répondre au premier argument, que, comme le dit Aristote (Eth. lib. vi, cap. 5), c'est l'intempérance qui altère le plus la prudence. C'est pourquoi les vices opposés à cette vertu viennent surtout de la luxure, qui est la principale espèce d'intempérance.
2. Il faut répondre au second, que la constance dans ce qui est difficile et terrible est une partie de la force, mais la constance qui consiste à s'abstenir des jouissances appartient à la continence qui est une partie de la tempérance, comme nous l'avons dit (quest. cxliii); c'est pourquoi l'inconstance qui lui est opposée est issue de la luxure. Cependant la première inconstance vient aussi de la luxure, dans le sens que ce vice amollit le coeur et le rend efféminé, d'après ces paroles d'Osée (Os 4,10) : La fornication, le vin et l'ivresse abattent le coeur. Et Végèce dit (De re milit. lib. i, cap. 3) qu'il craint moins la mort celui qui connaît le moins les plaisirs. Il n'est pas nécessaire, comme nous l'avons dit souvent (quest. xxxv, art. 4 ad 2, et quest. cxvin, art. 8, et quest. cxlviii, art. 6) que les vices issus des péchés capitaux aient la même matière qu'eux.
3. Il faut répondre au troisième, que l'amour de soi, considéré par rapport à tous les biens qu'on recherche, est le principe commun des péchés ; mais si on le considère spécialement par rapport aux jouissances charnelles qu'on se souhaite, il est issu de la luxure.
4. Il faut répondre au quatrième, que la distinction que fait saint Isidore porte sur les actes extérieurs déréglés et principalement sur ce qui regarde la parole, qui peut être déréglée de quatre manières : 1° delà part de la matière; car, comme la bouche parle de l'abondance du coeur, d'après l'Evangile (Mt 12,34), les luxurieux, dont le coeur est rempli de désirs honteux, se laissent aller facilement à des discours déshonnêtes. 2° Delà part de la cause. Car la luxure produisant l'inconsidération et la précipitation, il s'ensuit qu'elle excite à parler légèrement et inconsidérément, et c'est ce qu'on appelle du bavardage. 3° Quant à la fin. Car le luxurieux cherchant le plaisir sensuel, tend à s'en procurer par ses discours, et il aime les paroles lascives. 4° Quant au sens des paroles. La luxure le pervertit, parce qu'elle produit l'aveuglement de l'esprit. Alors elle se livre à des discours insensés, puisque dans ses paroles elle préfère les jouissances qu'elle recherche à toutes les autres choses.
Deinde considerandum est de luxuriae partibus : et circa hoc quaeruntur duodecim : 1° de divisione partium luxuriae; 2° utrum fornicatio simplex sit peccatum mortale; 3° utrum sit maximum peccatorum; 4° utrùm in tactibus, et osculis, et aliis hujusmodi illecebris consistat peccatum mortale; 5° utrùm nocturna pollutiosit peccatum ; 6" de stupro ; 7° de raptu ; 8° de adulterio; 9° de incestu ; 10° de sacrilegio ; 11° de peccato contra naturam; 12° de ordine gravitatis in praedictis speciebus.
Objections: 1. Ad primum sic proceditur. 1. Videtur quod inconvenienter assignentur sex species luxuriae, scilicet fornicatio simplex, adulterium, incestus, stuprum, raptus et vitium contra naturam. Diversitas enim materias non diversificat speciem. Sed praedicta divisio sumitur secundùm materiae diversitatem, prout scilicet aliquis commiscetur conjugatae, vel virgini, vel alterius conditionis mulieri. Ergo videtur quod per hoc species luxuriae non diversificentur.
2. Praeterea, species vitii unius non videntur diversificari per ea quae pertinent ad aliud vitium. Sed adulterium non differt à simplici fornicatione, nisi in hoc quod aliquis accedit ad eam quae est alterius, et sic injustitiam committit. Ergo videtur quod adulterium non debet poni species luxuriae.
3. Praeterea, sicut contingit quod aliquis commiscetur mulieri quae est alteri viro per matrimonium obligata, ita etiam contingit quod aliquis commiscetur mulieri quae est obligata Deo per votum. Sicut ergo adulterium ponitur species luxuriae, ita etiam sacrilegium species luxuriae poni debet.
4. Praeterea, ille qui est matrimonio junctus, non solùm peccat, si ad aliam mulierem accedat, sed etiam si sua conjuge inordinatè utatur. Sed hoc peccatum sub luxuria continetur.Ergo debet inter species luxuriae computari.
5. Praeterea, Apostolus, 2Co 12,21, dicit : Ne iterum, cum venero, humiliet me Deus apud vos, et lugeam multos ex his qui ante peccaverunt, et non egerunt poenitentiam super immunditia, et fornicatione, et impudicitia quam gesserunt. Ergo videtur quod etiam immunditia et impudicitia debeant poni species luxuriae, sicut et fornicatio.
6. Praeterea, divisum non condividitur dividentibus. Sed luxuria condividitur praedictis : dicitur enim Ga 5,19 : Manifesta sunt opera carnis, quae sunt fornicatio, immunditia, impudicitia, luxuria. Ergo videtur quod inconvenienter fornicatio ponatur species luxuriae.
Sed contra est quod praedicta divisio ponitur in Decret. 36, quaest. 1, in appendice Grat. ad cap. Lex illa.
CONCLUSIO. — Sex sunt luxuriae species : fornicatio simplex, adulterium, in cestus, stuprum, raptus, vitium contra naturam.
Réponse Respondeo dicendum quod, sicut dictum est, qu. praec., art. 2 et 3, peccatum luxuriae consistit in hoc quod aliquis non secundùm rectam rationem delectatione venereà utitur. Quod quidem contingit dupliciter : uno modo secundùm materiam in qua hujusmodi delectationem quaerit; alio modo secundùm quod materia debita existente, non observantur aliae debitae conditiones. Et quia circumstantia, in quantum hujusmodi, non dat speciem actui morali, sed ejus species sumitur ab objecto, quod est materia actûs ; ideô oportuit species luxuriae assignari ex parte materiae vel objecti. Quae quidem potest non convenire rationi rectae dupliciter. Uno modo, quia habet repugnantiam ad finem venerei actûs : et sic in quantum impeditur generatio prolis, est vitium contra naturam, quod est in omni actu venereo ex quo generatio sequi non potest ; in quan tum autem impeditur debita educatio, et promotio prolis natae, est fornicatio simplex, quae est soluti cum soluta. Alio modo materia in qua exercetur actus venereus, potest esse non conveniens rationi rectae per comparationem ad alios homines : et hoc dupliciter. Primo quidem ex parte ipsius foeminae cui aliquis commiscetur, quia ei debitus honor non servatur : et sic est incestus, qui consistit in abusu mulierum consanguinitate, vel affinitate junctarum. Secundo, ex parte ejus in cujus potestate est foemina; quae si est in potestate viri, est adulterium; si autem est in potestate patris, est stuprum, si non inferatur violentia ; raptus autem, si inferatur. Diversificantur autem istae species magis ex parte foeminae quam viri, quia in actu venereo foemina se habet sicut patiens, et per modum materiae, vir autem per modum agentis. Dictum est autem (in arg. 4) quod praedictae species secundùm differentiam materiae assignantur.
Solutions: 1. Ad primum ergo dicendum quod praedicta diversitas materiae habet an- nexam diversitatem formalem objecti, quae accipitur secundùm diversos modos repugnantiae ad rationem rectam, ut dictum est in corp. art.
2. Ad secundum dicendum quod nihil prohibet, in eodem actu diversorum vitiórum deformitates concurrere, ut supra dictum est, 2*, quest. xviii, art. 7, et hoc modo adulterium continetur sub luxuria et sub injustitiâ. Nec deformitas injustitiae omnino per accidens se habet ad luxuriam : ostenditur enim luxuria gravior, quae in tantum concupiscentiam sequitur, quod etiam in injustitiam ducat.
3. Ad tertium dicendum quod, quia mulier vovens continentiam, quoddam spirituale matrimonium facit cum Deo, sacrilegium, quod committitur in violatione talis mulieris, est quoddam adulterium spirituale : et similiter alii modi sacrilegii ad materiam libidinosam pertinentes reducuntur ad alias species luxuriae (4).
(D) Cajétan observe que saint Thomas parle ici, d'après le Maître des sentences et Gratien, par respect pour leur autorité, ce qui ne l'empêche pas de faire du sacrilège charnel une espèce particulière de luxure (inf. art. 10).
4. Ad quartum dicendum quod peccatum conjugati cum sua uxore non est secundùm indebitam materiam, sed secundùm alias circumstantias, quae non constituunt speciem moralis actus, ut dictum est in corp. art., et 4* 2*, quaest. xviii, art. 2.
5. Ad quintum dicendum quod, sicut Glossa interl, dicit ibidem, immunditia ponitur pro luxuria contra naturam ; impudicitia autem est quae fit cum liberis à viro ; unde videtur ad stuprum pertinere. Vel etiam potest dici quod impudicitia pertinet ad quosdam actus circumstantes actum venereum, sicut sunt oscula, tactus et alia hujusmodi.
Ad sextum dicendum quod luxuria sumitur ibidem pro quacumque su- perfluitate, ut Glossa (interl.) ibidem dicit.
Objections: 1. Ad secundum sic proceditur. 4. Videtur quod fornicatio simplex non sit peccatum mortale. Ea enim quae simul connumerantur videntur esse unius rationis. Sed fornicatio connumeratur quibusdam quae non sunt peccata mortalia : dicitur enim. Ac 15,20 : Abstineatis vos ab immolatis simulacrorum, et sanguine, et suffocato, et fornicatione. Illorum autem usus non est peccatum mortale, secundùm illud 1Tm 4,4 : Nihil reficiendum est quod cum gratiarum actione percipitur. Ergo fornicatio non est peccatum mortale.
(2) Les nicolaïtes et les gnostiques ont prétendu que la fornication n'était pas défendue. Celle erreur a été aussi celle des anabaptistes.
2. Praeterea, nullum mortale peccatum cadit sub praecepto divino. Sed Os 1,2, praecipitur à Domino : Fade, sume tibi uxorem fornicationum, et fac filios fornicationum. Ergo fornicatio non est peccatum mortale.
3. Praeterea, nullum peccatum mortale in Scripturâ sacra absque reprehensione commemoratur. Sed fornicatio simplex commemoratur in Scriptura in antiquis Patribus sine reprehensione, sicut legitur Gn 16, de Abraham, quod accessit ad Agar ancillam suam ; et infra, cap. Gn 30, legitur de Jacob quód accessit ad ancillas uxorum suarum Balam et Zelpham, et infra, cap. Gn 38, legitur quod Judas accessit ad Thamar, quam aestimavit meretricem. Ergo fornicatio simplex non est peccatum mortale.
4. Praeterea, omne peccatum mortale contrariatur charitati. Sed fornicatio simplex non contrariatur charitati, neque quantùm ad dilectionem Dei, quia non est directè peccatum contra Deum, nec etiam quantùm ad dilectionem proximi, quia per hoc homo nulli homini facit injuriam. Ergo fornicatio simplex non est peccatum mortale.
5. Praeterea, omne peccatum mortale ducit in perditionem aeternam. Hoc autem non facit fornicatio simplex, quia super illud 1Tm 4 : Pietas ad omnia utilis est, dicit Glossa Ambrosii : Omnis summa disciplinae christianae in misericordia et pietate est : quam aliquis sequens, si lubricum carnis patitur, sine dubio vapulabit, sed non peribit. Ergo fornicatio simplex non est peccatum mortale.
6. Praeterea, sicut Augustinus dicit in lib. de Bono conjug., cap. 16, in princ., quod est cibus ad salutem corporis, hoc est concubitus ad salutem generis. Sed non omnis inordinatus usus ciborum est peccatum mortale. Ergo nec omnis inordinatus concubitus : quod maxime videtur de fornicatione simplici , quae minima est inter species enumeratas.
Sed contra est quod dicitur Tb 4,13 : Attende tibi ab omni fornicatione, et praeter uxorem tuam nunquam patiaris crimen scire. Crimen autem importat peccatum mortale. Ergo fornicatio et omnis concubitus qui est praeter uxorem, est peccatum mortale.
Praeterea, nihil excludit à regno Dei nisi peccatum mortale. Fornicatio autem excludit, ut patet per Apostolum ad Ga 5,21, ubi praemissa fornicatione et quibusdam aliis vitiis, subdit : Qui talia agunt, regnum Dei non consequentur. Ergo fornicatio simplex est peccatum mortale.
Praeterea, in Decretis dicitur, 22, quaest. i, cap. Praedicandum : Nosse debent talem de perjurio poenitentiam imponi debere, qualem et de adulterio, et de fornicatione, et de homicidio sponte commisso, et de caeteris criminalibus vitiis. Ergo fornicatio simplex est peccatum criminale seu mortale.
CONCLUSIO. — Fornicatio simplex, cum contra bonum educandae prolis sit, ita illicita est, ut etiam lethale sit crimen.
Réponse Respondeo dicendum quod absque omni dubio tenendum est quod fornicatio simplex sit peccatum mortale, non obstante quod Dt 23, super illud : Non erit meretrix, etc., dicit Glossa (ord. Augustini, lib. de QQ. in Deut., quaest. 37): Ad meretrices prohibet accedere, quarum est venalis turpitudo. Non enim debet dici venialis, sed venalis, quod est proprium meretricum. Ad hujus autem evidentiam considerandum est quod peccatum mortale est omne peccatum quod committitur directè contra vitam hominis. Fornicatio autem simplex importat inordinationem quae vergit in nocumentum vitae ejus qui est ex tali concubitu nasciturus. Videmus enim in omnibus animalibus in quibus ad educationem prolis requiritur cura maris et foeminae, quod in eis non est vagus concubitus, sed maris ad certam foeminam* unam, vel plures, sicut patet in omnibus avibus : secùs autem est in animalibus in quibus sola foemina sufficit ad educationem foetus, in quibus est vagus concubitus; ut patet in canibus et huiusmodi aliis animalibus. Manifestum est autem quod ad educationem hominis non solùm requiritur cura matris, à qua nutritur; sed multo magis cura patris, à quo est instituendus et defendendus, et in bonis tam interloribus quam exterioribus promovendus. Et ideo contra naturam hominis est quod utatur vago concubitu ; sed oportet quod sit maris ad determinatam foeminam , cum qua permaneat non per modicum tempus, sed diu ; vel etiam per totam vitam. Et inde est quod naturaliter inest maribus in specie humana sollicitudo de certitudine prolis, quia eis imminet educatio prolis. Haec autem certitudo tolleretur, si esset vagus concubitus. Haec autem determinatio certae foe- minae matrimonium vocatur: et ideo dicitur esse de jure naturali. Sed quia concubitus ordinatur ad bonum commune totius humani generis, bona autem communia cadunt sub determinatione legis, ut supra habitum est, 1* 2% quaest. xc, art. 2, consequens est quod ista conjunctio maris ad foeminam, quae matrimonium dicitur, lege aliqua determinetur. Qualiter autem sit apud nos determinatum, in tertia parte hujus operis dicetur (quam non absolvit ; vid. Supplem., et 4, dist. 26, et seq.), cum de matrimonii sacramento tractantur. Unde cum fornicatio sit concubitus vagus, utpote praeter matrimonium existens, est contra bonum prolis educandae : et ideo est peccatum mortale (1). Necobstat, si aliquis fornicando aliquam cognoscens sufficienter provideat proli de educatione, quia id quod cadit sub legis determinatione, judicatur secundum id quod communiter accidit, et non secundùm id quod in aliquo casu potest accidere.
(I) Il y a eu quelques théologiens qui ont avancé que la fornication n'était pas intrinsèquement mauvaise et qu'elle n'était un péché que parce qu'elle était défendue par le droit positif.
Cette opinion a été condamnée par Innocent XI.
Solutions: 1. Ad primum ergo dicendum quôd fornicatio illis connumeratur, non quia habeat eamdem rationem culpae cum aliis, sed quantum ad hoc quod ex his quae ibi ponuntur, similiter poterat dissidium generali inter Judaeos et gentiles, et eorum unanimis consensus impediri. Quia apud gentiles fornicatio simplex non reputabatur illicita propter corruptionem naturalis rationis; Judaei, autem ex lege divina instructi, eam illicitam reputabant. Alia vero quae ibi ponuntur, Judaei abominabantur propter consuetudinem legalis conversationis. Unde Apostoli ea gentilibus interdixerunt, non quasi secundùm se illicita, sed quasi Judaeis abominabilia, ut etiam supra dictum est, 1" 2*, quest. cui, art. 4, ad 3.
2. Ad secundum dicendum quod fornicatio dicitur esse peccatum, in quantum est contra rationem rectam. Ratio autem hominis recta est, secundùm quod regulatur voluntate divina, quae est prima et summa regula. Et ideo quod homo facit ex voluntate Dei, ejus praecepto obediens, non est contra rationem rectam, quamvis videatur esse contra communem ordinem rationis : sicut etiam non est contra naturam quod miraculosè fit virtute divina, quamvis sit contra communem cursum naturae. Et ideo sicut Abraham non peccavit, filium innocentem volendo occidere, propter hoc quod obedivit Deo , quamvis hoc secundùm se consideratum, sit communiter contra rectitudinem rationis humanae, ita etiam Osee non peccavit fornicando ex praecepto divino. Nec talis concubitus propriè fornicatio debet dici, quamvis fornicatio nominetur referendo ad cursum communem. Unde Augustinus dicit 3 Confess., cap. 8, à princ. : Cum Deus aliquid contra morem aut pactum quorumlibet jubet, etsi nunquam ibi factum est, faciendum est; et postea subdit : Sicut enim in potestatibus societatis humanae major potestas minori ad obediendum praeponitur; ita Deus omnibus (2).
(2) Saint Thomas a déjà répondu à cette objection (4*2*, quest. vi, art. 8 ad 3).
3. Ad tertium dicendum quod Abraham et Jacob ad ancillas accesserunt, non quasi fornicario concubitu, ut infra patebit (non complevit; vid. A Sent.), cum de matrimonio agetur. Judam autem non est necessarium à peccato excusare, qui etiam auctor fuit venditionis Joseph.
4. Ad quartum dicendum quod fornicatio simplex contrariatur dilectioni proximi, quantùm ad hoc quod repugnat bono prolis nasciturae, ut ostensum est in corp. art., dum scilicet dat operam generationi, non secundùm quod convenit proli nasciturae.
5. Ad quintum dicendum quod per opera pietatis ille qui lubricum carnis patitur, liberatur à perditione aeterna, in quantum per hujusmodi opera disponitur ad hoc ut gratiam consequatur, perquam poeniteat, et in quantum per husjusmodi opera satisfacit de lubrico carnis commisso; non autem ita quod si in lubrico carnis perseveret impoenitens usque ad mortem, per pietatis opera liberetur.
6. Ad sextum dicendum quod ex uno concubitu potest unus homo generari; et ideo inordinatio concubitus, quae impedit bonum prolis nasciturae, ex ipso genere actus est peccatum mortale, et non solum ex inordinatione concupiscentiae. Ex una autem comestione non impeditur bonum totius vitae unius hominis; et ideo gulae actus ex suo genere non est peccatum mortale. Esset tamen, si quis scienter cibum comederet, qui totam conditionem vitae ejus immutaret, sicut patet de Adam. Nec tamen fornicatio est minimum peccatorum quae sub luxuria continentur : minus enim est concubitus cum uxore qui fit ex libidine.
Ad tertium sic proceditur.
Objections: 1. Videtur quod fornicatio sit gravissimum peccatum. Tanto enim videtur peccatum gravius, quanto ex majori libidine procedit. Sed maxima libido est in fornicatione : dicitur enim in Glossâ (interl, implicitè sup. illud : Melius est nubere) 1Co 7, quod ardor libidinis in luxuria est maximus. Ergo videtur quod fornicatio sit gravissimum peccatum.
2. Praeterea, tanto aliquis magis peccat, quanto in rem sibi magis coniunctam delinquit; sicut gravius peccat qui percutit patrem quam qui percutit extraneum. Sed, sicut dicitur 1Co 6,48, qui fornicatur, in corpus suum peccat, quod est homini conjunctissimum. Ergo videtur quod fornicatio sit gravissimum peccatum.
3. Praeterea, quanto aliquod bonum est majus, tanto peccatum quod contra illud committitur, videtur esse gravius. Sed peccatum fornicationis videtur esse contra bonum totius humani generis, ut patet ex praedictis art. praec.; est etiam contra Christum, secundùm illud 1Co 6,10: Tollens membra Christi, faciam membra meretricis ? Ergo fornicatio est gravissimum peccatum.
Sed contra est quod Gregorius dicit (implic. lib. xxxiii Moral., cap. 11, parum ante med.), quod peccata carnalia sunt minoris culpae quam peccata spiritualia.
CONCLUSIO. — Quanquam fornicatio gravior sit peccatis quae sunt contra externa hominis bona, minus tamen peccatum est homicidio, et iis peccatis quae directe contràDeum committuntur.
Réponse Respondeo dicendum quod gravitas alicujus peccati potest attendi dupliciter : uno modo secundùm se; alio modo secundùm accidens. Secundùm se quidem attenditur gravitas peccati ex ratione suae speciei, quae consideratur secundùm bonum cui peccatum opponitur. Fornicatio autem est contra bonum hominis nascituri. Et ideo est gravius peccatum secundùm speciem suam peccatis quae sunt contra bona exteriora, sicut est furtum et alia hujusmodi; minus est autem peccatis quae sunt directô contra Deum et peccato quod est contra vitam hominis jam nati, sicut est homicidium.
Solutions: 1. Ad primum ergo dicendum quod libido quae aggravat peccatum, est quae consistit in inclinatione voluntatis. Libido autem quae est in appetitu sen- sitivo, diminuit peccatum : quia quanto aliquis ex majori passione impulsus peccat, tanto levius est peccatum. Et hoc modo libido in fornicatione est maxima. Et inde est quod Augustinus dicit in lib. de Agone christiano (id habetur expressè serm. 250, de Temp., cap. 2, ante med.), quod inter omnia Christianorum certamina duriora sunt, praelia castitatis, ubi est quotidiana pugna et r ara victoria. Et Isidorus dicit in lib. ii, de sumno Bono, cap. 39, cire, fin., quod magis per carnis luxuriam humanum genus subditur diabolo quam per aliquod aliud, quia scilicet difficilius est vincere vehementiam hujusmodi passionis.
2. Ad secundum dicendum quod ille qui fornicatur, dicitur peccare in corpus suum, non solum quia fornicationis delectatio consummatur in carne, quod etiam in gulâ accidit; sed etiam quia contra bonum proprii corporis agit qui fornicatur, in quantum scilicet indebite resolvit illud et inquinat, et alteri commiscet. Nec tamen propter hoc sequitur quôd fornicatio sit gravissimum peccatum, quia ratio in homine praevalet corpori : unde si sit peccatum magis repugnans rationi, gravius erit.
3. Ad tertium dicendum quod peccatum fornicationis est contra bonum speciei humanae, in quantum impedit generationem singularem unius hominis nascituri. Magis autem pertingit ad rationem speciei qui actu jam participat speciem, quàm qui est potentia homo, et secundùm hoc etiam homicidium est gravius quam fornicatio et omnes luxuriae species, tanquam magis bono speciei humanae repugnans. Bonum etiam divinum est majus bono speciei humanae : et ideo etiam peccata quae sunt contra Deum, sunt majora. Nec fornicatio est directe peccatum in Deum , quasi fornicator Dei offensam intendat, sed ex consequenti, sicut et omnia peccata mortalia. Sicut autem membra corporis nostri sunt membra Christi, ita etiam et spiritus noster est unum cum Christo, secundùm illud I. ad Corinth. vi, 17 : Qui adhaeret Deo, unus spiritus est. Unde etiam peccata spiritualia sunt magis contra Christum quam fornicatio.
II-II (Drioux 1852) Qu.153 a.3