Scivias FR 2600
2600
Condensé par le Père Lachère, ed. 1863:
LA PRIÈRE SUSCIPE DU CANON DE LA MESSE.
Je vis ensuite que, tandis que le Fils de Dieu était suspendu à la croix, cette imagé de femme dont il est question, s’avança en toute hâte, suivant l’ancien décret, comme une brillante lumière; elle fut amenée devant lui par la divine puissance (1), fut arrosée, en s’élevant jusqu'à lui, du sang qui découlait de son côté, lui fut unie par un heureux hymen, conformément à la volonté du Père céleste, et noblement dotée de son corps et de son sang. Et j’entendis une voix du ciel me dire : « Cette femme, ô mon Fils, est ton épouse pour le rétablissement de mon peuple (2); qu'elle en soit la mère, régénérant les âmes par le salut que procurent l'Esprit et l'eau.
Et, comme cette image commençait déjà à augmenter ses forces en cette manière (3), je vis un autel dont elle s'approchait souvent, et elle visitait de nouveau dévotement sa dot (4), la montrant humblement au Père céleste et aux saints Anges.
De là vient aussi que, lorsque le prêtre, revêtu des ornements sacrés, s'approchait de cet autel, pour y célébrer les divins mystères, je voyais que, soudain une grande sérénité de lumière venait du ciel avec le cortège des Anges illuminer tout cet autel, et ne le quittait point que le prêtre ne se fût retiré après le saint sacrifice terminé. Là aussi, lorsque l'Evangile de paix étant récité, les offrandes étant posées sur l’autel, le prêtre chantait les louanges de Dieu, en disant : Saint, Saint, Saint est le Seigneur Très-Haut, et commençait ainsi les ineffables mystères, soudain un éclair de feu d’une clarté éblouissante descendait du ciel ouvert sur cette même offrande, et la pénétrait toute de son éclat, comme la lumière du soleil communique la sienne au corps qu’il pénètre de ses rayons. Mais au moment où cette lumière frappa de son éclat cette offrande, elle l’emporta en haut invisiblement jusqu’aux secrets du ciel (1), et la redescendit sur ce même autel. Tel qu’on voit un homme retirer en lui son haleine, pour l’exhaler ensuite au dehors, tels sont le véritable corps et le vrai sang, quoiqu’aux yeux il n’apparaisse que du pain et du vin (2).
Et, lorsque je considérais ces choses, aussitôt les signes de la Naissance, de la Passion, de la Sépulture, de la Résurrection, et de l’Ascension de Notre-Seigneur, du Fils unique de Dieu, apparurent comme en un miroir, de la manière que, ces mystères se sont accomplis par le Fils de Dieu, lorsqu’il était sur la terre (1). Mais, lorsque le prêtre chantait le cantique de l’innocent Agneau, qui ôte les péchés du monde, et se disposait à recevoir la sainte communion, ce même éclair de feu remonta vers les cieux, et le ciel fermé (2), j’entendis une voix qui disait : « Mangez et buvez, mes amis, c’est mon corps et mon sang pour détruire la prévarication d’Ève, et vous rétablir dans le légitime héritage. »
Et aussi, lorsque les autres hommes s’approchaient du prêtre pour recevoir le saint Sacrement, je voyais en eux cinq dispositions : Les uns avaient leur corps lumineux, leur âme toute de feu ; les autres avaient leur corps pâle comme la mort, et leur âme ténébreuse (1). D’autres avaient le corps couvert de poil, et dans leur âme ils étaient remplis des souillures de l'humaine faiblesse (2). D’autres dans leur corp* étaient entourés d’épines très-aiguës, et dans leur âme ils ressemblaient à des lépreux (3). D’autres enfin, dans leur corps étaient couverts de sang, et dans leur àme ils paraissaient fétides comme UP cadavre en pourriture (4). Et de tous ceux-ci qui recevaient les mêmes Sacrements, les uns étaient pénétrés de cette lumière de feu, les autres étaient comme plongés dans les ténèbres d’un nuage obscur.
Et après l’achèvement des saints Mystères, pendant que le prêtre se retirait de l’autel, la lumière sereine, qui, partant du ciel, avait tout illuminé l’autel, comme il a été dit, fut ramenée en haut vers les secrets célestes. Et j’entendis encore une voix du haut du ciel me dire : « C’est à Jésus-Christ, Fils de Dieu, suspendu au bois de sa Passion, que l’Église est associée dans l’initiation des divins secrets, elle qui a été dotée de son précieux sang. Et elle le prouve toutes les fois qu’elle s’approche de l’autel pour demander sa dot; et elle considère avec grand soin avec quelle dévotion ses enfants s'approchent pour participer aux divins Mystères. »
2700
L’ANTECHRIST.
Je vis ensuite une lumière ardente d’une aussi grande étendue que peut l’être l’ombre d’une montagne énorme et fort élevée, qui se divisait à son sommet en plusieurs langues (1). Et devant cette lumière il y avait une multitude d’hommes en blanc, devant lesquels était un voile transparent comme le cristal qui les couvrait depuis la poitrine jusqu’aux pieds (2).
Mais devant cette multitude il y avait un ver énormément gros et grand, qui se tenait couché dans un chemin (1) ; d’une si grande horreur et d’une si grande fureur qu’on ne saurait l’exprimer. A sa gauche était une place publique, dans laquelle on remarquait étalés les richesses des hommes, les objets de leur volupté, et plusieurs autres choses dont ils faisaient trafic (2). Et dans cette place étaient aussi des gens qui s’agitaient beaucoup, sans se livrer au commerce (3), et d’autres qui, marchant plus lentement, s’occupaient du négoce (4).
Or, ce ver noir, couvert de poils, d’ulcères et de sanie, avait de la tête aux pieds sur le ventre plusieurs variétés de couleurs en forme d’anneaux : l’une était verte, l’autre blanche, l’autre rouge, l’autre jaune et l’autre noire, et était rempli d’un venin mortel (1). Et sa tête avait été brisée à tel point, que sa mâchoire gauche paraissait tomber en dissolution (2). Ses yeux étaient pleins de sang au dehors et de feu au dedans (3) ; ses oreilles étaient rondes et velues (4) ; ses narines et sa bouche étaient comme celles de la vipère (5) ; ses mains ressemblaient à celles de l’homme (6) ; ses pieds étaient comme ceux de la vipère (7) ; et sa queue écourtée était d'un aspect repoussant (8). Une chaîne avait été mise à son cou, qui lui liait aussi les mains et les pieds ; et cette chaîne était solidement attachée à la pierre de l’abîme, et elle l'avait si fortement serré (1), qu'il ne pouvait se mouvoir ni d'un côté ni d'un autre, pour se livrer à sa perversité.
Or, de sa bouche sortaient quantité de flammes se divisant en quatre parties : l'une s'élevait jusqu'aux nuages, l'autre brûlait au milieu des hommes du siècle, une autre attaquait les parfaits, une autre descendait jusque dans l'abîme. La flamme qui montait vers les nuages s'en prenait aux hommes qui voulaient s’élever dans les nues : Et il y en avait de trois sortes. Une troupe était près des nuages, l’autre troupe se tenait dans le milieu qui est entre les nuages et la terre, et l'autre rasait la terre ; mais toutes trois répétaient à cris redoublés : « Allons au ciel » (2). Mais renversés çà et là par cette flamme, quelques-uns ne tombaient pas, d’autres se tenaient à peine sur leurs pieds, d'autres tombaient par terre, mais se relevaient pour se diriger vers le ciel.
Quant à cette flamme qui se répandait parmi les hommes du siècle, elle en brûla plusieurs et les rendit tout noirs, et elle en transperça plusieurs de sa pointe, de sorte qu'elle les amenait à tout ce qu'elle voulait (1). Mais quelques-uns, s'en échappant pour accourir vers ceux qui se portaient aux cieux : « O vous, s'écriaient-ils avec les mêmes accents, justes, venez à notre secours, » tandis que plusieurs autres demeuraient transpercés. Et cette flamme qui attaquait les parfaits (2) les couvrit de son ombre (3). Et je les aperçus sous six différentes formes. Car cette même flamme les affligea d'un cruel incendie; mais sur ceux qu'elle ne put atteindre, elle lança vivement ce venin de couleur verte (4), blanchâtre (5), rouge (6), jaune (7) et noire, (8), qui sortait du ver de la tête aux pieds (9).
Et la flamme qui descendait vers l'abîme, avait en elle-même différents genres de supplices contre ceux qui, n'étant point purifiés par les eaux du baptême, ignorant la lumière de la vérité et de la Foi, avaient reconnu Satan pour leur dieu (1).
Je vis sortir aussi de sa bouche en sifflant des flèches très-aiguës (2) ; sa poitrine exhalait une fumée noire (3) ; de ses reins partait en bouillant une liqueur envenimée (4); de son ventre s’échappait un tourbillon de vapeurs (5) ; et de l’extrémité de ses entrailles fourmillait la tourbe impure des marécages (6) ; et tous ces fléaux remplissaient les hommes d’une grande inquiétude. Et de ce ver partait un nuage affreux avec la plus pernicieuse contagion pour corrompre la plupart des gens par sa malice (7).
Et voilà qu’une grande multitude d’hommes (8) s’avança revêtus d’une grande clarté ; et elle tourmentait vivement ce ver, en le foulant tout aux pieds avec courage, de manière cependant qu’ils ne pouvaient être blessés ni par ses flammes, ni par son venin.
Et j’entendis encore une voix du ciel me dire : « Dieu, qui règle tout avec justice et droiture, appelle les peuples à la gloire du céleste héritage, tandis que l’ancien Séducteur, dressant ses embûches, essaye de les en détourner, et exerce contre eux les ruses de sa méchanceté. Mais, vaincu par eux, il reçoit la honte de ses folles prétentions, puisqu’ils possèdent la céleste patrie, tandis que lui-même est plongé dans les horreurs de l’enfer. »
Le temple de Jérusalem.
Gloria Spiritui Sancto.
Le temple de Dieu! le temple de Dieu ! C'est le temple de Dieu! (Jr 7,4)
3100
L’ETOILE.
Et moi, qui ne suis parmi tous les hommes, dont je suis issue, qu’une indigne de porter le nom d’homme, à cause de la transgression de la loi de Dieu, puisque appelée à la justice, je vis dans l’iniquité, à moins que par la grâce de Dieu qui me sauvera quand même, je puisse encore me considérer comme sa créature, j’ai tourné mes regards vers l’orient (1) ; et là j’ai vu un monolythe extrêmement large et haut, couleur de fer (l). Au-dessus était une nuée d’une éclatante blancheur, sur laquelle était un trône royal de forme ronde (2) ; sur ce trône siégeait un brillant jeune homme (3) , d’une gloire admirable, et d’une si grande clarté, que je ne pouvais même distinguer ses formes. Et il avait comme en son cœur un limon noir et glaiseux (4), large comme la poitrine d’un homme, et entouré de pierres précieuses et de perles fines.
Et de ce brillant jeune homme assis sur le trône partait un grand cercle d’or (5), comme l’aurore (6) qui se portait de l’orient au septentrion et de l’occident au midi, se reflétant sans fin à l’orient sur ce brillant jeune homme (7).
Or, ce cercle était à une si grande hauteur de terre, que je ne pouvais le comprendre ; il produisait dé lui-même une splendeur terrible, couleur de pierre, de ciment et de feu (1). Se portant vers les hauteurs du ciel dans toute son ampleur, il plongeait de même en dessous dans les profondeurs de l'abîme, de manière que je ne pouvais en voir la fin (2).
Alors je vis du secret même (3) de celui qui est assis sur le trône une grande étoile (4), et avec elle une grande multitude de brillantes étincelles. Mais, lorsque ces étincelles (5) furent amenées vers le midi (6) avec cette étoile, elles traitèrent d'étranger celui qui était assis sur le trône, et se détournant, elles s'égaraient vers l’Aquilon plutôt (7) qu'elles ne désiraient de le voir. Mais à peine avaient-elles détourné la vue, que toutes s'éteignirent et se changèrent en de noirs charbons (8).
Et voici qu'un tourbillon impétueux s’éleva par la puissance de l'étoile (l), qui, tout à coup les lança du midi derrière le trône jusqu’à l’Aquilon pour les précipiter dans l’abîme, où il me fut impossible de les revoir. Mais cette grande splendeur (2), qui leur fut ainsi enlevée, je la vis aussitôt après leur anéantissement, revenir vers Celui qui siégeait sur le trône (3). Et j’entendis Celui qui était assis sur le trône me dire « Écris ce que tu vois et ce que tu entends. »
Et j’ai répondu d’après la connaissance que j’avais de cette vision : « Je vous prie, ô mon Seigneur, de me donner l’intelligence, afin que je puisse reproduire d’une manière convenable ces mystères. Ne m’abandonnez pas, mais confirmez en moi ce que j’entrevois de l’aurore de votre justice (4), dans laquelle s’est manifesté votre Fils ; et donnez-moi ce qui m’est nécessaire pour avoir les moyens et le courage d’annoncer votre divin conseil qui se réalise conformément à vos anciens décrets : Vous avez voulu l’Incarnation, et que votre Fils se fit homme au temps déterminé. Vous avez résolu avant toute créature dans la simplicité de votre être et sous le feu de la colombe, c'est-à-dire du Saint-Esprit, que votre propre Fils, à son admirable lever comme un soleil, se revêtît véritablement de l'humanité dans celle qui fut à la tête de la virginité, et qu’il prit la forme humaine par amour pour l’homme. »
Et je l’entendis de nouveau me dire : « Oh ! qu’ils sont beaux tes yeux dans ce divin récit, où, selon la volonté divine, l’aurore (1) se révèle. » Et j’ai répondu, d’après la connaissance que j’avais de cette vision : « Il me semble au fond de mon cœur, que je suis comme la cendre d’une pourriture en poudre, comme une poussière sans consistance. C’est pourquoi je me tiens dans l’ombre, comme cachée sous l’aile, mais ne me rejetez pas de la terre des vivants comme une étrangère (2), car je travaille avec beaucoup de peine à cette vision, et même dans l’humiliation où me plonge l’insuffisance de mes facultés, qui est le propre de ma nature, je me considère souvent au rang le plus bas, comme à la dernière place, parce que je ne suis pas digne d’être comptée parmi les hommes, et que je crains extrêmement, dans ma timidité, de raconter vos mystères. O le meilleur et le plus doux des pères, enseignez-moi quelle est votre volonté, ce que je dois dire : O vous, Père redoutable, mais le plus débonnaire, ô vous qui avez les mains chargées de toutes les grâces, ne m’abandonnez pas, mais con- servez-moi dans votre miséricorde. »
Et je l’entendis encore me dire : « Annonce maintenant ce que tu sais; je veux que tu parles, quoique tu ne sois que poussière. Dis la révélation du pain (1), qui est le Fils de Dieu, qui est la vie dans son amour de feu, lui qui ressuscite tous les morts en corps et en âme, et qui remet les péchés absous dans une clarté sereine ; car, il est le Principe de la rénovation de la sainteté dans l’homme avant qu’il le ressuscite en lui-même. C’est pourquoi le Dieu magnifique, glorieux et incompréhensible a donné à l’homme un grand secours, en envoyant son Fils dans la pureté de la virginité (2), qui n'ayant contracté aucune souillure dans sa virginité, n'a jamais perdu sa force. Il ne peut, il ne doit y avoir dans l'esprit de la Vierge aucune tache originelle, parce qu’elle était la meurtrière et la mort même de la mort du genre humain. Oui, la mort fut trompée, sans le savoir, comme en un sommeil, lorsque le Fils de Dieu vint au milieu du plus profond silence dans cette aurore, c’est-à-dire dans une humble Vierge (1). La mort avançait tranquille, ne sachant pas la vie que cette douce Vierge portait dans son sein, car sa virginité lui était cachée. Et cette Vierge était pauvre des richesses de la terre, parce que la divine Majesté la voulut prendre dans cet état. »
« Écris donc maintenant touchant la vraie connaissance du Dieu créateur qui se révèle dans sa bonté.
3200
LE TEMPLE DE JÉRUSALEM.
Je vis ensuite au milieu du cercle (1) [Y], qui partait du jeune homme assis sur le trône comme une immense montagne (2), unie à la carrière de la pierre énorme, au- dessus de laquelle étaient et le nuage et le trône et celui qui y siégeait, de sorte que cette pierre paraissait avoir en hauteur la même dimension que la montagne avait en largeur (3).
Et sur cette montagne était placé un édifice quadrangulaire, qui présentait la forme d’une ville carrée; et le site en était un peu oblique (4). L’un des angles regardait l’orient, l’autre l’occident, l’autre le septentrion et l’autre le midi. Or, l’édifice avait dans son enceinte une muraille de deux formes différentes, l’une de ces formes était lumineuse comme la lumière du jour [EN]; et l’autre était comme l’assemblage de pierres de taille, qui se joignait à l’autre mur oriental (1) [NOME], et à l’angle occidental (2) ; en sorte que la partie lumineuse du mur s’étendait d’un seul tenant et sans interruption (3) depuis l’angle oriental jusqu’à l’angle septentrional ; et l’autre partie du mur en pierres de taille s’étendait depuis l’angle septentrional , jusqu’à l’angle occidental et à l’angle méridional, ayant deux lacunes, savoir : de l’angle occidental à l’angle du midi (4) [OM].
Or, la longueur de l’édifice était de cent coudées et sa largeur de cinquante coudées (5), et sa hauteur de cinq coudées; de sorte que sur les côtés les deux murs étaient de la même longueur (1), et les deux murs de ce même édifice étaient de la même largeur sur la façade (2) et à son extrémité (3). Et ces quatre murs étaient autour du même édifice partout de la même hauteur (4), excepté les redoutes qui la dépassaient de portée en portée (5).
La distance qui se trouvait entre cet édifice et cette lumière, qui s'échappait de ce cercle dans les profondeurs de l’abîme, n'était que d'un palme à l’angle oriental (6) (EJ; mais ailleurs, c'est-à-dire au septentrion, à l'occident et au midi ce cercle était si éloigné de l'édifice, que je ne pouvais en aucune manière en mesurer l'étendue.
Et, tandis que j'étais saisie d'admiration, celui qui siégeait sur le trône, me dit encore : « La Foi, qui chez les Saints de l'ancienne Loi, est apparue sombre comme une œuvre de justice édifiée sur la bonté du Père, est devenue après l’incarnation du Fils de Dieu dans une manifestation toute ouverte, comme une lumière ardente par des œuvres de lumière, lorsque le Fils de Dieu, dédaignant les choses passagères, a enseigné, par son exemple, à les fouler aux pieds, pour aimer les choses du ciel. Les anciens Pères, ne fuyant point le monde, ' et ne s'en séparant pas, n’honoraient Dieu que dans la simplicité de leur Foi et dans une humble dépendance, parce qu'on ne leur avait pas encore appris à tout quitter. »
3300
L’ÉGLISE DU DERNIER AGE.
Ensuite je vis apparaître au milieu de la longueur de la partie du mur illuminée (I) de l’édifice en question une tour couleur de fer (2), qui flanquait extérieurement ce mur [T] (3). Sa largeur était de quatre coudées (4), et sa hauteur de sept coudées (5), dans laquelle je remarquai cinq statues placées chacune dans chacun des arcs dominé par un clocheton (6). L'une d’elles regardait l’orient, la seconde l’aquilon, la troisième le septentrion, la quatrième était dirigée vers la colonne du Verbe de Dieu [V], dans laquelle se trouvait la racine du patriarche Abraham, et la cinquième à la tour de l’Église [T] vers les hommes qui se promenaient çà et là dans l’édifice (1).
Ces images se ressemblaient toutes, en ce qu'elles n'avaient qu'un vêtement de soie, et avaient des souliers blancs, excepté la cinquième (2), qui, en outré, paraissait armée de toute pièce. La seconde et la troisième (3), à la tête nue, à la chevelure blanche éparse, n'avaient point de manteaux. Mais la première (4), la quatrième (5), et la cinquième (6) étaient revêtues de tuniques blanches (1). Mais telles étaient leurs marques distinctives (2).
La première image (3) portait sur sa tête une mitre pontificale (4), les cheveux blancs épars (5), revêtue d'un manteau blanc mêlé de pourpre dans ses deux parties inférieures (G). Et dans sa main droite elle tenait des lys (7), et d'autres fleurs (8), et dans sa main gauche la palme (9). « O vie douce! s'écriait-elle, ô plus doux embrassement de l'éternelle vie ! ô bienheureuse félicité ! dans laquelle on goûte les éternelles récompenses, où l'on savoure les véritables délices, de telle manière cependant que je ne puis jamais jouir, jamais me rassasier de la joie intérieure que je trouve en Dieu mon Sauveur (10). »
La seconde, revêtue d’une tunique de pourpre (1), se tenait comme un jeune homme, qui, pour n'être point parvenu à la plénitude de l'âge parfait, n'en avait pas moins la gravité de l'âge mûr. Et elle disait : « Je ne me laisserai point épouvanter par l'horrible ennemi, qui est Satan, ni par l'homme qui m’attaque, ni par le siècle, sous la conduite du Seigneur qui me dirige sans cesse. »
La troisième se cachait le visage avec sa main droite revêtue d'un gant blanc (2), et elle s'écriait : « O corruption ! ô immoralité de ce siècle ! cachez-vous, fiiyez loin de mes yeux, parce que mon Bien-aimé a pris naissance en Marie la plus pure des Vierges (3). »
La quatrième était couverte, comme une femme, d'un voile blanc, et revêtue d'un manteau de couleur jaune (4). Et sur son cœur elle portait l'image de Jésus-Christ, autour de laquelle était écrite sur sa poitrine : Par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, par lesquelles il nous a visités, apparaissant du haut des deux. Et cette quatrième image disait : « Je ne cesse de porter secours aux étrangers, aux indigents, aux pauvres, aux infirmes et aux affligés. »
Or, la cinquième image avait un casque sur sa tête, des brodequins aux pieds, des gants aux mains, et portait dans sa main droite un bouclier suspendu aux épaules, l’épée au côté, et la lance à la main droite. Sous ses pieds elle avait un lion à la gueule béante, la langue haletante, et aussi d’autres hommes, dont les uns sonnaient de la trompette, les autres pour se divertir, faisaient retentir sur divers instruments des airs frivoles, et d’autres jouaient à divers jeux; mais cette image les foulait aux pieds, comme aussi le lion, et les frappait tous à coups redoublés avec la lance qu’elle tenait de la main droite. Et elle dit : « Je remporte la victoire sur le démon si fort, et sur toi, qui es son cortège, ô haine ! ô jalousie! sur toi, ô corruption! qui trompes les hommes par une fatale illusion (1). »
Et au milieu de cet édifice je vis deux autres images tournées en face de la même tour (1) [T]. L’une de ces images apparaissait debout sur le pavé du temple (2), au milieu d’un arc de feu sur lequel étaient représentées diverses figures de malins esprits, opposés à cette tour [h]; l’autre (3) était à côté de cet arc, et n’avait aucun arc [é] (4). Et ces deux images portaient leurs regards tantôt vers cette tour, et tantôt vers les hommes qui dans l’édifice entraient et qui en sortaient. Ces images étaient aussi vêtues d'habits de soie, et couvertes depuis le front d'un voile blanc à l'usage des femmes, sans avoir de manteau, mais seulement des brodequins blancs.
La première de ces images (5) avait sur sa tête une couronne avec un triangle de couleur rouge, comme le rouge mêlé d'hyacinthe; ayant sur elle une robe blanche comme la neige, dont les plis reflétaient la couleur verte. Et elle dit : « Je suis victorieuse avec le Fils de Dieu tout-puissant, qui, sorti de son Père dans le monde pour la rédemption des hommes, est retourné vers son Père, lorsque, après être mort dans de grandes souffrances sur la croix, il est ressuscité des morts pour remonter au ciel. Aussi (1) je ne veux pas être confondue en füyant les misères et les souffrances de cette vie. »
L'autre image (2) était revêtue d’une robe d'un blanc tant soit peu mat (3). Et elle portait sur son bras gauche la croix ornée de l’image de Jésus-Christ, inclinant vers elle sa tête (4). Et elle disait : « Cet Homme-Dieu étant enfant (5), a supporté beaucoup de misères en cette vie; c’est pourquoi (6), je préfère toujours pleurer et avoir du chagrin pour mériter les joies éternelles, que doit faire partager aux brebis fidèles le noble Fils de Dieu. » Et je voyais que toutes ces images avaient chacune son langage pour révéler le mystère de Dieu et exhorter les hommes.
Alors celui qui siégeait sur le trône, et qui me montrait toutes ces choses, me dit : « Les vertus divines croissaient promptement dans l'ancien Testament par la force et la fermeté de la volonté du Seigneur. Mais là elles ne produisaient à ceux qui les cultivaient dans l'ignorance qu'une joie et une douceur imparfaite, parce qu’alors il n'y avait que l'austérité de la Loi qui corrigeât avec rigueur les délinquants. Mais après, elles apportèrent sous la nouvelle Loi par la grâce de Dieu beaucoup de fruits, et donnèrent avec beaucoup de douceur une nourriture solide et parfaite à ceux qui désiraient les choses du ciel; puisque dès l'abord, comme il a été dit, certaines choses cachées étaient la marque et le signe des choses futures, ainsi que cette allégorie le démontre dans ses différentes circonstances, »
3400
Je vis ensuite au delà de cette tour [T], l'annonce de la volonté de Dieu (1). Mais une coudée au-dessous de l'angle (2) qui regardait le Septentrion, je vis une colonne (3) couleur brune (4), qui était appuyée extérieurement à la partie lumineuse du mur de cet édifice, dont il est parlé [V]. Elle était d'un aspect terrible et d'une si grande étendue, tant en largeur qu'en hauteur, que je ne pouvais en mesurer la dimension (5).
Cette colonne avait trois angles, dont la saillie était affilée de bas en haut comme une épée : le premier était tourné vers l'orient [i], le second vers le septentrion (s), et le troisième vers le midi [p], et touchait à peine l'édifice extérieurement (1). Et de l'angle tourné vers l'orient il sortait des rameaux depuis la racine jusqu'à son sommet. Auprès de la racine, je vis dans le premier rameau Abraham assis (2); dans le second était Moïse, dans le troisième était Josué, et ensuite d'autres patriarches et prophètes s'élevant chacun par ordre dans chaque rameau, selon le temps qu'ils s'étaient succédé l'un à l'autre sur cette terre. Et ils se tournaient tous vers l'angle de cette même colonne qui regardait le septentrion (3), et ils y admiraient les choses futures qu'ils y avaient vues en esprit. Et entre ces deux angles, l’un tourné vers l’orient et l’autre tourné vers le septentrion, la colonne devant les figures de ces patriarches et de ces prophètes prenait une forme noueuse et arrondie (si), pleine d’aspérités comme le bourgeon s’élève ordinairement de l’écorce (1). Et de ce second angle tourné vers le septentrion partit une lumière d’un admirable éclat qui s’étendait et se réfléchissait jusqu’à l’angle tourné vers le midi [Z]. Et dans cette lumière, qui embrassait ainsi un si vaste espace, je vis les Apôtres, les Martyrs, les Confesseurs, les Vierges et d’autres Saints en grand nombre, qui marchaient dans une grande joie. Le troisième angle tourné vers le midi [p] était large et étendu dans le milieu, mais au fond et au sommet, un peu plus étroit et resserré dans la forme d’un arc destiné à lancer des flèches.
Sur le haut de cette colonne, je vis une lumière si vive, que le langage humain ne saurait l'exprimer, dans laquelle apparut une colombe (1) tenant en son bec un rayon de couleur d’or, qui frappait cette colonne d'une grande splendeur. Et tandis que j'y jetais les yeux, j’entendis une voix du ciel, qui me remplissait de terreur (2), et disait : « Ce que tu vois est divin. » Et cette voix me fit trembler au point que je ne pouvais plus regarder de ce côté.
Je vis alors dans l’édifice en question une image debout sur le pavé de l’édifice devant cette même colonne (3) [i] ; elle se tournait tantôt du côté de la colonne, tantôt vers ces mêmes hommes qui parcouraient l’édifice. Et cette image jetait un si grand éclat et une illumination telle, que je ne pouvais, à cause de cette splendeur qui l’environnait, ni jeter les yeux sur son visage, ni même considérer ses vêtements; si ce n’est qu’elle m’apparut, comme les autres vertus, sous la forme humaine. Et autour de cette image, je vis la troupe la plus belle ayant la forme des Anges, aux ailes déployées, se tenant dans une si grande vénération, qu'elle la respectait et l’aimait tout à la fois. Mais devant elle je vis une autre multitude de forme humaine, couverte de deuil et remplie d'une grande crainte (1). Ces hommes venus du monde, l'image en question les regardait, et leur faisait prendre dans l’édifice de nouveaux vêtements, en disant à chacun d’eux : « Respectez l'habit dont vous venez de vous revêtir, et n’oubliez pas votre Créateur qui vous a créé. »
Et, tandis que j'étais dans l'admiration de toutes ces choses, Celui qui siégeait sur le trône, me disait encore : « Le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait, était avant tous les temps engendré du Père, mais ensuite, vers la fin des temps, comme l'ont prédit les Saints de l'ancien Testament, il s'est incarné dans le sein d'une Vierge; et, bien qu’il ait pris l’humanité, il n’a pas cessé d’être Dieu, mais, étant avec le Père et le Saint-Esprit un seul et vrai Dieu, il a ramené le monde par sa douceur, et l’a éclairé de l’éclat de sa lumière. »
3500
LA COLÈRE DE L’AGNEAU.
(1) Je vis ensuite apparaître à l'angle septentrional de conjonction des deux murs de l’édifice de forme différente [N] (2) une tête d’une beauté remarquable, immobile et fixée extérieurement depuis le cou à ce même angle. Cette tête était aussi élevée de terre que l’angle lui-même, étant égale à la sommité de l’angle, mais sans le dépasser (3). Cette tête, couleur de feu, brillant comme l’éclat de la flamme, était terrible à voir, et lançait des regards courroucés vers l’aquilon [F] (4). Depuis le cou jusqu’en bas, je n’ai point aperçu ses formes, parce que le reste de son corps était caché et renfermé dans cet angle de l'édifice (1). Et j’ai vu que cette tête avait la forme nue d’une tête humaine, sans avoir de longue chevelure, ni de voile comme les portent les femmes, et tenant plus dans ses traits de l’apparence de l’homme que de la femme ; et elle inspirait une terreur profonde (2).
Or, cet homme avait trois ailes d’une admirable envergure en largeur et en longueur (3), blanches comme un blanc nuage ; et elles ne s’élevaient pas en l’air, mais elles étaient seulement déployées horizontalement chacune dans sa direction, de manière à dépasser un peu la tête en hauteur (4). La première partant de la joue droite se dirigeait vers l’aquilon, la seconde, au milieu, partant de la bouche, s’étendait vers le septentrion, la troisième, du côté de la joue gauche, regardait l’occident. De temps à autre elles s’agitaient terriblement, frappant des trois côtés, ou même sans frapper (1).
Et je n’entendis pas cette tête proférer un seul mot (2), mais demeurant immobile en elle-même, elle frappait de temps à autre dans la direction où les ailes s’étendaient (3), comme il a été dit.
Alors j’entendis celui qui siégeait sur le trône, me dire : « Dieu, qui a exercé son zèle avec rigueur sur l’ancien peuple, s’est montré d’un accès plus facile et plus doux au nouveau peuple, par amour pour son Fils. Ce n’est pas qu’il soit indifférent (4), en dissimulant avec négligence les péchés de ceux qui l'offensent ; mais, tout en attendant, dans sa miséricorde, la véritable et sincère pénitence d’un cœur purifié, il ne peut souffrir la méchanceté du cœur endurci, et il le punit dans son inexorable justice. »
3600
L’HISTOIRE :
Les grandes figures de l’ancien Testament. Noé, Abraham, Jacob; Moïse, Aaron, Gédéon; saint Jean- Baptiste et saint Paul.
Je vis entre l’angle du Septentrion et l’angle de l’occident le mur [N O] de cet édifice rempli d’arcades à l’intérieur comme une balustrade, sans être ouvert comme les balustres. Mais ce mur plein avait dans chacun de ses arcs, comme la peinture de l'histoire (1). Dans la partie extérieure de ce mur, je vis deux autres murs plus petits [g], ayant leur longueur comprise entre les deux angles septentrional et occidental [N O], et qui étaient joints aux deux angles à leurs deux extrémités en forme de voûte (2). Et la hauteur de ces deux petits murs était de trois coudées (1). La distance entre le mur arqué à l'intérieur et le mur du milieu [g] était d'une coudée; et la distance entre le mur extérieur [j] et ce même mur du milieu [g) n'était que d'un palme de la main d'un enfant (2).
Je vis à l'intérieur de l'édifice, dans le mur arqué dont il est parlé, six statues [An J à m G] se tenant sur le pavé du temple. Il y en avait trois, l'une à côté de l'autre, sur le frontispice dé ce mur près de l'angle qui regardait le septentrion [N]; et les trois autres, aussi ensemble, à l'extrémité de ce mur auprès de l’angle qui regardait l’occident (1) [O] ; et elles étaient toutes tournées vers la peinture de ces arcs du mur intérieur (2). Sur la fin de ce mur, je vis une autre image en dedans de l’édifice, assise sur une pierre (3) [b], placée comme un trône sur le pavé du temple : son côté droit était incliné vers le mur, et elle tournait sa tête vers la colonne de l’adorable Trinité (A) [T]. Et il y avait aussi à l’extrémité du mur une autre image se tenant plus élevée sur le mur, et regardant aussi cette même colonne de l’adorable Trinité [P].
Or, voici l’aspect que présentaient toutes ces images. Elles étaient revêtues, comme les premières images, d’habits de soie et de souliers blancs (1), excepté celle qui était à droite de la statue du milieu des trois que j’avais vues à l’une des extrémités du même mur (2) [b]. Elle paraissait tout entière d’une si grande pureté et d’une si grande clarté, que son état m’empêchait de distinguer en elle aucune forme. Et aussi excepté la seconde image, qui se tenait sur le mur, laquelle avait des souliers noirs (3) [P], toutes étaient sans manteau, excepté celle du milieu des trois qui était sur la première partie du mur, laquelle était revêtue d’un manteau (4) [n]. Il y en avait deux parmi les trois supérieures, celles qui étaient à droite et à gauche de celle du milieu [AJ], et deux parmi les trois inférieures, celle du milieu et celle qui était à sa gauche [mG], qui n'avaient point sur leurs tètes de voiles comme les femmes, mais leurs têtes nues laissaient voir leurs cheveux blancs (1). Celle des trois premières qui était au milieu [n], et celle qui était devant le mur comme sur un trône [b], avaient leurs têtes couvertes d'un voile blanc à la manière des femmes (2). Et celle-là même qui tenait le milieu des trois supérieures [n|, et celle qui était à sa droite (3) [A] (4) étaient revêtues de blanches tuniques (5).
Mais voici la différence de ces images entre elles. L'image qui était au milieu des trois supérieures [n] avait sur sa tête, en guise de couronne, un cercle de couleur jaune, sur lequel étaient écrits ces mots : BRULE TOUJOURS. Et je voyais qu'à la droite de cette image volait une colombe qui produisait de son bec ces mêmes paroles (1). Et cette image disait : « Je suis baignée par la miséricorde intérieure, d'où coule une Source qui ne veut voir cachés ni l'argent, ni l'or, ni les pierres précieuses, ni les perles devant les indigents, et devant ceux qui, dans leur pénurie, n'ont point les choses nécessaires, et qui, pour cela, versent des larmes. Maintenant je les consolerai, et je soulagerai toujours leur misère par amour pour le Fils de Dieu, qui est doux et aimable, qui répand ses biens parmi les justes, en guérissant les blessures de leurs péchés à cause de leur pénitence (2). »
L'autre image, qui était à sa droite [A], avait sur sa poitrine comme un lion d'un éclat merveilleux, et à son cou pendait aussi sur sa poitrine comme un serpent d'une couleur pâle, qui s’entortillait autour d’une verge flexible. Et elle disait : a Je vois le lion lumineux, et je donne tout pour son amour ; mais si je fuis (1) le serpent de feu, je chéris le serpent attaché à la croix.
La troisième image, qui était à la gauche (2) [J], était revêtue d’une tunique semblable à l’hyacinthe tirant sur le rouge (3). Et sur sa poitrine apparut un ange (4) ayant une aile de chaque côté, de manière que l’aile droite de l’ange couvrait l’épaule droite de l’image, et l’aile gauche l’épaule gauche de l’image. Et l’image disait : a Je suis en la compagnie de l’ange, et je ne puis marcher avec les hypocrites qui se déguisent (5), mais je suis en festin avec les justes.»
L’image qui était au milieu de celles qui sont inférieures [m] avait une tunique de couleur jaune (6) ; et sur son épaule droite était une colombe de la plus grande blancheur, qui lui soufflait des paroles à l'oreille droite (1) ; et sur sa poitrine il apparaissait une tête d’homme monstrueuse et horrible à voir (2). Et sous ses pieds il y avait aussi des apparences d'hommes broyés et brisés par elle (3). Elle avait dans ses mains un livre ouvert, et d'un côté ce livre, tourné vers le ciel, était inscrit de sept lignes (4) que je voulais et que je ne pus lire (5). Et elle disait : « Je veux être la verge (6) de la correction amère et du châtiment contre ce menteur (7 Jn 8,44), qui est le fils du démon, parce que le démon est le persécuteur de l'ineffable justice de Dieu. C'est pourquoi je suis cause (8 Dt 27) de ses adversités et de ses malheurs, parce que je ne me suis jamais trouvée sur ses lèvres (9 Is 29,13). Je le rejette donc de ma bouche comme un poison mortel qui donne la mort ; car il n'a pu me confondre dans sa ruse. C’est lui qui est le pire et le plus affreux de tous les malheurs, parce que tout le mal est venu de lui. C’est pourquoi je le renie, je le foule aux pieds dans l’aimable justice de Dieu, qui m’est toujours infiniment aimable (l). J’en suis l’appui, j’en suis le conducteur ; car sur moi s’affermira et persistera tout l’édifice des vertus de Dieu, qui s’édifient dans la perfection. O Dieu fort et très-illustre (2), jetez encore sur nous des regards favorables (3). »
L’autre image qui était à droite de celle-ci [à] avait une figure d’ange, et elle avait de chaque côté une aile volante ; et elle avait l’apparence d’un homme comme les autres vertus (4). Et elle dit : « Je m’oppose (5) à cette guerre satanique qui s’élève opiniâtrement contre moi; qui dit : » Je ne puis souffrir aucune tribulation, mais je veux me délivrer de tout ce qui m'est contraire. Je ne crains personne. Qui craindrai-je ? Je ne veux craindre personne. Mais ceux qui profèrent ces mauvaises paroles seront par moi rejetés, parce que je suis placée pour me réjouir sans cesse, toujours être dans la joie au milieu de tous les biens. Car le Seigneur Jésus est un Dieu qui pardonne et qui console dans toutes les afflictions, ayant lui-même supporté la douleur en son corps. Et parce qu'il est aussi un juste réformateur, je veux m'unir à lui, je veux toujours soutenir ses épreuves, éloignant de moi toute haine, toute jalousie et tous les maux. O Dieu! je désire toujours porter la joie sur mon visage au milieu de votre justice. »
La troisième image, qui était à la gauche [G], était revêtue d'une tunique blanche entremêlée de vert (1). Elle avait dans sa main un petit vase d'un éclat incertain, mais qui projetait une grande lumière comme la foudre, en sorte qu’elle environnait et la face et le cou de cette imagé. Et elle disait : « Je suis heureuse (2). Car le Christ, le Seigneur Jésus me rend et me prépare toute belle et toute blanche, lorsque j'échappe à ce mortel conseil de Satan, qui songe sans cesse à ce dessein pervers d'éloigner de Dieu les âmes, et de les attirer à lui par de mauvaises actions (1). Je fuis ce démon, je le rejette, je l'ai continuellement en horreur, parce que je désire cet ami tendre, que je veux embrasser, que je veux toujours posséder avec joie en tout et pardessus tout. »
L'image qui, à l'extrémité du mur, était assise sur une pierre [b], était revêtue d'une tunique couleur brune (2). Sur l’épaule droite elle avait une petite croix sur laquelle était l'image de Jésus-Christ, qui tournait en sens divers. Et du haut des nues (3) une grande lumière d'un merveilleux éclat brilla sur son cœur, se divisant d'elle-même en plusieurs rayons, comme se divise le rayon du soleil lorsqu'il passe à travers une infinité de petits pores. Elle avait aussi dans sa main droite une baguette en forme d’éventail, au sommet de laquelle étaient trois petits rameaux qui avaient merveilleusement fleuri (1). Puis elle rassemblait sur son cœur une foule de petites pierres précieuses qu’elle considérait avec attention et un soin minutieux, comme un négociant regarde attentivement ses marchandises. Et elle disait : « Je suis la mère des vertus, et je recherche en toutes choses la justice de Dieu. Car dans la retraite delà vie intérieure, comme au milieu du bruit du monde (2), j’attends toujours mon Dieu au fond de ma conscience. Je ne condamne, ni ne repousse, ni ne méprise les rois, les chefs, les magistrats et les autres autorités, qui ont été établis sur la terre par l’auteur de toutes choses (3). Comment ce qui n'est que poussière pourrait-il mépriser la poussière ? Le Fils de Dieu s’adresse à tous du haut de sa croix, en les exhortant par sa justice et sa miséricorde. Et je veux aussi, selon son bon plaisir, suivre le même ordre et la même doctrine (1). »
Enfin, l’autre image qui se tenait à l’extrémité au-dessus du mur (2) [PJ, avait la tête nue, les cheveux noirs et crépus (3), et sa face était sombre. Elle était aussi revêtue d’une tunique variée, bigarrée de différentes couleurs (4). Et je la vis se dépouiller de ses vêtements, quitter sa chaussure, et tout aussitôt ses cheveux et sa figure resplendirent de l’éclat de la plus pure blancheur dans sa transformation (5), comme un enfant nouveau-né, et tout son corps brilla comme une lumière vive et pure brille de son propre éclat. Je vis alors sur sa poitrine une croix éclatante placée sur un arbrisseau, d’où sortaient deux fleurs, et le lys et la rose (1), qui se penchaient en haut tant soit peu vers cette croix. Et je voyais que cette image secouait avec force et la tunique et la chaussure qu'elle avait quittées (2), de manière à en faire sortir un nuage de poussière (3), et elle dit : «J'abandonne l'ancien Testament, et je me revêts de la sainteté et de la vérité du noble Fils de Dieu dans toute sa justice. Me voici donc réparée par ses biens et dégagée de mes vices. C'est pourquoi, ô mon Dieu, ne vous rappelez plus les fautes et les ignorances de ma jeunesse, et ne tirez pas vengeance de mes iniquités.»
Et, tandis que je considérais attentivement toutes ces choses, celui qui siégeait sur le trône me dit encore : « Qu'aucun des fidèles, qui veut obéir humblement à Dieu, n'hésite à se soumettre à l'humaine puissance, car le gouvernement du peuple est ainsi ordonné par le Saint-Esprit, pour parvenir au bonheur des hommes sur la terre, comme cela a été figuré chez l’ancien peuple, pour être exécuté avec fidélité et avec courage dans l’économie des choses de l’Eglise (1). »
Scivias FR 2600