1967 Sacerdotalis caelibatus
Aux Evêques A ses confrères dans le sacerdoce et aux fidèles du monde catholique tout entier
Vénérables Frères, chers Fils, Salut et Bénédiction Apostolique
1 Le célibat sacré, que l'Eglise garde depuis des siècles comme un joyau splendide, conserve toute sa valeur également à notre époque caractérisée par une transformation profonde des mentalités et des structures.
Cependant, dans ce climat où fermentent tant de nouveautés, s'est fait jour entre autres choses la tendance, voire la nette volonté, de presser l'Eglise de remettre en question cette institution caractéristique. D'après certains, l'observance du célibat ecclésiastique constituerait maintenant un problème; elle deviendrait quasiment impossible de nos jours et dans notre monde.
Une promesse de Notre part
2 Cet état de choses, qui émeut la conscience d'un certain nombre de prêtres et de jeunes aspirants au sacerdoce et leur crée des perplexités, et qui déconcerte beaucoup de fidèles, Nous oblige à tenir sans plus de délai la promesse faite naguère aux Pères du Concile: Nous leur avions signifié notre projet de donner plus d'éclat et de force au célibat sacerdotal, dans les circonstances actuelles.(1) Depuis lors Nous avons longuement et instamment invoqué les clartés et l'assistance de l'Esprit Saint et Nous avons, en présence de Dieu, considéré les avis et les demandes reçus de tous côtés, surtout de la part d'un bon nombre de Pasteurs de l'Eglise de Dieu.
(1) Lettre du 10 octobre 1965 à l'Eminentissime Card. E. Tisserant, lue dans la 146e Congrégation générale du 11 octobre.
3 La question concernant le célibat du clergé dans l'Eglise a longuement retenu Notre attention, dans toute son ampleur et sa gravité: faut-il encore aujourd'hui maintenir cette obligation exigeante et sublime pour les hommes qui désirent accéder aux ordres majeurs? L'observance de cette obligation est-elle possible, est-elle opportune aujourd'hui? Le temps ne serait-il pas venu de rompre le lien qui, dans l'Église, attache le célibat au sacerdoce? Cette observance difficile pourrait-elle devenir facultative? Le ministère sacerdotal n'y gagnerait-il pas et le rapprochement oecuménique n'en serait-il pas rendu plus aisé? Que si cette noble loi du célibat doit rester en vigueur, quelles sont les raisons qui aujourd'hui en montrent la sainteté et la convenance? Enfin moyennant quelles aides peut-elle être respectée, et comment la vie sacerdotale y trouvera-t-elle, au lieu d'un poids, un soutien?
4 Nous avons consacré une attention particulière aux objections de divers genre qu'on a formulées contre le maintien du célibat sacerdotal. Un sujet d'une telle importance et d'une si grande complexité ne Nous impose-t-il pas, en vertu du service apostolique qui Nous incombe, de regarder loyalement la réalité et les problèmes qu'elle implique, mais en projetant sur eux, comme c'est aussi Notre devoir et Notre mission, la lumière de la vérité qui est le Christ, dans l'intention d'accomplir en tout la volonté de Celui qui Nous a appelé à cette charge, et de Nous montrer tel que Nous sommes devant l'Eglise, serviteur des serviteurs de Dieu.
5 Jamais comme à l'heure actuelle, on peut le dire, le thème du célibat ecclésiastique n'a été étudié avec plus de rigueur sous tous ses aspects, et cela aux différents plans: doctrinal, historique, social, psychologique et pastoral; bien souvent ce fut avec des intentions fondamentalement droites, même si parfois elles ont été trahies dans leur expression.
Examinons en toute honnêteté les objections principales opposées à la loi qui lie le célibat au sacerdoce.
La première semble venir de la source la plus autorisée: le Nouveau Testament, où nous est gardée la doctrine du Christ et des Apôtres, n'exige point le célibat des ministres sacrés, mais le propose comme libre obéissance à une vocation spéciale, à un charisme spécial (cf. Mt 19,11-12) . Jésus lui-même n'en a pas fait une condition préalable au choix des Douze, ni non plus les Apôtres à l'égard des hommes qui étaient préposés aux premières communautés chrétiennes (cf. 1Tm 3,2-5 Tt 1,5-6) .
6 Le rapport étroit que les Pères de l'Eglise et les écrivains ecclésiastiques ont établi, au cours des siècles, entre la vocation au ministère sacré et la virginité consacrée, aurait son origine dans des mentalités et des situations historiques très différentes des nôtres. Souvent les textes patristiques recommandent au clergé, plutôt que de garder le célibat, de s'abstenir de l'usage du mariage, et les raisons dont ils font état en faveur de la chasteté parfaite des ministres sacrés semblent parfois inspirées par un pessimisme exagéré quant à la condition charnelle de l'homme, ou par une conception particulière de la pureté requise par le contact avec les choses saintes. Par ailleurs les considérations reçues de l'antiquité ne cadreraient plus avec tous les milieux socioculturels dans lesquels l'Eglise d'aujourd'hui est appelée à oeuvrer dans la personne de ses prêtres.
Vocation et célibat
7 Beaucoup d'objectants relèvent une difficulté dans le fait que la discipline en vigueur fait coïncider le charisme de la vocation sacerdotale avec le charisme de la chasteté parfaite comme état de vie du ministre de Dieu; dès lors ils se demandent s'il est juste d'écarter du sacerdoce ceux qui auraient la vocation sacerdotale sans avoir en même temps celle du célibat.
8 Le maintien du célibat ecclésiastique dans l'Eglise causerait en outre de très graves dommages là où la pénurie du clergé - que le Concile lui-même a reconnue et déplorée avec tristesse (2) - crée des situations dramatiques et des obstacles à la pleine réalisation du dessein divin du salut, allant jusqu'à compromettre la possibilité même de la première annonce de l'Evangile. D'aucuns en effet imputent l'inquiétante diminution numérique du clergé au poids que représente l'obligation du célibat.
(2) Conc. Vat. II, Decr. Christus Dominus, CD 35 AA 1 PO 10,11 AGD 19,38
Ombres sur le célibat
9 On rencontre aussi la conviction que non seulement le régime du sacerdoce conféré à des hommes mariés supprimerait l'occasion d'infidélités, de désordres et de défections pénibles, qui sont pour l'Eglise entière autant de blessures et de peines, mais qu'il permettrait aux ministres du Christ un témoignage plus complet de vie chrétienne également dans le domaine de l'existence familiale, domaine d'où leur état actuel les exclut.
10 Par ailleurs, il en est qui affirment avec insistance que le célibat place le prêtre dans une condition physique et psychologique antinaturelle, dommageable à l'équilibre et à la maturité de la personne humaine; il en résulte, disent-ils, que souvent le coeur du prêtre se dessèche, manque de chaleur humaine et de pleine communion avec ses frères dans leur vie et leur destin, et est contraint à un isolement d'où naissent l'amertume et le découragement.
Ne serait-ce pas l'indice d'une violence injuste et d'un mépris injustifiable de valeurs humaines fondées sur l'oeuvre divine de la création et intégrées dans l'oeuvre de rédemption accomplie Par le Christ?
11 En outre, considérant la manière dont le candidat au sacerdoce en vient à assumer une obligation d'une telle gravité, on objecte qu'en pratique cet engagement résulte moins d'une décision vraiment personnelle que d'une attitude passive, imputable à une formation inadéquate et insuffisamment respectueuse de la liberté humaine; chez le jeune homme, en effet, le degré de connaissance et d'auto-décision et la maturité psychophysique sont notablement inférieurs; en tout cas, ils ne répondent pas à l'importance, à la durée et aux difficultés réelles de l'obligation à contracter.
Le vrai point de vue
12 D'autres objections, Nous le savons, peuvent être élevées contre le célibat du prêtre. C'est un sujet très complexe, qui touche au plus vif la conception courante qu'on se fait de l'existence et qui projette sur elle la lumière d'ordre supérieur que répand la vérité révélée. Une longue série de difficultés se présentera à ceux qui " ne comprennent pas cette réalité " (Mt 19,11), qui ignorent ou qui oublient le " don de Dieu " (cf. Jn 4,10) et à qui échappent la logique supérieure de cette conception nouvelle de la vie, son étonnante efficacité et sa plénitude débordante.
Témoignages du passé et du présent
13 Cet ensemble d'objections peut donner l'impression de couvrir la voix séculaire et solennelle des Pasteurs de l'Eglise, des maîtres spirituels, du témoignage vécu d'une légion innombrable de saints et de fidèles ministres de Dieu, qui ont fait du célibat la réalité intime et le signe visible de leur donation totale et joyeuse au mystère du Christ. Non, cette voix garde sa force et sa sérénité; elle ne nous vient pas du seul passé, mais elle parle encore maintenant. Toujours attentif à scruter la réalité, Nous ne pouvons fermer les yeux à cette réalité étonnante et magnifique: de nos jours encore il y a dans la sainte Eglise de Dieu, en toutes les parties du monde où elle a planté ses tentes, des ministres sacrés sans nombre - sous-diacres, diacres, prêtres, évêques - qui vivent en toute pureté le célibat volontaire et consacré; et à côté d'eux, Nous ne pouvons pas ne pas remarquer les foules des religieux, des religieuses, et aussi de jeunes gens, de laïques, fidèles à leur engagement de chasteté parfaite. Celle-ci est vécue non par dépréciation du don divin de la vie mais par un amour plus élevé pour la vie nouvelle qui jaillit du mystère pascal. Elle est vécue dans une austérité courageuse, avec un dynamisme spirituel épanouissant, avec une intégrité exemplaire et aussi avec une certaine facilité. Ce phénomène impressionnant démontre la présence de la réalité insigne du règne de Dieu vivant au sein de la société moderne; il y joue le rôle humble et bienfaisant de " lumière du monde " et de " sel de la terre " (cf. Mt 5,13-14) . Il Nous est impossible de taire Notre admiration: indiscutablement là souffle l'Esprit du Christ.
Confirmation de la valeur du célibat
14 Nous estimons donc que la loi du célibat actuellement en vigueur doit, encore de nos jours et fermement, être liée au ministère ecclésiastique; elle doit soutenir le ministre de l'Eglise dans son choix exclusif, définitif et total de l'amour unique et souverain du Christ, du dévouement au culte de Dieu et au service de l'Eglise, et elle doit qualifier son état de vie aussi bien dans la communauté des fidèles que dans la société profane.
Le pouvoir de l'Eglise
15 Assurément, le charisme de la vocation sacerdotale, ordonné au culte divin et au service religieux et pastoral du peuple de Dieu, reste distinct du charisme qui fait choisir le célibat comme état de vie consacré (cf. nn. 5, 7); mais la vocation sacerdotale, encore qu'elle soit divine en son inspiration, ne devient pas définitive et efficace sans l'approbation et l'acceptation de ceux qui dans l'Eglise ont le pouvoir et la responsabilité du ministère pour la communauté ecclésiale. Il appartient ainsi à l'autorité de l'Eglise d'établir, selon les temps et les lieux, les qualités à requérir concrètement des candidats pour qu'ils soient jugés aptes au service religieux et pastoral de cette même Eglise.
Propos de l'Encyclique
16 En esprit de foi, Nous considérons l'occasion maintenant offerte par la Providence comme opportune pour remettre en lumière, en termes plus adaptés à la mentalité contemporaine, les raisons profondes du célibat sacré; en effet, si les difficultés affectant la foi " peuvent inciter l'esprit à chercher une intelligence plus exacte et plus profonde de celle-ci ",(3) il n'en va pas autrement de la discipline ecclésiastique, qui règle la vie des croyants.
Nous trouvons une joie et un encouragement à contempler en cette occurrence et de ce point de vue la richesse divine et la beauté de l'Eglise du Christ; celles-ci ne sont pas toujours immédiatement perceptibles au regard humain, parce qu'elles sont l'oeuvre de l'amour du divin Chef de l'Eglise et qu'elles se manifestent dans cette perfection de sainteté (cf. Ep 5,25-27) dont s'étonne l'entendement de l'homme et dont les forces de la créature humaine ne suffisent pas à rendre compte.
(3) Conc. Vat. II, Const. Gaudium et spes, GS 62
Le Concile et le célibat
17 Certes, comme l'a déclaré le second concile du Vatican, la virginité " n'est pas exigée par la nature même du sacerdoce, ainsi que le montrent la pratique de l'Eglise primitive et la tradition des Eglises d'Orient ",(4) mais le même Saint Concile n'a pas hésité à confirmer solennellement la loi ancienne, sainte et providentielle du célibat sacerdotal, telle qu'elle existe actuellement, non sans exposer les motifs qui la justifient aux yeux de quiconque sait apprécier les dons divins en esprit de foi et avec la flamme intérieure de la générosité.
(4) Decr. Presbyter Ordinis, PO 16
Arguments anciens dans une lumière nouvelle
18 Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on réfléchit sur la " convenance multiforme " (l. c. PO 16) du célibat pour les ministres de Dieu; même si les raisons explicites ont varié selon les différentes mentalités et situations, elles s'inspirèrent toujours de considérations spécifiquement chrétiennes avec, en dernière analyse, l'intuition des valeurs et motifs les plus profonds. Ceux-ci peuvent être mieux mis en lumière, non sans l'influence de l'Esprit-Saint, promis par le Christ aux siens pour la connaissance des choses à venir (cf. Jn 16,13) et pour faire avancer dans le Peuple de Dieu l'intelligence du mystère du Christ et de l'Eglise; à ce progrès concourt aussi l'expérience due à un sens plus pénétrant des réalités spirituelles au cours des siècles.(5)
(5) Conc. Vat. II, Const. dogm. Dei Verbum, DV 8
La nouveauté du Christ
19 Le sacerdoce chrétien qui est nouveau ne se comprend qu'à la lumière de la nouveauté du Christ, Pontife suprême et Prêtre éternel, qui a institué le sacerdoce ministériel comme une participation réelle à son sacerdoce unique.(6) Le ministre du Christ et l'intendant des mystères de Dieu (1Co 4,1) trouve donc en Lui son modèle immédiat et son idéal souverain (cf. 1Co 11,1) . Le Seigneur Jésus, Fils unique de Dieu, envoyé dans le monde par son Père, s'est fait homme pour que l'humanité, sujette au péché et à la mort, soit régénérée et, par une nouvelle naissance (Jn 3,5 Tt 3,5), entre dans le royaume des cieux. S'étant consacré tout entier à la volonté de son Père (Jn 4,34 Jn 17,4), Jésus accomplit par son mystère pascal cette création nouvelle (1Co 5 Ga 6,15), introduisant dans le temps et dans le monde une forme nouvelle, sublime, divine, de vie, qui transforme la condition terrestre elle-même de l'humanité (cf. Ga 3,28) .
(6) Conc. Vat. II, Const. dogm. Lumen Gentium, LG 28 Decr. Presbyterorum Ordinis, PO 2
Mariage et célibat dans la nouveauté du Christ
20 De par la volonté de Dieu, le mariage continue l'oeuvre de la première création (Gn 2,18); assumé dans le plan total du salut, il acquiert, lui aussi un sens nouveau, une valeur nouvelle. De fait Jésus a restauré sa dignité originelle (Mt 19,3-8), lui a rendu hommage (cf. Jn 2,1-11) et l'a élevé à la dignité de sacrement et de signe mystérieux de sa propre union avec l'Eglise (Ep 5,32) . Ainsi les époux chrétiens dans l'exercice de leur amour mutuel et l'accomplissement de leurs devoirs spécifiques, dans la tendance à cette sainteté qui leur est propre, font route ensemble vers la patrie céleste. Mais le Christ, Médiateur d'une Alliance plus haute (He 8,6), a ouvert un autre chemin où la créature humaine, s'attachant totalement et directement au Seigneur, exclusivement préoccupée de Lui et de ce qui Le concerne (1Co 7,33-35), manifeste de façon plus claire et plus complète la réalité profondément novatrice de la Nouvelle Alliance.
Virginité et sacerdoce dans le Christ Médiateur
21 Le Christ, Fils unique du Père, du fait même de son incarnation, est constitué Médiateur entre le ciel et la terre, entre le Père et le genre humain. En pleine harmonie avec cette mission, le Christ est resté durant toute sa vie dans l'état de virginité, qui signifie son dévouement total au service de Dieu et des hommes. Ce lien profond qui, dans le Christ, unit la virginité et le sacerdoce, se reflète en ceux à qui il échoit de participer à la dignité et à la mission du Médiateur et Prêtre éternel, et cette participation sera d'autant plus parfaite que le ministre sacré sera affranchi de tout lien de la chair et du sang.(7)
(7) Decr. Presbyter Ordinis, PO 16
Le célibat pour le royaume des cieux
22 Jésus, qui choisit les premiers ministres du salut, qui les voulut initiés à l'intelligence des mystères du royaume des cieux (Mt 13,11 Mc 4,11 Lc 8,10), coopérateurs de Dieu à un titre très spécial et ses ambassadeurs (2Co 5,20), et qui les appela amis et frères (Jn 15,15 Jn 20,17), pour lesquels il s'est sacrifié lui-même afin qu'ils fussent consacrés en vérité (Jn 17,19), a promis une récompense surabondante à quiconque aura abandonné maison, famille, épouse et enfants pour le royaume de Dieu (Lc 18,29-30). Davantage, il a recommandé aussi,(8) en paroles lourdes de mystères et de promesses, une consécration plus parfaite encore au règne des cieux par la virginité fruit d'un don particulier (Mt 19,11-12) . La réponse à ce charisme divin a comme motif le règne des cieux (ibid.,v. Mt 19,12); et pareillement c'est ce règne (Lc 18,39), l'Evangile (Mc 10,29) et le nom du Christ (Mt 19,29) qui motivent les appels de Jésus aux renoncements ardus que l'apôtre consentira pour une participation plus intime au destin du Christ (cf. l. c.).
(8) Decr. Presbyter Ordinis, PO 16
Témoignage rendu au Christ
23 C'est donc le mystère de la nouveauté du Christ, de tout ce qu'Il est lui-même et de ce qu'Il signifie, c'est la somme des idéaux les plus élevés de l'Evangile et du royaume, c'est une manifestation particulière de la grâce jaillissant du mystère pascal du Rédempteur, qui font la dignité et le caractère désirable du choix de la virginité pour ceux qu'appelle le Seigneur Jésus, et qui entendent ainsi participer non seulement à sa fonction sacerdotale mais partager également avec Lui l'état de vie qui fut le sien.
Plénitude d'amour
24 La réponse à la vocation divine est une réponse d'amour à l'amour que le Christ nous a manifesté de manière sublime (Jn 15,13 Jn 3,16); elle se revêt de mystère dans l'amour de prédilection pour les âmes auxquelles Il a fait entendre ses appels plus exigeants (cf. Mc 10,21) . La grâce multiplie avec une force divine les exigences de l'amour qui, quand il est authentique, est total, exclusif, stable et perpétuel, et porte irrésistiblement à tous les héroïsmes. Aussi le choix du célibat sacré a-t-il toujours été considéré par l'Eglise " comme un signe et un stimulant de la charité ": (9) signe d'un amour sans réserve, stimulant d'une charité ouverte à tous. Qui pourrait jamais voir dans une vie si totalement donnée - et donnée pour les motifs que nous avons exposés - les signes d'une certaine pauvreté spirituelle ou de l'égoïsme, alors qu'elle est et doit être un exemple rare et éminemment significatif d'une existence qui trouve son moteur et son énergie dans l'amour, par quoi l'homme exprime la grandeur qui est son apanage? Qui pourra jamais douter de la plénitude morale et spirituelle d'une vie vouée de la sorte non pas à un idéal quelconque, serait-il très noble, mais au Christ et à son oeuvre, pour une humanité nouvelle, partout et dans tous les temps?
(9) Const dogm. Lumen Gentium, LG 42
Invitation à l'étude
25 Cette perspective biblique et théologique associe donc notre sacerdoce ministériel à celui du Christ et elle trouve dans la donation totale du Christ à sa mission salvifique l'exemple et la raison de notre assimilation à la forme de charité et de sacrifice propre au Christ Rédempteur. Elle Nous paraît si profonde et si riche de vérités spéculatives et pratiques, que Nous vous invitons vous-mêmes, Frères vénérés, ainsi que ceux qui étudient la doctrine catholique et les maîtres spirituels, et tous les prêtres capables d'avoir l'intelligence intuitive et surnaturelle de leur vocation, à continuer de chercher dans cette direction et de pénétrer les réalités intimes et fécondes à y trouver. De la sorte, le lien entre sacerdoce et célibat apparaîtra toujours mieux dans sa logique lumineuse et héroïque d'amour unique et sans limites au Christ Seigneur et à son Eglise.
Le célibat et l'amour du Christ et du prêtre pour l'Eglise
26 " Saisi par le Christ Jésus " (Ph 3,12) jusqu'à s'abandonner totalement à Lui, le prêtre se configure plus parfaitement au Christ également dans l'amour avec lequel le Prêtre éternel a aimé l'Eglise son Corps, s'offrant tout entier pour elle, afin de s'en faire une Epouse glorieuse, sainte et immaculée (cf. Ep 5,25-27) .
La virginité consacrée des ministres sacrés manifeste en effet l'amour virginal du Christ pour l'Eglise et la fécondité virginale et surnaturelle de cette union, en vertu de quoi les fils de Dieu ne sont pas engendrés de la chair et du sang (Jn 1,13) .(10)
(10) Cf. Const. dogm. Lumen Gentium, LG 42 Decr. Presbyter Ordinis, PO 16
Unité et harmonie de la vie sacerdotale: le ministère de la Parole
27 En se vouant au service du Seigneur Jésus et de son Corps mystique, dans une complète liberté que facilite l'offrande totale de soi, le prêtre réalise plus pleinement l'unité et l'harmonie de sa vie sacerdotale.(11) Il développe son aptitude à entendre la Parole de Dieu et à prier. La Parole de Dieu, que garde l'Eglise, éveille dans le prêtre qui la médite chaque jour, qui la vit et l'annonce aux fidèles, les résonances les plus vibrantes et les plus profondes.
(11) Decr. Presbyter Ordinis, PO 14
L'office divin et la prière
28 Ainsi, totalement et exclusivement appliqué aux affaires de Dieu et de l'Eglise comme le Christ (cf. Lc 2,49 1Co 7,32-33), le ministre du Christ, à l'imitation du souverain Prêtre, toujours vivant devant Dieu pour intercéder en notre faveur (He 9,24 He 7,25), puise dans la récitation attentive et pieuse de l'Office divin, où il prête sa voix à l'Eglise priant en union avec son Epoux,(12) une joie et un élan toujours renouvelés et il ressent le besoin de s'adonner plus longuement et assidûment à la prière, devoir éminemment sacerdotal (Ac 6,4) .
(12) Cf. Decr. Presbyter Ordinis, PO 13
Le ministère de la grâce et de l'Eucharistie
29 Le célibat confère à tout le reste de la vie du prêtre une plénitude accrue de sens et d'efficacité sanctifiante. L'obligation particulière de sa sanctification personnelle trouve en effet de nouveaux stimulants dans le ministère de la grâce et celui de l'Eucharistie, en laquelle est contenu tout le bien de l'Eglise; (13) agissant en représentant du Christ, le prêtre s'unit plus intimement à l'offrande, en déposant sur l'autel toute sa vie marquée des signes de l'holocauste.
(13) Decr. Presbyter Ordinis, PO 5
Vie pleine et féconde
30 Quelles considérations ne pourrions-nous pas formuler encore sur ce que le célibat ajoute aux virtualités du prêtre, à son service, à son amour, à son sacrifice au bénéfice de tout le Peuple de Dieu? Le Christ a dit de lui-même: " si le grain de blé jeté en terre ne meurt pas, il ne donne rien; mais s'il meurt, il donne du blé en abondance " (Jn 12,24), et l'Apôtre Paul n'hésitait pas à s'exposer à une mort quotidienne, pour obtenir que ses fidèles soient sa fierté dans le Christ Jésus (1Co 15,31) . Ainsi en va-t-il du prêtre: en mourant quotidiennement à lui-même, en renonçant, par amour du Seigneur et de son règne, à l'amour légitime d'une famille qui ne soit qu'à lui, il trouvera la gloire d'une vie pleine et féconde dans le Christ, puisque, comme Lui et en Lui, il aime tous les enfants de Dieu et se donne à eux.
Le célibat du prêtre par rapport à la communauté des fidèles
31 Dans la communauté des fidèles confiés à ses soins, le prêtre est le Christ présent. Il convient donc au plus haut point qu'il en reproduise l'image en tout et qu'il en suive l'exemple d'une manière spéciale, dans sa vie personnelle comme dans son ministère. Pour ses fils dans le Christ, le prêtre est un signe et un gage des réalités sublimes et nouvelles de ce Royaume de Dieu dont il est le dispensateur: il possède en effet pour sa part ces réalités au degré le plus parfait et il nourrit la foi et l'espérance de tous les chrétiens, qui, en tant que tels, sont tenus d'observer la chasteté selon leur état.
Efficacité pastorale du célibat
32 La consécration qui est faite au Christ en vertu d'un titre nouveau et éminent, comme le célibat, assure en outre au prêtre - c'est bien évident, - également dans le domaine pratique, le maximum d'efficacité et l'attitude psychologique et affective la mieux adaptée à l'exercice continuel de la charité parfaite: celle-ci lui permettra de se dépenser tout entier au service de tous d'une manière plus universelle et plus concrète (2Co 12,15); (14) elle lui garantit certainement une liberté et une disponibilité plus grandes dans le ministère pastoral,(15) dans la manière d'être activement et fraternellement présent au monde, auquel le Christ l'a envoyé (Jn 17,18), pour qu'il se donne entièrement à tous les fils de Dieu comme il est tenu de le faire (Rm 1,14) .
(14) Decr. Optatam totius, OT 10
(15) Decr. Presbyter Ordinis, PO 16
L'aspiration du Peuple de Dieu au Royaume céleste
33 Le royaume de Dieu, qui n'est pas de ce monde (Jn 18,36), est déjà présent ici-bas comme mystère, et il atteindra sa perfection lors de la venue glorieuse du Seigneur Jésus.(16) De ce royaume, l'Eglise constitue ici-bas le germe et les prémices. Tandis qu'elle grandit lentement mais sûrement, elle aspire à l'état parfait du royaume et désire de toutes ses forces s'unir à son Roi dans la gloire.(17)
Le peuple de Dieu en marche s'achemine, au cours de l'histoire, vers sa véritable patrie (Ph 3,20), où la filiation divine des rachetés se manifestera en plénitude (1Jn 3,2), et où resplendira désormais sans ombre la beauté transfigurée de l'Epouse de l'Agneau divin.(18)
(16) Const. past. Gaudiurm et spes, n. 39.
(17) Const. dogm. Lumen Gentium, LG 5
(18) Const. dogm. Lumen Gentium, LG 48
Le célibat comme signe des biens célestes
34 Notre Seigneur et Maître a déclaré " qu'à la résurrection... on ne prendra ni femme ni mari, mais que tous seront comme les anges de Dieu dans le Ciel " (Mt 22,30) . Au milieu du monde tellement engagé dans les tâches terrestres et si souvent dominé par les convoitises de la chair (cf. 1Jn 3,2), le don précieux et divin de la chasteté parfaite en vue du royaume des cieux constitue précisément " un signe particulier des biens célestes "; (19) il proclame la présence parmi nous des temps derniers de l'histoire du salut (cf. 1Co 7,29-31) et l'avènement d'un monde nouveau. Il anticipe en quelque sorte la consommation du royaume en en affirmant les valeurs suprêmes, qui resplendiront un jour en tous les fils de Dieu. Il constitue donc un témoignage de l'aspiration du Peuple de Dieu vers le but dernier de son pèlerinage terrestre, et une invitation pour tous à lever les yeux vers le ciel, là où le Christ siège à la droite de Dieu, là où notre vie est cachée en Dieu avec le Christ, jusqu'à ce qu'elle se manifeste dans la gloire (Col 3,1-4) .
(19) Conc. Vat. II, Decr. Perfectae caritatis, n. PC 12.
Dans l'antiquité
35 L'étude des documents historiques relatifs au célibat ecclésiastique serait fort instructive mais trop longue. Qu'il suffise de donner ici les brèves indications qui suivent. Dans l'antiquité chrétienne, les Pères de l'Eglise et écrivains ecclésiastiques témoignent de la diffusion qu'avait pris chez les ministres sacrés, tant en Orient qu'en Occident, la pratique librement assumée du célibat,(20) à cause de son éminente convenance au don total qu'ils font d'eux-mêmes au service du Christ et de son Eglise.
(20) Cf. Tertullien, De exhor. castitatis, 13; PL 2, 930; S. Epiphane, Adv. haer. II, 48, 9 et 59, 4; PG 41, 869, 1025; S. Ephrem, Carmina nisibena, XVIII, XIX, ed. G. Bickell, Lipsiae 1866, p. 122; Eusebe de Césarée, Demonstr. evang. 1, 9; PG 22, 81; S. Cyrille de Jérusalem, Catech. 12, 25; PG 33, 757; S. Ambroise, De offic. ministr. 1, 50; PL 16, 97 ss.; S. Augustin, De moribus Eccl. cathol. 1, 32; PL 32, 1339; S. Jérome, Adv. Vigilant. 2, PL 23, 340-41; Sinesio de Tolom., Æpist. 105; PG 66, 1485.
Dans l'Eglise d'Occident
36 A partir du début du IVe siècle, l'Eglise d'Occident, par suite des interventions de plusieurs conciles provinciaux et des Souverains Pontifes, renforça, développa et sanctionna cette pratique du célibat.(21) Ce furent surtout les Pasteurs et Maîtres suprêmes de l'Eglise de Dieu, gardiens et interprètes du patrimoine de la foi et de la pureté des moeurs chrétiennes, qu'on vit promouvoir, protéger et restaurer le célibat ecclésiastique aux différentes époques de l'histoire, même quand des oppositions se manifestaient dans les rangs du clergé lui-même et que le relâchement des moeurs dans une société en décadence ne favorisait guère les actes héroïques de vertu. L'obligation du célibat fut ensuite solennellement sanctionnée par le concile de Trente (22) et finalement insérée dans le Code de droit canonique (Can. CIS 132, $ 1).
(21) La première fois au Concile d'Elvire en Espagne (c. a. 300), c. 33; Mansi II, 11.
(22) Sess. XXIV, can. 9-10.
Le magistère pontifical plus récent
37 Les Souverains Pontifes de l'époque plus récente ont déployé l'ardeur de leur zèle et leur effort doctrinal pour éclairer et stimuler le clergé dans la pratique de cette observance.(23) A ce propos, Nous ne voulons pas manquer de rendre un hommage spécial à la pieuse mémoire de Notre Prédécesseur, dont le souvenir reste vivant au coeur des hommes. Au cours du Synode Romain, il prononça, au milieu des approbations sans réticence de Notre clergé de Rome, les paroles suivantes: " Nous sommes navré ... que certains puissent s'imaginer que l'Eglise catholique en viendra délibérément ou par convenance à renoncer à ce qui, durant de longs siècles, fut et demeure l'une des gloires les plus nobles et les plus pures de son sacerdoce. La loi du célibat ecclésiastique et le souci de la faire prévaloir évoquent toujours les combats des temps héroïques, alors que l'Eglise du Christ dut engager la lutte et réussit à faire triompher sa glorieuse trilogie, emblème constant de victoire: Eglise du Christ libre, chaste et catholique" .(24)
(23) S. Pie X, Exhort. Haerent animo, 4 aug. 1908; ASS 41, 1908, pp. 555-557; Benoit XV, Lett. à l'Archev. de Prague F. Kordac, 29 janv. 1920: AAS 12, 1920, p. 57 s.; Alloc. consist. 16 dec. 1920: AAS 12, 1920, pp. 585-588; Pie XI, Enc. Ad catbolici sacerdotii 20 déc. 1935: AAS 28, 1936, pp. 24-30; Pie XII, Adhort. Menti Nostrae, 23 sept. 1950: AAS 42, 1950, pp. 657-702; Enc. Sacra virginitas, 25 mars 1954: AAS 46, 1954, pp. 161-191; Jn XXIII, Enc. Sacerdotii Nostri primordia, aug.aug. 1959: AAS 51, 1959, pp. 554-556.
(24) Alloc. II au Synode Romain, 26 janvier 1960: AAS 52, 1960, pp. 235-236 (texte lat. p. 226).
Dans l'Eglise d'Orient
38 Si la législation de l'Eglise Orientale en matière de discipline du célibat ecclésiastique est différente, selon ce qui fut finalement établi par le Concile " in Trullo " de 692 (25) et ouvertement reconnu par le second Concile du Vatican,(26) cela est dû aussi à des circonstances historiques différentes et propres à cette partie très noble de l'Eglise: à cette situation spéciale, le Saint Esprit a providentiellement et surnaturellement adapté son assistance.
Qu'il Nous soit permis de saisir l'occasion présente pour exprimer Notre estime et Notre respect à l'ensemble du clergé des Eglises Orientales et pour reconnaître les exemples de fidélité et de zèle qu'il donne et qui le rendent digne d'une sincère vénération.
(25) Can. 6, 12, 13, 48: Mansi XI, 944-948, 965.
(26) Decr. Presbyter Ordinis, PO 16
La voix des Pères Orientaux
39 Mais il est une autre raison qui Nous incite à maintenir intacte la discipline touchant le célibat ecclésiastique, c'est l'éloge que les Pères Orientaux font de la virginité. Nous entendons par exemple saint Grégoire de Nysse nous rappeler que la vie " dans la virginité est l'image de la béatitude qui nous attend dans le monde à venir "; (27) nous trouvons tout autant d'assurance dans la manière dont saint Jean Chrysostome célèbre le sacerdoce: elle offre de nos jours encore un thème à notre méditation. Voulant mettre en lumière l'harmonie qui doit nécessairement accorder la vie privée du ministre de l'autel à la dignité que lui confèrent ses fonctions sacrées, ce Père de l'Eglise affirme: " ... il convient que celui qui s'approche du sacerdoce soit pur comme s'il était aux cieux ".(28)
(27) De Virginitate, 13: PG 46, 381-382.
(28) De Sacerdotio, l. III, 4: PG 48, 642.
Indications significatives dans la tradition orientale
40 Il ne sera pas inutile non plus d'observer qu'en Orient l'épiscopat est également réservé aux prêtres célibataires et que les prêtres, une fois ordonnés, ne peuvent plus se marier. D'où il apparaît en quel sens ces Eglises si respectables possèdent jusqu'à un certain point le principe du sacerdoce célibataire et celui d'une certaine convenance entre le célibat et le sacerdoce chrétien, dont les Evêques possèdent le couronnement et la plénitude.(29)
(29) Const. dogm. Lumen Gentium, LG 21,28
Fidélité de l'Eglise d'Occident à sa tradition propre
41 En tout cas, l'Eglise d'Occident ne peut pas faiblir dans la fidélité à la tradition ancienne qui est la sienne; il n'est pas pensable qu'elle ait pendant des siècles suivi un chemin qui, au lieu de favoriser la richesse spirituelle de chacun et de tout le Peuple de Dieu, ait en quelque façon compromis celle-ci, ou que, par des interventions juridiques arbitraires, elle ait endigué le libre développement des réalités les plus profondes de la nature et de la grâce.
Cas particuliers
42 En vertu de la norme fondamentale du gouvernement de l'Eglise catholique à laquelle Nous avons fait allusion plus haut (n. 15 ), tout en confirmant la loi qui réclame de ceux qui accèdent aux Ordres sacrés le choix libre du célibat perpétuel, on pourra par ailleurs examiner les conditions spéciales des ministres sacrés mariés, qui appartiennent à des Eglises ou communautés chrétiennes encore séparées de la communion catholique, et qui, désirant adhérer à la plénitude de cette communion et y exercer leur ministère, sont admis aux fonctions sacerdotales. On examinera leur situation de manière à ne pas porter pour autant préjudice à la discipline actuelle en matière de célibat.
L'autorité de l'Eglise ne se refuse pas à l'exercice de son pouvoir en ce domaine. On peut en voir une preuve dans la possibilité, prévue par le récent Concile, de conférer le diaconat même à des hommes mariés d'âge mûr.(30)
(30) Const. cit., n. LG 29.
Confirmation de la loi
43 Mais il ne faut pas voir en tout cela un relâchement de la loi en vigueur ni l'interpréter comme prélude à son abolition. Il y a mieux à faire que d'encourager la considération de cette perspective; elle affaiblit dans les âmes la force et l'amour qui donnent au célibat assurance et bonheur; elle obscurcit la véritable doctrine qui justifie l'existence du célibat et en exalte le rayonnement. Il faut bien plutôt promouvoir les études par lesquelles la virginité et le célibat voient confirmer leur vrai sens spirituel et leur valeur morale.(31)
(31) Const. cit., n. LG 42.
Confiance de l'Eglise
44 La virginité pour Dieu est un don spécial. Toutefois l'Eglise actuelle tout entière, officiellement représentée dans son universalité par ses pasteurs responsables - tout en respectant, Nous l'avons dit, la discipline des Eglises Orientales - a manifesté sa pleine conviction dans l'Esprit-Saint que " le don du célibat, qui présente une telle convenance pour le sacerdoce du Nouveau Testament, est libéralement accordé par le Père, à condition que ceux qui participent au sacerdoce du Christ par le sacrement de l'Ordre, et avec eux l'Eglise entière, le demandent instamment et en toute humilité ".(32)
(32) Decr. Presbyter Ordinis, PO 16
La prière du Peuple de Dieu
45 Nous invitons donc tout le Peuple de Dieu à se rassembler en quelque sorte pour répondre à son obligation de faire croître le nombre de vocations sacerdotales (33) en suppliant avec instance le Père de tous, l'Epoux divin de l'Eglise, et l'Esprit Saint, qui en est l'âme, par l'intercession de la Vierge Marie, Mère du Christ et Mère de l'Eglise: que Dieu répande, surtout en notre temps, ce don divin dont Il n'est certes pas avare; et que les âmes s'y disposent, en esprit de foi profonde et d'amour généreux. Que de la sorte, dans notre monde, qui a besoin d'être éclairé par la gloire de Dieu (cf. Rm 3,23), les prêtres, toujours plus conformes au Prêtre unique et suprême, soient une gloire rayonnante du Christ (2Co 8,23) et que par eux, resplendisse sur le monde d'aujourd'hui la " gloire de la grâce " de Dieu (cf. Ep 1,6) .
(33) Decr. Optatam totius, OT 2 PO 11
Le monde d'aujourd'hui et le célibat ecclésiastique
46 Oui, c'est précisément le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui, chers et vénérés Frères dans le sacerdoce, objet de Notre amour " dans le coeur de Jésus-Christ " (Ph 1,8), c'est ce monde en crise de croissance et de transformation, si fier à juste titre des valeurs humaines et des conquêtes de l'homme, c'est lui qui a un urgent besoin du témoignage que constituent des vies consacrées aux valeurs spirituelles les plus hautes et les plus sacrées. Ce témoignage est nécessaire pour que notre époque ne soit pas privée d'une lumière d'essence très rare et sans égale: celle des plus hautes conquêtes spirituelles.
Le petit nombre des prêtres
47 Notre Seigneur Jésus-Christ n'a pas hésité à confier à une poignée d'hommes que tout le monde aurait jugés insuffisants en nombre et en qualité, la charge écrasante d'évangéliser le monde connu d'alors. A ce " petit troupeau ", il enjoignit de ne pas perdre courage (Lc 12,32), parce qu'il remporterait avec Lui et par Lui, grâce à son assistance toujours présente (Mt 28,20), la victoire sur le monde (Jn 16,33) . Jésus nous a également avertis que le Royaume des Cieux possède en lui-même une force propre et secrète qui lui permet de croître et d'arriver à la moisson sans que l'homme le sache (Mc 4,26-29) . La moisson du Royaume de Dieu est immense, et les ouvriers sont peu nombreux aujourd'hui comme aux premiers jours; ils ne furent même jamais en nombre tel que le jugement humain l'aurait cru suffisant. Mais le Seigneur du Royaume demande qu'on prie afin que ce soit le Maître qui envoie lui-même les ouvriers dans son champ (Mt 9,37-38) . Les projets et la prudence humaines ne peuvent usurper le rôle de la mystérieuse sagesse de Celui qui au cours de l'histoire a défié par sa folie et sa faiblesse la sagesse et la puissance de l'homme (1Co 1,20-31).
Le courage de la foi
48 Nous en appelons au courage de la foi pour dire cette conviction profonde de l'Eglise: une réponse plus engagée et plus généreuse à la grâce, une confiance plus explicite et plus entière en sa puissance mystérieuse et irrésistible, un témoignage plus franc et plus plénier rendu au mystère du Christ, ne mèneront jamais l'Eglise à une faillite dans sa mission de salut du monde entier, quoi qu'il en soit des conjectures humaines et des apparences extérieures. Chacun doit savoir qu'il peut tout en Celui qui seul donne la force aux âmes (Ph 4,13) et la croissance à son Eglise (1Co 3,6-7) .
Le fond du problème
49 On ne peut croire toute simplement que l'abolition du célibat ecclésiastique accroîtrait par le fait même et de façon notable le nombre de vocations: l'expérience actuelle des Eglises et communautés ecclésiales où les ministres sacrés peuvent se marier semble prouver le contraire. C'est surtout d'autres côtés qu'il faut chercher la cause de la diminution des vocations sacerdotales: par exemple, dans la perte ou l'affaiblissement du sens de Dieu et du sacré au niveau individuel et parmi les familles, dans le fait qu'on estime moins ou qu'on méconnaît l'Eglise comme l'institution qui apporte le salut par la foi et les sacrements. Il faut donc, dans l'étude du problème, aller aux éléments vraiment fondamentaux.
1967 Sacerdotalis caelibatus