III Pars (Drioux 1852) 1202
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1 Il semble que tout signe d'une chose sacrée ne soit pas un sacrement. Car toutes les créatures sensibles sont des signes des choses sacrées, d'après ces paroles de saint Paul (Rm 1,20) : J.es perfections invisibles de Dieu oni été rendues visibles par les choses qu'il a faites. Cependant toutes les choses sensibles ne peuvent pas recevoir le nom de sacrement. Tout signe d'une chose sacrée n'est donc pas un sacrement.
2 Toutes les choses qui se faisaient dans l'Ancien Testament figuraient le Christ, qui est le saint des saints, d'après saint Paul qui dit (1Co 2, il) : que tout ce qui leur arrivait était figuratif. Et ailleurs (Col 2,17) : que tontes ces choses étaient l'ombre des choses à venir, mais que le Christ en est la réalité. Cependant toutes les actions des patriarches de l'Ancien Testament, ou même toutes les cérémonies de la loi ne sont pas des sacrements ; il n'y a que quelques cérémonies spéciales, comme nous l'avons dit (la2", quest. ci, art. A). Il semble donc que tout signe d'une chose sacrée ne soit pas un sacrement.
3 Sous la nouvelle alliance il y a beaucoup de choses qu'on fait en signe d'une chose sacrée et que cependant on n'appelle pas des sacrements; comme l'aspersion de l'eau bénite, la consécration d'un autel et d'autres choses semblables. Tout signe d'une chose sacrée n'est donc pas un sacrement.
20 Mais c'est le contraire. La définition est réciproque avec l'objet défini. Or, on définit le sacrement le signe d'une chose sacrée (i), et cette définition parait ôtre celle de saint Augustin (cit. art. préc. in arg. sed cont.). Il semble donc que tout signe d'une chose sacrée soit un sacrement.
CONCLUSION. — Puisque les signes sont proprement donnés aux hommes, tout signe d'une chose sacrée n'est pas un sacrement, mais le signe d'une chose sacrée n'est un sacrement qu'autant qu'il sanctifie les hommes.
21 Il faut répondre que les signes sont proprement donnés aux hommes auxquels il appartient d'arriver à l'inconnu parole connu. C'est pourquoi on donne proprement le nom de sacrement au signe d'une chose sacrée qui appartient aux hommes ; de telle sorte que le sacrement proprement dit, tel que nous le comprenons ici, est le signe d'une chose sacrée en tant qu'elle sanctifie l'homme.
31 Il faut répondre au premier argument, que les créatures sensibles signifient quelque chose de sacré, c'est-à-dire la sagesse et la bonté divine selon qu'elles sont sacrées en elles-mêmes, mais non selon qu'elles nous sanctifient. C'est pourquoi on ne peut pas leur donner le nom de sacrements dans le sens que nous l'entendons ici.
32 II faut répondre au second, que certaines choses qui appartiennent à l'Ancien Testament signifiaient la sainteté du Christ, selon qu'il est saint en lui- même; tandis que d'autres signifiaient sa sainteté selon qu'elle nous sanctifie. C'est ainsi que l'immolation de l'agneau pascal signifiait l'immolation du Christ par laquelle nous avons été sanctifiés. Aussi on dit que ces choses sont, à proprement parler, des sacrements de l'ancienne loi.
ainsi : Sacramentum est invisibilis gratia) visibile signum ad nostram iustificationem institutum.
il) l'nnr rendre cette définition complète, saint Thomas ajoute avec raison : Qui sanctifie l'homme. Sa définition revient ainsi à celle du catéchisme du concile de Trente , qui s'exprime
33 Il faut répondre au troisième, que les choses tirent leur dénomination de leur fin et de leur complément. Mais la disposition n'est ni la fin, ni la perfection. C'est pourquoi les choses qui indiquent une disposition à la sainteté rie sont pas appelées des sacrements (1), et c'est sur ces choses que l'objection repose. Mais on ne donne ce nom qu'aux choses qui signifient la perfection de la sainteté de l'homme.
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1 il semble qu'un sacrement ne soit le signe que d'une seule chose. Car ce qui en signifie plusieurs est un signe ambigu et par conséquent une occasion d'erreur, comme on le voit évidemment à l'égard de tout ce qui est équivoque. Or, il ne doit y avoir dans la religion chrétienne rien de fallacieux, d'après ces paroles (Col 2,8) : Prenez garde de vous laisser séduire par la philosophie et par des raisonnements trompeurs. Il semble donc qu'un sacrement ne soit pas le signe de plusieurs choses.
2 Comme nous l'avons dit (art. préc.), un sacrement signifie une chose sacrée, selon qu'elle est une eausedela sanctification de l'homme. Or, il n'y a qu'une seule cause de la sanctification de l'homme -, c'est le sang du Christ, d'après ces paroles de saint Paul (He 13 He 12) : Jésus voulant sanctifier le peuple par son sang, a souffert hors de la porte de la ville.Il semble donc qu'un sacrement ne signifie pas plusieurs choses.
3 Nous avons dit (art. préc. ad 3) que le sacrement signifie proprement la fin même de la sanctification. Or, la fin de la sanctification est la vie éternelle, d'après ces paroles de saint Paul (Rm 6,22) : Le fruit que vous tirez de cet esclavage est votre sanctification et la vie éternelle en sera: la fin. Il semble donc qu'un sacrement ne signifie qu'une chose, qui est la vie éternelle.
20 Mais c'est le contraire. Le sacrement de l'autel signifie deux choses, le corps véritable du Christ et son corps mystique, comme le dit saint Augustin (Lib. Sentent. Prosp. ut refertur cap. Hoc est, De consecrat. dist. 11).
CONCLUSION. — Un sacrement est un signe qui rappelle la passion du Christ, qui montre la grâce divine, et qui présage la gloire future.
21 Il faut répondre que, corr»ne nous l'avons dit (art. préc.), le sacrement proprement dit est établi pour signifier notre sanctification dans laquelle on peut considérer trois choses : la cause de notre sanctification qui est la passion du Christ; la forme de notre sanctification qui consiste dans la grâce et les vertus, et la fin dernière de notre sanctification qui est la vie éternelle. Toutes ces choses sont signifiées parles sacrements. Par conséquent un sacrement est le signe commémoratif de ce quia précédé, c'est-à- dire de la passion du Christ, le signe démonstratif de ce qu'opère en nous la passion du Christ, c'est-à-dire la grâce, et le présage de la gloire future (2).
31 il faut répondre au premier argument, qu'un signe est ambigu et qu'il devient une occasion d'erreur, quand il signifie beaucoup de choses dont l'une ne se rapporte pas à l'autre ; mais quand il signifie plusieurs choses qui reviennent, sous un certain rapport, au même but, alors ce n'est pas un signe ambigu, mais certain. C'est ainsi que le mot homme signifie l'âme et le corps, selon que la nature humaine se compose de l'un et de l'autre. De même un sacrement signifie les trois choses que nous avons dites, selon que, sous un certain rapport, elles n'en forment qu'une seule.
32 Il faut répondre au second, que le sacrement signifiant une chose qui
(1) Ainsi il en est des images, des croix, de l'eau bcuitc et des autres saeramcntaux.
(2) C'est ce que l'Eglise exprime par ces paroles, qui se rapportent au sacrement de l'Eucharistie :
Osacrum convivium, in quo Christus sumitur, recolitur memoria passionis ejus, mens impletur gratid, et futurae gloriae nobis pignus datur.
sanctifie, il laut qu'il signifie l'effet (J) qui est compris dans la cause sanctifiante elle-même, selon qu'elle sanctifie.
33 Il faut répondre au troisième, qu'il suffit àlanaturedu sacrement qu'il signifie la perfection qui est la forme (2); mais il ne faut pas qu'il signifie seulement la perfection qui est la fin.
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1 Il semble qu'un sacrement ne soit pas toujours une chose sensible. Car, d'après Aristote (Prior, lib. ii, cap. penult. et ult.), tout effet est le signe de sa cause. Or, comme il y a des effets sensibles, de même il y a aussi des effets intelligibles; par exemple, la science est l'effet de la démonstration. Par conséquent tout signe n'est pas sensible. Et comme il suffit à la nature du sacrement d'être le signe d'une chose sacrée, selon que l'homme est sanctifié par elle, ainsi que nous l'avons dit (art. 2 huj. quaest.), il s'ensuit qu'il n'est pas nécessaire qu'il soit une chose sensible.
2 Les sacrements appartiennent au culte ou au royaume de Dieu. Or, les choses sensibles ne paraissent pas appartenir au culte de Dieu. Car il est dit (Jn 4,24) : Dieu est esprit, et it faut que ceux qui l'adorent le fassent en esprit et en vérité. (Rm 14,17) Le royaume de Dieu ne consiste ni dans le boire ni dans le manger. Les choses sensibles ne sont donc pas requises pour les sacrements.
3 Saint Augustin dit (De lib. arb. lib. ii, cap. 18 et 19) : que les choses sensibles sont les moindres biens sans lesquels l'homme peut vivre droi- tement. Or, les sacrements sont nécessaires au salut de l'homme, comme on le verra (quest. seq.), et par conséquent l'homme ne peut vivre droite- ment sans eux. Les choses sensibles ne sont donc pas requises pour les sacremen ts.
20 Mais c'est le contraire. Saint Augustin dit (Sup. Jean, tract, lxxx) : La parole s'ajoute à l'élément, et le sacrement est produit. Il s'agit là de l'élément sensible qui est l'eau. Les choses sensibles sont donc requises pour les sacrements.
CONCLUSION. — Puisqu'il est naturel à l'homme de parvenir à la connaissance des choses intelligibles parles choses sensibles, le sacrement qui signifie pour l'homme les biens spirituels et intelligibles, doit être une chose sensible.
21 Il faut répondre que la sagesse divine pourvoit à chaque chose selon sa manière d'être. C'est pour cela qu'il est dit (Sg 8,1) : qu'elle dispose tout avec douceur, et ailleurs (Mt 25, IS) : qu’elle a donné à chaque être selon sa propre vertu. Or, il est naturel à l'homme de parvenir par les choses sensibles à la connaissance des choses intelligibles. D'ailleurs le signe est le moyen par lequel on arrive à la connaissance d'une autre chose. Par conséquent, puisque les choses sacrées qui sont signifiées par les sacrements sont des biens spirituels et intelligibles qui sanctifient l'homme, il s'ensuitquela signification du sacrement est exprimée par des choses sensibles, comme dans l'Ecriture les choses spirituelles nous sont représentées sous l'image de choses sensibles (4). D'où il résulte que les choses sensibles sont requises pour les sacrements, comme le prouve saint Denis (De coelest. hier. cap. i).
(H) Cet effet est la sanctification de l'âme, et la signes sensibles, comme le dit la définition du ca-
cause qui le renferme, c'cst la passion du Christ. téchisme du concile de Trente : Invisibilis gra-
|.2) Cette perfection, qui est la forme de la sane- tioe visibile signum.
tification , consiste dans la grâce opérée par le (4) C'est ce qui fait dire à l'Eglise dans l'hymne
sacrement, au lieu que la perfection qui est la du dimanche de la Tassion : Hoc opus nostrae
iiii de la sanctification, n'est pas autre chose que salutis ordo depoposcerat : multiformis pro-
la gloire éternelle. ditoris ars ut artem faller et, et medelam
(5) Les hérétiques, aussi bien que les catholi- ferret inde hostis unde loeserat. ques, admettent tous que les sacrements sont des
31 Il faut répondre au premier argument, que chaque chose tire principalement sa dénomination et se définit d'après ce qui lui convient premièrement et par lui-même, et non d'après ce qui lui convient par un autre. Or, l'effet sensible a, par lui-même, la vertu de conduire à la connaissance d'une autre chose, en lafaisant ainsi connaître à l'homme primordialement et par lui-même, parce que toutes nos connaissances viennent des sens. Mais les effets intelligibles ne peuvent pas nous conduire à la connaissance d'une autre chose, sinon en tant qu'ils ont été manifestes par un autre, c'est-à-dire par des signes sensibles. De là il arrive qu'on donne premièrement et principalement le nom de signe à ce qui s'offre aux sens, comme l'observe saint Augustin, qui dit (Decloct. christ, lib. ii) que le signe est ce qui, indépendamment de l'image qu'il présente à nos sens, fait arriver quelque autre chose à notre connaissance. Quant aux effets intelligibles ils ne sont des signes qu'autant qu'ils sont manifestés par d'autres signes. C'est de cette manière que des choses qui ne sont pas sensibles sont appelées des sacrements dans un sens, selon qu'elles ont été signifiées par des choses sensibles (I J ; nous en parlerons (quest. lxiii, art. 1).
32 Il faut répondre au second, que les choses sensibles, considérées dans leur nature, n'appartiennent pas au culte ou au royaume de Dieu, mais elles n'y appartiennent qu'autant qu'elles sont les signes des choses spirituelles dans lesquelles le royaume de Dieu consiste.
33 Il faut répondre au troisième, que saint Augustin parle là des choses sensibles, selon qu'elles existent dans leur nature, mais non selon qu'elles sont employées pour signifier les choses spirituelles qui sont les plus grands biens.
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1 Il semble que les sacrements ne requièrent pas des choses déterminées. Car les choses sensibles sont employées dans les sacrements pour avoir une signification, eomííie nous l'avons dit (art. préc.). Or, rien n'empêche que la même chose soit signifiée par des choses sensibles différentes. C'est ainsi que dans l'Ecriture Dieu est désigné métaphoriquement tantôt par une pierre, tantôt par un lion, tantôt parle soleil ou quelque autre chose de semblable. Il semble donc que différentes choses puissent convenir au meme sacrement. Par conséquent les sacrements ne demandent pas des choses déterminées.
2 Le salut de l'àme est plus nécessaire que celui du corps. Or, dans les médecines corporelles, qui ont pour but le salut du corps, on peut prendre une chose pour une autre à son défaut. A plus forte raison, dans les sacrements qui sont des médecines spirituelles qui ont pour but le salut de l'âme, une chose peut-elle être prise pour une autre, quand celle-ci vient à manquer.
Il n'est pas convenable que le salut de l'homme soit rétréci par la loi divine et surtout par la loi du Christ qui est venu sauver tout le monde. Or, sous la loi de nature il n'y avait pas de choses déterminées pour les sacrements, mais on les employait d'après un voeu, comme on le voit par l'exemple de Jacob (Gn 28) qui fit voeu d'offrir à Dieu la dlme et des bosties pacifiques. Il semble donc que l'homme n'ait pas dù être restreint, et surtout sous la loi nouvelle, de manière à ne faire usage que de choses déterminées pour les sacrements.
(I) Saint Thomas fait ici allusion au caractère que les sacrements impriment.
(2) Il est de foi que le Christ a institué les sacrements : Si quia dixerit sacramenta novae legis non fuisse omnia à Jesu Christo Do rnino nostro instituta... anathema sit. Il n'a pu les instituer sans en déterminer la matière et la forme, au moins en général.
20 Mais c'est le contraire. Le Seigneur dit (Jn 3,5) : Sion ne renaît de l'eau et de VEsprit-Saint, on ne peut entrer dans le royaume de Dieu.
CONCLUSION. — Puisqu'il n'appartient pas aux hommes de déterminer les choses qui les sanctifient, il est évident que dans les sacrements de la loi nouvelle qui sanctifient les hommes, on doit faire usage des choses déterminées par l'institution divine.
21 Il faut répondre que dans l'usage des sacrements on peut considérer deux choses : le culte de Dieu et la sanctification de l'homme. La première de ces deux choses appartient à l'homme par rapport à Dieu; la seconde au contraire appartient à Dieu par rapport à l'homme. Or, il n'appartient pas à quelqu'un de déterminer ce qui est au pouvoir d'un autre, mais seulement ce qui est en sa puissance. Par conséquent la sanctification de l'homme étant au pouvoir de Dieu qui sanctifie, il n'appartient pas à l'homme de faire choix d'après son propre jugement des choses qui doivent le sanctifier, mais elles doivent être déterminées d'après l'institution divine. C'est pourquoi dans les sacrements de la loi nouvelle, par lesquels les hommes sont sanctifiés, d'après ces paroles de l'Apôtre (1Co 6, II) : Vous avez été purifiés, vous avez été sanctifiés, il faut que l'on use des choses qui ont été déterminées d'après l'institution divine (1).
31 II faut répondre au premier argument, que, quoique la même chose puisse ôtre signifiée par des signes divers, cependant il appartient à celui qui la signifie de déterminer de quel signe on doit user. Or, c'est Dieu qui signifie les choses spirituelles par les choses sensibles dans les sacrements et par des expressions métaphoriques dans l'Ecriture, (c’est pourquoi, comme c'est l'Esprit-Saint qui a déterminé sous quelles images il fallait représenter les choses spirituelles daps divers passages de l'Ecriture, de même l'institution divine a dû déterminer aussi les choses significatives qui devaient être employées dans tel ou tel sacrement.
32 Il faut répondre au second, que les choses sensibles ont naturellement les vertus qui les rendent utiles au salut du corps. C'est pourquoi il n'importe en rien que de deux choses qui ont la même vertu on emploie l'une ou l'autre. Au contraire les choses qui se rapportent à notre sanctification ne tirent pas de leur vertu naturelle leur efficacité, mais uniquement de l'institution divine. C'est pourquoi il a fallu que Dieu déterminât de quelles choses sensibles on devait faire usage dans les sacrements.
crit dans le rituel, sous peine de péché grave (Conc. Trid. sess, viii, De sacramentis, ran. 13).
(t) L'Eglise veut même que, par rapport aux cérémonies et à toutes les choses qu'on peut considérer comme accidentelles dans les sacrements, les pasteurs se conforment à ce qui leur est pres
33 Il faut répondre au troisième, que, comme le dit saint Augustin (Cont. Faust, lib. xix, cap. 16 et 17), il est convenable que les sacrements varient avec les temps; comme on emploie des mots différents pour signifier des temps différents, tels que le présent, le passé et le futur. C'est pourquoi, comme sous la loi de nature les hommes n'avaient reçu aucune loi extérieure, et qu'ils n'étaient portés que par leur instinct intérieur à honorer Dieu, de meme c'était aussi cet instinct qui leur déterminait les choses sensibles dont ils devaient faire usage pour l'adorer. Ensuite il a été nécessaire de donner une loi extérieure, soit parce que les péchés des hommes avaient obscurci la loi de nature, soit aussi pour signifier d'une manière plus expresse la grâce du Christ qui sanctifie le genre humain. C'est pour ce motil qu'il a été aussi nécessaire de déterminer alors les choses dont les hommes se serviraient pour les sacrements. La voie du salut n'est pas pour cela ré- trécie, parce qu'on possède généralement ou l'on peut se procurer sans grande peine les choses dont on doit faire usage dans les sacrements.
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1 Il semble que les paroles ne soient pas requises pour la signification des sacrements. Car saint Augustin dit (Cont. Faust, lib. xix, cap. 10) : Les sacrements corporels sont-ils autre chose que des paroles visibles? Par conséquent il semble qu'en ajoutant des paroles aux choses sensibles dans les sacrements ce soit ajouter des paroles à des paroles. Et comme c'est superflu, il semble qu'il ne soit pas nécessaire d'ajouter des paroles aux choses sensibles dans les sacrements.
2 Un sacrement est quelque chose qui est un. Or, il ne semble pas qu'on puisse faire quelque chose d'un avec des choses qui sont de divers genres. Par conséquent les choses sensibles et les paroles étant de divers genres, puisque les choses sensibles viennent de la nature et les mots viennent de la raison, il semble que dans les sacrements les paroles ne soient pas requises avec les choses sensibles.
3 Les sacrements de la loi nouvelle ont succédé aux sacrements de la loi ancienne : car, du moment que ceux-ci ont été détruits, les autres ont été établis, selon l'observation de saint Augustin ( Cont. Faust, lib. xix, cap. 16 et 17). Or, dans les sacrements de l'ancienne loi on ne demandait pas de forme du côté des paroles. On ne doit donc pas non plus l'exiger dans les sacrements de la loi nouvelle.
20 Mais c'est le contraire. L'Apôtre dit (Ep 5,2) : Le Christ a aimé l'Eglise et il s'est livré lui-même pouf* elle, afin de la sanctifier, en la purifiant par l'eau où elle est lavée et par la parole de Dieu. Et saint Augustin ajoute (Sup. Jean, tract, lxxx) : La parole se joint à l'élément et le sacrement est produit.
CONCLUSÍON. — Pour que les sacrements du Verbe incarné et de l'homme sanctifié aient une certaine ressemblance et une certaine proportion, et qu'ils signifient plus parfaitement les choses sacrées, il est très-convenable qu'en eux les paroles s'ajoutent aux choses sensibles.
21 Il faut répondre que les sacrements, comme nous l'avons dit (art. 3 huj. quaest.), sont employés pour la sanctification des hommes, comme des signes. On peut donc les considérer de trois manières, et sous ce triple aspect il est convenable sous tous les rapports que l'on joigne les mots aux choses sensibles. En effet: 1° On peut les considérer par rapport à la cause sanctifiante qui est le Verbe incarné. Les sacrements lui ressemblent d'une certaine manière en ce que la parole s'unit à une chose sensible, comme dans le mystère de l'Incarnation le Verbe de Dieu a été uni à une chair sensible. 2° On peut considérer les sacrements par rapport à l'homme qui est sanctifié. Comme il est composé d'un corps et d'une âme, le sacrement est un remède qui lui est proportionné, si par Jes choses sensibles il affecte le corps et que par la parole il touche l'âme par la foi. D'où saint Augustin dit (Tract, lxxx in ) sur ces paroles de saint Jean (Jn 15) : J am vos mundi estis propter sermonem : D'où vient à l'eau une si grande vertu qu'elle touche le corps et purifie le coeur, sinon par l'action du Verbe qui agit non parce qu'on le prononce, mais parce qu'on y croit. 3° On peut les considérer par rapport à la signification sacramentelle. Saint Augustin dit (De doct. christ, lib. ii, cap. 3) que les paroles sont les signes qui ont obtenu parmi les hommes le premier rang pour exprimer les pensées ; parce que l'on peut employer de différente manière les mots pour désigner les diverses conceptions de l'esprit; et c'est pour cela que nous pouvons exprimer plus distinctement par des mots ce que nous avons conçu dans notre esprit. C'est pourquoi il a été nécessaire, pour que la signification sacramentelle fût parfaite, qu'on déterminât par des paroles la signification des choses sensibles. Car l'eau peut signifier l'ablution en raison de son humidité et le rafraîchissement en raison de sa fraîcheur; mais quand nous disons : Je vous baptise, il est évident que nous nous servons de l'eau dans le baptême pour signifier la purification spirituelle.
(1) Le concile de Florence, dans son décret aux arméniens, publié sous Eugène IV, reconnaît en ces termes la nécessité des paroles pour la validité du sacrement : Haec omnia sacramenta tribus perficiuntur, videlicet rebus tanquam materid, verbis tanquam formé, et persond ministri conferentis sacramentum cum intentione faciendi quod facit Ecdesia equorum si aliquod desit, non perficitur sacra mtntum.
31 Il faut répondre au premier argument, que les choses visibles des sacrements sont appelées des paroles par analogie, selon qu'elles participent à cette puissance de signification qui consiste principalement dans les mots eux-mêmes, comme nous l'avons dit (in corp. art.). C'est pourquoi il n'y a pas une répétition inutile de paroles, quand dans les sacrements on ajoute des mots aux choses sensibles, parce que l'un de ces éléments est déterminé par l'autre, ainsi que nous l'avons dit (ibid.).
32 Il faut répondre au second, que, quoique les paroles et les autres choses sensibles soient de divers genres, en ce qui appartient à la nature de la chose ; néanmoins elles s'accordent sous le rapport de la signification qui existe plus parfaitement dans les mots que dans les autres choses. C'est pourquoi des mots et des choses il résulte dans les sacrements quelque chose d'un, comme de la forme et de la matière (1) il résulte un être, en ce sens que la signification des choses est perfectionnée par les mots, ainsi que nous l'avons dit ( in corp., et art. préc. ad 3 ). Mais dans les choses on comprend aussi les actes sensibles eux-mêmes, tels que l'ablution, l'onction, etc., parce que ces actes ont la même signification que les choses elles-mêmes.
33 Il faut répondre au troisième, que, comme le dit saint Augustin (Cont. Faust, lib. xix, cap. 16 et 17), les sacrements qui sont les signes du présent doivent être autres que ceux qui sont les signes de l'avenir. Or, les sacrements de l'ancienne loi devaient annoncer à l'avance le Christ à venir ; c'est pourquoi ils ne signifiaient pas le Christ aussi expressément que les sacrements de la loi nouvelle qui en découlent et qui ont en eux-mêmes une certaine ressemblance avec lui, comme nous l'avons dit (in corp. art.). Cependant dans l'ancienne loi il y avait des paroles qui étaient employées en ce qui appartient au culte de Dieu, soit par les prêtres qui étaient les ministres de ces sacrements, d'après ce passage (Nb 6,23) : Vous bénirez ainsi les enfants d'Israël et vous leur direz: Que le Seigneur vous bénisse; soit par ceux qui en faisaient usage, puisqu'il est dit (Dt 26,3) : Je professe aujourd'hui devant votre Dieu,
(1) On appelle ordinairement matière la chose ou l'acte sensible du sacrement, et on donne aux paroles le nom de forme. Ces expressions actuellement adoptées par tous les théologiens ne paraissent pas avoir été en usage dans les écoles avant l'an 12(10. On ne les trouve ui dans Lan- franc, ni dans saint Anselme, ni dans saint Bernard, ni même dans Pierre Lombard. Elles y ont été introduites avec la philosophie péripatéticienne. Gotti pense que Guillaume d'Auxerre les a employées le premier.
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1 Il semble qu'il ne soit pas nécessaire qu'il y ait pour les sacrements des paroles déterminées. Car, comme le dit Arfstote (Periher. lib. i), les mots ne sont pas les mêmes chez tous les peuples. Or, le salut auquel on cherche à arriver par les sacrements est le même pour tous les hommes. Il n'est donc pas nécessaire qu'il y ait pour les sacrements des paroles déterminées.
2 Les paroles sont requises clans les sacrements principalement en raison de ce qu'elles sont significatives, comme nous l'avons dit (art. préc.). Or, il arrive que l'on peut signifier la même chose par des mots différents. Il n'est donc pas nécessaire qu'il v ait pour les sacrements des paroles déterminées.
3 La corruption d'une chose en change l'espèce. Or, il v en a qui prononcent mal les mots; cependant on ne croit pas que ce soit une cause qui empêche les effets du sacrement, autrement les illettrés ou les bègues qui confèrent les sacrements, les rendraient souvent nuls. Par conséquent il ne semble pas qu'il y ait pour les sacrements des mots déterminés.
20 Mais c'est le contraire. Le Seigneur a prononcé des paroles déterminées clans la consécration du sacrement de l'Eucharistie, en disant (Mt 26,26): Ceci est mon corps. De même il a ordonné à ses disciples de baptiser sous une forme de paroles déterminée en disant (Mt 28 Mt 19) : Allez, enseignez- toides les nations et baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit.
CONCLUSION. — Puisque la matière des sacrements, c'est-à-dire les choses sensibles, est déterminée, à plus forte raison faut-il que la forme des paroles le soit.
21 Il faut répondre que, comme nous l'avons dit (art. préc. ad 2), dans les sacrements les paroles remplissent le rôle de la forme, et les choses sensibles celui de la matière. Ornans tout ce qui est composé de matière et de forme, le principe de la détermination vient de la forme qui est en quelque sorte la fin et le terme de la matière. C'est pour ce motif que l'existence d'une chose demande plutôt une forme déterminée qu'une matière déterminée ; car une matière déterminée demande à être proportionnée à une forme déterminée. Par conséquent, puisque dans les sacrements on exige que les choses sensibles qui en sont comme la matière soient déterminées; à plus forte raison est-il nécessaire que la forme des paroles le soit aussi.
31 Il faut répondre au premier argument, que, comme le dit saint Augustin (Sup. Jean, tract, lxxx) , la parole opère dans les sacrements, non parce qu'on la prononce, c'est-à-dire non en raison du son extérieur de la voix, mais parce qu'on y croit, c'est-à-dire à cause du sens des mots auquel la foi s'attache. Ce sens est le même pour tous, quoique les paroles ne soient pas les mêmes quant au son. C'est pour cela qu'en quelque langue qu'on exprime ce sens, le sacrement existe.
(1) Le Christ a-t-il déterminé en particulier et dan6 leur espèce la matière et la forme de tous les sacrements, comme il l'a fait pour le lîap- tême et l'Eucharistie? Celle question est controversée parmi les théologiens. Mais le sentiment qui nous paraît le plus probable, c'est qu'il a déterminé lui-même la matière et la forme de tous les sacrements, et qu'il n'a pas laissé ce soin à ses apôtres.
32 Il faut répondre au second, que quoique en toute langue on puisse exprimer la même chose par des mots différents, cependant il y a toujours quelques-uns de ces mots-qui se trouvent plus principalement et plus communément employés pour la signifier. C'est ce mot qu'il faut prendre pour la signification du sacrement. C'est ainsi que parmi les choses sensibles on prend pour la signification du sacrement celle dont l'usage est le plus commun relativement à l'acte que l'effet du sacrement exprime; par exemple, l'eau étant la chose la plus commune que les hommes emploient pour l'ablution du corps qui signifie l'ablution spirituelle, on la prend pour ce motif comme matière dans le baptême.
33 Il faut répondre au troisième, que celui qui prononce mal les paroles sacramentelles, s'il le fait à dessein, ne paraît pas avoir l'intention de faire ce que fait l'Eglise, et par conséquent il ne semble pas qu'il confère un sacrement. S'il le fait par erreur ou par un défaut de prononciation, et qu'il altère tellement la formule qu'elle n'ait plus du tout de sens, il ne semble pas non plus qu'il y ait sacrement. C'est ce qui arrive surtout quand l'altération porte sur le commencement du mot (1) ; par exemple, si au lieu de dire : In nomine Patris, on disait : In nomine matris. Mais si l'altération de la formule n'en détruit pas absolument le sens, le sacrement n'en existe pas moins. C'est surtout ce qui arrive, quand l'altération porte sur la fin du mot, comme si l'on disait : In nomine patrias et filias. Car quoique ces mots mal prononcés ne signifient rien en vertu de leur imposition, néanmoins on les accepte comme signifiant quelque chose d'après l'usage. C'est pourquoi, bien que le son qui frappe l'oreille soit changé, le sens reste pourtant le même. Quant à ce que nous avons dit de la différence de l'altération, selon qu'elle porte sur le commencement ou la fin du mot, ceci a sa raison ; parce qu'en latin un changement dans le commencement du mot en change la signification, tandis que le plus souvent le changement qui tombe sur la fin du mot ne le change pas. Chez les Grecs la signification est aussi changée quand c'est le commencement du mot qui est modifié. Mais on doit plutôt faire attention à la nature de l'altération, parce que dans l'un et l'autre cas elle peut être si faible qu'elle ne détruise pas le sens des mots, et elle peut être tellement grave qu'elle l'anéantisse tout à fait. Seulement l'une de ces choses se rapporte plutôt au commencement du mot et l'autre à la fin (2).
(I) La règle la plus générale qo'on puisse donner à cet égard, c'est d'examiner si l'altération de la forme est substantielle ou accidentelle. Elle est substantielle, quand elle en détruit le sens ou qu'elle le corrompt totalement, alors le sacrement n'est pas valide : elle n'est qu'accidentelle quand elle porte seulement sur la construction do la phrase ou du mot qu'elle change sans détruire le sens. Dbds ce cas l'acte peut être illicite, mais le sacrement n'est pas invalide.
(2) La raison en est que dans le premier cas le changement atteint le radical, et dans le second il ne modilie que la terminaison du mot.
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