Discours 2001 - Jeudi 30 août 2001
A mon Vénéré Frère le Cardinal Walter KASPER
Président du Conseil pontifical pour la Promotion de l'Unité des Chrétiens
Cette année également, je suis heureux de faire parvenir, à travers Vous, Vénéré Frère, mon salut affectueux aux participants au VIIème Symposium inter-chrétien sur le thème: "Perspectives sotériologiques dans la tradition orientale et occidentale", organisé dans la ville de Reggio Calabria par l'Institut de spiritualité de l'Université pontificale "Antonianum" de Rome et par la Faculté de théologie de l'Université "Aristote" de Thessalonique (Grèce).
Par le passé, j'ai déjà eu l'occasion de souligner l'importance de cette initiative entre deux Instituts, l'un catholique et l'autre orthodoxe, qui organisent régulièrement des rencontres pour réfléchir sur leur héritage chrétien commun dans la perspective de servir l'homme de notre époque et de contribuer, à travers la prière, l'étude et la confrontation, à aplanir le plus possible la voie vers la pleine unité entre les croyants dans le Christ. C'est pourquoi il est plus que jamais utile de toujours mieux se connaître réciproquement, afin de constater les convergences et les complémentarités dans le domaine théologique et d'approfondir le dialogue sur les questions d'intérêt commun, en se laissant guider par l'Ecriture et la Tradition.
Je me souviens, en ce moment, avec une vive émotion, de la rencontre que j'ai eue, au mois de mai dernier, avec Sa Béatitude Christodoulos, Archevêque d'Athènes et de toute la Grèce. Ensemble nous avons déclaré: "Nous affirmons en particulier que les relations entre chrétiens, dans toutes leurs manifestations, doivent être empreintes d'honnêteté, de prudence et de connaissance des questions en cause" (Déclaration commune, n. 2; cf. ORLF n. 19 du 8 mai 2001). Que le Seigneur guide nos pas sur le chemin de la Vérité et de l'Amour. Que se multiplient les moments de dialogue et de réflexion fraternelle entre les chrétiens, dans le but de parvenir, le plus tôt possible, à la pleine unité pour laquelle le Seigneur a prié au cours des derniers moments de sa vie terrestre.
Le thème, choisi pour le Symposium de cette année, touche un point essentiel de l'annonce évangélique: la rédemption accomplie par le Christ à travers Sa mort et Sa résurrection; la rédemption de l'homme créé pour participer à la vie même de Dieu, comme l'affirme saint Athanase dans une célèbre expression: "Le Fils de Dieu s'est fait homme, pour nous faire Dieu" (De Incarnatione, n. 54).
En tournant le regard vers le nouveau millénaire qui s'ouvre à nous rempli d'espérance, comment ne pas rappeler la réalité providentielle du don immense de Dieu, qui nous a été donné dans le Christ, notre Rédempteur? Dans la récente Lettre apostolique Novo millennio ineunte, je rappelais que dans chaque activité ecclésiale il faut "respecter un principe essentiel de la vision chrétienne de la vie: le primat de la grâce" (NM 38), c'est-à-dire cette faveur gratuite que Dieu accorde à l'homme, afin qu'il puisse répondre à sa vocation de fils de Dieu, en entrant dans l'intimité de la vie trinitaire pour participer à la vie divine elle-même (cf. Catéchisme de l'Eglise catholique CEC 1996-97).
C'est pourquoi le thème que vous abordez au cours de ces journées est un thème important: l'approfondir, en considérant le développement qu'il a eu en Orient et en Occident, constituera certainement une occasion précieuse pour en saisir toute la richesse.
Je suis certain qu'une intense prière accompagnera les travaux du Symposium et aidera votre recherche, animée par une volonté sincère de compréhension et de charité fraternelle réciproque.
Moi aussi, pour ma part, je vous assure de mon souvenir dans la prière, alors qu'avec affection, j'invoque sur les organisateurs, sur les intervenants et sur tous les participants, la Bénédiction du Seigneur.
De Castel Gandolfo, le 10 août 2001
A Monsieur le Cardinal Roger Etchegaray,
Président émérite des Conseils pontificaux "Justice et Paix" et "Cor Unum"
Il m'est agréable d'adresser, par votre intermédiaire, un salut cordial aux illustres représentants des grandes Religions du monde, qui, cette année, se rassemblent à Barcelone pour la XVème Rencontre internationale de Prière pour la Paix dont le thème est: "Les frontières du dialogue: religions et civilisations dans le nouveau siècle".
Cette Rencontre constitue une étape importante, non seulement parce qu'elle est parvenue à sa XVème édition mais aussi parce que, à travers elle, vous voulez souligner les modalités selon lesquelles entrer dans cette nouvelle époque. Non seulement à travers des débats et des réflexions qui ont eu lieu ces jours-ci, mais aussi et surtout par votre présence, vous montrez au monde qu'il est bien de commencer le XXIème siècle non par des divergences, mais avec une vision commune: le rêve de l'unité de la famille humaine.
J'ai fait mien ce rêve quand, en octobre 1986, j'ai invité à Assise, mes frères chrétiens et les responsables des grandes Religions du monde afin de prier pour la paix: l'un avec l'autre et non l'un contre l'autre. En effet, je voulais que tous, jeunes et adultes, femmes et hommes, dans un monde encore divisé en deux blocs et conditionné par la peur de la guerre nucléaire, se sentent appelés à construire un avenir de paix et de prospérité. J'avais devant les yeux une grande vision: tous les peuples du monde en marche, de différents lieux de la Terre, pour se réunir auprès du Dieu unique comme une seule famille. En cet après-midi mémorable, dans la ville natale de saint François, ce rêve devenait réalité: c'était la première fois que des représentants de différentes religions du monde se retrouvaient ensemble.
Quinze années se sont écoulées depuis ce jour. Je profite de l'occasion pour remercier vivement la Communauté de Sant'Egidio pour avoir soutenu cette initiative et pour avoir continué à la proposer avec espérance, d'année en année, afin que les efforts en faveur de la paix se poursuivent sans faiblir, même face à de grandes adversités. Ces journées se déroulent dans un climat de fraternité, que j'ai voulu qualifier d'"esprit d'Assise". Au cours de ces années, une amitié profonde s'est établie, s'est étendue à de nombreuses autres parties du monde et a produit de nombreux fruits de paix. De nombreuses personnalités religieuses se sont associées aux premiers qui y ont pris part, par la prière et la réflexion. Des personnes non-croyantes cherchant honnêtement la vérité ont également assisté à ces rencontres par le dialogue, et en ont retiré une aide précieuse.
Je rends grâce à Dieu, riche en miséricorde et en bénédiction, pour le chemin parcouru au cours de ces années. Je me félicite avec vous tous de cette initiative. Les hommes et les femmes du monde voient de quelle manière vous avez appris à être ensemble et à prier, chacun selon sa propre tradition religieuse, sans confusion et dans le respect réciproque, en conservant intégralement et fermement ses propres croyances. Dans une société dans laquelle coexistent des personnes de religions différentes, cette rencontre représente un signe de paix. Tous peuvent constater comment, dans cet esprit, la paix entre les peuples n'est plus une lointaine utopie.
J'ose donc affirmer que ces Rencontres sont devenues un "signe des temps", comme l'aurait dit le Bienheureux Jean XXIII de vénérée mémoire. Un signe utile pour le XXIème siècle et pour le troisième millénaire, caractérisés toujours davantage par le pluralisme culturel et religieux, afin que leur avenir soit illuminé depuis le début par le dialogue fraternel et s'ouvre ainsi à la rencontre pacifique. Vous indiquez de manière visible comment franchir l'une des frontières les plus délicates et les plus urgentes de notre temps. En effet, le dialogue entre les religions non seulement éloigne "le spectre épouvantable des guerres de religion qui ont ensanglanté tant de périodes de l'histoire humaine" (Novo millennio ineunte NM 55), mais établit aussi et surtout des conditions plus sûres pour la paix. Nous tous, comme croyants, avons un devoir sérieux et dans le même temps passionnant et urgent: "Le nom du Dieu unique doit devenir toujours plus ce qu'il est, un nom de paix et un impératif de paix" (Ibid. NM NM 55).
Vous vous êtes rassemblés en cette ville de Catalogne, si chère à mon coeur, qui donne sur la Méditerranée et se tourne vers des horizons plus vastes. En cette circonstance, j'adresse un salut fraternel à l'Archidiocèse de Barcelone et à son éminent Archevêque, le Cardinal Ricardo María Carles Gordó, pour avoir collaboré à la réalisation de cette Rencontre. J'adresse également un salut respectueux à la Generalitat de Catalogne et à son Président, à la ville de Barcelone et à son maire qui ont rendu possible cette louable initiative.
Ensemble, chers frères et soeurs, "nous prendrons le large" dans le dialogue oecuménique. Que le troisième millénaire soit celui de l'union autour de l'unique Seigneur: Jésus-Christ! On ne peut plus tolérer le scandale de la division qui constitue un "non" répété à l'amour de Dieu. Laissons parler la force de l'amour qu'il nous a démontré afin d'avoir le courage de marcher ensemble.
Avec vous, Représentants des grandes Religions du monde, nous devons aussi "prendre le large" vers le grand océan de ce monde afin d'aider chacun à lever les yeux et à les tourner vers le Haut, vers l'unique Dieu et Père de tous les peuples de la Terre. Nous nous rendrons compte que les différences ne nous poussent pas au conflit mais au respect, à la collaboration loyale et à l'édification de la paix. Nous devons tous viser au dialogue et à l'amour comme aux uniques voies qui permettent de respecter les droits de chacun et d'affronter les grands défis du nouveau millénaire.
Du Vatican, le 28 août 2001, fête de saint Augustin
Chers frères dans l'épiscopat,
1. Je vous souhaite aujourd'hui une affectueuse bienvenue, à l'occasion de votre visite "ad limina Apostolorum", à travers laquelle vous désirez renouveler, en tant que pasteurs de l'Eglise qui est en pèlerinage en Uruguay, la communion avec le Successeur de Pierre et partager de manière apostolique les motifs de joie et d'espérance, d'inquiétude et de tristesse que vit la bien-aimée portion du peuple de Dieu qui est confiée à votre soin pastoral.
Je désire tout d'abord exprimer mon vif remerciement à Mgr Carlos Maria Collazzi Irazábal, Evêque de Mercedes et Président de la Conférence épiscopale, des paroles affectueuses qu'il m'a adressées au nom de tous. A travers celles-ci, il a en outre évoqué la situation de votre pays et l'action de l'Eglise qui anime la vie des fidèles et son progrès dans la foi au début du troisième millénaire.
2. Je conserve également un souvenir reconnaissant du pèlerinage national que vous avez effectué, ainsi qu'un grand nombre de catholiques uruguayens, l'année dernière à Rome comme "moment privilégié du grand Jubilé". Cette rencontre jubilaire coïncida, en outre, avec l'anniversaire de la mort de "Mgr Jacinto Vera, premier Evêque de l'Uruguay qui sut apporter, non sans difficultés, la présence de l'Eglise dans tous les lieux du pays" (Discours du 12 juin 2000).
Vous avez développé le grand héritage de ce Jubilé dans votre document collectif Orientations pastorales 2001-2006, en l'axant sur "la contemplation du visage du Christ, lui qui est considéré dans ses traits historiques et dans son mystère, accueilli dans sa présence multiple dans l'Eglise et dans le monde, proclamé comme sens de l'histoire et lumière sur notre route" (Novo millennio ineunte, n. 15). A travers ces paroles, je désire indiquer un objectif vers lequel tous doivent se diriger: la sainteté.
3. Dans l'exercice de votre ministère épiscopal, en tant que maîtres dans la foi, vous affrontez les diverses priorités pastorales en suivant avec fidélité les enseignements du Concile Vatican II, dans lequel "nous est offert une boussole fiable pour nous orienter sur le chemin du siècle qui commence" (Ibid., NM NM 57). En tenant compte des exigences actuelles de la nouvelle évangélisation, dans la perspective sotériologique, l'on doit tout d'abord présenter la personne et la mission du Christ.
Dans la cathédrale métropolitaine de Montevideo, au cours de ma première visite pastorale en Uruguay, j'ai affirmé: "Seigneur [...] nous devons proclamer sans aucune crainte la vérité complète et authentique sur ta personne, sur l'Eglise que tu as fondée, sur l'homme et le monde que tu as rachetés par ton sang, sans réductions ni ambiguïtés" (Discours du Saint-Père aux religieux, 31 mars 1987, n. 3; cf. ORLF n. 14, du 7 avril 1987). Il n'est pas suffisant de promouvoir "ce qu'on nomme les "valeurs du royaume", telles que la paix, la justice, la liberté, la fraternité" (Redemptoris missio RMi 17), si l'on ne proclame pas que "le Christ est l'unique médiateur entre Dieu et les hommes [...] sa médiation unique et universelle [...] est la voie tracée par Dieu lui-même" (Ibid., RMI RMi 5).
Le mystère du Christ est non seulement l'élément central de l'annonce, mais il aide à illuminer le mystère de l'homme (cf. Gaudium et spes GS 22). Le témoignage et l'annonce sont donc des réalités complémentaires et profondément liées entre elles qui, comme programme d'évangélisation, doivent tendre vers le "Christ lui-même, qu'il faut connaître, aimer, imiter, pour vivre en lui la vie trinitaire et pour transformer avec lui l'histoire jusqu'à son achèvement dans la Jérusalem céleste" (Novo millennio ineunte NM 29). L'évangélisation, en outre, "constitue le premier service que l'Eglise peut rendre à tout homme et à l'humanité entière dans le monde actuel, lequel connaît des conquêtes admirables mais semble avoir perdu le sens des réalités ultimes" (Redemptoris missio RMi 2).
4. Un événement important de votre vie ecclésiale a également été la célébration, à Colonia del Sacramento, du IVe Congrès eucharistique national, sur le thème "Jésus-Christ, plénitude de vie pour l'Uruguay". Il s'est agi d'un moment spécial de grâce qui doit se poursuivre, en encourageant les fidèles catholiques à vivre plus intensément le mystère de l'Eucharistie et à participer activement à la messe dominicale, en se préparant à recevoir la Sainte Communion dans les conditions appropriées. Cela les aidera à s'engager plus généreusement au service de leurs frères, en particulier les plus démunis.
On doit accorder à ce Sacrement "sa dimension totale et sa signification essentielle. Il est en même temps sacrement et sacrifice, sacrement et communion, sacrement et présence. Et bien qu'il soit vrai que l'Eucharistie fut toujours et doit être encore la révélation la plus profonde et la célébration la meilleure de la fraternité humaine des disciples du Christ et de ceux qui lui rendent témoignage, elle ne peut pas être traitée seulement comme une "occasion" de manifester cette fraternité. Dans la célébration du sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, il faut respecter la pleine dimension du mystère divin, le sens plénier de ce signe sacramentel" (Redemptor hominis RH 20).
5. En ce qui concerne les études théologiques et le monde de la culture, il faut louer le travail de la faculté de théologie de l'Uruguay "Mgr Mariano Soler", fondée récemment dans l'archidiocèse de Montevideo, ainsi que le Centre supérieur de théologie pastorale et le cycle triennal de théologie à l'attention des laïcs. Ces centres offrent une formation philosophique et théologique non seulement aux prêtres, mais également aux religieuses, aux religieux et aux laïcs.
On peut ainsi enrichir la culture uruguayenne en suivant la méthode de la première évangélisation, qui n'altéra pas le message chrétien face aux difficultés et au refus du milieu auquel il s'adressait, mais qui, grâce à la parole et au témoignage, réussit à orienter et à faciliter le changement de la culture elle-même. L'évangélisation de la culture exige en outre que "tout ce qu'il y a de germes de bien dans le coeur et la pensée des hommes ou dans leurs rites propres et leur culture ne doit pas être perdu, mais guéri, élevé, achevé pour la gloire de Dieu [...] et le bonheur de l'homme" (cf. Lumen gentium LG 17).
Dans l'accomplissement de cette mission, l'Eglise qui est en Uruguay, à travers presque cinq siècles de présence, a offert une contribution importante à la construction du pays. En effet, les chrétiens ont collaboré dans tous les domaines de la vie nationale. Dans ce substrat culturel catholique se sont formés les constructeurs de la nouvelle nation, qui ont donné des bases solides à la culture de leur patrie. Cela nous démontre que les institutions catholiques, de l'école à l'Université, possèdent une importance particulière pour l'évangélisation de la culture.
En outre, dans son action évangélisatrice, l'Eglise ne peut pas se passer des moyens de communication sociale pour atteindre les personnes d'aujourd'hui, en particulier les enfants et les jeunes, à travers des langages adaptés qui transmettent fidèlement le message évangélique. "Voilà donc l'audace à la fois humble et sereine qui inspire la présence chrétienne au sein du dialogue public des médias" (Message du Saint-Père pour la XXIIIème Journée mondiale des Communications sociales, 7 mai 1989, n. 5; cf. ORLF n. 5 du 31 janvier 1989).
6. A travers vous, je désire saluer avec une grande affection et dans un esprit de communion tous les prêtres de vos Eglises particulières. Ces derniers dirigent les communautés ecclésiales, qui constituent la réalité diocésaine, directement à travers la prédication et la vie sacramentelle. Vous devez consacrer à chacun d'eux les attentions et les soins que Jésus prêtait à ses Apôtres.
Dans le même temps, en tenant compte du fait que la préparation intellectuelle ne se termine pas avec le séminaire, il est nécessaire de les accompagner et de leur fournir tout type d'aide possible, notamment la formation permanente comme "processus de conversion continue" (Pastores dabo vobis PDV 70), qui comprend la dimension humaine, spirituelle, intellectuelle et pastorale du prêtre. Ainsi, ils seront capables d'orienter de façon adaptée le Peuple de Dieu, en particulier lorsque se diffusent de manière insidieuse des modèles de vie et de comportement qui mènent à la confusion et au relativisme des principes doctrinaux et moraux, comme vous l'avez souligné dans vos Orientations pastorales.
En outre, tous les prêtres des Instituts de Vie consacrée et des Sociétés de vie apostolique qui collaborent dans les diocèses appartiennent également au presbyterium diocésain. Ils doivent vivre leurs propres charismes dans l'unité, dans la communion entre les évêques et tous les prêtres, afin de constituer, pour le peuple fidèle, un exemple de l'unité voulue par le Christ (cf. Gn 17,21). Dans le même temps, l'action pastorale sera enrichie par la participation fraternelle aux divers charismes.
7. Préoccupés par le nombre restreint de personnes qui se consacrent à la mission, vous vous efforcez de promouvoir et de poursuivre avec soin une pastorale des vocations qui doit être tout d'abord accompagnée par la prière (cf. Mt 9,38). Les candidats doivent être guidés avec prudence et compétence, afin de pouvoir parcourir toutes les étapes requises pour pouvoir suivre le Christ dans la vie sacerdotale ou religieuse.
A cet égard, "il est donc nécessaire que l'Eglise du troisième millénaire stimule tous les baptisés et les confirmés à prendre conscience de leur responsabilité active dans la vie ecclésiale. A côté du ministère ordonné, d'autres ministères, institués ou simplement reconnus, peuvent fleurir au bénéfice de toute la communauté, la soutenant dans ses multiples besoins: de la catéchèse à l'animation liturgique, de l'éducation des jeunes aux expressions les plus diverses de la charité" (Novo millennio ineunte NM 46).
Tous doivent se sentir appelés à collaborer à cet effort de promotion des vocations au sacerdoce et à la vie consacrée, même dans des milieux peu propices et caractérisés par l'indifférence religieuse. "Il est nécessaire et urgent de mettre en oeuvre une pastorale des vocations largement diffusée, qui atteigne les paroisses, les lieux éducatifs, les familles, suscitant une réflexion plus attentive sur les valeurs essentielles de la vie, qui trouvent leur aboutissement dans la réponse que chacun est invité à donner à l'appel de Dieu, spécialement lorsque cet appel invite au don total de soi et de ses énergies pour la cause du Royaume" (Ibid. NM NM 46).
8. Parmi vos priorités pastorales, vous devez également considérer comme un devoir pressant de venir en aide aux parents pour être de bons pasteurs de l'"Eglise domestique". En effet, quand la famille participe profondément à la mission de l'Eglise, elle se transforme non seulement en sacrement de salut pour ses membres, mais elle réalise également en plénitude "la mission de garder, de révéler et de communiquer l'amour et la vie" (Familiaris consortio FC 17).
Dans vos Orientations pastorales, vous avez également souligné que, dans le monde contemporain, existe un affaiblissement généralisé de la signification naturelle et religieuse du mariage, qui a des conséquences préoccupantes, que ce soit dans le domaine personnel ou dans le domaine public. C'est pourquoi il faut prêter une attention particulière à toutes les familles et non seulement à celles qui accomplissent leur mission au service de la vie, de sa conception jusqu'à la mort naturelle, toujours dans l'amour conjugal et familial. Il est également nécessaire d'effectuer un discernement pastoral sur les formes alternatives d'union qui affectent aujourd'hui l'institution de la famille en Uruguay, en particulier celles qui considèrent comme des réalités familiales les simples unions de fait, en ignorant le concept authentique d'amour conjugal.
A ce propos, j'ai rappelé que "toute loi qui nuirait à la famille et porterait atteinte à son unité et à son indissolubilité, ou bien qui conférerait une valeur légale à des unions entre personnes, y compris du même sexe, qui prétendraient se substituer avec les mêmes droits à la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme [...] n'est pas une loi conforme au dessein divin" (Discours du Pape à l'Assemblée des Parlementaires du monde, 4 novembre 2000, n. 4; cf. ORLF n. 45, du 7 novembre 2000).
9. Face aux graves et fréquents problèmes d'ordre social, l'Eglise, suivant sa Doctrine sociale, cherche à apporter des réponses et à trouver des solutions concrètes. A travers la Pastorale sociale, elle cherche à promouvoir la culture de la solidarité, en conservant l'option préférentielle pour les pauvres par la pratique d'un amour actif et concret envers chaque être humain, face aux tentations d'indifférence ou d'inhibition. Il s'agit d'un domaine qui "sans jamais céder à la tentation de réduire les communautés chrétiennes à des services sociaux" (Novo millennio ineunte NM 52) caractérise de façon décisive la vie chrétienne, le style ecclésial et la programmation pastorale.
Je sais que l'Eglise en Uruguay, malgré ses ressources matérielles limitées, est l'une des premières à prêter attention aux personnes et aux familles qui vivent dans des conditions très au-dessous du seuil minimum de la dignité humaine, et dans la lutte contre "les nouvelles pauvretés". L'Eglise, à travers les prêtres, les religieux et les religieuses, les personnes consacrées et les laïcs engagés, est présente dans les quartiers à la périphérie des villes et elle est active à travers des écoles et de nombreuses autres formes d'aide aux plus pauvres et aux indigents.
10. A la fin de cette rencontre fraternelle, je vous prie d'inviter les prêtres, les religieuses, les religieux, les séminaristes et les laïcs engagés à "avancer en eau profonde" dans leur service à l'Eglise et au peuple uruguayen, sans l'abandonner et en restant fidèles au Christ et à ses frères.
J'invoque la protection maternelle de la Vierge des Trente-trois, Mère du peuple uruguayen, en rendant grâce pour tout ce que nous avons partagé au cours de ces journées. Laissez-vous guider par Marie, Etoile de l'Evangélisation, qui indique toujours le chemin sûr. Dans le même temps, et comme expression de ma grande affection dans le Seigneur, je vous donne ma Bénédiction apostolique, que j'étends volontiers à chacun de vos chers frères diocésains.
Révérend Abbé Primat,
Chers chanoines réguliers de Saint-Augustin!
1. Je suis heureux de vous accueillir à l'occasion du Congrès international de votre Confédération et je souhaite une cordiale bienvenue à chacun de vous. Je salue le cher Abbé Primat et je le remercie de s'être fait l'interprète des sentiments communs. Je salue tous ceux qui ont pris part à votre rencontre qui vient de se conclure, qui a eu pour thème: "La participation des Laïcs à notre charisme".
Il s'agit d'une occasion importante qui vous est offerte pour réfléchir sur une ancienne forme de vie religieuse, qui puise ses racines dans la formule traditionnelle "Contemplare, et contemplata aliis tradere". La vénérée tradition augustinienne unit l'esprit contemplatif à l'activité apostolique et ce style de vie caractérise aujourd'hui encore vos communautés présentes sur chaque continent. Vous poursuivez ainsi une spiritualité capable de parler à l'esprit et au coeur des hommes d'aujourd'hui à la recherche de modèles spirituels auxquels s'inspirer de façon bénéfique. Tandis que je vous félicite avec joie de votre vitalité, je vous exhorte à persévérer dans l'engagement d'offrir à tous ceux que vous rencontrez dans votre apostolat, l'annonce évangélique éternelle, traduite dans le témoignage quotidien de fidélité à votre charisme.
2. Dans l'histoire de l'Eglise, votre Ordre de grand mérite, qui s'inspire du grand pasteur et docteur Saint Augustin, a joué un rôle significatif. Dans la mesure où s'affirmait le célibat du clergé, la vie en commun des chanoines réguliers autour des Evêques permit de créer les meilleures conditions pour un don total à la cause du Royaume de Dieu. La diffusion rapide de cette pratique au sein du clergé, de l'Afrique nord-occidentale à l'Espagne, de l'Italie à la France, et tout le nord de l'Europe, témoigne de sa validité.
Il s'agit d'une forme typique de vie consacrée caractérisée par la communion fraternelle, l'apostolat et un intense souffle liturgique. Ces trois éléments conservent intacte leur validité, même s'ils exigent d'être attentivement adaptés aux exigences des temps qui évoluent rapidement. A cet égard, vous pouvez trouver une assistance importante dans cette même Règle qui, bien que liée à la spiritualité des premières communautés de chanoines, demeure toujours actuelle, car elle présente le charisme communautaire lié à des principes évangéliques impérissables, tels que la charité, l'unité, la liberté.
3. Dans votre Règle, qui réunit le coeur, l'esprit, la personnalité, la maturité humaine et religieuse de saint Augustin, tout est centré sur le Christ, tout s'organise autour du Christ, sublime Maître divin intérieur. Tout invite à la redécouverte d'une ascèse qui se caractérise comme obéissance et fidélité à l'Esprit.
De là découle l'accent particulier placé par saint Augustin sur la valeur de la contemplation et sur son lien étroit avec la vie communautaire. La contemplation, qui jaillit d'une orientation radicale vers le Christ, consiste à maintenir le regard fixé sur Lui pour se laisser imprégner et transformer par son Esprit. Cela exige un effort incessant pour approfondir l'Evangile et le mettre en pratique, en vivant en communauté une authentique charité fraternelle, sincère et généreuse, fruit et en même temps moyen pour progresser sur l'itinéraire intérieur contemplatif. La charité fraternelle qui a son origine dans le contact intime avec le Seigneur, devient de cette façon un don et une grâce à partager avec ses frères.
Telle est la contribution que l'Eglise attend de vous. Je suis certain que, en vivant pleinement votre charisme, vous pourrez aider l'Eglise à atteindre les objectifs missionnaires vers lesquels elle est projetée, en imprégnant, dans la mesure de vos compétences, une impulsion bénéfique à la nouvelle évangélisation.
4. Le thème même du Congrès, en ce qui concerne la participation des laïcs au charisme de l'Ordre, souligne un aspect important de votre contribution à l'action évangélisatrice de la communauté ecclésiale. Dans la mesure où celle-ci cherche à valoriser le sacerdoce commun à tous les baptisés et invite les fidèles laïcs à être missionnaires dans le monde moderne complexe, votre proposition de vie représente déjà un modèle à suivre. En effet, vous présentez une expérience de communauté dans laquelle les laïcs assument avec une participation responsable leur rôle ecclésial spécifique, renforcés par la grâce qui provient d'une spiritualité liturgique approfondie. Tout cela crée les conditions pour un service efficace à l'évangélisation, en faisant revivre le climat de la première communauté chrétienne, où "ils se montraient assidus à l'enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières" (Ac 2,42).
Très chers frères! Tandis que nous inaugurons le nouveau millénaire, devant affronter de nombreux défis sociaux et religieux, témoignez avec courage de votre fidélité à la mission que le Seigneur vous confie, en suivant l'exemple de saint Augustin, Pasteur zélé et courageux. Comme lui, confiez-vous à l'action de l'Esprit et ne craignez pas de vous ouvrir avec un optimisme évangélique aux nécessités de l'homme, "toujours prêts à la défense contre quiconque vous demande raison de l'espérance qui est en vous" (1P 3,15).
Que la Très Sainte Vierge, que vous vénérez avec un élan filial particulier, vous accompagne et fasse fructifier votre ministère quotidien. Que vous aide également la Bénédiction, que je vous donne de tout coeur, ainsi qu'à vos confrères et à tous ceux qui font référence à votre spiritualité augustinienne.
Monsieur l'Ambassadeur,
C'est avec un grand plaisir que je vous accueille à Castel Gandolfo ce matin et que j'accepte les Lettres de Créance qui vous accréditent comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d'Irlande près le Saint-Siège. Je vous remercie des salutations que vous m'avez transmises de la part du Président, Mme Mary McAleese, et je lui transmets en retour, ainsi qu'au peuple d'Irlande, mes meilleurs voeux et l'assurance de ma bienveillance et de mes prières.
Vous avez mentionné les célébrations du grand Jubilé qui ont eu lieu l'an dernier pour marquer le deux-millième anniversaire de la naissance du Christ. Le Jubilé a été une occasion pour l'Eglise dans le monde de renouveler son engagement à l'Evangile et son service à l'humanité. De nombreux Irlandais sont venus à Rome au cours de l'année jubilaire, manifestant les liens d'union avec le Successeur de Pierre qui ont caractérisé l'Eglise en Irlande depuis l'époque de saint Patrick, et même avant lui. Il est impossible de penser à l'Irlande sans rappeler sa tradition monastique, son amour de la science et le zèle missionnaire qui a conduit de nombreux hommes et femmes tout au long des siècles à devenir peregrini pro Christo dans le monde.
Les fondements chrétiens de l'Europe doivent beaucoup à la vision de grands saints irlandais tels que Colomba, Gall et Killian. Au cours des périodes plus troublées qui ont suivi, les Irlandaises et les Irlandais ont subi la discrimination, la persécution, et même le martyre, en raison de leur fidélité solide à la foi de leurs ancêtres. Cet héritage a profondément marqué le caractère et la culture du peuple irlandais, qui est particulièrement sensible aux souffrances des autres peuples, et a fait preuve d'une générosité et d'une solidarité remarquables à leur égard. Même aujourd'hui, les Irlandaises et les Irlandais sont au premier plan de l'oeuvre d'évangélisation et de service de l'Eglise et ils apportent souvent un témoignage suprême de leur foi et de leur engagement, comme ce fut le cas très récemment du Père Rufus Halley, un membre irlandais de la Famille de Colomba, aux Philippines.
Ces dernières années ont apporté de rapides changements sociaux et économiques, produisant de nombreux développements positifs, mais également des exigences nouvelles et parfois déstabilisantes sur les individus et la société. En particulier, comme vous l'avez observé, il est nécessaire d'identifier les tendances et les changements qui encouragent le véritable progrès, tout en sauvegardant les valeurs sur lesquelles votre nation est édifiée. Un pays est plus que la somme de ses richesses et de ses forces; c'est aussi le berceau et le foyer de l'âme et de l'esprit d'un peuple.
Le véritable développement n'est possible que sur la base d'un juste concept de la personne humaine et de ce qui constitue le bien et bien-être véritable d'un peuple. Les choix accomplis dans le domaine économique et social révèlent la conception d'ensemble qu'une société a de la vie. Un tableau complet de la personne humaine respecte toutes les dimensions de son être et soumet les dimensions matérielles et liées à l'instinct à celles intérieures, rationnelles et spirituelles.
Il faut accomplir des efforts éducatifs et culturels considérables afin d'assurer que les personnes, outre à développer de nouvelles capacités et compétences technologiques de pointe, sont également formées à utiliser de façon responsable leur nouvelle capacité à choisir afin de distinguer ce qui est important de ce qui est éphémère. C'est pour cette raison que la primauté de l'être sur l'avoir, qui comporte la recherche de ce qui est vrai, bon et beau, doit toujours être considérée comme centrale pour une culture si l'on veut que les personnes aient une vie véritablement heureuse et satisfaisante. La sagesse et les ressources léguées par l'héritage et la tradition irlandaises, ainsi que les dons et les talents de ses citoyens, devraient continuer à représenter une orientation et une inspiration sûres pour le progrès social.
La famille joue un rôle essentiel pour aider ses membres à croître afin d'atteindre une pleine maturation humaine, et pouvoir jouer un rôle responsable dans la société. C'est dans la famille que les personnes reçoivent les premières idées qui les formeront à la vérité, à la bonté, à l'amour, à l'engagement et au service des autres. Aujourd'hui toutefois, la famille subit des pressions croissantes de la part d'un ensemble de forces qui tendent à soumettre la valeur transcendantale de la vie à d'autres intérêts immédiats ou même à la commodité personnelle. Lorsque l'Eglise défend le droit à la vie de chaque personne innocente - de sa conception à sa mort naturelle - en tant que l'un des piliers sur lesquels repose la société civile, elle ne fait que promouvoir un Etat humain, une communauté en accord fondamental avec la nature humaine. Une société manque de fondements solides lorsque, d'une part, elle affirme des valeurs comme la dignité de la personne, la justice et la paix et, d'autre part, agit de façon contraire en permettant ou en adoptant des pratiques qui dévalorisent et violent la vie humaine, en particulier là où elle est le plus vulnérable (cf. Evangelium vitae EV 101). Ce n'est que là où existe un respect inconditionnel pour le droit à la vie que peuvent être sauvegardés d'autres droits inaliénables. Et ce n'est que sur un tel fondement objectif que peuvent être édifiés la véritable démocratie et le bien commun.
Monsieur l'Ambassadeur, vous avez mentionné la conscience que l'Irlande a de ses responsabilités et son rôle croissant au sein de la Communauté internationale. Comme vous le savez, le Saint-Siège est profondément préoccupé par l'apparition et par la croissance de tensions nouvelles et anciennes dans de nombreuses parties du monde. L'une des tensions qui s'est amplifiée récemment, notamment en raison de la mobilité croissante des personnes, est celle de la discrimination raciale, qui est le thème de la Conférence des Nations unies qui se conclue aujourd'hui à Durban, en Afrique du Sud.
La réapparition préoccupante de formes agressives de nationalisme et de racisme représente de graves menaces à la dignité humaine et mine la coexistence sociale, la paix et l'harmonie. L'Eglise réprouve comme étant contraire à la volonté de Dieu toutes les formes de discrimination ou de harcèlement de personnes dues à leur race, leur couleur, leur condition de vie ou leur religion (cf. Nostra aetate NAE 5). Une culture d'ouverture et d'acceptation réciproque doit être promue; cela exige des initiatives adaptées en matière d'éducation et la protection légale des droits fondamentaux de tous. La tradition d'hospitalité chaleureuse de l'Irlande ne peut manquer précisément au moment où le monde a besoin d'attitudes d'égalité, de justice et de solidarité à l'égard de ceux qui sont dans le besoin.
Je me rappelle souvent de ma visite en Irlande en 1979 lorsque j'ai fait l'expérience personnelle de la bonté, de l'hospitalité et de la profonde foi religieuse de votre peuple. Alors que j'étais là-bas, j'ai demandé que ceux qui sont impliqués dans la violence en Irlande du Nord renoncent à utiliser les armes et empruntent la voie du dialogue et de la paix. Un progrès considérable a été accompli ces derniers temps à cet égard et nous devons espérer qu'un nouvel esprit d'engagement éclairé à la cause du bien commun dominera véritablement à tous les niveaux. Les difficultés actuelles nous rappellent que la paix est une réalité fragile qui appelle à la bonne volonté constante et à l'application de mesures pratiques nécessaires en vue d'une société juste et harmonieuse.
Monsieur l'Ambassadeur, tandis que vous commencez vos fonctions en tant que Représentant de votre pays près le Saint-Siège, je vous assure de mes prières pour le succès de votre mission. Soyez assuré que les divers bureaux de la Curie Romaine seront heureux de vous assister dans cette mission. Je demande à Dieu tout-puissant une abondance de Bénédictions sur vous et sur le bien-aimé peuple d'Irlande.
Discours 2001 - Jeudi 30 août 2001