Homéliaire patristique 139
139 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Mc 18,33-37)
Lorsque Jésus comparut devant Pilate, celui-ci l'interrogea: "Es-tu le roi des Juifs?"
Homélie
Mon royaume n'est pas de ce monde
Homélie de saint Augustin (+ 430)
Commentaire sur l'évangile de Jean, 115, 2; CCL 36, 644-645.
Écoutez donc, Juifs et Gentils; écoutez, circoncis et incirconcis; écoutez, tous les royaumes de la terre. Je ne m'oppose pas à votre exercice du pouvoir en ce monde, mon royaume n'est pas de ce monde (Jn 18,36).
Ne vous laissez pas égarer par la peur, comme Hérode le Grand, qui fut frappé d'épouvanté quand on lui annonça la naissance du Christ. La peur, plus encore que la colère, déchaîna sa cruauté et, pour faire mourir Jésus, il ordonna le massacre de nombreux enfants (cf. Mt 2,3.16). Mon royaume, dit le Christ, n'est pas de ce monde. Que voulez-vous savoir de plus? Venez dans le royaume qui n'est pas de ce monde; venez-y par la foi, et que la peur ne vous rende pas cruels!
Le Christ, il est vrai, dit dans un psaume prophétique, en parlant de son Père: Il m'a sacré roi sur Sion, sa sainte montagne (cf. ps 2,6). Mais cette ville et cette montagne ne sont pas de ce monde. Qu'est-ce, en effet, que le royaume du Christ? Simplement ceux qui croient en lui, ceux à qui il dit: Vous n'êtes pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde (Jn 17,16). Il veut pourtant qu'ils soient dans le monde. Aussi prie-t-il le Père pour eux: Je ne demande pas que tu les retires du monde, mais que tu les gardes du Mauvais (Jn 17,15). Voilà pourquoi il ne dit pas: "Mon royaume n'est pas dans ce monde", mais: Mon royaume n'est pas de ce monde. Il le confirme ensuite en ajoutant: Si mon royaume était de ce monde, j'aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs (Jn 18,36).
Il ne dit donc pas: "Mon royaume n'est pas ici", mais: Mon royaume n'est pas d'ici (Jn 18,36). Car son royaume est établi ici-bas et il durera jusqu'à la fin des temps; il contiendra un mélange d'ivraie jusqu'à la moisson, qui est la fin du monde. Alors viendront les moissonneurs, qui sont les anges, et ils enlèveront tous ceux qui font tomber les autres. Ce qui serait impossible si son royaume n'existait pas ici-bas (cf. Mt 13,38-41).
Pourtant, comme il est exilé dans le monde, il n'est pas d'ici. Le Christ dit en effet à ceux qui font partie de son royaume: Vous n'appartenez pas au monde, puisque je vous ai choisis en vous prenant dans le monde (Jn 15,19). Ils étaient donc du monde, quand ils n'étaient pas encore sujets du royaume, mais du prince de ce monde. Aussi, tous les hommes, bien que créés par le Dieu véritable, sont du monde en tant qu'issus de la race d'Adam, race corrompue et condamnée. Mais ceux d'entre eux qui sont régénérés dans le Christ forment le royaume qui n'est plus de ce monde.
Voilà comment Dieu nous a arrachés au pouvoir des ténèbres et nous a fait entrer dans le royaume de son Fils bien-aimé (Col 1,13), ce royaume dont le Christ dit: Mon royaume n'est pas de ce monde, ou bien: Mon royaume n'est pas d'ici (Jn 18,36).
Prière
Dieu éternel, tu as voulu fonder toutes choses en ton Fils bien-aimé, le Roi de l'univers; fais que toute la création, libérée de la servitude, reconnaisse ta puissance et te glorifie sans fin. Par Jésus Christ.
140 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc Lc (Lc 21,25-36)
Jésus parlait à ses disciples de sa venue: "Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées par le fracas de la mer et de la tempête."
Homélie
Les deux avènements du Seigneur
Sermon de saint Bernard (+ 1153)
Sermons sur l'avent du Seigneur, 4, 1, 3-4, Opera omnia, éd leclercq, 4, 1966, 182-185
Il va de soi, mes frères, que vous devez célébrer de toute votre dévotion l'avènement du Seigneur, étant charmés par une telle consolation, stupéfaits par une telle commisération, enflammés par une telle dilection! Mais ne pensez pas seulement à l'avènement où le Seigneur est venu chercher et sauver ce qui était perdu (Lc 19,10); pensez à celui où il viendra pour nous prendre avec lui. Puissiez-vous consacrer à ces deux avènements une méditation prolongée, en ruminant dans vos coeurs ce qu'il a donné dans le premier, ce qu'il a promis dans le second! <>
Car voici le temps du jugement: il va commencer par la famille de Dieu. Mais comment finiront-ils, ceux qui refusent d'obéir à l'Évangile de Dieu (1P 4,17)? Que sera le jugement final pour ceux qui ne se relèvent pas de ce jugement-ci? Tous ceux qui se dérobent au jugement qui a lieu maintenant, où le prince de ce monde est jeté dehors, qu'ils attendent, ou plutôt qu'ils redoutent ce juge par lequel eux-mêmes seront jetés dehors avec leur prince. Mais nous, si nous sommes pleinement jugés maintenant, attendons en sécurité comme Sauveur le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l'image de son corps glorieux (Ph 3,20-21). Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père (Mt 13,43).
Lorsque le Seigneur reviendra, il transfigurera notre corps de misère à la ressemblance de son corps de gloire, mais seulement si notre coeur a été auparavant transfiguré en devenant conforme à l'humilité de son coeur. C'est pourquoi il disait: Devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur (Mt 11,29).
Découvrez dans ce texte qu'il y a deux sortes d'humilité: l'une de connaissance, l'autre d'amour, appelée ici l'humilité du coeur. La première nous enseigne que nous ne sommes rien, et nous en sommes instruits par nous-mêmes, par notre propre faiblesse. Avec la seconde, nous piétinons la gloire du monde, et nous en sommes instruits par celui qui s'est anéanti, en prenant la condition de serviteur; appelé au trône, il s'est enfui; mais appelé à tous les outrages et à l'ignominieux supplice de la croix, il s'y est offert lui-même de son plein gré.
Prière
Donne à tes fidèles, Dieu tout-puissant, d'aller avec courage sur les chemins de la justice à la rencontre du Seigneur, pour qu'ils soient appelés, lors du jugement, à entrer en possession du royaume des cieux. Par Jésus Christ.
141 Evangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 3,1-6)
L'an quinze du règne de l'empereur Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur de Judée, Hérode, prince de Galilée, son frère Philippe, prince du pays d'Iturée et de Traconitide, Lysanias, prince d'Abilène, les grands prêtres étant Anne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, fils de Zacharie.
Homélie
Préparez votre coeur
Homélie d'Origène (+ 253)
Homélies sur saint Luc. 21. SC 87, 292-299
La parole de Dieu fut adressée dans le désert à Jean, fils de Zacharie, et il parcourait toute la région du Jourdain (Lc 3,2-3). Ce sont évidemment ces lieux proches du Jourdain que Jean devait parcourir: ainsi celui qui voulait faire pénitence pourrait facilement être plongé dans l'eau.
Le nom de "Jourdain" signifie: "celui qui descend." Le fleuve de Dieu "qui descend" avec la puissance d'un flot abondant, c'est le Sauveur, notre Seigneur, en qui nous sommes baptisés dans l'eau véritable, dans l'eau du salut.
Jean Baptiste prêche un baptême pour le pardon des péchés (Lc 3,4): "Venez, catéchumènes, faites pénitence afin de recevoir le baptême pour le pardon des péchés. Il reçoit ce baptême pour le pardon des péchés, celui qui cesse d'en commettre. Mais celui qui vient au baptême en demeurant dans le péché, ses péchés ne lui sont pas pardonnes. Ainsi, je vous en conjure, ne venez pas au baptême sans réflexion et examen attentif: donnez d'abord des fruits qui expriment votre conversion (Lc 3,8). Ayez pendant quelque temps une conduite honorable, gardez-vous purs de toutes les souillures et de tous les vices, et vous recevrez le pardon de vos péchés quand vous aurez commencé vous-mêmes à mépriser vos propres péchés. Quittez ces fautes, et l'on vous en tiendra quittes.
La citation de l'Ancien Testament, qui est alléguée ensuite, se lit chez le prophète Isaïe: Voix de celui qui crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers (cf. Is 40,3). Quel chemin allons-nous préparer pour le Seigneur? Un chemin matériel? Mais la Parole de Dieu suit-elle un pareil chemin? Ou faut-il préparer au Seigneur une route intérieure, et ménager dans notre coeur des sentiers droits et unis? Tel est le chemin par lequel est entré le Verbe de Dieu qui s'installe dans le coeur humain, capable de l'accueillir.
Il est grand le coeur de l'homme, il est spacieux et hospitalier, pourvu qu'il soit pur. Voulez-vous connaître son ampleur et sa largeur? Voyez quelle abondance de connaissances divines il peut embrasser! Il le dit lui-même: Il m'a donné une connaissance exacte du réel. Il m'a appris la structure de l'univers et l'activité des éléments, le commencement, la fin et le milieu des temps, les alternances des solstices et les changements de saisons, les cycles de l'année et les positions des astres, les natures des animaux et les humeurs des bêtes sauvages, les impulsions violentes des esprits et les pensées des hommes, les variétés des plantes et les vertus des racines (Sg 7,17-23). Vous voyez qu'il n'est pas petit, le coeur de s hommes, pour embrasser tant de choses! Entendez cette grandeur non de ses dimensions physiques, mais de la puissance de sa pensée, capable d'embrasser une aussi grande connaissance de la vérité.
Pour amener tous les gens simples à reconnaître la grandeur du coeur humain, j'apporterai quelques exemples familiers. Toutes les villes que nous avons traversées, nous les gardons dans notre esprit: leurs caractéristiques, la situation des places, des remparts et des édifices demeurent dans notre coeur. Le chemin que nous avons parcouru, nous le conservons dessiné et inscrit dans notre mémoire; la mer où nous avons navigué, nous la contenons dans notre pensée silencieuse. Je le répète, il n'est pas petit le coeur qui peut embrasser tant de choses! Et s'il n'est pas petit pour embrasser tant de choses, on peut bien y préparer le chemin du Seigneur et rendre droit son sentier, pour que puisse y marcher celui qui est la Parole et la Sagesse. Préparez le chemin du Seigneur par une conduite honorable, par des oeuvres excellentes; aplanissez le sentier afin que le Verbe de Dieu marche en vous sans rencontrer d'obstacle et vous donne la connaissance de ses mystères et de son avènement, lui à qui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen (1P 4,11).
Prière
Seigneur tout-puissant et miséricordieux, ne laisse pas le souci de nos tâches présentes entraver notre marche à la rencontre de ton Fils; mais éveille en nous cette intelligence du coeur qui nous prépare à l'accueillir et nous fait entrer dans sa propre vie. Lui qui règne avec toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles. Amen.
142 Évangile
Evangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 3,10-18)
Les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient: "Que devons-nous faire?" Jean leur répondait: "Celui qui a deux vêtements, qu'il partage avec celui qui n'en a pas; et celui qui a de quoi manger, qu'il fasse de même! "
Homélie
Il tient la pelle à vanner
Homélie d'Origène (+ 253)
Homélies sur saint Luc, 26, 3-5; SC 87, 340-342.
Le baptême par lequel Jésus baptise est dans l'Esprit Saint et dans le feu (Lc 3,17). Si tu es saint, tu seras baptisé dans l'Esprit Saint; si tu es pécheur, tu seras plongé dans le feu. Le même baptême deviendra condamnation et feu pour les pécheurs indignes; mais les saints, ceux qui se convertissent au Seigneur avec une foi entière, recevront la grâce du Saint-Esprit et le salut.
Donc, celui qui est dit baptiser dans l'Esprit Saint et dans le feu tient la pelle à vanner et va nettoyer son aire à battre le blé; il amassera le grain dans son grenier; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s'éteint pas (Lc 3,17-18). Je voudrais découvrir pour quel motif notre Seigneur tient la pelle à vanner, et par q uel souffle la paille légère est emportée ça et là, tandis que le blé, plus lourd, s'accumule en un seul lieu, car, si le vent ne souffle pas, on ne peut séparer le blé de la paille.
Je crois que le vent doit s'entendre des tentations qui, dans la masse mélangée des croyants, révèlent que les uns sont de la paille, les autres, du froment. Car, lorsque votre âme a été dominée par une tentation, ce n'est pas la tentation qui l'a changée en paille, mais c'est parce que vous étiez de la paille, c'est-à-dire des hommes légers et sans foi, que la tentation a dévoilé votre nature cachée. En revanche, quand vous affrontez courageusement les tentations, ce n'est pas la tentation qui vous rend fidèles et constants; elle révèle seulement les vertus de constance et de courage qui étaient en vous, mais de façon cachée. Penses-tu, dit le Seigneur, que j'avais un autre but, en parlant ainsi, que de faire apparaître ta justice (Jb 40,3 LXX)? Et il dit ailleurs: Je t'ai affligé et je t'ai fait sentir la faim pour manifester ce que tu avais dans le coeur (Dt 8,3-5).
De la même manière, la tempête ne rend pas solide l'édifice bâti sur le sable (Mt, 7,24-25). Mais, si tu veux bâtir, que ce soit sur la pierre. Alors, quand la tempête se lèvera, elle ne renversera pas ce qui est fondé sur la pierre; mais pour ce qui vacille sur le sable, elle montre aussitôt que ses fondations ne valent rien. Aussi, avant que s'élève la tempête, que se déchaînent les rafales de vent, que débordent les torrents, tandis que tout demeure encore en silence, tournons toute notre attention sur le fondement de l'édifice, construisons notre demeure avec les pierres variées et solides des commandements de Dieu; quand la persécution se déchaînera et qu'une cruelle tourmente s'élèvera contre les chrétiens, nous pourrons montrer que notre édifice est fondé sur la pierre, le Christ Jésus.
Mais si quelqu'un le renie - que ce malheur nous soit épargné! - qu'il le sache bien: ce n'est pas au moment où son reniement est devenu visible qu'il a renié le Christ; i l portait en lui des semences et des racines de reniement déjà anciennes; mais c'est plus tard qu'on a découvert ce qu'il portait et qui, alors, devenait public.
Aussi, prions le Seigneur pour que nous soyons un édifice solide, qu'aucune tempête ne peut renverser, parce que fondé sur la pierre, sur notre Seigneur Jésus Christ, à qui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen.
Prière
Tu le vois, Seigneur, ton peuple se prépare à célébrer la naissance de ton Fils; dirige notre joie vers la joie d'un si grand mystère, pour que nous fêtions notre salut avec un coeur vraiment nouveau. Par Jésus Christ.
143 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 1,39-45)
En ces jours-là, Marie se mit en route rapidement vers une ville de la montagne de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth.
Homélie
Accueillir dans la joie les deux avènements du Sauveur
Sermon du bienheureux Guerric d'Igny (+ 1157)
Sermons pour l'avent, 2, 1-4; SC 166, 104-116.
Voici le Roi qui vient, accourons au-devant de notre Sauveur (texte liturgique). Salomon a fort bien dit: Le messager d'une bonne nouvelle venant d'un pays lointain, c'est de l'eau fraîche pour l'âme assoiffée (Pr 25,25). Oui, c'est un bon messager celui qui annonce l'avènement du Sauveur, la réconciliation du monde, les biens du siècle à venir. Qu'ils sont beaux, les pas de ceux qui annoncent la paix, qui annoncent la bonne nouvelle (Is 52,7).
De tels messagers sont une eau rafraîchissante et une boisson de sagesse salutaire pour l'âme assoiffée de Dieu. En vérité, celui qui lui annonce l'arrivée du Seigneur ou ses autres mystères lui donne à boire les eaux puisées dans la joie aux sources du Sauveur (Is 12,3). Aussi, à celui qui lui porte cette annonce, que ce soit Isaïe ou n'importe quel prophète, cette âme répond, semble-t-il, avec les paroles d'Elisabeth, parce qu'elle était abreuvée au même Esprit: Et comment m'est-il donné que mon Seigneur vienne à moi? Car lorsque la voix de ton annonciation est venue à mes oreilles, mon esprit a bondi de joie (cf. Lc 1,43-44) en moi-même, dans l'enthousiasme d'aller à la rencontre de Dieu son Sauveur. <>
Que notre esprit exulte donc d'une vive allégresse, qu'il accoure au-devant de son Sauveur, qu'il adore et salue celui qui vient de si loin, en l'acclamant par ces paroles: "Viens donc Seigneur," sauve-moi et je serai sauvé (Jr 17,14). Car c'est toi que nous avons attendu. Sois notre salut au temps de la calamité (Is 33,2). C'est ainsi que les prophètes et les justes allaient, avec tant de désir et d'amour, à la rencontre du Christ qui devait venir, en désirant, si c'était possible, voir de leurs yeux ce que, par avance, ils voyaient en esprit. <>
Nous attendons le jour anniversaire de la Nativité du Christ, dont on nous annonce que nous le verrons bientôt. Et l'Écriture semble exiger de nous une joie telle que l'esprit, s'élevant au-dessus de lui-même, s'empresse d'accourir au-devant du Christ qui vient; il se porte en avant par le désir, il s'efforce, sans tolérer aucun retard, de voir déjà ce qui est encore à venir.
Personnellement, je pense en effet que ce n'est pas seulement à propos du second avènement, mais déjà à propos du premier que tant de textes de l'Écriture nous pressent d'accourir à sa rencontre. Comment cela? demandez-vous. Voici: de même que nous accourrons au-devant du second avènement par un élan et une exultation de notre corps, de même devrons-nous accourir à la rencontre du premier par l'amour et l'exultation de notre coeur. <>
Or, selon le mérite et le zèle de chacun, cet avènement du Seigneur est plus ou moins fréquent pendant le temps qui s'écoule entre le premier avènement et le dernier; il nous rend conformes au premier et nous prépare au dernier. Certes, il vient en nous maintenant pour que le premier ne l'ait pas fait venir en vain, et que lors du dernier avènement il ne vienne pas en étant irrité contre nous.
En cet avènement-ci, il s'efforce de réformer notre esprit plein d'orgueil en le rendant conforme à cet esprit d'humilité qu'il a montré dans sa première venue, afin de pouvoir transformer pareillement nos pauvres corps à l'image de son corps glorieux (Ph 3,21), celui qu'il nous montrera quand il reviendra une seconde fois. <>
Donc puisque le premier avènement est celui de la grâce, le dernier, celui de la gloire, l'avènement présent est à la fois celui de la grâce et de la gloire; c'est-à-dire qu'il nous permet, par les consolations de la grâce, de goûter déjà d'une certaine façon la gloire future. <> Qu'ils sont heureux ceux dont l'ardente charité a déjà mérité de recevoir ce privilège!
Pour nous, mes frères, qui n'avons pas encore la consolation d'une expérience aussi élevée, pour que nous demeurions patients jusqu'à l'avènement du Seigneur, ayons, en attendant, la consolation d'une foi solide et d'une conscience pure qui nous permettra de dire, avec autant de félicité que de fidélité, comme saint Paul: Je sais en qui j'ai mis ma foi, et je suis sûr qu'il est assez puissant pour garder mon dépôt jusqu'à ce jour-là, c'est-à-dire jusqu'à l'avènement de gloire de Jésus Christ, notre grand Dieu et Sauveur (2Tm 1,12 Tt 2,13), à qui appartient la gloire pour les siècles des siècles. Amen.
Prière
Que ta grâce, Seigneur notre Père, se répande en nos coeurs; par le message de l'ange, tu nous as fait connaître l'incarnation de ton Fils bien-aimé; conduis-nous par sa passion et par sa croix jusqu'à la gloire de sa résurrection. Par Jésus Christ.
144 Évangile
Commencement de l'Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu (Mt 1,1-25); lecture brève: 1, 18-25
Voici la table des origines de Jésus Christ, fils de David, fils d'Abraham: Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères.
ou bien
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 2,1-14)
En ces jours-là, parut un édit de l'empereur Auguste, ordonnant de recenser toute la terre.
Homélie
au choix Le signe de l'enfant
Sermon de saint Aelred de Rievaux (+ 1167)
Sermons pour Noël, 2; PL 195, 226-227.
Aujourd'hui nous est né le Sauveur du monde, qui est le Christ Seigneur, dans la ville de David (cf. Lc 2,11-12), qui est Bethléem. Nous devons donc y accourir comme firent les bergers lorsqu'ils eurent entendu cette nouvelle, et mettre en pratique les paroles que nous chantons traditionnellement à cette date: Ils chantèrent la gloire de Dieu, ils accoururent à Bethléem (cf. Lc 2,15 Lc 2,20).
Et ceci, dit l'ange, sera pour vous un signe: vous trouverez un enfant enveloppé de langes et déposé dans une mangeoire (cf. Lc 2,12-13). Or, voici ce que je vous dis: vous devez aimer. Vous craignez le Seigneur des anges, mais aimez le petit enfant; vous craignez le Seigneur de majesté, mais aimez ce petit emmailloté; vous craignez celui qui règne dans le ciel, mais aimez celui qui est couché dans une mangeoire.
Quel signe les bergers ont-ils donc reçu? Vous trouverez un enfant enveloppé de langes et couché dans une mangeoire. C'est lui le Sauveur, c'est lui le Christ, c'est lui le Seigneur. Mais qu'y a-t-il de remarquable à être emmailloté et couché dans une mangeoire? Est-ce que les autres enfants ne sont pas emmaillotés aussi? En quoi consiste donc ce signe?
Il est remarquable, certes, mais pourvu que nous le comprenions. Nous comprenons non seulement si nous entendons la nouvelle, mais si nous avons aussi dans notre coeur la lumière qui apparut avec les anges. L'ange qui proclama le premier la bonne nouvelle apparut entouré de lumière pour nous apprendre que ceux-là seuls entendent vraiment, qui ont dans l'esprit la lumière spirituelle.
On pourrait dire bien des choses sur ce signe, mais comme l'heure passe je n'en dirai que peu et brièvement. Bethléem, "la maison du pain", c'est la sainte Eglise, où l'on distribue le corps du Christ, le vrai pain. La mangeoire de Bethléem, dans l'Eglise, c'est l'autel. C'est là que se nourrissent les familiers du Christ. Au sujet de cette table, il est écrit: Tu prépares la table pour moi (cf. Ps 22,5). Dans cette mangeoire se trouve Jésus emmailloté. Cet enveloppement de langes, c'est l'aspect extérieur des sacrements. Dans cette mangeoire, sous l'apparence du pain et du vin, il y a le vrai corps et le vrai sang du Christ. Là, nous voyons qu'il y a le Christ en personne, mais enveloppé de langes, c'est-à-dire présent de façon invisible sous les sacrements. Nous n'avons pas de signe aussi grand et aussi évident de la naissance du Christ que le fait de consommer quotidiennement son corps et son sang au saint autel, et le fait que lui, qui est né pour nous d'une vierge une seule fois, nous le voyons chaque jour s'immoler pour nous.
Donc, mes frères, hâtons-nous vers la crèche du Seigneur, mais, autant que nous le pouvons, préparons-nous à cette approche par sa grâce, en tant qu'associés aux anges, avec un coeur pur, une bonne conscience et une foi sincère (cf. 2Co 6,6), nous chanterons au Seigneur par toute notre vie et notre comportement: Gloire à Dieu dans les hauteurs, et sur la terre paix aux hommes, objet de sa bienveillance (cf. Lc 2,14). Par notre Seigneur Jésus Christ, à qui appartiennent l'honneur et la gloire pour les siècles des siècles. Amen.
ou bien
Ta Parole toute-puissante est venue
Sermon de Julien de Vézelay (+ 1160)
Sermons sur Noël, 1; SC 192, 45.52.60.
Un silence paisible enveloppait toute chose, et la nuit était au milieu de son cours rapide, alors, ta Parole toute-puissante, Seigneur, est venue de ton trône royal (cf. Sg 18,14-15). Ce texte de l'Écriture désigne le temps très saint où la toute-puissante Parole de Dieu est venue jusqu'à nous pour nous parler de notre salut; partant du secret le plus intime du Père, elle descendait dans le sein d'une mère. Dieu qui avait parlé à nos pères par les prophètes sous des formes fragmentaires et variées dans les derniers temps, dans les jours où nous sommes, nous a parlé par ce Fils (He 1,1-2) dont il dit: Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis tout mon amour; écoutez-le (Mt 3,17 Mt 17,5). La Parole de Dieu vient donc à nous de son trône royal: elle s'abaisse pour nous élever; elle s'appauvrit pour nous enrichir; elle se fait homme pour nous diviniser.
Mais, pour que le peuple qui doit être racheté mette toute sa confiance et son espérance dans l'avènement et l'efficacité de cette parole, elle est appelée Parole toute-puissante. Car, si elle n'était pas la Parole toute-puissante, l'homme, damné et voué à toutes les misères, n'espérerait que de façon bien tiède et bien timide qu'elle le délivrerait du péché. Donc, pour que l'homme perdu ait la certitude de son salut, la Parole qui le sauve est appelée "toute-puissante".
Et voyez quelle toute-puissance: le ciel n'existait pas encore ni ce qui est contenu dans son enceinte (Est 16,10); il parla, et ce qu'il dit exista (Ps 32,9). Ce fut fait de rien (2M 7,28), car la toute-puissance de cette Parole créait, tout ensemble et instantanément, la matière avec la forme. Cette Parole a dit: Que le monde soit, et le monde a été fait. Elle a dit: Que l'homme soit, et l'homme a été fait.
Mais, ce qu'elle avait créé, la Parole ne l'a pas recréé aussi facilement. Elle a créé par son commandement, mais elle a recréé par sa mort; elle a créé en commandant, mais elle a recréé en souffrant. Vous m'avez donné bien de la peine (cf. Ml 2,17) avec vos péchés, dit-elle. La machine du monde ne m'a donné aucune peine pour l'organiser et la gouverner, car je déploie ma vigueur d'un bout du monde à l'autre et je gouverne l'univers avec douceur (Sg 8,1).
Seul l'homme, violateur obstiné de la loi fixée et promulguée par moi, m'a donné de la peine, avec ses péchés. C'est pourquoi, venant du trône céleste, je n'ai pas refusé de me renfermer dans le sein d'une vierge et de m'unir en une seule personne avec l'humanité déchue. Dès ma naissance on m'enveloppe de langes, on me couche dans une mangeoire parce qu'il n'y a pas de place à l'auberge pour le Créateur du monde. <>
Toutes choses étaient plongées au milieu du silence, c'est-à-dire entre les Prophètes qui ne parlaient plus, et les Apôtres qui parleront plus tard. Ce silence formait donc un "milieu" et une séparation entre la parole de ceux-ci et la parole de ceux-là. Donc, tandis que toutes choses étaient plongées au milieu du silence, la Parole toute-puissante, c'est-à-dire le Verbe du Père, est venue de son trône royal (Sg 18,14-15). Et il est beau que ce soit au milieu du silence que vienne le Médiateur entre Dieu et les hommes (1Tm 2,5), homme vers les hommes, mortel pour sauver les mortels, lui qui, par sa mort, sauvera les morts. <>
Qu'elle vienne encore maintenant, je l'en prie, la parole du Seigneur, vers ceux qui font silence. Écoutons ce que le Seigneur nous dit au fond de nous-mêmes. Qu'ils se taisent, les mouvements et les cris malencontreux de notre chair; qu'elles fassent silence, les images désordonnées de notre spectacle intérieur, pour que nos oreilles attentives écoutent librement ce que dit l'Esprit, écoutent la voix qui est au-dessus du firmament. En effet, l'Esprit de vie parle toujours à notre âme, et une voix se fait entendre du firmament qui domine nos têtes (cf. Ez 1,26), c'est-à-dire notre esprit. Mais nous, en portant notre attention ailleurs, nous n'entendons pas l'Esprit qui nous parle.
Prière
Père, toi qui as merveilleusement créé l'homme et plus merveilleusement encore rétabli sa dignité, fais-nous participer à la divinité de ton Fils, puisqu'il a voulu prendre notre humanité. Lui qui règne.
145 Évangile
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Lc 2,41-52)
Chaque année les parents de Jésus allaient à Jérusalem pour la fête de la Pâque. Quand il eut douze ans, ils firent le pèlerinage selon la coutume.
Homélie
au choix
Chercher Jésus
Homélie d'Origène (+ 253)
Homélies sur saint Luc, 18, 2-5; GCS 9, 112-113; SC 87, 266-271
Comme il avait douze ans, il demeure à Jérusalem. Ne sachant où il est, ses parents le cherchent avec inquiétude et ne le trouvent pas. Ils le cherchent parmi leurs parents, ils le cherchent parmi leurs compagnons de route, ils le cherchent parmi leurs connaissances (Lc 2,44), et ils ne le trouvent pas. Jésus est donc recherché par ses parents, par son père nourricier qui l'avait accompagné dans sa descente en Égypte, et pourtant ils ne le trouvent pas aussitôt qu'ils le cherchent. Car on ne trouve pas Jésus parmi les parents et parmi les proches selon la chair, parmi ceux qui lui sont unis par le corps. Mon Jésus ne peut être trouvé dans la foule.
Apprenez-donc où l'ont découvert ceux qui le cherchaient, afin que vous aussi, en le cherchant avec Marie et Joseph, vous puissiez le découvrir. A force de le chercher, dit l'évangéliste, ils le trouvèrent dans le Temple (Lc 2,46). Non pas n'importe où, mais dans le Temple, et là, en outre, au milieu des docteurs de la Loi qu'il écoutait et interrogeait (Lc 2,46-47). Vous aussi, cherchez Jésus dans le Temple de Dieu, cherchez-le dans l'Église, cherchez-le auprès des maîtres qui sont dans le Temple et n'en sortent jamais. Si vous cherchez ainsi, vous le trouverez. Mais si quelqu'un se dit un maître, et ne possède pas Jésus, il n'est maître que de nom, et on ne peut trouver auprès de lui Jésus, qui est le Verbe et la Sagesse de Dieu. <>
Ils le trouvent assis au milieu des docteurs, et non seulement assis, mais les interrogeant et les écoutant. Maintenant encore Jésus est ici: il nous interroge et il nous écoute parler. Et tous étaient dans l'admiration (Lc 2,48). A propos de quoi? Non de ses interrogations, bien qu'elles fussent admirables, mais de ses réponses (Lc 2,47).
Dans la sainte Écriture, "répondre" ne désigne pas un simple dialogue, mais un enseignement. Que la loi divine te l'apprenne: Moïse parlait, et Dieu lui répondait par sa voix (cf. Ex 19,19). Tantôt Jésus interroge, tantôt il répond et, nous l'avons dit, bien que son interrogation soit admirable, sa réponse l'est bien davantage. Pour que nous puissions l'entendre, nous aussi, et qu'il nous propose des questions qu'il résoudra lui-même, supplions-le et cherchons-le avec beaucoup d'efforts et de douleur, et alors nous pourrons trouver celui que nous cherchons. Ce n'est pas pour rien qu'il est écrit: Moi et ton père, nous te cherchions tout affligés (cf. Lc 2,49). Celui qui cherche Jésus ne doit pas chercher avec négligence, mollement, par intermittence, ainsi que certains le cherchent et qui, à cause de cela, ne peuvent le trouver. Quant à nous, disons: Nous te cherchons tout affligés.
Et quand nous lui aurons parlé ainsi, il répondra à notre âme qui se fatigue à le chercher dans la douleur: Ne le saviez-vous pas? C'est chez mon Père que je dois être (Lc 2,49-50).
ou bien
Grandir en humilité
Homélie de saint Bède le Vénérable (+ 735)
Homélies, 1, 19, CCL 122, 134-135 137-139.
La lecture du saint Évangile qu'on vient de proclamer, frères très chers, est limpide et n'a pas besoin que nous y ajoutions un commentaire. Elle englobe le bas âge et l'enfance de notre Rédempteur, par lequel il a daigné se faire participant de notre humanité; et elle rappelle l'éternité de la Majesté divine, par laquelle il est demeuré et demeure toujours égal au Père. C'est afin que nous-mêmes, rappelant à notre souvenir l'abaissement de l'Incarnation, nous nous efforcions de lutter contre toutes les blessures du péché en les guérissant par une sincère humilité. Nous qui sommes poussière et cendre, nous devrions toujours nous rappeler affectueusement combien, pour reconnaître l'amour divin aussi bien que pour assurer notre salut, nous devons nous humilier, puisque cette puissance souveraine n'a pas dédaigné de s'abaisser pour nous, au point de rejoindre les derniers degrés de notre faiblesse. <>
Que Jésus lui-même, à douze ans, soit assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant, c'est un témoignage de son humilité d'homme, et en outre un exemple éclatant qui nous enseigne à pratiquer cette vertu.
Ce que dit le Seigneur assis dans le Temple: C'est chez mon Père que je dois être (Lc 2,50), met en lumière que sa puissance et sa gloire sont coéternelles à celles du Père. Mais que, revenant à Nazareth, il était soumis (Lc 2,51) à ses parents, c'est à la fois un indice de vérité et un exemple d'humilité. Car il était soumis aux hommes selon cette nature qui le rend "inférieur au Père" (cf. Jn 14,28).
Et sa mère, dit l'Évangile, retenait tous ces événements et les méditait dans son coeur (Lc 2,19 Lc 2,51). Toutes les paroles dites au sujet du Seigneur, toutes les actions accomplies par lui, la Vierge Mère les gardait attentivement dans son coeur et les confiait soigneusement à sa mémoire. <>
Frères très chers, si nous désirons, dans la béatitude du siècle futur, habiter la maison du Seigneur pour le louer éternellement, il faut sans nul doute, dès ce siècle, montrer activement par avance ce que nous cherchons pour ce siècle futur. Il faut visiter les églises, non seulement en y chantant les louanges du Seigneur, mais encore en montrant, aussi bien par nos actes que par nos paroles, ce qui contribue à la louange et à la gloire de notre Créateur sur toute l'étendue de so n empire (Ps 102,22).
Après avoir dit que Jésus grandissait en sagesse, en taille et en grâce, on a bien fait d'ajouter: sous le regard de Dieu et des hommes (Lc 2,52), parce que, en révélant aux hommes, avec les progrès en taille et en âge, les dons de sagesse et de grâce qui étaient en lui, il n'avait pas d'autre souci que de les exciter sans cesse à louer Dieu le Père. Ainsi accomplissait-il lui-même ce qu'il avait prescrit aux autres de faire: Que votre lumière brille devant les hommes: alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux (Mt 5,16).
Prière
Tu as voulu, Seigneur, que la Sainte Famille nous soit donnée en exemple; accorde-nous de pratiquer, comme elle, les vertus familiales et d'être unis par les liens de ton amour, avant de nous retrouver pour l'éternité dans la joie de ta maison. Par Jésus Christ.
Homéliaire patristique 139